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Sommaire Année 2015 n°3

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le vendredi 10 avril 2015

Année 2015 n° 3 Sommaire

Géopolitique

Le plan de Washington pour les 10 prochaines années au Proche-Orient… page 1 Belgique

La Tradition qui ne passe pas… page 6

Ni menaces, ni répressions n'entameront la renaissance du mouvement syndical...Togo page 10

RDCongo

Le gouvernement dément l'origine illégale de bois intercepté par Greenpeace…

page 12

Maluku : que cache une fosse commune contenant plus de 400 cadavres ?…

page 14

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Géopolitique

Le plan de Washington pour les 10 prochaines années au Proche-Orient ou

Ce que vous ignorez sur les accords états-uno-iraniens

par Thierry Meyssan1

Depuis deux ans, les États-Unis négocient secrètement un cessez-le-feu régional avec l’Iran. Parvenus à un accord bilatéral, ils ont annoncé une solution au conflit nucléaire et aux sanctions économiques dans le cadre des négociations multilatérales qui traînaient depuis 2003.

Témoin privilégié, Thierry Meyssan révèle ce qui est en jeu dans cet imbroglio diplomatique et comment Washington entend organiser le Levant et le Golfe pour les 10 prochaines années.

John Kerry et Mohammad Javad Zarif ont conclu un pré-accord politique bilatéral secret. Ce faisant, ils ont conclu un accord public dans le cadre des négociations multilatérales 5+1.

Les pourparlers bilatéraux secrets

Depuis mars 2013, les États-Unis et l’Iran se parlent en secret. Ces contacts ont débuté secrètement à Oman. Pour les Iraniens, étouffés par un siège économique et monétaire sans précédent dans l’Histoire, il n’était pas question de céder face à l’impérialisme, mais de parvenir à un cessez-le-feu de quelques années, le temps de reprendre des forces. Pour les États-Unis, qui espèrent déplacer leurs troupes du Proche-Orient vers l’Extrême-Orient, cette opportunité devait s’accompagner de garanties précises que Téhéran n’en profiterait pas pour étendre un peu plus son influence.

L’équipe états-unienne était dirigée par deux négociateurs hors pair, Jake Sullivan et William Burns. On ignore qui composait la délégation iranienne. M. Sullivan avait été un des principaux conseillers de la secrétaire d’État Hillary Clinton, mais il n’en partageait ni le soutien

1Réseau Voltaire International | Damas (Syrie) | 6 avril 2015

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aveugle à Israël, ni la fascination pour les Frères musulmans. Il organisa les guerres contre la Libye et contre la Syrie. Lorsque Mme Clinton fut éjectée par le président Obama, il devint conseiller pour la Sécurité nationale du vice-président Biden. C’est à ce titre qu’il a engagé les pourparlers avec l’Iran. M. Burns, quant à lui, est un diplomate de carrière ; et, dit-on, l’un des meilleurs aux États-Unis. Il s’est joint aux discussions en qualité d’adjoint du secrétaire d’État John Kerry.

De ces pourparlers, deux décisions au moins sont sorties. D’abord, le Guide de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, veillerait à exclure Esfandiar Rahim Mashaie —l’ancien responsable du Renseignement des Gardiens de la Révolution devenu chef de cabinet et parent par alliance de Mahmoud Ahmadinejad— de la course à la présidence. De la sorte, l’Iran baisserait le ton dans les instances internationales. Ensuite, les États-Unis veilleraient à faire également baisser le ton de leurs alliés anti-Iraniens et débloqueraient les négociations 5+1 sur le nucléaire de sorte à mettre fin aux sanctions.

De fait, à la surprise générale, le Conseil des Gardiens de la Constitution (dont la moitié des membres est nommée par l’ayatollah Khamenei) censura la candidature d’Esfandiar Rahim Mashaie, alors que les sondages le donnaient gagnant dès le premier tour. Grâce à la division du camp des Révolutionnaires, habilement entretenue par le Guide, le cheikh Hassan Rohani fut élu. C’était l’homme de la situation, ce religieux nationaliste, avait été le négociateur en chef pour le nucléaire de 2003 à 2005. Il avait accepté toutes les demandes européennes avant d’être relevé de ses fonctions par Mahmoud Ahmadinejad lorsque celui-ci devint président. M. Rohani avait suivi ses études de droit constitutionnel en Écosse et fut le premier contact iranien d’Israël et des États-Unis lors de l’Irangate. Lors de la tentative de révolution colorée de 2009, organisée par la CIA avec l’aide des ayatollahs Rafsanjani et Khatami, il prit position pour les pro- Occidentaux contre le président Ahmadinejad. Au passage, son appartenance au clergé permettrait aux mollahs de reprendre l’État aux Gardiens de la Révolution qui en avaient pris le contrôle.

De leur côté, les États-Unis donnaient instruction à leurs alliés saoudiens de baisser également le ton et d’accueillir avec bienveillance le nouveau gouvernement iranien. Durant quelques mois, Riyad et Téhéran se firent des sourires, tandis que cheikh Rohani entrait en contact personnel avec son homologue états-unien.

Le plan de la Maison-Blanche

L’idée de la Maison-Blanche était de prendre acte des succès iraniens en Palestine, au Liban, en Syrie, en Irak et au Bahreïn et de laisser Téhéran jouir de son influence dans ces pays en échange d’un renoncement à poursuivre l’expansion de sa Révolution. Ayant abandonné l’idée de partager le Proche-Orient avec les Russes, Washington envisageait de le distribuer à l’Arabie saoudite et à l’Iran avant de retirer ses troupes.

L’annonce de cette possible division renforça soudainement la lecture des événements régionaux en un conflit sunnites (Saoudiens)- chiites (Iraniens), ce qui est absurde car la religion des chefs de file ne correspond souvent pas à celles de leurs soutiens. Cependant, cette division ramenait le Proche-Orient à la période du Pacte de Bagdad2, c’est-à-dire de la Guerre froide,

2Le Traité d’Organisation du Moyen-Orient (CENTO) ou « Pacte de Bagdad » était une alliance régionale, d’abord pilotée par Londres, puis par Washington bien que les États-Unis n’en soient pas membres, pour contenir l’influence soviétique tout autant que pour arrimer les puissances pro-Occidentales. Il fut signé en 1955 et se

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sauf que l’Iran prenait la place de l’URSS et que les zones d’influence étaient réparties différemment.

Outre que cela ne pouvait que vexer l’actuelle Fédération de Russie, ce nouveau partage faisait revenir Israël à l’époque où il ne disposait pas du parapluie états-unien. Inacceptable du point de vue du Premier ministre Benjamin Netanyahu, partisan de l’expansion de son pays

« du Nil à l’Euphrate ». Il tenta donc tout ce qui était en son possible pour saboter la suite du programme.

C’est pourquoi, alors qu’un accord sur le nucléaire avait été trouvé à Genève début 2014, la négociatrice états-unienne, Wendy Sherman, s’appuya sur les revendications israéliennes pour faire monter les enchères. Elle affirma soudainement que Washington ne se contenterait pas de garanties sur l’impossibilité pour l’Iran de construire la bombe atomique, mais demandait aussi des garanties sur son renoncement à développer des missiles balistiques. Cette surprenante exigence fut repoussée par la Chine et la Russie qui firent valoir qu’elle ne ressortissait pas du Traité de non-prolifération et de la compétence des 5+1.

Ce rebondissement atteste que la bombe atomique n’a jamais été la préoccupation des États-Unis dans cette affaire, même s’ils ont utilisé ce prétexte pour contenir l’Iran avec un terrible siège économique et monétaire. Au demeurant, le président Obama l’a implicitement reconnu, lors de son discours du 2 avril, en faisant allusion à la fatwa du Guide de la Révolution interdisant ce type d’arme3. En réalité, la République islamique d’Iran a cessé son programme nucléaire militaire peu après la déclaration de l’ayatollah Khomeiny contre les armes de destruction massives, en 1988. À partir de quoi, Téhéran n’a poursuivi que des recherches civiles, même si certaines pouvaient avoir des implications militaires, pour faire tourner les moteurs de bâtiments de guerre par exemple. La position de l’imam Khomeiny a pris force de loi avec la fatwa de l’ayatollah Khamenei, le 9 août 20054.

