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Année 2011, n° 23 – Sommaire

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le Samedi 5 Novembre 2011 Samedi 5 Novembre 2011 Samedi 5 Novembre 2011 Samedi 5 Novembre 2011

Année 2011, n° 23 – Sommaire

UE

Lettre ouverte aux peuples d’Europe par Mikis Theodorakis … page 1 RDC

Une chose et son contraire… page 2 Belgique

Les choses sérieuses commenceraient-elles ?... page 5 Message de détresse (Cinéma Arenberg) … page 7

Vietnam

36 ans après la guerre, l’agent orange tue encore… page 9

Chuck Palazzo : «Je me suis engagé à aider les victimes de l’agent orange » … page 16 Canada

Les relations entre les ONG et le gouvernement : entre pragmatisme et idéologie… page 18 Guatemala

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UE

Lettre ouverte aux peuples d’Europe par Mikis Theodorakis

28 octobre 2011... Alors que la Grèce est placée sous tutelle de la Troïka, que l’Etat réprime les manifestations pour rassurer les marchés et que l’Europe poursuit les renflouements financiers, le compositeur Mikis Theodorakis a appelé les grecs à combattre et mis en garde les peuples d’Europe qu’au rythme où vont les choses les banques ramèneront le fascisme sur le continent.

Interviewé lors d’une émission politique très populaire en Grèce, Theodorakis a avertit que si la Grèce se soumet aux exigences de ses soi-disant« partenaires européens », c’en sera « fini de nous en tant que peuple et que nation ».

Il a accusé le gouvernement de n’être qu’une « fourmi » face à ces « partenaires », alors que le peuple le voit comme « brutal et offensif ». Si cette politique continue,

« nous ne pourrons survivre (…) la seule solution est de se lever et de combattre ».

Résistant de la première heure contre l’occupation nazie et fasciste, combattant républicain lors de la guerre civile et torturé sous le régime des colonels, Théodorakis a également adressé une lettre ouverte aux peuples d’Europe, publié dans de nombreux journaux… grecs.

Extraits :

Notre combat n’est pas seulement celui de la Grèce, il aspire à une Europe libre, indépendante et démocratique. Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu’ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. (…)

Leurs programmes de « sauvetage de la Grèce » aident seulement les banques étrangères, celles précisément qui, par l’intermédiaire des politiciens et des gouvernements à leur solde, ont imposé le modèle politique qui a mené à la crise actuelle.

Il n’y pas d’autre solution que de remplacer l’actuel modèle économique européen, conçu pour générer des dettes, et revenir à une politique de stimulation de la demande et du développement, à un protectionnisme doté d’un contrôle drastique de la Finance.

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Si les Etats ne s’imposent pas sur les marchés, ces derniers les engloutiront, en même temps que la démocratie et tous les acquis de la civilisation européenne. La démocratie est née à Athènes quand Solon a annulé les dettes des pauvres envers les riches. Il ne faut pas autoriser aujourd’hui les banques à détruire la démocratie européenne, à extorquer les sommes gigantesques qu’elles ont elle-même générées sous forme de dettes.

Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire fut le berceau de Platon et Aristote, Périclès et Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d’Europe. (…)

Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour.

Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes.

Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. Bâtissons ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit.

Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en Tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme.

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RDC

Arc-en-ciel sur le lac Tanganyika

Une chose et son contraire…

Discuter sans fin sur des détails disparates et s’étonner ensuite que l’ensemble ne ressemble plus à rien, tenir fanatiquement au respect du calendrier, mais en oubliant de partir à temps, exiger des vérifications, mais ne pas admettre qu’il faut du temps pour y procéder…

voilà quels semblent être quelques uns des principes de base de la RDC en période électorale.

Les élections congolaises sont chose au sujet de laquelle on s’agite beaucoup, discute énormément, se dispute prodigieusement depuis plusieurs mois. C’est très exactement, comme disait l’autre « une histoire pleine de bruit et de fureur ».Mais, au fil du temps, ce n’est pas autour des mêmes sujets que cette agitation, ces discussions, ces disputes ont lieu.

Un « sujet crucial » en chasse un autre et, dans l’intervalle, on semble perdre de vue que l’on ne peut accepter simultanément une chose et son contraire ou vouloir les avantages d’une chose sans en réclamer aussi les inconvénients…

Lors des premiers remous de cette agitation, c'est-à-dire lors de sortie du « calendrier Malumalu », le point focal sur lequel se braquaient toutes les attentions, c’était le 6 décembre.

En effet, une formulation très (en fait sans doute trop) précise, de la Constitution, prévoit que cette date, qui fut celle de l’investiture de JKK en 2006, doit aussi être celle où son successeur sera installé. Il y avait alors des « maniaques de la Saint Nicolas » pour lesquels, sans nouveau président, une zone de non droit s’ouvrirait en RDC le 7 décembre, même dans l’hypothèse où ce retard serait dû, par exemple, à la nécessité d’examiner un important contentieux électoral.

Il y avait une bonne raison à cette attitude : le prescrit constitutionnel est une chose sérieuse qu’il ne faut pas traiter par-dessus la jambe. Mais faut-il, demandaient d’autres, pousser ce respect jusqu’à bâcler les élection ?

On se trouvait là devant un choix à propos duquel une seule chose était claire : que l’on choisisse l’une ou l’autre solution, il ne fallait surtout pas demander les deux choses à la fois.

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Beaucoup plus récemment, il s’est agi de la liste des électeurs et du serveur central de la CENI. Ici encore, il y avait deux exigences contradictoires et pourtant l’une et ‘autre raisonnablement fondées. La première était celle que l’on a appelée « l’audit » : la possibilité pour les parties intéressées, c'est-à-dire les partis de vérifier le travail d’encodage et le fonctionnement du serveur, avec pour but de dépister et de corriger les entrées indues : doublons, mineurs d’âge, étrangers, etc… La seconde était la publication des listes électorales ; c'est-à-dire l’affichage, à la porte de tous les futurs bureaux de vote, de la liste des électeurs censés être sous peu ses « clients ». Pour cet affichage aussi, une date était prévue, non par la Constitution mais par le calendrier électoral.

Encore une fois, la demande de « l’audit » était parfaitement fondée et celle de l’affichage ne l’était pas moins. Mais, encore une fois aussi, on ne pouvait réviser sérieusement le fichier qu’en acceptant des retards dans l’affichage, ou l’on pouvait afficher à l’heure dite, mais sans « toilettage » du fichier.

On se trouvait à nouveau devant un choix à propos duquel une seule chose était claire : que l’on choisisse l’une ou l’autre solution, il ne fallait surtout pas demander les deux choses à la fois.

Ce fatras d’aspirations contradictoires doit être un des éléments du pessimisme de beaucoup d’observateurs de la scène politique congolaise. Ils sont rarement en effet rassurants ou optimistes. Des termes comme « ambiance tendue », la perspective de « violences postélectorales à l’ivoirienne », une « atmosphère de violence », reviennent fréquemment dans des articles d’ailleurs beaucoup moins nombreux qu’en 2006. Parmi ces observateurs, il y a les ONG qui, en pus de formuler des constats, comme les journalistes, ont aussi parfois préconisé des solutions, suggéré des voies pour sortir de cette « ambiance délétère ». Mais là, on a une surprise désagréable parce que, victimes peut-être d’une dangereuse contagion, elles proposent également… de faire une chose et son contraire.

