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Année 2012, n° 10 – Sommaire

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment

Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment lelelele mercredi 9 mai 2012mercredi 9 mai 2012mercredi 9 mai 2012mercredi 9 mai 2012

Année 2012, n° 10 – Sommaire

CHINE CHINECHINE CHINE

Wukan : un symbole de la résistance populaire en Chine rurale… page 1 ARABIE SAOUDITE

ARABIE SAOUDITEARABIE SAOUDITE ARABIE SAOUDITE

Histoire d’une société civile oubliée… page 6 Belgique

Belgique Belgique Belgique

Renforcer la cohérence des politiques belges pour le développement… page 8 Diaspora congolaise et élections communales belges… page 10

B BB

Burundiurundiurundiurundi

Site Busesekara (Cibitoke) : la famine a déjà tué cinquante personnes… page 13

« Printemps arabe » : effet domino en Asie ?... page 15

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CHINE

Wukan : un symbole de la résistance populaire en Chine rurale

par Isabelle Zhang

Les termes du débat sur l’avenir du système politique chinois sont souvent définis à partir de trois perspectives différentes : certains croient en une transition démocratique impulsée par des mouvements de citadins et d’intellectuels1, d’autres croient en un soulèvement populaire légitimé par les inégalités sociales et la corruption2, enfin certains pensent que l’on pourrait assister à une réforme guidée lentement par les élites du Parti communiste3. Ces trois perspectives portent en elles des visions différentes des racines des tensions et des rapports de force actuels dans la Chine contemporaine.

Mais que soient mis en avant la classe ouvrière, les classes moyennes ou les élites politiques en tant que sujet des transformations politiques, un caractère commun à ces trois perspectives est de considérer la ville comme le lieu de changement.

Pourtant, la protestation massive qui s’est développée à Wukan (un village de bord de mer de la province de Guangdong dans le sud de la Chine) à la fin de l’année 2011, a attiré l’attention sur les campagnes, d’où la révolution chinoise a émergé.

1 C’est par exemple la revendication constante du mouvement outre-mer pour la démocratisation depuis le massacre de Tiananmen en 1989. En Chine, il y a également un courant de pensée qui souhaite reproduire la « Révolution de Velours » guidée par les intellectuels, illustré par Liu Xiao-Bo, lauréat du Prix Nobel de la Paix en 2010, détenu depuis 2009 en raison de son activité autour de la « Charte 08 ». Nous pouvons ajouter la protestation de l’artiste dissident Ai Weiwei, qui demande essentiellement plus de liberté d’expression et la diminution de la corruption.

2 C’est par exemple le point de vue du romancier Yu Hua exprimé dans cet article (en anglais).

3 C’est peut-être le plus répandu et qui a suscité beaucoup de recherches sur les divers courants au sein du Parti communiste.

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L’acquisition de la terre au cœur de luttes sociales chinoises

La protestation de Wukan est le résultat de la conjonction de deux facteurs – la corruption des autorités locales (cunweihui, le comité du village qui est directement lié au Parti communiste), et la question de qui possède la terre dans les campagnes – deux problèmes de la plus grande importance dans la Chine rurale depuis le début des privatisations à partir de 1978.

En effet, l’acquisition de la terre prend une place de plus en plus centrale dans la contradiction sociale en Chine aujourd’hui. Après la révolution communiste en 1949, le système social était fondé sur la distinction binaire ville/campagne qui définit à la fois les droits de citoyens et les droits à la terre. À l’époque communiste, la terre des villes appartenait à l’État pour permettre la construction d’usines et d’entreprises publiques ; la terre des campagnes appartenait à des collectifs de paysans (commune, gongshe) et était destinée à un usage agricole. La réforme économique entreprise en 1978 a changé ce système. Une nouvelle loi de 1991, qui distingue le « droit d’usage » et le « droit de possession », a permis aux autorités locales de louer la terre à d’autres acteurs économiques avec l’accord des villageois et avec des compensations4. En réalité, le travail du comité du village n’est pas toujours transparent et ce malgré l’existence d’élections au niveau du village5. Cela crée donc une source majeure de conflits en Chine aujourd’hui. Du fait de l’urbanisation rapide, la frontière géographique entre la « ville » et la « campagne » tend à devenir vague. Cela a créé des opportunités financières pour des cadres politiques dans les campagnes qui ont fait de gros bénéfices en vendant la terre à des agences immobilières sans l’accord des villageois. Des milliers de manifestations ont explosé autour de la vente de terre et des compensations dérisoires.

C’est ce scénario qui est à l’origine de la lutte des villageois de Wukan. Depuis 1993, le comité du village a vendu petit à petit les terres collectives à des sociétés de construction.

Alors que les représentants officiels ont reçu des profits dépassant plus de 70 million de yuans, les frais de compensation n’étaient que de 550 yuans (55 euros) par famille. Une mobilisation visant à la démocratisation du comité de village et à la réévaluation de la valeur des terres a ainsi commencé.

Mobilisation et répression

Tout comme durant le Printemps arabe, les jeunes ont joué un rôle central dans l’organisation de la mobilisation. L’expérience du travail dans les villes les a rendus plus conscients de l’injustice du monopole du pouvoir par le comité du village. Ainsi, en 2009, un réseau social nommé les « Jeunes Radicaux de Wukan » s’est créé pour discuter de la situation du village. Le réseau a diffusé les discussions à l’aide de vidéos, de tracts et de chansons qui soulignaient la corruption et évoquaient la résistance.

4 Ding Chengri, 2003, « Land Policy Reform in China : assessment and prospects » Land Use Policy (20), p.

109-120.

5 C’est la « Loi d’organisation du comité du village » de 1988, qui définit que le comité du village doit être décidé et renouvelé par des élections régulières. Cependant, dans la réalité, du fait de l’exode rural et de l’inexistence des élections aux niveaux supérieurs, il est difficile d’appliquer cette loi dans tous les villages chinois. À Wukan, il y a eu plusieurs soi-disant « élections » organisées par le comité du village, mais cela ne s’est jamais fait de manière transparente, et les mêmes personnes ont accaparé le pouvoir du comité du village pendant quarante-et-un ans (voir le reportage de Life Week, en mandarin).

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En septembre 2011, 5 000 villageois ont manifesté devant le comité du village. Face à la pression, les officiels du comité se sont sauvés et les villageois ont élu treize représentants pour négocier avec les officiels de Guangdong. Ils ont surtout demandé aux officiels d’enquêter sur la corruption du comité du village et des compensations pour les pertes financières des villageois. Cette protestation a obtenu une réponse favorable des autorités de Guangdong.

Mais après un mois d’attente sans effets, une autre pétition collective a été lancé en novembre avec le slogan « Donnez-nous la terre agricole » et « À bas la corruption ! ». Cette nouvelle action a été violemment réprimée par les autorités. Le 9 décembre, les autorités ont arrêté cinq membres du comité du village temporaire jugé « illégal» par les officiels. En même temps, le maire de Lufeng a annoncé que tous les problèmes soulevés par les villageois avaient été résolu et le cas de Wukan devait être soldé par la démission de l’ancien représentant du comité du village de Wukan.

Le lendemain, les villageois ont appris avec stupeur la mort en garde à vue de Xue Jing-po, 47 ans, vice-président du comité du village temporaire. La police a nié toute responsabilité. Submergés par la colère et le chagrin, les villageois ont décidé de résister pour protéger les autres militants contre de nouvelles arrestations. Ils ont établis des barricades à l’entrée du village pour empêcher son accès aux officiels et aux policiers. Seuls les journalistes venant de Hong Kong et de pays étrangers ont été autorisés à entrer, les villageois se méfiant des journalistes chinois susceptibles d’être membres des services secrets.

