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Le rotin, la forêt et les hommes Defo, L.

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Defo, L. (2005, January 18). Le rotin, la forêt et les hommes. Retrieved from https://hdl.handle.net/1887/605

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License: Licence agreement concerning inclusion of doctoral thesis inthe Institutional Repository of the University of Leiden Downloaded from: https://hdl.handle.net/1887/605

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La filière rotin au Sud-Cameroun:

évolution, composantes, acteurs et fonctionnement

Ce chapitre est un aperçu d’ensemble de l’exploitation du rotin au Sud-Came-roun. Il est l’élément central de la dissertation non seulement parce qu’il décrit la filière et explique son fonctionnement, mais aussi parce qu’il four-nit d’importants éléments de base pour les analyses ultérieures. Il répond à l’interrogation suivante: Comment se présente la filière d’un produit fores-tier non-ligneux qui fait l’objet d’une exploitation commerciale accrue dans un contexte de dépression économique et dans un environnement socio-in-stitutionnel en mutation?

Le chapitre s’ouvre par une présentation du contexte historique du déve-loppement de la filière (4.1). Cet exposé donne des éléments de lecture per-mettant d’appréhender l’état actuel de cette activité, surtout sa dimension spatiale (4.2). Après l’historique et la distribution spatiale actuelle, les diffé-rentes composantes de la chaîne à savoir la coupe (4.3), la tion de la matière première (4.4), la transformation (4.5), la commercialisa-tion et l’utilisacommercialisa-tion des produits finis (4.6) sont passées en revue. Partant de ces analyses et du contexte, le dernier point (4.7) jette un regard prospectif sur les évolutions probables du secteur à court et moyen termes. Enfin, un résumé très succinct du contenu de ces sections ferme le chapitre (4.8).

4.1 Aperçu historique du développement de la filière

4.1.1 Les facteurs d’évolution

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TABLEAU 4.1 – Pr ofil hi storique de l’exploitation du r otin au Sud-Camer oun Phase Chr onologie Exemples d’indicateur s de gr ande portée Observation s d’évolution Le temps Période pré-• Accès à la r essour ce facile ; utilisation du r o tin de façon tr aditionnelle dans Les articles en r

otin ne font pas

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s la Fr

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Kumba, ICE de Bétamba etc.).

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e

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otin (Un envoyé en Chine par les catholiques du Sacré-Cœur de

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Y

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s à

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(4)

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aîné une augmentation considér

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e d’artisans et

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aoundé, Collège Notr

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es comme, ARRP et le

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s potentiels de cr

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, interventions extérieur

es, or

ganisations

d’acteur

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la demande de produits finis. La situation générale de l’économie du terri-toire a aussi joué un rôle non négligeable dans l’évolution de la filière dans la mesure où, une fois pris dans l’engrenage de l’économie de marché, le rotin ne pouvait pas échapper aux mouvances des données macro et méso éco-nomiques.

Certains des facteurs ci- dessus ont perduré indépendamment de la colo-nisation et ont continué à marquer l’exploitation du rotin. L’apport de l’Etat post-colonial, des organisations religieuses, des institutions scolaires, des structures politiques, des ONG, des projets de développement ou de conser-vation a aussi considérablement marqué l’évolution de la filière.

4.1.2 L’évolution de l’exploitation du rotin au Sud-Cameroun

On peut globalement identifier trois grandes étapes dans l’évolution de l’ex-ploitation du rotin au Cameroun. Le tableau 4.1 présente ces différentes phases.

4.2 Distribution spatiale de l’exploitation et schéma général

de la filière

4.2.1 Distribution spatiale

Il existe une forte disparité dans la répartition spatiale des activités d’ex-ploitation du rotin au Cameroun méridional. La figure 4.1 permet d’appré-hender ces inégalités.

