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Le rotin, la forêt et les hommes Defo, L.

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Defo, L. (2005, January 18). Le rotin, la forêt et les hommes. Retrieved from https://hdl.handle.net/1887/605

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License: Licence agreement concerning inclusion of doctoral thesis inthe Institutional Repository of the University of Leiden Downloaded from: https://hdl.handle.net/1887/605

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L’exploitation du rotin au Sud-Cameroun:

la ressource et le contexte

L’exploitation du rotin au Sud-Cameroun est certainement orienté par les attributs physiques de la ressource et le contexte institutionnel dans lequel elle a lieu. Ces deux paramètres déterminent dans une large mesure l’état de la filière, sa durabilité et son apport potentiel en matière de conservation et de développement, d’où toute leur importance.

Ce chapitre fait le point sur les caractéristiques biophysiques et ethno-botaniques des rotins (3.2), présente les systèmes de gestion de la ressource (3.3) et analyse les interventions des acteurs intermédiaires (agents de déve-loppement/conservation) dans le secteur (3.4). Sur la base de ces éléments, une appréciation du cadre de gouvernance de l’exploitation est faite (3.5). Le chapitre s’ouvre par un positionnement de la ressource cible dans le contexte global des PFNL au Sud-Cameroun (3.1) et se ferme par une syn-thèse des principaux résultats présentés (6.6).

3.1 Les PFNL

1

et le rotin au Sud-Cameroun

3.1.1 La diversité et le prélèvement des PFNL au Sud-Cameroun Le Cameroun est l’un des pays africains disposant d’une gamme très variée d’écosystèmes et d’une diversité biologique remarquable. Ce pays a en effet 7 grands ensembles phytogéographiques naturelles, une flore supérieure d’environ 7000 espèces, 250 espèces de mammifères, 850 espèces d’oiseaux, 542 espèces de poissons... (MINEF 1995b). Cette diversité offre aux popula-tions en général et à celles du Sud forestier en particulier de larges possibi-lités de ramassage des PFNL. Ces populations exploitent d’ailleurs ces op-portunités de façon fort impressionnante. Par exemple, Dijk (1999) dans son travail d’inventaire des PFNL dans la région de Bipindi-Akom II a réperto-rié plus de 500 espèces végétales et 200 espèces animales utilisées comme PFNL par les communautés locales. Des inventaires réalisés ailleurs au Came-roun ont donné des résultats tout aussi impressionnant (Tsagué 1995).

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nexe 1 donne une soixantaine de PFNL d’importance très significative au Cameroun méridional.

En dépit de cette grande diversité, on peut comme on l’a noté au cha-pitre précédent, regrouper les PFNL en grandes catégories suivant l’usage, la nature ou la partie de la ressource prélevée. On peut aussi se servir du niveau d’utilisation du produit en question comme critère de classification (Rijsoort 2000). De manière plus simple, on peut distinguer les produits ali-mentaires, les ressources médicinales, le bois de chauffe, les produits desti-nés à l’artisanat et à la construction et les services (tourisme, considérations culturelles ou spirituelles ...). L’annexe 1 donne aussi des indications par rapport à ces éléments de typologie.

Suivant leurs types, les PFNL sont prélevés dans un ou plusieurs des ha-bitats ci-après: les forêts primaires, les formations secondaires, les champs de cultures saisonnières, les plantations de cultures de rente, les jardins de case, les jachères et divers autres systèmes d’agro-forêts. Cependant, dans l’ensemble, l’essentiel des PFNL est tiré des peuplements naturels et les

ni-veaux d’application des techniques de gestion sont très faibles2 (Tsague

1995; Debroux & Dethier 1993; Wander Linden 1994; Tedongmouo 1996; Abwe et al. 1999; Dijk 1999; Wilkie 1999; Dorp et al. 2000; Berg et al. 2000; Sonné 2001). La cueillette des PFNL est assurée aussi bien par les adultes hommes que par les adultes femmes et les enfants, mais on remarque une forte tendance à la spécialisation de ces trois catégories sociales suivant le type de PFNL, ses usages et l’habitat d’extraction (Tsague 1995; Berg et al. 2000; Sonné 2001). Au cours des dernières années, la déforestation, la crise économique, la croissance démographique, l’augmentation de la demande et bien d’autres facteurs conjoncturels ou structurels ont entraîné une accen-tuation de la pression sur les PFNL en général et sur certaines espèces en particuliers (Ruiz-Perez et al. 1999; Ruiz-Pérez et al. 2000; Clark & Tchamou 1998; Dorp et al. 2000). Ces pressions sont, selon leur origine, révélatrices de l’importance et de l’ampleur de la commercialisation de ces ressources non ligneuses.

3.1.2 La commercialisation et l’importance des PFNL au Sud-Cameroun

Les PFNL alimentent d’importants flux commerciaux à l’échelle locale, ré-gionale, nationale ou internationale (Ruiz-Pérez et al. 1999; Tsagué 1995; Tabuna 1999; Defo & Mounchigan 2000). La commercialisation des PFNL s’effectue largement dans un cadre informel et est dominée par les femmes acheteuses-vendeuses ou ‘buyem-sellem’ (Abwe et al. 1999). Beaucoup de ces produits passent à travers un réseau de marchés hiérarchiquement

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nisés et comprenant des marchés métropolitains (Douala et Yaoundé), des marchés régionaux (Bafia, Ebolowa, Kribi...), des marchés locaux (Buea, Kumba, Batouri...) et des marchés frontaliers comme Kye Ossi Kenzou et Abang Minko (Kempkes 1995; Ruiz-Pérez et al. 1999). Il existe cependant des produits comme le rotin qui échappent à ce schéma d’organisation géné-rale et passent par des circuits spécialisés. La figure 3.1 donne un aperçu général de la filière de la plupart des PFNL au Cameroun méridional.

Comme le laisse apparaître la figure ci-dessus, le circuit des PFNL peut être très court, court, long ou très long. Plusieurs intermédiaires peuvent ainsi s’interposer entre le cueilleur et le consommateur et tout au long du circuit, le produit peut subir un ou plusieurs niveaux de transformation. Il va de soit que cela a une incidence sur le prix de la ressource à différents stades.

Les PFNL et le rotin au Sud-Cameroun 85

FIGURE 3.1 – Schéma simplifié de la filière des PFNL au Sud-Cameroun

Source : Schéma inspiré de Debroux & Dethier 1993; Wander Linden 1994; Tsague 1995; Tedongmouo 1996; Abwe et al. 1999; Dijk 1999; Wilkie 1999; Nkwatoh Fuashi 2000; Dorp et al. 2000; Sonné 2001 et des travaux de l’auteur sur le Gnetum spp au Sud-Cameroun (non publiés).

cueilleur de PFNL (forêts…) commerçant local (zone rurale) consommation de subsistance et dons (zone rurale) consommateur rural (achat) commerçant grossis-te en zone urbaine autoconsommation et consommation de dons (milieu urbain)

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Enfin, il est important de relever que le Sud -Cameroun participe au com-merce international de PFNL. Les produits de cette région sont exportés vers d’autres pays africains, vers l’Europe Occidentale, et vers l’Amérique du Nord. Parmi les principaux PFNL exportés on a les feuilles de Gnetum spp, les amendes de Irvingia gabonensis, les écorces de Pausinystalia yohimbe les fruits de Cola acuminata, de Garcinia kola, de Prunus africana... (Ruiz-Pérez et al. 1999; Tabuna 1999; Abwe et al. 1999; Defo & Mounchigan 2000). Cette exportation contribue à donner une dimension toute particulière aux PFNL.

Les PFNL sont d’une importance sociale, culturelle et économique irré-futable pour les populations du Cameroun méridional. Au niveau social et culturel, leur apport en matière alimentaire, médicinale, de beauté et d’en-tretien des rapports sociaux est très ancien et capital. Ainsi, ils contribuent à la diversification des sources d’alimentation et à l’apport protéinique chez les populations. La pharmacopée traditionnelle à large spectre d’action qu’ils leur procurent est une source d’option en matière de médicament pour ces populations pour qui les recettes de la médecine moderne ne sont pas tou-jours accessibles. Ces ressources forestières participent à l’environnement mystique ou fournissent des éléments plus ou moins sensibles de diverses pratiques magico-religieuses ou tout simplement culturelles des populations (Tsagué 1995). Enfin, toujours sur le plan socio-culturel, ces produits curent aux peuples forestiers du bois-énergie, de l’abri, des outils de pro-duction et des matériaux de construction (Tsagué 1995; Debroux & Dethier 1993; Dijk 1999; Sonné 2001).