Dans les dix jours qui ont suivis, la tension est montée sensiblement, en particulier du fait de l’attention portée par les médias étrangers. La police a coupé l’eau, l’électricité et les vivres aux villageois qui ont dû vivre sur leurs réserves et avec la solidarité des villages avoisinants. En même temps, les manifestations continuaient avec des revendications fermes : élection démocratique des responsables locaux, obtenir la dépouille de Xue et continuer à enquêter sur la corruption du comité de village.

Mais la défiance s’était installée à l’égard des cadres de la ville de Guangdong et les villageois ont demandé l’intervention de Pékin. Face aux calomnies « de conspiration avec les médias étrangers » répandues par les officiels, les villageois sont restés solidaires, ont maintenus leurs revendications et la demande d’intervention du gouvernement à Pékin. Après dix jours de manifestations et de confrontations avec des policiers venant de la ville, et malgré la rumeur d’une intervention de l’armée, les villageois ont été soulagés par la tournure des évènements le 20 décembre. Le vice-secrétaire de Guangdong a fait un discours télévisé annonçant que les revendications des villageois de Wukan étaient « raisonnables » précisant que s’ils n’organisent pas de manifestations « trop radicales », les autorités sont d’accord pour libérer les quatre personnes encore retenues et pour répondre à leurs revendications.

Après une négociation continue entre les villageois et les autorités, le 1erfévrier 2012, la première élection « démocratique » et « transparente » a finalement eu lieu à Wukan. 6 000 villageois ont participé à l’élection et ont élu 109 représentants. Lin6, 67 ans, un ancien membre de l’armée et le principal négociateur avec les officiels de Guangdong, a été élu

6Lin a été membre de l’armée de libération populaire pendant la Révolution Culturelle ; en 1969, il a ensuite, travaillé trois ans au sein du comité du village, et est finalement devenu un entrepreneur jusqu’à sa retraite.

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Président du comité de village. Le 14 février, la famille de Xue a finalement procédé à l’enterrement de Xue considéré par les villageois comme un martyr.

La lutte de Wukan s’est ainsi conclue par la naissance d’une structure politique autonome et « démocratique » et le nom de Wukan incarne le nouveau paradigme de la lutte du peuple en Chine.

Pourquoi ont-ils réussi ?

Comme nous avons essayé de l’expliquer dans l’introduction, la cause du conflit de Wukan n’a rien d’extraordinaire mais représente un court épisode d’une longue série de conflits. Cependant, plusieurs facteurs ont rendu possible la « réussite » exceptionnelle de Wukan parmi les protestations incessantes dans la Chine rurale d’aujourd’hui.

Premièrement, l’auto-organisation des villageois lancée par les jeunes générations a été un facteur essentiel. Zhuang, le numéro un des « Jeunes Radicaux de Wukan », tient un magasin de prêt-à-porter dans une grande ville près de Wukan. En discutant avec d’autres travailleurs migrants, il a compris que les comportements des pouvoirs locaux étaient scandaleux. Avec un autre jeune né en 1990, ils ont interviewé des vieux des villages sur la privatisation des terres par les élites politiques locales. S’est ainsi forgée la volonté de se battre et une coopération entre les quarante-et-un clans7. Une division des tâches s’est établie et est devenue plus évidente après la mort de Xue : les vieux s’occupant des négociations avec le gouvernement alors que les jeunes participaient au service d’ordre et restaient au premier rang des manifestations pour se défouler contre les policiers.

Deuxièmement, l’attention portée par les médias étrangers a sans aucun doute aussi été un facteur favorable. Du fait de la position de Wukan près de Guangdong et de Hong Kong, la lutte de Wukan a été suivie de très près par les médias de Hong Kong. Ces derniers ont non seulement envoyé les images de la lutte au monde entier, mais aussi mis la pression sur les gouvernements de Guangdong et Shanwei. Sans cette « publicité » faite par la presse étrangère, les autorités auraient sans doute été moins sous pression.

Outre la proximité avec Hong Kong, une autre caractéristique frappante est la structure politico-économique de Guangdong. Ayant été la première région développée de la réforme économique, Guangdong a une ambiance plus libérale que les autres provinces chinoises. Son gouverneur, Wang Yang, est influencé par le « courant libéral » au sein du Parti communiste.

La lutte de Wukan est arrivée juste avant la 18e «Assemblée Nationale de l’État » qui doit renouveler ses cadres. Les pressions internationales des médias ont donc encouragé une approche plus « conciliatrice » de Wang et empêché une répression par les militaires.

Enfin, la revendication pour plus de « démocratie locale » sans pour autant défier la légitimité du Parti communiste, illustre les contradictions de la résistance en Chine aujourd’hui. De fait, dans un contexte de transformation radicale de la société chinoise, le gouvernement central soutient les victimes de violation de loi pour mieux fragmenter les

7 La relation sociale dans les campagnes chinoises est organisée autour du « clan » – les gens qui portent le même nom de famille et qui appartiennent à la même généalogie. Depuis des générations, les décisions portant sur l’intérêt global du village doivent être décidées par des discussions communes entre les générations. À Wukan, il y a quarante-et-un clans (quarante-et-un noms de familles différents), et ce n’est pas possible d’avoir une mobilisation importante sans la solidarité de tous ces clans, surtout l’accord des vieilles générations au sein de ces clans.

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résistances massives8. Au nom de la « défense des droits » (weiquan) et du « règne par la loi » (fazhi), le gouvernement tolère de plus en plus l’action individuelle pour la défense des droits, mais les mobilisations contestataires et collectives sont sévèrement réprimées9. L’insistance des villageois à en référer au gouvernement central de Pékin pour défendre leur droit a pour but de délégitimer la répression militaire.

En fait, ce choix ne s’inscrit pas seulement dans une stratégie de négociation, mais est aussi lié à l’héritage complexe du Parti communiste. Pour une grande partie des vieilles générations qui ont vécu l’époque de la révolution communiste et de Mao, le Parti communiste et le gouvernement central véhiculent toujours une image idéalisée qui incarne un régime « qui travaille pour le peuple ». De plus, comme les citoyens se sont enrichis avec les réformes économiques, leur colère se retourne directement et exclusivement vers les responsables locaux, sans souhaiter le renversement total du pouvoir à Pékin. Ainsi le père de Zhuang, a affirmé que « le Parti est toujours avec le peuple ! »10. En dépit de la rage contre les injustices locales, l’héritage de la Révolution Communiste permet le maintien de la loyauté envers l’État Chinois. Si les injustices locales expliquent la détermination des villageois à lutter, l’affirmation du père de Zhuang montre bien le capital de confiance que conserve le gouvernement central. Autrement dit, malgré la corruption répandue à tous les niveaux administratifs en Chine aujourd’hui, le mécontentement contre le pouvoir local ne se traduit pas forcément par une perte de légitimité du système. C’est le dilemme souligné par Han Han, un écrivain et blogueur populaire résidant à Shanghai, intervenant dans une série de débats sur l’avenir de la Chine : « le Parti Communiste a 80 millions d’adhérents et 300 millions de familles sont liées à ces adhérents, cela dépasse donc le cadre d’un parti politique, il s’agit d’un système. De plus, contrairement aux révolutions arabes, le mécontentement politique en Chine aujourd’hui ne peut pas être réduit à l’image d’un dictateur au sein du Parti communiste. »11

La réussite bouleversante de Wukan est donc aussi révélatrice des limites du mouvement politique en Chine actuellement. Sans une alternative politique, le règne du Parti communiste chinois reste le plus légitime pour la plupart des citoyens en dépit de tous ses défauts. En outre, l’attitude de plus en plus flexible du gouvernement préviendrait l’intensification des luttes populaires en valorisant la « négociation ». Si la demande de plus d’autonomie au niveau des structures locales – village, usine, école – est une revendication convergente des luttes dans différents milieux, la tendance à des « réformes » souples au niveau local pourrait signifier pour l’instant une absence de contestation du gouvernement central, et pas un renversement dramatique du style du Printemps arabe.