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La donnée statistique de base de cette carte est l’effectif d’intervenants qui, à notre avis, est l’un des indicateurs d’implantation les plus pertinents ou expressifs. La trame de répartition laisse apparaître un grand bassin d’ex-ploitation localisé au centre, un autre situé dans la partie occidentale du cadre d’étude et des points isolés. Nous parlons de bassin en nous fondant non seulement sur la concentration ou la proximité de l’implantation spa-tiale, mais aussi et surtout en nous appuyant sur le niveau de connexion ou de flux de rotin dans l’espace considéré.

Le bassin du Centre est le plus important en terme d’effectifs d’interve-nants (environ 800 personnes) et de production. Il est fortement polarisé par la ville de Yaoundé sur une distance de près de 100 km. Ce bassin présente un fort niveau de cohérence interne. Ses principaux points névralgiques sont Yaoundé, La région de Mbalmayo et le Pays Mbidambani.

Le bassin de l’Ouest quant à lui est un peu moins important (environ 700 intervenants) mais très étendu, de l’océan jusqu’aux Hautes Terres de l’Ouest. Ce bassin présente peu de cohérence. Le niveau de connexion entre certaines de ses articulations est lâche et laisse entrevoir plusieurs démembrements relativement autonomes à savoir le foyer du littoral polarisé par Douala, le foyer du Sud-ouest avec pour points focaux Kumba, Limbé, Buea et Ediki et le foyer des Hautes terres de l’Ouest qui a pour points focaux Bafoussam, Bamenda, Mbingo-Babanki-Mejan et Ndop dans une moindre mesure.

Les autres localités d’exploitation constituent des points relativement isolées, difficilement rattachables à l’un des bassins ci-dessus présentés. Parmi les points isolés les plus importants, on peut citer les points de Bertoua-Bonis Abong Mbang (Lom et Djerem, Haut Nyong), Sangmelima, Zoetelé (Dja et Lobo), Ebolowa, Eminevom-Nkoladom, Meyo Eli (Mvila, Vallée du Ntem), Mamfe et Mundemba (Manyu et Ndian).

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4.2.2 Schéma de la filière

Le schéma général de la filière rotin au Cameroun méridional est assez simple comme le montre la figure 4.2.

Grandes étapes de la filière

Extraction des Vente de Transformation Commercialisation Consommation des rotins (exclusive- rotins bruts du rotin des produits produits finis

ment des peuple- (essentiellement finis dérivés dérivés

ments naturels) en ville)

Principaux acteurs et débouchés Flux avec changement d’acteur

Flux (de la gauche vers la droite) sans changement d’acteur

N.B.: la grosseur des traits et la taille des caissons aux niveaux des acteurs et des flux donnent une idée des proportions ou de l’importance quantitative

FIGURE 4.2 – Schéma simplifié de la filière rotin au Cameroun

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A partir de ce schéma, on peut identifier trois principaux circuits de passage du rotin à savoir un circuit direct ou ultra court, un circuit court et un cir-cuit long. Deux types de circir-cuit peuvent cohabiter dans le même bassin ou dans le même flux de rotin.

4.3 La coupe de rotin au Sud-Cameroun

4.3.1 Les zones de prélèvement

Les quantités de rotins prélevées dans les situations d’autoconsommation au Sud-Cameroun sont très réduites. Dans un tel contexte, appréhender le phé-nomène dans une perspective d’aménagement exige nécessairement que l’on fasse appel à la notion d’intensité de prélèvement. Cet élément ainsi que le souci de réalisme et de pragmatisme nous ont amené à ne prendre en consi-dération que les situations d’exploitation commerciale significative. Nos observations et enquêtes nous ont permis de dresser la figure 4.3 qui donne une vue d’ensemble sur la géographie de coupe de rotin dans le cadre de l’étude.