Sur le plan économique, les PFNL contribuent à l’amélioration des reve-nus des populations. Dans beaucoup de villages de la zone forestière, la ma-jorité des ménages est impliquée dans la cueillette des PFNL à des fins com-merciales (Tsagué 1995; Tedongmouo 1996). Par exemple, nos travaux dans 7 villages dans la région de Yaoundé ont révélé que près de 85% des ména-ges se trouvent dans cette situation. En dehors de la subsistance, une partie des ressources prélevées est donc commercialisée. Les proportions concer-nées sont variables d’un produit à l’autre et d’une communauté à l’autre. Tsagué (1995) travaillant à l’Est indique que 70% des quantités récoltées sont vendus tandis que Dijk (1999) donne un taux de 20% dans la région de Bipindi-Akom II. En terme de valeur, Abwe et al. (1999) travaillant au Nord-Ouest et au Sud-Nord-Ouest soulignent que l’autoconsommation ne représente

que 5% de la part qui passe dans le commerce.3

Cette activité commerciale participe, tout comme la collecte et la trans-formation à l’allégement du chômage et du sous-emploi et c’est là un des rôles sociaux de ces ressources forestières. Par exemple, en 1995/96, Ruiz-Pérez et al. (1999) ont dénombré près de 1100 vendeurs d’une dizaine de PFNL d’origine végétale dans 25 marchés du Sud-Cameroun. Nos enquêtes

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sur le Gnetum spp en 1999/2000 dans une quarantaine de marchés ruraux et urbains du Sud-Cameroun nous ont permis de dénombrer environ 1250 découpeurs-vendeurs (spécialisé ou non, permanents ou temporaires) de ce PFNL.

Les revenus des ventes de PFNL constituent un apport monétaire signi-ficatif pour les ménages. Tsagué (1995) a trouvé un revenu moyen annuel par ménage évalué à 62.800 Frs, Sonné (2001) indique 60.000 Frs par ména-ge par saison pour la collecte et la vente des fruits de Irvingia gabonensis,

15.000 Frs par mois par personne pour la fabrication de l’Odontol,430.000

Frs par mois par personne pour la collecte et la vente de vin de palme et de raphia. Nos travaux dans des sites ruraux de la région de Yaoundé montrent que les PFNL contribuent à hauteur de 35% des ressources monétaires des

ménages.5 Au niveau de l’économie régionale et même nationale, les PFNL

ne passent pas inaperçu. En guise d’illustration, on peut relever qu’ils con-tribuent à hauteur de 2,8% (contre 0,3% pour le secteur bois) au revenu du Nord Ouest et du Sud-Ouest selon Abwe et al. (1999) et pourrait représenter 4% du produit national brut du Cameroun (Wilkie 2000).

3.1.3 Le rotin, un exemple significatif de PFNL

Étudiant les systèmes d’exploitation de rotin dans quatre pays asiatiques, Belcher (1997, 1999) a présenté le rotin comme un bon modèle de PFNL. Il assoit cette assertion sur plusieurs attributs du rotin: certaines exigences écologiques de cette plante, son accessibilité aux démunis, l’ampleur de ses réseaux de transformation et de commercialisation ainsi que ses capacités à générer des emplois, des revenus monétaires et des devises. Dans son silla-ge, on peut renforcer sa thèse par divers arguments en se situant à l’échel-le du Sud-Cameroun. Le rotin au Sud-Cameroun a une diversité d’espèces (18 espèces selon Sunderland, 2001) et pousse dans une gamme d’habitats

relativement large (forêts primaires, secondaires et vieilles jachères)6à

l’exem-ple de beaucoup d’autres ressources forestières autres que le bois (Wilkie 1999; Berg et al. 2000). Au niveau des droits, il est régi par les mêmes normes que la quasi-totalité des ressources forestières dites secondaires. Il partage les mêmes agents de cueillette avec d’autres PFNL (dans la région de Yaoundé par exemple près de 60% de personnes coupant le rotin à des fins commerciales sont également impliquées dans le ramassage à but lucra-tif d’autres PFNL). Jusqu’à présent, son exploitation est exclusivement basée sur des peuplements naturels non aménagés comme celle de la plupart des produits forestiers autre que le bois prélevés dans le cadre géographique de l’étude (Wilkie 1999).

Les PFNL et le rotin au Sud-Cameroun 87

4 Alcool distillé à partir du vin de palme, de raphia ou de maïs. 5 La viande de brousse est prise en compte dans ce chiffre.

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Il est à usage multiple et est destiné aussi bien à la consommation domes-tique des cueilleurs qu’à la vente. Son circuit de commercialisation est éga-lement étendu, complexe et en grande partie orientée vers les villes. Mais ce circuit ne cadre pas stricto sensu avec les données globales de commercia-lisation des PFNL en général présentées plus haut (3.1.2).Une confrontation des figures 3.1 et 4.2 permet de saisir cette spécificité du circuit du rotin. Au regard de tous ces éléments, on peut donc dire sans risque de se tromper que le rotin est aussi un modèle ou alors un exemple significatif de PFNL dans le cadre particulier du Cameroun méridional.

Une fois ces éléments de représentativité établis, on peut utilement s’in-terroger sur l’importance du rotin dans cette famille de référence. Autrement dit, que vaut le rotin dans l’ensemble que constituent les PFNL? A l’état actuel de la recherche sur les PFNL au Sud-Cameroun, il serait subjectif et prétentieux de donner une réponse exacte et définitive à cette interrogation. Il existe cependant des indices pouvant sous-tendre une tentative de posi-tionnement: Dans son programme d’actions devant marquer le déploiement tangible de la nouvelle politique forestière mise en place au cours de la pre-mière moitié de la décennie 1990, le MINEF avait retenu la filière rotin comme un des axes prioritaires dans le «sous-secteur autres produits» (MINEF 1995a, 1995b). Ce qui dénote l’importance du rotin. Un peu comme pour aller dans le même sens, la première rencontre internationale d’experts tra-vaillant sur les PFNL en Afrique Centrale organisée à Limbé en 1998 a rete-nu le rotin dans une liste d’ une dizaine de ‘espèces clés’ au niveau du Bas-sin du Congo (Wilkie 1999).

En dehors de ces deux indices, on peut évoquer quelques résultats de tra-vaux de recherche qui, malheureusement sont très ciblés, circonscrits ou disparates. Le seul élément de ces travaux pouvant nous être utile ici est la ressource monétaire engendrée. Des travaux d’évaluation des PFNL (y com-pris la viande de brousse) au Nord Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun menés par le CERUT et AIDEnvironment (Abwe et al. 1999), il ressort que le rotin se classe plutôt parmi les ressources du bas du tableau en terme de valeurs monétaires engendrées. Le tableau 3.1 est révélateur à ce sujet. Le tableau indique donc à première vue que le rotin fait piètre mine, du moins si l’on s’en tient aux indicateurs considérés. Mais il convient de faire remarquer qu’on ne saurait situer objectivement le rotin à partir de ces don-nées car la comparaison est faussée dès la base par le regroupement de cer-tains PFNL en grande catégorie comme le montre bien le tableau.

Tsagué (1995) quant à lui dans une enquête auprès de 40 ménages dans quatre villages de l’ Est a trouvé une valeur de 210.800 Francs cfa (Frs) comme recette totale issue de la vente annuelle des produits de rotin, ce qui place cette ressource au troisième rang d’une liste d’une vingtaine de PFNL, der-rière le raphia et l’escargot et devant des espèces comme le Ricinodendron

heudelottii, Irvingia gabonensis, Cola acuminata, de Garcinia kola etc. Pour

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Les PFNL et le rotin au Sud-Cameroun 89

