• No results found

Année 2012, numéro Année 2012, numéro Année 2012, numéro Année 2012, numéro 15151515 SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Share "Année 2012, numéro Année 2012, numéro Année 2012, numéro Année 2012, numéro 15151515 SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE"

Copied!
90
0
0

Bezig met laden.... (Bekijk nu de volledige tekst)

Hele tekst

(1)

Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le samedi 11 août 2012

Année 2012, numéro Année 2012, numéro Année 2012, numéro Année 2012, numéro 15 15 15 15

SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE

Racisme Racisme Racisme Racisme

Six questions sur la notion de race … page 1

La pub et les ghettos : Quelles places les Noirs ont-ils dans la publicité ? … page 3 En Israël, traqués par la police, les Sud-Soudanais ne savent plus où se cacher… page 7

Afrique Afrique Afrique Afrique

L'Afrique, nouveau terrain de jeu des puissances économiques… page 8 L’Afrique et le redéploiement militaire des USA … page 11

Sénégal

Haro sur la politique d'attribution des visas pour la France … page 13 Grands Lacs

Grands Lacs Grands Lacs Grands Lacs

Vu l'ingérence du Rwanda en RDC, les Occidentaux réduisent leurs aides Vu l'ingérence du Rwanda en RDC, les Occidentaux réduisent leurs aides Vu l'ingérence du Rwanda en RDC, les Occidentaux réduisent leurs aides

Vu l'ingérence du Rwanda en RDC, les Occidentaux réduisent leurs aides ... page 15 Y a des ours au Rwanda ? … page 17

Rd Congo Rd CongoRd Congo Rd Congo Droits

DroitsDroits

Droits humains humains humains humains: qui "sème" dans les Églises de Réveil récolte la pauvreté: qui "sème" dans les Églises de Réveil récolte la pauvreté: qui "sème" dans les Églises de Réveil récolte la pauvreté: qui "sème" dans les Églises de Réveil récolte la pauvreté… page 30 L’ingérence sournoise du FMI et de la Banque mondiale en RDC

L’ingérence sournoise du FMI et de la Banque mondiale en RDCL’ingérence sournoise du FMI et de la Banque mondiale en RDC

L’ingérence sournoise du FMI et de la Banque mondiale en RDC… page 32 Le phénomène des enfants de la rue à Kinshasa … page 33

Le surréel Congo… page 36 Afrique du Sud

Afrique du Sud Afrique du Sud Afrique du Sud

20 ans après l'apartheid… page 39 France

France France France

En Avignon, le collectionneur milliardaire Yvon Lambert gravement contrarié par une révolte En Avignon, le collectionneur milliardaire Yvon Lambert gravement contrarié par une révolte En Avignon, le collectionneur milliardaire Yvon Lambert gravement contrarié par une révolte En Avignon, le collectionneur milliardaire Yvon Lambert gravement contrarié par une révolte

des des

desdes élèves de l’école des Beaux élèves de l’école des Beaux élèves de l’école des Beaux----Arts élèves de l’école des BeauxArtsArts … page 43 Arts Annexe

Annexe Annexe Annexe

Addendum au rapport des experts de l’ONU … page 47

(2)

Racisme

Six questions sur la notion de race

image aurelie nativel

Les racistes comme leurs adversaires invoquent constamment la science à l'appui de leurs arguments. Mais qu'a-t-elle à leur dire?

par Gilbert Charles

Y a-t-il une définition scientifique du mot «race»?

En France, où ce terme est banni par la Constitution, les anthropologues préfèrent parler d' «ethnie» et les biologistes de «groupe humain». Contrairement aux Etats-Unis, où l'administration comme les scientifiques parlent couramment de race. Quel que soit le vocable employé, il désigne un ensemble d'individus ayant en commun certains caractères héréditaires. Jusque dans les années 50, on distinguait les groupes humains en fonction de critères d'apparence physique: couleur de peau et de cheveux, taille, forme du visage... Le développement de la génétique a totalement remis en question cette vision simpliste.

Aujourd'hui, définir des races à partir de ces critères est aussi absurde que de vouloir classer la forme des icebergs en fonction de leur partie émergée. Le patrimoine héréditaire d'un individu se compose en effet de plusieurs dizaines de milliers de gènes, chacun correspondant à un trait biologique particulier, certains transmis par le père, d'autres par la mère. Chaque enfant est ainsi le produit d'un tirage au sort entre deux «jeux d'instructions» mélangés et recombinés au hasard. Le nombre de configurations possibles est donc pratiquement infini.

On pourrait ainsi définir des races fondées non pas sur la couleur de la peau ou la forme du nez, mais sur les groupes sanguins, les caractéristiques du système immunitaire ou simplement sur certaines parties «silencieuses» de l'ADN, qui n'ont apparemment aucune fonction biologique particulière. Ce qui aboutirait à regrouper chaque fois des individus totalement différents. On pourrait aussi bien inventer la race «lactose», dont font partie les Africains, les Japonais et les Indiens d'Amérique, lesquels sont souvent touchés par la mutation d'une enzyme qui les empêche de digérer le lait?

La notion de «pureté de la race» a-t-elle un sens?

Pour les généticiens, c'est une absurdité: on ne connaît pas de gène spécifique à tous les Africains ni à tous les Asiatiques. Qu'il s'agisse des groupes sanguins ou de la forme du lobe des oreilles, tous les caractères héréditaires se retrouvent chez les habitants de n'importe

(3)

quelle partie du globe, avec des fréquences plus ou moins grandes. Les populations humaines se sont tellement mélangées depuis des millénaires que les spécificités ethniques s'effacent devant les particularités individuelles. Le biologiste américain Richard Lewontin (université Harvard) a montré en 1972 qu'il y a plus de différences génétiques entre des individus à l'intérieur d'une même race qu'il n'y en a entre deux races différentes. Autrement dit, et malgré les apparences, on a plus de chances de trouver des similarités biologiques entre un Africain noir et un Français blanc pris au hasard dans la rue qu'entre deux Noirs.

La couleur de la peau peut-elle définir l'appartenance à un groupe ethnique?

Cela aboutirait à classer les habitants du sud de l'Inde, pourtant considérés comme des Caucasiens, c'est-à-dire des Blancs, avec les Africains. Et que faire des Berbères algériens, plus clairs que certains Belges? La teinte de l'épiderme dépend des gènes commandant la production de mélanine, molécule responsable de la pigmentation, qui joue un rôle protecteur contre les rayons ultraviolets. Les variations de la couleur des hommes suivent en fait celles du climat: les individus les plus noirs sont issus de populations ayant vécu dans des régions chaudes, dont l'organisme s'est adapté au soleil au cours des millénaires. Tout comme les longs nez des Européens du Nord seraient le résultat d'une adaptation au froid (un appendice nasal plus long permet de mieux réchauffer l'air avant qu'il pénètre dans les poumons).

Peut-on parler d'inégalités génétiques?

Oui, face aux maladies héréditaires, par exemple, qui touchent plus souvent certains groupes ethniques que d'autres. L'hypertension est plus fréquente chez les Noirs américains que dans le reste de la population. Les Caucasiens (blancs) ont, eux, un plus grand risque statistique d'être touchés par la mucoviscidose (et les Bretons plus que le reste des Français).

Les Africains, les Grecs et les Italiens sont plus sensibles à l'anémie falciforme. Tout comme les juifs ashkénazes à la maladie de Tay-Sachs, alors qu'une mutation génétique favorisant le cancer du sein se retrouve avec une plus grande fréquence chez les femmes séfarades. Et pourtant, la notion de «race juive» est une absurdité (le judaïsme est une culture et une religion, pas un trait génétique).

A défaut de «races», peut-on définir des groupes humains en fonction de leur profil héréditaire?