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A la lecture, on se rend compte que cette carte épouse grossièrement les con-tours de la figure 4.1. Ce qui traduit l’étroite relation entre l’implantation spatiale de l’ensemble de la filière et les sources de matière première. Seul le foyer des Hautes Terres de l’Ouest ne correspond pas au niveau spatial, à un site significatif de prélèvement de rotin. Le deuxième élément saillant de la carte est l’influence de l’implantation des grandes villes et des voies de communication carrossables sur la localisation des villages de coupe. En de-hors de la disponibilité de la ressource, l’accessibilité en terme de moyens et de coûts de transport est l’un des plus importants, si non le plus important déterminant de répartition spatiale des localités de coupe.

Les autres éléments déterminant sont l’histoire, la taille de la population, les densités rurales, la gamme d’activités lucratives concurrentes des diffé-rentes localités, la perception des populations et le régime d’accès à la res-source.

4.3.2 L’accès à la ressource, le rythme et l’intensité annuels d’exploitation

L’accès à la ressource

L’accès à la ressource revêt deux dimensions différentes: La dimension rela-tive aux systèmes de régulation et l’aspect pratique. Les systèmes locaux de régulation ont été présentés au chapitre 3. Il convient tout simplement d’y ajouter que par rapport aux us et coutumes, le rotin est d’accès et d’utilisa-tion libres. Aucun interdit ou tabou ne pèse sur son exploitad’utilisa-tion dans presque tous les massifs forestiers du Sud-Cameroun et son utilisation n’est en général pas réservée à une catégorie quelconque de personnes. Dans l’en-semble, les coupeurs respectent beaucoup plus le cadre traditionnel que le code forestier. Par rapport à ce dernier, les exploitants se livrent sans entra-ve officielle à l’extraction commerciale du rotin aussi bien dans le domaine forestier non permanent que dans les forêts permanentes (le contrôle des agents du MINEF n’intervient dans la plupart des cas que sur certains axes routiers et ne se réduit qu’a une scène de corruption et/ou d’exactions).

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obli-ge souvent certains coupeurs à camper en forêt pour mieux travailler. Quand on sait que pour évacuer les bottes de rotin des sites jusqu’aux habitations ou aux routes carrossables, les coupeurs les transportent sur la tête ou les épaules, on mesure mieux la pesanteur que représente la distance sur les conditions physiques d’accès aux rotins. De plus, la topographie, l’hydrolo-gie et la végétation représentent parfois des contraintes d’accès très handi-capantes. En effet, beaucoup de secteurs de coupe et de parcours comme par exemple ceux de la région de Yaoundé et de Kumba sont des régions de pla-teaux constituées d’un moutonnement de collines avec des endroits escar-pés et séparés par des vallons abritant une multitude de marécages. Ces con-ditions accentuent les difficultés d’accès et rendent la tâche des coupeurs difficiles.

Au niveau de la technique ou du savoir-faire, la coupe de rotin est certes une pratique très ancienne chez les populations locales, mais, elle n’a jamais été à la portée du premier venu, surtout pour les espèces à épines comme L. secundiflorum. Par ailleurs, si couper quelques tiges pour confectionner quelques paniers est simple, séjourner en brousse pendant plusieurs heures et couper des dizaines de tiges pour le marché est bien rude et demande beaucoup de courage, une certaine perspicacité et du savoir-faire. Mais, cette contrainte est relativement facile à surmonter. Au-delà de son aspect technique, il est subordonné à certaines dispositions psychologiques.

Le rythme et l’intensité annuels d’extraction de rotin

Le rotin n’étant pas une plante à production saisonnière, les coupeurs l’ex-ploitent pendant toute l’année, mais pas à une intensité constante. Le ryth-me et l’intensité d’extraction sont commandés par l’emploi de temps des cou-peurs, la pluviométrie, les fluctuations de la demande et certains événements conjoncturels comme l’illustrent par exemple les vues exprimées par les coupeurs de la zone de recherche intensives présentées dans le tableau 4.2.