La vedette, dans cette catégorie, est détenue par International Crisis Group, avec sa proposition d’ajournement des élections pour quelques temps, avec une nouvelle période de

« transition » et de « partage du pouvoir ».

Reconnaissons que la suggestion part d’un constat réaliste : toutes les « missions impossibles », dont on vient de lire des exemples, sont irréalisable parce qu’elles cumulent l’exigence de faire quelque chose avec le refus du temps nécessaire pour le faire. La suggestion revient donc à dire : « OK, mais prenons le temps pour le faire ». Et c’est pourtant là que l’on dérape !

Ce qu’il y a à faire, on le sait, au bas mot, depuis 2003 : il faut procéder à un recensement de la population congolaise, afin de disposer d’une base solide sur laquelle fonder un fichier électoral solide et indiscutable. Tant que cela n’aura pas été fait, des doutes sur les contours exacts du corps électoral persisteront et seront la source de multiples contestations et, ce qui est plus grave, d’une méfiance et d’un scepticisme généralisés. Mais cela ne pourra pas se faire avec une « transition » de trois ou quatre mois. Un recensement général demanderait un temps qui, sans aucun doute, doit se calculer en années ! On ne parviendrait certainement pas à obtenir l’accord des acteurs politiques, tant de la Majorité que de l’Opposition, à ce sujet et, ce qui est encore plus grave, cela ne serait pas accepté par la population. Après la « transition mobutiste » et la « transition de Sun City », le mot

« transition » ne déclenche plus, au Congo, que des fous rires, des sanglots de désespoir ou des grincements de dents.

Une fois de plus, on demande une chose et son contraire….

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Belgique

Les choses sérieuses commenceraient-elles ?

.

Par Guy De Boeck

L’article le plus respecté de la Constitution belge est, comme chacun sait, celui qui n’est pas écrit : « Attribuez toujours tous les ennuis au communautaire ». Et à entendre certains médias on pourrait croire que le monde angoissé qui retenait son souffle a appris avec soulagement qu’il continuerait à comporter une Belgique… Allez, toi ! On les comprend ! Qu’est ce qu’ils feraient sans nous, une fois !

Nous sommes donc invités à nous réjouir de ce qu’en un an et des bricoles, on nous ait concocté une nouvelle « réforme de l’Etat » après des négociations dramatiques (ou dramatisées ?) et ardues. Il est donc peut-être utile de rappeler que ces négociations ont été ouvertes à la suite d’élections, et qu’elles devaient tout d’abord servir à former un gouvernement. Puis, certains ne voulant pas commencer à parler d’un gouvernement sans un accord préalable sur une réforme de l’Etat, on s’est embarqué dans le vaisseau commuautaire qui, comme on sait, ne navigue qu’au long cours. Après cette crisière, on arrive à bon port et l’on s’attaque à la formation du gouvernement. Mais la première chose que l’on fait, dans ce domaine, c’est d’entuber (je suis poli) l’électeur.

Dans une démocratie, même si ce n’est comme en Belgique qu’une démoratie représentative bourgeoise fortement limitée dans son autonomie par l’UE, la composition d’un gouvernement doit refléter la volonté exprimée par les électeurs. Ce qui, en bonne logique, devrait vouloir dire aussi que les changements, d’un gouvernement sortant à celui qui lui succède, doivent refléter cette même volonté. Que je sache, nous avons bien voté pour des législatives, non pour un référendum sur le séparatisme et la réforme de l’état. Nous sommes donc en droit de nous attendre que l’on tienne compte des indications données par nos votes, y compris en dehors du domaine communautaire. Si je me trompe, ne me laissez pas mourir idiot ! Avertissez-moi !

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De façon claire, et cette fois à l’échelle fédérale (celle que l’on appelait autrefois nationale), les perdants de ces élections ont été les libéraux, tant Open-VLD que MR. C’est de plus leur seconde « tatouille » consécutive, après celle des communales. En bonne logique, cela implique soit leur sortie du gouvernement, soit, si l’on estime que, malgré tout, leur présence peut être utile, un maintien relativement modeste. Quand on est figurant, on ne prétend pas au rôle de prima donna.

Or, devant nos yeux hagards se déroule un spectacle qui est aux antipodes de cette vérité pourtant évidente. Charles Michel ne joue pas seulement la prima dona, c’est carrément la Castafiore dans son grand air. « Le gouvernement aura une politique libérale ». Reportez vos yeux ébahis sur les résultats : les électeurs ont nettement recommandé une politique sociale et écologique. On veut leur refiler une nouvelle cuillérée d’ultralibéralisme.

D’où question nos « 500 jours de crise » étaient-ils basés sur l’espoir que nous oublierions en route les résultats de nos votes ?

Au début des négociations « communautaires », quand le problème semblait encre être la NVA et le séparatisme, j’avais pris la liberté de rappeler ce que j’avais déjà dit et écrit auparavant : le but de la droite n’est ni national, ni communautaire, ni même « flamand » ; il est européen et mondial. Du fait de sa sensibilité aux questions communautaires, la Belgique représente le talon d’Achille d’un certain type d’état dont la mondialisation ne veut plus : l’état où la solidarité est organisée, où existe, au moins en principe, une certaine redistribution, où l’on ne considère pas l’intervention de l’état comme une hérésie. La question était beaucoup moins la langue parlée à Rhodes St Genèse que de faire sauter, en Belgique, la première maille d’une vaste entreprise de dérégulation du tissu économique et social, à l’échelle de l’Europe.

Bart De Wever est certes le promoteur d’un certain séparatisme flamand, basé sur l’idée que la fédération belge ne sert qu’à organiser des « transferts » depuis une Flandre travailleuse vers une Wallonie paresseuse. Mais au-delà de cette thèse qui fait partie du folklore de la NVA, il est fondamentalement un ultralibéral fondamentaliste et thatchérien.

Pour lui, il ne faut surtout pas « aller prendre l’argent où il est ». Il faut surtout le laisser où il est : dans les poches des riches, et même leur laisser encore un petit pourboire supplémentaire.

Dés le début des discussions sur la réforme de l’état, il a insisté pour que les libéraux en fassent partie, ce qui est tout de même paradoxal puisque cela l’amenait à réclamer la présence du FDF dans des discussions dont on savait à l’avance que le point épineux serait BHV, c'est-à-dire une question à propos de laquelle le parti communautaire francophone a fait de l’intransigeance pure et dure son fonds de commerce. Il ne pouvait pas avouer plus nettement que son but dernier n’a rien à voir avec quelque question communautaire que ce soit, mais que la dérégulation était son objectif principal.

Va-t-on, à présent, nous servir le même plat, accompagné d’une nouvelle sauce, non plus « communautaire » mais « européenne », au nom de la « nécessaire austérité » pour

« sauver l’euro » et autres billevesées ?

Ce qui nous ramène aux mêmes conclusions que le message de Théodorakis. Bâtissons plutôt ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit, une Europe capable de résister au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en Tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme.

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Message de détresse

le jeudi 24 novembre

FAIRE ENCORE MIEUX QUE LA PROCHAINE FOIS...

POUR SAUVER L'ARENBERG

Très chère et cher,

Ce courrier n'est pas un ultimatum. Mais un «ultime» appel à l'aide. Car après il sera trop tard.

Le jeudi 24 novembre, en effet, aura lieu la toute dernière séance du Cinéma d'Attac... à l'Arenberg. Une sorte de finale avant la lettre, destinée à exposer –devant l'ensemble de la presse écrite et télévisuelle réunie pour cette circonstance– un public partisan, exigeant voire intransigeant : des spectateurs coalisés, pour qui l'Arenberg se doit de poursuivre un élan et une ambition cinématographiques portés depuis vingt-cinq ans.

