• No results found

01-10-16/REVUE DE LA PRESSE CONGOLAISE DE CE SAMEDI (CongoForum)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Share "01-10-16/REVUE DE LA PRESSE CONGOLAISE DE CE SAMEDI (CongoForum)"

Copied!
24
0
0

Bezig met laden.... (Bekijk nu de volledige tekst)

Hele tekst

(1)

01-10-16/REVUE DE LA PRESSE CONGOLAISE DE CE SAMEDI (CongoForum) Annoncée pour vendredi 30 septembre, la reprise des travaux du dialogue national a été reportée au samedi 1er octobre à la Cité de l’Union africaine (UA), à Kinshasa. Le facilitateur Edem Kodjo affirme avoir pris cette option à la suite de l’absence du président de la CENI, Corneille Nangaa, qui devait y présenter des indications claires sur le fichier et calendrier électoral. La reprise, en ce samedi 1° octobre, des assises du Dialogue à la cité de l’Union africaine est le principal sujet d’actualité de ce matin.

« Dialogue »/ encore un report.

Le facilitateur Edem Kodjo, explique Radio Okapi, a estimé que le point sur le calendrier électoral est important puisqu’il va permettre à la plénière du dialogue d’avoir la date précise de la tenue des élections et de trouver le compromis politique.

La brève plénière de ce vendredi s’est déroulée sans la participation de délégués de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), ni de la société civile alors que l’opposition comme la Majorité étaient bien présentes. Se confiant à Radio Okapi, certains participants estiment que l’accord politique ne peut être signé que si la CENI donne des indications claires sur le calendrier électoral.

Entre-temps, les parties présentes ce vendredi aux travaux confirment avoir déjà déposé auprès du facilitateur leurs propositions sur le projet d’accord politique. (Il va donc falloir discuter d’amendements, ce qui exigera du temps. Une perte de temps qui peut avoir pour but 1° soit de permettre le retour de ceux qui se sont retirés, 2° soit de « laisser pisser le mouton » en attendant on ne sait quoi mais en empêchant, sous prétexte que le « dialogue Kodjo » ne s’est pas encore terminé sur un échec, l’ouverture d’un second dialogue, avec une autre « facilitation », 3° de toute façon, garder ouvert le « robinet » des « per diem ».

NdlR)

Le dialogue avait été suspendu après les émeutes des 19 et 20 septembre à Kinshasa après que le Rassemblement ait protesté contre la non-convocation de l’électorat pour la présidentielle à venir.

La CENCO conditionne la reprise de sa participation aux travaux par la signature d’un accord politique qui mentionnant que l’actuel président de la République ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle à organiser le plus tôt possible. Les prélats catholiques exigent également que les dates des élections soient fixées dans ledit accord.

Le Potentiel titre en manchette « Accord politique : le blocage en vue ».

Au-delà de la discordance sur le timing du calendrier électoral que la Ceni pourrait présenter ce samedi en plénière du Dialogue à la cité de l’UA, fait remarquer ce quotidien, l’autre point de divergence reste ce refus catégorique de la part de la MP, à savoir qu’il ne soit pas mentionné dans le projet d’accord politique le fait que Joseph Kabila ne se représentera pas à la prochaine présidentielle, conformément à l’article 220 de la Constitution. D’où la persistance du blocage, conclut Le Potentiel.

(Pourquoi accorder encore une importance quelconque au chiffon de papier censé clôturer le pseudo—dialogue de Kodjo qui n’a été qu’un « congrès du PPRD et alliés avec quelques invités » ?

1° - Le « dialogue inclusif » n’a jamais commencé. Le mot « dialogue » suppose une sécurité physique et une liberté de parole dont on ne peut disposer dans le « bunker » de l’OUA à proximité des troupes de JKK. Le mot « inclusif » signifie que tout le monde doit y être. Or, la Majorité présidentielle, une frange (minoritaire) de l’opposition et de la société civile, cela n’est pas « inclusif ». C’est un congrès de la MP avec des invités. L’idée de ce

« dialogue inclusif » n’était peut-être pas mauvaise, mais alors il fallait, avant de commencer la moindre discussion, y obtenir la présence de l’UDPS, du MLC et tutti quanti et ne pas perdre en route la Cenco, l’OR etc… Dans l’état actuel des choses, comme disait récemment Le Phare, on n’a encore eu qu’un « dialogue entre la Majorité présidentielle et une frange non représentative de l’opposition et de la société civile », c’est-à-dire rien.

2° - Pourquoi se soucie-t-on tant de savoir si la fin du « mandat » du « Président » Kabila serait conforme à la Constitution, alors que la Constitution a été non pas violée, mais

(2)

chiffonnée, jetée à terre et foulée aux pieds pour le maintenir au pouvoir en 2011 après des élections NULLES. Elles avaient été organisées, tout comme celles de 2006, en faisant voter un « corps électoral inconnu », faute de recensement préalable de la population. Ce fait à lui seul suffirait à en « plomber » gravement la crédibilité. Elles ont, par-dessus le marché, été entachées de fraudes et de manipulations à un point tel qu’elles ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli. En d’autres termes, il y a en RDC un Président, des ministres, des autorités DE FAIT. Il n’y en a plus aucune qui puisse légitimement se dire « autorité de droit ». La réalité, c’est que l’usurpateur doit s’en aller. Si l’on a l’occasion de le faire partir « en douceur » en lui accordant un délai jusqu’en décembre pour faire ses malles, tant mieux. Sinon, qu’il subisse la violence qu’il a déjà infligée à tant d’autres !

3° - Il faut donc remettre à l’endroit les notions de légalité et d’illégalité qui, pour le moment sont cul par-dessus tête. La Constitution doit être remise en vigueur après une parenthèse pendant laquelle elle a été suspendue par un coup d’état. Il faut que les élections de novembre-décembre 2011 reçoivent la suite qu’elles méritaient : l'annulation pure et simple, des enquêtes sérieuses pour déterminer les causes et origines des irrégularités, qu’on punisse les responsables, qu’on les écarte définitivement de toute responsabilité électorale et qu’on en tire les conséquences quant aux futures élections 4 – La remise en état de la maison « Congo » après le désordre causé par un cambriolage demandera certainement du temps, ce qui rend inévitable une période de transition. Cela posera sans doute moins de problème si l’on a la certitude du départ de Kabila. Il serait très souhaitable que l’on s’inspirât de l’expérience acquise ailleurs en Afrique dans ce domaine et que, comme au Burkina ou en RCA, on décrète que les animateurs de la Transition ne pourront pas être candidats aux prochaines élections qui auront lieu après recensement. NdlR)

Situation politique générale depuis le massacre de septembre

L’Avenir annonce « Situation politique en Rdc : Washington s’alarme, Bruxelles apaise ».

Ce journal publie une réponse de la Belgique à l’alerte persistante lancée par le département d’État Américain sur la situation politique en RDC. Il a rappelé que dans un communiqué, Washington a sommé les familles du personnel diplomatique américain en poste au pays de vite quitter la RDC en raison de la détérioration de la situation sécuritaire.

Des messages alarmistes condamnés par le gouvernement qui appelle la population à se souder pour faire face au coup d’Etat en gestation. Et selon ce quotidien, si Washington voit la RDC au « bord » d’une guerre civile, tel n’est pas le cas pour la Belgique qui a une perception opposée de la situation.

« A ce stade, l’Ambassade de Belgique n’envisage pas de mesures similaires », fait savoir l’ambassade de Belgique à Kinshasa dans un communiqué parvenu à la rédaction de ce tabloïd. Pour la Belgique, l’alerte lancée par l’ambassade américaine l’a été pour des raisons qui lui sont propres.

Jeune Afrique titre « La solitude de Kabila sur la scène internationale ». Selon ce magazine, les affrontements meurtriers des 19 et 20 septembre ont isolé encore davantage le président Kabila sur la scène internationale : les Occidentaux s’entendent désormais sur une ligne dure, et l’inquiétude grandit dans la sous-région. Cet article, qui contredit radicalement celui de l’Avenir, figure bien entendu ci-dessous, dans la revue de la presse internationale de la semaine.

Le Potentiel titre « Martin Fayulu exprime son indignation face à l’indifférence du président de l’Assemblée nationale ».

C’est dans une lettre officielle que le député Fayulu a tenu a exprimer son « indignation » au président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, rapporte Le Potentiel. Martin Fayulu accuse « l’indifférence » du président de la Chambre basse du Parlement lors de son interpellation en février 2016 et tout récemment, lors des manifestations des 19 et 20 septembre 2016, note Le Potentiel.