Chaque individu est aussi le résultat de l'histoire des populations dont il est issu: les gens se marient plus souvent près de chez eux qu'avec un partenaire venant de l'autre bout du monde, ce qui explique que certains traits apparaissent statistiquement plus fréquemment dans telle population que dans telle autre. Les biologistes mesurent ainsi des distances génétiques entre les ethnies, qui recoupent en fait l'histoire des migrations, des invasions et des conquêtes qui se sont succédé depuis des centaines de milliers d'années à la surface de la planète. Les chercheurs de l'Inserm ont ainsi retrouvé dans la population française des alentours de Poitiers un marqueur génétique particulier aux populations d'Afrique du Nord, baptisé «mutation arabe»: probablement un souvenir de l'époque de Charles Martel. Le généticien et linguiste Luigi Cavalli-Sforza a analysé les données publiées depuis trente ans sur 42 populations des cinq continents, comparées selon 120 marqueurs génétiques différents. Il a ainsi reconstitué un arbre génétique de l'humanité, dans lequel il distingue sept grandes familles: africaine, caucasienne, amérindienne, nord-asiatique, sud-asiatique, insulaire du Pacifique et aborigène d'Australie, qui dériveraient toutes d'une même population apparue entre l'Afrique centrale et le Moyen-Orient voilà environ deux cent mille ans. Ces familles ne correspondent pas aux

(4)

critères raciaux traditionnels. Ainsi certaines populations, très proches génétiquement, ne se ressemblent pas du tout physiquement, comme les Turcs et les Norvégiens, classés pourtant parmi les Caucasiens, ou comme les Suédois et les Sri Lankais, issus d'une souche identique qui s'est divisée voilà quarante mille ans. D'autres partagent les mêmes traits tout en étant très éloignés, comme les Bushmen du Kalahari, en Afrique, et les Japonais, tous deux affectés du même pli de l'oeil.

La science peut-elle être raciste ?

«On assiste depuis quelques années, aux Etats-Unis, à la montée d'un discours biologisant qui associe la génétique et les groupes ethniques», explique Paul Rabinow, professeur d'anthropologie à l'université de Berkeley. Le décryptage du génome humain et la généralisation des tests de prédisposition à telle ou telle maladie risquent ainsi de favoriser l'apparition d'un racisme new-look, moins fondé sur la haine que sur la gestion biologique des inégalités. Le vieux débat sur les bases génétiques de l'intelligence a récemment rebondi aux Etats-Unis avec la publication du livre The Bell Curve, dans lequel le sociologue Charles Murray et le généticien Richard Herrnstein affirment que l'intelligence est héréditaire «à 60%» et que les Noirs américains en sont moins pourvus que les Blancs. Toutes ces recherches, comme celles sur d'hypothétiques «gènes des comportements», sont rarement dénuées d'arrière- pensées idéologiques. La «technologisation du vivant» ouvre aussi des perspectives inquiétantes dans le domaine du contrôle social. Des biologistes américains travaillant pour le FBI ont par exemple constitué depuis quatre ans une gigantesque banque de données d'empreintes génétiques des populations du monde entier, destinée à définir des profils pour classer les différentes ethnies. En 1993, des biologistes du laboratoire de police scientifique du Home Office, le ministère britannique de l'Intérieur, ont mis au point une technique permettant de distinguer la race d'un suspect à partir d'une tache de sang ou de sperme laissée sur le lieu du crime. Avec une telle marge d'erreur que le test s'est révélé inutilisable.

La pub et les ghettos : Quelles places les Noirs ont-ils dans la publicité ?

la pub, une affaire de couleur de peau ?

par Gilles Lugrin & Stephanie Pahud

Globalisation, mondialisation, centralisation, délocalisation, etc. Tant de mots qui troublent, qui inquiètent, qui traumatisent parfois. Et avec cette circulation de capitaux et d’individus vient son lot de problèmes :accentuation des différences entre pauvres et riches, entre Sud et Nord, entre majorités et minorités. Ainsi, que ce soient les répercussions du post-

(5)

communisme (conflits en ex-Yougoslavie, Tchéchénie) ou celles de la globalisation (conflits interraciaux à Los Angels, augmentation des groupuscules d’extrême droite, attaques terroristes contre la première puissance mondiale), cette fin de siècle a plus que jamais marqué notre société du sceau du conflit.

Mais cette fin de siècle est également le symbole de la victoire, peut-être chimérique, du modèle démocratique sur les autres modèles sociaux. Tant en Amérique Latine, dans les pays de l’Est qu’en Afrique, le modèle démocratique s’impose inéluctablement face aux systèmes dictatoriaux. Avec elle, c’est un souffle de liberté qui semble parcourir la planète. Et la publicité commerciale dans tout cela ? Quelle rôle a-t-elle joué dans cet élan de démocratisation ? Surtout, quels sont ses devoirs et ses impératifs aujourd’hui ? En nous interrogeant sur la manière dont certaines populations minoritaires ont été et sont aujourd’hui représentées dans la publicité commerciale, nous souhaitons réfléchir au rôle que joue cette dernière dans leur processus de reconnaissance et d’intégration. Ce volet se concentrera sur la représentation des noirs. La publicité est-elle révélatrice d’un état de la société qui la produit et qui la consomme ?

Bien que la publicité soit un reflet kaléidoscopique, réducteur et déformant de la société à laquelle elle s’adresse, elle reste cependant un discours plus proche et plus représentatif de la perception sociale que le discours journalistique ou le discours politique.

Sensiblement épurée de priorités éthiques ou politiques, garante du discours dominant, elle se veut proche de sa cible, ce qui en fait un discours particulièrement sensible aux caricatures sociales. En passant en revue successivement la représentation des noirs et des homosexuels, nous souhaitons attirer l’attention sur le rôle de la publicité dans la sphère sociale et en particulier sur son importance dans l’intégration ou, au contraire, dans le clivage qu’elle peut engendrer ou renforcer entre minorités et majorités. Puisant son inspiration dans le réservoir social de clichés, poncifs et lieux communs, la publicité vient à son tour renforcer ces préjugés.

Les Noirs

En ne retenant que les Noirs, nous sommes conscients d’évincer nombre d’autres minorités, comme les asiatiques, les juifs, les maghrébins, les handicapés, etc. Les Noirs ont vécu l’esclavagisme, l’animalisation, la lutte pour son émancipation et, aujourd’hui, le combat pour sa reconnaissance. Elle constitue une minorité basée strictement sur des différences physiques. Ainsi, chaque minorité possède des traits qui lui sont propres (traits physiques, croyances religieuses, pratiques sexuelles, etc.) mais qui varient d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre. La publicité va ainsi se servir du noir pour transmettre un message de tolérance, va scénariser l’homosexuel pour véhiculer une pensée d’avant-garde, etc.

Lorsqu’elle ne s’adresse pas directement à la dite minorité —publicité représentant des noirs pour une cible noire — chaque minorité sert une image, voire un territoire de marque.

À chaque période son lot de stéréotypes

Contrairement à d’autres minorités, les noirs traversent l’ensemble de l’histoire publicitaire contemporaine. Cette dernière est marquée par trois courants principaux, qui, par moments, se superposent : d’abord, l’image de l’esclave noir, qu’il soit originaire d’Amérique ou des Antilles ; ensuite, celle du bon sauvage africain ; enfin, celle de l’apprenti civilisé occidentalisé. L’esclave a longtemps été une image bienséante dans la publicité. Les champs de canne à sucre ou de coton d’une part, et les pantalons rayés rouge et blanc d’autre part, ont

(6)

en été les symboles. La publicité pour le chocolat a été l’un des lieux de prédilection de la représentation des noirs. Dans celle-ci, le rôle de boy est caractéristique d’une des fréquentes images du noir immigré en Occident.

