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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le mardi 10 septembre 2013

Les Mythes Les Mythes Les Mythes Les Mythes de «

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Année 2013, numéro 17

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SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE

Les mythes de « la démocratie »… page 1 Egypte

Egypte Egypte

Egypte----ThaïlandeThaïlandeThaïlandeThaïlande

Le mythe d’une démocratie kaki… page 3 Centrafrique

Centrafrique Centrafrique Centrafrique

Un peu de géopolitique: Bangui avant la Syrie… page 5 RDC

RDC RDC RDC

CONCERTATIONS : Confidences du chauffeur du Ministre Les féticheurs entrent en danse… page 8

L’oncle du village ministrable !... page 9 Un Ministre parmi les fêtard… page 10

Concertations nationales : l’ambiance des premiers jours… page 12

Une lettre de Mr. Isidore Ndaywel è Nziem, Membre Correspondant de l’Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, à Guy De Boeck, à propos de « Pourquoi le Congo

va-t-il si mal ? » (paru en mai 2012)… page 15 Réponse de l’accusé… page 18

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Les mythes de « la démocratie »

Par Guy De Boeck

Les hésitations de vocabulaire traduisent bien l’embarras général. Que se passe-t-il en Egypte depuis que l’armée a destitué le 1er président démocratiquement élu : s’agit-il d’un coup d’Etat, d’un putsch, d’un soulèvement populaire, d’une nouvelle révolution ? Le plus grand et le plus peuplé des pays arabes est-il aujourd’hui au bord du chaos, de la guerre civile après les tueries commises par l’armée dans les rangs islamistes ou le pays est-il sur la voie hésitante d’un redressement qu’on n’ose appeler démocratique ? En tous les cas, ce coup d’arrêt à l’Islam politique complique un peu plus encore la carte des convulsions et des fractures au Moyen Orient, modifie les rapports de force dans cet immense espace qui va de l’Iran à la Libye et embarrasse les Etats-Unis qui ont longtemps voulu faire de l’Egypte le pilier de leur politique arabe.

Les lendemains du coup de 2006 en Thaïlande n’ont pas été aussi sanglants. Mais l’amertume reste présente chez les partisans du Premier ministre évincé et la violence dans les rues est une menace constante. Seul roi Bhumibol Adulyadej parvient encore à symboliser la cohésion nationale, mais il est âgé (85 ans), fragile et souffrant. Il va donc inéluctablement disparaître d’un jour à l’autre. Sans lui, les combats entre les pauvres ruraux et les élites urbaines pourraient reprendre rapidement. Cela n’augure rien de bon pour la démocratie thaïlandaise.

L’attitude de l’Occident, que ce soit au Moyen Orient ou en Afrique Noire, est toujours, sinon d’intervenir, au moins d’approuver chaleureusement les attitudes « musclées » lorsqu’elles s’opposent à un autoritarisme musulman aussitôt décrit comme « proche de la mouvance terroriste ». On semble faire une règle générale de l’idée qu’un « printemps arabe » est toujours suivi d’un « hiver salafiste », que l’on ne se pose même plus la question du

« pourquoi ».

L’Occident semble incapable de renoncer à l’un de ses mythes, sans doute parce que c’en est un dont il fait, à usage interne, une consommation immodérée. Cette idée est celle qui voit comme coextensifs, voire comme synonymes, le libéralisme politique, sous les espèces

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de la démocratie bourgeoise, parlementaire et élective, et le libéralisme économique le plus sauvage. A chaque fois que l’on entreprend des « réformes en vue de la démocratie », le peuple voit et sent surtout les réformes inspirées par l’orthodoxie mondialisatrice du FMI : hausse des prix, démantèlement des programmes sociaux, éducation et santé rabotées ou soumises à la loi du profit. A leur grande surprise, les humbles apprennent que la liberté et la démocratie, cela commence par la famine !

C’est bien entendu à l’état que l’on impose, au nom de ladite orthodoxie, de ne plus

« fausser le marché » par ses interventions. Et cela a lieu dans un contexte où l’état était le seul intervenant laïque ou du moins non confessionnel. Les gens, qui sont conscient d’être incapables de survivre sans aide, sont dès lors rejetés vers les organisations confessionnelles et, assez logiquement, vont vers celles de leur confession religieuse. Cela est d’autant plus vrai que l’Islam a une sérieuse et longue tradition de solidarité et d’entraide, et que les organisations qui s’en réclament, du moins les plus réactionnaires, ont de puissantes sources de financement dans les monarchies pétrolières du Golfe.

Simultanément, les réformes politiques sent venues accorder une voix politique à des millions de gens, dont un grand nombre sont pauvres, sans éducation et religieux. Ils ne sont peut-être pas de bons démocrates, ni même tolérants envers d’autres points de vue et peuvent avoir– par exemple sur le rôle de la femme, sur le sexe et sur la place de l’islam dans la vie publique – des opinions que les libéraux laïques abhorrent.

Accorder une chance à la démocratie n’est pas possible sans autoriser une forme d’expression religieuse dans la vie publique. Aucune démocratie au Moyen-Orient qui ne prendrait pas l’islam en compte ne fonctionnera.

En RDC, c’est un autre mythe qui est à l’œuvre, celui selon lequel, en se concertant, l’on pourrait venir à bout de tous les problèmes. Là aussi, il s’agit d’un coup de force après des élections, mais si ce coup de force a été moins sanglant encore qu’en Thaïlande, il a consisté en l’imposition par la violence et la menace des « résultats électoraux » dépourvus de crédibilité d’une élection nulle. Il faut rappeler encore une fois que les élections du 28/11/11 ont été organisées, tout comme celles de 2006, en faisant voter un « corps électoral inconnu », faute de recensement préalable de la population. Ce fait à lui seul suffirait à en « plomber » gravement la crédibilité. Elles ont, par-dessus le marché, été entachées de fraudes et de manipulations à un point tel qu’elles ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats partiels constatés par ses observateurs. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à jamais inconnus. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli.

Que devient dans tout cela le principe « sacré » des élections comme « seul moyen légitime d’accéder au pouvoir » ?

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EGYPTE EGYPTE EGYPTE

EGYPTE----THAÏLANDE THAÏLANDE THAÏLANDE THAÏLANDE

Le mythe d’une démocratie kaki

par Ian Buruma

L’Égypte et la Thaïlande ont peu de choses en commun, excepté dans un domaine.

Dans ces deux pays, à différentes époques, les gens instruits qui se targuent d’être des démocrates ont fini par se féliciter des coups militaires contre leurs gouvernements élus. Ils ont résisté contre des régimes militaires oppressants durant de longues années, mais en Thaïlande en 2006, comme en Égypte le mois dernier, ils étaient heureux de voir leurs dirigeants politiques renversés par la force. Cette perversité n’est pas sans raison. Dans ces deux pays, les dirigeants élus, Thaksin Shinawatra en Thaïlande et Mohammad Morsi en Égypte, sont de bons exemples de démocrates autoritaristes : ils ont tendance à envisager leur succès électoral comme un mandat pour manipuler les normes constitutionnelles et se comportent comme des autocrates. Ils ne sont pas les seuls. En fait, ils sont probablement très représentatifs des dirigeants de pays dont l’histoire n’a pas ou peu connu de gouvernements démocratiques. Le Premier ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, appartient au même camp. Et si les dirigeants du Front islamique du salut (FIS) de l’Algérie avaient été autorisés à prendre le pouvoir en 1991, après leur premier succès dans une élection démocratique, ils auraient certainement été des dirigeants autocrates. (Mais ils ont été renversés par un coup militaire avant les élections suivantes, ce qui a déclenché une guerre civile brutale qui a duré huit ans, déplorant quelque 200 000 morts).