(3)

Sport

La finale de la coupe de la confédération opposera le TP Mazembe de la RDC au Mouloudia Olympique de Bejaïa d’Algérie. La finale aller se jouera le 28 octobre et la manche retour est prévue le 6 novembre.

Or, les téléspectateurs RDCongolais risquent fort de ne pas voir ces matches ! Une victoire de Mazembe, ou même le fait que cette équipe ait simplement atteint la finale bénéficierait en effet à son principal dirigeant : Moïse Katumbi.

Dans une correspondance adressée aux autorités de la Radiotélévision Nationale Congolaise, les dirigeants du Tout puissant Mazembe dénoncent le refus de la radiotélévision nationale congolaise (RTNC) de diffuser en direct les matches de TP Mazembe alors que l’AFNEX, le réseau de diffusion des télévisions nationales d’Afrique, détient le droit de diffusion de cette compétition et en a fourni l’autorisation à la RTNC.

Une plate et stupide censure politique « à (trop) large spectre » est donc la seule explication possible.

Question subsidiaire : Supposons que Mazembe gagne et fasse une rentrée triomphale a vec gros concours de foule, que se passera-t-il ? Encore un petit massacre ?

Presse et documents étrangers

" Et pourquoi pas une aide belge à la médiation?

Colette Braeckman – Le Soir – le 23 septembre 2016

Recueillement ? Crainte de nouvelles violences ? Divergences et incertitudes …Alors que le dialogue national, censé résoudre la crise politique aurait dû se terminer en cette fin de semaine, le Congo est dans l’impasse : l’Eglise catholique a annoncé qu’elle suspendait sa participation, estimant qu’il serait plus judicieux de rechercher un consensus plus large.

De son côté, Vital Kamerhe, co-modérateur du dialogue pour le compte d’une partie de l’opposition, a également préconisé de reporter la poursuite des travaux, espérant toujours convaincre les deux grands absents, Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi, de rejoindre les négociateurs actuels. On en est loin : l’ancien gouverneur du Katanga, qui n’a toujours pas regagné son pays, a lancé un appel tous azimuts afin que soit établie une commission d’enquête internationale qui établirait, de manière indiscutable, les faits et les responsabilités dans les violences meurtrières du début de la semaine. Exprimant sa « profonde préoccupation », Didier Reynders ne dit pas autre chose : au vu de la « gravité des faits », il a demandé que « soit examinée la responsabilité des personnes impliquées.

» Il est évident que de nombreuses questions subsistent : outre le nombre exact de morts et de blessés, on ignore qui a donné à la garde républicaine l’ordre d’intervenir en ouvrant le feu, tout comme on se demande à qui obéissaient les casseurs qui ont dépassé les partis politiques….

Plus que jamais s’impose la nécessité de renforcer la médiation. La Belgique pourrait-elle proposer ses bons offices ? Alors que le torchon brûle entre Kinshasa et l’émissaire américain Thomas Periello, comme avec François Hollande depuis sa condamnation unilatérale des autorités congolaises, le ministre Didier Reynders a toujours observé une position aussi ferme qu’équilibrée : il a rencontré le président Kabila à maintes reprises, mais aussi accueilli à Genval la vaste rencontre de l’opposition où Tshisekedi fut choisi comme chef de file…

En marge des travaux de l’Assemblée générale de l’ONU, le ministre reconnaît qu’il a multiplié les contacts, avec tous les « envoyés spéciaux » dans les Grands Lacs mais aussi avec de nombreux chefs d’Etat africains dont les présidents Kagame et Museveni « Je n’ai pratiquement parlé que du Congo » reconnaît Didier Reynders qui n’a cependant pas été informé de la présence du président Kabila aux Etats Unis. Le ministre estime lui aussi qu’il faut « fixer une nouvelle date pour les élections et l’entourer d’un maximum de garanties

» et, auparavant, « élargir le dialogue à des personnalités comme Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi ». Si elle devait proposer ses bons offices, la Belgique, devra cependant veiller à ne pas heurter les susceptibilités régionales : «c’est l’Union africaine qui doit rester en première ligne » rappelle Didier Reynders qui pose cependant un préalable à toute

(4)

initiative : « le Bureau des Droits de l’homme de l’ONU doit pouvoir avoir accès à tous les sites, à toutes les informations, être à même de déterminer toutes les responsabilités… »

André Flahaut croit encore au Congo

Colette Braeckman – Le Soir – le 23 septembre 2016

Malgré la tourmente que traverse le Congo, André Flahaut, ancien Ministre de la Défense qui travaille depuis des années avec tous les acteurs politiques congolais, refuse de désespérer : « il y a encore moyen de provoquer un dialogue réel car tous les protagonistes partagent un point commun : ils sont attachés à leur pays. Tous se connaissent, ont déjà travaillé ensemble, participé au pouvoir, exercé des responsabilités… »

Les Congolais vont-ils réussir à sortir seuls de cette impasse, sans aide extérieure ? « Il faut demeurer prudent, ne pas heurter la fibre nationaliste, la fierté de nos interlocuteurs.

N’oublions pas que les Congolais se sont déjà vus imposer un dialogue initié de l’extérieur, avec des conditions formulées ailleurs. Il ne faudrait pas qu’ils se sentent dépossédés, mis sous tutelle… »

Que pourrait faire la Belgique ? « Je joins ma voix à celle du Ministre Reynders qui exprime sa grande inquiétude… Les Congolais souhaitent que la Belgique s’implique davantage.

Cette dernière pourrait, associée à d’autres, répondre à cette demande en accompagnant davantage le dialogue, en essayant de rétablir la confiance entre les parties, en tentant d’apaiser le climat…IL faut assister les différents protagonistes et nous avons en Belgique des gens qui pourraient aider, car ils sont attachés au Congo… »

Une centaine de morts" dans des affrontements à l'aéroport de Kananga AFP / Belga - le 25 septembre 2016 à 20h43

Une centaine de personnes ont été tuées jeudi et vendredi dans des affrontements entre les partisans d'un chef coutumier tué en août et les forces de sécurité pour le contrôle de l'aéroport de Kananga, dans le centre de la République démocratique du Congo, selon des sources concordantes. "Le nombre de morts dépasse la centaine parmi les miliciens du chef Kamwena Nsapu et 8 militaires ont aussi été tués", a déclaré vendredi sous couvert de l'anonymat un membre du cabinet du gouverneur de la province du Kasaï-Central, dont Kananga est la capitale.

Vendredi, la même source avait fait état de "40 assaillants miliciens et 7 militaires tués".

Il y a eu au moins cent mort: une quarantaine d'assaillants partisans du chef Kamwena Nsapu ont été tués jeudi et au moins soixante vendredi, a indiqué au téléphone à l'AFP, un prêtre de l'archidiocèse de Kananga. Un autre religieux de Kananga estime à "plus de cent corps entassés les uns sur les autres sous forme de monticule", le nombre de corps qu'il a

"vus au loin" près de l'aéroport. Il ajoute que de nombreux chrétiens qui ont fui la zone lui

"ont dit la même chose".

Le gouverneur du Kasaï central n'a pas souhaité réagir aux questions de l'AFP à ce sujet.

La gravité de la situation a poussé "le président de la République à dépêcher le vice-Premier ministre de l'Intérieur à Kananga depuis samedi pour comprendre pourquoi il y a eu autant de personnes tuées dans cette opération", a déclaré à l'AFP une source gouvernementale.

Le calme est revenu à Kananga depuis vendredi en fin d'après-midi, selon plusieurs témoins. Jeudi, les partisans du chef Kamwena Nsapu avaient attaqué l'aéroport de Kananga et en avaient pris le contrôle "au moins pendant plusieurs heures vendredi", tuant une hôtesse de la compagnie aérienne nationale Congo Airways, avant d'en être délogés par les forces de sécurité venues en renfort de la ville voisine de Mbuji-Mayi.

Témoignage : "Aimez moi ou je fais un malheur"

Jean-Baptiste Sondji - Congoindépendant - le 25 Septembre 2016.

Dans un texte long de sept pages, Jean-Baptiste Sondji, médecin de son état, ancien ministre de la Santé du tout premier gouvernement du président LD Kabila, livre un témoignage poignant sur les événements sanglants survenus le lundi 19 septembre. Ce jour là, il se trouvait, vers 10h00, sur l’avenue de l’Enseignement, au lieu de rassemblement choisi par les marcheurs. "L’ambiance était calme", note-t-il en relevant

(5)

que plusieurs personnalités de l’opposition ont été empêchées d’atteindre cet endroit. C’est le cas notamment du prof. Kalele. Celui-ci était bloqué du côté de l’université de Kinshasa.