De l’esclave au bon sauvage

C’est en exhibant certains stigmates, en vérité très peu représentatifs, que l’on a très longtemps représenté l’homme noir. À l’image d’une publicité pour un Minstrel’s Show, le noir a été assez systématiquement représenté avec de grosses lèvres, de gros yeux ronds, des oreilles généralement affublées de boucles d’oreille, des cheveux crépus, un nez empâté et un faciès prognathe. Deux tendances majeures se sont d’autre part manifestées. D’abord, la mouche posée sur la langue du personnage central ressuscite le caractère cannibale, clairement évoqué dans une annonce pour un extincteur ! Ensuite, le bon sauvage s’oppose à la technologie occidentale. Une publicité pour l’aéromaritime oppose ainsi la technologie à la tradition séculaire.

Des produits de prédilection

Aux différentes périodes qui ont marqué la représentation des noirs correspondent des transformations radicales dans les produits mis en jeu, très hétérogènes. Certains d’entre eux en ont cependant connu un usage plus suivi : chocolat (Banania), rhum (Negrita), riz (Uncle Ben’s), institutions (SOS Racisme), etc. Mais l’image des noirs est surtout porteuse pour certains types de produits (alimentation exotique, tourisme, et, à une certaine époque, produits d’entretien et de nettoyage) alors qu’elle ne l’a jamais été pour d’autres (électroménager, voiture, etc.). Si certains de ces usages peuvent se justifier, d’autres sont beaucoup plus discutables, tant pour les traitements qui y sont faits que pour les produits qu’ils servent à promouvoir. Une annonce pour du chocolat mettait en scène un noir caricatural se regardant dans un miroir et se comparant ainsi à une plaque de chocolat. Mais le paroxysme écœurant de ces publicités dénigrantes se joue sans aucun doute dans des annonces pour cirages et pour produits de lessive. Une annonce mettait en scène deux personnages, un noir et un asiatique, chacun démontrant l’efficacité d’un cirage sur leur propre peau ! Pire, à l’instar d’une annonce pour le Savon Perdrix , de nombreuses publicités démontraient leur efficacité en "

blanchissant " des noirs. Dans cette dernière, la caricature du personnage ne fait que renforcer sa situation dégradante.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le publicitaire a longtemps été un homme blanc. On comprend dès lors la représentation biaisée tant de la femme que de certaines minorités. Mais l’évocation de ce manque d’objectivité ignore trop souvent les prérogatives marketing, c’est-à-dire la nature de l’acheteur-consommateur : en général, les publicités montrent la cible à laquelle le produit s’adresse et parlent aux masses plutôt qu’aux minorités.

S’il a longtemps été principalement l’homme blanc, le marché ayant depuis lors évolué, la publicité a suivi. Ainsi, tout en conservant certaines caractéristiques reflétant des différences culturelles, la publicité qui s’adresse à la société noire tient un discours sensiblement identique à celui visant la société blanche : que ce soit une carte de crédit, une voiture de luxe ou un cognac, tous communiquent à la manière occidentale. Des agences de publicité se sont même spécialisées dans le marketing ethnique.

(7)

Des inadéquations pourtant édifiantes

Reste qu’en dépit de l’apparition du marketing ethnique, tout n’est pas résolu. Pour illustrer au mieux les possibles inadéquations entre représentation des noirs dans la publicité et réalité, l’exemple des couples mixtes, qui se retrouvera de manière similaire dans la publicité homosexuelle, est édifiant. Alors qu’historiquement, le couple mixte dominant a longtemps été l’homme blanc avec la femme noire, la publicité a assez systématiquement mis en scène la femme blanche avec l’homme noir, répondant ainsi certainement plus à un fantasme masculin qu’à une réalité sociale.

Un message social

Enfin, en guise de contre-exemple, les nombreuses associations anti-racistes ont fréquemment utilisé l’image du noir pour dénoncer le racisme ambiant. À cela s’ajoutent les entreprises qui ont choisi, comme McDonald’s, la poste ou encore Diesel , de se positionner localement dans le débat social. À ce propos, Jean-Marie Dru porte un regard intéressant sur Benetton. Il se dit favorable à ce discours engagé en faveur de la tolérance entre ethnies, dont

" United Colors of Benetton " est le symbole. Il regrette cependant que Benetton se soit ensuite dispersé en s’attaquant à de trop nombreux problèmes (violence, sexe, sida, peine de mort, etc.), au lieu de se concentrer sur ce premier message de tolérance.

Pour en savoir plus : Bachollet R., Debost J.-B. Lelieur, A.-Cl.: Négripub. l'image des Noirs dans la publicité, Paris: Ed. Somogy, 1992. MINOT, Fr. 2001 : Quand l’image se fait publicitaire, Paris, L’harmattan, pp. 201-241

(8)

En Israël, t raqués par la police, les Sud-Soudanais ne savent plus où se cacher

Abraham Alu n'ose plus quitter son logement dans le sud de Tel-Aviv. Pourtant ce Sud-Soudanais de 35 ans n'a plus d'argent et ne peut guère se nourrir. Mais la peur de la police empêche ce demandeur d'asile, entré clandestinement en Israël, de s'aventurer au dehors.

Abraham avait l'habitude de vendre des bottes en plastique sur le trottoir dans le sud de Tel-Aviv. Il a préféré tout arrêter jeudi dernier lorsqu'un tribunal israélien a donné le feu vert à l'expulsion des clandestins sud-soudanais. La police a lancé sa traque trois jours seulement après la décision du tribunal alors que les autorités avaient promis d'accorder un répit d'une semaine aux membres de cette communauté pour quitter Israël de leur plein gré.

Selon des ONG de défense des droits de l'Homme, les illégaux originaires du Soudan du Sud sont quelque 700, hommes, femmes et enfants. Le gouvernement israélien parle de plus du double. Abraham Alu partageait son studio avec 12 autres compatriotes. Mais comme beaucoup de Sud-Soudanais ils ont cessé de travailler de peur d'être pris par la police, leur nombre est passé à vingt dans l'unique pièce de l'appartement.

Des pigeons pour manger. "Parfois, on reste assis deux jours sans manger. On boit de l'eau et du thé, cela nous suffit", raconte-t-il. Certains de ses compagnons d'infortune attrapent des pigeons pour les cuisiner. Abraham n'avait que sept ans lorsqu'il a vu ses parents tués par des miliciens. Il a fui ensuite son village avant de se retrouver au Caire en 2005. Quand la police égyptienne a lancé un raid dans son camp de réfugiés, tuant 27 Africains dont un bébé, il a décidé, traumatisé, de prend de nouveau la fuite. Il parvient à s'infiltrer au début 2006 en Israël. "Mais maintenant j'ai perdu tout espoir", soupire-t-il. Un de ses camarades retourné au Soudan du Sud après l'indépendance de l'été dernier a été tué lors d'affrontements frontaliers.

Abraham ignore où sont les membres de sa famille ou même s'ils sont encore en vie. Rien ne l'attire plus dans son ancien pays et il dit craindre pour sa vie. William Chol, 32 ans, père de quatre enfants, a lui aussi fui seul le Soudan du Sud enfant. Au nord, au Soudan, il a travaillé comme domestique. Mais son patron ne lui permettait pas de quitter la maison et refusait de le payer. "Comme de l'esclavage", raconte-t-il. Il s'est enfui en Egypte en 2002. Sept ans plus tard, il est passé en Israël avec son épouse et leurs enfants.