Quoi qu’il en soit, Washington considérant que Benjamin Netanyahu est un « fanatique hystérique », a passé l’année 2014 à trouver une entente avec Tsahal. Progressivement l’idée s’est imposée que, dans le partage régional entre l’Arabie saoudite et l’Iran, on devait imaginer un système de protection pour la colonie juive. D’où le projet de créer une sorte de nouveau Pacte de Bagdad, d’Otan régional, officiellement placé sous présidence saoudienne de manière à être acceptable par les arabes, mais en réalité présidé par Israël comme l’ancien Pacte était de facto présidé par les États-Unis qui n’en étaient pourtant pas membres. Ce projet a été rendu public par le président Obama dans sa Doctrine de sécurité nationale, le 6 février 20155.

L’accord nucléaire et la fin des sanctions furent donc remis à plus tard. Washington organisa la révolte de Tsahal contre Benjamin Netanyahu, convaincu que le Premier ministre ne resterait pas longtemps au pouvoir. Mais, malgré la création de Commanders for Israel’s Security et les appels de presque tous les anciens officiers supérieurs à ne pas voter Netanyahu,

termina en 1974 avec la guerre turco-chypriote. Il fut officiellement dissous en 1979 par la Révolution iranienne.

Il comprenait l’Irak, l’Iran, le Pakistan, la Turquie, le Royaume-Uni.

3“Barack Obama on Framework to Prevent Iran from Obtaining Nuclear Weapons”, by Barack Obama, Voltaire Network, 2 April 2015.

4On trouvera une étude très complète de la crise nucléaire iranienne dans : «Qui a peur du nucléaire civil iranien ?», par Thierr Meyssan, Réseau Voltaire, 30 juin 2010.

5«Obama réarme», par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 9 février 2015.

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celui-ci parvint à convaincre son électorat qu’il était le seul à défendre la colonie juive. Il fut réélu.

Concernant la Palestine, Washington et Téhéran étaient convenus de geler la situation d’Israël et de créer un État palestinien, conformément aux accords d’Oslo. M. Netanyahu, qui espionnait non seulement les négociations des 5+1, mais aussi les pourparlers bilatéraux secrets, réagit vivement en annonçant publiquement que, lui vivant, jamais Israël ne laisserait reconnaître d’État palestinien. Il déclarait de la sorte que Tel-Aviv n’entendait pas respecter sa signature des accords d’Oslo et menait des négociations avec l’Autorité palestinienne depuis une vingtaine d’années uniquement pour gagner du temps.

La Force arabe commune

Pressé d’en finir, Washington et Londres choisirent la rébellion yéménite pour conclure.

Les chiites houthis alliés aux soldats fidèles à l’ancien président Saleh avaient exigé et obtenu la démission du président Hadi qui s’était soudain ravisé. À vrai dire ce dernier n’était plus ni légal, ni légitime depuis longtemps. Il avait été prorogé au pouvoir à l’issue de son mandat sur la base d’engagements qu’il n’avait jamais envisagés de respecter. Ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni n’avaient de sympathie particulière pour aucun des deux camps qu’ils avaient alternativement soutenus à des moments différents. Ils laissèrent donc l’Arabie saoudite affirmer que cette révolution était un coup d’État et tenter une nouvelle fois d’annexer ce pays.

Une opération militaire fut montée par Londres pour soutenir Aden depuis l’État pirate du Somaliland. Simultanément, prétextant de la crise yéménite, la Ligue arabe rendit publique la partie arabe du nouvel Otan régional : la Force commune arabe.

Trois jours plus tard, l’accord des 5+1 qui avait été négocié un an plus tôt était également rendu public6. Toutefois, entre temps, le secrétaire d’État John Kerry et son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, passaient en revue durant une journée complète tous les points politiques en discussion. Il était décidé que Washington et Téhéran feraient baisser la tension en Palestine, au Liban, en Syrie, en Irak et au Bahreïn durant les trois prochains mois et que l’accord de Genève ne serait signé que fin juin et pour 10 ans si les deux parties avaient tenu parole.

Conséquences

Il est probable que M. Netanyahu tentera à nouveau, au cours des trois prochains mois, de faire échouer le plan états-unien. Il ne serait donc pas étonnant que l’on assiste à des actions terroristes ou à des assassinats politiques non revendiqués, mais dont la responsabilité serait attribuée à Washington ou à Téhéran de manière à empêcher la signature prévue le 30 juin 2015.

Logiquement, Washington encouragera donc une évolution politique en Israël limitant les pouvoirs du Premier ministre. Il faut prendre dans ce sens le discours très dur du président Reouven Rivlin lorsqu’il a chargé M. Netanyahu de former le prochain gouvernement.

6“Parameters for a Joint Comprehensive Plan of Action regarding the Islamic Republic of Iran’s Nuclear Program (summary)”, Voltaire Network, 2 April 2015.

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Le Yémen n’a jamais été examiné dans les discussions bilatérales. Si l’accord est signé, ce pays pourrait donc rester le seul point de conflit dans la région durant les 10 années à venir.

Alors que Washington conclut un accord avec Téhéran et promeut une alliance militaire autour de l’Arabie saoudite, il mène une politique inverse avec les sociétés de ces États. D’un côté, il favorise une division de la région entre États, de l’autre il fragmente les sociétés au moyen du terrorisme et vient même de créer un sous-État terroriste, l’Émirat islamique (« Daesh »).

Originellement, les États-Unis avaient prévus de constituer la Force commune arabe avec les États du Golfe et la Jordanie, voire ultérieurement le Maroc. Il y a là une cohérence entre les régimes concernés. Cependant, Oman s’est tenu à l’écart bien que membre du Conseil de coopération du Golfe. Tandis que l’Arabie saoudite tente de jouer de son influence pour y inclure à la fois l’Égypte et le Pakistan, bien que ce dernier ne soit pas arabe.

Concernant l’Égypte, Le Caire n’a aucune marge de manœuvre et doit répondre positivement à toutes les sollicitations sans jamais s’engager dans les actes. Le pays n’a aucun moyen de subsistance et ne peut nourrir sa population que grâce à l’aide internationale, c’est- à-dire grâce à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, à la Russie et aux États-Unis.

L’Égypte se trouve embarquée dans l’opération « Tempête décisive » au Yémen, toujours aux côté des gens du Sud comme lors de la guerre civile (1962-1970), sauf que les anciens communistes sont devenus membres d’al-Qaïda et que Le Caire est désormais l’allié de la monarchie saoudienne. À l’évidence, l’Égypte devrait chercher à se retirer au plus tôt de ce bourbier.

Au-delà du Levant et du Golfe, l’évolution régionale va poser des problèmes à la Russie et à la Chine. Pour Moscou, si le cessez-le-feu de 10 ans est une bonne nouvelle, il est amer de devoir abandonner ses espérances au profit de l’Iran au seul motif d’avoir tardé à reconstituer ses forces après la dissolution de l’URSS. D’où l’accord conclu avec la Syrie pour développer le port militaire de Tartous. La marine russe devrait se réinstaller durablement en Méditerranée, à la fois en Syrie et à Chypre.

Concernant la Chine, le cessez-le-feu états-uno-iranien se traduira rapidement par un transfert des GI’s du Golfe vers l’Extrême-Orient. D’ores et déjà, le Pentagone envisage de construire la plus grande base militaire du monde à Brunei. Pour Pékin, mettre son armée à niveau est désormais une course de vitesse : la Chine doit être prête à affronter l’Empire états- unien avant que celui-ci ne soit en capacité de l’attaquer.

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Belgique

Les Noirauds agissent pour la bonne cause, mais ne véhiculent-ils pas des clichés datant de l'époque coloniale ? © Nick Hannes/Cosmos

La Tradition qui ne passe pas

Par Jean-Pierre Stroobants7

Un ministre belge des affaires étrangères grimé comme un « roi nègre » pour récolter des fonds en faveur d'une œuvre de charité : bonne ou mauvaise idée ? Pour le ministre ? Pour l'image de la Belgique ? Depuis quelques jours, une drôle de polémique agite la capitale belge.