"Il était surprenant que la police empêche les gens de prendre part à une manifestation pacifique alors qu’elle était autorisée", fait-il remarquer en considérant ce fait comme étant le "premier couac". Vers 11h00, il voit déferler une "marée humaine" composée de jeunes qui couraient aux cris de « Kabila yebela mandat na yo esili ; Préavis na yo ébandi lelo».

Pour Sondji, il y avait deux événements. D’une part, la manifestation du "Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement", prévue à 13h, dont l’objectif était de déposer un mémorandum à la CENI. De l’autre, la manifestation des jeunes. Ceux- ci avaient répondu à l’appel de l’opposition dans le but d’exprimer le ras-le bol de la jeunesse après les quinzaines années du régime de "Joseph Kabila". "Ces jeunes étaient très déterminés, poursuit-il. Les jeunes voulaient dire qu’ils ne veulent plus de Kabila au pouvoir". Et ce conformément à la Constitution. A 12h, on assiste à une débauche de grenades lacrymogènes. Les marcheurs devinent que les policiers qui leur font face sont en fait les "Bana Mura", des membres de la garde prétorienne de "Joseph Kabila". La suite de l’histoire est racontée par Dr J.B. Sondji. B.A.W

Texto :

Le lundi 19 septembre 2016, vers 10H, je me trouvais sur l’avenue de l’Enseignement, dans la commune de Kasa-Vubu, lieu de rassemblement pour la marche programmée par l’opposition.

Il y avait déjà des groupes, peu nombreux, de militants arborant les insignes de leurs formations politiques respectives. L’ambiance était calme. Il n’y avait encore aucun des responsables politiques. Plus loin il y avait quelques policiers en faction autour du siège provincial de l’UNC de Vital Kamerhe, de même qu’autour de la station-service située au croisement des avenues de l’Enseignement et Ethiopie.

Etant manifestement trop en avance par rapport à l’heure prévue pour le début de la marche (13h), dans l’attente, j’étais parti m’installer sur une terrasse dans les environs.

J’avais eu à faire quelques appels téléphoniques pour localiser les différents responsables politiques. Ainsi j’avais eu le Prof. Kalele lui demandant à quel niveau il se trouvait. Il me dira qu’il était bloqué à l’université de Kinshasa dont le campus était bouclé par la police qui empêchait toute sortie. Il était surprenant que la police empêche les gens de prendre part à une manifestation pacifique alors qu’elle était autorisée. C’était le premier couac qui faisait présager des difficultés.

Je faisais de va et vient entre la terrasse où je me trouvais et l’avenue de l’Enseignement pour m’assurer de la présence de l’un ou l’autre leader politique. Jusqu’à 11h aucun d’eux n’était présent.

Après 11h, attiré par un gros vacarme, je m’étais dirigé vers la station-service située au croisement Ethiopie/Enseignement.

Je me trouvais en face d’une impressionnante marée humaine qui déferlait en vagues continues et au pas de course, de l’avenue Kasa-Vubu sur l’avenue de l’Enseignement. Elle était composée de jeunes gens dont l’âge oscillait autour de 20 ans. Ils chantaient « KABILA YEBELA MANDAT NA YO ESILI ; PREAVIS NA YO EBANDI LELO »

L’ambiance était joyeuse et bon enfant et pas agressif du tout. D’ailleurs les policiers qui étaient-là, surpris aussi par l’ampleur de la foule, l’avaient laissé passer calmement, sans tenter de la contrer. J’y étais resté observer cette foule de jeunes pendant environ 20 minutes et puis j’étais rentré me rasseoir à ma terrasse.

A peine assis, des bruits de coups de feu assourdissants ont éclaté, entraînant le reflux des jeunes gens de l’avenue de l’enseignement vers les rues environnantes dont l’avenue Ethiopie. L’on me dira qu’il s’agissait des grenades lacrymogènes et assourdissantes lancées par la police pour disperser un groupe de jeunes qui voulaient saccager le siège de l’UNC de Kamerhe. Effectivement l’on avait commencé à sentir les effets des gaz lacrymogènes : picotements des yeux et larmoiement. Il s’en était suivi une succession de vagues de flux et reflux entre la police et les jeunes manifestants.

Jusque-là il n’y avait rien de tragique, les jeunes manifestants jouant au chat et à la souris

(6)

avec la police qui ne manifestait aucune agressivité apparente à l’égard des manifestants Il n’y avait pas de blessé d’un côté comme de l’autre.

Vers 12h, mélangé aux bruits sourds et assourdissants des grenades lacrymogènes, l’on avait commencé à entendre des tirs en éclats plus secs, d’abord irréguliers ensuite plus soutenus et de temps en temps en rafales.

Les jeunes gens ont commencé à crier « BANA MURA » c’est-à-dire les éléments de la Garde Républicaine, qui étaient formés, au début, à Mura, au Katanga. Ces derniers étaient donc habillés en tenue de la police et c’étaient eux qui commençaient à tirer à balles réelles.

Loin de leur faire peur, au contraire cette présence n’avait fait que les énerver davantage, cherchant à en découdre avec eux. Les échauffourées s’étaient amplifiées, ponctuées de vagues de flux et de reflux. Puis sont apparus les premiers blessés, suivi d’un mort parmi les manifestants, puis un second mort. La situation qui était jusque-là plus ou moins maîtrisée avait dégénéré à cause de la présence et du comportement agressif et criminel des éléments de la Garde Républicaine habillés en tenue de la police. Dans ce chaos généralisé où se mélangeaient les sifflements des balles réelles et les bruits de grenades assourdissantes et ceux des grenades lacrymogènes, l’on m’apprendra que Félix Tshisekedi, Joseph Olenghankoy et Martin Fayulu qui était blessé à la tête par un projectile, étaient présents. Vu que les balles sifflaient de partout il leur était impossible de prendre une quelconque initiative dans le sens de calmer les esprits.

J’apprendrai par la suite que c’était toute la ville de Kinshasa qui était en ébullition et qu’il y a avait des morts un peu partout.

Profitant de l’accalmie qui s’était installée à partir de 14h après le départ des éléments de la GR, j’avais demandé aux policiers qui, eux étaient toujours-là, l’autorisation d’aller m’enquérir de la situation de Martin Fayulu. Arrivé sur place l’on me dira que Fayulu avait été transporté dans un centre médical des environs. L’on m’annoncera par ailleurs que les jeunes cachaient quelque part les corps de deux de leurs camarades tués par balles. Ils gardaient ces corps pour les soustraire de la police qui avait tendance à les faire disparaître pour minimiser le nombre des victimes mais surtout pour leur assurer des obsèques dignes.

Par après, traversant l’avenue Kasa-Vubu, je m’étais rendu du côté de Matonge. A partir de l’avenue Kasa-Vubu déjà, toutes les rues étaient jonchées de débris de pneus brûlés, parfois des véhicules brûlés ou renversés. J’ai sillonné une grande partie de Matonge à pieds. Toutes les caméras de surveillance installées par l’ANR avaient été démontées et détruites, les rendant définitivement inutilisables.

Vers 16h je recevais un message des amis de la mouvance présidentielle m’intimant de quitter immédiatement les lieux car le pouvoir se préparait à une riposte brutale et sans pitié. C’est le lendemains au matin que je prendrai connaissance de la nature et de la gravité de la riposte annoncée.

Leçons à tirer des événements du 19 et 20 septembre 2016.

Les foules, composées de jeunes gens dont l’âge oscillait autour de 20 ans, qui ont déferlé un peu partout dans la ville de Kinshasa, réclamant le départ de Kabila à la fin de son mandat, ont surpris et pris de court aussi bien l’Opposition que le pouvoir car personne ne s’y attendait et donc n’avait pu en anticiper l’ampleur.

Caractère spontané du mouvement et détermination des foules de jeunes.

Même si c’est l’opposition qui avait appelé à la marche, le nombre des jeunes qui y avait répondu était tel que les formations politiques de la place, même mises ensemble, ne sont pas capables de mobiliser autant de militants.

La démarche de ces jeunes était plutôt spontanée. Du reste leur programme à eux était différent de celui prévu par le Rassemblement des Forces Acquises au Changements dont la marche, des plus pacifiques, ne devait commencer qu’à 13h et consistait à déposer un mémorandum à la CENI.

Le mouvement des jeunes avait commencé dès le matin, et un peu partout dans la ville.

Ces jeunes étaient très déterminés. Des échanges que j’ai eu avec les différents groupes au sein desquels il y avait de nombreux intellectuels, il se dégageait, de manières très

(7)

claire et nette, qu’ils ne veulent plus de Kabila au pouvoir à la fin de son second et dernier mandat.