TABLEAU

3.1 – Quelques valeur

s monétair

es générées par les PFNL dan

s les pr ovinces du Nor d-Ouest et du Sud-Ouest en 1998/1999 Pr oduit s / catégories V

aleur ajoutée totale

V

aleur annuelle du

V

aleur annuelle du

Rémunér

ation générée par

Rémunér ation générée p ar en millier s de Fr s commer ce en millier s commer ce en % la pr oduction en millier s le commer ce en millier s de Fr s (1998) de Fr s par an (1998) de Fr s par an (1998) • Eru / Gnetun spp 524.765 1.167.56 1 1 5 1 7.444 273.774 • Njansang / Ricinodendr on heudelottii 604.609 180.364 2 1 5.765 36.3 13 • M angues sauvages / Irvingia spp 954.205 84.643 1 3 6.479 7.984 • Noix de K ola / Cola spp 678.3 13 203.360 3 8.9 12 14.483 • Viande de br ousse 1.374.56 1 955.946 12 34.232 1 5 1.130 • Vin de palme / Elaeis guinensis, Phoenix dactylifer a, Raphia spp 3.382.7 0 1 3.390.5 13 44 633.274 33.229 • E pices / Piper guineensis, Tetr apleur a tetr apter a, Xylopia aethiopia... 676.00 7 582.642 7 1.296.550 5 1.555 • Autr es pr oduits du palmier 176.596 38.288 0 298.156 2 1.9 16 • P roduits en r otin 1 03.198 240.748 3 1.485 34.087 • Matériaux de construction 444.1 16 4 12.665 5 3.424 56.895 • Plantes médicinales 208.935 P c P c P c P c • Artisanat 354.324 P c P c P c P c • P

roduits animaux secondair

es 1.300.522 388.820 5 4 9.463 3 18.790 • P

roduits végétaux secondair

es 344.6 18 143.179 2 1 9.036 1 0.097 •

Financement de la forêt (budgets des pr

ojets ...) 1.188.500 P as concerné (pc) P c P c P c • Tourisme 0 P c P c P c P c V aleur totale 12.3 15.968 7.790.40 1 1 00 2.4 14.220 1.0 1 0.253 Sour

ce des données : Abwe et al. 1999 ( CERUT / AIDEnvir

onment NTFP survey Nov

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loin de l’axe Ebolowa-Kribi a trouvé une fourchette de revenus qui place le rotin en tête des PFNL les plus importants en terme de rentrée d’argent:

45.000 Fcfa par mois et par personne pour le rotin7contre 30.000 Fcfa par

mois par personne pour le vin de raphia, 60.000 Fcfa par ménage par sai-son pour Irvingia gabonensis. Nos travaux dans 7 villages dans la région de Yaoundé nous permettent également de placer la ressource cible en tête des PFNL. Le rotin procure en effet près de 16% des revenus monétaires annuels des ménages contre 13% pour l’ensemble des autres PFNL et 6% pour la chas-se. En valeurs absolus, le rotin procure 242.179 Fcfa par ménage impliqué par an contre par exemple 100.936 Fcfa pour le vin de palme et de raphia, 13.222 Fcfa pour Irvingia gabonensis et 35.792 Fcfa pour les feuilles de marantaceae. Il faut cependant relativiser ces chiffres compte tenu du fait que le choix des sites d’étude a été orienté par l’intensité de l’exploitation du PFNL cible qui est le rotin.

Le rotin occupe donc une place de choix dans l’ensemble des PFNL de pre-mier plan au Sud-Cameroun. Il tient cette position privilégiée entre autres à ses attributs physiques et au caractère traditionnel de son utilisation dans presque tous les groupes ethniques du Cameroun méridional forestier.

3.2 Distribution, diversité, biologie, écologie et

ethnobotanique des rotins au Cameroun

3.2.1 Distribution, diversité, biologie et écologie des rotins au Cameroun

Les travaux de prospection et d’identification des rotins sont encore à leur début au Cameroun. Nos multiples campagnes d’enquêtes ethnobotaniques et socio-économiques nous permettent d’énoncer que les rotins se retrou-vent presque dans toute la bande du Cameroun méridionale jusqu’aux

lati-tudes des départements du Boyo et de Mentchum,8c’est à dire du 1040’

jus-qu’aux environs du 60 50’ Nord. Mais, au-delà de la région guinéo-congo-laise (forêts sempervirentes, forêts semi-caducifoliées), les peuplements de rotins s’amenuisent drastiquement, se réduisant aux reliques forestières et aux îlots de massifs forestiers dans la région afro-montagnarde et dans les zones de mosaïque forêt-savane ou zone de transition.

Pour ce qui est de la diversité, le Cameroun semble être bien nanti comme on l’a déjà relevé dans la revue de littérature, puisque la plus grande concen-tration de rotins et les niveaux d’endémisme les plus élevés se rencontrent dans les forêts guinéo-congolaises (Sunderland 2001). On estime en effet à dix-huit (Sunderland 2001) ou vingt (Abwe et al. 2000) le nombre d’espèces

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présentes au Cameroun. Il s’agit notamment de Calamus. deëratus,

Eremos-patha barendii, EremosEremos-patha cabrae, EremosEremos-patha cuspidata, EremosEremos-patha haullevilleana, Eremospatha hookeri, Eremospatha laurentii, Eremospatha macrocarpa, Eremospatha quinquecostulata, Eremospatha tessmanniana, Eremospatha wendlandiana, Laccosperma acutiflorum, Laccosperma leave, Laccosperma opacum, Laccosperma robustum, Laccosperma secundiflorum, Oncocalamus macrospathus, Oncocalamus mannii, Oncocalamus tuleyi et Oncocalamus wrightianus.

Dans notre zone d’étude intensive, nous avons pu identifier 8 espèces. Le ta-bleau 3.2 énumère ces espèces en même temps qu’il donne quelques indica-tions utiles sur celles-ci.

On remarque à travers le tableau que la région de Yaoundé dispose de tous les genres africains. Elle doit cette richesse en genre à sa localisation dans la bande guinéo-congolaise. Il convient cependant de rappeler qu’on ne saurait prétendre à une quelconque exhaustivité car la prospection demeu-re insuffisante.

Le tableau 3.2 nous permet aussi de soutenir que dans la région de Ya-oundé, 5 des 8 espèces de rotins peuvent être considérées comme étant très utiles, aussi bien d’un point de vue traditionnel que sur le plan moderne. Il s’agit de Laccosperma secundiflorum, Eremospatha macrocarpa,

Eremospa-tha wendlandiana, Oncocalamus mannii et Calamus deëratus. De cette liste, Distribution, diversité, biologie, écologie et ethnobotanique 91

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TABLEAU 3.2 – Espèces et utilisations de rotins connues dans la région de Yaoundé

Espèces: Espèces: noms Utilisations Principales utilisations Niveaux de noms locaux scientifiques traditionnelles modernes ommercia-(Ewondo) clisation

Ekè/ekaye/ Laccosperma Confection de paniers, Réalisation de meubles, Très élevé nkan secundiflorum hottes, claies, meubles; d’objets de transport,

alimentation; médica- de conservation ou de ment (contre vers présentation

intestinaux et maux de ventre)

Nlong Eremospatha Confection de paniers, Réalisation de meubles, Très élevé macrocarpa hottes, claies, meubles; d’objets de transport,

construction de case de conservation ou de présentation, d’objets de parure, de services ou de décoration

Nlong Eremospatha idem idem Moyen

wendlandiana

Ebori Oncocalamus Confection de paniers, idem Très

mannii hottes; construction insignifiant

de cases

Pepac/akwas Eremospatha Brosse à dents Aucune Nul

hookeri

Pepac/akwas Eremospatha sp Brosse à dent Aucune Nul

Mekossi* Laccosperma Confection des Presque aucune Nul

opacum paniers et hottes

Nding Calamus Confection de paniers, Réalisation de meubles, Insignifiant deëratus hottes, claies, meubles d’objets de transport,

et construction de de conservation ou de

cases présentation, d’objets

de parure et de services ou de décoration

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L. secundiflorum et E. macrocarpa peuvent être considérés comme des

es-pèces prioritaires eu égard à leurs utilisations et intensités d’exploitation. Nos données et les informations de la littérature (Béné 1994; Nzooh 1995, 1997, 1999; ARRP a.n.i.) nous permettent de généraliser cette assertion à l’en-semble du Sud-Cameroun.

Les quatre genres de rotins que l’on retrouve au Cameroun et en Afrique se distinguent des rotins asiatiques notamment par la morphologie de leurs organes d’ancrage (flagelle, cirre) et de leurs fleurs. Les principales espèces présentes au Cameroun se présentent sous forme de clones de 2 à 60 tiges (par touffe), de longueur variant entre 5 et 150 mètres chacune quand elles sont à maturité. Leur diamètre varie généralement entre 0,8 et 5 centimètres et suivant les espèces, la gaines foliaire est avec ou sans épines (Nzooh Dongmo 1999). Les travaux de Nzooh Dongmo (1999) et de ARRP (1997) permettent de saisir les traits morphologiques de beaucoup d’espèces récol-tées au Cameroun. Ces rotins africains ont des caractéristiques anatomiques différentes d’un genre à l’autre au niveau de l’épaisseur des parois fibreuses, du pourcentage de tissus fibreux et du diamètre du vaisseau du métaxylè-me (Sunderland 2001). Ils se multiplient de façon sexuée ou asexuée.