Selon certains de ses habitants, l'histoire des « Noirauds », une fête traditionnelle bruxelloise qui fut récemment racontée un matin sur France 2 par son correspondant local, François Beaudonnet, ne vaut pas qu'on s'y attarde, surtout sous le regard d'un journaliste français. Pour d'autres, il était au contraire bienvenu de souligner une telle incongruité : que le chef de la diplomatie d'un pays européen se balade dans les rues le visage noirci et portant haut- de-forme, habit et imposante médaille aux couleurs du royaume (noir, jaune et rouge) leur semblait totalement déplacé.

La conquête coloniale

La congrégation bruxelloise des Noirauds est née à la fin du XIXe siècle pour sauver une école du quartier des Marolles, une zone très populaire de la capitale belge. L'époque est marquée par la conquête coloniale sous l'impulsion du très contesté roi Léopold II, qui va

7Le Monde Bruxelles, bureau européen, le 07.04.2015

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annexer, en son nom propre, l'Etat indépendant du Congo – aujourd'hui République démocratique du Congo – en 1885, avant de le céder plus tard à son pays. Vaste épopée à propos de laquelle les historiens n'ont pas fini de se disputer, les uns célébrant le « roi bâtisseur », les autres dénonçant un tyran dont la mégalomanie allait causer des milliers de morts.

Toujours est-il que les bourgeois de l'époque aiment se grimer et s'habiller comme des personnages de carnaval pour lancer une collecte. Le noir charbon est très à la mode et leur permet, en outre, de ne pas être reconnus par leurs congénères qu'ils sollicitent dans les restaurants chics, les salles de spectacle et les clubs mondains. L'école des Marolles est sauvée, la tradition s'installe et, depuis 1876, les Noirauds sortent chaque deuxième samedi du mois de mars pour faire une quête destinée à payer les frais scolaires, les soins ou les voyages de gamins dans le besoin.

Vieilles images d'amuseurs hilares

Aujourd'hui, les Noirauds aident aussi de jeunes mères détenues. Cette noble tradition charitable doit-elle s'embarrasser pour autant d‘un cérémonial vieux de cent quarante ans ? Avocats, comédiens, patrons et hommes politiques ne pourraient-ils récolter suffisamment d'argent s'ils apparaissaient à visage découvert ? Et dans une ville aussi multiculturelle que Bruxelles – elle compte notamment une importante communauté congolaise –, que représente une tradition qui se voulait peut-être humoristique mais est désormais confrontée aux nouvelles réalités d'un monde où les Noirs ont réussi à se défaire de vieilles images d'amuseurs hilares ou de rois de pacotille ? Manifestement, les Belges ne souhaitaient pas se poser ce genre de questions. Mais qu'un journaliste français, qui est loin de détester son pays d'accueil, la pose, lui, et voilà qu'ils se sentent étrangement provoqués. Atteints, peut-être, dans leur honneur national.

Depuis la diffusion de son reportage, les confrères belges de François Beaudonnet, pourtant guère avares de critiques sur le fonctionnement de leur pays en général, lui sont littéralement tombés dessus, souvent sans humour et avec condescendance. « Vous avez sali l'image de la Belgique », a tweeté un journaliste. « Ce n'est pas un sujet, les Noirauds ne sont pas racistes », a écrit un autre.

C'est une autre coutume bien ancrée chez les sujets du roi Philippe que de détester le regard critique qu'un étranger, a fortiori s'il est français, peut porter sur eux et leurs habitudes.

Mais ils savent désormais que leurs voisins du Sud ne sont pas les seuls à s'intéresser à leurs drôles de coutumes : un tweet de l'actrice Mia Farrow qualifiant le comportement du ministre des affaires étrangères de « choquant et embarrassant » a été relayé des dizaines de milliers de fois.

*

Simple avis d’un indigène de la capitale belge

J’ai été fort étonné à la lecture de l’article de Mr. Strroobants, qui doit probablement être, tout de même, un de mes compatriotes et, du moins je le suppose, habiter la même ville que moi. En effet, il m’a fallu lire Le Monde pour apprendre qu’une « drôle de polémique agite la capitale belge ». On polémiquait donc dans tout Bruxelles, et je devais être seul à ne le point

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savoir ! De plus, l’angoisse m’étreignait en songeant au sort atroce de Mr. François Beaudonnet, livré tout cru à la vindicte des journalistes belges (tribu particulièrement féroce).

Vérification faite, l’existence de cette « polémique » était inconnue dans les deux cafés belges les plus proches, n’avait pas retenu l’attentionn de la serveuse du café espagnol, n’était pas venue aux oreilles du boulanger marocain, du personnel de la superette polonaise d’en face et demeurait inconnue de nos quatre épiciers, que ce soit le marocain, l’albanais, le pakistanais ou l’afghan. Je me sentais déjà un peu soulagé en constatant ainsi que mon ignorance était partagée par une partie notable de la Communauté Internationale.

Toutefois, je me sentais encore torturé par une angoisse métaphysique remontant sournoisement des tréfonds fangeux d’une objection psychologique sous-jacente tapie je ne sais où. Après tout, on peut parfois gaffer sans le vouloir et sans s’en rendre compte. Pourrait-il donc y avoir un lien entre le Conservatoire africain (nom officiel des « noirauds ») et le racisme, et s’agirait-il là d’un vestige de la colonisation ?

Le Conservatoire africain, aussi connu sous le nom d’Oeuvre royale des berceaux Princesse Paola, est une association caritative bruxelloise créée en 1876, qui se consacre à l'aide à l'enfance. La date même de 1876 suffit à écarter l’hypothèse d’une allusion au Congo qui, à l’époque, était encore une tache blanche sur la carte du monde. L’Etat Indépendant du Congo fut créé par la Conférence de Berlin qui se termina en 1885. Ce n’est qu’alors que les Belges apprirent, avec quelque stupéfaction, que leur roi Léopold II s’était lancé dans la colonisation.

La particularité des « Noirauds » est de lever des fonds essentiellement par l'intermédiaire d'une activité quasi folklorique, puisque les collectes sont faites par les membres déguisés en « noirauds », c'est-à-dire en pseudo rois noirs, et que ces collectes se font surtout pendant la période de carnaval avec un cortège de carnaval en point d'orgue.

C'est à la suite du rude hiver 1876 qu'à l'instigation de Jean Bosquet, un groupe d'amis décida de profiter du carnaval pour collecter en faveur d'une crèche de Bruxelles qui était au bord de la faillite. Le milieu du XIX° siècle est une période de splendeur en ce qui concerne les festivités carnavalesques. C’est, par exemple, en 1876 qu’a lieu, au Carnaval de Nice, la première bataille de fleurs. Les bals costumés étaient alors, beaucoup plus qu’aujourd’hui, une pratique courante dans les classes bourgeoises, les déguisements étaient beaucoup plus rarement loués mais plutôt confectionnés (à la maison ou au dehors, par des professionnels) et il y avait véritable « mode » en matière de travestis, souvent liée à la dernière pièce de théâtre à succès ou tout simplement à l’actualité.

Les collecteurs désirant rester anonymes, ils décidèrent de se déguiser, et de dissimuler leurs traits en se noircissant le visage. Réalisé à l’aide de bouchon brûlé, ce « noircissage » était également dans les mœurs du temps, comme gage (par exemple pour le perdant d’une partie de carte), comme farce ou pour dissimuler ses traits… parfois en vue d’un mauvais coup8. Coup de chance : comme une Conférence géographique internationale venait de se tenir à Bruxelles sous l'impulsion de Léopold II et avait débouché sur la création de l'Association internationale africaine, l'Afrique était à la mode et le maquillage noir, idéal pour le camouflage, était exactement au goût du jour.

Accompagnée d'une fanfare burlesque, l'opération fut un franc succès et elle se pérennisa. Elle s'intitula d'abord Conservatoire de Zanzibar. Elle devint alors Conservatoire africain, et étendit son aide à tout le pays. Le Conservatoire devint ASBL en 1925, et transforma

8Il est d’ailleurs toujours usité dans les camouflages militaires.

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son nom en "Œuvre Royale des Berceaux Princesse Paola – Conservatoire Africain" lorsqu'il reçut le patronage de la princesse Paola en 1959.

Le lien entre cette association et l’Afrique ou la colonisation est donc extrêmement ténu, pour ne pas dire inexistant. Reste la question posée par l’article : « Cette noble tradition charitable doit-elle s'embarrasser pour autant d‘un cérémonial vieux de cent quarante ans ? ».