8 Dans les cas de violation des droits, souvent par corruption des autorités locales, les citoyens chinois ont le droit d’aller à Pékin pour faire une « pétition » auprès des autorités centrales et pour demander des compensations. Ce système de shangfang, de pétition individuelle, est non seulement une procédure longue et lente, mais il est souvent bloqué par les autorités locales. D’autre part, l’État encourage une approche juridique pour trouver des solutions aux conflits liés à la terre du travail. Tous ces slogans tels que « protéger les droits » et

« règne de la loi » sont inventés et promus pour encourager des solutions individualisées.

9 La répression policière et militaire restent un moyen courant que les gouvernement locaux chinois adoptent pour répondre aux manifestations populaires. Voir Yongshun Cai, 2008, « Local Gouvernements and the Suppression of Popular Resistance in China », The China Quarterly, mars 2008, p. 20-42.

10 Voir le reportage sur les « Jeunes Radicaux de Wukan », 2 décembre 2011 (en mandarin).

11 Trois articles publiés fin 2011 respectivement intitulé « De la révolution » « Sur la démocratie », « Pour la liberté » (en mandarin).

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ARABIE SAOUDITE Histoire d’une société civile oubliée

par Andréanne Thibault

Trop peu connue des Occidentaux, l’Arabie saoudite donne l’impression d’être le royaume des opprimés. Non-respect des droits fondamentaux, femmes soumises, torture, arrestations et détentions arbitraires sont les rares images reçues de ce pays de la péninsule arabique. Même si la famille royale a manifestement les moyens de garder le contrôle sur sa population, les organismes de défense des droits humains sont de plus en plus nombreux à confirmer la présence d’une société civile en Arabie saoudite.

Le 16 avril dernier, on apprenait qu’un défenseur des droits humains venait d’être condamné à quatre ans de prison et à l’interdiction de voyager pendant cinq ans. Le 9 mars 2012, les médias rapportaient également que six hommes étaient détenus après avoir eu l’intention de manifester lors de la journée de la colère. Même si les autorités saoudiennes semblent avoir réprimé plusieurs soulèvements, une société civile est bel et bien présente en Arabie saoudite. C’est d’ailleurs ce que pense Anne Ste-Marie, responsable des

communications pour Amnistie internationale Canada francophone. « Oui, il y a une société civile en Arabie saoudite, mais évidemment pas de façon comparable à ici ».

Le pays est souvent reconnu comme étant le premier producteur de pétrole au monde, mais plus qu’un baril de pétrole, des citoyens désirent y faire entendre leur voix. « En Arabie saoudite, on l’a vu avec le mouvement des femmes, des journalistes, des minorités religieuses et une partie de la population plus jeune qui veut moderniser le monde. Du point de vue d’Amnistie internationale, on voit aussi la situation des minorités emprisonnées, les commentateurs ou les critiques torturés. Mais c’est parce qu’on entend parler des gens torturés ou emprisonnés qu’on comprend qu’il y a une société civile », ajoute Mme Ste- Marie.

Un féminisme dynamique

Les idées féministes en provenance de l’Occident ne pouvant contribuer à l’avancement de leurs droits, certaines femmes ont décidé d’atteindre leurs buts en se basant

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sur l’islam. En utilisant le même langage que les autorités, elles semblent avoir acquis quelques droits. Par l’écriture de clauses spéciales lors de la signature de leur contrat de mariage, plusieurs ont, par exemple, obligé leur mari à les autoriser à voyager librement, à étudier à l’étranger ou à exercer l’activité professionnelle de leur choix12 . Quant au voile, certaines femmes ont commencé à en faire un instrument de séduction alors que d’autres ont décidé de le porter en tout temps, même en privé ou à l’étranger13 , relativisant ainsi la signification sociale de son port.

D’ailleurs, comme le pense l’Iranienne Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix en 2003, il n’y a aucune incompatibilité entre l’islam et le combat de la société civile pour le respect des droits humains. « Chez Amnistie internationale, on va choisir les actions les plus adéquates pour travailler efficacement, pour faire cesser les violations et ce souci d’efficacité se retrouve aussi chez les différents défenseurs des droits humains dans tous les pays. Si les féministes saoudiennes abordaient de front leurs dirigeants politiques, les dirigeants religieux et la société patriarcale, elles n’obtiendraient que des peines de prison », explique Anne Ste- Marie.

En 1991 et de nouveau en juin 2011, des femmes ont décidé d’effectuer une action plus « radicale ». La conduite leur étant interdite, elles se sont rendues en voiture jusque dans le centre de Riyad, la capitale. Cette action en aurait entraîné d’autres : la journaliste et présentatrice à la télévision saoudienne, Rania al-Baz, a accepté que son visage soit photographié après que son mari l’eut battue ; une femme d’affaires a découvert son visage lors de sa prise de parole au Forum économique de Djedda ; une pétition de 300 signatures féminines exigeant plus de droits aux femmes a circulé en 2004 ; une protestation contre l’exclusion des femmes aux élections municipales a eu lieu14. Quoiqu’elles aient été harcelées au départ, le gouvernement a finalement admis, en septembre dernier, que les femmes seraient désormais autorisées à participer aux élections municipales à partir de 201515.

C’est donc une porte importante qui a été ouverte et qui permettra d’en ouvrir d’autres.

Selon Mme Ste-Marie, les femmes se sont libérées de la peur et cela est irréversible.

Une société civile fluide et créative

En plus du mouvement féministe, de nombreux moyens sont utilisés par la population qui désire revendiquer plus de libertés. Que ce soit par l’art, les médias sociaux, la littérature ou le théâtre, la société civile a trouvé le moyen de soulever les débats. Lorsque des romans sont interdits par les autorités, ils finissent très souvent par circuler dans la sphère privée. Des sujets peuvent être abordés en blagues ou en caricatures, mais toujours en des termes codés.

Selon Nirmine Abboudi, marocaine d’origine ayant vécu plusieurs années en Arabie saoudite, « le contrôle des autorités est impressionnant, mais il est possible de penser que les changements se feront peu à peu ». Elle fait notamment référence à ces moyens originaux mis de l’avant, mais aussi aux femmes de plus en plus éduquées et qui revendiquent plus de libertés auprès de leur mari par l’entremise de leur contrat de mariage.

12 http://www.cetri.be/spip.php?article1477

13 Ménoret, Pascal. L’énigme saoudienne : Les Saoudiens et le monde, 1744-2003. p. 5.

14 Ibidem.

15 http://www.amnesty.fr/AI-en-action/...

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De plus, Mme Abboudi pense que les programmes télévisés commencent à avoir un effet sur les jeunes. « Les jeunes voient ce que les autres pays arabes offrent, comme les Émirats arabes unis, dont la plus grande ville est Dubaï qui est très américanisée », ajoute-t- elle.

L’avenir

Les pressions exercées depuis le 11 septembre 2001 sur l’Arabie saoudite, la grande proportion de jeunes sans emplois, la nouvelle réalité urbaine du pays sont tous des facteurs qui laissent présager une certaine instabilité du régime.