Les lendemains du coup de 2006 en Thaïlande n’ont pas été aussi sanglants. Mais l’amertume reste présente chez les partisans de Shinawatra – aujourd’hui encore, alors que sa sœur Yingluck est devenue Premier ministre. La violence dans les rues est une menace constante. Seul le fragile et souffrant roi Bhumibol Adulyadej, 85 ans, parvient encore à symboliser la cohésion nationale. Sans lui, les combats entre les pauvres ruraux et les élites urbaines pourraient reprendre rapidement. Cela n’augure rien de bon pour la démocratie thaïlandaise. Une autre intervention militaire serait la dernière chose dont le pays aurait besoin. En Égypte, les choses prennent une tournure bien pire actuellement. Le général Abdel Fattah al-Sissi, instigateur du coup militaire, a promis de s’opposer avec détermination et force aux Frères musulmans de Morsi. Lors de deux incidents indépendants en juillet, les

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forces de sécurité ont ouvert le feu sur les partisans des Frères alors qu’ils manifestaient pacifiquement contre le renversement et l’arrestation de Morsi, provoquant la mort de près de 200 personnes. Les unités de la police secrète, actives sous l’ancien régime du président Hosni Moubarak (et connues pour leur fréquente utilisation de la torture) sont en train d’être reconstituées pour la première fois depuis la révolution de 2011. Rien de tout cela n’est ni démocratique ni libéral. Et de nombreux Égyptiens, y compris les militants des droits de l’homme, ont approuvé.

Un homme, sauvagement battu par un membre des forces armées sur la place Tahrir en 2011, déclare aujourd’hui que le peuple égyptien devrait « se rallier » à l’armée, et que tous les dirigeants des Frères musulmans devraient être arrêtés. Esraa Abdel Fattah, un éminent militant prodémocratie, a qualifié le parti de Morsi de gang de terroristes soutenu par des forces étrangères. L’armée tient le même discours : mesures spéciales, force maximum et unités de sécurité restaurées sont nécessaires pour « combattre le terrorisme ». Certains commentateurs étrangers ont tout autant été leurrés que les Égyptiens qui ont soutenu l’intervention de l’armée. Un romancier hollandais bien connu a lui aussi eu la même réaction classique, prétendant qu’il se souciait bien peu de ce qui pouvait arriver aux militants pro- Morsi, puisqu’ils n’étaient tous que des « islamo-fascistes. » Et les gouvernements étrangers, y compris celui des États-Unis, détournent leur regard. L’administration du président Barack Obama refuse de qualifier les évènements de « coup d’État ». Le secrétaire d’État John Kerry a même prétendu que l’armée était en train de « restaurer la démocratie ». Il n’y a aucun doute sur le fait que le gouvernement Morsi était inexpérimenté, et même en certaines occasions incompétent, et il s’est montré réticent à entendre d’autres vues que celles de ses partisans, lesquels étaient souvent loin d’être libéraux. Mais les partisans de Morsi ne sont pas des terroristes soutenus par des forces étrangères. Et Morsi n’est pas non plus une version égyptienne de l’ayatollah iranien Ruhollah Khomeyni.

Les élections qui ont porté Morsi au pouvoir ont, pour la première fois, accordé une voix politique à des millions de gens, dont un grand nombre sont pauvres, sans éducation et religieux. Ils ne sont peut-être pas de bons démocrates, ou même tolérant particulièrement d’autres points de vue. Nombre d’entre eux avaient des opinions – par exemple sur le rôle de la femme, sur le sexe et sur la place de l’islam dans la vie publique – que les libéraux laïques abhorrent. Mais réduire ces gens au silence par la force et les qualifier de terroristes soutenus par l’étranger ne peuvent aboutir qu’à une seule chose : plus de violences. Si l’issue d’élections démocratiques n’est pas respectée, les gens trouveront d’autres moyens de se faire entendre. L’inclination autocratique de Morsi a pu porter tort à la démocratie ; mais le renverser par la force lui porte un coup mortel. Comment combler le fossé entre les élites laïques urbanisées, plus ou moins occidentalisées, et les pauvres ruraux dans les pays en développement est un vieux problème. Une solution est d’imposer une modernisation laïque en oppressant les pauvres et leurs organisations religieuses. L’Égypte a déjà enduré le régime dur d’un État laïque policier, qu’il soit de droite ou de gauche. L’autre solution est d’accorder une chance à la démocratie.

Cela n’est pas possible sans autoriser une forme d’expression religieuse dans la vie publique. Aucune démocratie au Moyen-Orient qui ne prendrait pas l’islam en compte ne fonctionnera. Mais, sans la liberté d’exprimer des vues et des croyances différentes, la démocratie demeure autoritariste. Les partis islamistes ont du mal à accepter cet état de fait.

De nombreux islamistes préféreraient peut-être une démocratie autoritariste plutôt que libérale. Mais les libéraux qui favorisent réellement la démocratie doivent accepter que les islamistes soient, eux aussi, autorisés à jouer un rôle politique. L’alternative serait de revenir à

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une autocratie autoritariste. Se féliciter du coup militaire contre Morsi accorde toute sa probabilité à cette dernière alternative.

Centrafrique Centrafrique Centrafrique Centrafrique

Un peu de géopolitique: Bangui avant la Syrie

Par Bernard Lugan1

La RCA est en perdition. Dans ce pays que les négriers arabo-musulmans venus de la bande sahélienne et plus particulièrement du Soudan avaient jadis baptisé Dar Kouti (« terre des esclaves »), la colonisation avait mis un terme aux razzias des esclavagistes. Aujourd’hui, la poussée séculaire des sahéliens vers le Sud a repris. Là est la clé de compréhension des actuels évènements. Les coupeurs de route du Séléka au pouvoir à Bangui où ils font régner la terreur, sont en effet les héritiers directs des bandes mahdistes et de celles de Snoussou qui faisaient déjà subir l’indicible aux populations de la forêt et du fleuve avant la colonisation.

Ces violations des « droits de l’homme » ne préoccupent guère l’actuel occupant de l’Elysée. Tout à sa ridicule guerre humanitaire contre la Syrie, ce président sans culture historique ne voit pas que le drame qui se joue actuellement en RCA est d’une extrême gravité pour la stabilité de toute une partie de l’Afrique. Il serait donc totalement irresponsable de laisser se créer un nouveau foyer de déstabilisation au sud du Tchad et cela au moment où la contagion sahélienne a touché la zone tchado-nigériane et toute la Libye saharienne. A quoi bon en effet être intervenus au Mali si, au même moment, nous laissons se développer plus à l’est un furoncle purulent ? Ce n’est donc pas en Syrie, où nos intérêts ne sont nullement engagés que nous devons intervenir, mais en RCA. Et vite !

Le problème ethnique étant à l’origine de l’instabilité récurrente que connaît cet autre pays artificiel qu’est la RCA, il importe donc de bien l’analyser et c’est le sens de cette note.

La cause de l’interminable anarchie centrafricaine est que ce quadrilatère de 623 000 km2 est un non-Etat présentant de grandes différences géographiques, donc humaines, entre un nord- ouest sahélien, un nord-est soudanais, des savanes centrales, une forêt méridionale et des régions bordières du fleuve. L’histoire contemporaine de la RCA, de 1960 à aujourd’hui est

1Analyse publiée dans l’Afrique Réelle - 07/09/2013

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rythmée par l’alternance de cycles ethno-politiques conflictuels qui donnèrent tour à tour le pouvoir à des populations originaires des grandes régions du pays.

De 1960 à 1993, soit durant 33 ans, le pays fut dirigé par les « gens du fleuve ». Ce cycle débuta au mois d’août 1960, date de l’indépendance, jusqu’à 1993, avec successivement Barthélemy Boganda, Jean-Bedel Bokassa, David Dacko et André Kolingba ; les Ngbaka- Ngbandi puis les Yakoma furent alors au pouvoir. En 1979, la France commit l’erreur de renverser l’ « Empereur » Bokassa, un fantasque mais fidèle allié, pour installer au pouvoir David Dacko. N’ayant pas la « poigne » de son prédécesseur, il fut contesté par Ange Félix Patassé, un nordiste d’ethnie Sara soutenu par la Libye contre laquelle la France guerroyait au Tchad. En 1981, comme le retour d’un homme fort était une nécessité, la France « aida » le général Kolingba, un Yakoma, à prendre le pouvoir.