Je suppose que ce ne sont pas les 140 ans qui dérangent. Sans quoi il faudrait jeter aux oubliettes tous les carnavals et tout le folklore du monde, y compris les arbres de Noël, l’Ommegang, les œufs de Pâques et les Saint Nicolas en chocolat ou en speculoos. Il est clair qu’il ne s’agit pas de cela et que ce que l’on veut dire c’est qu’il faut virer « un cérémonial vieux de cent quarante ans » s’il porte atteinte à quelqu’un, lui fait de la peine, l’offense en quoi que ce soit. Et c’est là que le bât blesse !

Mr. Stroobants nous dit aussi que Bruxelles, ville multiculturelle, compte notamment une importante communauté congolaise. Ajoutons que cette communauté ne se prive nullement d’informer les Belges de ce qu’elle pense, notamment de Léopold II et de son « œuvre civilisatrice », ou de « Tintin au Congo » et elle dénonce les actes racistes dont elle peut faire l’objet. Elle le fait elle-même, et crie suffisamment haut pour qu’on l’entende. Certains politiciens, il est vrai, sont sourds… Ça, c’est un problème de société, et il n’est pas seulement belge.

Les Noirs, disais-je, dénoncent eux-mêmes les choses qui les atteignent. Elever la voix pour se faire entendre, n’est-ce pas là un des plus hauts attributs de la dignité humaine ?

Certes, l’homme qui lance un cri d’alerte a droit à la réponse de tous ses frères humains de toutes couleurs, car la solidarité est la tendresse des peuples. Mais nous ne pouvons nous dire solidaires avec la souffrance et la lutte d’un autre homme que s’il les a exprimés lui-même d’abord !

Et c’est là que rien ne va plus. Car tout au long de l’exposé de cette « drôle de polémique », l’on n’a entendu aucune voix africaine. Jean-Pierre Stroobants, François Beaudonnet, Mia Farrow sont blancs.

C’est tellement bien intentionné, que cela semble anodin. En fait, c’est grave ! Parce que pour agir à la place d’un autre, il faut que celui-ci soit invalide, handicapé, ou encore dans l’enfance. Prétendre parler à la place des Noirs qui n’ont encore rien dit, c’est traiter les Noirs en « grands enfants » C’est une attitude paternaliste, colonialiste, finalement … raciste.

Et peut-être devrait-on suggérer à l’actrice de consacrer plutôt son temps sur Twitter à des choses plus proches d’elle : par exemple à ce divertissement de bon goût de policiers vidant leur chargeur dans le dos d’un Noir.

Il faut cependant admettre que les Belges ont souvent l’air mal pris lorsqu’il est question de l’Afrique et du XIX° siècle. Et ce qui leur donne cet air « gêné aux entournures », c’est le rôle joué, à cette époque, par Léopold II, Roi des Belges et souverain de l’EIC. Son rôle criminel, il l’a joué avant tout non comme Chef d’Etat, mais comme actionnaire principal (en fait, souvent unique » des compagnies « commerciales » avides des gros profits assurés alors par le « caoutchouc rouge ». Les crimes de Léopold II ont été des crimes de patron, de capitaliste, non des crimes de Roi. Il est assez facile aux Français de séparer les fautes d’officiers massacreurs comme Voulet et Chanoine ou des affairistes de « la Mpoko » de ce qui relevait des responsabilités de la République et de conclure que la robe de Marianne en sortait sans tache. Mais la position des Belges est néanmoins difficile en ce sens qu’il est infiniment plus difficile de séparer les responsabilités de l’homme d’affaire et celles du Chef d’Etat quand ils se trouvent réunis dans la même personne quand celle-ci, par-dessus le marché, se trouve être Roi des Belges.

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Cette impression est encore aggravée par le fait que les membres de la famille régnante ont hérité de la fortune qui a coûté entre cinq et huit millions de morts aux Congolais La fortune privée de ce monarque (et de sa famille) repose toujours sur le « bas de laine » que cet arrière- arrière-grand-tonton s’était fait sur le dos des Congolais. Circonstance aggravante : l’héritier, pas plus que ses prédécesseurs, n’a jamais eu un geste de regret ni de réparation…

L’Allemagne, à propos d’un nombre de morts du même ordre, a fait des excuses publiques…

Imaginez un instant que vous appreniez qu’un lointain parent par alliance, dont vous ignoriez jusqu’à l’existence, vient de décéder au fin fond de l’Arizona, et qu’en tant que plus proche parent, vous héritez d’une fortune colossale. Imaginez encore que cette bonne nouvelle soit assortie d’une autre : cet illustre inconnu avait amassé ses millions grâce au trafic de drogue, au racket, à la prostitution, le tout assaisonné d’un certain nombre de meurtres « classés sans suite faute de preuves »… Je ne sais ce que vous feriez. Pour ce qui me concerne, et comme je n’ai rien d’un saint, je crois que je prendrais l’argent. Mais j’en consacrerais une partie conséquente à réparer ces crimes. Vous aussi ? Eh bien… On voit bien que nous ne sommes pas Rois !

Guy De Boeck

Togo

Grève de la Synergie des Travailleurs du Togo (STT

)

Ni menaces, ni répressions n'entameront la renaissance du mouvement syndical

Par le Front des Organisations Démocratiques Togolaises en Exil9

Ce 8 avril 2015 à 5 heures du matin, une cohorte de soldats armés jusqu'aux dents ont bloqué toutes les artères des grandes villes du Togo. De Lomé à Mango en passant par Atakpamé, Kpalimé, Sokodé. Tout le territoire national était sous occupation militaire.

L'objectif de cette démonstration de force est de mater d'une main de fer le mouvement syndical

9TOGO EN LUTTE Site web: www.togoenlutte.org Contact: togoenlutte@gmail.com

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grandissant qui, aujourd'hui, porte hautement les revendications des travailleurs de tous les secteurs du pays.

En effet, en déchaînant une telle barbarie contre les syndicalistes qui militent au sein de la Synergie des Travailleurs du Togo (STT) d’une part et contre la jeunesse togolaise d’autre part, qui, est sortie massivement pour soutenir le mouvement syndical; le jeune despote Faure Gnassingbé vient de confirmer, une fois encore, aux yeux de tous, qu'il est le digne successeur de son père.

Malgré les intimidations et les interdictions proférées par le petit fasciste Gilbert Bawara qui rêve depuis un temps de mettre en fer les libertés démocratiques, les syndicalistes ont fait montre d'un immense courage et détermination pour sortir massivement afin de défier la dictature. Comme conséquence de cette épreuve de force : les forces répressives ont procédé à de nombreuses arrestations à Sokodé et à Lomé et ont utilisé abondamment des gaz-lacrymogène pour disperser les travailleurs, les jeunes et les bonnes femmes.

Malgré la fermeture -suprême provocation- du Centre communautaire de Tokoin afin d'empêcher la tenue de l'Assemblée Générale des travailleurs, ces derniers ont vite compris toutes ces manœuvres du pouvoir et se sont regroupés dans les ruelles adjacentes dans le but d’organiser leur assemblée et réunion devant les étalages des bonnes femmes qui vendaient sur les trottoirs.

En dépit des tentatives du pouvoir de diviser le mouvement syndical en faisant croire que les revendications diffèrent d'un secteur à un autre, les travailleurs ne se sont pas pris à ce jeu dangereux et malsain qui sert à émietter, à morceler le mouvement et surtout à briser la solidarité vitale et indispensable entre les travailleurs qui subissent la même exploitation et qui vivent les mêmes conditions de vies que tous les autres togolais. L'objectif du pouvoir est effectivement de diviser le mouvement à l'aide de statut précaire pour empêcher le rapprochement entre les ouvriers des mines, les fonctionnaires et les enseignants. Cette politique "de diviser pour régner" -une des plus vieilles pratique de la dictature- a lamentablement échoué. Ainsi donc les syndicalistes se sont serrés les coudes et continuent de lutter pied à pied contre l’arbitraire et l'exploitation.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette lutte syndicale ?

La première leçon nous confirme la renaissance d'un mouvement syndical combatif.

Aujourd’hui, on remarque que, l'action syndicale ne se limite plus à lancer une grève pour après rester, chez soi, à la maison en croisant les bras et en espérant que le pouvoir et les véreux patrons vont céder... Malheureusement, c'est cette pratique syndicale que nous avions connu au début du mouvement démocratique dans les années 1991-1993 avec ses multiples échecs.