La grande diversité des rotins et leur distribution dans plusieurs zones géographiques impliquent une grande diversité d’habitats. Au Cameroun méridional, les rotins sont présents dans un grand éventail de conditions écologiques. A partir des caractéristiques écologiques générales de cette aire de peuplement, on peut dire que les espèces concernées se développent dans des milieux à forte insolation et à forte hygrométrie relative, avec des

tem-pératures et des précipitations moyennes annuelles variant de 200C à 260C

et 1500 mm à 2000 mm respectivement suivant les régions. On les retrouve à des altitudes diverses, de la région côtière (en dessous de 100 m) jusqu’à la région des hautes terres de l’Ouest (1000 m à 1500 m en moyenne) en pas-sant par des hauteurs modérées comme celles du Plateau Sud-Camerounais (environ 700 m). Nous avons pu constater qu’ils colonisent surtout les faibles pentes (moins de 7%). Quand les pentes sont considérables (30% à 40%), on les (surtout le ‘nlong’) retrouve principalement au niveau du dernier quart en bas de la toposéquence. Pour ce qui est du substrat, on peut dire que la gamme concernée est aussi large, mais avec un fond ferrallitique qui pré-domine presque partout. En ce qui concerne le couvert végétal, on retrouve les rotins dans les différents types de formations évoqués plus haut, en forêts primaires, secondaires et dans les vieilles jachères.

Il est possible à partir de la littérature de donner quelques précisions sur certaines des espèces africaines récoltées au Cameroun. Les précisions dis-ponibles (à notre connaissance) à ce sujet sont presque exclusivement le résul-tat des travaux de Nzooh Dongmo (1999). De ces travaux dans la région du Dja nous pouvons brièvement retenir les éléments suivants en ce qui concer-ne les principales espèces.

Laccosperma secundiflorum est une espèce à fort tempérament

héliophi-le, tolérant difficilement des substrats hydromorphes. Les grandes clairières

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constituent pour elle le biotope préférentiel. Eremospatha macrocarpa est moins exigeante en lumière et tolère des faibles quantités d’eau du sol. Elle n’a pas de préférence pour un milieu particulier. Eremospatha

wendlandia-na tout comme Eremospatha macrocarpa est moins exigeante en lumière et

se régénère aussi bien en forêt primaire de terre ferme et périodiquement inondées que dans les milieux ouverts. Oncocalamus mannii a un fort tem-pérament héliophile. Elle tolère difficilement des substrats hydromorphes et les grandes clairières sont pour elle le biotope par excellence. Calamus

deë-ratus par contre est une espèce des forêts hydromorphes. Elle est exigeante

pour des substrats à faible degré d’hygrométrie, tolérant l’absence de la lumière aux stades jeunes, mais nécessitant des meilleures conditions d’éclairement pour la maturité. Les forêts marécageuses à R. monbuttorum et à Uapaca spp. sont des milieux affectionnés par cette espèce pour sa régénération (Nzooh Dongmo 1999).

Les rotins entretiennent avec les animaux des relations de prédation, de dispersion et de protection. En effet, certains herbivores comme le porc-épic (Athururus africanus) et l’écureuil par exemple broutent les jeunes tiges de rotin. La plupart des rotins africains sont disséminés dans une large mesu-re par les calaos (Whitney et al. 1998 cité par Sunderland 2001). Les pri-mates et notamment les drills, les mandrills, les chimpanzés et les gorilles, de même que les éléphants sont aussi des agents importants de dispersion (White & Abernethy 1997; Sunderland 2000). Plusieurs espèces de rotins produisent des substances qui attirent les fourmis. En retour, celles-ci pro-tègent les tiges de rotins contre les attaques d’herbivores (Nzooh Dongmo 1999).

3.2.2 Ethnobotanique des rotins dans la région de Yaoundé

Depuis leur installation dans cette zone de forêt équatoriale au XIXè siècle (Mveng & Beling-Nkoumba 1983; Mveng 1963, 1985), les groupes socio-culturels Ewondo, Bené, Tsinga, Mbidambani et Yembama qui occupent les campagnes de la région de Yaoundé ont intégré l’utilisation des plantes lia-nescentes de ce milieu dans plusieurs aspects de leur vie. Les rotins, de par leurs qualités font partie des lianes les plus prisées par ces communautés humaines.

Du point de vue traditionnel, les rotins sont essentiellement des plantes de service comme le montre le tableau 3.2. Laccosperma secundiflorum,

Ere-mospatha macrocarpa, EreEre-mospatha wendlandiana, Oncocalamus mannii, Laccosperma opacum et Calamus deëratus ont servi et servent encore à la

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Eremospatha macrocarpa, Eremospatha wendlandiana et dans une moindre

mesure Laccosperma secundiflorum, Calamus deëratus et Oncocalamus

man-nü sont utilisés dans la construction des cases. Leurs sclérenchymes

consti-tuent grâce à leur solidité et leur flexibilité d’excellents fils d’attache. On les utilise pour fixer les bâtons transversaux sur les piquets afin de constituer le squelette des murs en ‘poto poto’ ou terre battue et pour fixer les nattes sur les charpentes des maisons.

Toujours dans le cadre de l’utilisation des rotins comme plante de servi-ce, certains de nos informateurs nous ont signalé que Eremospatha

macro-carpa, Calamus deëratus, Laccosperma secundiflorum, et Eremospatha wend-landiana étaient utilisés pour confectionner des claies et dans la fabrication

des meubles. Le ‘pepac’ ou ‘akwas’ (Eremospatha hookeri, Eremospatha sp.

ou Laccosperma acutiflorum9) servait de brosse à dent. Eremospatha

macro-carpa et Eremospatha wendlandiana étaient (et sont encore) utilisés au cours

des inhumations pour faire descendre les corps en douceur au fond des tombes.

Dans un registre tout à fait différent les populations de la région utili-saient les rotins à des fins alimentaires et/ou médicinales. En effet, des

per-sonnes10d’un âge avancé nous ont fait savoir que les extrémités fraîches de

L. secundiflorum préparées accompagnaient le manioc ou le macabo dans

certaines recettes contre la faim et/ou contre les maux de ventre ou les vers intestinaux. Enfin, il faut relever que certains guérisseurs traditionnels uti-lisaient le ‘nkun’ comme contenant pour des potions servant au traitement des seins des femmes au cours de la période prénatale ou après l’accouche-ment.

Un peu partout au Sud-Cameroun, les usages traditionnels majeurs des rotins sont presque partout les mêmes: construction des cases et confection des paniers.

Parmi les particularités locales saillantes, on peut, sans aucune prétention d’exhaustivité évoquer celles qui suivent: L’utilisation des rotins dans la construction des ponts (par certaines communautés du Sud-Ouest) et le recours aux rotins pour la réalisation des dispositifs de capture de poissons (les nasses chez les Bakoko du Littoral, les filets traditionnels chez les Ba-mesing...). Certaines communautés de l’Ouest et du Nord-Ouest (Bamiléké, Bamoun, Bamuka et Kedjom-Keku par exemple) les utilisent pour décorer les calebasses, spécialement celles devant contenir le vin des notables. Les Bamilékés les utilisent également pour fabriquer des bracelets spéciaux ré-servés aux jumeaux et à leurs parents. Ce même groupe ethnique l’utilise

Distribution, diversité, biologie, écologie et ethnobotanique 95

9 Nzooh Dongmo (1995,1997, 1999) a appelé cette espèce Eremospatha SP. tandis que Sun-derland (dans African Rattan Research Programme – first annual progress report, 1997) semble plutôt parler de L. acutiflorum.

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pour fabriquer les castagnettes. C’est aussi le cas chez leurs voisins Bamoun. On fait également recours aux rotins dans la réalisation des tuteurs pour les ignames (chez les Ejagham du Sud-Ouest par exemple) et des pièges (par des communautés de la plaine de Ndop).

Les rotins étaient donc principalement des plantes de service et on les utilisait presque exclusivement dans le cadre d’un artisanat domestique. Leurs produits étaient destinés essentiellement aux usages personnels de l’artisan ou aux échanges avec les parents, amis et autres villageois. Leur exploitation, comme d’ailleurs celle des autres ressources forestières obéissait à des règles sociales plus ou moins formelles suivant les groupes.

3.3 Les systèmes de gestion de la ressource

3.3.1 Les cadres institutionnels locaux de gestion

Les cadres normatifs locaux11

Les systèmes locaux de gestion des PFNL tels qu’ils se présentent aujour-d’hui à travers le Cameroun méridional forestier sont le résultat des muta-tions du cadre de régulation coutumière face aux facteurs endogènes et aux influences extérieures. Par ailleurs, ils sont étroitement liés aux caractéris-tiques organisationnelles du corps social concerné et à son régime foncier.