Pour eux, après avoir débarrassé le pays de la dictature de Mobutu, 15 années de gestion de Kabila ne leur offre aucune perspective. Comme le prévoit la constitution, le moment est venu pour Kabila de céder la place à quelqu’un d’autre pour diriger le pays avec l’espoir que le nouveau dirigeant sera en mesure de leur offrir de meilleures perspectives.

Or, ils ont la nette impression que Kabila a l’intention de se cramponner au pouvoir avec la complicité d’une très grande partie de la classe politique. Cela, ils ne peuvent ni ne veulent l’accepter quel qu’en soit le prix à payer.

A la question de savoir s’ils n’avaient pas peur d’un Kabila tout aussi déterminé à se maintenir au pouvoir par la force des armes ?

Nous n’avons pas peur, m’avaient-ils tous répondu. Et de poursuivre. Dans l’histoire, Kabila n’est pas le premier à adopter une telle attitude. La même histoire nous apprend aussi que de telles attitudes, loin de faire aboutir leurs desiderata, ne font que retarder leur chute inéluctable mais, il est vrai, avec plus ou moins de dégâts. A la question leur posée s’ils n’avaient pas peur de la mort, en guise de réponse l’un des jeunes me donnera cette réponse extrêmement forte : « De toutes les façons, n’étant pas en mesure de donner un sens à notre vie, nous préférerions donner un sens à notre mort si celle-ci ouvrait la voie au départ de Kabila, avec l’espoir d’offrir de meilleurs perspectives aux Congolais qui survivraient. Ceci dit, nous ne sommes pas des candidats à la mort. Nous nous défendons aussi ».

Décalage entre les aspirations de la population et celles de la classe politique dans son ensemble.

Alors que la population congolaise, dans sa très grande majorité, veut voir ses conditions existentielles s’améliorer par une gouvernance efficiente dont le Président Kabila n’a pas été capable 15 ans durant. Pour cette raison elle veut qu’il quitte le pouvoir après le délai constitutionnel.

La classe politique, quant à elle, surtout celle qui gravite autour du Président Kabila, cherche, au contraire, à prolonger son mandat, en échange d’hypothétiques postes ministériels ou d’autres avantages.

Ce hiatus entre la volonté populaire et les réponses que propose la classe politique se traduit sur le terrain. La population adopte des comportements qui s’éloignent de ceux prévus ou attendus par les responsables politiques.

Surpris par l’exaspération de la population, l’opposition se rend compte que ces mots d’ordre sont en deçà des attentes du peuple. Elle est apparue lors des événements du 19 septembre complètement débordée et désemparée. Elle n’avait rien prévu de cela.

L’opposition, sachant que ses revendications s’inscrivent dans la ligne de la constitution et que la loi est donc de son côté n’avait et n’a toujours aucun intérêt à gâcher cet avantage en incitant à la violence. Elle sait d’autre part que le pouvoir n’ayant pas la loi de son côté c’est le seul domaine dans lequel il excelle, elle n’avait donc aucun intérêt à privilégier des actions violentes. La réalité l’a démontré puisqu’aucun des dirigeants de l’opposition ne se trouvait sur les lieux où les échauffourées ont débuté à travers la ville.

Quant au pouvoir c’est la panique et le réflexe de répression aveugle et forcément mal conduite qui a prévalu.

D’abord, de toute évidence, le pouvoir à qui revient l’obligation constitutionnelle d’encadrer les manifestations qu’il autorise, a été pris de court et donc débordé. Signe incontestable d’incompétence. Un pouvoir ne tue pas ses citoyens qui manifestent leur exaspération contre la gouvernance en place et qui exige pour ce faire que la constitution soit respectée.

Il a cru, à tort, que ces manifestations étaient commanditées par l’opposition, en détruisant leurs sièges par de armes. La foule s’en étant pris aux sièges de formations politiques affiliées au pouvoir, il ne revenait pas au pouvoir de se substituer à ces dernières pour régler ce problème. A moins que ces formations aient eu une formation militaire leur permettant de manipuler les armes de guerre, ce qui constituerait une grave infraction aux lois de la République. Ou alors comme cela semble être le cas c’est le pouvoir d’Etat qui a détruit ces sièges, entraînant mort d’hommes innocents, ce qui est d’une extrême gravité.

(8)

Cette grave répression, loin de faire accepter Kabila dans les cœurs des Congolais, au contraire les en a éloigné davantage.

Le bouclage des quartiers le 20 septembre suivi de rafles et d’arrestations de tout jeune rencontré sur le chemin sans aucun motif, traduit une fuite en avant contre-productive. De tout cela, il ne sortira pas indemne. Tôt ou tard des poursuites judiciaires s’en suivront.

Sur le plan politique le pouvoir s’est fragilisé en discréditant son initiative politique de dialogue. Déjà mal parti, après cette répression disproportionnée, le dialogue risque d’accoucher d’un mort-né comme cela était prévisible. Quant à ceux qui s’y sont rendus dans l’espoir d’obtenir un strapontin ministériel, ils risquent de vivre le syndrome CHAPOUR BAKTHIAR.

En effet à la fin des années 1970, le SHAH d’Iran, monarque omnipotent disposant de moyens militaires phénoménaux. Sa garde personnelle qu’on appelait les IMMORTELS, était composée de 100.000 soldats surentraînés et très puissamment équipés.

Le monarque était vivement contesté par la population iranienne ; SHAPOUR BAKTHIAR était l’un des leaders de l’opposition contre le SHAH. Au sommet de la contestation et dans l’espoir de calmer la population, le SHAH fera appel à M. SHAPOUR BAKTHIAR pour qu’il devienne son Premier ministre, ce que M. SHAPOUR BAKTHIAR avait accepté.

Entre temps, l’Ayatollah KHOMEYNI, expulsé par SADDAM HUSSEIN de l’IRAK où il était réfugié, avait été accueilli à Neauphle-le Château en France d’où il inondait le peuple iranien de messages audio l’invitant à doubler d’ardeur pour chasser le SHAH du pouvoir.

A peine trois mois après la nomination de SHAPOUR BAKTHIAR au poste de Premier ministre, sous la pression populaire, le SHAH était obligé de fuir Téhéran, emportant avec lui SHAPOUR BAKTHIAR qui, d’opposant qu’il était toute la vie durant, étant devenu pour un poste éphémère de Premier ministre, l’allié du SHAH et donc ennemi du peuple. Il subira le même sort mérité et similaire à celui réservé au SHAH d’Iran. Il sera en effet assassiné à Paris, comme collabo. Cette situation est comparable à celle que nous vivons aujourd’hui dans notre pays. A bon entendeur, salut.

Pour ce qui concerne le président Joseph Kabila, cristallisant sur lui des rancœurs tenaces de la population congolaise, ayant pris un engagement, par écrit et signé, auprès du secrétaire général des Nations-Unies- je prends à témoins ces Représentants sur place en cas d’inexactitude de ce que j’affirme- qu’il quittera le pouvoir le 6 décembre ou à tout le moins le 19 décembre 2016, nous lui demandons de respecter cet engagement qui s’inscrit dans l’esprit de la constitution et de cesser de jouer double jeu. Toutes les tentatives de dialogue qu’il initie dans le but de le conforter dans son intention de fouler aux pieds la constitution échouant à chaque fois, il revient à une autre instance de convoquer un dialogue indispensable, mais dont l’objectif sera cette fois de trouver des solutions à la crise politique créée par votre attitude.

Quant à l’opposition regroupée dans le Rassemblement des Forces Acquises au Changement, elle doit tout faire pour être au même diapason que la population afin de mieux assurer son encadrement et éviter les dérapages de violences qui sont contre- productifs pour notre lutte de libération.

Violences à Kinshasa : la RDC danse sur un volcan AFP – le 26/09/16

L'explosion de violence qui a fait plusieurs dizaines de morts à Kinshasa les 19 et 20 septembre fait craindre de nouveaux jours sombres pour la République démocratique du Congo, minée par une crise politique profonde liée au report de la présidentielle devant se tenir cette année. L'intensité de ces violences "et la situation toujours très tendue [dans le pays sonnent comme] un avertissement [douloureux de l'imminence probable d'une] crise de grande envergure", a estimé jeudi, le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU.

Tout est parti d'affrontements en marge d'une manifestation organisée par un

"Rassemblement" d'opposition à trois mois de la fin du mandat du président Joseph Kabila pour lui signifier son "préavis" et exiger son départ, le 20 décembre.