Quoique les pressions internes soient primordiales pour faire bouger les choses, Anne Ste-Marie est d’avis que les pressions externes doivent aussi être importantes. Pour Amnistie internationale, « la pression des pairs - pays qui commercent avec l’Arabie saoudite, ceux qui ont des échanges diplomatiques et sportifs avec le pays - a une part de responsabilité dans le maintien de cette société [civile], hors des normes acceptables du respect de droits

humains ».

Dans l’optique de sensibiliser les gens au rôle qu’ont joué les femmes courageuses ayant pris le volant en Arabie saoudite, Amnistie internationale a organisé une action, le 29 février dernier. Des photos de participants et participantes ont été prises alors qu’ils étaient au volant accompagnés d’un message de solidarité. Pour les militants des droits des femmes, cette action en lien avec des Saoudiennes, est une victoire symbolique. Selon plusieurs, dont Anne Ste-Marie, le droit de conduire permettrait éventuellement de défendre d’autres droits.

Même si des données démontrent que la répression semble se durcir plus il y a de l’appui extérieur, elle ajoute qu’« il ne fait pas de doute qu’il faille rester vigilants et d’autant plus solidaires ». Elle a espoir que la société civile saoudienne, appuyée par l’extérieur, aura un jour raison de la rigidité du régime saoudien.

Belgique

Renforcer la cohérence des politiques belges pour le développement

Par Arnaud Zacharie16

Ce 8 mai, les Assises de la coopération au développement organisées par le ministre Paul Magnette ont porté sur la question de la cohérence des politiques en faveur du développement (CPD). Ce concept, défendu depuis de nombreuses années par les ONG, a pour objectif de s’assurer que les effets positifs des politiques de coopération au développement ne soient pas annihilés par d’autres politiques internationales, comme les politiques commerciales, financières ou environnementales. En d’autres termes, la cohérence cherche à éviter que les pays qui fournissent de l’aide au développement reprennent

16 secrétaire général du Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11).

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d’une main ce qu’ils donnent de l’autre.

Cet enjeu est devenu d’autant plus fondamental que l’aide publique au développement ne représente plus aujourd’hui qu’une part marginale des flux de financement du développement. En effet, alors que l’aide au développement représentait 70% des flux financiers Nord-Sud en 1970, ils n’en représentent plus que 13% aujourd’hui. Il en découle que les relations financières entre les pays du Nord et les pays du Sud sont devenues beaucoup plus complexes que par le passé. Elles impliquent de plus en plus d’acteurs, notamment issus du secteur privé, qui poursuivent parfois des objectifs contradictoires. On constate ainsi une tension croissante entre, d’une part, les intérêts financiers des investisseurs privés, et d’autre part, les stratégies de développement dans les pays en développement.

Les incohérences sont ainsi légions : il est par exemple incohérent de soutenir les petits paysans du Sud et de simultanément les mettre en concurrence avec des produits agroalimentaires européens subventionnés. Tout aussi incohérent est le fait que la fuite des capitaux dans les pays en développement représente près de dix fois les montants d’aide au développement, conséquence de la prolifération des paradis fiscaux dont les puissances économiques se nourrissent. Autre exemple : soutenir des programmes d’accès à l’eau tout en continuant à émettre autant de gaz à effet de serre, ce qui provoque dans les pays pauvres du Sahel une réduction des précipitations et une raréfaction des ressources en eau.

Ces nombreuses incohérences portent évidemment grandement atteinte à l’efficacité du développement, déjà mise à mal par la diminution des montants d’aide au développement suite à la crise économique dans les pays occidentaux. C’est pourquoi la cohérence des politiques, qui a été réaffirmé en tant qu’objectif de l’Union européenne par le traité de Lisbonne, est un enjeu majeur des politiques de développement. La Belgique a d’ailleurs été épinglée en 2010 pour ses manquements en la matière par l’évaluation de l’OCDE, qui a également fait de la cohérence un de ses objectifs. En réaction, la déclaration de politique générale du nouveau gouvernement belge, publiée en décembre 2011, s’est engagée à renforcer la cohérence des politiques belges pour le développement, notamment par la mise en place d’une conférence interministérielle chargée de promouvoir cette question. Le nouveau ministre belge de la coopération au développement a ensuite annoncé faire de cet enjeu une de ses priorités, d’où le choix de ce thème pour les assises du 8 mai.

Au-delà de cette initiative ponctuelle, l’enjeu est évidemment de mettre en œuvre un dispositif institutionnel qui permette de renforcer durablement la cohérence des politiques belges en faveur du développement. Cela implique d’une part de se rendre compte que l’efficacité des politiques de développement ne dépend pas des seules compétences du ministre de la coopération. Tous les ministres dont les compétences sont susceptibles d’avoir un impact dans les pays en développement sont concernés, ce qui implique que le Premier ministre prenne l’initiative de porter cet enjeu au plus haut niveau gouvernemental. Cela implique d’autre part qu’un dispositif légal garantisse que les futurs gouvernements soient eux aussi contraints de prendre en compte cette dimension dans la durée. Enfin, cela implique une implication active des parlementaires et de la société civile, en vue d’assurer un mécanisme permanent d’évaluation du degré de cohérence des politiques belges en faveur du développement.

La cohérence des politiques dépend d’un processus dynamique qui implique des arbitrages permanents entre des intérêts qui peuvent être divergents. Toutefois, elle représente également une approche susceptible de répondre à des problèmes globaux qui, tout proportion

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gardée, touchent aussi bien les populations du Nord que du Sud. Ainsi, la volatilité des prix alimentaires et énergétiques n’affectent pas que les populations des pays pauvres, mais aussi les consommateurs belges et européens. L’instabilité financière ou climatique internationale concerne également tous les citoyens du monde. Le renforcement de la cohérence des politiques pour le développement doit donc être perçu, dans le contexte de la globalisation, comme un instrument de régulation publique au service des droits humains fondamentaux.

La question semble enfin arriver sur la table du gouvernement belge. Etant donné le contexte politique belge et la durée de vie limitée de cette législature qui n’a débuté que tardivement, il n’y a pas de temps à perdre. La Belgique doit rattraper le temps perdu sur la scène internationale et renforcer la cohérence de ses politiques en faveur du développement.

Diaspora congolaise et élections communales belges

Par Guy De Boeck

Les Belges voteront à l’automne de cette année. S’agissant d’une élection communale, le vote est ouvert non seulement, comme il va de soi, à un certain nombre de Belges d’origine africaine, mais même aux résidents étrangers dans certaines conditions. Il y a donc un « électorat belge d’origine congolaise » en Belgique. Ce fait a inspiré à certains l’idée de faire du « vote congolais » aux Communales l’instrument d’une pression, voire d’un vote- sanction quant à l’attitude du pouvoir belge à propos des élections en RDC.

En effet, à tort ou à raison, les Congolais perçoivent la Belgique comme ayant joué un rôle dans la fraude électorale en RDC. Ce qu déclenche le réflexe « Tu as foutu la merde chez moi, je vais venir foutre la merde chez toi ! ». Et alors ? Alors, on sera dedans des deux côtés…

Qu’y a-t-il à prendre ou à laisser dans cette idée ?

Les élections du 28/11/11 ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus.

Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats partiels constatés par ses observateurs. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à jamais inconnus. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli.