TABLEAU 4.2 – Facteurs déterminants du rythme de coupe du rotin selon les CV.

Importance selon les coupeurs (effectifs concernés) Facteurs Valeur absolue Valeur relative (%) Calendrier agricole / Travaux champêtres 14 31,1 Etat de la route (mauvais / bon) 10 22,2 Besoins ponctuels d’argent 8 17,8 Calendrier scolaire (cours / vacances) 5 11,1 Saisons (sèche / pluvieuse) 5 11,1 Offre du rotin sur le marché

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La disponibilité en temps est une donnée fondamentale chez la plupart des coupeurs qui font la pluri-activité. Ces gens sont essentiellement des agri-culteurs et se livrent à l’exploitation du rotin surtout quand le calendrier agricole leur laisse du temps libre. Leurs niveaux d’implication sont géné-ralement faibles en période d’activités agricoles contraignantes comme le défrichage, le semis, le sarclage, le traitement phytosanitaire et les récoltes. Pendant ces moments, seuls les plus téméraires des AgC, les personnes ayant un besoin pressant d’argent ou celles qui disposent d’une main d’œuvre fa-miliale considérable consacrent journalièrement quelques heures aux rotins après les travaux champêtres (voir encadré 4.2). Les élèves sont aussi sou-mis à ce genre de contraintes par rapport au calendrier scolaire et n’inter-viennent de façon intense que pendant les vacances.

La pluviométrie est aussi une donnée cruciale de par son influence sur le calendrier agricole, sur les conditions pratiques d’accès à la ressource (déve-loppement des marécages; rendement au travail...) et surtout sur le transport des rotins des localités d’extraction vers les villes. En effet, des pluies abon-dantes rendent certaines routes impraticables et réduisent la consommation de rotin brut (baisse du rendement des vanniers et dégradation de la quali-té du rotin travaillé). Cette réduction est répercuquali-tée au niveau des rapports offre/demande sur les dépôt-ventes qui à leur tour influencent le rythme et l’intensité de coupe dans certaines régions. Enfin, il convient de relever que des événements conjoncturels comme les fêtes et les manifestations sociales, politiques et culturelles influencent aussi les moments de coupe dans beau-coup de localités.

4.3.3 L’extraction des rotins

Le processus d’extraction et l’évacuation vers les points d’attache

L’organisation du travail d’extraction présente quelques différences selon le statut du coupeur. Mais dans l’ensemble, les grandes lignes sont les mêmes. Les coupeurs vont en forêt presque toujours en groupe pour des raisons de sécurité, d’assistance mutuelle en cas de nécessité et à cause des contraintes liées à l’organisation du transport. Quand les coupeurs ne sont pas en situa-tion de campement en forêt, le départ des cases a lieu généralement entre 5 et 8 heures1 du matin, selon la distance à parcourir. En chemin, certains coupeurs font parfois de courtes digressions pour visiter des pièges ou col-lecter des PFNL.

Quand l’endroit précis de coupe n’est pas encore bien identifié, les cou-peurs procèdent au fur et à mesure qu’ils foncent dans la forêt à la recherche en regardant dans la canopée. Dans cet exercice, certains suivent

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tiquement les abords des cours d’eau, car ils constituent des milieux prisés par certaines espèces de rotins. Rendus sur les sites de coupe, ils travaillent de façon individuelle et sur des touffes différentes. Leurs équipements se réduisent pour la plupart, à une machette et à une lime;2seuls les plus poin-tilleux, aisés, organisés ou prudents disposant de botte et de gants. Cela donne une valeur d’intensité technologique bien maigre (environ 48 Frs /ha/an). Cet équipement bien sommaire n’offre aux coupeurs que des condi-tions de sécurité dérisoire face aux risques que représentent les chutes de branches, la menace des animaux venimeux, des insectes, des souches des arbustes et des particules susceptibles de nuire aux yeux.