Durant les douze années de sa présidence (1981-1993), le général réussit à « tenir » le pays ; puis, à partir des années 1990, le diktat démocratique lui ayant été imposé, il fut contraint d’organiser des élections. La démocratie ethno-mathématique provoqua alors l’anarchie.

Ange Félix Patassé qui avait réussi à rassembler autour de sa candidature les ethnies qui refusaient la domination des « gens du fleuve », remporta les élections. De 1993 jusqu’en 2003, les Sara furent alors au pouvoir mais la coalition ethnique qui avait donné la victoire au président était plus que fragile. Les populations de l’Est et du Centre, comme les Gbaya et les Banda n’avaient en effet vu en lui qu’un candidat leur permettant de s’affranchir de la tutelle des « gens du fleuve ». Ce but ayant été atteint, ils voulurent le renverser pour accéder à leur tour au pouvoir et à partir de 1996 le pays sombra dans la guerre ethnique. L’armée française intervint alors pour tenter d’éviter un embrasement général «à la libérienne». Le 15 mars 2003 le général François Bozizé, un Gbaya pasteur d’une église chrétienne charismatique prit le pouvoir. Avec lui, la grande ethnie Gbaya originaire de l’ouest du pays accédait donc aux affaires.

Le contexte était à ce moment très défavorable au nouveau président car tout le nord du pays était touché par la contagion du conflit soudano-tchadien. A plusieurs reprises, les rebelles tchadiens opposés au président Idriss Déby Itno soutenus par le Soudan tentèrent ainsi de contourner les défenses tchadiennes par le nord de la RCA. La région de Birao et des

« trois frontières » échappa alors aux autorités de Bangui. A la fin du mois de décembre 2012, venus de cette région, des rebelles tentèrent de prendre Bangui pour en chasser le général Bozizé. L’interposition des forces françaises et de détachements tchadiens et congolais les en dissuada une première fois. L’offensive reprit dans les semaines qui suivirent, « organisée » autour du Séléka (coalition en langue sango). Ce mouvement était composé de plusieurs petites tribus nordistes et musulmanes, dont les Gula et les Runga appuyées par des Soudanais et des Tchadiens. Dans les derniers jours de 2012, le Séléka avança vers Bangui, culbutant le demi millier de militaires gbaya qui tentaient plus que mollement de les arrêter.

Paris fut alors face à un choix : soit soutenir le régime discrédité et largement incompétent du président Bozizé, soit laisser se développer le chaos avec tous les dangers de contagion qu’une telle option implique. La seconde option fut choisie. Le 24 mars, le président Bozizé quitta Bangui pour la RDC et les rebelles du Seleka prirent la ville. Une razzia lancée par deux ou trois centaines de coupeurs de route s’était donc transformée en une entreprise de conquête du pouvoir. Au noyau initial du mouvement vinrent ensuite s’agréger

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plusieurs mouvements ethno-politiques microscopiques dirigés par de vieux chevaux de retour de toutes les aventures centrafricaines.

Le pillage de Bangui débuta alors, suivi par une épuration ethnique visant notamment les Gbaya. L’anarchie gagna ensuite l’ensemble du pays. Dans le nord, notamment dans la région de Bouar, ainsi que dans l’est, dans celle de la frontière avec le Cameroun, les bandes du Séléka se livrent actuellement à un pillage en règle des populations cependant que Michel Am Nondroko Djotodia président autoproclamé depuis le 24 mars 2013 est totalement dépassé par les évènements.

Une situation à suivre…

RDC

CONCERTATIONS : Confidences du chauffeur du Ministre

Par André Yoka Lye2

Ce n’est pas André YOKA Lye qui a inventé l’adage « Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre », mais il mériterait d’en être l’auteur.

Le billet qu’il donne régulièrement à l’un des journaux de Kinshasa sous le nom de Confidences du chauffeur du ministre recourt à un procédé dont se sont déjà servis Molière et Marivaux : faire observer les « grands personnages » par leur « petit personnel ». En l’occurrence, donc, il s’agit d’un Ministre ( le ministre des affaires stratégiques, à prononcer avec respect…), observé par son chauffeur, bien placé pour observer son Grand Homme quand il se fait enguirlander par sa légitime (mère ya palais) à propos de son Deuxième Bureau, ou agonir d’injures par celle-ci qui veut des cadeaux plus luxueux et plus fréquents, quand il se prosterne sur son GSM en entendant une Voix d’En Haut ou quand il se redresse de toute sa taille pour toiser les humbles…

2andreyokalye@yahoo.fr

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Dans les « confidences » qui suivent, il est largement question des « concertations nationales » et d’aspects de celles-ci sur lesquels j’avais déjà attiré l’attention : leur composition en forme de « fourre-tout », la vénalité de bien des participants, le déchaînement forcené des appétits à l’idée qu’il pourrait y avoir un remaniement du gouvernement…

Simple confirmation, donc, de ce que nos lecteurs savent déjà, mais avec cette fois le rire en plus.

Guy De Boeck

LES FETICHEURS ENTRENT EN DANSE !

Mon patron, le ministre des affaires stratégiques ( à prononcer avec respect…) ne décolère pas. Et, à mon avis, il a raison : hier soir, en rentrant à domicile, après une journée politique exténuante, il est tombé, nous sommes tombés, pour ainsi dire, sur une escouade de parents venus du village. A leur tête, vêtu d’un chéchia rouge comme la police coloniale, d’une veste improbable, d’un pagne écarlate et d’un chapelet de colifichets et de fétiches exotiques, trônait dans la paillote ministérielle, … l’oncle même de notre patron de ministre.

L’oncle était entouré d’une ribambelle de cousins et cousines, tous venus de

« l’arrière-pays », pour on ne sait quoi faire à Kinshasa. Le ministre, son garde du corps et moi-même, nous avons pénétré dans la concession puis à l’intérieur de la villa en jetant à peine un regard à ces intrus. Même notre patron de ministre n’a pas daigné tendre la main à son oncle venu du village. En entrant dans la maison nous avons trouvé « mama-ministre »,

« mère-ya-palais » complètement affalée sur le canapé, presqu’au bord de la dépression nerveuse. Entre deux souffles entrecoupés, elle a essayé de raconter ses misères depuis l’arrivée intempestive et massive des parents villageois : comment l’oncle s’est imposé dès son arrivée, en faisant irruption dans la cuisine vers le frigo pour dégotter des bouteilles de bière ; comment il a brutalisé la bonne et le domestique « en langue » parce qu’eux justement ne savait pas lui répondre « en langue » ; comment les jeunes arrivés avec l’oncle se sont mis à pisser sur les murs braguettes allègrement ouvertes ; comment l’un de ces cousins-couci- couça a cassé les verres d’eau qui lui avaient été présentés…

Une fois installé au salon, notre patron de ministre m’a demandé de faire entrer l’oncle seul et en priorité. Le ministre m’ a retenu pour assister à l’audience. Maîtrisant manifestement ses impatiences, le ministre s’est enquis des raisons de cette visite familiale.

L’oncle a toussé trois fois, a raclé sa gorge, et a enfourché un proverbe : « Celui qui a défriché son propre champ, et semé dedans, lui demande-t-on pourquoi et à quel moment il peut, à sa guise, contrôler sa propre moisson ? ». Toujours se maîtrisant, notre patron a insisté.