Tu l'as compris: cette occasion, décisive, doit être une réussite manifeste et une manifestation réussie. En remplissant l'Arenberg (comme jamais il ne l'aura été), il s'agit de faire spectaculairement connaître aux autorités (municipales, régionales et communautaires) combien cette salle de cinéma a acquis une légitimité irremplaçable, construite sur une programmation engageante et engagée –dont la pérennité nous est, à tous, indispensable.

Pour accomplir ce tour de force..., toi, moi, chacun d'entre nous devons-nous impliquer:

prévenir tous ses amis et les convaincre de réserver la soirée du 24 novembre pour cette considération commune qui n'a pas de prix.

Car cet événement (dont la qualification d'«exceptionnel» n'aura jamais été aussi justifiée) sera divisée en deux moments de grande qualité.

1. La projection du film «1929», une enquête époustouflante et sensationnelle de William Karel –basée sur des documents inédits, confondants et inouïs– revisitant le krach puis la Dépression qui menèrent le monde au bord du précipice.

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2. Et, surtout, l'organisation du premier débat sur la démondialisation, une confrontation qu'aucun parti de gauche, syndicat ou ONG n'ose aborder frontalement: «Pour sortir de la crise, faut-il sortir de l'euro?»...

Or répondre à cette interrogation centrale est désormais –qu'on le veuille ou non– une sollicitation incontournable, prioritaire et essentielle.

«Sortir de l'euro... par la gauche» est-ce possible et souhaitable? Pour expliciter pourquoi cette assertion iconoclaste est désormais partagée par des personnalités de premier plan –tels Ignacio Ramonet (l'ancien directeur du Monde diplomatique), Bernard Cassen (l'un des fondateurs d'Attac), le démographe Emmanuel Todd, l'économiste Jacques Sapir, l'universitaire Frédéric Lordon–, nous avons invité un orateur de marque: l'ex-Président d'Attac-France, Jacques Nikonoff, auteur d'un livre épatant: «Sortons de l'euro... Restituer la souveraineté monétaire au peuple !».

Autant donc te le confirmer: au diable, l’apathie ! On compte sur ton empathie pour que tu recherches (un à un) tes amis les plus chers et –dès maintenant– t'attaches à les convaincre de venir avec nous le 24 novembre à ce qui sera bien plus qu'un exploit ou une apothéose.

Merci, en tous cas, de me tenir au courant.

Amitiés, jean flinker

NB: D'autres informations suivront.

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Vietnam

36 ans après la guerre, l’agent orange tue encore…

Par Vuong Bach Lien1

Phuong, 30 ans, responsable du Centre de soutien aux victimes de l'agent orange de Da Nang, conduit un enfant victime du défoliant au marché sur sa moto

Les victimes de l’agent orange2 à Da Nang souffrent d’une mort lente même 36 ans après la guerre. Comme partout au Vietnam. Courageux, déterminés, optimistes, beaucoup d’entre eux se sont longtemps battus pour vaincre leur destin. Mais leur combat devient très difficile.

Le soleil se couche sur les rizières d’un vert immaculé à perte de vue. A cinq cent mètres des champs, dans la commune de Hoa Tho Dông, arrondissement de Câm Lê, ville de Da Nang, se trouve une petite maison isolée au bout d’un chemin de terre boueux. Fragiles, les derniers rayons de soleil éclairent faiblement la masure à travers la fenêtre en bois usé…

1 Vuong Bach Lien est étudiante en journalisme (ULB). Elle a notamment travaillé pour le Viet Nam News, le quotidien national en anglais au Vietnam.

2 Le 10 août 1961, l’armée américaine déversait pour la première fois des défoliants sur le centre du Vietnam dans la province de Kontum. ll s’agissait d’un ultime test. Cinq mois plus tard, les premiers épandages « officiels

» de l’opération Ranch Hand inauguraient la plus grande guerre chimique de toute l’histoire de l’humanité.

Symbole de la mort lente tombée du ciel, l’agent orange, contenant la dioxine toxique, a été le plus employé et est devenu synonyme de « défoliant ».La paix est établie au Vietnam depuis trente-six ans mais la guerre est là, omniprésente. D’anciens soldats vietnamiens et américains et des habitants des zones défoliées souffrent toujours de maladies que la science a liées à une exposition aux herbicides. Pire encore, peut-être : de nouvelles victimes apparaissent parmi les enfants nés au XXIe siècle.

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Soudain, un faible cri vient troubler ce calme. Dans un coin sombre de la maison, le corps squelettique d’un homme âgé d’une trentaine d’années reste immobile, recroquevillé sur un tout petit lit, les membres atrophiés.

A l’appel de son fils, Hoang Thi Thê, 70 ans, se précipite. « Il a faim. A chaque fois, il pousse de petits cris comme ça. Il ne peut pas crier fort ni parler depuis 17 ans », soupire-t-elle. Elle s’empare fébrilement d’une serviette pour lui laver le visage. Ses yeux sombres, cernés de fatigue, tentent de refouler des larmes. Pendant ce temps, son fils fixe les inconnus qui envahissent sa maison, la bouche grande ouverte, comme s’il voulait dire beaucoup de choses mais en vain.

Thê s’empare du fauteuil roulant rangé à côté de la fenêtre de la chambre et le pousse vers le lit. Elle enlace Nghia, son fils, de ses bras maigres et tente de toutes ses forces de le basculer sur son siège. Pas facile. La sœur de Thê vient l’aider. Une fois assis, Nghia se dirige vers la cuisine avec sa mère, la tête penchée sur le côté, le regard vide. C’est un corps inerte. Il ouvre lentement la bouche pour avaler les cuillères de riz que sa mère lui tend.

La sœur de Thê, à peine moins âgée que sa soeur, observe son neveu avec désespoir. Elle lui donne à boire après qu’il a fini de manger. Tran Thi Ty Nga, la sœur de Nghia, 36 ans, sort à son tour de sa chambre, en s’appuyant avec peine sur une béquille. Elle vient s’asseoir lentement sur un lit auprès de sa mère et sourit aux invités. « Quand elle va bien elle est comme vous la voyez, douce et gentille, mais la plupart du temps elle ne se porte pas bien.

Elle se met en colère et casse tout. Elle souffre de problèmes mentaux », raconte Thê.

Pour cette famille, la tragédie a commencé il y a 37 ans, quand Nghia est né. Incapable de s’assoir dans son lit, l’enfant doit se tenir en permanence avec un oreiller calé derrière le dos.

Ses jambes, comme repliées sur elles-mêmes, l’empêchent de se déplacer correctement… A 13 ans, il ne peut plus parler ni quitter son lit. Sa jeune sœur n’est pas davantage épargnée.

Souffrant de la colonne vertébrale dès la naissance, Nga cesse de marcher à 15 ans et perd la raison. Les deux enfants n’iront plus jamais à l’école.

Veuve, Thê est bien seule pour prendre soin d’eux. Quelques fois, sa sœur vient l’épauler.

«Mon mari est mort il y a cinq ans d’un cancer du poumon. Il a participé à la résistance dans la province de Quang Tri et Tay Nguyên (les Haut Plateaux du Centre) dans les années 60 », se rappelle Thê avec un grand soupir. « A Da Nang, hélas, la même scène se répète. Des parents contaminés par l’agent orange durant la guerre et victimes de maladies graves mettent au monde des enfants handicapés à leur tour par diverses pathologies», explique Tra Thanh Lanh, vice-président de l’Association pour les Victimes de l’agent orange de Da Nang.