(9)

"Je ne suis pas un criminel". Malgré la crainte de la police de l'immigration, il a choisi de ne pas se cacher. "Je ne suis pas un criminel", explique-t-il. A la suite d'une récente flambée de violences anti-africaines dans certains quartiers de Tel-Aviv et des menaces d'expulsion, il n'envoie plus ses enfants à l'école où, selon lui, ils ont été agressés par des enfants israéliens. "J'ai l'impression que nous sommes en guerre avec Israël", dit-il. Tout comme Abraham, Emanuel Kel Bol Yok, 52 ans, ne travaille plus. "Je ne peux plus payer mon loyer et d'ici deux à trois jours je vais me retrouver à la rue", se plaint-il. Surmontant son appréhension, il est allé supplier la police de permettre à ses cinq enfants, âges de 2 à 18 ans, de terminer l'année scolaire. Sigal Rozen, de l'ONG "Hotline for Migrant Workers", explique que les arrestations n'ont fait que renforcer la peur au sein de la communauté sud-soudanaise déjà en butte à l'hostilité croissante des Israéliens. Des familles sont brisées: la police arrête le père s'il est d'origine sud-soudanaise, mais elle laisse libre les épouses venues d'autres contrées. Depuis dimanche, environ 300 clandestins ont été arrêtées, en majorité des Sud- Soudanais.

Le premier avion qui doit les ramener dans leur pays est prévu dimanche. Le ministre israélien de l'Intérieur Eli Yishai a prévenu que la vague d'arrestations actuelles n'était que le

"début" d'une opération visant à se débarrasser de quelque 60.000 Africains installés illégalement en Israël.

Afrique

L'Afrique, nouveau terrain de jeu des puissances économiques

par Amady Aly Dieng1

Face à l’arrivée de concurrents comme la Chine et le Brésil, qui multiplient les initiatives diplomatiques et commerciales en Afrique, les capitales européennes se trouvent de plus en plus placées sur la défensive. Paris fait ainsi face à une contestation croissante. Dans la lutte d’influence à laquelle se livrent les puissances, Washington n’hésite pas à enrôler des

1 Amady Aly Dieng est économiste. Il anime des chroniques littéraires régulières dans la presse sénégalaises. Les éléments développés dans cet articles sont un résumé de l’édition «Indispensable Afrique Manière de voir - Le Monde diplomatique Bimestriel - N° 108 décembre 2009-janvier 2010, 98 pages

(10)

leaders noirs américains, anciens militants de droits civiques, appelés sous les drapeaux de la guerre commerciale.

En effet, les relations internationales se sont étoffées d’agents privés tels que les organisations non gouvernementales (ONG), les cabinets de consultants ou les Eglises. Leur influence paraît d’autant plus grande que le continent noir se trouve en situation de faiblesse politique et humanitaire. C’est ainsi que les lobbies évangéliques venus des Etats-Unis colonisent les milieux gouvernementaux, tandis que les ONG déterminent les termes de débats cruciaux, comme celui du Darfour. De plus en plus présente, la justice internationale post-conflit exprime ces ambiguïtés entre impératifs universels et nécessaire prise en compte des réalités locales.

Etats-Unis, «black business, lobby évangélique

Né d’un père kényan, le président Barack Obama a placé les relations entre les Etats- Unis et le continent africain sur le devant de la scène. Celles-ci sont marquées par le rôle croissant des leaders noirs américains qui, jadis très actifs sur la question des inégalités sociales, se sont mis au service des intérêts économiques de Washington en Afrique. Dans les années 1980, le démocrate Andrew Young fustigeait les «millionnaires noirs sans cœur».

Vingt ans plus tard, il était devenu l’un des «sorciers noirs» de l’administration Bush. C’est le

«black business» cynique des Etats-Unis. Attirant moins l’attention médiatique que les mouvements musulmans, les Eglises évangéliques ont fait une percée notable en Afrique.

Venues des Etats-Unis, elles établissent un mélange détonant entre religion, argent et politique. En Ouganda, leur influence suscite des polémiques. Ainsi l’Ouganda découvre le lobby évangélique. Quelle place et quelle identité pour les Eglises africaines dans la chrétienté ? Cette question taraude depuis longtemps les théologiens d’un continent dont les cultures sont trop souvent méprisées. Durant le très actif pontificat de Jean Paul II, elle a pris une acuité particulière, provoquant d’intenses débats. Lors de son dernier voyage, le pape a privilégié la mise en relief des éléments «malsains» des traditions et des coutumes africaines, allant jusqu’à déclarer que les traditions traditionnelles n’inclinaient pas à l’amour et au culte de Dieu. Autrement dit, et pour conclure, il faut cesser de penser la possibilité d’un christianisme africain.

Françafrique, Bolloré, Mosanto, Bruxelles et Pékin

Malgré les indépendances, la France n’a jamais abandonné sa politique d’influence, et souvent d’ingérence, dans ses anciennes colonies. Cependant, le discrédit croissant de la

«Françafrique», une politique migratoire bêtement restrictive et la séduction exercée par de nouvelles puissances minent lentement ses positions. Ami personnel du président Nicolas Sarkozy, M. Vincent Bolloré est devenu le symbole du type de relations entretenues par la France avec les pays africains. Les réseaux politiques et médiatiques de l’homme d’affaires lui permettent en effet de traverser les tempêtes de critiques suscitées par ses liens peu scrupuleux sur le continent noir et d’obtenir de fort juteux contrats. Soutenu par les autorités de Ouagadougou, le semencier Mosanto a fait du Burkina Faso la tête de pont de son offensive commerciale en Afrique de l’Ouest. Mais, comme leurs homologues occidentaux, les paysans burkinabés se méfient des organismes génétiquement modifiés et organisent la résistance. Avec la crise alimentaire, l’agriculture se trouve à nouveau au centre des débats.

Ecartant toute remise en cause du libre-échange, les Etats-Unis prônent une «révolution verte»

qui fait la part belle aux intérêts américains. Les fondations «philanthropiques» jouent un rôle actif dans cette campagne. Dans la guerre mondiale pour les matières premières, la

(11)

République démocratique du Congo constitue un objectif stratégique. Pékin y affronte Bruxelles, Paris ou encore Ottawa. Mais les méthodes peu orthodoxes de la Chine, qui recourt au troc, suscitent la réprobation du Fonds Monétaire International. En quelques années, la Chine est devenue le troisième partenaire commercial de l’Afrique. Cet essor rapide est soutenu au plus niveau : depuis 2003, le président Hu Jintao a effectué quatre voyages officiels sur le continent. Si Pékin délaisse les discours tiers-mondistes, il tire avantage par son non-ingérence dans les affaires intérieures de ses partenaires. Les méthodes peu orthodoxes de la «Françafrique», de la Chine.

Pauvreté persistante, pandémie du sida, guerres... Mais...

A première vue, la nouvelle donne mondiale ne produit pas de changements spectaculaires dans le quotidien des populations : la pauvreté reste endémique ; le continent est, au premier chef, touché par la pandémie de sida ; et la guerre ravage toujours certaines régions, comme le Darfour. Toutefois, les classes moyennes, laminées par les plans d’ajustements structurels des années 1980, se reconstituent et pourraient «tirer» le développement. En 2009, le Sud-Africain Nicky Oppenheimer est même le premier magnat d’Afrique subsaharienne à entrer dans le classement Forbes des cent premières fortunes du monde. De Johannesburg à Dakar, ces événements avivent le débat politique et économique, sur fond d’inégalités. Ils coïncident aussi avec une volonté d’affirmation nouvelle du continent : des institutions panafricaines se développent ; des gouvernements décident d’affronter les multinationales prévaricatrices ; des Etats accèdent à des forums mondiaux tels que le G20… Insensiblement, les cartes sont redistribuées. Alors que seize pays fêtaient, en 2010, les cinquante ans de leur affranchissement colonial, certains voudraient y voyaient l’annonce d’une seconde indépendance pour le continent.