L’oncle, dans un autre proverbe tout aussi percutant que le premier a fini par expliquer que « lorsque sans rien laisser présager, se lève soudain un vent fort et inattendu, c’est que le villageois est prévenu et pense déjà à la solution, à la sécurité des siens d’abord ». Plus explicitement, l’oncle a informé que sa forte délégation familiale comportait plusieurs missions : il y avait d’abord lui-même venu dans la capitale réclamer son droit à participer aux concertations nationales. Il y avait ensuite un neveu diplômé d’Etat dans une école du village spécialisée dans les études … du pétrole et du gaz, et qui postulait dans la capitale son entrée à l’université. Bien entendu les parents au village comptaient beaucoup sur le ministre pour pistonner une place à l’université, mais surtout pour les facilités du minerval. Il y avait aussi une nièce qui se préparait au mariage là-bas avec son pasteur paroissial ; il lui manquait un voile blanc et surtout de quoi organiser le banquet… à Kinshasa,

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au besoin dans la résidence du ministre, question de montrer à tous les convives villageois attendus que dans la famille on avait « quelqu’un-en-haut-d’en-haut ».

Avant même que le ministre ne réponde à toutes ces requêtes, l’oncle est revenu sur son propre cas : il tenait, grâce à l’entregent de son neveu de ministre à « se faufiler » dans cette nouvelle aubaine nationale que sont les concertations. Il tenait, une fois coopté, à plaidoyer pour un village de la modernité, avec eau courante, WC individuels, courant électrique 24h sur 24h. Il venait se plaindre en particulier du fait que la REGIE des SEAUX (REGIDESO) avait depuis belle lurette le projet d’une fontaine publique, en attendant les robinets individuels, mais le PDG, pourtant fils du patelin exigeait le principe d’abonnement au compteur pour tous les villageois, y compris le chef. L’oncle était scandalisé : « Depuis quand, s’est-il écrié, l’eau des ancêtres est à vendre ? ». L’oncle réclamait enfin que la

« bancarisation » en cours dans les villages, via les paroisses catholiques et via les distributeurs de banques, puisse prendre en compte les produits en espèces. Il militait pour des distributeurs qui cracheraient diverses victuailles qu’on ne trouve pas dans l’ « arrière-pays » : testicules de porc-épic surcongelés, croupions de sardines en boîte, crêtes de dindons empaquetées…

Toujours se maîtrisant, notre patron de ministre a réagi en deux temps à ces requêtes.

Primo, s’agissant du minerval et autre contribution au mariage : il lui fallait des « factures pro-forma ». Secundo, s’agissant de la participation de l’oncle aux concertations : le ministre lui-même n’avait pas été encore coopté. Et justement il espérait, au contraire, une intervention d’un féticheur aux « quatre-z-yeux » comme son oncle pour participer lui aussi…

L’ONCLE DU VILLAGE MINISTRABLE !

Je rappelle qu’il campe toujours là, l’oncle de mon patron, le ministre des Affaires stratégiques (à prononcer avec respect…). Cet oncle est arrivé du village à l’improviste il y a une semaine, dès que les pourparlers sur les concertations nationales ont démarré. L’oncle est arrivé avec une ribambelle de cousins couci-couça, dont un diplômé d’Etat soi-disant en études pétrolières et gazières, prétendant pour une bourse universitaire en Inde, en Afghanistan ou au Vanuatu ; et une nièce en instance de mariage avec son pasteur paroissial.

Tous espérant un appui providentiel du cousin ministre. Or depuis leur arrivée impromptue chez notre patron de ministre, le torchon brûle sérieusement entre « mama-ministre », « mère- ya-palais » du ministre et l’oncle. Ce dernier veut tout régenter : il estime par exemple que les repas que sa « belle-nièce » lui prépare sont indignes de son rang. Pouah , avec ces frites et ces steak sans gout de gibier ! Pouah, avec ces pains de mie comme on donne aux bébés ! Pouah, avec ces bières de femmelettes qui ne soûlent pas du tout ! L’oncle réclame au petit déjeuner des testicules de chauve-souris faisandé et au bain-marie. Au déjeuner : ignames sauvages pilés avec des croupions de porc épic grillés ainsi que du vin de palme vieux d’une semaine. Au dîner : une compote de safou mélangé avec de l’huile de palme assortie d’un cocktail de jus de gingembre, de kimbiolongo et de kola. Etant donné, d’après l’oncle, la mauvaise volonté manifeste de la « belle-nièce », épouse de son neveu « sang- pour- sang »,

« cent-pour-cent », l’oncle a réclamé de quitter la résidence ministérielle et d’être installé dans un flat-hôtel digne.

Les cousins eux, n’ont qu’à rester sur place jusqu’à nouvel ordre. L’oncle réclame surtout d’être rapidement mis en contact avec les organisateurs des concertations nationales, pour avoir voix au chapitre, en tant que chef coutumier de son patelin. D’autant plus qu’il postule un poste ministériel de haut niveau, à la place d’un neveu ministre « qui a fait sa saison », selon ses dires. Voilà donc dix jours que « mama-ministre » n’adresse pas la parole à l’oncle intransigeant, et vice versa, au grand déplaisir de notre patron de ministre. En

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particulier, « mama-ministre » reproche à l’oncle justement ses derniers propos si déplacés, si « ndoki » concernant le remplacement du ministre au gouvernement.

En vue de ramener tant soit peu la paix, j’ai supplié mon patron de ministre d’éloigner l’oncle du village, et de lui trouver un flat-hôtel dans le quartier. Pour la bouffe, je me suis engagé à négocier avec une « mama-malewa », tenancière d’une gargote dans le quartier

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pour préparer à l’oncle les repas à la mesure de son statut. Quant au dossier délicat de la participation aux concertations, étant donné que l’oncle est sourd aux explications de son neveu de ministre, j’ai proposé que le ministre rédige une sorte de recommandation de pure forme que je m’arrangerai à déposer à n’importe quel bureau de cooptation des délégués aux concertations. C’est ce qui a été fait. Le lendemain matin, après avoir déposé mon patron de ministre à son bureau de travail, j’ai promené l’oncle à travers la ville, pour le déposer enfin au Palais du Peuple.

Là, une foule immense nous attendait, laquelle était constituée de tous les candidats à cette nouvelle aubaine d’embauche qui s’appelle « concertations » : anciens ministres en réserve de la république, la veste et la cravate rabougris par le chômage ; des anciens candidats au parlement vieillis par les ingratitudes des attendes improbables ; des présidentes- femmes des associations de plaisance et de mobilisation de partis politiques fantômes, ressuscitées comme par miracle, comme à la veille des campagnes électives. Mais il y a là également de simples badauds, curieux de voir surgir cette faune de dinosaures empressée, certainement candidats à de nouveaux « per diem »… Sans doute pour distraire quelque peu ces candidats, un écran géant a été placé dans cette salle surchauffée du Palais, et qui relaie les émissions télévisées. En attendant de confier l’oncle à un collègue du Palais du peuple, n’importe lequel, pourvu de se débarrasser de ce candidat encombrant, j’ai tenu compagnie à l’oncle, tout en suivant l’écran géant. Ah ! Quelle bousculade à l’écran pour les ministres en fonction ! Autant les «ex-» se bousculent ici au portillon du Palais du peuple, autant les

« excellences » en fonction se bousculaient à l’écran, sans doute pour rester « visibles », dans la perspective d’un prochain remaniement en vue du fameux « gouvernement d’union nationale » : les « pages-magazines » se succédaient ainsi de façon effrénée , déroulant les discours soporifiques des ex-futurs ministres agités…

J’ai fini par abandonner l’oncle candidat au Palais du peuple, perdu dans la foule remuante et impatiente. Je ne compte pas revenir le chercher…

UN MINISTRE PARMI LES FÊTARDS

Ah ! c’était l’ambiance comme on l’aime à Kin-Malebo : ambiance-kiesse-yaya et ambiance-ngwasuma ! Sauf que cette fois-ci, ce n’était pas à Kin, mais à Brazza-la-verte. Le chauffeur du ministre que je suis devait accompagner là-bas, au Festival panafricain de Musique, Son Excellence en charge des Affaires stratégiques ( à prononcer avec respect…).