L’agent orange

A Da Nang et au Vietnam, le mot « agent orange » est toujours prononcé avec amertume pour raconter les drames que des milliers de familles vivent chaque jour, même près de 40 ans après la guerre. Mais qu’est-ce au juste que l’agent orange ? C’est le nom d’un défoliant, qui contient de la dioxine. Un produit chimique, particulièrement toxique, que l’armée américaine a utilisé lors de la guerre menée contre le Vietnam entre 1961 et 1971 pour empêcher les soldats vietnamiens de se cacher dans les forêts et pour détruire les récoltes.

Au total, environ 80 millions de litres du produit chimique ont été déversés dans le centre et

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cultivables et de forêts. Le nom de l’agent orange est devenu synonyme de « défoliant » parce qu’il a été le plus employé.

Selon l’Association vietnamienne pour les Victimes de l’agent orange (la VAVA), 4,8 millions de personnes ont été exposées aux herbicides qui ont fait 3 millions de victimes dont au moins 150.000 enfants. Les personnes atteintes souffrent de maladies de la peau et de nombreux cancers des organes et des systèmes nerveux, respiratoire et circulatoire. Elles sont désormais recensées dans l’ensemble du pays.

Retrouver la justice

Zones d'épandage des herbicides au Vietnam

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Mais les soldats vietnamiens ne sont pas les seuls à avoir souffert des conséquences néfastes de l’agent orange. Il y a encore des anciens combattants américains et leurs alliés. Canadiens, Sud-Coréens, Néo-Zélandais et Australiens ont manipulé les défoliants sans en connaître le danger.

En 1984, des vétérans américains ont été indemnisés par leur gouvernement et par les fabricants des herbicides pour les maladies contractées à la suite de leur exposition à ce produit. Lasses de souffrir en silence chaque jour pendant de longues années, des victimes vietnamiennes de l’agent orange ont décidé elles aussi de porter plainte contre les Amércains.

La bataille judiciaire a commencé en 2004 quand la VAVA a présenté un recours collectif aux Etats-Unis contre 37 fabricants d’herbicides pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Les plaignants ont réclamé des dommages et intérêts pour les lésions personnelles subies, les morts, les naissances d’enfants malformés, ainsi que pour la nécessaire décontamination de l’environnement. Mais leur plainte a été très vite rejetée. Ils ont fait appel.

Sans succès. Ils ont ensuite déposé une requête devant la Cour suprême des Etats-Unis, tout aussi rapidement repoussée. Ainsi depuis sept ans, malgré leur ténacité, ils ne peuvent pas attaquer les fabricants de défoliants. Le procès de l’agent orange n’a toujours pas eu lieu.

Pour justifier leur refus d’indemniser les victimes vietnamiennes, les Etats-Unis ont affirmé que les herbicides ont été utilisés pour protéger les soldats américains et non pas comme arme tournée contre les populations vietnamiennes. Ils ont argué de l’absence de données reconnues internationalement sur les effets de l’agent orange et réclamé de nouvelles preuves scientifiques. Déçue et indignée, la VAVA a jugé la décision de la Cour suprême déraisonnable, erronée et injuste. Ce rejet a également soulevé une vive opposition parmi la communauté internationale et la communauté scientifique.

A partir de 1994, l’Institut de médecine de l’Académie nationale des Sciences (qui avait nié tout lien entre les agents chimiques utilisés et les infections provoquées au Vietnam en soutenant l’avis du gouvernement américain) a reconnu 17 maladies associées à la dioxine.

Parmi celles-ci, plusieurs types de cancers et diverses pathologies dont souffrent aujourd’hui des Vietnamiens, des anciens combattants américains et leurs alliés canadiens, sud-coréens, néo-zélandais et australiens… De nombreuses recherches menées au Vietnam, au Canada et en Nouvelle-Zélande ont montré que les effets pathogènes et tératogènes de la dioxine étaient de plus en plus vraisemblables et même indiscutables pour beaucoup de scientifiques. L’un d’eux a condamné l’attitude de Washington vis-à-vis de ce problème. Le Dr Wayne Dwernychuk, qui travaillait pour Hatfield Consultants au Canada, a écrit une lettre au président Obama en 2010, l’appelant à aider le Vietnam et à arrêter de réclamer de nouvelles preuves scientifiques. Le Dr Dwernychuk n’obtiendra, pour toute réponse, que le silence et le déni.

« Les Etats-Unis font évidemment tout ce qu’ils peuvent pour éviter de voir leur responsabilité engagée car cela pourrait leur coûter beaucoup d’argent », souligne Eric David, professeur de droit international à l’Université Libre de Bruxelles. Un effort financier qui serait aggravé par les demandes des autres pays qui ont souffert des conséquences de l’agent orange durant la guerre au Vietnam comme la Corée du Sud, la Nouvelle Zélande ou l’Australie.

En mai 2007 et en mars 2009, le Congrès américain a débloqué, à titre d’aide humanitaire, 6

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contaminés du pays. Mais le Vietnam trouve que ce n’est pas encore suffisant. Il estime qu’il faudrait, sans compter l’aide aux victimes, multiplier cette somme par dix.

La vie s’est arrêtée

Peu de temps après s’être rendus aux Etats-Unis pour porter plainte, deux des 27 plaignants vietnamiens sont morts. Ils n’auront jamais l’occasion de vivre le jour où la justice leur sera rendue. Mais les 25 autres personnes et des millions d’autres victimes ne veulent pas rendre les armes. Ils luttent chaque jour pour survivre et faire triompher leur cause… Mais à quel prix !

« Les victimes de l’agent Orange sont parmi les plus malheureuses. Elles sont également les plus pauvres parmi les pauvres », souligne avec tristesse Nguyen Thi Hien, directrice de la VAVA de Da Nang, en désignant les photos d’enfants physiquement déformés qui tapissent son bureau. La ville de Da Nang compte à elle seule plus de 5.000 victimes, dont environ 1.400 enfants comme ceux de Thê.

Seule dans sa maison vétuste, la vieille dame passe ses journées et ses nuits à soigner et à surveiller ses deux enfants malades. Elle n’a plus jamais de temps pour elle. « Mon plus grand souhait serait de les voir se sentir en pleine forme, parler, sourire et courir comme tant d’autres jeunes ». Elle a tout sacrifié pour tenter de les guérir. Il lui a fallu vendre tous les biens de la famille et emprunter de l’argent auprès de proches ou d’amis. Aujourd’hui elle garde encore espoir même après avoir emmenés, en vain, ses enfants dans différents hôpitaux de la région.

Mais l’argent manque. Thê ne peut compter que sur l’aide de la ville. Elle perçoit 400.000 VND (15 euros) pour ses deux enfants, le fonds vient de l’Association pour les victimes de l’agent orange de Da Nang. Elle reçoit aussi 600.000 VND (20 euros) par mois d’allocations pour la contribution de son mari à la Révolution vietnamienne. Lorsque ses enfants dorment ou ne risquent pas de casser quelque chose dans la maison, elle va chercher du bois pour la cuisine. C’est moins cher que le gaz ou le charbon. Elle est contente de pouvoir être encore utile. Cela la rassure beaucoup. Mais la vieille femme a peur de ce qui se passera après sa mort.