Les autorités et les organisateurs de la marche se sont renvoyé la responsabilité de ces troubles initiaux qui ont dégénéré en émeutes et pillages réprimés par la police et l'armée

(9)

: "mouvement insurrectionnel" contre "pouvoir sanguinaire", selon les invectives des uns et des autres. Pour la police, les heurts ont fait au total 32 morts ; du côté de l'opposition, on parle de 50 à plus de 100 vies perdues.

"C'est la stratégie de la cocotte-minute qui est mise en œuvre", estime Thierry Vircoulon, enseignant à Sciences-Po Paris et coordonnateur de l'Observatoire pour l'Afrique centrale et australe à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

"La plupart des stratèges dans les deux camps pensent que la confrontation violente est inévitable, voire souhaitable, pour changer le pouvoir ou pour le conserver", dit-il à l'AFP,

"cela s'explique par le fait que la violence fait partie du registre stratégique des politiciens congolais et que l'alternance pacifique est absente de l'histoire du pays".

"A ce titre, estime M. Vircoulon, la destruction des bureaux du PPRD [une permanence du parti présidentiel incendiée le 19, NDLR] suivie par la destruction des bureaux de l'UDPS [dans la nuit du 19 au 20] est un signal très clair".

La crise actuelle remonte à la réélection contestée de M. Kabila en 2011 à l'issue d'élections entachées de fraudes massives. Ses opposants le soupçonnent depuis lors de ne cesser d’œuvrer pour contourner l'interdiction constitutionnelle qui lui est faite de se représenter.

Âgé de 45 ans, M. Kabila a hérité du pouvoir en 2001 après l'assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, qui avait chassé le dictateur Mobutu Sese Seko, à la tête du Congo de 1965 à 1997.

- 'Une étincelle' -

Confirmé à la présidence en 2006 lors des premières élections libres tenues dans l'ex- Congo belge (rebaptisé Zaïre sous Mobutu) depuis l'indépendance de 1960, Joseph Kabila ne donne aucun signe de vouloir quitter son poste alors que le report de la présidentielle est désormais consommé, la date limite pour convoquer ce scrutin ayant été dépassée, le 20 septembre.

La communauté internationale qui consacre chaque année des budgets colossaux pour la stabilisation de la RDC, l'aide humanitaire et l'aide au développement dans ce pays, ne cesse d'appeler depuis des mois au respect de la Constitution. Mais le président congolais - qui a rencontré lundi matin le pape François à Rome - reste muet sur ses intentions.

A Kinshasa, plusieurs diplomates étrangers ne cachent pas leur inquiétude de voir le pays replonger dans le chaos des deux guerres ayant ravagé le pays de 1996 à 2003.

M. Vircoulon voit des "similitudes" entre la situation actuelle et la longue agonie du régime de Mobutu : "Loyauté superficielle de l'armée ; possibilité de plusieurs foyers de contestation en province ; système institutionnel ultra-fragile [susceptible de s'effondrer]

rapidement".

En dépit des efforts du gouvernement et de l'ONU, qui déploie au Congo sa plus grosse force de maintien de la paix au monde, l'Est du pays reste déchiré par la violence des groupes armés.

Jeudi et vendredi, c'est la ville de Kananga, dans le centre du pays, qui s'est enflammée.

Des partisans d'un obscur chef coutumier défunt, sommairement armés, ont réussi à s'emparer pendant quelques heures de l'aéroport avant d'en être délogés par l'armée. Plus d'une centaine de morts sont dénombrés.

De tels drames "risquent de se reproduire", s'inquiète un officier occidental en poste au Congo. Cela développe parmi la population "le sentiment que les forces de l'ordre ne sont pas invincibles", estime-t-il, "il y a une telle pression politique et une telle détresse économique qu'il suffit d'une étincelle pour mettre le feu aux poudres".

Congo-Kinshasa : des AK-47 plutôt que des canons à eau, une stratégie qui pose question

MARIE-FRANCE CROS – La Libre - le 26 septembre 2016

Une semaine après les émeutes à Kinshasa (50 à 100 morts) lors de la manifestation contre le maintien du président Kabila au-delà de la fin de son second mandat, d’aucuns s’interrogent sur la stratégie adoptée à cette occasion par les autorités congolaises.

Ainsi, selon des documents diffusés sur Internet, lorsque l’opposition a négocié, dimanche 18 septembre, avec le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, le trajet de la

(10)

manifestation, ce dernier a refusé une première proposition qui faisait passer le cortège de l’avenue de l’Enseignement (non loin du Palais du Peuple, qui abrite le Parlement) jusqu’à la Ceni (Commission nationale électorale indépendante), en plein centre-ville. Ce trajet ne passait devant aucune permanence de partis de la Majorité présidentielle.

Itinéraire à risque

Les représentants de l’opposition ont alors proposé un second itinéraire, lui aussi diffusé sur Internet, passant par les banlieues de Kasavubu et Lingwala, sans entrer dans La Gombe (centre-ville). Mais c’est finalement un troisième trajet qui a été adopté. Sur pression du gouverneur ?

Il s’agissait cette fois de partir de l’Echangeur de Limete pour passer ensuite par le boulevard Lumumba et l’avenue Sendwé, soit devant une permanence du PPRD (parti présidentiel) puis devant son siège interfédéral. On sait que le feu a été mis à ces bâtiments lors du passage des manifestants, ce qui a entraîné l’incendie - meurtrier cette fois - de divers sièges de partis politiques d’opposition par des hommes armés dénoncés comme des membres de forces de l’ordre en civil.

L’un autorise, l’autre interdit

Deuxième bizarrerie : le jour de la manifestation, le lundi 19, la police s’est, malgré l’accord avec le gouverneur Kimbuta, opposée à la progression des manifestants vers le lieu de rassemblement convenu, l’Echangeur. Elle a rapidement usé de lacrymogènes puis tiré en l’air avec des AK-47. Ces armes ont fait leurs premières victimes dans les rangs des manifestants dès 10 heures du matin, à Bandalungwa et Limete. Les premiers manifestants étaient alors arrivés boulevard Lumumba - où se trouve la permanence du PPRD - et les policiers armés d’AK-47 y étaient très nombreux. Après que d’autres manifestants aient été tués, des policiers isolés ont été lynchés par la foule en colère, qui a même pris le fusil mitrailleur de l’un d’eux. C’est alors que la marche a été officiellement interdite - trop tard pour rappeler les protestataires - et qu’elle a tourné à l’émeute, avec incendie de plusieurs permanences et sièges de partis politiques de la Majorité présidentielle.

Et beaucoup de s’interroger sur cette autre bizarrerie : pourquoi les policiers encadrant la manifestation étaient-ils équipés d’armes létales ? Pourquoi le matériel indiqué dans la répression des débordements de manifestation (canons à eau notamment) n’a-t-il pas été utilisé ? Ces équipements - que Kinshasa possède en nombre - avaient pourtant largement paradé dans la capitale congolaise, les 14 et 18 septembre, pour dissuader les opposants de protester.

Dès le 21 septembre, le procureur général de la République a interdit la sortie du pays de dix personnalités de l’opposition et demandé leur arrestation pour "insurrection".

Le président Kabila reçu par le pape François au Vatican RFI - le 26-09-2016

Ce lundi matin, le président congolais a été reçu en audience par le pape François. Il n’y a pas eu de déclaration avant et après la rencontre dans la bibliothèque du Vatican, tout juste une poignée de main pour les photos. Cet entretien était prévu avant les violences meurtrières qui ont éclaté à Kinshasa la semaine dernière. Pour Joseph Kabila, l'enjeu est de tenter d'apaiser des relations plutôt tendues entre la RDC et le Saint-Siège.

C’est le président Kabila lui-même qui a demandé cette audience papale, et à voir la mine fermée du souverain pontife qui n’a pas pris la peine d’accueillir son hôte à la porte de la bibliothèque vaticane comme il le fait d’habitude, on a pu mesurer la tension qui règne entre le Vatican et Kinshasa.

Les deux hommes se sont entretenus en-tête-à-tête pendant une vingtaine de minutes. « Une attention particulière a été prêtée aux sérieux défis posés par la situation politique actuelle et les récents affrontements qui se sont produits à Kinshasa », a résumé laconiquement le Vatican dans un communiqué, mais rien n’a filtré sur le message transmis par le pape à Joseph Kabila.

Le premier sujet de préoccupation pour le Vatican est la situation à Beni et les massacres successifs qui ont endeuillé l'est de la République démocratique du Congo depuis déjà deux ans. Le nonce apostolique en RDC, Monseigneur Luis Mariano Montemayor, qui est considéré comme un proche du pape François, a multiplié les critiques sur ce sujet. Et

(11)

François lui-même s'est exprimé publiquement, à l’occasion de l’Ascension, après le massacre d'une cinquantaine de personnes le 13 août à Beni, en parlant d'un « silence honteux ».