Ah ! L’ambiance a commencé dès l’embarquement au Beach Ngobila à Kin ! Comme notre patron de ministre a précédé à bord d’une navette VIP, nous, c’est-à-dire le chef du protocole et moi-même, devions suivre à bord du grand bateau grand public. C’était tard, et nous n’avions pas pu effectuer les démarches administratives de traversée ni acheter à temps les titres de voyage. Tout chef de protocole et tout chauffeur émérite du ministre que nous sommes, nous avons été refoulés par les services de sécurité et d’immigration. Pourtant, coûte que coûte, nous devions rejoindre au plus vite notre patron de ministre, et le même jour.

Désespoir ! Désespoir d’autant plus vif que devant nous, et sans rien exhiber, des foules de personnes handicapées traversaient le cordon de l’immigration en priorité, et sans contrôle.

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C’est alors que mon collègue, le chef du protocole a eu une idée à la fois insolite et géniale : jetant sa valise sur l’épaule, il s’est mis à claudiquer avec désinvolture comme un chimpanzé estropié. Clopin ! Clopan ! Clopin ! Clopan ! Mon collègue m’a fait signe, chuuuut ! d’en faire autant. Et me voilà marchant aussi clopin-clopan sur une jambe. Le chef du protocole est allé loin dans sa farce, puisqu’il a subrepticement enlevé ses chaussures et, à l’aide des lacets, les a pendues autour du cou, à la manière des autres handicapés. Clopin ! Clopan !. j’en fis autant. Evidemment les services de sécurité et d’immigration n’y ont vu que du feu et nous ont laissé passer sans contrôle.

La traversée du fleuve ? Une odyssée digne de l’Arche de Noé ! Des balluchons en vrac, avec des marchandises bizarres : testicules séchés de chauves-souris, croupions de porcs-épics, crêtes de coqs, morceaux d’argile taillés pour femmes enceintes, etc. Quelle ambiance de folie dans cette Arche de Noé ! Vrais-faux pasteurs ivres d’allélluairies, vrais- faux griots-atalaku hystériques; et au milieu de tout ça : encore et encore ces vrais-faux handicapés ; encore et encore ces mamas-bipupula, ces mamas-benz, ces mamas-mapa, ces mamas-maputa, toutes bien en chair, elles-mêmes protubérantes surcharges avant-arrière…

Et tout ça grouillant, bruyant, montant et descendant, sens dessus-dessous. Clopin ! Clopan ! Enfin, après diverses manœuvres périlleuses, étant donné l’étiage d’un fleuve en décrue de saison sèche, le bateau Arche de Noé semi-handicapé a débarqué à Brazza. Et sans contrôle ni visa à l’immigration brazzavilloise !

Le temps pour mon collègue et moi de nous engouffrer dans la petite brousse le long des quais pour nous remettre une tenue correcte, et nous voici sur pied en quête d’un taxi pour le stade où se tient le Festival et où nous attend certainement notre patron de ministre, en compagnie des autres invités de marque.

Au stade, c’est le branle-bas, c’est l’ambiance surchauffée des soirées de méga- concerts pour méga-stars africaines. Au stade, le temps de nous faufiler à travers la foule immense des fans et autres badauds-ngembo, nous voici à la tribune d’honneur. Chance : pas encore d’autorité ministérielle en vue. Ce n’est pas étonnant : la règle et l’étiquette protocolaires ici, veulent que les ministres soient exprès en retard pour être bien vus et applaudis du public. C’est exactement ce qui est arrivé : les ministres sont entrés au stade en cortège solennel, sous les hourras protocolaires du public.

Puis, soudain, contre toute attente, il y a eu une vraie explosion : tout le stade a vibré de fond en comble. Panique à la tribune d’honneur. Mais en fin de compte, panique pour rien : en fait, le stade debout hurlait et saluait l’entrée fracassante de l’artiste … Werrason.

Inutile de dire que son concert a été un fou, un feu d’artifice !

Or, désastre ! Aussitôt que la star a terminé son tour de chant, aussitôt qu’ils ont pris la porte de sortie, lui et ses musiciens, hop ! tous les fans et tous les badauds-ngembo ont vidé le stade, à la poursuite de l’idole, laissant là ministres et autres invités de marque. Et perturbant notoirement les prévisions et les agendas protocolaires…

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Concertations nationales : l’ambiance des premiers jours

Elles se sont ouvertes, le samedi 7, par le discours de JKK, dont on peut lire le texte à http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=2&newsid=195356&Actualiteit=sele cted

Initialement prévue pour ce dimanche, la plénière des concertations nationales a été reportée à lundi 9 septembre à Kinshasa. Mais Radio Okapi aura de la peine à informer son public sur le déroulement de ces travaux, faute d’accréditation. Son équipe de reporters a mené toutes les démarches requises auprès des organisateurs des concertations nationales pour obtenir ses accréditations. Sans succès.

Selon l’annonce faite samedi par le présidium à l’ouverture solennelle de ces assises, cette plénière devrait être consacrée à la présentation du règlement intérieur. Mais la question de la validation des listes des délégués, notamment ceux de la société civile, n’a pas permis la tenue de cette séance. La diversité de la société civile congolaise continue à peser sur l’harmonisation des listes des délégués de cette composante à ces concertations nationales, selon des sources proches du secrétariat technique de ce forum. Reçus pas le présidium samedi, les représentants des différentes structures de la société civile devraient s’entendre pour clore leurs listes. Selon l’un d’eux, c’est seulement samedi tard dans la nuit qu’une liste définitive a été fixée. Toujours selon cette source, cette liste ne représentait malheureusement pas toutes les structures de base de la société civile. De son côté, le secrétariat technique s’activait dimanche pour délivrer les macarons aux participants dont les noms sont repris dans les listes. Mais, les choses semblaient marcher à pas de tortue, au stade de martyrs où s’effectue la délivrance des macarons. Selon certaines indiscrétions du côté du pouvoir organisateur de ce forum, beaucoup de listes seraient entachées d’irrégularités nécessitant «un nettoyage systématique ». Conséquence, ont redouté les mêmes sources, cette situation pourrait avoir une incidence négative sur le déroulement de ces concertations.

Convoquées initialement par Joseph Kabila pour mettre fin au mécontement qui a suivi les élections de novembre 2011, les concertations nationales sont destinées à sortir la République démocratique du Congo (RDC) d'une triple crise : politique, sociale et sécuritaire. Cependant, à Kinshasa, la population est méfiante. Nombreux sont les Kinois qui croient que ce forum donne une occasion aux politiciens de se partager le gâteau et de chercher à prolonger le mandat du pouvoir actuel.

Cette situation et la prépondérance très lourde du pouvoir établi, manifeste notamment dans le discours de JKK, confirment les prévisions les plus pessimistes quant à ce que l’on peut attendre de ces « concertations ». L’on s’est enlisé sans perdre un instant dans le marigot de la procédure et l’on a balisé le chemin pour que la question de l’illégitimité d’un pouvoir non élu ne puisse pas être posée. Il est manifeste, en effet, que sous les mots « respect des institutions » il faut entendre « respect de ceux qui les occupent ». Il n’y aura donc pas de remise en question des pseudo-résultats des élections du 28/11/11.

Les concertations nationales : le débat est à l’ordre du jour au sein de l’opinion.

Certains habitants de la ville de Kinshasa sont résignés : « Qu'ils fassent au moins ce qu’ils veulent faire d’eux-mêmes parce que nous allons voir que "tout a chuté". Alors on ne peut rien dire là-dessus. Qu’ils fassent au moins ce qu’ils veulent faire ! ».

Néanmoins, des Congolais disent attendre beaucoup de ce forum national, notamment le retour de paix dans l’Est du pays. «Que tous ensemble, nous puissions trouver des solutions durables qui faciliteront le développement de notre pays et écarteront des malentendus au niveau de l’échiquier national», a déclaré un habitant de Mbandaka (Equateur).