« Mes enfants seront devenus ainsi orphelins, et qui pourra les assister ? », soupire-t-elle en essuyant les larmes qui coulent lentement sur ses joues ridées. Pas loin de la maison de Thê, dans le hameau de La Bông, commune de Hoa Tiên, district de Hoa Vang, la famille de Nguyen Hong Cu vit la même tragédie causée par l’agent orange. Cet homme de 75 ans souffre de troubles cardiaques et de la chloracné, une maladie rare de la peau. A son retour du combat de Quang Tri, quand la paix a été signée, Cu s’est marié. Sa femme a accouché cinq fois, quatre enfants sont nés handicapés. Le premier souffre de retard mental, des bras ou des jambes manquent aux trois derniers. Assis sur un tabouret dans le salon en attendant que le thé vert soit prêt, il prend Duyen, son unique petite-fille, 5 ans, dans ses bras. Inconsciente, muette, sourde, aveugle, elle n’a jamais pu appeler ses parents. Quand elle n’est pas contente, elle jette tout et frappe les gens qui l’entourent.

Les quatre enfants handicapés de Cu ne sont pas mariés. Ce n’est pas étonnant quand on sait qu’au Vietnam, dans certaines régions encore reculées, les victimes de l’agent orange sont isolées et méprisées par l’entourage qui perçoit souvent les enfants nés handicapés comme la manifestation d’un mauvais sort ou la conséquence d’une « faute » des parents. Dans les

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villages, beaucoup de gens ne comprennent pas encore l’origine chimique des infirmités malgré les explications des autorités. Les autres membres de la famille pâtissent aussi de la situation : les frères et sœurs en bonne santé ont du mal à se marier. Personne ne voudrait voir son fils ou sa fille épouser quelqu’un qui risque de lui donner des enfants handicapés.

« Chaque jour je vois mes enfants et ma petite-fille souffrir mais je ne peux rien faire pour les soulager », s’exclame Cu en larmes. « Je souhaite que le gouvernement nous soutienne davantage, qu’il nous aide à être moins pauvres et à rénover notre maison », ajoute-t-il en montrant du doigt le toit en brique de la maison qui se dégrade et laisse l’eau s’infiltrer chaque fois qu’il pleut.

Si Cu ne peut plus travailler, sa femme et ses enfants gagnent un peu d’argent en travaillant sur les champs de riz et en récupérant de la ferraille et des journaux qui seront ensuite revendus. Ce qui préoccupe toute la famille, c’est de pouvoir guérir la dernière née. « Je rêve d’entendre ma fille m’appeler maman, ça n’est jamais arrivé », confie la mère de Duyen, d’une voix amère.

« Cette souffrance ne peut jamais se terminer, elle dure toute une vie », souligne Nguyen Thi Hien, présidente de la VAVA de Da Nang. « Nous essayons d’aider les familles les plus nécessiteuses en favorisant la rénovation et la construction de leurs maisons, en obtenant des bourses d’études ou en leur permettant d’investir dans le commerce ou l’élevage.

L’association s’occupe des collectes locales. Il y a également plusieurs organisations internationales et des personnes privées qui nous aident financièrement », confie Hien. L’aide de la communauté, bien que très limitée, a pu soulager un peu les difficultés quotidiennes des victimes.

Et pourtant, la vie continue

Au Centre de soutien aux Victimes de l’agent orange de Danang ouvert en 2006, une centaine d’enfants suivent des cours chaque jour et apprennent des métiers artisanaux : couture et broderie pour les filles, électricité pour les garçons. L’espoir demeure dans de nombreuses familles d’assurer un avenir à leurs enfants. Tant que ceux-ci sont capables d’apprendre, les parents n’hésitent pas, malgré le mauvais temps, à les amener chaque matin au centre et à les ramener en fin d’après-midi à la maison.

Dans une classe de 15 m², meublée simplement de vieilles tables et de quelques bancs, une quinzaine d’enfants âgés d’environ 10 ans fixent en silence le professeur qui leur apprend à lire et à écrire. Chacun porte les stigmates de son handicap : plusieurs ont le visage déformé par d’horribles taches ; le regard de quelques autres trahit un retard intellectuel. Parfois, des petites mains, timides, se lèvent quand le professeur pose des questions. Certains devront faire de gros efforts pour parler.

A 200 mètres de la classe, au fond de la cour du Centre, une dizaine de jeunes enfants se réunit sur une nappe en paille de riz et fabrique des fleurs en tissu. Les petits doigts confectionnent avec une dextérité épatante des bouquets qui seront vendus pour financer le Centre. Tout en travaillant, les enfants rient entre eux. Les visages déformés s’illuminent. Les sourds et muets échangent des gestes joyeux lors de « conversations » animées. En voyant des étrangers s’approcher, ils arrêtent de travailler et tentent de communiquer avec eux. Certains, plus agités, s’échappent quelques minutes et reviennent avec des photos d’eux-mêmes et de

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Un garçon d’environ 95 cm, le corps déformé par de grandes bosses sur la poitrine et dans le dos, se dirige vers les enfants, à petits pas. Il leur demande d’arrêter le travail, car c’est l’heure de rentrer. A première vue, on penserait que c’est un petit garçon de 4 ans. Mais si on observe bien son visage, on constate que c’est un homme de 30 ans. Nguyen Ngoc Phuong est le responsable du Centre depuis trois ans. Il a travaillé auparavant pendant dix ans à Ho Chi Minh ville comme électricien. Des yeux clairs et vifs, une voix un peu rauque et faible, de petites moustaches, et un sourire charmant, Phuong fait rapidement oublier aux gens à qui il parle son corps supplicié par l’agent orange.

« Je crois que les enfants fréquentant ce Centre et moi-même avons beaucoup de chance, au moins beaucoup plus que des victimes qui sont affectées plus gravement et qui ne peuvent pas sortir de chez elles », confie Phuong en jetant un regard bienveillant sur les jeunes pensionnaires qui s’amusent dans la cour en attendant leurs parents. « Ici, nous apprenons aux enfants des métiers qui pourront les aider plus tard à trouver un travail. Il n’y a pas de façon plus réaliste de leur permettre de s’intégrer et de trouver des satisfactions dans la vie», poursuit-il.

Il a pourtant fallu du temps pour que ces enfants puissent s’adapter au Centre ou enseignent cinq professeurs bénévoles. « Les premiers jours, se souvient Phuong, beaucoup ont essayé de s’enfuir en grimpant au mur pour trouver une sortie quand la porte du Centre est fermée. Ils étaient habitués à s’enfermer dans leur maison en supportant seuls leur solitude.

Ces enfants se sont même battus dès les premiers contacts. Mais avec le temps, le Centre est devenu leur nouvelle maison où ils rencontrent des enfants dans la même situation ».

Combat difficile

Originaire du district de Que Son, dans la province de Quang Nam, une des régions les plus défoliées par l’agent orange, Phuong aime être au contact de ces enfants qui, comme lui 20 ans auparavant, puisent dans leurs propres forces pour changer leur destin. Quand Phuong naît, il pèse à peine 800 grammes. Incroyable, même pour le médecin qui explique qu’il souffre d’un manque d’hormones de croissance. Il attendra l’âge de trois ans pour tenter ses premiers pas.