Après des années de lutte syndicale, soldée par une riche expérience, on remarque à présent un nouveau mouvement syndical sous toutes ses formes (grèves, occupation des écoles, des entreprises et des bâtiments publics) qui est, plus que jamais, au cœur de la pratique syndicale. Et cette nouvelle pratique l'emporte sur les négociations bidon avec les caciques du

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pouvoir et les patrons voyous qui dirigent les entreprises étrangères et autres multinationales au Togo. Cette renaissance du syndicalisme de combat au Togo doit être saluée par les démocrates comme une étape décisive d'un vaste mouvement incluant d'autres formes de lutte en vue de faire face à régime autocratique vermoulu.

La deuxième leçon est liée à la situation politique qui prévaut dans le pays. Ainsi l'on peut facilement remarquer qu'au moment où la grogne sociale est en train de contaminer tous les secteurs vitaux du pays; les tenants de la démocratie par les réformes constitutionnelles et les élections n'en ont cure de l'intrépide lutte des fonctionnaires, des travailleurs de santé, des ouvriers des mines. Sans oublier, les étudiants, les élèves et le corps enseignant qui sont laissés à leur sort.

Ainsi, il est évident que le mouvement syndical a donc compris que cette opposition qui, depuis des années, mène en bateau le peuple, n'a pas les mêmes intérêts et objectifs que les travailleurs. C'est ce qui explique, sans doute, aujourd'hui, leur pure et simple démarcation vis- à-vis d'elle. Décidant par la même occasion d'éconduire, de chasser publiquement, ce 8 avril 2015, leurs représentants, à l'instar du vil bouillant Abass Kaboua du MRC-Front Tchoboe, lors de l'Assemblée Générale.

Incontestablement, si les tenants de la démocratie par les réformes et les urnes osent invoquer la souffrance des travailleurs. Cela n'est qu'un moyen pour manipuler les travailleurs en vue d'amener Faure et sa clique à faire des concessions, car il ne s'agit pour eux, que de réformer la dictature et non de l'abattre.

Cette abjecte manière leur permet de se dédouaner et ainsi focaliser leurs yeux sur une CENI corrompue avec son fameux fichier truqué qui, selon eux, peut leur garantir une prétendue victoire électorale afin qu'ils accèdent au pouvoir néocolonial en allant officiellement à la soupe.

En dépit de l'acrobatie des tenants de la démocratie par les réformes et les élections, rien n'est sûr que le jeune despote va accepter le verdict des urnes et de se séparer d'un pouvoir dont il pense qu’il en est l’héritier.

Face à cette situation, les démocrates et patriotes togolais en exil saluent, une fois de plus, le courage et la détermination du mouvement syndical face à la soldatesque de Faure Gnassingbé et appellent à la poursuite de cette lutte sociale en symbiose avec les partis, organisations démocratiques et anti-impérialistes qui mènent une lutte implacable pour abolir la dictature.

RDCongo

Le gouvernement dément l'origine illégale de bois intercepté par Greenpeace

Le gouvernement de Kinshasa a démenti lundi qu'une grume congolaise, autrement dit un tronc, interceptée en juin au large des côtes françaises par Greenpeace ait été produite illégalement en République démocratique du Congo.

"Ce bois est [...] bien identifié", a déclaré King Booto, directeur de la gestion forestière au ministère de l'Environnement et du Développement durable lors d'une conférence de presse à Kinshasa, "toute la procédure a été suivie, rien n'a été escamoté".

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"Ce bois provient d'une source gérée durablement", a ajouté Vincent Kasulu, secrétaire général du ministère, en utilisant la terminologie réservée aux parcelles de coupe en règle vis-à-vis des autorités congolaises.

La grume litigieuse appartient à un lot de 3.000 mètres cubes de bois que Greenpeace avait stoppé fin juin sur un bateau qui se dirigeait vers le port français de La Rochelle, soupçonnant qu'une partie du chargement soit issue de zones non ouvertes à l'exploitation.

En mars, l'organisation écologiste l'a déposée devant le ministère de l’Écologie à Paris pour dénoncer ce qu'elle présente comme le non-respect par la France d'une règlementation européenne de 2013 imposant aux importateurs de prouver qu'ils ont limité au maximum le risque d'importer du bois illégal.

"Après cette énième campagne de Greenpeace, [...] nous disons que cela relève de la diffamation à l'encontre de la République démocratique du Congo", a déclaré M. Kasulu, dont les services ne se sont pas exprimés sur le caractère légal ou non de la provenance des autres grumes du chargement stocké à La Rochelle.

Selon le ministère congolais, la grume exhibée à Paris est d'essence bossé clair et provient de la province de l’Équateur (nord-ouest de la RDC). Elle a été coupée par la Compagnie de transport et d'exploitation forestière (Cotrefor), entreprise congolaise qui exporte vers l'Europe, l'Asie, l'Amérique et l'Afrique.

Grande comme cinq fois la France, la RDC abrite plus de 60% des forêts denses du Bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical de la planète après celui de l'Amazonie, selon la Commission des forêts d'Afrique centrale (Comifac).

Un rapport du cercle de réflexion britannique Chatham House estimait en 2014 que près de 90% de l'exploitation forestière du pays était illégale.

Chatham House notait néanmoins les efforts du gouvernement congolais pour mieux contrôler l'exploitation dite "industrielle", destinée principalement à l'exportation outre-mer, tout en notant que "la majorité de la récolte [de bois] en RDC" était "issue d'une exploitation artisanale illégale" destinée au marché intérieur ou régional.

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Maluku : que cache une fosse commune contenant plus de 400 cadavres ? Gare au "syndrome de Timsoara" !

Plusieurs députés d'opposition et des défenseurs des droits de l'Homme ont réclamé du gouvernement congolais qu'il fasse toute la lumière sur une fosse commune récemment découverte dans la grande banlieue de Kinshasa et contenant plus de 400 cadavres inhumés de nuit le mois dernier.

Des experts internationaux et les Nations Unies devraient participer à l'enquête pour établir si les corps de responsables de l'opposition en font partie, a affirmé mardi une chercheuse de l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW), Ida Sawyer, spécialiste de la République démocratique du Congo (RDC), à l'agence de presse allemande DPA. Le président de l'Association africaine pour la défense des droits de l'homme (Asadho), Me Jean-Claude Katende, a lui aussi réclamé une enquête indépendante de la part des institutions internationales, selon la Voix de l'Amérique (VoA).

Un député d'opposition, Toussaint Alonga, du Front populaire de Lisanga Bonganga, a adressé une question orale au vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur et de la Sécurité, Evariste Boshab Mabudj, qui devait y répondre le mercredi suivant devant l'Assemblée nationale, selon le site 7sur7.cd. Un autre député, Martin Fayulu, avait déjà présenté une motion d'information jeudi dernier à ce propos. Il a reçu le soutien de son collègue José Makila, selon la presse kinoise. Les autorités congolaises ont confirmé, par la voix de M. Boshab, avoir enterré 424 personnes de nuit le 19 mars dernier près du cimetière de Fula-Fula, dans la commune urbano-rurale de Maluku, à quelque 80 km à l'est de Kinshasa. Parmi ces corps se trouveraient ceux de 320 nouveau-nés. La découverte a été faite par la population de ce coin de la capitale, qui a saisi la Mission de l'ONU en RDC (Monusco) pour dénoncer des odeurs nauséabondes qui se dégageaient de l'endroit.

Mais il s'agirait selon M. Boshab d'indigents et de bébés mort-nés, gardés longtemps à la morgue centrale de l'Hôpital général de référence de Kinshasa (ex-Mama Yemo) et inhumés par l'hôtel de ville de Kinshasa sur une demande de la direction de la morgue - et non des victimes des violentes manifestations survenues à Kinshasa en janvier dernier, comme s'en inquiètent certaines organisations de la société civile. Selon M. Boshab, le nombre de victimes

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des manifestations de janvier est "bien connu". Ces violentes manifestations avaient fait de 27 à 42 morts, selon les sources, principalement à Kinshasa, en réaction à un projet contesté de révision de la loi électorale qui aurait permis au président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà la fin 2016, l'échéance de son second mandat. M. Boshab a également déclaré que le gouvernement était disposé à exhumer les corps, si la demande était faite ou si le moindre doute persistait. Mais, peu après, le Ministre de l’Information et des Médias Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, devait, quant à lui, rejeter cette exhumation.