Par contre certains habitants de Mbuji-Mayi (Kasaï-Oriental) se sont montrés sceptiques. «Comme on est déjà habitué aux concertations à la Congolaise, le doute persiste.

Nos politiciens abusent pas mal. Qu’ils fassent tout ce qu’ils peuvent, mais qu’ils ne touchent

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pas à la constitution», a souhaité l’un d’eux abordé dans les rues de cette ville par les reporters de Radio Okapi.

Beaucoup s’interrogent sur l’aboutissement de ce forum : « Moi, je préfère que le gouvernement qui est en place puisse continuer. Je me dis que le président de la République, s’il aime bien ce pays, ne peut pas permettre qu’il y ait un gouvernement de politiciens parce que ces gens-là n’ont rien prouvé » (cité par RFI).

Parmi les jeunes, il y en a qui croient qu’il serait inutile de prolonger le mandat par des subterfuges d’une transition : « Comme ils ont échoué, ils doivent continuer jusqu’à la fin de leur mandat. Et nous allons choisir d’autres personnes. Nous sommes sûrs et certains que s’ils essaient de pouvoir prolonger leur mandat, nous allons descendre dans la rue ».

Après leurs ouvertures samedi dernier par JKK, les travaux des Concertations nationales ont effectivement commencé lundi 9 septembre. Pour ce premier jour des travaux, les délégués de différentes composantes se sont retrouvés dans la salle des Congrès du Palais du peuple pour le démarrage de ces assises d’intérêt national. Ce début effectif des assises a permis aux participants de prendre acte du Règlement intérieur des Concertations nationales, après que le coordonnateur adjoint ait donné lecture de ce document préalablement élaboré par le comité préparatoire composé de délégués issus de la Majorité présidentielle, de l’Opposition politique et de la Société civile.

Après la séance présidée par les deux membres du présidium à savoir Aubin Minaku, speaker de l’Assemblée nationale et Léon Kengo Wa Dondo, président du Sénat, les délégués doivent siéger sur les cinq sites choisis pour le déroulement des travaux des états généraux. Il s’agit des salles de Conférences internationales et de spectacles du Palais du peuple, de conférence de Royal hôtel, de l’hôtel Invest de la RTNC et celle d’Africana Palace. Chaque site, a souligné Aubin Minaku, correspondra à un groupe thématique.

Les décisions seront toujours prises par consensus et en cas de divergences persistantes, il est recommandé aux membres de tous les groupes thématiques de recourir au présidium, a martelé cet organe, relayé par le journal. La journée du lundi a été mise à profit pour la mise en place d’un comité chargé de vérifier les listes de toutes les composantes en vue de valider

les mandats de tous les délégués.

La loi sur l'amnistie, quant à elle, relève, bien entendu, du Parlement. C'est en ces termes que le co-président du Forum national, Kengo, a éclairé hier lundi 9 septembre la lanterne des délégués aux travaux des assises nationales. Kengo a fait savoir que l'examen de cette loi sera la priorité du Parlement qui sera en session ordinaire dès le 15 septembre en cours. "Avant l'examen du projet de budget, les parlementaires s'attèleront tout d'abord au vote de la loi sur l'amnistie", a indiqué le président du Sénat et co-président du présidium des Concertations nationales.

Radio France International s’intéresse beaucoup à cette loi d'amnistie évoquée par Joseph Kabila à la fin de son discours, et constate qu’il faudra attendra la rentrée parlementaire, en octobre. Mais la grâce présidentielle pourrait intervenir très rapidement, même si, par le passé, des annonces de grâce n'ont pas été suivies d'effets. Nombre d’élus nourrissent sans doute l'espoir de recouvrer la liberté à la faveur de cette grâce ou d'une amnistie. Citons le député Mohindo Nzangi, condamné le mois dernier à trois ans de prison ferme pour avoir critiqué les autorités et la Monusco sur une radio locale du Nord Kivu. Son parti, le Mouvement social de renouveau (MSR) - qui participe aux concertations - avait un temps boudé la majorité présidentielle suite à sa condamnation. Eugène Diomi Ndongala, député et président de la Démocratie chrétienne, est lui poursuivi pour viol sur mineurs. Des actes qu'il a toujours nié avoir commis. Son procès, maintes fois repoussé, a été reprogrammé au seize septembre. L'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS)

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d'Etienne Tshisekedi, affirme que quinze de ses membres demeurent incarcérés, la plupart ont été arrêtés en marge de manifestations contre le processus électoral de 2011. Citons aussi le pasteur Fernando Kuthino. Souffrant, il purge une peine de dix ans de prison. Enfin il y a bien sûr les présumés coupables de l'assassinat de Laurent Désiré Kabila, qui avaient été écartés de l'amnistie en 2006.

L’étape suivante, celle de la validation des listes de délégués risque de perdurer. Des listes seraient entachées d’irrégularités, sans compter que la délivrance des macarons s’effectue à pas de tortue du côté du stade des Martyrs.

Assiste-t-on à la formation d’un "front anti-concertations " ?

Dans son discours inaugurant les travaux des concertations nationales, Joseph Kabila, a invité samedi 7 septembre les absents à rejoindre ce forum, tout en leur garantissant la liberté d’expression. Il a appelé «tous ceux qui hésitent encore à venir participer à ce forum et à apporter leur contribution". "Il est reconnu aux délégués aux concertations nationales l’immunité de parole, sous réserve bien-entendu du respect des lois, de l’ordre public et des bonnes mœurs ainsi que consacré dans notre constitution». Il a aussi annoncé la libération conditionnelle de certains prisonniers afin, dit-il, de décrisper la situation. Déjà, l’Union nationale de Vital Kamhere a décliné cette invitation, qualifiant ces assises de mascarade politique.

Jeune Afrique y voit une manœuvre de positionnement de Kamerhe en vue des Présidentielles de 2016. « À s'y prendre aussi à l'avance, certains pourraient craindre un faux départ... Pas lui. Vital Kamerhe, l'ancien président de l'Assemblée nationale, autrefois proche de Kabila, affiche ses ambitions pour 2016. (…)Vital Kamerhe a donc encore trois ans pour se forger la stature de principal opposant au camp présidentiel. Une éventuelle condamnation de Jean-Pierre Bemba, qui comparaît devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, ne pourrait que lui profiter. Et d’ici là, Étienne Tshisekedi, le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), seul autre grand parti à refuser tout dialogue avec le pouvoir, aura 84 ans. Kamerhe ne désespère pas d’obtenir son soutien : “J’ai besoin de l’aide de tous et de la bénédiction des aînés comme lui.”

“ Il ne suffit pas de boycotter ces concertations pour espérer un soutien de Tshisekedi”, répond Valentin Mubake, conseiller politique du président de l’UDPS.

«La seule solution à la crise politique en RDC passe par un tête-à-tête direct entre Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi ainsi que par une grâce présidentielle envers tous les détenus politiques», a affirmé l’opposant Jean-Claude Vuemba, président du Mouvement du peuple congolais pour la République (MPCR). Au cours d’un point de presse lundi 9 septembre au siège de son parti à Kinshasa, il a estimé que pour résoudre la crise qui secoue le pays, on ne devrait pas se voiler la face. Le MPCR estime qu’«il y a une crise politique majeure entre Monsieur Kabila et Monsieur Tshisekedi », depuis le scrutin du 28 novembre 2011, qui a consacré la réélection du président Joseph Kabila. Le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) Etienne Tshisekedi, qui a toujours contesté cette réélection, s’est autoproclamé président de la République, prétendant lui aussi tirer des résultats d’une élection nulle, ce qui est évidemment impossible.