A 6 ans, Phuong se rend à l’école. Mais durant les premières semaines, Il doit rester dans la cour pour écouter l’instituteur, car ses parents n’ont pas pu l’inscrire à temps. Dépassant à peine le rebord de la fenêtre, il déchiffre avec difficulté les mots dessinés à la craie par l’enseignant. Et même quand il peut enfin suivre le cours en classe, sa taille le handicape encore pour voir le tableau même en s’asseyant au premier rang. Son père décide alors de lui fabriquer spécialement une petite chaise en cuir pour qu’il puisse la poser sur son banc d’école. Pendant sept ans, Phuong va parcourir chaque jour sept kilomètres avec son précieux chargement sur le dos. Ce qui ne l’empêche pas d’obtenir des résultats scolaires remarquables jusqu’à la fin du collège.

« Je n’ai pas de grands rêves, juste un petit : avoir une bonne santé pour pouvoir faire beaucoup de choses pour mes parents et mes proches. Mes parents ont beaucoup souffert.

Jusqu’à maintenant je n’ai rien pu faire pour eux », confie Phuong d’une voix fluette, les yeux baissés. Phuong s’attriste de voir son corps s’affaiblir de jour en jour. Il craint de devoir bientôt affronter la mort. « Je voudrais encore vivre, au moins pour mes parents. Mais 30 ans d’existence, c’est déjà beaucoup pour une personne malade comme moi. Même s’il est encore trop tôt, même si je regrette encore cette vie, j’accepte, car j’ai au moins essayé de profiter de

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chaque jour », soupire Phuong, en faisant rugir le moteur de sa moto à trois roues avant de reprendre le chemin de son domicile.

En quelques minutes, sa fragile silhouette disparaît derrière les grands arbres qui bordent la route. Près de quarante ans après les épandages, la verdure est revenue à Da Nang. Mais des milliers d’enfants innocents continuent de mourir. D’autres vont naître, victimes à leur tour de l’agent orange. Pour combien de temps encore ?

Chuck Palazzo : «Je me suis engagé à aider les victimes de l’agent orange »

Chuck Palazzo est l’un des six millions de soldats américains envoyés au Vietnam pour participer à la guerre. Il vivait à Da Nang dans les années 1970-1971. Trente ans après, ce vétéran est revenu dans cette même ville afin de contribuer à guérir les blessures que son gouvernement et lui-même ont causé au peuple vietnamien. Il contribue ainsi à soigner des victimes de l’agent orange, auquel il fut aussi exposé.

Vous souvenez-vous encore des moments où vous avez vu répandre des herbicides pendant la guerre?

À la base aérienne américaine de Da Nang, j’ai vu les tonneaux utilisés pour stocker l’AO.

J’ai questionné un responsable militaire américain qui m’a répondu que c’était «juste quelques produits chimiques pour empêcher la pousse d’herbes trop hautes autour du périmètre de la base aérienne ». J’ai également vu qu’ils étaient pulvérisés à partir d’hélicoptères dans plusieurs régions en dehors de Da Nang. On m’a dit que c’était le même produit chimique que j’avais vu à la base aérienne. Il a été utilisé pour éliminer une grande partie de la végétation afin que l’armée du Nord du Vietnam et le Viet Cong ne puissent pas attaquer l’armée américaine par surprise.

Pensez-vous que le gouvernement américain connaissait déjà le danger de l’AO avant qu’il ait ordonné à l’armée US de les déverser sur le Vietnam?

Oui. Je crois que le gouvernement américain savait que ce défoliant présenterait un danger pour les personnes exposées. Des articles écrits par d’anciens militaires prétendent que le gouvernement était conscient des conséquences néfastes des pulvérisations pour les humains.

D’autres articles et d’autres documents encore expliquent que les fabricants de l’AO, comme Monsanto et Dow, savaient que la vie humaine serait affectée d’une manière très négative. Le gouvernement américain a pourtant continué de le déverser et les fabricants ont continué de faire des profits pendant plus de 10 ans au Vietnam.

D’après vous, pourquoi les Etats-Unis ne veulent-ils pas admettre leur responsabilité?

A mon avis, le gouvernement américain suit la maxime qui dit que “all is fair in love and war” (« En amour comme à la guerre, tous les coups sont permis »). Les Américains refusent de reconnaître toute responsabilité ou d’admettre toute culpabilité, parce que les faits se sont produits en temps de guerre. Il y a des lois aux États-Unis qui protègent les militaires et leurs sous-traitants civils du risque d’être poursuivis en raison de la guerre et ce quel que soit le préjudice commis. Les Américains ont également déclaré à maintes reprises que la plupart des

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l’AO de façon certaine. C’est une excuse qu’ils ont utilisée pendant des années – publiquement et en privé. De plus, ils sont préoccupés par les sommes importantes qu’ils auraient à verser aux Vietnamiens pour les soins et le bien-être des victimes ainsi que pour l’environnement. Ironiquement, ils fournissent une assistance médicale à leurs propres vétérans américains pour certaines de ces mêmes maladies.

Les Etats-Unis n’ont jamais admis leur responsabilité. Mais comment expliquez-vous l’aide qu’ils ont apportée (et l’argent dépensé) pour décontaminer quelques-uns des lieux les plus touchés au Vietnam?

Les Américains n’ont financé qu’une faible part du coût du nettoyage à Da Nang et Bien Hoa.

C’est très insuffisant. Je ne pense pas qu’ils soient en train d’admettre qu’ils ont tort. Les sommes allouées par les Etats-Unis ont plutôt une motivation politique.

Que ressentez-vous quand vous voyez les victimes de l’agent orange à Da Nang?

Chaque fois que je vois une victime de l’agent orange, je suis déchiré. Cela me brise le coeur.

Je suis très en colère et je me sens coupable. Des innocents en ont été victimes simplement parce qu’ils (ou leurs parents) vivaient dans la région où il a été pulvérisé. Je ressens la même émotion pour leurs familles. Beaucoup sont extrêmement pauvres. Prendre soin des victimes de l’AO est un travail à temps plein pour les parents, les hôpitaux, orphelinats, etc. Je m’inquiète aussi de constater que les ravages provoqués par l’ AO se perpétuent dans le temps. Nous atteignons la quatrième génération de victimes.

Vous avez beaucoup aidé les victimes de l’AO…

J’assiste les employés de certains orphelinats ici, ou bien j’écris des articles pour sensibiliser les gens. J’aide aussi les victimes en leur donnant de l’amour et du temps, surtout à ceux qui n’ont pas de famille. Beaucoup manquent de soutien moral. Jouer, partager un sourire est, à mon avis, aussi thérapeutique et utile que des soins médicaux. Je vis à Da Nang depuis trois ans. Quand j’ai réalisé que la guerre menée par les Etats-Unis au Vietnam avait eu des conséquences dramatiques, j’ai décidé de revenir pour faire les choses correctement. J’ai déménagé mon entreprise à Da Nang et je vis ici à plein temps. Je me suis engagé à aider les victimes de l’AO, dans cette ville et dans tout le Vietnam.

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Canada

Les relations entre les ONG et le gouvernement : entre pragmatisme et idéologie

Par François Audet et Francis Paquette3

Les rapports entre les organisations non-gouvernementales (ONG) humanitaires et le gouvernement canadien peuvent être analysés de différentes manières. Pour mieux les comprendre, il est essentiel de saisir les contextes politique, domestique et international dans lesquels s’opère cette relation. Pour ce faire, nous proposons d’aborder brièvement l’historique de l’émergence de l’humanitaire au Canada, afin d’en arriver à contextualiser la dynamique actuelle. L’objectif de ce texte étant de caractériser certains des facteurs qui déterminent la relation entre les ONG et le gouvernement canadien.