Des habitants des environs du cimetière ont raconté, selon Radio France Internationale (RFI), avoir vu arriver vers 04h00 des camions recouverts de bâches en plastique. Les personnes qui ont entrepris de les décharger leur auraient dit qu'il s'agissait de cadavres et demandé à ceux qui passaient par là de s'éloigner du fait de l'odeur très forte de corps en putréfaction. La République signale qu’environ 425 corps ont été, depuis deux semaines, enterrés dans une fosse commune au cimetière de Fula-fula dans la commune de Maluku à Kinshasa. La découverte a été faite par la population de ce coin de la capitale, qui a tout de suite saisi la Monusco. La mission onusienne à son tour a saisi, via le Bureau Conjoint des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme (BCNUDH), le Procureur de la République lui demandant d’ouvrir une enquête sur ce dossier. Le VPM et ministre en charge de l’Intérieur a produit un rapport à ce sujet le 03 avril 2015. Il rejette la version selon laquelle des corps enterrés dans cette fosse commune sont des victimes des émeutes survenues en janvier dans la capitale. Il a soutenu qu’il s’agit plutôt des indigents, gardés longtemps à la morgue centrale de l’Hôpital général de Kinshasa qui, sur une demande de la direction de la morgue, avaient été enterrés.

L’alerte de la population de Maluku

Ce qui parait désormais anormal, c’est le fait que c’est la population de Maluku qui a constaté la persistance d’odeurs insupportables dans son milieu de vie. Le fait qu’au lieu d’alerter la police du secteur ou les autorités municipales, elle se soit directement adressée à la Monusco constitue un signal négatif quant à la crise de confiance entre les citoyens congolais et un corps spécialisé chargé de les sécuriser ainsi que leurs biens.

A présent que l’affaire se trouve sur la place publique, de nombreuses interrogations appellent des réponses claires et convaincantes. Naturellement, d’aucuns aimeraient savoir pourquoi la direction de la morgue de l’Hôpital Général de Référence de Kinshasa a attendu que les statistiques d’indigents grimpent jusqu’au-delà de quatre-cents pour saisir l’Hôtel de Ville. N’était-il pas plus pratique et moins compromettant de désengorger la morgue par vagues de vingt, trente ou quarante corps abandonnés ?

Qu’est-ce qui a manqué à l’administration urbaine ou au gouvernement central pour dispatcher les indigents décédés et abandonnés entre la multitude de sites d’inhumation de la capitale, du Bandundu et du Bas-Congo ? Dans quel état les quatre cents corps à problème se trouvaient-ils avant leur dernier «voyage» vers Maluku et dans quelles conditions étaient-ils mis sous terre, pour qu’ils se mettent à empester l’atmosphère ? Par respect pour les disparus, n’était-il possible de leur faire fabriquer des cercueils «économiques » et de les couvrir de draps à faible coût ? La fosse commune n’était-elle pas suffisamment profonde et spacieuse pour que

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ses « locataires » laissent échapper des odeurs peu commodes pour leurs frères et sœurs vivant à Maluku ?

Des enquêtes pour lever les équivoques

Apparemment anodine, l’affaire de la fosse commune de Maluku risque de prendre des proportions insoupçonnées si le gouvernement ne diligente pas rapidement des enquêtes indépendantes avec toutes les structures susceptibles d’aider à la manifestation de la vérité : les cours et tribunaux, le Parlement, la justice, les services de sécurité, les organisations non gouvernementales nationales et internationales de défense des droits de l’homme, la médecine légale, la police scientifique, la municipale et les résidents de Maluku, etc.

On sait, à ce stade, que le BCNUDH (Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits l’Homme) et Human Right Watch attendent impatiemment le contenu du rapport administratif que leur a promis Evariste Boshab avant de prendre position. Ce qui trouble particulièrement les esprits, c’est le nombre excessivement élevé d’indigents entassés dans une fosse commune.

Leur sort est de nature à heurter les bonnes consciences. D’où l’impératif d’évacuer les doutes à travers des investigations multipartites aux conclusions sans controverse. Dans ce pays où des gens disparaissent parfois sans laisser de traces (cas de Bazana de la VSV, de Belmonde Magloire du journal Le Point), la fosse commune de Maluku doit faire peur à plus d’un.

Des raisons de douter

Le grand respect, à forte connotation superstitieuse, que les Congolais ont pour les dépouilles mortelles et l’importance qu’ils accordent aux deuils et aux funérailles sont bien connus. Songer que des morts ont été enterrés comme de la viande pourrie, sans cercueil, dans des simples sacs en plastique, entassés dans une fosse commune, sans croix ni une identification quelconque de la présence d’une dépouille humaine pour les villageois qui fréquentent les forêts environnantes, tout cela fait frémir.

L’on aurait donc pu s’attendre à ce que l’enterrement de personnes inconnues, sans familles et sans ressources, soit précédé d’une large publicité, dans le but de permettre à d’éventuels proches parents ou connaissances de passer par la morgue de l’ex-Mama Yemo pour s’assurer que les leurs ne se trouvaient pas dans le tas. Il n’y aurait rien à redire si l’Hôtel de Ville de Kinshasa avait intéressé les organisations non gouvernementales nationales et internationales des droits de l’homme, la justice, les médias, la Croix-Rouge, etc. Une information préalable de l’opinion au sujet d’un nombre aussi élevé d’indigents morts aurait peut-être donné lieu à moins de spéculations.

Il y a en effet des signes que l’enterrement a eu lieu « à la sauvette », ne fût-ce que la profondeur insuffisante de la fosse, cause même de la découverte puisqu’elle a permis aux odeurs délétère de ses répandre. Et de « sauvette » à « cachette », le pas est vite franchi !!

Une autopsie permettrait de répondre à bien des questions et d’écarter beaucoup de ragots mais, comme on le sait depuis l’affaire Chebeya – 2010 – la RDC n’a pas d’Institut Médico-légal et n’avait plus, à l’époque qu’un seul médecin-légiste, très âgé et qui pourrait bien, depuis lors, être parti rejoindre ses patients.

Un examen médical à la portée de n’importe quel praticien devrait pourtant permettre de savoir si un nombre significatif de ces morts a succombé à une mort violente. En effet, s’il s’avérait que tous ces défunts ont péri de maladie ou de malnutrition, cela exclura qu’il s’agisse de victimes des « Trois Glorieuses ». Et contrairement aux allégations des ministres congolais, des nombreux témoignages des habitants confirment plutôt que ces morts ne correspondent ni à la taille, ni au volume des corps des bébés mort-nés.

Communication de Lambert MENDE OMALANGA, Porte-parole du Gouvernement : LA FOSSE COMMUNE DE MALUKU : UNE AFFAIRE EN VASE CLOS

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Lorsqu’on suit tout ce qui est dit et écrit sur l’enterrement collectif d’indigents et corps de mort-nés à Maluku, on a l’impression que pour certaines personnes, lorsqu’il n’y a rien qui puisse jeter l’anathème sur les dirigeants actuels de la RDC, il faut en inventer. Ainsi en est-il de cet enterrement routinier et somme toute banal de dépouilles de personnes indigentes pris en charge par la municipalité de Kinshasa.

Les rapports parvenus au Gouvernement de la République signalent effectivement l’inhumation par les services de la Direction de la morgue centrale de Kinshasa de 421 corps identifiés comme suit :

57 personnes non identifiées 30 personnes indigentes identifiées 300 morts-nés

26 corps abandonnés à l’hôpital Saint Joseph

12 personnes abandonnées à l’hôpital général de référence de Kinshasa

Soit 425 mais à l’examen, on se rendra vite compte que par erreur de frappe, 4 noms avaient été repris deux fois. D’où le chiffre de 421.

Émotion, indignation, stupéfaction, spéculation, protestations, exigence de vérité, tout se mélange et se bouscule dans les questionnements, les uns sincères, les autres politiquement motivés depuis l'annonce par les autorités provinciales de Kinshasa, de cette opération d’enterrement collectif de 421 corps d’indigents.