Autre sujet qui a dû être évoqué entre le pape François et son hôte congolais, la situation politique dans ce pays-continent, où la toute puissante Eglise catholique locale n'a jamais caché sa position très ferme sur le respect de la Constitution et du principe d'alternance.

La Conférence épiscopale du Congo a d'ailleurs suspendu sa participation au dialogue politique en cours. Un dialogue qu’elle ne juge pas assez inclusif, en l'absence des principaux leaders de l'opposition.

Mais le président Kabila a quelque chose à faire prévaloir. Son gouvernement a signé en mai dernier un accord-cadre avec le Saint-Siège, qui inscrit dans le marbre la protection des biens de l'Eglise au Congo. Et pour le Vatican qui l'attendait depuis plus de 10 ans, ceci reste une question essentielle.

Abbé Nsholé (RDC): «Les dates d’élections doivent être clairement définies»

Interview par Christophe Boisbouvier – RFI - le 27 septembre 2016

(L'abbé Donatien Nsholé est 1er secrétaire général adjoint de la Commission épiscopale nationale du Congo (Cenco). caritasdev.cd)

Joseph Kabila chez le pape François hier midi. La visite du président congolais au Vatican était prévue de longue date, mais une semaine après les affrontements meurtriers de Kinshasa, elle prend un relief particulier. Sur place, au Congo, l'Abbé Donatien Nsholé est le premier secrétaire général adjoint de la Cenco, la Conférence épiscopale nationale du Congo. Que peut faire l'Eglise catholique pour aider le pays à sortir du gouffre ? En ligne de Kinshasa, le religieux répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Ce lundi, le pape François a reçu le président Kabila en audience au Vatican. Une semaine après les terribles violences qui ont endeuillé Kinshasa est-ce que cette rencontre ne risque pas d’être mal comprise par beaucoup de Congolais ?

Donatien Nsholé : Pas du tout. Je crois que cette rencontre ne peut être que bénéfique pour le peuple congolais, dans la mesure où le pape c’est notre bon pasteur qui connaît ses brebis que nous sommes en RDC. Il sait que l’enjeu principal, c’est sauver la démocratie. Et quand le pape intervient certainement c’est dans le sens de proposer des solutions de sortie de crise.

Une semaine après le drame est-ce que vous savez combien de personnes ont été tuées à Kinshasa ?

Pas avec exactitude. Selon les éléments recueillis par notre commission justice et paix on était à 57 hier.

Cinquante-sept morts ? Exactement.

Trois mois après les sanctions américaines contre le général Kanyama, le chef de la police de Kinshasa, est-ce qu’il faut envisager d’autres sanctions ciblées de la part de la communauté internationale ?

Tout ce que nous souhaitons, c’est que tous ceux qui peuvent faire quelque chose, que ce soit en termes de conseil, que ce soit en termes de pression, que ce soit en termes de sanction pour que le peuple congolais vive dans de meilleures conditions, ne peuvent être qu’encouragés.

A la suite de ces deux journées meurtrières, vous avez décidé de suspendre votre participation au dialogue national. Pourquoi ?

Pour deux raisons majeures. D’abord faire le deuil. Et la deuxième raison, c’est rechercher un consensus plus large. Parce que les évêques se sont rendu compte qu’à l’allure où allaient les choses, si on finissait le dialogue en cours, tout en laissant dehors une

(12)

composante importante de l’opposition, une bonne partie de la population ne se sentirait pas concernée par les acquis de ce dialogue.

Et à quelles conditions reviendrez-vous à ce dialogue ?

Pour le moment, c’est surtout l’inclusivité qui pose problème, tout en rappelant les fondamentaux de l’Eglise, à savoir qu’il soit clairement stipulé et établi que l’actuel président de la République ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle, que les dates des élections soient clairement définies dans cet accord.

Donc pour vous, il n’est pas question de changer la Constitution afin de permettre au président Kabila de se représenter ?

Exactement.

Sur la question de la date de cette élection présidentielle, est-ce que vous avez renoncé à l’idée qu’elle ait lieu avant l’expiration du mandat actuel de Joseph Kabila, c’est-à-dire avant le 19 décembre de cette année ?

Concrètement, pour des raisons évidentes il devient mathématiquement impossible d’organiser les élections tel que souhaité, avant le 20 décembre.

Et vous proposez un report de combien de temps alors ?

Les évêques disent que le report doit être le plus court possible, juste le temps nécessaire pour organiser de bonnes élections et qui ne soit pas l’équivalent d’un mandat.

Pour vous, il ne faut pas que le report dépasse quelques mois, c’est cela ?

Selon le vœu des évêques qui se sont prononcés, il ne faudra pas que le report dépasse une année, mais ce n’est pas une date ferme. Ça peut être moins pour avoir un délai raisonnable.

Mais vous savez qu’avant le drame du 19 septembre plusieurs délégations au dialogue envisageaient un report de deux ans ?

C’est leur avis.

Mais ce n’est pas le vôtre ?

Ce n’est pas l’avis de la Conférence épiscopale nationale du Congo.

Est-ce que vous pensez que le médiateur togolais Edem Kodjo est à la hauteur de la tâche ou pas ?

Il ne nous appartient pas de le juger à ce stade. Le plus important, c’est d’impliquer ceux qui sont encore dehors.

Pour faire venir au dialogue ceux qui sont encore dehors, comme vous dites, c’est-à-dire les principaux partis de l’opposition, il faudrait que les autorités libèrent ceux que l’opposition appelle les prisonniers politiques qui sont détenus depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Nous constatons qu’il y a déjà un pas qui a été fait dans ce sens-là. Peut-on obtenir leur libération dans le cadre de ce dialogue ? Les évêques sont en train de travailler avec les uns et les autres pour que le dialogue soit effectif.

A quels prisonniers pensez-vous en particulier ?

Il faut leur poser la question. Selon les listes que nous avons reçues, ils pensent éventuellement au cas de Diomi Ndongala et de Jean-Claude Muyambo. Ce sont les grands noms qui ont été cités et dont la libération n’est pas encore effective.

Depuis l’ouverture officielle de ce dialogue, il y a trois semaines, et avant même le drame du 19 septembre, plusieurs dizaines de membres de la société civile et notamment de

(13)

Filimbi et du Chemin de la paix, l’ONG du docteur Mukwege, ont été arrêtés à leur tour.

Qu’est-ce que vous en pensez ?

Ce ne sont pas des décisions de nature à décrisper la situation politique actuelle. Dans le contexte actuel, de telles arrestations ne peuvent que compliquer la situation.

A Kinshasa, de plus en plus d’observateurs, y compris au pouvoir, comparent la situation actuelle à celle des années 1991-1993, à la fin du règne Mobutu quand la capitale était en proie à des pillages. Est-ce qu’il y a, selon vous, une similitude ?

Il y a une similitude dans la mesure où il y a une grogne dans la population. Le cadre qui devrait régler ce conflit va vers un dialogue inclusif, mais pas rassurant. Tant qu’une bonne frange de l’opposition est dehors, il y a similitude dans la mesure où on a tendance aussi à recourir à la rue pour trouver une solution à cette crise.

Les Etats-Unis sanctionnent deux proches de Kabila AFP – le 28 09 16

L'administration américaine a adopté mercredi des sanctions financières contre deux hauts responsables militaires de la République démocratique du Congo (RDC), proches du président Joseph Kabila, selon un communiqué du Trésor.

Le général-major général Gabriel Amisi Kumba, commandant des forces armées (FARDC) pour la première zone de défense du pays ainsi que le général John Numbi, ancien inspecteur de la police nationale, ont été placés sur la liste noire américaine.

Leurs avoirs éventuels aux Etats-Unis seront gelés et il est interdit à tout ressortissant américain de réaliser des transactions avec ces individus.

"Ces responsables, actuel et ancien, du gouvernement de la République démocratique du Congo se sont engagés dans des actions qui ont sapé le processus démocratique en RDC et réprimé les libertés et droits politiques du peuple congolais, risquant de répandre l'instabilité dans le pays et plus largement dans la région des Grands Lacs", a déclaré John Smith, directeur en exercice de l'agence du Trésor qui émet ces sanctions, l'OFAC.

La RDC vient de connaître une nouvelle explosion de violences ayant fait des dizaines de morts et liées au report de la présidentielle qui devait se tenir cette année.