Le Ministre de Affaires Etrangères, Didier Reynders, s’est distingué par des prises de position à la Chambre qui étaient nettement moins critiques que l’ensemble des commentaires des observateurs internationaux et par un voyage officiel en RDC décidé en toute hâte, moins sans doute pour être le premier de l’UE à y aller que pour pouvoir faire son rapport de voyage avant que l’UE ne fasse connaître le rapport définitif de sa mission d’observation, qui conclut à des élections « manquant de crédibilité ». Reynders, on le sait, croit bon d’estimer que les fraudes et irrégularités « ne sont pas en nombre suffisant pour modifier l’ordre d’arrivée des candidats », position absurde puisqu’elle postulerait que l’on connaisse le nombre exact des

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votes frauduleux et irréguliers, ce que personne ne sait. La lettre de Di Rupo, également, passe mal. Féliciter « le peuple congolais » (et pas Kabila) pour la « tenue » des élections (pas pour le résultat) et constater que JKK a été « reconduit » (pas réélu) était sans doute d’une subtilité trop florentine. On y a perçu une « lettre de félicitation à Kabila », c'est-à-dire le contraire de ce qu’elle était. Le tout dissimulait mal le fait qu’en matière congolaise, deux alliés de l’actuelle coalition gouvernementale, le MR et le PS, sont d’avis très divergent, mais ne peuvent pas se permettre de l’avouer, parce qu’après une crise gouvernementale de 500 jours et dans un contexte économique difficile en vue duquel on veut avoir aux affaires à la fois le parti qui peut se concilier les syndicats et celui qui chuchote à l’oreille du patronat, on ne met pas un gouvernement en péril pour une question de politique étrangère. Quoi qu’il en soit, la Belgique ne fait pas trop honorable figure dans l’affaire congolaise.

Mais, d’emblée, je voudrais dire fermement que certaines formulations utilisées, en l’occurrence, par les partisans de « l’onde de choc », sont inadmissible et inacceptable. On lit, par exemple, des formulations comme « puisque la Belgique passe, à tort ou à raison, pour avoir fait ceci et cela, ripostons… » Il est inadmissible de prétendre poser un acte quelconque à tort ou à raison. Non seulement il faut avoir raison d’agir comme on le fait, mais il faut être capable de le démontrer, sans se référer à « tout le monde sait ceci » ou à « il est évident que cela ». Une telle légèreté dans l’expression est intolérable, et je préfère croire à un dérapage de la plume dans la chaleur de l’action.

Ceci dit, je sais, pour militer depuis plus de quarante ans en solidarité avec les Congolais, que faire usage de son droit de vote pour exprimer une approbation ou une sanction à propos d’un point de politique étrangère n’est ni simple, ni facile. Le système étant ce qu’il est, on nous demande de faire un choix entre des individus figurant sur des listes de partis, et cela en fonction du lieu que nous habitons. Nous n’avons donc pas forcément sous la main le nom de l’homme pour lequel nous voterions le plus volontiers. Il se peut aussi que l’homme politique que nous approuvons chaleureusement quant à ses interventions sur la RDC soit membre d’un parti qui a par ailleurs sur d’autres questions des positions qui nous paraissent mauvaises. Ou, à l’inverse, le parti qui nous semble mériter notre approbation peut ne présenter, là où nous votons, que des candidats « imbuvables »…

Examinons les données du problème. Tout d’abord, parler d’une « onde de choc » (heureusement, on n’a pas poussé les choses jusqu’à l’appeler « tsunami »), est nettement exagéré. Les Congolais représentent le premier groupe de l'immigration issue de l'Afrique subsaharienne. Quelque 40.300 Congolais et Belges d'origine congolaise vivent en Belgique, selon une étude réalisée par l'UCL. Selon cette même étude, 25.000 sont naturalisés belges, dont 77,5 pour cent sont nés à l'étranger. Sur ces Congolais et Belges d'origine congolaise 20% ont moins de 15 ans, 76 % de 15 à 64 ans, et 3 % plus de 65 ans, précise l'étude. Mais les originaires d’Afrique noire ne sont pas le groupe le plus nombreux de allochtones vivant en Belgique. Les Français par exemple, sont plus de 200.000. L’ensemble du corps électoral représente un peu plus de 7 millions d’électeurs. Il faut donc 70.000 voix pour représenter 1%

du corps électoral. L’électorat congolais peut donc, à tout casser, représenter 0,5% de l’électorat global. Il est difficile de considérer cela comme une lame de fond !

En outre, la tactique que les promoteurs de « l’onde de choc » préconisent est de

« punir » les politiciens belges wallons et francophones en donnant leur voix à des Flamands, de préférence à la NVA. Ce choix n’est en réalité possible qu’à Bruxelles où on trouve à la fois des listes francophones et néerlandophones. Les Congolais vivant en Flandre ne pourront de toute manière voter que pour des Flamands et ceux qui habitent la Wallonie, que pour des candidats wallons. Là, on n’a plus affaire à une « onde de choc », mais à une infime vaguelette.

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D’autre part, on peut quand même se demander s’il faut pousser les belgo-congolais de Flandre à voter d’une manière qui pourra leur valoir à l’avenir plus de tracasseries administratives quant à leur entrée dans la fonction publique ou à l’obtention d’un logement puisque les congolais, finalement, ne sont aux yeux des obsédés communautaires qu’une variété de francophones qui se dissimulent sournoisement derrière une autre couleur de peau.

On leur souhaite d’autre part bonne chance si eux ou leurs proches doivent recourir aux aides ou aux assurances sociales car on les invite à peser, par le vote qu’on leur suggère, en faveur des thèses ultralibérales qui sont le programme économique de la NVA.

Il est aussi à remarquer que cela repose sur des erreurs d’appréciation. La première, historique, a la vie dure. Elle consiste à croire que vis-à-vis du Congo, tout ce que l’on peut reprocher à la Belgique, de Léopold II à nos jours, serait fondamentalement le fait des francophones. C’est négliger le fait que la Belgique a toujours été dominée par la Flandre et au profit d’une bourgeoisie où les Flamands sont plus nombreux que les Wallons. Cela s’est fait, pendant un temps, en français, mais cela ne change rien au fait. Le seconde, plus excusable faute d’avoir une expérience de la vie politique que l’on peut difficilement acquérir en RDC, est d’accorder un prix exagéré à certains actes politiques posés par des partis qui sont dans l’Opposition. Que la NVA ait critiqué le gouvernement, qu’Olivier Maingain du FDF ait fait de même et que Louis Laurent leur ait emboité le pas en sautant sur l’occasion de faire de la démagogie populiste, ils n’ont fait qu’appliquer la règle de base de l’opposition :

« Le gouvernement ne fait rien de bon ». En toute équité, si quelqu’un, dans ‘affaire des élections congolaises, s’est « mouillé » parce qu’il est membre de la Majorité, c’est Georges Dallemagne.

On ne peut que se demander si agiter une menace électorale, qui plus est lors d’un scrutin aussi dépourvu de liens avec la politique étrangère que les communales, était bien le bon choix. De quoi les Belges ont-ils besoin pour réagir aux événements congolais ? D’un

« choc », grand ou petit ? Ou d’explications ? Poser la question, c’est y répondre. Et jusqu’ici, on y a mal répondu.

Vue de l’extérieur, une « manif », c’est un événement qui fait du bruit, entrave la circulation et laisse derrière lui des papiers qui sont sales et qui font désordre. C’est donc une chose plutôt antipathique, à moins que l’on ne profite de l’attention que cela attire pour expliquer à quel sujet l’on manifeste. Et quand nous disons expliquer, cela doit se faire à partir d’une réalité incontournable : la plupart des Belges ne connaissent rien au Congo et se contrefichent de la politique étrangère, si pas de la politique tout court… Et, si l’on veut un bel exemple de « ce qu’il ne faut pas faire », c’est par exemple d’imiter ces manifestants qui, ayant l’occasion de s’exprimer sur la RTBF, ont refusé « parce qu’elle (la RTBF) ne donnait jamais l’information ».