PHOTO 3.2 – Le rotin est un matériau important en zone rurale. Il est notamment utilisé dans la construction de case (a) et dans la confection de hotte (b)

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En général, les groupes socioculturels qui habitent les campagnes du Came-roun méridional forestier sont répartis en une poussière de petits villages à habitat linéaire et disposé le long des voies de communication carrossables. Ils constituent des sociétés segmentaires aux pouvoirs politiques très mor-celés et à structure d’autorité peu contraignante. Les villages de ces groupes humains à structuration horizontale sont pluri-familiaux et même pluri-cla-niques ou pluri-lignagers pour certains. Chacun de ces villages possède un finage aux limites plus ou moins précises et définies par des éléments topo-graphiques ou hydrotopo-graphiques. Sur ce finage, le droit forestier coutumier suit les grands principes du système foncier. Cela est d’ autant plus vrai pour le rotin que ce PFNL n’est pas cultivé et son exploitation n’est basée que sur des peuplements naturels. Dans ce périmètre villageois, la terre et la forêt constituent en principe un bien collectif et inaliénable. Le droit d’exploita-tion y est imprescriptible. L’allocad’exploita-tion des droits fonciers est basée sur le principe du premier occupant. La preuve de la première mise en culture ou premier défrichement est la règle de base d’acquisition des droits fonciers coutumiers d’utilisation, de contrôle, de gestion et de transmissibilité. Dès qu’une parcelle libre est défrichée, le défricheur et ses descendants conser-vent une prééminence sur celle-ci, même en période de jachère (Dongmo 1983). Sur la base de ce principe de dévolution, le finage villageois est en principe, divisé en deux grandes catégories de terres à savoir la ‘grande forêt’ (espace qui n’a pas encore été mis en valeur. Certains villageois appellent ainsi la forêt dite vierge) qui relève du droit d’usage communautaire d’une part et, d’autre part, le domaine qui fait l’objet de droits lignagers ou fami-liaux.

Autrefois, en dépit de ces dispositions du cadre coutumier, c’est le prin-cipe coutumier du libre usage (accès non régulé pour les membres de la communauté concernée) des biens naturels qui avait le plus cours sur l’es-sentiel du finage villageois. Ainsi, tout villageois autochtone ou même voi-sins pouvait collecter les ressources forestières naturelles sur toute l’étendue du finage de son village sans formalités (Alexandre & Binet 1958). Mais, cette pratique a évolué suite à l’entrée en jeu de certains facteurs.

La colonisation, l’introduction des cultures pérennes au début du siècle passé, l’accroissement de la population et la commercialisation accrue des produits agricoles et forestiers ont entraîné une évolution du système fon-cier et forestier coutumier. La logique d’exclusion et d’ individualisation est, en général en train de prendre le dessus sur le principe d’appropriation col-lective et de libre accès sur l’ essentiel du finage villageois. Actuellement, l’appropriation, l’accès, l’exploitation et le contrôle des ressources fores-tières sont régis par un ensemble de principes locaux présentant à certains niveaux, des différences d’une ressource à l’autre et d’un groupe social à l’autre. Par exemple, Tsague (1995) travaillant dans la région de l’Est a re-censé trois types de régimes d’appropriation à savoir le ‘régime collectif’ vil-lageois (maîtrise indifférenciée), le ‘régime aléatoire’ (droit du premier arri-vé qui possède alors une maîtrise exclusive sur l’exploitation de la

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ce) et le ‘régime héritage’ (droit exercé sur une ressource entrée dans le pa-trimoine familial et transmise de génération en génération). Berg et al. (2000) travaillant sur six espèces de PFNL dans les régions de la Lékié, Dja et Bipindi-Akom II relèvent qu’il existe des différences dans les pratiques en fonction d’un certain nombre de paramètres. Ainsi, les droits et les niveaux d’organisation sociale dans lesquels s’exercent ces droits sont déterminés par le type de ressource, le procédé d’acquisition originelle, la nature et l’in-tensité des améliorations apportées à la terre ou à la ressource et le type d’espace ou d’habitat de prélèvement.

Suivant le schéma général actuel, dans la forêt ‘vierge’ ou ‘grande forêt’ (là où il en existe encore), c’est toujours le ‘régime collectif villageois’ qui prévaut sauf dans certaines circonstances bien établies. L’accès aux ressources y est libre à l’exception de celles qui sont soumis à un droit d’exploitation temporaire par un autre exploitant. Ainsi, dans la ‘grande forêt’, tout exploi-tant autochtone qui arrive le premier sur une touffe de rotins, dans une aire de chasse, sur une section d’un cours d’eau ou sous un arbre fruitier en temps de récolte peut y installer un droit d’exploitation exclusif, mais ce droit devient caduc aussitôt que l’exploitant cesse de séjourner sur le site ou que ses installations ou facilités d’exploitation disparaissent. Ce droit pour le rotin est très éphémère car, en principe, il n’ est valable que quand le cou-peur est sur le site d’extraction en train de travailler.

Hors de la grande forêt, c’est-à-dire dans les espaces forestiers qui ne font plus partie du domaine d’usage communautaire, les droits d’ accès et de prélèvement des ressources forestières (dont le rotin) sont détenus par un collectif social fondé sur les liens de parenté. Il s’ agit de droits exclusifs au groupe. Le régime d’appropriation est la maîtrise exclusive interne (à la fa-mille ou au lignage/segment de lignage).

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Les instances compétentes

Selon le système coutumier de base, dans le domaine relevant des droits lig-nagers ou familiaux, l’autorité compétente en matière de gestion est essen-tiellement soit le chef de famille, soit le responsable de lignage, soit le plus anciens du lignage en vertu du principe coutumier de patriarcat et de la séniorité qui gouverne ces collectivités. Leur pouvoir repose sur leur posi-tion généalogique et leur connaissance du passé. Les droits de contrôle par rapport aux personnes étrangères au collectif d’ayants-droits reviennent es-sentiellement aux chefs de famille ou aux responsables de lignage qui peu-vent accorder l’autorisation d’accès et de prélèvement à une tierce person-ne pour uperson-ne période, un espace ou uperson-ne quantité de ressources définie.

Dans le domaine relevant du droit d’usage communautaire (espace sou-mis au régime collectif à l’échelle du village) l’instance compétente en ma-tière de gestion, était (est!) le collectif des chefs de familles ou de lignages du village. Mais, depuis la colonisation et l’instauration des agents du com-mandement territorial à l’échelle des villages, à cette instance s’est substi-tuée celle des chefs de villages avec leurs appareils de commandement (tri-bunal coutumier, conseil de notable...). La première instance n’a pas totale-ment disparu dans la mesure où la quasi-totalité de ses membres se retrou-ve de fait dans la seconde. L’autorité de cette instance centrée sur les chefs de village s’étend en principe d’ailleurs sur tout le territoire du village et c’est elle qui en tant qu’organe appendice de l’administration moderne est ‘légalement’ compétente pour les questions foncières et forestières. Mais, dans beaucoup de cas, les chefs de village ont du mal à imposer leur influence dans ces groupes où l’appareil socio-politique est dominé par les systèmes de parenté. Ainsi, assez régulièrement, les décisions concernant la terre et la forêt au niveau des villages sont le résultat d’un jeu complexe de pouvoir où interviennent directement ou indirectement beaucoup d’acteurs de l’arè-ne socio-politique (chef du village, notables, responsables de lignage, chefs de familles, autorités religieuses, élites, responsables locaux du parti au pou-voir, tribunal coutumier, responsable du comité de développement, leaders d’association etc...). Dans cette arène, le rôle des entités locales de type col-lectif ou participatif mérite une attention toute particulière.

En effet, à la faveur des textes/lois de 1990, 1992 et 1993 sur les asso-ciations, des mécanismes mis en place par les autorités administratives pour essayer d’endiguer la monté de l’insécurité et de la mise en place des pro-jets de développement et/ou de conservation dans certaines régions, de mul-tiples entités locales d’utilité publique et collective sont apparues dans beau-coup de localités. Ces structures qui sont de diverses natures (Comité, asso-ciation...) et vocation (développement et/ou sécurité et/ou gestion des res-sources naturelles...) jouent, dans certains cas, un grand rôle dans le contrô-le de l’exploitation des ressources forestières par contrô-les étrangers. On peut ainsi par exemple citer les ‘Natural Resources Management Committees’ mis en place par le Projet Korup dans sa zone de travail pour ‘gérer’ les ressources forestières et surtout réguler l’accès des PFNL par rapport aux collecteurs

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nigérians. On peut également citer le cas du Comité de vigilance Ndo susci-té par les autorisusci-tés administratives locales et une partie de l’élite insusci-térieure qui a pour mission de «surveiller la forêt contre le gaspillage des étrangers». La section D de l’annexe 4 énumère les principales entités de cette nature répertoriées au cours des travaux de terrain. Dans l’ensemble, qu’elles soient mise en place ou suscitées par les projets, les élites ou les sous-préfets ou qu’elles soient vraiment endogènes, ces entités sont pour une bonne partie illégales. La légitimité de beaucoup parmi elle est contestable dans la mesu-re où elles se sont formées sur des bases non démocratiques, certaines ne sont qu’ un groupuscule défendant un intérêt partisan (le leur, celui du chef, celui d’ une élite, ...) et d’autres ne sont que des collectifs sans aucune repré-sentativité ou mandat de la communauté. Finalement, elles ne sont pas imputables. Mais, dans l’ensemble, en tant qu’appareil rentrant dans la logique de durcissement des identités et d’exclusion des étrangers, ces struc-tures sont tacitement admises ou du moins tolérées implicitement par une bonne partie des membres du collectif d’ayants-droits même quand elles n’ont reçu aucun mandat de la communauté. Mais, souvent, par rapport à la gestion des droits d’accès des étrangers aux ressources forestières, les con-flits surviennent entre ces nouvelles instances de contrôle local et d’autres c’est-à-dire les individus, les instances familiales ou lignagères ou le chef de village. Les encadrés 3.1 et 3.3 donnent des exemple de ces conflits.