La réglementation des services en charge des funérailles et sépultures dans notre pays entend par « personnes indigentes », les dépouilles trouvées par les services sociaux et la police, mais dont ni l’identité, ni les liens de parenté ne sont établis.

C’est le cas des 57 corps de personnes non identifiées inhumés sur le site de Maluku.

Une liste disponible à l’hôtel de ville indique pour qui le souhaite. Elle reprend, le numéro de réception, le sexe, l’âge, la provenance et la date d’admission à la morgue centrale de Kinshasa.

La réglementation sus-évoquée considère comme relevant de la catégorie d’indigents, les corps des personnes connues par la population (identifiées), mais abandonnées après leur décès dans les morgues de formations médicales. Une liste de 30 personnes classées dans cette catégorie est également disponible à l’hôtel de ville. Elle reprend tous les détails déjà évoqués pour la liste des non identifiés, y compris la formation médicale de provenance.

Je ne sais pas s’il faut définir ici un mort-né. Tout le monde sait de quoi il s’agit. Les 300 corps relevant de cette catégorie sont enregistrés dans le livre général de la réception des corps. Le rapport de l’hôtel de ville précise qu’ils proviennent le plus souvent de l’hôpital général de référence de Kinshasa et de l’hôpital pédiatrique de Kalembe-lembe. Il ajoute qu’à ce groupe sont associés les corps d’enfants abandonnés dans les différents ruisseaux.

S’agissant des 26 corps abandonnés à l’hôpital Saint Joseph, il faut dire qu’il y avait en fait 27 corps dont 1 n’a pas été enterré parce qu’il s’agissait d’un cas judiciaire. Les 27 corps avaient été transférés à la morgue centrale de Kinshasa par l’hôpital Saint Joseph. En témoigne sa lettre n° 1600/HSJ/DA/MK/122014 du 9 février 2015.

Quant aux 12 corps abandonnés à l’hôpital général de référence de Kinshasa, ils ont été transférés par ledit hôpital à la morgue centrale le 3 mars 2015. La liste de ces personnes avec les détails déjà évoqués pour les autres listes, est également disponible à l’hôtel de ville.

Il n’y a donc rien qui puisse autoriser un quelconque lien entre cette affaire et les événements des 19 au 21 janvier 2015. Le bilan de ces événements est connu : 27 morts. Même les sources les plus mal intentionnées n’ont pas dénombré 421 morts en janvier dernier. Ceux qui s’adonnent à cet amalgame tentent simplement d’alimenter inutilement l’affabulation.

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Ce type d’inhumation d’indigents s’est déjà effectué plusieurs fois avant même les événements de janvier, notamment le 02 avril 2014, 83 personnes ont été enterrées par les soins des mêmes services municipaux parmi lesquelles 08 adultes abandonnés, 12 indigents, 27 corps non identifiés et 36 morts nés abandonnés.

Le 08 juin 2014, 343 personnes durent inhumées dans les mêmes conditions 13 adultes abandonnés, 23 indigents, 40 corps non identifiés et 267 mort-nés et fœtus.

Le 21 décembre 2014, 98 corps ont été enterrés collectivement parmi lesquels : 17 corps abandonnés, 26 indigents et 55 non identifiés. Pourquoi vouloir isoler les corps inhumés le 09 mars 2015 et en faire une affaire particulière ? Simplement parce que cette inhumation est postérieure aux évènements de janvier 2015 ? Soyons sérieux.

Rappelons avant toute chose que le principe selon lequel Tout homme a droit à une sépulture digne est et demeure un des droits fondamentaux des individus auxquels notre pays a souscrit. Il est dès lors naturel qu'une telle information soulève des interrogations. Néanmoins, nous estimons que certaines déclarations entendues ici et là au sujet de ces inhumations sont au-delà du raisonnable. En effet, malgré les informations et les explications fournies par les autorités de la municipalité, c'est-à-dire de la ville de Kinshasa, on va de surenchère en surenchère. Cette affaire est instrumentalisée au point de pousser certains enfants du Congo dans la diaspora à entreprendre des actions malveillantes telle cette agression avec des casses en règle dont notre représentation diplomatique à Paris a été victime hier.

Les questions qui sont revenues le plus souvent sont par exemple : Pourquoi y a-t-il des indigents abandonnés par leurs familles ?

Je me demande à qui cette question est posée. Le Gouvernement est prêt à s’impliquer dans une réflexion sur les voies et moyens de ramener plus de solidarité au sein des familles.

Pourquoi les autorités n’ont-elles pas associé la société civile à l’enterrement collectif des indigents ?

Nous sommes là en face d’une perception erronée de la division du travail social. S’il y a un problème avec de telles actions, c’est à la justice et non à la société civile qu’appartient la solution. Que chacun face son travail.

Pourquoi avoir enterré ces indigents et bébés abandonnés en catimini sans associer leurs familles ?

Une question qui ferait sourire n’eut été la gravité des faits. Car en effet, ces pauvres compatriotes sont indigents parce que plus personne parmi leurs proches ne s’occupe d’eux.

Ces enfants morts en couche ont été abandonnés par leurs mères. Pour votre information, quiconque suit les émissions des chaînes publiques et même de Molière TV sait à quel point cette problématique est poignante. Les services de la Morgue lancent régulièrement des appels aux familles concernées, souvent sans succès.

Où ira-t-on chercher ces fameuses familles qui accompagneraient les services de l’Etat dans la mise en terre de ces indigents ? C’est réellement parler pour dire n’importe quoi.

Pourquoi un enterrement aux petites heures ?

Pour répondre à cette question, je vais vous donner lecture du passage d’un rapport du Directeur de la Morgue Centrale de Kinshasa à sa hiérarchie au sujet de la sécurité de ces opérations : « Nous vous saurons gré d’envoyer sur le site un peloton d’agents de l’ordre afin d’y garantir la sécurité lors du déroulement de la mise en terre. Ceci éviterait à l’équipe des fossoyeurs commis à cette tâche d’être exposée à la colère de la population environnante plus préoccupée à préserver leurs lopins de terre acquis en cet endroit » (13 février 2015).

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Pourquoi il n’y a même pas de croix ?

Les services de l’Etat n’ont aucune possibilité d’établir la confession religieuse de chaque personne indigente prise en charge. Celui qui a posé cette question est certainement adepte d’une religion chrétienne. Ce n’est pas le cas de tout le monde au Congo qui est un Etat laïc par ailleurs.

Quelqu’un s’est interrogé pourquoi les bébés mort-nés ne sont plus enterrés le même jour comme on le fait traditionnellement ? Il est probablement le seul à ignorer que les très jeunes filles qui attendent famille sont parfois l’objet d’un tel mépris dans leur milieu familial ou scolaire qu’elles commettent l’irréparable en étouffant leurs bébés et en abandonnant le corps dans une poubelle ou dans la rue. La mère étant inconnue, on se demande à qui le donneur de leçons fait allusion pour l’inhumation le jour même.

Les coups de gueule et autres roulements de mécaniques devant nos ambassades à l’étranger ne sont pas la solution. C’est depuis plus de 30 ans, nous disent les agents de la morgue centrale que ce fléau dû au déficit de solidarité familiale remplit nos cimetières d’indigents.

A Kinshasa, les gens ont de plus en plus tendance à abandonner leurs proches souffrants.

C’est une erreur de croire ou de faire croire que le Gouvernement ou toute autre institution a le pouvoir de suppléer à ce déficit de solidarité qui est pourtant une règle dans nos coutumes.

Au lieu de ne voir dans ce drame qui est une marque, non pas du gouvernement mais de notre société dans sa globalité, qu’une occasion pour une polémique politicienne de plus, il serait plus utile aux uns et aux autres de se rassembler autour d’initiatives susceptibles de créer des pratiques funéraires moins onéreuses et une meilleure intégration des jeunes filles-mères avec leurs enfants dans la société.