Enfin, il semble bien qu’un certain nombre de Congolais se soient leurrés sur l’efficacité des manifestations inspirées du « printemps arabe » et du « Ben Ali, dégage ». Du moins quad elles ont lieu à l’étranger, sans rien dans le pays d’origine qui puisse justifier une manifestation « en solidarité avec… ». Si la place de Brouckère est noire de monde et qu’au rond-point Victoire il y a quatre pelés, un tondu, et l’agent de service pour la circulation, ça la fout assez mal !

Bien sûr, il est moins dangereux de manifester à Bruxelles qu’à Kinshasa. Raison de plus !

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Burundi

Site Busesekara (Cibitoke) : la famine a déjà tué cinquante personnes

Des déplacés dans le site Busesekara. ©Iwacu

Par Jackson Bahati (Iwacu )

Les habitants de ce site parlent d’une cinquantaine de morts depuis le 1er juillet 2011.Des mouvements de fuite vers la RDC sont signalés. L’administration locale admet que ces habitants vivent dans des conditions déplorables. Mais elle réfute ce nombre.

"Nous vivons dans des conditions inhumaines. Nous manquons de nourriture et 50 personnes sont déjà mortes", raconte avec colère Patrice Nsekambabaye, chef du site Busesekara. Situé à 4 km du chef-lieu du bureau de la commune Rugombo, le site se trouve à droite de la route goudronnée, la RN 10 Rugombo-Kayanza au milieu d’une propriété d’eucalyptus. Environs 210 ménages totalisant plus de 8 mille personnes vivent dans de petites huttes en chaumes dans des conditions d’extrême pauvreté. Les habitants de ce site sont menacés par le froid et la chaleur. Les huttes sont construites sur des parcelles caillouteuses. Aucun champ de cultures ne s’y trouve.

Selon le chef du site, les habitants ont déménagé du site Gikumba, secteur Munyika II de la même commune qui, pourtant, présentait des meilleures conditions de vie. C’est

exactement, poursuit-il, le 1er juillet 2011que l’administration communale de Rugombo nous a sommés de quitter Gikumba vers Busesekara.

Selon une personne rencontrée sur les lieux, les maladies carentielles, des mains sales et celles liées à la sous alimentation y sont légion. « Nous tombons régulièrement malades et aucun centre de santé n’est proche de nous. Nos enfants ne sont pas pris en charge

médicalement et ne vont pas à l’école car nous n’avons pas de frais de santé ni scolarité », ajoute-t-elle.

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La faim qui sévit dans ce site pousse les hommes à quitter leurs familles pour aller travailler de l’autre côté de la Rusizi, en RD Congo, dans l’espoir de gagner quelques sous pour faire vivre leurs familles. Toutefois, il s’agit d’une aventure à risque. Tel est le cas de Jacques Icobikundiye de la communauté batwa qui est parti en laissant sa femme et ses cinq enfants pour rentrer bredouille. « J’ai œuvré dans une plantation de riz chez un Congolais. A l’issue de deux mois de lourds travaux, alors que j’attentais toucher un bon salaire, on m’a battu jusqu’à mourir », témoigne-t-il. Il fait savoir que les habitants du site de Busesekara qui partent en RD Congo sont pris comme des esclaves. Selon lui, aller au Congo est synonyme de suicide volontaire. Il interpelle les candidats à cette aventure sans issue de rester chez eux.

Une catégorie de gens abandonnée

Les locataires du site de Busesekara sont laissés à eux seuls. D’après les informations de premières mains, les habitants ne reçoivent aucune assistance. Selon Laurent Ntuyahaga de secteur Rugeregere, l’absence des bienfaiteurs qui devraient soulager la souffrance des gens de Busesekara explique la mendicité des enfants de ce site. D’après lui, n’ayant pas de quoi mettre sous la dent, les personnes adultes sont obligées d’aller rançonner dans les champs des populations. « Ceci est une source grave de conflit qui risque d’envenimer les relations de bons voisinage entre les habitants de ce site et d’autres citoyens ». Il demande à ce que ces populations soient assistées par le gouvernement et les organisations humanitaires.

Des attestations d’indigence leur seront délivrées dans un bref délai, selon Firmin Habumuremyi, conseiller communal chargé des affaires sociales. D’après cet administratif, les habitants du site de Busesekara seront déménagés vers un autre endroit. Toutefois, il ne précise pas le lieu et le temps que va durer ce travail. D’après les informations reçues sur places, les habitants de ce site sont composés par des rapatriés venus du Rwanda, les démobilisés et les populations de la communauté Batwa.

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Note d’analyse 2012

« Printemps arabe » : effet domino en Asie ?

Aurélie Leroy1 25 avril 2012

Les soulèvements arabes, malgré leur caractère inachevé et leur bilan mitigé, ont bousculé l’ordre des possibles en renversant des régimes autoritaires vieux de plusieurs décennies et fait voler en éclat le mythe tenace de l’exception démocratique arabe. Ce renversement de tendance laisse songeur. Ce mouvement pourrait-il, par effet de contagion, s’étendre au-delà des pays du pourtour méditerranéen ? En déplaçant notre regard vers l’Asie, qu’observe-t-on ? Quel écho les printemps arabes ont-ils sur les populations et les dirigeants de cette trentaine de nations ?

Les soulèvements arabes, malgré leur caractère inachevé et leur bilan mitigé, ont bousculé l’ordre des possibles en renversant des régimes autoritaires vieux de plusieurs décennies et fait voler en éclat le mythe tenace de l’exception démocratique arabe. Aujourd’hui, un changement de cap - aussi radical que les révoltes furent imprévisibles - s’est opéré. La communauté internationale, dans sa majorité, se bouscule désormais au portillon pour saluer les expériences en cours et reconnaître la légitimité de celles-ci. Au pacte du silence et de l’immobilisme, a succédé (du moins dans les discours) l’impératif du changement.

Ce renversement de tendance laisse songeur. Ce mouvement pourrait-il, par effet de

contagion, s’étendre au-delà des pays du pourtour méditerranéen ? En déplaçant notre regard vers l’Asie, qu’observe-t-on ? Quel écho les printemps arabes ont-ils sur les populations et les dirigeants de cette trentaine de nations ? Les angles morts de la démocratie - élective ou participative - sont nombreux en Asie et ce continent abrite toujours, malgré la variété des cas de figure, le plus grand nombre de pauvres au monde.

Des similitudes existent entre les situations asiatiques et arabes, mais le seul désir mimétique ne suffit pas à transmettre ces dynamiques singulières. Le printemps arabe souffle néanmoins un message, à tous ceux qui ont les moyens de l’entendre : la remise en cause du « syndrome autoritaire » fait désormais partie des horizons possibles.

Les contextes dans lesquels s’inscrivent les soulèvements sont déterminants. L’Asie ne peut être appréhendée comme un bloc monolithique. Elle ne constitue pas un ensemble homogène et cohérent. La variété des trajectoires historiques, des régimes politiques, des niveaux de développement, des spécificités culturelles et religieuses témoigne de la complexité de cet espace et des tensions qui le traversent. Tentons néanmoins, dans le souci d’une approche introductive, de distinguer les catégories d’acteurs étatiques en présence et de cerner

1 Historienne, chargée d’étude et de diffusion au CETRI. Coordinatrice de la rubrique "Actualité des mouvements sociaux du Sud" sur www.cetri.be

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Note d’analyse 2012

l’existence de risques potentiels de crise.