Le quotidien Le Potentiel estime que les formations politiques de l’Opposition qui ont boycotté les concertations nationales initiées par Joseph Kabila ne tarissent d’initiatives pour

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faire entendre leur voix. A l’issue des échanges faisant référence à la déclaration de l’Opposition du 1er juillet dernier et aux résolutions du conclave de l’Opposition politique tenu, du 6 au 11 juillet 2O13, les partis politiques présents ont décidé de la création d’une synergie des forces sociopolitiques dénommée « Coalition pour le vrai dialogue en RDC ».

L’annonce a été faite, le vendredi 6 septembre, au Palais du peuple, par le secrétaire général de l’UNC, le député national Jean-Bertrand Ewanga, entouré de ses pairs et autres signataires.

Selon le secrétaire général du parti de Vital Kamerhe, la Coalition pour le vrai dialogue (CVD) a comme objet l’exigence de la tenue du vrai dialogue national inclusif avec l’accompagnement de la communauté internationale, conformément à l’accord-cadre d’Addis- Abeba du 24 février et de la Résolution 2098 du 27 mars de l’année en cours.

Ce week-end, dit La Prospérité, l’Udps et alliés de Samy Badibanga, l’UNC de Vital Kamerhe, le Mlc représenté, ici, par Jean-Lucien Bussa, Martin Mukonkole, …se sont engagés sur une nouvelle voie, celle qui enrichit la scène politique congolaise, avec une nouvelle coalition. Sur la liste, il y a déjà trente-six signatures récoltées dans les principales formations politiques diamétralement opposées à l’initiative de Joseph Kabila, convoquant le Forum pour les Concertations nationales. Après mûres réflexions, cette coalition exige, en effet, ce que ses co-sociétaires appellent ‘’vrai dialogue’’. Ils promettent de se battre ainsi jusqu’à la moelle épinière, pour l’arracher, haut la main, après ces concertations nationales dont ils contestent d’avance, les résolutions et recommandations. Décidément, l’on tend vers une nouvelle bipolarisation du paysage politique, au lendemain de ces concertations nationales, sous le présidium assuré par le duo Kengo-Minaku. L’affaire de l’article 220 de la Constitution, avec à l’avant-plan, l’opposition farouche à toute révision constitutionnelle, y est considérée comme l’épine dorsale.

Une lettre de Mr. Isidore Ndaywel è Nziem, Membre Correspondant de l’Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, à Guy De Boeck, à propos de

« Pourquoi le Congo va-t-il si mal ? » (paru en mai 2012).

Kinshasa, septembre 2013

Je viens seulement de prendre connaissance de votre texte qui date du 17 mai 2012 et m’excuse de réagir si tardivement. Votre étude est donc la réponse à l’interrogation portée sur le titre. Pourquoi le Congo va si mal ? Réponse : c’est à cause de Louis Franck, de Mobutu et de Laurent-Désiré Kabila. Louis Franck, ministre des colonies (1918-24) aurait décidé de négliger l’agriculture vivrière au profit de l’agriculture industrielle et aurait empêché l’émergence d’une classe bourgeoise nationale. Mobutu (1965-1997) aurait été à la base de l’insécurité de l’Etat pour avoir instauré la zaïrianisation. Quant à Laurent-Désiré Kabila, il serait coupable de n’avoir pas mis en œuvre son projet d’économie sociale de marché, faute de temps. On reviendra sur quelques-unes de ces explications simplistes qui laissent le lecteur sur sa soif. Evoquons d’abord ce qui a trait à mes écrits.

1. Propos et comportements inacceptables.

Dans votre étude, j’ai le privilège (p. 14-15) d’être reproché d’avoir décrit les années folles du mobutisme… « avec une verve que l’on a que pour parler de sa propre jeunesse ! ». Vous écrivez : « Est-ce parfois trop de modestie envers ses sources, ou faut-il incriminer cette même nostalgie des jeunes années qui peut l’avoir rendu si réceptif à la musique zaïroise ? Cette tendance à suivre le courant de la documentation l’amène à beaucoup d’indulgence

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pour le Maréchal Mobutu. On ne saurait aller jusqu’à dire que, du temps du Guide il a avalé l’hameçon, la ligne, la canne à pêche et même le manifeste de la Nsele avec l’appât ».

Ce jugement gratuit, non accompagnée d’une démonstration précise, est plus qu’inacceptable.

Vous êtes sûr de si bien me connaître au point d’oser évoquer ma jeunesse et ma réceptivité de la musique zaïroise ? Pas d’importance, pour vous. En tant que petit Blanc, vous estimez tout naturellement avoir droit à emprunter ce ton de condescendance, avec insulte au passage, trop sûr de vous-même, convaincu que vous en savez davantage sur le Congo que l’africain Ndaywel ! Vous allez jusqu’à ignorer que l’histoire s’écrit à base des documents ; qu’elle ne se confond pas avec le pamphlet qui s’écrit sur base des états d’âme et des présupposés idéologiques. Non, monsieur De Boëck, la lecture de l’histoire par raccourci, confondant ses propres opinions avec les faits réels, à laquelle vous vous livrez, n’a pas été de mon propos.

Plus loin (p.15), vous écrivez « il y a toutefois une partie de ses pages (il s’agit de moi) sur la période mobutienne dont à l’heure actuelle l’actualité s’éclaire d’une lueur sinistre (sic). Il s’agit des pages qui montrent que le problème des populations zaïrwandaises remonte aux premières années de l’ère Mobutu ». Ce semblant de compliment vous donne-il le droit de procéder ensuite à un simple plagiat ? Vous reproduisez six pages (p. 700-706) de mon ouvrage (Histoire générale du Congo, 1998) aux pages 19-26 de votre écrit, sans le signaler, sans me citer, sans utiliser les moindres guillemets. Cela me donne une idée plus précise de ce que vous êtes. Mais poursuivons cette analyse.

2. Analyse confuse et pleine d’erreur.

- C’est une simple vue de l’esprit d’imaginer que des situations historiques aussi complexes, comme le Congo d’aujourd’hui, soient le fait de quelques individus : Franck et Mobutu surtout, et Kabila, par défaut. On ne comprend pas pourquoi le ministre des colonies Louis Franck serait coupable de la marginalisation de l’agriculture vivrière au Congo. Est-ce parce qu’il était un libéral et un franc-maçon ? Louis Franck n’a été qu’un simple ministre, de surcroît pendant six ans ; il a été remplacé par une dizaine d’autres ministres des colonies.

Pourquoi serait-il coupable d’une ligne politique qui a précédé son mandat et qui lui a survécu ? S’il fut un « grand » ministre, c’est pour avoir introduit la politique coloniale d’ « administration indirecte » empruntée des Britanniques, suivant laquelle les Africains devaient être confinés dans leurs cultures, leurs coutumes, leurs langues, sans prétention particulière pour une orientation agricole nouvelle. La primauté de l’industrie minière était déjà en place avant lui avec la fondation des sociétés de 1906 (Union minière, la Forminière et la BCK). Il en était de même de l’agriculture d’exportation déjà amorcée en 1911 avec Jules Renkin, premier ministre des colonies, qui signa avec la société Lever la convention pour la création des HCB (Huileries du Congo belge). Le « spécialiste » que vous êtes nous étonne d’aborder la question de l’agriculture coloniale sans explications sur les « cultures obligatoires », les « paysannats indigènes ». Nulle part il n’est question de la création et du rôle de l’INEAC (Institut national pour l’étude agronomique au Congo) et de la contribution d’Edmond Leplae dans cette politique.