Interrogé sur ces sanctions par l'AFP à Kinshasa, un porte-parole du gouvernement Lambert Mende a déclaré: "nous n'avons pas de réaction à chaud, nous réagirons demain, nous prendrons tout notre temps".

Le général Amisi, chef de la première zone de défense qui inclut Kinshasa, est accusé d'avoir commandé des unités des FARDC dans la répression de manifestations politiques.

"De plus en plus de violations des droits à la liberté de s'exprimer et de se réunir pacifiquement ont été rapportées dans les provinces de l'ouest, notamment à Kinshasa", estime le Trésor qui cite un usage "excessif de la force et d'armes létales pendant des manifestations (...) particulièrement en janvier 2015".

Ancien rebelle pendant la 2e guerre du Congo (1998-2003), M. Amisi avait été suspendu de ses fonctions de chef d'état-major de l'armée de terre en 2012, accusé par des experts de l'ONU d'être à la tête d'un trafic d'armes à destination de groupes rebelles dans l'Est. Il a été blanchi de ces accusations en 2014 par le Conseil supérieur de la défense et nommé peu après la tête de la 1ère zone de défense congolaise.

Pour sa part, le général John Numbi est accusé par les Etats-Unis d'avoir usé, en mars lors d'élections, "d'intimidation violente pour s'assurer la victoire de candidats affiliés à la coalition du président Kabila". Il aurait menacé de tuer des candidats de l'opposition s'ils ne se retiraient pas volontairement de la course et trois ont obtempéré, précise l'administration américaine. Originaire du Katanga (sud-est) comme Joseph Kabila, il n'est plus membre officiel du gouvernement mais reste "un conseiller influent du président Kabila", souligne le Trésor.

La RDC est dirigée depuis 2001 par Joseph Kabila, réélu en 2011 lors d'un scrutin contesté et marqué par des violences.

(Les actes ont enfin suivi la parole. Cela vise Gabriel Amisi un "opérationnel" de la repression, Kalev devrait suivre …

(14)

Pour sa part, John Numbi est accusé par les Etats-Unis d'avoir favorisé la fraude par

"intimidation violente », en mars lors d'élections… C’est tout ? Il est vrai que pour John Numbi, c'est moins clair actuellement, sa position a évoluée, elle est ambiguë et son soutien à JKK peut être mis en doute ... Et entre les Congolais qui ont la mémoire trop courte et l’Occident qui réagit bien trop lentement, tous les espoirs sont permis. NdlR)

De Genval au dialogue : dynamiques et crispations au sein de l’opposition en Pierre Collet1 – Grip - 22 Septembre 2016RDC

Alors que des manifestations convoquées les 19 et 20 septembre par l’opposition congolaise ont dégénéré en affrontements entre la police et les manifestants dans plusieurs villes du pays, et se sont soldées par la mort de plusieurs dizaines de personnes, un état des lieux de la dynamique de l’opposition congolaise semble indispensable. Ces manifestations entendaient dénoncer la non-convocation du corps électoral à l’échéance constitutionnelle du 19 septembre. Le moment est particulièrement critique pour la RDC, alors que le report des élections se précise et que le maintien en poste du président Kabila au-delà de la fin officielle de son mandat le 19 décembre a été autorisé par la cour constitutionnelle [1].

Le 1er septembre 2016 s’ouvrait enfin le dialogue national destiné à trouver un consensus pour l’organisation des élections (locales, présidentielles, législatives) à venir. Au moment de la convocation officielle du dialogue par le président Joseph Kabila, début 2016, seul l’UDPS, le parti de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, était prêt à s’entretenir avec le pouvoir. Le «G7», un groupe de sept partis auparavant membres de la majorité présidentielle et Moïse Katumbi, le très médiatique ex-gouverneur du Katanga, ainsi que la «Dynamique de l’opposition» constituée entre autres de l’UNC de Vital Kamerhe et du MLC dirigé par Eve Bazaïba, se refusaient quant à eux à dialoguer avec la majorité.

Après plusieurs mois de tergiversations, le dialogue a finalement été rejeté par l’UDPS, désormais allié au G7 et à Katumbi au sein du «Rassemblement» fondé le 9 juin à Genval en Belgique. De son côté, Vital Kamerhe, qui dénonçait il y a encore quelques mois un

«piège»[2] tendu par Kabila, s’est joint aux travaux conduits par le facilitateur de l’Union africaine Edem Kodjo, avant d’être nommé co-modérateur des discussions entre opposition, majorité et société civile.

Un retour de Tshisekedi, qui rebat les cartes

Après environ deux ans d’absence, Étienne Tshisekedi a progressivement fait son retour.

Il se signale tout d’abord par sa présence lors du conclave organisé au château de Genval en Belgique les 8 et 9 juin pour rassembler l’opposition et la société civile en vue de développer une stratégie commune pour contrer le «glissement», c’est-à-dire le report des élections présidentielles.

La rencontre de Genval s’est soldée par un accord entre la plupart des formations présentes [3] sur une position commune demandant notamment le respect de la Constitution et de la Résolution 2277 des Nations unies, et officialisant la création d’un «Rassemblement des forces politiques et sociales de la RDC acquises au changement».

Si Martin Fayulu, président de l’ECiDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) et membre de la dynamique de l’opposition, affirme que «aucun chef de file de l’opposition n’a été officiellement désigné» lors de cette rencontre, la réunion de Genval a néanmoins amorcé le retour de Tshisekedi en tant que premier représentant de l’opposition. Il est d’ailleurs nommé président du conseil des sages dans lequel sont représentés tous les partis ayant signé l’accord. Ce statut retrouvé pour celui qui se considère comme le véritable vainqueur des dernières élections présidentielles, se confirme lors de son retour au pays en juillet, où une foule immense[4] l’escorte jusqu’à sa résidence puis assiste à un meeting organisé quelques jours plus tard. Le «sphinx de Limete» a également profité de son retour pour reprendre en main son parti, où les déclarations

1Pierre Collet, titulaire d’un master en sécurité internationale et défense, stagiaire au GRIP sous la direction de Claire Kupper, chef de projet Conflits, sécurité et gouvernance en Afrique.

(15)

contradictoires et les luttes internes étaient courantes en l’absence du chef. Bruno Mavungu, secrétaire général de l’UDPS en fera les frais et sera écarté de l’UDPS[5], avant de créer l’Union des démocrates pour la renaissance du Congo (UDRC). Mais cette reprise en main ne masque pas les fragilités du sphinx, entre un état de santé toujours fragile à 83 ans et un manque de vision stratégique, selon ses détracteurs.

La réunion de Genval a également consacré le rapprochement entre Étienne Tshisekedi et l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. Malgré son absence, il était bien représenté par ses proches au sein du G7 et de l’Alternance pour la République, l’AR, présidée par son frère Raphael Katebe Katoto. Ce dernier, également proche de Tshisekedi, a par ailleurs financé l’organisation de la rencontre dans le château belge, que Moïse Katumbi connait bien pour s’y être marié[6].

L’entente entre les deux leaders de l’opposition entamée depuis plusieurs mois est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que Moïse Katumbi semble avoir été mis sur la touche par le pouvoir de Kabila. Après avoir été inquiété pour une affaire de recrutement de mercenaires, Katumbi a été condamné le 22 juin à trois ans de prison pour une affaire de spoliation de biens. Ces accusations se sont cependant fragilisées lorsque la juge en charge de l’affaire a plus tard révélé avoir fait l’objet de pressions[7]. Moïse Katumbi s’est depuis exilé, notamment en Europe, après avoir été autorisé à quitter la RDC pour soigner ce qu’il affirme être une tentative d’empoisonnement, et son retour en RDC semble plus qu’hypothétique. S’il a récemment annoncé rentrer bientôt, sans préciser de date, les autorités congolaises apparaissent déterminées[8] à faire exécuter la sentence du tribunal de Lubumbashi dès qu’il aura le pied sur le sol congolais.

Une «Dynamique de l’opposition» divisée

Lors de la réunion de Genval, les têtes d’affiche de la «Dynamique de l’opposition» Vital Kamerhe et Eve Bazaiba ne se sont pas déplacés. Face à la prépondérance de Tshisekedi et l’ombre de Katumbi qui plane sur Genval, les deux leaders de la «Dynamique» entendent maintenir leur autonomie.

Cependant les positions ne sont pas unanimes au sein de la plateforme qui rassemble également l’ECiDé de Martin Fayulu, les Fonus de Joseph Olenghankoy, l’Envol de Delly Sesanga, l’ATD de José Makila et le CDER de Jean-Lucien Bussa. Rapidement une distinction se fait jour entre les «pro-Genval» comme Fayulu, Sesanga et Olenghankoy, et les «anti» comme Kamerhe, Bezaïba et Bussa. Bientôt c’est le dialogue qui donne lieu à une véritable rupture. Perçue comme une trahison, la participation de Kamerhe, Bussa, Makila ainsi que plusieurs membres du MLC à ce dialogue est sanctionnée de l’exclusion de ces membres.