L’identification des tiges mûres se fait à partir des indices tels que le des-sèchement de la peau sur une bonne partie de la tige, la grosseur et la lon-gueur de cette dernière ou l’absence d’épines sur la partie basale des espèces à épines. Une fois les tiges à prélever identifiée, le coupeur doit y accéder et, le plus souvent, en détruisant des herbes, arbustes et jeunes tiges de rotin. Après avoir sectionné la tige, il faut la tirer de la végétation environnante. Cet exercice est très difficile car les rotins sont presque toujours enroulés dans différentes strates de la formation végétale où ils se trouvent et ont des dispositifs d’accrochage qui sont loin d’être fragiles. Au bout de la ma-nœuvre, d’importants morceaux de rotins utilisables sont abandonnés dans la canopée. Les rendements d’extraction sont dans l’ensemble bas et les niveaux de pertes sont évalués à 28 % de la longueur pour le maraca et 44% pour le rotin filet. Par ailleurs, quand certains CV et CP parviennent à décro-cher toute la tige de maraca, par souci de la qualité de la marchandise, ils jettent les parties trop tordues, la base (1 à 2 mètres environ) et une partie utilisable (2 à 4 mètres environ) de l’extrémité des tiges. Or, on constate dans les UT qu’une partie significative des morceaux ainsi abandonnés est utili-sable dans des conditions techniques et des applications précises.3

Le maraca est ébranché au fur et à mesure qu’il est tiré, coupé en mor-ceaux4 d’environ 4 à 4, 5 voire 5 mètres chacun et égainé. Le rotin filet quant à lui est débarrassé des restes de la gaine foliaire et enroulé immédiatement5 sans être sectionné en petits morceaux. Dans certaines localités, même le gros rotin destiné à la petite vannerie est travaillé comme le rotin filet. Après ces opérations d’apprêtage, les coupeurs constituent les bottes: quin-ze à trente morceaux de maraca sont mis ensemble et attachés; trois à une centaine de lianes (selon les localités et les dimensions de la liane) forment un paquet ou un ballot.

2 Les agriculteurs-coupeurs utilisent ces mêmes outils pour les travaux agricoles.

3 Nous avons fait des expériences à ce sujet dans plusieurs ateliers de la ville de Yaoundé et nous avons constaté qu’une bonne partie des extrémités que les coupeurs abandonnent géné-ralement en forêt peut être utilisée notamment comme cale ou matériau de placage ainsi que d’ornement.

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L’évacuation des paquets vers les points d’attache des coupeurs se fait soit à la fin de la journée, soit au cours des jours qui précédent immédiatement la date envisagée pour le marché. Les rotins sont entreposés près des habitations ou non loin des pistes carrossables en attendant d’être transformés sur place dans les ateliers ruraux ou évacués vers les lieux de vente. Les encadrés 4.1 et 4.2 présentent la journée de travail de quelques coupeurs avec un peu plus de dé-tails et de vivacité. Ces récits ont été choisis parmi les plus repré-sentatifs possibles même s’ils évo-quent à certains moments quel-ques particularités ou éléments qu’on ne peut pas généraliser.

PHOTO 4.1 – Coupeurs transportant le rotin du site de coupe vers la route carrossable (photo: G.A. Persoon).

ENCADRÉ 4.1 – La journée d’un groupe de coupeurs professionnels à Koukoué

Koukoué est un grand village Bakoko de la Sanaga Maritime situé sur l’axe lourd Edéa-Kribi à une dizaine de kilomètre d’Edéa. Ce village est l’un des plus importants pôles d’ex-traction de rotin du littoral camerounais. En effet, c’est en 1988 qu’un certain Abéna Ottou, coupeur venu de Douala y a commencé la coupe commerciale de rotin. Il a été suivi la même année par un autre coupeur de Douala appelé ‘Samedi’. Depuis lors, plusieurs groupes de coupeurs se sont succédés dans les riches forêts de Koukoué. Ce village tire sa richesse en peuplements de rotins entre autres des trouées que les différents passages des exploitants forestiers ont laissées dans les forêts de la région à partir de 1954, année au cours de laquelle un exploitant forestier français appelé Jean Tirard a initié la coupe du bois ici.