En quelques années, le continent africain a subi de profondes mutations. La fin de la guerre froide a transformé le jeu politique, en répandant le multipartisme et en mettant fin à des conflits alimentés de l’extérieur, comme en Angola. D’autre part, le boom des matières premières coïncide avec l’échec des plans d’ajustements structurels et provoque une interrogation sur le modèle économique à suivre. Au-delà des difficultés du quotidien, une nouvelle partie commence pour l’Afrique, selon Anne-Cécile Robert. Les classes moyennes africaines commencent à se reconstituer. Mais elles semblent moins préoccupées de l’intérêt général que leurs aînées. Grand échec de l’Organisation de l’unité africaine, la recherche de la paix est l’un des objectifs prioritaires de l’Union africaine, qui lui a succédé en 2002. La création du Conseil de la paix et de sécurité innove dans ses principes fondateurs et dans son mode de fonctionnement. Mais les blocages, notamment financiers, demeurent. Si la présence de l’armée française est ancienne et suscite des controverses sur place, les Etats-Unis développent eux aussi leur implantation militaire sur le continent. Mais la création du commandement américain Africom a suscité les réticences des gouvernements locaux.

(12)

L’Afrique et le redéploiement militaire des USA.

Par Komla KPOGLI

Le 5 janvier dernier, le président des USA, Barack Hussein Obama présentait, dans un discours, la nouvelle stratégie militaire américaine. Tout en annonçant quelques coupes dans les dépenses militaires (487 milliards de dollar US sur 10 ans), Obama a prévenu la planète qu’elle ne doit pas voir là une perte de la suprématie américaine. Au contraire, les USA demeurent la “première puissance militaire du monde” a averti Obama qui a souligné que bien que soumis à un régime d’amaigrissement, les USA “vont maintenir leur supériorité militaire avec des forces armées qui seront agiles, flexibles et prêtes à réagir à l’ensemble des circonstances et des menaces” et seront capables malgré tout d’affronter plus d’un adversaire n’importe où dans le monde. Aussi, apprend-on, les USA se redéployent militairement dans le pacifique et privilégient l’arme navale et aérienne. Deux pays sont essentiellement visés par ce plan : l’Iran et la Chine. Cette dernière dont la puissance ne cesse de croître a besoin d’être contenue. La Chine n’étant pas dupe a déjà réagi et entend se donner des moyens militaires supplémentaires. “Nous renforcerons notre présence en Asie-Pacifique et les réductions budgétaires ne se feront pas aux dépens de cette région cruciale”, a précisé Obama qui n’a pas évoqué l’Afrique dans cette nouvelle stratégie militaire.

Si Obama n’a pas évoqué l’Afrique dans son discours sur la “nouvelle” stratégie militaire des USA, n’allons pas croire que ceci est un manque d’intérêt et en conséquence que l’Afrique n’est pas concernée par ce redéploiement.

La vérité est qu’historiquement, tout d’abord, l’Occident essaie de toujours présenter l’Afrique comme un continent sans intérêt et hors du monde. Ainsi, dans les grandes questions internationales, l’Afrique est, au mieux, passée sous silence. Au pire, on la décrit comme n’apportant rien de positif au monde. Ceci est fondamentalement faux, car si un continent a autant suscité de convoitises et de conflits interétatiques c’est bien l’Afrique qui est non seulement par sa situation géographique un continent au coeur du monde mais encore elle est un gigantesque panier de ressources en matières premières pour les pays industrialisés.

Ensuite, en se redéployant en Asie Pacifique, les USA tentent de bloquer la Chine dans son élan, en la confinant dans les limites de ses frontières, avec en toile de fond l’Afrique où

(13)

la Chine ne cesse d’acquérir des espaces (ces acquisitions restent à consolider par des outils militaires) qui sont jusqu’ici considérés par les occidentaux comme leur domaine réservé.

Aussi, en misant sur les forces aériennes et navales, les USA confirment leur volonté de garder leur main mise sur les airs et surtout les océans qui regorgent d’immenses ressources jusqu’ici peu exploitées, en même temps qu’ils servent de voies de transports. Là encore l’Afrique est en toile de fond, car de nombreux échanges dans le monde se font au travers des mers africaines. C’est le cas des échanges entre l’Occident et l’Orient qui passent par l’ensemble des mers africaines en toute liberté et quasi-gratuitement.

Enfin, pas besoin de citer clairement l’Afrique dans ce discours alors que le dispositif d’AFRICOM avance dans sa réalisation à grands pas.

Au total, l’Afrique est au coeur de ce redéploiement militaire. Mais étant donné qu’elle est totalement paralysée actuellement par une gouvernance coloniale pour qui n’a de conception militaire qu’un corps de milices armées qui terrorise les populations civiles contestataires, l’Afrique ne peut réagir. Ceci d’autant plus que ces fameuses armées africaines sont des constructions coloniales liées aux puissances diverses notamment occidentales par des accords militaires au nom desquels armes (désuètes mais elles suffisent pour contenir des populations africaines désarmées depuis dès les premiers jours de la colonisation), formation, assistance technique…sont distillées. Autant dire que ces fameuses armées africaines n’ont pas de vision du monde, leur seule raison d’existence étant de maintenir les populations africaines dans le cadre colonial.

Aussi, nous africains, nous-mêmes avons été conduits à avoir une vision fondamentalement pacifiste du monde. C’est dire combien il nous sera difficile de comprendre que c’est la loi des armes qui dirige le monde et les relations internationales.

Toutefois, nous (combattants pour une autre Afrique) avons l’obligation, si nous voulons vivre et relever la tête, de travailler à doter l’Afrique d’armées véritables qui, avec des armes les plus puissantes possibles sous une gouvernance fondamentalement panafricaniste, protègeront aussi bien notre peuple que toutes ses richesses pour le moment accaparées par d’autres peuples qui en profitent pour résoudre leurs problèmes pendant que nous, africains, mourons de faim sur des mines d’or.

(14)

Sénégal

Haro sur la politique d'attribution des visas pour la France

Des intellectuels sénégalais ont dénoncé une politique de restriction des voyages en France après le "refus" d'accorder un visa à plusieurs d'entre eux, parmi lesquels l'unique agrégé

africain de grammaire française, ce que conteste l'ambassade de France à Dakar.

"Il est absurde qu'un petit commis en écriture empêche Léopold Sédar Senghor d'entrer en France", affirme ainsi le réalisateur Seyba Lamine Traoré, en assimilant Senghor, défunt poète-président sénégalais et académicien français, à Oumar Sankharé, enseignant à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Seul Africain agrégé de grammaire française après Senghor, M. Sankharé a déclaré à l'AFP qu'il devait se rendre le 29 juin à Paris "présider un jury pour un prix de la Francophonie", mais qu'il a essuyé le "refus" du consulat général de France de lui délivrer un visa. "Il n'y a pas de refus, mais un report de délivrance de visa", répond Gautier Mignot, premier conseiller de l'ambassade de France à Dakar, en précisant que les "trois-quart" des demandes de visas sont satisfaites. "J'ai vu le Professeur Sankharé pour lui assurer qu'il était le bienvenu en France. Une solution est en train de se dessiner", a affirmé M. Mignot à l'AFP à propos de cette affaire qui agite le milieu intellectuel dakarois et fait grand bruit dans les médias sénégalais. En signe de protestation contre la non-obtention de son visa, M. Sankharé a décidé de refuser, avec une écrivaine sénégalaise, Fama Diagne Sène, une médaille que l'ambassadeur de France à Dakar, Nicolas Normand, devait leur remettre lors de la fête nationale française du 14 juillet. Des étudiants de l'Université de Dakar ont protesté fin juin devant l'ambassade de France et, cette semaine, plusieurs intellectuels et artistes se sont retrouvés à Dakar pour crier haro sur la France. "Cette affaire Sankharé est la goutte de trop dans un océan de vexations", a affirmé le président de l'Association des écrivains du Sénégal, Alioune Badara Bèye. "On ne peut vouloir le rayonnement de la langue

(15)

française et, dans le même temps, fermer ses frontières à ceux qui parlent français, qui étudient le français, qui créent en français", a-t-il dit, citant le secrétaire général de la Francophonie et ancien président sénégalais Abdou Diouf.