En un mot, l’Etat par ses structures locales s’efforce de faire le ménage des défaillances de la solidarité familiale ou communautaire. Il ne faut pas inverser les responsabilités. Quoiqu’il en soit, les choses doivent être faites correctement. En l’espèce, l’opinion retiendra ce qui suit : Le 19 mars 2015 les services de la Morgue centrale de l’Hôpital Général de Référence de Kinshasa ont effectivement procédé à un enterrement collectif sur le site du cimetière Fula Fula de la Commune de Maluku de 421 corps de bébés abandonnés et d’indigents ; Conformément à la Note circulaire n° 015/2012 du 15 octobre 2012, la Morgue Centrale de Kinshasa a fait savoir que tout corps ayant totalisé plus de 30 jours de conservation doit faire l’objet d’enquête sociale pour recueillir les renseignements authentiques sur la personne décédée et, à fortiori, on procédera à l’enterrement des indigents ;

Il s’agit d’une opération routinière qui s’effectue régulièrement pour désengorger la Morgue Centrale de l’HGR de Kinshasa dont la capacité ne dépasse pas 400 places ; Les corps ont été portés en terre chacun enveloppé dans un linceul en plastique conformément aux pratiques en vigueur en pareil cas. Je signale que ceci intéressera particulièrement les enquêteurs ;

Les bruits les plus invraisemblables s’étant mis à courir sur cette initiative qui, rappelons-le, relève de l’initiative du service de la Morgue centrale, le gouvernement provincial de Kinshasa a aussitôt décidé de communiquer là-dessus, ce qui bat en brèche la légende d’une

‘’découverte’’ (dont l’auteur reste curieusement anonyme) d’une fosse commune ;

Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et Droits humains a, aussitôt après la communication des faits par l’Hôtel de Ville, enjoint le Parquet à diligenter sans délai une enquête judiciaire sur cet enterrement collectif. Il n’a attendu pour cela aucune pression de qui que ce soit.

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Les magistrats et experts se sont d’ores et déjà déployés sur le site. Il s’agit essentiellement de confirmer ou infirmer les faits tels que relatés et en examiner la régularité au regard notamment des dispositions de l’ordonnance n° 11-104 du 15 mars 1950 sur les services des inhumations et police des cimetières qui stipule que chaque congolais a droit à une tombe En cas de nécessité les enquêteurs apprécieront la coopération de quiconque estime pouvoir apporter sa contribution à la manifestation de la vérité.

En résumé, c’est le discours de l’agent de police : « Tout va bien ! Circulez ! Y a rien à voir ».

Le « Syndrome de Timisoara »

L’on peut aisément remarquer que, ces derniers temps, à chaque fois que les autorités congolaises sont amenées à communiquer pour donner des explications, cela s’accompagne de propos amers visant « les bruits les plus invraisemblables », les « rumeurs malintentionnées », une « polémique politicienne », une "énième campagne (d'une ONG)", "la diffamation à l'encontre de la République démocratique du Congo" ; A l’égard de l’étranger, on rappelle aussi sur un ton rogue que la RDC n’est « plus une colonie » et n’a pas besoin de « donneurs de leçons ».

Sur « l’Internet congolais », où l’on met moins de gants (ou alors, ce sont des gants de boxe), les intervenants qui soutiennent le régime ont, dans le même temps, multiplié les allusions au « Syndrome de Timisoara ».

Timisoara, c’est une ville de l'ouest de la Roumanie, dans la région du Banat. qui a donné lieu à une retentissante affaire d’« intox » qui eut lieu à la chute de Ceausescu (1989 ).

Là aussi, tout part de la découverte de fosses communes.

L

es médias occidentaux, et en particulier français, annoncent quelques centaines de morts, puis jusqu'à 70.000 morts quelques jours plus tard. On parle de 'charniers'. Les témoignages, les chiffres et les explications les plus absurdes sont avancés sans aucun contrôle. Exemples:

- TF1 : « Ceaucescu, atteint de leucémie, aurait eu besoin de changer son sang tous les mois. Des jeunes gens vidés de leur sang auraient été découverts dans la forêt des Carpates.

Ceaucescu vampire ? Comment y croire ? La rumeur avait annoncé des charniers. On les a trouvés à Timisoara. Et ce ne sont pas les derniers ».

- Le magazine L'Événement du jeudi du 28 décembre 1989 titre même : «Dracula était communiste».

- Libération avec Serge July titre «Boucherie». On y lit: « Timisoara libéré découvre un charnier. Des milliers de corps nus tout juste exhumés, terreux et mutilés, prix insupportable de son insurrection.».

- Le Monde félicite La Cinq d'avoir «révélé l'horrible charnier des victimes des manifestations du dimanche précédent ? ».

Ces mêmes allégations et graves approximations sont également reprises par les médias étrangers:

- El País : « à Timisoara, l'armée a découvert des chambres de torture où, systématiquement, on défigurait à l'acide les visages des dissidents et des leaders ouvriers pour éviter que leurs cadavres ne soient identifiés. »

- Le New York Times, tout en soulignant que ces chiffres n'ont pas été confirmées par des sources indépendantes, avance que « 4.500 auraient été massacrées en trois jours".

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Seul, Le Figaro va mettre fin au vampirisme journalistique. Dans son édition du 30 janvier 1990, il annonce qu'il s'agissait d'un faux, que les morts montrés à la télévision avaient été déterrés du cimetière de la ville.

Le Monde, dans son édition du 21 décembre 2009, récapitule : " En décembre 1989, à la veille du réveillon de Noël, alors qu’en Roumanie tombait la dictature de Nicolae Ceausescu, les téléspectateurs occidentaux découvraient avec horreur les images d’un charnier où, affirmaient les envoyés spéciaux, gisaient des corps affreusement torturés. On parlait alors de quatre mille morts pour la seule ville de Timisoara. L’émotion soulevée était immense ; les éditoriaux solennels et les appels à l’action se multipliaient. En fin de compte, il s’avéra que les cadavres exhibés devant les caméras avaient été déterrés dans le cimetière des pauvres.

Partisans de Ceausescu compris, la 'révolution roumaine' avait fait quelque sept cents morts - moins de cent à Timisoara. Le bilan de l’attaque américaine au Panamá, qui s’était déroulée au même moment dans l’indifférence générale, s’élevait à près de deux mille morts... De la condamnation légitime d’une dictature, pourquoi le discours médiatique a-t-il basculé dans ce délire où le dictateur roumain devenait un 'vampire', et les hommes de la Securitate, des ombres maléfiques et toutes-puissantes ? »

Deux mois plus tard, dans un article intitulé 'Télévision nécrophile' (Le Monde diplomatique, mars 1990), Ignacio Ramonet analysait les raisons finalement très logiques qui expliquaient cet emballement irrationnel. L’affaire de Timisoara devait jeter le discrédit sur des médias qui, jusqu’alors, bénéficiaient de la confiance de leur public. Le soupçon qu’elle fit naître fut confirmé, un an plus tard, par les débordements similaires qu’occasionna la guerre du Golfe10.

La thèse implicite des « joséphistes » est à peu près : « C’est la même histoire : les Occidentaux voulaient dépeindre Ceausescu sous les traits de Dracula. L’Opposition congolaise et ses amis occidentaux veulent diaboliser Joseph Kabila. Dans les deux cas, on repère quelque part un tas de cadavres et on les déterre en criant à la ‘cruauté du dictateur’ ! ».

Mais l’affaire n’en est pas restée là. Extrait de la revue de prese de CongoFCorum en date du 9 avril.

«

D’autre part , Radio Okapi nous informe de ce que les membres socialistes du parlement européen en séjour à Kinshasa ont demandé mercredi 8 avril qu’une enquête indépendante soit diligentée pour faire la lumière sur l’affaire de 425 personnes enterrées le 19 mars dernier dans une fosse commune à Maluku, dans la périphérie Est de Kinshasa, capitale de la RDC. «Ce n’est pas parce que ce sont des indigents qu’ils doivent être mis dans une fosse commune», a déclaré Mme Cécile Kyenge, vice-présidente de l’assemblée parlementaire de l’UE-Afrique Caraïbe- Pacifique, qui conduit la délégation qui a rencontré le ministre de la Justice, Thambwe Mwamba.

Le vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur, Evariste Boshab avait expliqué vendredi 3 avril qu’il s’agit des corps des indigents, réfutant les allégations selon lesquelles les corps inhumés seraient ceux des victimes des manifestations de janvier dernier à Kinshasa contre une proposition de loi électorale qui était alors en discussion au Parlement.

«Malgré la réponse du ministre qui dit que ce sont des personnes qui ont été abandonnées, on croit quand même qu’elles ont droit à un enterrement digne d’une personne humaine», a souligné Mme Kyenge. «Vu qu’on nous a révélé qu’il y a d’autres fosses

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