Mise en œuvre des systèmes locaux de gestion

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gestion du domaine familial se charge le plus souvent de faire prendre acte par le chef de village, d’une présence étrangère dans le ‘terroir’.

Dans les villages où il existe encore un domaine relevant du régime col-lectif villageois, tous les villageois autochtones bénéficient du droit de libre accès et de prélèvement dans cet espace, sans aucun contrôle. Dans certains contexte, notamment dans les régions enclavées (les ressources ne font pas encore l’objet d’une commercialisation notable), ce privilège s’étend aux voisins et relations proches. Mais, assez régulièrement, quand les ressources forestières font déjà l’objet d’une commercialisation notable, des velléités de limitation de droits ou de ‘privatisation’ arbitraire des espaces ou des res-sources de ce domaine se multiplient et donnent lieu à des conflits. En géné-ral, dans les domaines d’usage collectif, ce sont les ‘représentants’ de la communauté (chef de village, Comité de développement ou Comités de vigi-lance ...) qui donnent les autorisations d’accès et de prélèvement aux étran-gers contre paiement de ‘droits coutumiers (une sorte de taxe coutumière d’exploitation) et dans certains cas, avec la complicité de l’agent local du MINEF. Concrètement, quand les coupeurs étrangers (constitués en groupe informel pour des besoins de sécurité, de négociation et de travail) arrivent dans une nouvelle zone, ils se présentent auprès des instances de gestion et prennent l’autorisation de prospecter la forêt afin de voir si elle est riche en rotin. Si c’est le cas, ils reviennent négocier l’ autorisation de prélèvement avec le responsable compétent. Les deux parties discutent et parviennent à un accord verbal (que certains coupeurs basés à Douala appellent par exemple ‘Convention’). Suivant le cas, on peut exiger aux coupeurs quelques casiers de bières, du vin rouge et/ou de l’ argent. Les sommes exigées vont généra-lement de 5.000 Frs à 10.000 Frs pour un camion de rotin ou les mêmes montant pour un à trois mois de coupe dans la région de Douala-Edéa. L’in-stance locale compétente se charge aussi de contrôler les quantités de rotin prélevées et de percevoir les ‘droits coutumiers’ correspondant.

Les termes de ces accords entre parties prenantes ne sont pas toujours respectés, d’où des situations litigieuses. Ces conflits ont pour origines prin-cipales les tentatives d’ évacuation du rotin sans paiement, le refus par cer-tains villageois de laisser les coupeurs accéder aux secteurs qu’ils considè-rent comme ‘leur forêt’ et l’exigence des frais supplémentaires aux coupeurs par les instances concurrentes à celle avec laquelle ils ont conclut l’accord. L’encadré 3.1 rapporte une situation conflictuelle qui, sans être typique n’est pas très rare et a le mérite de permettre une appréhension d’ensemble des enjeux autour des ressources naturelles au niveau local.

Les conflits les plus récurrents mettant directement en confrontation les cou-peurs aux instances locales sont celles émanant des tentatives d’évacuation de rotin sans paiement de la redevance et l’exploitation frauduleuse. En effet, dans beaucoup de contexte, lorsque les coupeurs se rendent compte qu’ils peuvent exploiter le rotin à l’insu des villageois ou des instances de contrô-le, ils n’hésitent pas à le faire. Cela est d’autant plus possible qu’il est

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cile pour les ayants-droits d’avoir un contrôle effectif sur l’ensemble de leur finage, surtout en zone de faibles densités de populations. Il arrive donc fré-quemment que des étrangers non-résidents s’introduisent frauduleusement ou subtilement dans les secteurs éloignés de la zone sous emprise villageoi-se directe et jouisvillageoi-sent temporairement des mêmes droits ou avantages que les autochtones, notamment pour ce qui est de la collecte des PFNL. On peut alors parler, pour ces secteurs de la grande forêt hors emprise directe/con-trôle des villageois, d’accès vraiment libre et c’est ici que peut s’appliquer pleinement le principe de la ‘tragédie des communs’ de Hardin (1968). Ces cas d’exploitation non autorisées donnent souvent lieu à des conflits d’am-pleurs plus ou moins considérable et mettant en branle diverses considéra-tions comme par exemple le cas rapporté dans l’encadré 3.2.

ENCADRÉ 3.1

Qui gouverne la forêt de Kopongo? le chef, l’agent local du MINEF, le président du Comité de Développement ou les villageois?

Kopongo est une petite localité située dans les environs d’Edéa en pays Bassa. Sa proximi-té relative par rapport à cette ville et son accessibiliproximi-té relativement facile par rapport à Douala valent à ses forêts une forte sollicitation de la part des coupeurs de rotin, des scieurs artisanaux de bois, des coupeurs de piquets et autres exploitants commerciaux de PFNL.

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Dans la plupart de cas, les conflits inhérents à l’accès et à l’exploitation du rotin sont résolus par un arrangement à l’ amiable entre les parties avec ou sans médiateur. Mais, les cas de violence, confiscation du matériel de travail ou destruction du rotin prélevé ne sont pas rares.

A l’observation, on se rend compte qu’aucune des instances locales ne gère la ressource au sens plein du terme. Elles essaient de limiter l’accès à la ressource à un certain nombre d’ayants-droits et aux utilisateurs autori-sés. Mais les règles d’accès restent vagues pour ces ayants-droits et per-sonnes extérieurs autorisées (ces règles d’accès disent qui a ou peut avoir accès, mais ne régulent pas cet accès – par exemple par l’octroi de quota, la détermination des fréquences) et il n’existent pas pour le rotin précisément des règles d’exploitation (techniques autorisées, périodes possibles ou inter-dites, intensité de prélèvement, devenir des produits collectés etc.). C’est pour cela que les systèmes locaux sont tout simplement assimilables, dans une certaine mesure à une exploitation en accès libre. Ses impacts négatifs sur la conservation de la ressource peuvent être d’autant plus redoutable que c’est lui qui est le plus connu et le plus respecté par les exploitants par rap-port au cadre gouvernemental.

Les systèmes de gestion de la ressource 103

ENCADRÉ 3.2

Les Wouté et le contrôle de l’accès aux PFNL

Le village Ndo est une localité du pays Wouté. Les populations Wouté ou Babouté sont un groupe à structure socio-politique lignagère qui habite principalement la zone de transi-tion forêt-savane de la Haute –Sanaga dans la région de Mbandjock. Leur faible densité, la distribution spatiale de leurs hameaux et leur système d’exploitation laissent une faible emprise sur l’espace de la région et donnent l’impression aux visiteurs non avisés qu’on est dans un pays de ‘terres vacantes et sans maître’. En 1990, un groupe d’artisans Gbaya s’est installé avec l’assentiment discret de quelques autochtones, dans un secteur des forêts wouté sur les berges de la Sanaga pour exploiter le rotin et pour fabriquer et vendre des tabourets. Cette activité marchait bien puisqu’une petite filière allant jusqu’à Yaoundé s’y était déjà tissée. Malheureusement, après quelques mois, ils ont été chassés par un groupe informel de villageois (composé essentiellement des habitants du village Ndo) qui se dit ‘Comité de Vigilance’. Cette expulsion a failli dégénérer en affrontement physique, ce d’autant plus que certains autochtones supportaient les artisans Gbaya.