"Dette hospitalière"

Le visa de M. Sankharé a été refusé à cause d'une "dette hospitalière de 47.000 euros", a appris l'AFP de source proche de l'ambassade de France. L'agrégé de grammaire affirme lui que son "assureur devait s'acquitter de cette dette" qui remonte à 2010 lors d'une hospitalisation en France, "mais n'a pas respecté ses engagements". Cette affaire a fait ressortir les ressentiments de nombreux Sénégalais qui s'estiment victimes de "l'arrogance" du personnel du consulat de France lorsqu'ils déposent une demande de visa. Et des comédiens ont critiqué dans un sketch le non-remboursement des 60 euros exigés de tout demandeur de visa pour la France, même quand le document n'est pas accordé, une pratique courante dans la plupart des pays. Gautier Mignot rappelle que "les 60 euros sont destinés à couvrir les frais de la demande de visa. Le Consulat n'ajoute rien à la réglementation et nous n'avons fait qu'améliorer les conditions d'accueil qui sont très bonnes". "En 2011, sur 37.000 demandes de visa reçues, près des trois-quart ont été satisfaites. Généralement, 70 à 75% des réponses sont favorables", affirme-t-il. Le président de l'Association des cinéastes sénégalais, Cheikh Ngaïdo Bâ "exhorte l'Etat sénégalais à la réciprocité" vis-à-vis de la France, en notant que les ressortissants français peuvent venir au Sénégal gratuitement sans visa pendant trois mois. Et le journaliste Yoro Dia, chroniqueur de l'hebdomadaire privé Nouvel Horizon renchérit:

"Notre attitude vis-à-vis de la France ressemble à un adolescent qui exige encore le sein de sa mère. Montrons qu'on est indépendant et souverain en exigeant nous aussi le visa" aux Français qui viennent au Sénégal.

(16)

Grands Lacs

Sur le Lac Kivu

Vu l'ingérence du Rwanda en RDC, les Occidentaux réduisent leurs aides

L'heure n'est plus à la flagornerie. Ni aux échanges diplomatiques doucereux et policés. Depuis qu'un rapport d'experts des Nations unies, rendu public le 27 juin, a explicitement accusé le Rwanda de déstabiliser la RDC 2 voisine par la fourniture d'armes, de munitions et de combattants, le "pays des mille collines" est victime d'un désamour patent de la part de ses principaux partenaires occidentaux.

Ceux-ci s'indignent du soutien apporté officieusement par l'ex-protectorat belge au Mouvement du 23 mars, groupe de mutins congolais en butte depuis mai à l'autorité de Kinshasa. Censé intégrer l'armée régulière aux termes d'un accord scellé le 23 mars 2009, le M23 – issu d'une ex-rébellion Tutsi en RDC, le CNDP – a fini par se retourner contre Joseph Kabila, faute d'obtenir les gages souhaités. Le Rwanda se serait d'autant plus volontiers engouffré dans cette brèche qu'il a soutenu naguère le CNDP pour mener, sur le sol congolais, la chasse aux rebelles rwandais – lesquels représentent toujours, à ses yeux, une sérieuse menace.

Lasse de ce jeu trouble, une partie de la communauté internationale a décidé de hausser le ton à l'égard du régime de Paul Kagame, La situation, en effet, est critique : au cours des quatre derniers mois, les combats dans l'est du Nord-Kivu – zone frontalière du Rwanda et de l'Ouganda, où sont situées les bases du M23 – ont contraint plus de 220.000 Congolais à fuir leur domicile, accentuant le déséquilibre qui frappe la région déjà tourmentée des Grands Lacs. D'après une étude dévoilée en juin par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), près de 17,3 millions de Congolais se trouveraient en état d'insécurité alimentaire aiguë.

A la fin de juillet, les Etats-Unis ont été les premiers à monter au créneau. La diplomatie américaine a ainsi suspendu 200 000 dollars (environ 164 000 euros) d'aide destinés à une école militaire. Faut-il y voir une inflexion de la posture adoptée par

2 La traduction officielle des fameuses « annexes » est annexée au présent numéro.

(17)

Washington vis-à-vis de son allié ? « L'initiative américaine est essentiellement symbolique, dans la mesure où les montants en jeu ne sont pas déterminants. L'essentiel de l'appui militaire américain se fait au niveau de la Communauté de l'Afrique de l'Est [organisation qui, outre le Rwanda, regroupe le Kenya, la Tanzanie, l'Ouganda et le Burundi] », souligne André Guichaoua, professeur à l'université de Paris-1 et témoin-expert près le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

« Ce qui, de mon point de vue, est plus significatif, ce sont la déclaration du Congrès américain du 3 août [fustigeant le manque de transparence du gouvernement rwandais, notamment sur son implication en RDC] et les propos tenus par Stephen Rapp, l'ambassadeur itinérant chargé des crimes de guerre au Département d'Etat [lequel a affirmé que les dirigeants rwandais pourraient être poursuivis devant la CPI pour aide et complicité de crimes contre l'humanité dans un pays voisin] », précise-t-il.

Les Etats-Unis, en dépit de leurs objurgations, ont fait savoir qu'ils ne retireraient pas leur soutien financier à la formation des troupes destinées à prêter main-forte à l'ONU. Et pour cause : au 30 juin, pas moins de 4.571 soldats et policiers rwandais étaient impliqués dans diverses opérations de maintien de la paix à travers le monde – soit la sixième plus importante contribution à l'institution onusienne en termes d'effectifs derrière le Pakistan, le Bangladesh, l'Inde, l'Ethiopie et le Nigeria.

Dans la foulée de l'administration Obama, plusieurs Etats européens ont, eux aussi, entrepris ces dernières semaines de rappeler Kigali à l'ordre. Les Pays-Bas ont lancé le mouvement, mettant en suspens une aide de cinq millions d'euros prévue pour soutenir le système judiciaire. La Grande-Bretagne (20 millions d'euros) et l'Allemagne (21 millions d'euros) leur ont emboîté le pas. « Ce faisant, les Européens ont profité de l'opportunité qui leur était offerte pour recouvrer un minimum de dignité diplomatique par rapport à des faits qu'ils connaissent et qui sont documentés. Par le passé, ils ne sont pas intervenus parce que le Rwanda pratiquait un chantage à la déstabilisation de la région. Mais celle-ci s'est aggravée, au point que la situation est devenue intenable », analyse M. Guichaoua.

Ces « suspensions en cascade », fait inédit, s'apparentent à un désaveu personnel pour Paul Kagame, longtemps considéré – et porté aux nues – par les bailleurs de fonds étrangers comme le principal architecte du redressement économique du pays après le terrible génocide de 1994 (800.000 victimes). De fait, quelle autre nation d'à peine dix millions d'âmes et au passé si tragique peut se targuer d'avoir connu, au cours des cinq années écoulées, un taux de croissance moyen de son PIB de 8,2 % – taux qui, aux dires des autorités, aurait permis de tirer un million de personnes de la pauvreté en pleine crise mondiale ?

Aujourd'hui, ce succès ne suffit toutefois plus à faire taire les critiques. Aux accusations répétées d'ingérence en RDC, Paul Kagame oppose les dénégations les plus fermes, arguant notamment qu'une telle politique « serait contraire aux intérêts de son pays ».

« Nous ne fournissons pas un seule balle [aux rebelles congolais]. Nous ne l'avons pas fait et nous le ferons pas », a-t-il assuré. L'argument ne convainc personne. Les élites rwandaises ont largement profité, et profitent toujours, des richesses minières que recèle le sous-sol congolais3 (cobalt, cuivre, étain, or). Selon certaines estimations, le fruit de ce « pillage institutionnalisé » rapporterait à Kigali plusieurs dizaines de millions de dollars par an. Une richesse sciemment mise sous le boisseau, qui a aussi son intérêt politique. « Grâce aux canaux parallèles, la nomenklatura achète la paix sociale. L'ordre qui règne à Kigali et les aspirations de Kagame à faire du Rwanda le Singapour du continent africain d'ici à 2020 sont financés par ce biais-là », pointe André Guichaoua.