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de bananier et de vieux habits, de la cigarette et un peu de riz dans des boîtes de récupé-ration. Vers 6 heures 40 minutes, ils quittent la baraque qu’ils habitent. Au passage, ils saluent certains villageois déjà debout, foncent vers la forêt, traversent l’aire des cultures vivrières, passent à travers une jeune palmeraie et un secteur en défrichement. Sous-préfet exprime un peu son désarroi en voyant les jeunes rotins détruits lors du défrichement. Les coupeurs traversent ensuite le secteur où ils avaient coupé il y a 2 ans, vont à travers des endroits marécageux encore humide en ce dernier quart de la saison sèche, sautent sur de nombreuses billes de bois en décomposition abandonnées par les exploitants forestiers. Ils continuent leur marche à la queue leu-leu. Le cri de détresse d’un lièvre pris au piège d’un villageois pendant la nuit attire leur attention. Un bonjour est adressé à un ‘scieur sauva-ge’ (exploitant artisanal de bois) qui est arrivé en forêt quelques minutes avant et est en train de faire le débardage de ses planches. Après près de 45 minutes de marche, les cou-peurs sont à leur actuel site de travail. Le plus ancien d’entre eux a déjà coupé le rotin dans ce secteur en 1993/1994.

Les coupeurs identifient chacun une touffe de rotin et s’y installent pour travailler. Le travail est rude car les tiges de rotin filet sont dans la plupart des cas, entrelacées entre elles, ont de nombreux détours dans les branches des arbres support ou accrochées à la canopée. Pour récupérer le rotin, les coupeurs détruisent parfois des herbes, arbustes et des tiges de rotin immatures. Après avoir identifié la tige mature, le coupeur la sectionne, mais pas toujours à la base. Après la section, il essaie de tirer la tige de la canopée. C’est difficile car les dispositifs d’accrochage des rotins ne cèdent pas facilement. Ils entraînent avec eux quelques petites branches d’arbres. Au fur et à mesure que la tige est récupérée, elle est découpée en morceaux de 4 à 5 mètres environ et débarrassées de sa gaine épi-neuse, de la partie sommitale vers la base. D’importants morceaux de tiges utilisables (envi-ron 20 à 80% ) sont abandonnés dans la canopée car les coupeurs n’ont pas pu les récupé-rer.

Quand les coupeurs sont proches les uns des autres, en travaillant, ils commentent l’ac-tualité sportive, se racontent quelques histoires, font des observations et des discussions sur certains faits du dépôt-vente de rotin de Nkolouloun, etc. Vers 12 heures, ils mangent en prenant une petite pause. Après la pitance ils reprennent aussitôt et vers 14 heures, ils com-mencent à constituer des paquets (30 morceaux par paquet). En fin de journée, vers 16 heures, ils arrêtent le travail. Sous-préfet a pu faire 6 paquets, Essomba et Atango en ont 5 et demi chacun et Didier le novice n’a que 3 paquets. Ils reprennent alors le chemin du Village en emportant chacun un paquet. Le reste sera évacué vers les habitations, puis vers la route quelques jours avant le voyage.

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ENCADRÉ 4.2 – La journée de deux agriculteurs-coupeurs de rotin à Fakeleu 2

Monsieur A.P., jeune adulte d’une trentaine d’années est un des 24 chefs de ménage de Fakeleu 2, village du sud-est de l’arrondissement de Mbalmayo. Sa principale activité est l’agriculture vivrière, même si parfois, il joue le rôle de scieur assistant auprès du chef de village qui fait la coupe artisanale de bois. Il s’intéresse aussi à la coupe vente du rotin depuis près de six ans. Comme les autres villageois de la région, A.P. et sa femme sont très occupés en cette fin de première quinzaine de septembre 1997 car les pluies sont de retour depuis la deuxième moitié du mois d’août et il faut terminer la préparation de terrain (pour les retardataires) et semer les arachides.