-Sur le Congo postcolonial, le lecteur ne cesse de passer d’étonnement en étonnement, à suivre vos affirmations. Quand vous nous affirmez que Mobutu « en 1967 s’installe pour trente ans au pouvoir » (p. 14), j’ai cru qu’il s’agissait d’une faute de frappe. Mais quand, pince-sans-rire, vous écrivez (p. 16) que « Mobutu n’était pas encore au pouvoir quand fut votée la loi Bakajika (qui date de 1966), je comprends que vous êtes tout simplement ignorant. Mobutu était au pouvoir à partir de 1965 ; c’est lui qui a initié cette loi foncière,

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prélude de la politique de zaïrianisation qui vous intéresse tant. Autre confusion. D’après vous, c’est de cette politique de zaïrianisation que seraient sortis « …les Congolais vraiment fortunés que nous connaissons aujourd’hui !». L’affirmer c’est simplement ignorer que la zaïrianisation avait été suivie de la « radicalisation », puis de la « rétrocession ». Au total, cela a accouché de tas de litiges, mais n’a pas enrichi les gens. Contrairement à vos déclarations, aucun congolais d’aujourd’hui ne tire sa fortune de la zaïrianisation. Pour le reste, n’insistons pas sur des détails. Vous écrivez que « Benoît Verhaegen, c’est l’ancien recteur de l’université de Kisangani (p. 27)… ! Cela n’est connu que de vous.

3. Des déclarations pour falsifier l’histoire et diviser les Congolais.

- Qui voulez-vous tromper quand, pour tenter d’exonérer la colonisation belge, vous affirmez qu’à cause de Louis Franck (ou grâce à lui), « les Blancs, à l’instar des Noirs, n’avaient pas la possibilité de s’enrichir » (p. 7), et que le Belge, pour être admis au Congo, devait être (p.8) « d’un milieu si aisé que l’on avait aucune raison de quitter la Belgique (sic) » Quelle colonisation modèle à base d’égalité ! Et, il n’y avait d’enrichissement possible que par l’agriculture vivrière ! Vous oubliez que les « Blancs pauvres » dont on faisait la chasse concernaient les non Belges : à savoir les Portugais à l’ouest, les aglo-saxons au Katanga et les Italiens au Kivu (le CNKI, Comité National du Kivu sera créé en 1928 pour « belgiciser » le colonat du Kivu et chasser les Italiens !).Vous prétendez aussi que pour les Congolais… « il ne fallait surtout pas que l’on vive bien au village, afin d’inciter les travailleurs a aller travailler dans l’industrie (je suppose, en ville !) » Que dites-vous du recrutement forcé de la main-d’œuvre ? Vous ignorez que, même en ville, disons au « centre extra-coutumier », les indigènes devaient vivre sous le mode villageois et, qu’ils ne devaient pas se mêler de la « vie extra-africaine » de la colonie.

- Revenons à Mobutu. Au sujet du prétendu clivage ouest/est, vous prétendez qu’il a été créé par Mobutu… « qui se méfiait de tout ce qui parlait swahili, langue qu’il ne se donna pas la peine d’apprendre» (Il n’a pas appris non plus le kikongo et le tshiluba) (p.21). De là, vous concluez : « Le contentieux Congo/Rwanda a ses racines dans les dernières années 60 !» (p.

15). Même en me copiant, vous avez l’air de n’avoir rien compris de cette situation. D’abord, le clivage est/ouest, qui est un phénomène congolo-congolais, n’a rien à voir avec le contentieux Congo/Rwanda. Pour preuve, l’est du Congo est la région la plus opposée au Rwanda. Ensuite, le clivage est/ouest, s’il existe, n’est pas une innovation de l’ère de Mobutu au cours de laquelle la division qui prévalait était celle de nord/sud. Pour preuve, la politique de quota universitaire favorisait l’Equateur, la province orientale, le Kivu (Nord-Kivu, Sud- Kivu et Maniema) et même le Katanga. Les provinces discriminées étaient les deux Kasaï, le Bandundu et le Bas-Congo. Autre preuve, en 1988, c’est Mobutu qui décidera d’entamer le processus de décentralisation du Congo par le Kivu. Ses trois districts (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema) acquirent le statut de provinces, situation qui l’avantage jusqu’à ce jour par rapport à d’autres provinces.

J’ai expliqué ailleurs l’origine du clivage est/ouest (voir Nouvelle histoire du Congo, Le Cri, 2009). Cette distinction s’est inscrite dans la conscience collective au cours des années 90, quand la communauté internationale et ses multinationales ont fabriqué le concept de « Congo utile » (est), région qui l’intéressait et qu’elles voulaient absolument démarquer du « Congo inutile » (l’ouest). Ce combat se poursuit encore de nos jours. Ce n’est pas par hasard si vous essayez de conforter ce clivage.

4. Un titre contestable.

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Mon dernier commentaire concerne le titre de votre papier. « Pourquoi le Congo va-t-il si mal ? » Ce Congo qui se construit, politiquement, économiquement, culturellement, va si mal que cela ? Les élections de novembre 2012, sur lesquelles, vous revenez constamment, constituent-elles une fatalité ? Seul l’avenir nous le dira. En attendant, pour nous édifier, je vous propose d’écrire un second papier intitulé : « pourquoi la Belgique va-t-elle si bien ? » La réponse est simple. A cause de Léopold II qui lui a offert le Congo ; elle a pu ainsi s’enrichir et se faire passer pour une puissance européenne.

Réponse de l’accusé

Bruxelles, le lundi 9 septembre 2013 Cher Monsieur Ndaywel,

J’ai bien reçu la lettre que vous avez consacrée à mon texte et vous remercie de cette marque d’attention. Comme vous le dites, le pamphlet s’écrit sur base des états d’âme et des présupposés idéologiques et c’est donc comme un pamphlet que j’ai lu votre message.

Il m’est en effet impossible de croire que l’auteur de a remarquable « Histoire générale du Congo » ait pu croire un instant que Franck, Mobutu et L. Kabila devaient être pris comme individus. Ce sont des figures emblématiques pour trois périodes de l’histoire du Congo : la colonisation, le mobutisme et la brève période où LDK a été au pouvoir. Je ne puis croire sérieusement que vous vous y êtes trompé et ne puis donc y voir qu’une intention pamphlétaire manifeste.

Les intentions que vous m’attribuez, notamment de vouloir semer la zizanie parmi les Congolais, m’étonnent davantage. Mais il est vrai que j’ai lu vos ouvrages – ou du moins une bonne partie – alors que vous n’avez visiblement pas pris connaissance des miens avant de me prêter, par exemple, l’intention « d’exonérer la colonisation belge »… en m’en prenant à un Ministre des Colonies. A propos de celui-ci, vous me reprochez de ne pas avoir mentionné certaines de ces réalisations, ni parlé d’E.Leplae… Ces reproches, cher Monsieur, seraient très fondés si j’avais écrit une biographie de Louis Franck ou un ouvrage sur l’ensemble de la politique coloniale. Comme ce n’était pas mon propos, êtes-vous en droit de me le reprocher ? J’ai écrit sur ces divers sujets, mais pas dans un ouvrage où ces considérations n’avaient pas leur place. Vous les trouverez, par exemple, au tome II des Héritiers de Léopold II.

A mon immense regret, j’ai constaté que vous m’apostrophiez, dans certains passages de votre lettre, en vous référant à ma couleur de peau ou à ma nationalité. Je ne crois pas que vous soyez raciste, et en tous cas je ne fonderai pas une opinion sur le sujet à quelques phrases d’une lettre o^votre fougue a pu entraîner votre plume un peu trop loin. Sur ces sujets, j’ai toujours aligné mon attitude sur celle d’un grand Africain, N’Kwame Nkrumah, qui disait « I am a socialist, a panafricanist, and I am colourblind ».

Et puis-je vous faire remarquer que, lorsque l’on n’a pas l’intention « d’exonérer la colonisation belge », ni d’ailleurs la politique belge depuis l’Indépendance, de ses responsabilités à l’égard du Congo, il en découle inexorablement que ces matières font AUSSI partie de l’histoire de Belgique.

Il y a, cher Monsieur, des choses à connaître et à méditer, pour tout homme, dans l’histoire et les expériences de tous les autres hommes et, loin de penser que seuls les Belges peuvent écrire sur la Belgique, les Chinois, sur la Chine, les Congolais, sur le Congo, je défends au contraire le droit de chacun de s’intéresser à l’histoire et aux cultures de tous les autres.

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