3 Parmi les réalisations de l’urbanisme de prestige de Kagame, figure une nouvelle avenue de Kigali, bordée de belles habitations de privilégiés du régime. Le peuple, qui n’a pas attendu les experts de l’ONU pour savoir d’où viennent ces fortunes, l’appelle « l’Avenue du Congo ».

(18)

Y a des ours au Rwanda ?

Impossible de se tromper : Kagame est à droite !

Par Guy De Boeck

On en jurerait à lire certains commentaires qui s’empressent de vendre la peau d’un ours nommé Paul Kagame. Nous pouvons comprendre cette réaction de la part de la presse congolaise, frustrée d’avoir vu une montagne (le Sommet de Kampala) accoucher d’une souris. Mais lorsque Le Potentiel du 11 août titre en manchette « Retombées de la guerre dans l’Est de la Rdc : L’après-Kagame a commencé », il ne fait que reprendre un « papier » d’Aymeric Janier, paru dans Le Monde. Il est vrai que la France aussi, si elle n’a pas souffert directement dans sa chair, a avalé des couleuvres et souffert des humiliations du fait de Kagame. A la lecture de tout cela, néanmoins, on se sent une envie irrésistible de rappeler qu’il ne faut pas vendre trop vite la peau de l’ours !

Il écrit notamment que « le glas sonne pour Paul Kagame et son régime car le faisceau d’informations disponibles démontre que la fin de la dictature installée à Kigali est proche. Le processus a atteint sa maturation, poursuit ce journal. Suspension des aides en cascades, succession des remontrances publiques, etc, le régime de Kigali est aux abois.

Signe des temps, les Etats-Unis formeraient déjà des officiers rwandais de demain, révèle ce journal. L’hymne étant entonné, l’œuvre de ceux-là même qui ont façonné celui qui passait pour le gendarme de la sous-région des Grands Lacs

La politesse diplomatique prend de plus en plus le dessus sur l’admiration maintes fois renouvelée en direction de l’homme fort de Kigali. L’idylle aura totalisé 18 ans d’hypocrisie. Sur le trajet de sa gloire, des millions de Congolais sont tombés à cause des excès d’un voisin belliqueux décidé à tout régenter par la violence, profitant allégrement de la maladresse d’une communauté internationale acquise à sa cause ».

Or, les motifs invoqués pour commander pratiquement déjà un enterrement de 1°

classe pour Kagame sont assez minces ! Les voici ; « Le énième rapport des experts des Nations unies produit le 27 juin 2012 a mis à nu les travers du soutien rwandais apporté à la mutinerie menée par le M23. »

(19)

N’est-ce pas là un échec plutôt qu’un succès ? En effet, à eux seuls, les interrogatoires de prisonniers par la Monusco ont montré que certaines recrues envoyées au Congo croyaient avoir été engagés par l’Armée Rwandaise, et ceci dès février, alors que la rébellion date d’avril ! Il s’agit donc d’une attaque, sinon de l’armée, du moins de « paramilitaires » rwandais, et la date de la rébellion était connue à l’avance au Rwanda. Quand on on en est là, on ne « soutient » plus un mouvement, on l’organise ! En fait, tant qu’on en reste à parler de

« soutien apporté à la mutinerie menée par le M23 », on se situe à ‘intérieur de ce qui est compatible avec la position officielle rwandaise : « M23 = affaire intérieure congolaise ».

« Après les Nations unies, poursuit-on, d’autres pays ont emboîté le pas, allant, à l’instar des Pays-Bas, des Etats-Unis et de l’Allemagne, jusqu’à geler leur assistance financière à Kigali. Depuis un temps, le parfait amour avec les soutiens financiers de Kigali traverse une zone de très fortes turbulences. Leurre ? Fantasme ?Pas évident que ce changement de ton ne soit que l’effet d’une colère passagère de la part des maitres du monde.

Le lâchage semble être le terme qui convient dans le cas de Paul Kagame ».

Il nous paraît scabreux de mettre sur le même pied les Etats-Unis d’une part, les Pays- Bas et l’Allemagne de l’autre. Les Etats-Unis ont fait un geste surtout symbolique. Qu’est-ce que 200.000 $ dans e budget d’un état ? Les Pays-Bas et l’Allemagne ont fait des coupures réelles, qui se chiffrent en millions. Seulement, cela doit s’assortir d’un solide bémol, en ce sens que tout comme les particuliers, les états font volontiers ce dont ils ont envie, surtout si on leur donne l’occasion de paraître agir pour des raisons morales et nobles. On connaît la situation difficile de la zone euro. Il faut faire des économies, si possible dans des secteurs ou pour des motifs que l’opinion publique puisse approuver. Economiser, comme l’Allemagne, 41 millions € avec la bonne conscience de lutter contre une dictature… Inutile de dire qu’Angela Merkel n’a pas laissé passer l’occasion !

Certes, comme le dit Mr. Janier « Les jurisprudences ne manquent pas. La plus récente dans la sous-région des Grands Lacs est le traitement dégradant infligé au régime Mobutu, après de multiples services rendus à l’Occident ». Mais on peut quand même se demander s’il ne va pas fort loin dans son paragraphe « L’isolement se précise », où il écrit :

« Tout commence par des écarts dans le langage. Quittant les traditions diplomatiques, des congressmen américains sont montés au créneau exigeant qu’aucune négociation ne soit amorcée avec Kigali, sans au préalable obtenir la fin du soutien apporté au M23. De passage à Johannesburg, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, est allé dans le même sens. Elle a, à cet effet, exigé l’arrêt de tout soutien au M23, allant jusqu’à entrevoir des poursuites pénales à l’encontre des responsables du drame humanitaire de l’Est de la RDC ».

Encore une fois, je ne crois pas qu’il y at de quoi emboucher les trompettes d’Aida au sujet de ce « soutien au M23 ». Je viens de m’en expliquer. La suite est, s’i est possible, encre plus minc !

« Pour corser les choses, la sortie médiatique du général Kayumba vient ébranler, depuis son exil en Afrique du Sud, le mythe entretenu autour de la personne du président rwandais. L’ancien chef d’état-major de l’armée rwandaise a poussé trop loin, qualifiant au passage Paul Kagame de «Hitler» !

« En même temps, les diasporas congolaise et rwandaise ne cessent de se mobiliser pour dénoncer les actions barbares perpétrées par le régime de Kigali dans l’Est de la RDC ». J’avoue avoir les doutes les plus extrêmes sur l’attention passionnée que les gouvernements et les diplomates sont susceptibles de réserver aux révélations des militaires ou politiciens en exil, ainsi qu’aux manifestations des diasporas en tous genres. O se hâte de faire état de ce genre de choses quand on cherche des arguments pour étayer sa position.

Sinon, on s’abstient de les voir ou de les entendre.

(20)

Il est cependant exact qu’une certaine attitude arrogante de Kagame a fini par lasser et que certaines protestations, notamment congolaises, on réussi ,à se faire entendre. Comme le dit l’article : « C’est en embouchant, à tous les coups, le même refrain, que le jeu de Kigali a fini par fatiguer ses soutiens occidentaux. La neutralisation des génocidaires FDLR présentés comme prétexte à des incursions armées à l’intérieur des frontières congolaises, accompagnée d’actes de prédation ne pouvait pas laisser indifférente et indéfiniment inactive l’opinion publique internationale.

« Une étude commandée par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), atteste que «près de 17,3 millions de Congolais se trouveraient en état d'insécurité alimentaire aiguë». Mis dans l’impossibilité de se rendre aux champs, ces déplacés internes sont devenus un problème pour le pays ainsi que la communauté internationale. Cela ne devrait pas durer indéfiniment ».