L’émergence de l’humanitaire au Canada s’inscrit tout d’abord dans le contexte de la coopération internationale du début du siècle dernier, alors que les premiers missionnaires canadiens étaient déployés en Amérique latine et en Afrique principalement. L’idée du prosélytisme a progressivement laissé place à une démarche plus séculaire, mais toujours orientée vers une action essentiellement de développement international. Ce n’est que plus tard, avec l’arrivée d’organisations étrangères en sol canadien, que l’action humanitaire du Canada a réellement pris forme4.

L’histoire récente de l’humanitaire canadien a ainsi été largement influencée par les deux courants humanitaires dominants, soit le courant anglo-saxon et le courant sans-frontiériste français. On constate en effet que la grande majorité des organisations canadiennes ayant une vocation humanitaire sont d’origine européenne (Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde), du Royaume Unis (OXFAM, Save the Children) ou américaine (CARE, Vision Mondiale)5. La plupart du temps, l’établissement de succursales en sol canadien avait pour

3 François Audet est Directeur exécutif de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire (OCCAH) à l’Université de Montréal (UDM). Francis Paquette est étudiant à la maîtrise en science politique à l’UDM, et coordonnateur de l’OCCAH.

4Parallèlement, la politique étrangère canadienne s’est réellement développée dans les années 1960-1970. C’est avec l’arrivée de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) en 1968, et plus tard, de son unité d’Assistance humanitaire internationale (AHI), que l’humanitaire canadien a pris un réel essor. Voir David R.

Morrison. 1998. Aid and ebb tide : a history of CIDA and Canadian Development Assistance. Wilfrid Laurier University Press and North South Institute. 602 p. Voir également le site de l’ACDI, en ligne : http://acdi- cida.gc.ca/acdi-cida/ACDI-CIDA.nsf/fra/JUD-24132427-PLC

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objectifs la levée de fonds et le recrutement pour l’envoi de coopérants à travers les fédérations internationales. Aujourd’hui, la plupart des organisations se sont affranchies de leur bureau fondateur, quoique le degré d’indépendance puisse varier en fonction des capacités financières ou de mise en œuvre des projets6.

Le génocide rwandais (1994), l’ouragan Mitch en Amérique centrale (1998) et le conflit dans les Balkans (1999) sont trois crises qui ont été particulièrement médiatisées au pays et qui ont sensibilisé le public canadien aux catastrophes humanitaires. De ce fait, plusieurs organisations canadiennes ont amorcé leurs activités humanitaires internationales à cette période.

Une relation ambiguë

Le débat qui aborde les motivations et les intérêts de l’aide humanitaire du Canada est toujours en cours. Si certains sont d’avis que le Canada est motivé par ses intérêts en politique étrangère, d’autres croient encore à l’influence du caractère humaniste et pacifiste de l’époque où Lester B. Pearson était au pouvoir7. Le mythe relié à cette dernière conception est encore puissant dans l’imaginaire collectif canadien8. En conséquence, il semble qu’il y ait un fort décalage entre la réalité des interventions internationales du Canada et la compréhension du public face à celle-ci. Par exemple, la rhétorique du rôle du Canada en Afghanistan est souvent essentiellement associée au processus de démocratisation et d’aide aux populations de ce pays, alors que les forces armées canadiennes sont engagées dans les combats directs depuis le début des hostilités en 2001.

Ce contexte façonne les relations entre le gouvernement et les organisations humanitaires canadiennes. Ces relations sont également influencées par au moins deux facteurs. Le premier porte sur l’approche intégrée de la politique internationale du Canada. Le gouvernement canadien a en effet mis en avant une politique d’aide internationale pan-gouvernementale qui vise à mettre en commun les ressources de plusieurs ministères dont celui des Affaires étrangères (MAECI), de la Défense nationale (MDN) et de la Coopération internationale9. Cette approche est particulièrement utilisée en Afghanistan et en Haïti qui sont aujourd’hui les deux premiers pays bénéficiaires de l’aide canadienne10. Cette approche intégrée dilue la rhétorique humanitariste, et donne priorité aux approches sécuritaires. Les ONG canadiennes

collaboré à l’action internationale durant la Deuxième Guerre mondiale, ce n’est que dans les années 1970 et 1980 que des fonds ont été consacrés à des activités internationales.

6 Certaines organisations dépendent encore financièrement ou opérationnellement de leurs bureaux européens.

Inversement, Vision Mondiale Canada, la Croix Rouge canadienne et CARE Canada sont les trois plus importantes organisations non gouvernementales au Canada en terme de financements et elles jouissent d’une influence significative dans leur fédération respective. Les activités strictement humanitaires de Médecins Sans Frontières Canada lui donnent cependant le second rang dans cette catégorie d’activités, entre CARE Canada et Vision Mondiale (statistiques budgétaires 2009-2010).

7 Pour une analyse sur l’intérêt de la politique humanitaire du Canada, voir Pierre Beaudet, « L’intervention humanitaire canadienne : Entre l’instrumentalisation et le soutien aux populations en détresse. », Géostratégique, 16, 119-133. 2007

8 Ce mythe est notamment lié au rôle du Canada, lors de la Crise de Suez et l’obtention du prix Nobel de 1957 par Lester Pearson. Voir Justin Massie et Stéphane Roussel, « Au service de l’unité : Le rôle des mythes en politique étrangère canadienne », Canadian Foreign Policy, vol. 14, no 2, Printemps 2008

9 Voir la description de la politique pan-gouvernementale en Haïti sur le site du gouvernement du Canada, en ligne : http://www.canadainternational.gc.ca/haiti/engagement/whole_of_government- pangouvernementale.aspx?lang=fra

10 Voir les données statistiques de l’aide canadienne au développement. En ligne : http://www.acdi- cida.gc.ca/INET/IMAGES.NSF/vLUImages/stats/$file/Statistical_Report_2009-2010_fra.pdf

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se voient donc en rapport avec une politique étrangère fortement influencée par les intérêts de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme.

Parallèlement à ce contexte, il faut noter que le gouvernement canadien continue de soutenir plusieurs initiatives humanitaires. Il promeut notamment la mise en place du financement du

« 1$ du public pour 1$ du gouvernement ». Les ONG sont ainsi encouragées à obtenir des fonds du public qui sont doublés par le gouvernement canadien pour certaines crises humanitaires11.

Le deuxième facteur d’influence réside dans le fait que, comme puissance moyenne, le Canada a toujours cherché à s’inscrire dans une forme de multilatéralisme afin de pouvoir utiliser les organisations multilatérales comme levier d’influence pour ses intérêts. Cela va de pair avec sa volonté d’élaborer, avec plus ou moins de succès, une rhétorique distincte de celle de son puissant voisin américain12. De ce fait, l’aide humanitaire canadienne se canalise partiellement dans des agences onusiennes.

C’est dans ce contexte alambiqué que se façonne la relation entre les ONG et le gouvernement canadien. Ce rapport doit être considéré sur deux niveaux. D’une part, au niveau des enjeux strictement humanitaires, les ONG canadiennes semblent avoir développé une relation très pragmatique avec le gouvernement. Ce pragmatisme est notamment construit sur des relations contractuelles pour l’obtention de financement et sur les cadres de gestion axés sur les résultats. Certaines des plus importantes organisations ont notamment uni leurs efforts de recherche de financement en créant la Coalition humanitaire qui vise à mutualiser la levée de fonds lors de catastrophes majeures13.