Il existe par ailleurs un conflit latent de leadership entre Moïse Katumbi et Vital Kamerhe.

Ce dernier, qui s’était affiché à de nombreuses reprises au côté de Katumbi après son départ du PPRD, à tel point que l’on évoqua même la possibilité d’un ticket commun pour l’élection présidentielle, n’a vraisemblablement pas apprécié la déclaration, début mai, de candidature de ce dernier à la présidence[9]. En participant au dialogue, le président de l’UNC vise sans doute à se ménager une place dans un éventuel gouvernement de transition[10], au moment où l’opposition éprouve des difficultés à se prononcer sur une candidature unique, en faveur de Katumbi, toujours bloqué à l’étranger, où du leader de l’UDPS[11]. Le 12 septembre, Vital Kamerhe et la délégation de l’opposition partie au dialogue, avaient suspendu leur participation, réaffirmant ainsi leur volonté de donner la priorité à l’organisation de l’élection présidentielle contre une majorité préférant que les locales aient lieu en premier. Un consensus a toutefois été dégagé, le 14 septembre, pour la tenue conjointe de la présidentielle, des législatives nationales et provinciales le même jour.

Une contestation qui se précise

La seule certitude aux premiers jours du dialogue était celle du report des élections, désormais confirmé, et celle d’une réaction inévitable de la part de l’opposition hors dialogue. Rejoignant la position du « Front citoyen 2016 »[12], le rassemblement avait ainsi posé un double ultimatum pour le 19 septembre, date de la convocation du corps électoral, puis pour le 19 décembre, date de la fin du mandat de Joseph Kabila. Le déploiement de forces de l’ordre, dans bien des villes du pays, semblait limiter les

(16)

possibilités de mobilisation. Au Katanga, ancien bastion des Kabila, père et fils, qui fait aujourd’hui figure de fief de l’opposition à Joseph Kabila[13], la pression du pouvoir est très forte ; chaque manifestation y prend le risque de s’opposer à un important dispositif sécuritaire[14]. La marge de manœuvre de l’opposition reste par conséquent plus large à Kinshasa, où le meeting du 31 juillet dernier de l’UDPS s’est déroulé dans de bonnes conditions, et les interdictions de manifester ont été plus rares qu’au Katanga. Mais, les violences survenues le 19 septembre préalablement à la manifestation du

«Rassemblement» pour contester la non-convocation du corps électoral, ont probablement marqué un tournant. Durant la matinée, plusieurs dizaines de manifestants de l’opposition s’en sont pris au siège du PPRD à Limete, tandis que d’autres ont été dispersés au gaz lacrymogène par la police alors qu’ils se dirigeaient vers le palais du peuple, selon des sources locales. Les affrontements entre policiers et manifestants auraient fait deux morts du côté de la police selon les autorités, tandis que l’opposition déplore la mort de plusieurs dizaines de civils après des tirs à balles réelles. La manifestation a finalement été annulée par les autorités, qui ont procédé par ailleurs à une série d’arrestations d’opposants, dont Martin Fayulu[15]. Dans la nuit du 19 au 20 septembre, les sièges de plusieurs partis d’opposition, dont celui de l’UDPS, été ont incendiés. Outre les condamnations unanimes par des partenaires internationaux, ces flambées de violences ont motivé la suspension de la participation de la Commission épiscopale nationale du Congo (CENCO) au processus du dialogue. La CENCO conditionne la reprise des travaux à la signature d’un accord politique à convenir qui prendrait en compte quatre exigences de base :

L’assurance que l’actuel président de la République ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle ; la mention des dates des élections, ainsi que d’un plan de décaissement de fonds destiné à leur organisation ; la mise en place d’un comité de mise en œuvre de cet accord ainsi que son planning de travail.

Même si les réelles capacités de l’opposition restent toujours en question, la situation pourrait rapidement devenir encore plus explosive après ces manifestations et a fortiori si le mandat de Kabila se prolonge au-delà du 19 décembre 2016.

Références

[1]. « La Cour constitutionnelle estime que Kabila peut rester en fonction après la fin de son mandat », Jeune Afrique, 11 mai 2016.

[2]. « Participation Udps au Dialogue : «Tshisekedi piégé» selon Kamerhe », 7sur7, 27 avril 2016.

[3]. L’UDPS, l’AR, le G7, l’Écidé, les FONUS, font officiellement parti du rassemblement.

[4]. « Après deux ans d’absence, l’opposant Tshisekedi de retour à Kinshasa », France 24, 27 juillet 2016.

[5]. Christophe Rigaud, « Tshisekedi remet de l’ordre à l’UDPS », Afrikarabia, 11 août 2016.

[6]. Élise Barthet, « L’opposition lance son « Rassemblement » anti-Kabila derrière Etienne Tshisekedi », Le Monde, 10 juin 2016.

[7]. « Condamnation de Katumbi : la juge Ramazani Wazuri dit avoir subi des menaces », Radio Okapi, 28 juillet 2016.

[8]. Carole Kouassi, « Katumbi sera mis en prison s’il rentre en RDC – ministre de la Justice », Africa News, 25 juillet 2016.

[9]. « Présidentielle : mise en garde de V. Kamerhe à M.Katumbi », 7sur7, 6 avril 2016.

[10]. Christophe Rigaud, « Le dialogue sur la piste d’un gouvernement de transition », Afrikarabia, 11 septembre 2016.

[11]. Manya Riche, « La mécanique des fluides reconfigurations politiques à la veille des élections de 2016 », IFRI, novembre 2015.

[12]. Le Front citoyen 2016 créé en décembre 2015 rassemblait le G7, Moise Katumbi, la Dynamique de l’opposition ainsi que des organisations de la société civile comme Filimbi, dont le coordonnateur Floribert Anzuluni est celui du Front. Félix Tshisekedi, fils du leader de l’UDPS, avait également signé la déclaration du Front sans toutefois que le parti ne s’estime engagé. Seule la société civile semble encore animer cette plateforme.

[13]. Hans Hoebekke, « Katanga: Tensions in DRC’s Mineral Heartland », ICG, 3 août 2016.

[14]. Jean-Jacques Wondo, « Le Katanga en état de guerre ? », DESC-Wondo, 14 mars 2016.

[15]. La journaliste de RFI Sonia Rolley et un de ses collègues de TV5 ont également été arrêtés. « Deux policiers tués à Kinshasa, la manifestation de l’opposition annulée », Jeune Afrique, 19 septembre 2016.

Edem Kodjo, c’est fini ?

Christophe RIGAUD – Afrikarabia - le 25 Sep 2016

Le dialogue national n’a toujours pas repris à Kinshasa après les violences des 19 et 20 septembre. La suspension de la participation de la délégation de l’opposition, les vives critiques de l’Eglise catholique et le boycott du Rassemblement d’Etienne Tshisekedi pourraient déboucher sur le départ du facilitateur de l’Union africaine (UA), Edem Kodjo.

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

2° - Pourquoi se soucie-t-on tant de savoir si la fin du « mandat » du « Président » Kabila serait conforme à la Constitution, alors que la Constitution a été non pas

2° - Pourquoi se soucie-t-on tant de savoir si la fin du « mandat » du « Président » Kabila serait conforme à la Constitution, alors que la Constitution a été non pas

2° - Pourquoi se soucie-t-on tant de savoir si la fin du « mandat » du « Président » Kabila serait conforme à la Constitution, alors que la Constitution a été non pas

1 Voir l’enquête RFI :Qui est Célestin Kanyama la machine à tuer de Joseph Kabila? Objet de sanctions financières ciblées par les USA depuis le 23 juin 2016 Le général Kanyama

Celle-ci fixe certains délais : les élections devraient être convoquées dans quelques jours, se tenir en novembre, et désigner alors un successeur à qui JKK passera la main le

Sous la supervision du facilitateur de l’Union africaine (UA), le Togolais Edem Kodjo, les travaux du dialogue national, initié par le président Joseph Kabila pour tenter de sortir

Longtemps hostile à tout dialogue avec Joseph Kabila, qu’il connaît bien pour avoir été son directeur de campagne, l’ancien président de l’Assemblée nationale a modifié sa

Trente-six civils ont, selon un bilan officiel, été tués dans la nuit de samedi à dimanche à Beni, dans l'est de la République démocratique du Congo, provoquant la colère