Des acteurs clés de l’économie asiatique

Un premier ensemble serait composé de nations comme le Japon, la Corée du Sud, et la cité Etat de Singapour. Ces acteurs étatiques sont considérés par les dirigeants occidentaux comme ayant « réussi » et se situent dans le haut du tableau des puissances économiques mondiales.

Ces pays connaissent une tradition démocratique, mais qui reste partielle (démocratie autoritaire de Singapour) ou à parfaire selon les cas (logique du parti dominant et collusion entre classe politique et milieu des affaires au Japon, jeunesse de la démocratie sud-coréenne).

Malgré les imperfections, ces régimes politiques ne sont pas remis en cause ni menacés, même s’ils sont évidemment critiqués avec plus ou moins de liberté. Un certain consensus social, qui a partie liée avec le succès économique, prime toujours. Pour ces principales raisons, ces trois pays ne sont pas en première ligne d’une éventuelle onde de choc des contestations.

Des Etats « à risque »

Dans un second groupe, se retrouve un nombre important de pays qui ont en commun de tendre, officiellement, vers une démocratisation politique, mais avec des succès variables.

Tous connaissent des formes d’instabilité, aux formes et ressorts multiples. Des foyers de crises majeures existent ainsi en Afghanistan, au Pakistan, au Sri Lanka et au Népal. Ils sont les conséquences de tensions intra-régionales, internationales, ou le fait de guerres civiles.

Mais l’incertitude trouve aussi sa source dans la politique interne des Etats : déficit de légitimité des autorités, tensions interculturelles ou religieuses, crispations communautaires, problèmes de gouvernance et de corruption, etc.

En Malaisie par exemple, où l’exercice de la démocratie est sous contrôle, le parti dominant (UMNO) tente de conserver le pouvoir qu’il détient depuis l’indépendance en jouant la carte communautaire, renforçant ainsi les tensions et les divisions religieuses. Face à

l’enhardissement du mouvement d’opposition en faveur d’une réforme électorale et d’un scrutin transparent, l’élite dirigeante a « sorti ses griffes » pour défendre ses droits et prérogatives, plus prudente encore que de coutume en raison d’un contexte

international propice à la contestation. Ailleurs, en Inde, la superpuissance, pourtant

estampillée comme « la plus grande démocratie du monde » a aussi été fortement secouée en 2011 par le mouvement anti-corruption d’Anna Hazare qui a mobilisé des centaines de milliers de partisans.

L’Inde, comme d’autres économies émergentes du Sud-est asiatique (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Philippines), se caractérise par un développement asymétrique et un creusement des inégalités entre riches et pauvres, entre villes et campagnes, entre régions ou Etats fédérés.

Les intenses clivages internes génèrent un climat social explosif qui met en péril la stabilité politique, tout autant que les ambitions économiques et la légitimité démocratique de ces pays. En Asie du Sud (Bangladesh, Bhoutan, Népal, etc.) et du Sud-est (Cambodge, Timor- Leste), les situations économiquement exsangues et socialement contrastées de ces pays,

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Note d’analyse 2012

produisent, là aussi, un ressentiment parmi les classes populaires et paysannes délaissées par l’État et confrontées à l’arbitraire des élites dirigeantes.

Les gouvernements de ces pays auraient fort à faire à prendre acte des aspirations exprimées par les populations arabes et à s’interroger, à leurs tours, sur leurs propres politiques de

développement. Aucun signe manifeste ne laisse à penser qu’un basculement pourrait s’opérer à court terme, mais des potentialités de crise sont néanmoins présentes. Gardons à l’esprit que le mouvement de contestation arabe s’est déclaré sans que personne ne s’y attende, qu’il a touché toutes les classes sociales et que son but, s’il était politiquement de renverser

des leaders et partis hégémoniques, a aussi consisté économiquement à « éliminer la figure du rentier, parasite, et racketteur » (Le Monde, octobre 2011) qui gravitait autour. Parmi les pays cités, nombreux sont les régimes nominalement démocratiques, mais beaucoup restent

foncièrement paternalistes, usant ou instrumentalisant les conflits sociaux et interethniques à des fins de pouvoir. Les germes d’une crise existent donc, reste à voir comment y réagiront gouvernants et gouvernés.

Similitudes, oui mais…

Malgré les différences, des similitudes existent et semblent parfois autoriser des

rapprochements entre des épisodes distants géographiquement. L’identité religieuse des populations concernées semble a priori dresser un possible trait d’union entre ces différents espaces, mais la réalité n’est pas si évidente. Dans ce groupe instable et exposé des Etats « à risque », une dizaine de pays sont majoritairement (Indonésie, Malaisie, Pakistan,

Bangladesh) ou minoritairement (Inde, Thaïlande, Cambodge, Philippines, Népal, etc.) de confession musulmane. Se pourrait-il dès lors que la référence commune islamique soit, plus que d’autres pays asiatiques, le vecteur par lequel se propageraient les printemps arabes ? Plusieurs éléments nous en font douter.

Tout d’abord, la base idéologique selon laquelle tous les musulmans sont frères et formerait une communauté unique de croyants (oumma) ne fait depuis longtemps plus illusion. Les obédiences et confessions sont multiples, les dissensions religieuses nombreuses et les réalités géopolitiques et stratégiques créent ou empêchent, selon les cas, d’éventuels rapprochements.

Ensuite, si la référence à l’islam n’a jamais été éloignée des printemps « arabes », elle n’a pour autant pas constitué un élément déclencheur. Les dynamiques contestataires arabes ont permis de dépasser cette représentation binaire de la société (tenace en occident mais aussi dans les sociétés arabo-musulmanes) plaçant d’un côté les laïcs et de l’autre, les islamistes.

Les mobilisations de l’année 2011, et celles en cours, ont vu des militants de tout bord lutter et occuper ensemble l’espace public au prix de compromis mutuels (Bayart, 2011). Les peuples arabes ont renoué avec les luttes démocratiques et sociales et déplacé le centre de gravité du débat. Les revendications ont été d’ordre sociopolitique réclamant plus de justice sociale, de démocratie, de redistribution et condamnant l’arbitraire et le pillage systématique de l’Etat. La référence islamique n’était pas pour autant absente, bien au contraire, mais sans que cela ne soit contradictoire avec les dynamiques en cours. Les « printemps » ont été avant tout ceux de la rue arabe et non pas des « printemps islamistes ».

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Note d’analyse 2012

Pour en revenir à l’Asie, l’identité musulmane d’une partie de sa population nous semble, pour les raisons évoquées, ne pas constituer une caisse de résonance pertinente des printemps arabes, même si, par ailleurs, les changements actuels et les aspirations démocratiques dans le monde arabe, sont suivis avec intérêt dans plusieurs pays.

Un point de rencontre et d’intérêt mutuel pour les Etats démocratiques de ces deux régions est toutefois la question de la (ré)insertion de l’islam dans le champ politique. Dans le monde arabe, cette étape s’est opérée après la chute des régimes. Les islamistes sont en effet devenus une composante majeure du paysage politique post-soulèvement. Une offre islamiste a été proposée, mais plus encore, un « appel islamiste » a été lancé (France culture, 2012). Les peuples arabes ont ainsi décidés, démocratiquement, que les islamistes faisaient partie de l’équation et que la norme islamique, sociale et identitaire, devait avoir des prolongements au niveau politique (Lourimi, 2012).