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3.3.2 Le cadre institutionnel gouvernemental

Les droits et la politique gouvernementale

• Les droits et la politique gouvernementale en matière de gestion des PFNL

Le statut des PFNL étant intrinsèquement lié au régime foncier et au code forestier, le présent aperçu a nécessairement un spectre plus large. Le nombre de textes pris (Egbe 1997) par les autorités politico-administratives qui se sont succédées à la tête du Cameroun depuis le début de la colonisation en 1884 (Allemands, Anglais, Français et Camerounais) montre que la gestion des ressources forestières a toujours constitué un enjeu très sensible pour les différents acteurs concernés. A la lecture de ces textes, on se rend compte que le souci de centralisation, d’hégémonie et de substitution de l’Etat aux popu-lations locales dans le contrôle des terres et des forêts a été une constante chez presque toutes les autorités. Les autorités allemandes, anglaises et fran-çaises ainsi que les gouvernements post-coloniaux des Etats fédérés ont géré cette option d’exclusion avec plus ou moins d’accrocs (Mveng 1985; Egbe 1997; Etoga Eily 1971). Les autorités postindépendances ont continué dans la voie tracée par les colons. Ainsi, l’Etat unitaire dans sa première

ordon-nance forestière (ordonordon-nance no 73/18 du 22 mai 1973) a posé comme un

de ses principes cardinaux la nationalisation des ressources forestières.

L’or-donnance no74/1 du 6 juillet 1974 précise et renforce cette option en

met-tant fin à l’existence des droits fonciers coutumiers et en créant le domaine national. Les textes relatifs à la forêt qui vont intervenir par la suite (loi 81/13 du 21 novembre 1981; décret 23/170 du 12 avril 1983...) vont s’ins-crire dans la même mouvance. Lavigne Delville (2001) évoquant cette situa-tion en Afrique en général donne comme raisons fondamentales de cette nationalisation, la volonté des autorités de contrôler politiquement la pay-sannerie et consolider leur main mise sur l’espace national (les gouvernants quant à eux avancent plutôt le besoin de gérer ‘rationnellement’ ces res-sources).

L’Etat s’est ainsi arrogé le droit de propriété, de contrôle et de gestion sur presque toutes les terres et les massifs forestiers du territoire national et n’a laissé aux populations locales que le droit traditionnel d’usage. Dans cer-tains des textes ci-dessus évoqués (exemple: les législations coloniales

fran-çaises de 1922 et 1926, le décret no74/357 du 17 avril 1974), les autorités

font des produits forestiers ‘secondaires’ l’objet par excellence ou l’objet exclusif d’exercice de ce droit d’usage (United Republic of Cameroon. Decree

no 74/357; Egbe 1997). Mais dans l’ensemble, les textes évoqués ci-dessus

n’accordent pas une grande importance aux PFNL et ne font pas allusion de façon particulière à ces ressources dans la plupart des cas.

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pêche, la signature de ses décrets d’application (Décret no95/531/PM du 23

août 1995 fixant les modalités d’application du régime des forêts, Décret no

95-466/PM du 20 Juillet 1995 fixant les modalités d’application du régime

de la faune) et la promulgation de la loi no 96-12 du 5 août 1996 portant

loi-cadre sur l’environnement. L’objectif général de cette reforme qui inau-gure la «nouvelle politique forestière» (MINEF 1995 a & b) est de pérenniser et de développer les fonctions économiques, écologiques et sociales des forêts camerounaises, dans le cadre d’une gestion intégrée qui assure de fa-çon soutenue et durable la conservation et l’utilisation des ressources et des écosystèmes forestiers (loi 94/01, MINEF 1995). Selon le MINEF, il est no-tamment question d’«assurer la protection de notre patrimoine forestier et participer à la sauvegarde de l’environnement et à la préservation de la bio-diversité»; d’«améliorer l’intégration des ressources forestières dans le déve-loppement rural afin de contribuer à élever le niveau de vie des populations et de les faire participer à la conservation»; de «mettre en valeur les res-sources forestières en vue d’augmenter la part de la production forestière dans le PIB tout en conservant le potentiel productif...» (MINEF 1995b). Cette reforme au contenu en partie imposé par les bailleurs de fonds (Nguif-fo Téné 1994; Egbe 2001) se donne pour objectif de conserver les ressources forestières, de les valoriser et d’associer davantage les populations à leur gestion. Cette nouvelle politique donne en théorie l’opportunité aux popu-lations et aux particuliers de participer à la gestion des ressources forestières notamment par l’obtention des forêts communautaires et de forêts de parti-culiers respectivement (article 30, 31, 34, 37 et 39 de la loi 94/01). Mais, les conditions liées à cette opportunités restent largement sous le contrôle de l’Etat. Au regard des textes de la reforme et compte tenu de l’ordonnance foncière de 1974, il y a lieu de dire que la brèche laissée aux communautés et individus de participer à la gestion des forêts reste étroite. Ce constat a été déjà fait par Laird et al. (2000). En dépit de la reforme, l’Etat n’a donc pas en réalité renoncé à son hégémonie et contrôle exclusif sur les sources forestières. L’Etat conserve ainsi l’essentiel des droits sur les res-sources forestières y compris les PFNL dont les rotins. Il faut rappeler que les peuplements naturels constituent les seules sources de rotins transformés au Cameroun. Par ailleurs, presque tous ces peuplements sont dans les forêts appartenant à l’Etat et assis sur le domaine foncier de ce dernier.

En dépit de la reforme, on constate aussi que l’autre constante évoquée plus haut à savoir la négligence des PFNL par les pouvoirs publics reste vivace. Le désintéressement vis-à-vis des PFNL déjà très perceptible au cours de la période coloniale a perduré après l’indépendance. En effet, les codes forestiers de 1973 et de 1981 n’évoquaient les PFNL que de manière très vague par rapport à l’attention qu’ils portaient sur le bois. Conscient de cette situation de mépris par rapport aux PFNL, dans la nouvelle politique forestière, le MINEF avait pourtant annoncé «un recul vis-à-vis de l’arbre pour pouvoir embrasser la forêt dans son ensemble» (MINEF 1995b). Mais, quand on lit les principaux textes normatifs de cette nouvelle politique

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restière et les textes réglementaires pris depuis le lancement de la reforme forestière, on constate que très peu de place est accordée aux ressources non-ligneuses et là où elles sont évoquées, elles le sont d’une manière vague ou évasive. Par ailleurs, dans le plan d’action qui, en principe devait soute-nir la concrétisation de la nouvelle politique, sur un ensemble de 82 projets identifiés, 5 seulement portent explicitement sur les PFNL. Des différents groupes de pression qui étaient en branle autour de l’élaboration des textes de 1994 et 1995 (politiciens, administration forestière, sociétés forestières, bailleurs de fonds...) aucun n’avait visiblement intérêt à se préoccuper des produits forestiers dit secondaires, aucune motivation ne les y poussait et compte tenu de leurs formations, ambitions, perceptions ou mobiles, le bois d’œuvre a pratiquement monopolisé leur attention. Le mépris envers les autres produits forestiers a donc perduré et même la création en 1998 (décret présidentiel no 98/345 du 21 décembre 1998) d’une sous-direction en char-ge des PFNL à la Direction de la Promotion et Transformation des Produits Forestiers au MINEF n’a rien changé de cette situation de négligence. • la politique gouvernementale en matière la valorisation des ressources

forestière et de l’artisanat

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Pourtant, ce n’est pas la vision qui a fait défaut aux pouvoirs publics car, par exemple, la nouvelle politique forestière a pris entre autres options la valorisation des ressources forestières dans l’objectif d’accroître les revenus des populations et de générer de l’argent pour le budget de l’Etat notamment par le biais des impôts et taxes diverses. Par ailleurs, au MINDIC, un Plan National pour l’Artisanat a même vu le jour et récemment (2001), la pro-motion de cette activité a été inscrite dans les missions de l’une des cham-bres consulaires du Cameroun. Depuis, l’Etat ne s’est manifesté dans le do-maine du rotin par exemple que par des projets ‘mort-nés’ comme par exemple le projet du MINDIC de création d’ateliers pilotes en collaboration avec la coopération chinoise.

En somme, il y a lieu de relever chez les gouvernants l’absence d’une réel-le politique active (soutenue par des actions de facilitation tangibréel-les, cohé-rentes et de grandes amplitudes) de promotion consacrée à l’artisanat, plus particulièrement à la transformation du rotin. La mise en place d’un tel cadre ne va pas pourtant contre la politique ultra-libérale du ‘moins d’Etat’ que le gouvernement camerounais s’est vue imposé par les bailleurs de fonds dans le cadre des pilules de stabilisation macroéconomique depuis la fin des années 1980.