Oui, Kagame a essuyé des revers. Son image est nettement ternie, surtout si l’on tient compte de ce que ses alliés anglo-saxons le surestimaient bien davantage que l’opinion francophone. De là à annoncer déjà sa fin prochaine, il y a de la marge. Les Congolais sont payés pour le savoir : durant les vingt dernières années du régime Mobutu, on a annoncé au moins une fois par an que le dictateur était « fini » et « aux abois ».

Ceci nous amène à un deuxième point, si « la descente aux enfers » avait effectivement commencé pour Kagame, si la thèse selon laquelle les Etats-Unis lui formeraient déjà un successeur s’avérait vraie, cela ne présagerait pas forcément de bonnes choses. Car le successeur de Kagame, s’il est formé par les Américains, aura la même politique favorable aux intérêts de la haute finance et maintiendra donc la guerre qui est la source de ses profits. De plus, ce successeur se trouvera toujours confronté avec la même situation que Kagame : le Rwanda est pauvre en ressources et surpeuplé, alors que l’Est du Congo est riche en ressources et peuplé beaucoup moins densément. Un changement de Président ne signifierait donc pas forcément un changement de politique.

« Selon des sources concordantes, des Américains formeraient déjà «des officiers rwandais de demain». Des officiers formés pour protéger les populations et non pour perpétrer des violences et la prédation dans la sous-région. Pour Washington, la répression devait céder sa place à l’émergence de la démocratie. Pressé comme un citron, Paul Kagame est en train de subir le même sort que Mobutu qui a servi pendant un cycle. Le temps de Kagame est arrivé à terme, susurre-t-on dans certains milieux spécialisés. Sa succession étant en préparation, le plus important est de veiller sur la qualité des acteurs à venir. Kagame a fait son temps. Il a servi une cause, il ne sert plus à rien pour ses mentors, fatigués par son manque de modération dans la violence et la prédation. La roue de l’histoire tourne. Pour l’instant, c’est en défaveur de celui qui se faisait passer pour le point focal de la politique américaine dans la région des Grands Lacs.

Le feuilleton Kagame, qui ne fait que commencer, est une belle leçon pour tous les dirigeants africains qui travaillent pour les intérêts étrangers et contre ceux de l’Afrique et des Africains ».

Là, la plume d’Aymeric Janier nous semble s’égarer dans le surréalisme le plus pur ! Depuis quand Washington serait-il hostile à « tous les dirigeants africains qui travaillent pour les intérêts étrangers et contre ceux de l’Afrique et des Africains » ? ». Dans quel film a-t-il vu cela ?

A en croire beaucoup d’analystes, une « alternance » en préparation pour le Rwanda (« alternance » est à « coup d’état » ce que « postérieur » est à « cul » : c’est la même chose, mais le mot ne fait pas sursauter dans les meilleurs salons). En faisant fi des coups de semonce lancés par ses principaux partenaires, le Rwanda accentue son propre isolement et

(21)

joue une partition délicate. Diplomatiquement, d'abord, car il brigue toujours un siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Financièrement, ensuite, dans la mesure où l'aide étrangère représente près de la moitié de son budget (45 %). Les Occidentaux pourraient-ils finir par rompre tout lien avec leur partenaire ? L'hypothèse, juge M. Guichaoua, est inenvisageable à court terme. « Il n'existe pas dans la région d'autre puissance susceptible d'assurer la cohésion en matière d'ordre et de stabilité4. De fait, Kigali a les coudées franches. En outre, tant que Kabila et Kagame n'abattront pas clairement leurs cartes sur ce qu'ils attendent de cette nouvelle confrontation, les chancelleries occidentales ne pourront pas aller plus loin », observe-t-il.

Sur le front intérieur, Paul Kagame, au pouvoir depuis avril 2000, a en grande partie perdu son aura d'invincibilité. Ses opposants, toujours plus nombreux, fustigent un pouvoir « solitaire » et « autoritaire », coupable de multiples violations des droits de l'homme.

L'intéressé, lui, s'en défend véhémentement. Reste que beaucoup, mezza voce, travaillent déjà à l'alternance. «C'est aussi la raison pour laquelle les Américains ne sont pas inquiets, conclut M. Guichaoua. D'ailleurs, eux-mêmes ont commencé à préparer les officiers rwandais de demain...»

Troisièmement, si l’on considére l’ventuelle chute de Kagame, non sous l’angle rwandais, mais du point de vue de la RDC, se pose la question : la situation de l’Est est-elle créée par le seul Kagame ?

Non ! Elle dépend fondamentalement de la bourgeoisie congolaise, telle qu’elle s’est formée sur les spoliations de la 2° République, avec cette particularité que, dans les Kivu, cette classe privilégiée qui jouit de la solidarité de tous les autres prédateurs à travers le Congo, est pour une bonne part allochtone et bénéficie de la complicité du Rwanda.

Complicité bien payée, soit, mais un complice n’est pas le responsable principal !

Autour de la chute de Mobutu, la « guerre de l’AFDL » est l’objet de polémiques pour des raisons qui ont moins de rapport avec les faits eux-mêmes qu’avec la légitimité du régime qui a succédé à celui de LDK.

Il existe de cette guerre deux versions fortement contrastées. Les uns en font une première agression rwandaise pour laquelle l’AFDL n’aurait été qu’un prétexte. Pour les autres il s’est bien agi d’une guerre révolutionnaire de libération. Il est à remarquer que très fréquemment ceux-là même qui réduisent le rôle de l’AFDL à celui de « boys des Rwandais » leur attribuent cependant un rôle essentiel dans certains massacres, ce qui est au rebours de toute logique. Se greffe encore là-dessus la question des « accords de Lemera » par lesquels une partie du Congo aurait été « cédée » au Rwanda en compensation pour son appui à l’AFDL. L’existence même de ces accords est sujette à discussion. Le simple fait que Mzee

4 Ce rôle a été joué autrefois par le Zaïre de Mobutu. Outre la déliquescence de son armée, qui est fondamentalement question d’argent, se pose toutefois le problème de la légitimité de son régime politique Les élections du 28/11/11 ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins.

Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats partiels constatés par ses observateurs. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à jamais inconnus. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli. Pour le moment, JKK s’efforce de « surfer » sur la vague de patriotisme soulevée par la guerre de l’Est pour faire oublier cette élection

« douteuse ». Il va déchanter en s’apercevant que la solution du problème de l’Est passe, comme tout le reste, par la solution de ce roblème de égitimité.

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

Plus d’un observateur, notamment les ONG présentes à proximité, ont fait remarquer à plusieurs reprises que la Guerre de l’Est du Congo ne devrait pas s’apprécier

La première et la plus évidente réside dans le fait qu’à l’instar des autres politiques européennes, la politique d’agrocarburants est le résultat d’un rapport de

(Une version amputée de cet article est parue en janvier 2001 dans MTM 2281) La République démocratique du Congo a perdu tous les attributs de sa souveraineté. Le

Un tel projet soulève un certain nombre de problèmes, à commencer par celui de savoir si – supposant que l’idée même de « société civile » ait un sens – une société

Dans tout le monde arabe, les jeunes (« chebab ») - aisés ou désœuvrés, politisés ou non – ont joué un rôle catalyseur. Force motrice de ces mouvements, la jeunesse a été

De ce qui précède, l’APRODEC asbl plaide pour l’arrêt pur et simple de l’actuel processus électoral et l’ouverture des concertations

Dans la même résolution 1778, le Conseil de sécurité autorise l’Union européenne à déployer, pour un an et dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l’ONU, une

Le jour où nous arriverons à inscrire cet autre façon de faire la politique dans notre réalité sociale, sans écraser personne, sans massacrer des enfants,