Plusieurs leaders de partis islamiques arabes ont, pour ce faire, « regardé plus à l’Est » vers des pays majoritairement musulmans comme l’Indonésie et la Malaisie et se sont montrés intéressés par « le succès de ces modèles islamiques qui combinent islam et modernité » (Ghannouchi, 2011). Les inspirations sont donc, on le voit, multiples et parfois réciproques.

Régimes dictatoriaux et autoritaires

Un ensemble de pays plus directement concerné par l’appel du changement sont les régimes dictatoriaux (Corée du Nord, Birmanie), les régimes autoritaires des derniers pays

communistes à parti unique (Vietnam, Laos, Chine) et les Républiques post-soviétiques d’Asie centrale2.

La Corée du Nord est un Etat isolé, verrouillé, censuré, muni d’un appareil répressif dur.

Technologie de l’information et ouverture aux médias sont réservés à une minorité.

L’essentiel des Nord-coréens vivent à huis clos, sans aucune information sur le monde

extérieur. Les mobilisations arabes sont sans nul doute suivies de près par le gouvernement de Pyongyang mais ignorées par sa population. Les habitants restent pour partie convaincus, grâce à une propagande efficace, du caractère officiellement « démocratique » de la

République populaire de Corée. La crédibilité du pouvoir et de son « père dirigeant » repose sur le contrôle absolu de l’information. Toutefois, même si les contradictions des autorités faisaient surface, la population resterait probablement davantage préoccupée par sa lutte pour la survie (pour rappel, les famines à répétition qui ont frappé le pays depuis 1995, ont fait plus d’un million de morts) que par le devenir de la « dernière dictature stalinienne ». L’accession au pouvoir du jeune Kim Jong-Un n’a d’ailleurs pas généré de mouvements d’opposition et certains estiment qu’il mènera, à la suite de son père, une politique répressive « afin de tuer dans l'oeuf le plus infime espoir de faire émerger une sorte de ‘Printemps arabe’ dans son

2 Dans cet article nous n’aborderons pas le cas particulier de l’Asie centrale. Pour une information à ce sujet : Bayram Balci, « Le printemps arabe gagnera-t-il l’Asie centrale ? », Ceri, http://www.ceri-

sciencespo.com/archive/2011/juillet/art_bb.pdf

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Note d’analyse 2012

pays » (Elyan, 2011).

Côté birman, la situation est plus ambiguë. Le pays traverse actuellement une période décisive. Un peu moins de cinq ans après la répression de la révolution de safran, les signes extérieurs d’une transition politique sont observés. Des élections, certes entachées de fraude en novembre 2010, ont permis de faire apparaître de nouveaux leaderships. Le pouvoir a ainsi été transmis à une autorité civile (l’ex-général Thein Sein) après l’autodissolution de la junte militaire. L’opposition parlementaire, tout comme la société civile, disposent quant à elles de marges de manœuvre plus franches en raison d’un relâchement de la censure et du contrôle de l’Etat. La principale dissidente politique, Aung San Suu Kyi, qui avait pourtant appelé au boycott du scrutin de 2010, a accepté de se présenter aux élections du 1er avril 2012 et de participer au processus transitionnel en cours. Malgré ces évolutions encourageantes, la prudence reste de mise. Comment interpréter ces changements ? Les réformes entreprises seront-elles juste cosmétiques ou structurelles ? La frange conservatrice de l’institution militaire ne risque-t-elle pas de défendre ses intérêts corporatistes ? Comme le soulignait Aung San Suu Kyi dernièrement : « je crois vraiment que le Président voudrait provoquer des changements positifs, mais savoir à quel point il parviendra à ses fins reste à examiner » (Libération, décembre 2011). Quoiqu’il en soit, les chantiers et défis qui attendent la Birmanie de demain sont colossaux. Le pays est l’un des plus pauvres au monde, son économie est au tapis, les systèmes administratifs et judicaires gangrenés par la corruption, etc.

Les mouvements de contestation arabe qui sont parvenus à faire vaciller des régimes

politiques autoritaires et stables, vieux de parfois 40 ans, interpellent les dirigeants birmans et ceux des régimes communistes de la région qui se méfient des risques de contamination politique. A ce titre, les visites du ministre chinois de la sécurité publique, Meng Jianzhu, dans sa zone d’influence - en Birmanie, au Laos et au Vietnam - afin de prôner un « front commun anti-jasmin » (Asies, 2011) dans un souci de maintien de la stabilité sociale, reflètent cette inquiétude.

Passivité et réactivité de la Chine

Attardons-nous à présent sur le cas particulier de la république populaire de Chine. Les dirigeants chinois ont développé à l’égard des événements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord une stratégie globalement passive et réactive, s’appuyant sur leur principe intangible de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays tiers et de préservation de leurs intérêts économiques et énergétiques. Sans nous attarder davantage sur cette posture politique, remarquons que les autorités chinoises voient toutefois les révoltes arabes d’un autre oeil

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Note d’analyse 2012

lorsqu’il s’agit de les appréhender au regard des inquiétudes croissantes liées à leurs propres problèmes d’ordre public, de politique intérieure et de société.

La stabilité est perçue depuis plusieurs années comme une priorité par le pouvoir qui lui consacre toujours plus de moyens humains, matériels et financiers, au point qu’en 2011, le budget alloué à la sécurité intérieure était supérieur à celui de la défense nationale. 100 000

« incidents de masse » - émeutes, troubles et faits de nature et d’importance très divers – ont été répertoriés officiellement par le pouvoir. La manifestation des contradictions sociales, des antagonismes, des divergences d’intérêt se multiplient et mettent en lumière le développement profondément inégalitaire de la société chinoise. Le développement asymétrique du pays au cours de ces trente dernières années a généré de nombreux clivages et est à l’origine d’un mécontentement populaire, mais « la montée de la contestation tient aussi à l’absence de réflexion sur la nécessité d’un nouveau modèle ». (Monde diplomatique, juillet 2011). La mise en place de ce dernier ne remettrait probablement pas en cause le régime, mais une réforme du système politique permettrait de « trouver une voie conciliant protestation sociale et stabilité politique ». (Idem).

Cette approche nouvelle répondrait d’une certaine façon à la préoccupation centrale du régime depuis 2006 de créer une « société harmonieuse ». Mais la menace de l’instabilité que créerait dans un premier temps la prise en compte de la contestation sociale, pèse encore trop lourd dans la balance des dirigeants.

Globalement, ce concept fait référence à un ordre socio-économique où tous les Chinois coexisteraient dans la paix et l'harmonie, où la société se développerait « au profit du peuple, avec le soutien et dans l’intérêt général du peuple ».

Côté pile, la poursuite de cet objectif a conduit à un recul de la pauvreté, à une tentative d’équilibre entre les politiques économique et sociale, à une participation de la population aux prises de décision, notamment au travers de consultations populaires, à une prise en compte

« parcimonieuse » des revendications populaires liées par exemple à l’envolée des prix et à l’inflation, à la corruption dans les villages, aux expropriations de terres, aux litiges et conflits du travail, etc.

Côté face, l’instauration de la paix et de l’harmonie implique aussi l'élimination des conflits et des contradictions au sein de la société, ce qui revient à maintenir à tout prix le couvercle sur la marmite sociale, comme cela a été le cas lors des émeutes à Urumqi, chef-lieu de la région autonome ouïgoure du Xinjiang à majorité musulmane. Jusqu’à présent, les autorités ont usé d’une politique répressive et musclée qui s’est révélée « efficace » en termes de stabilité.

Néanmoins, en raison de la croissance exponentielle des contestations et du coût élevé

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