Le cadre juridique de prélèvement, de commercialisation et de transfor-mation des PFNL

• Au niveau du prélèvement et de la commercialisation

Le cadre de récolte / cueillette des PFNL est principalement défini par l’or-donnance no 74-1, les lois 94-1 et 96-12 et les décrets 466/PM et 95-531/PM. En dehors de l’ordonnance de 1974, tous les autres textes consti-tuent des vecteurs de la reforme forestière au Cameroun. Cette réforme a conservé aux populations le droit d’usage coutumier c’est à dire la possibi-lité pour les populations riveraines d’exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à l’exception des espèces protégées, en vue d’une utilisation personnelle (article 8 de la loi 94/01). Mais ce droit ne peut pas s’exercer dans certaines aires protégées. Ce droit est révocable et s’apparen-te à une faveur du propriétaire (Etat) à l’endroit des gardiens des forêts que sont les populations. Par ailleurs, il ne concerne que l’exploitation dans les situations d’autosubsistance par les riverains d’une forêt, l’exploitation des PFNL à but lucratif étant subordonnée à un certain nombre de condition-nalités.

Dans les forêts communautaires les procédures d’exploitations sont sim-ples lorsqu’il s’agit d’une exploitation artisanale, menée par les populations elles-mêmes. Le même constat semble être valable dans le cadre des forêts des particuliers faisant l’objet d’une exploitation en régie. Il suffit pour cela, de respecter le plan simple de gestion et le plan annuel des opérations et d’obtenir un certificat d’origine pour l’évacuation des produits vers les lieux de consommation ou de vente (MINEF 2002). Mais, au cas où la

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nauté ou le particulier en établirait une activité commerciale permanente, il doit nécessairement se conformer au régime des impôts sur le commerce.

En dehors de ces cas particuliers, en général et de manière succincte, toute personne désireuse de se livrer à une exploitation lucrative des PFNL doit nécessairement avoir un agrément à l’exploitation forestière (article 41 de la loi 94/01, article 35 du décret 95/531/PM), obtenir un permis d’ex-ploitation (article 56 de la loi 94/01; article 87 du décret 95/531/PM), obte-nir une Lettre de Voiture pour l’évacuation de la marchandise et un certifi-cat d’origine ainsi qu’une autorisation d’exporter si le cas le justifie. Par ailleurs, suivant les lois de finance 1996/97, 1998/99 et 1999/2000, l’ex-ploitant doit payer au trésor public 10 Frs par kilogramme sur la ressource récoltée et 5% de taxes sur les produits exportés. En outre, à la fin de la cueillette, il doit présenter un rapport d’activité à l’administration chargée des forêts (article 87-89 du décret 95/531/PM). Sur un autre plan, si l’ploitant établit une activité commerciale permanente dérivée de cette ex-ploitation (atelier de rotin, médecine traditionnelle...), il doit se conformer au code des investissements et au régime général des impôts. C’est dans cette situation que devraient se retrouver les revendeurs de rotin et les cou-peurs ayant une unité de transformation de rotin à but commercial. • Au niveau de la transformation

Créer une unité de transformation commerciale de rotin est un acte d’inves-tissement. Cela suppose pour le créateur le respect d’un certain nombre de dispositions administratives que présente le code d’investissement. Le code d’investissement du Cameroun stipule que «toute personne physique et mo-rale camerounaise ou étrangère, quel que soit son lieu de résidence, peut exercer une activité économique au Cameroun» (CCIM b, a.n.i. citant

l’or-donnance no 90/007 et l’ordonnance no 94/003 du 24 janvier 1994), sous

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dérogation, les produits bruts ou transformés destinés à la commercialisa-tion sont soumis aux normes définies par arrêté conjoint des ministres char-gés des forêts et du commerce.

La mise en oeuvre de la gestion gouvernementale

• En matière d’extraction et de commercialisation des PFNL

La mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière de gestion des ressources forestières incombe au MINEF. Au niveau central, c’est principa-lement la Sous-Direction des Produits Forestiers Non-Ligneux qui est direc-tement concernée par les PFNL. Au niveau des provinces et des départe-ments, ce sont respectivement les délégations provinciales et départemen-tales qui ont cette responsabilité. Au quotidien, les tâches de ‘gestion’ re-viennent aux postes forestiers et de chasse (plus connus sous l’appellation ‘Eaux et Forêt’) installés dans certaines localités ou le long de certains axes routiers. Ces différents services sont appuyés en cas de besoins par les auto-rités administratives et de maintien de l’ordre territorialement compétentes (Préfet, sous-préfet...).

C’est donc le MINEF à travers ces différentes structures qui devrait tra-duire dans les actes les orientations relevées plus haut, notamment en ma-tière de conservation de la ressource et de promotion d’une gestion partici-pative. Mais, cette structure n’a jusqu’ici rien entrepris de significatif dans le sens de la conservation. Plus concrètement, aucun inventaire de rotin par exemple n’a jusqu’à présent été réalisé par le MINEF, il n’existe aucune modalité d’exploitation ou norme technique de prélèvement de la ressource, aucune action véritable dans le sens de la recherche-développement n’a jus-qu’ici été entreprise par les pouvoirs publics (comparé à la matière ligneuse où par exemple depuis 1970, l’Etat a crée un centre spécialisé s’occupant entre autre de la promotion et de la formation) et aucun plan spécifique des-tiné à la protection du rotin (comme de la quasi-totalité des PFNL) n’existe. le MINEF se contente d’accorder les titres d’exploitation à quelques person-nes sur des millions d’hectares ou de dicter quelques règles sporadiques dans le domaine des plantes médicinales etc. le Cameroun n’a pas encore une stratégie de gestion des PFNL. En somme, il y a lieu de déplorer l’absence d’une véritable politique de gestion de la part des pouvoirs publics. L’initia-tive prise en 2001 dans le sens de l’élaboration d’une telle politique avec notamment la mise sur pied d’un comité chargé d’élaborer les termes de référence d’une étude à ce sujet (Décision 0322/MINEF/SG/DPT/SDNL) tarde à donner des résultats concrets. Les rares initiatives d’implication significa-tive des pouvoirs de l’Etat dans le sens de la recherche-développement ou de la conservation sont restées lettre morte. On peut notamment citer le pro-jet sur l’inventaire, la sylviculture et la valorisation du rotin dans le cadre du Programme d’Action Forestier National (1995) et le projet de domestica-tion et de culture de rotin à Oman formulé en 2000 par la Direcdomestica-tion des Fo-rêts en collaboration avec quelques ONG.

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Les seules actions des pouvoirs publics allant indirectement dans le sens de la conservation de la ressource restent le contrôle mené principalement au niveau des postes forestiers et de chasse. En dehors de ces contrôles, les pou-voirs publics ne prennent aucune autre mesure comme par exemple la sen-sibilisation et l’éducation pour faire respecter le cadre de régulation officiel. On ne saurait actuellement parler d’une gestion forestière active de la part des services forestiers qui ne se bornent qu’à de simples mesures de police.

En ce qui concerne l’association des populations à la gestion des res-sources forestières, les seules actes concrets posés par les pouvoirs publics relèvent de la fiscalité forestière décentralisée (qui ne concernent pas le rotin) et de la foresterie communautaire. L’octroi des parcelles de forêt aux populations riveraines dans le cadre de la foresterie communautaire peut être très important du point de vue des PFNL dans la mesure où non seule-ment il procure aux membres des communautés concernées un accès légal à ces ressources, mais aussi, protège ces dernières contre des utilisations concurrentes des terres (par exemple la création de grandes palmeraies par l’élite) et préserve les droits des cueilleurs des communautés concernées. Mais, la foresterie communautaire tarde à prendre une dimension de nature à com-bler les attentes à cause de plusieurs handicaps (voir Bigombé Logo 2000). Ainsi par exemple, jusqu’en octobre 2000, c’est-à-dire près de six ans après l’adoption du principe de la foresterie communautaire, seulement 7 forêts communautaires couvrant au total 25.452 ha avaient été attribuées par le MINEF sur toute l’étendue du Cameroun méridional (MINEF 2000). A pré-sent, les populations sont donc loin de pouvoir compter sur la brèche des forêts communautaires pour participer à la gestion des peuplements de rotins. Actuellement, la quasi-totalité du rotin exploité au Cameroun à des fins commerciales le sont dans les forêts de l’Etat car, il n’existe aucune planta-tion de rotin au Cameroun et les forêts communautaires restent rares.

A défaut de pouvoir contribuer à une gestion effective des ressources fo-restières, le rôle des Eaux et Forêts se limite presque exclusivement au contrôle des documents administratifs exigibles pour l’exploitation. Le long de certains axes routiers, il existe aussi des postes de contrôle du Program-me de Sécurisation des Recettes Forestières (PSRF) qui est une structure conjointe du MINEF et du Ministère des Finances et du Budget (MINFIB) dont le rôle est essentiellement de vérifier si les exploitants se sont acquittés de leurs charges financières. Les forces de l’ordre participent aussi au contrôle du respect de la réglementation.

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