D’autre part, il semble que les ONG ont plus de difficultés dans leurs relations en ce qui concerne les enjeux développementaux de leurs programmes. Plusieurs cas complexes ont été recensés ces dernières années. Par exemple, certaines organisations, telles que Kairos et Alternatives, se sont simplement vues couper leur financement parce qu’elles n’étaient pas alignées sur la politique d’aide du gouvernement canadien. Ces deux organisations avaient notamment des programmes de soutien aux communautés palestiniennes qui ne semblent pas concorder avec l’idéologie politique du Canada pour cette région14. D’autres ONG ne peuvent plus compter sur le gouvernement canadien pour financer leurs projets de santé maternelle.

Certains projets visaient à aider les femmes victimes de crimes sexuels ou atteintes du VIH afin de leur permettre d’avoir accès à l’avortement légal et sécuritaire.

En refusant les financements aux programmes d’avortement légal à l’étranger, l’actuelle administration a mis un terme à l’activité de plusieurs organisations des droits des femmes.

Ces organisations ont d’ailleurs dénoncé les coupures en indiquant qu’elles survenaient suite à

11 Voir notamment la politique des dons mise en place lors du tremblement de terre en Haïti, en ligne : http://acdi-cida.gc.ca/acdi-cida/ACDI-CIDA.nsf/fra/JOS-114172324-U9P; et au Pakistan, en ligne : http://acdi- cida.gc.ca/acdi-cida/ACDI-CIDA.nsf/fra/NAT-22592527-JWY

12Pierre Beaudet, op. cit

13 Les organisations membres de la coalition sont CARE Canada, OXFAM Canada et OXFAM Québec, Save the Children Canada et Plan. Voir le site Internet de la coalition : http://humanitariancoalition.ca/

14Pour l’information sur Kairos, voir le texte du discours du ministre Jason Kenney dans le Toronto Star du 30 décembre 2009. En ligne : http://www.thestar.com/news/article/743930–text-of-jason-kenney-speech. Pour

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leur mécontentement face au refus du gouvernement de financer l’avortement à l’étranger15. Dès lors, d’autres organisations comme Médecins du Monde Canada, qui a construit une grande partie de son expertise sur les programmes de santé maternelle et de lutte contre le VIH, ne peuvent désormais plus compter sur des financements du gouvernement canadien dans ce domaine.

Ainsi, cette relation s’inscrit surtout dans la perspective où les ONG sont des instruments de la politique étrangère canadienne16. Les ONG qui ne cadrent pas dans les priorités politiques se voient simplement retirer le soutien gouvernemental. Corrélativement, la dépendance financière des organisations face au gouvernement reste marquée et force une relation inégale.

En effet, hormis Vision Mondiale et Médecins Sans Frontière qui réussissent à amasser des dons du public de manière importante relativement à leur budget total, les autres organisations dépendent pour beaucoup des fonds de l’ACDI.

En conclusion, le dialogue et le débat public sont relativement improductifs et les ONG humanitaires qui œuvrent dans des activités de plaidoyer butent souvent devant des portes closes. A cet effet, la Chaire Nicole Turmel sur les espaces publics de l’Université du Québec à Montréal parle même de rétrécissement de l’espace public au Canada17. Si par le passé les organisations humanitaires ont joué un rôle non négligeable dans le développement de la politique extérieure du Canada, et sur la conceptualisation des programmes d’aide, il semble que cette influence soit aujourd’hui atténuée de par les facteurs présentés ci-dessus18. Questionnés sur le sujet, certains représentants d’ONG confirment que la dynamique actuelle entre les ONG canadiennes et le gouvernement est effectivement asymétrique. Le doute persiste quant à la sincérité d’un possible dialogue ouvert et constructif. On se retrouve donc dans un contexte où la relation de confiance entre les acteurs de la société civile canadienne et le gouvernement est à (re)construire.

15 Voir Le Devoir du 5 mai 2010. En ligne : http://www.ledevoir.com/politique/canada/288371/ottawa-prive-d- aide-12-groupes-de-femmes

16 Fait à remarquer, le gouvernement canadien utilise la terminologie « organisations de bienfaisance » ou

« organisations de charité » pour faire référence aux organisations non gouvernementales. Voir entre autres le site du gouvernement fédéral : http://www.cra-arc.gc.ca/chrts-gvng/lstngs/menu-fra.html

17 Les organisations de coopération canadienne sont regroupées sous le Conseil canadien de la coopération internationale (CCCI). Cette dernière, qui avait entre autres pour mandat la réalisation de plaidoyer politique, s’est également vue couper son financement en 2010. La Chaire Nicole Turmel sur les espaces publics de l’Université du Québec à Montréal fait l’historique de cet enjeu. En ligne : http://www.turmel.uqam.ca/node/236 18Pour une revue du rôle des organisations non gouvernementales canadiennes, voir Dominique Caouette, 2008,

« Les organisations non gouvernementales canadiennes : bilan et perspective ». Dans François Audet, Marie Ève Desrosiers et Stéphane Roussel, L’aide canadienne au développement. Presses de l’Université de Montréal, 352p

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Guatemala

Le pays où la droite est reine

Par Grégory Lassalle

On estime parfois que la multiplication de candidats issus du même bord politique fragilise leur camp. Pas au Guatemala.

Le deuxième tour de l’élection présidentielle, qui aura lieu le 6 novembre, verra s’affronter deux candidats de droite : le général Otto Pérez Molina, du Parti patriote (PP), et M. Manuel Baldizon, du parti Lider (Liberté démocratique rénovée). Lors du premier tour, le 11 septembre, le duo arrivé en tête — avec respectivement 31,8 % et 20 % des suffrages — a devancé un trio lui disputant la radicalité conservatrice : le libéral pro-militariste Eduardo Suger, du parti Compromis, rénovation et ordre (CREO), l’entrepreneur Mario Amilcar Estrada, de l’Union du changement nationaliste (UCN), et le pasteur évangélique Haroldo Caballeros, du parti Vision et valeurs (Viva).

Portée par le Front large, issu d’une alliance entre l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG) 19, et le parti indigéniste Winaq20, l’unique candidate de gauche — l’ancien prix Nobel de la paix Rigoberta Menchú — n’a recueilli que 2,8 % des voix. Ni le renouvellement de l’Assemblée, ni celui des mairies, le même jour, n’ont inversé la tendance.

Sur 158 députés, deux se revendiquent de gauche. Ce n’est le cas que de cinq maires, sur 333.

Dans un contexte d’exacerbation de la violence (17 homicides par jour en moyenne) et de généralisation de l’impunité (le taux de résolution des crimes ne dépasse pas 6 %), le processus électoral s’est caractérisé par une surenchère dans les promesses de fermeté sur les questions de sécurité21. Les candidats arrivés en tête sont d’ailleurs ceux qui proposaient les solutions les plus radicales : rétablissement de la peine de mort, militarisation du pays, intervention d’entreprises privées, tolérance zéro… Pourtant, ce vote, que certains pourraient

19 L’URNG est le parti de l’ancienne guérilla, active entre 1960 et 1996. Le conflit armé guatémaltèque a provoqué la mort de 250 000 personnes. Selon la Commission pour l’éclaircissement historique (CEH) des Nations Unies, l’armée guatémaltèque est responsable de 85 % des violations des droits humains perpétrées pendant ce conflit.

20 Winaq est un parti fondé par Mme Rigoberta Menchú et diverses personnalités du mouvement indigéniste

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