Aujourd’hui, A.P. est allé très tôt au champ avec sa femme car il va la laisser pour aller couper du rotin. En cette période de rentrée scolaire, il doit trouver de l’argent pour ache-ter les cahiers et les habits à deux de ses enfants qui vont déjà à l’école. Vers 11 heures, il quitte le champ et après une courte escale à la maison il va chercher son cousin A.J.R. avec qui il a pris rendez-vous pour aller couper le rotin. Les deux hommes foncent ensuite vers l’ouest de l’autre côté de ‘leur forêt’. En passant, A.P. profite pour faire quelques détours afin de visiter ses pièges car il n’a pas eu le temps de faire ce travail très tôt comme d’ha-bitude. Il a de la chance, car il a pu avoir un porc-épic, ce qui n’est pas évident dans ces forêts où le piégeage quasi permanent a sérieusement décimé la population animale. Une fois au site d’extraction (au bout de près de 3 km), ils décident de changer de types de rotin qu’ils coupaient jusqu’à ce jour. Ils vont couper le ‘nlong’ (rotin de petit diamètre) qui, d’après les dernières nouvelles fait défaut sur le dépôt-vente de Yaoundé.

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Les quantités prélevées

Les taux de prélèvement de tiges matures par touffe varie de près 40% à 100% en fonction de la facilité d’accès aux rotins mûrs et de leurs qualités ainsi que de la disponibilité du coupeur. Mais en général, l’objectif des cou-peurs est d’atteindre le seuil maximal de 100% de prélèvement de tiges matures par clone.

Les performances des coupeurs dépendent de leur détermination, de leur force, de leur expérience et des contraintes de l’environnement de travail. En général, pour avoir un paquet de 15 maraca, il faut environ 2 heures de travail. Disposer d’une botte de petit rotin de 60 à 80 mètres nécessite près de 1 heure et demi de travail. Au bout d’une journée de 8 heures de travail, un coupeur professionnel a environ 480 mètres de maraca ou 800 à1.000 mètres de rotin filet.6Ce rendement moyen est d’environ de 280 mètres pour le maraca ou 350 mètres pour rotin filet chez un coupeur non profession-nel. Ces chiffres sont toutefois très fluctuants suivant un certain nombre de paramètres. Compte tenu de tous les variables susceptibles d’influencer le rendement des coupeurs, on observe de grands écarts dans les quantités moyennes prélevées à l’échelle mensuelle comme l’indique le tableau 4.3.

TABLEAU 4.3 – Quantité moyenne de rotin prélevé par coupeur par mois dans quelques sites. Sites* et qualités du coupeur Années Maraca: Rotin filet:

d’observation longueur en m longueur en m

Région de Yaoundé (CA) 1997/1998 281 223 Région de Yaoundé (Ag/CV) 1997/1998 947 638 Bonis (AgC/CV) 1998 30 200 Région de Ndop (AgC/CV) 1999 0 290 Région de Ndop (CA) 1999 0 260 Région de Douala-Edéa (CP) 1999/2000 2760 3200 Région de Douala (AgC/CV) 1999/2000 720 400 Région Bator-Kendem (AgC/CV) 2000 1028 1371 Région de Babanki (Mejan) (AgC/CV) 2000 0 1030

*Pour une localisation exacte des sites, confère sous-section 2.2.2 (textes, tableau et figure).

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Il existe donc de grandes disparités au niveau des quantités coupées suivant le type de coupeur et selon la région où il exerce. Les disparités peuvent être traduites au niveau spatial dans tout le Sud-Cameroun par la figure 4.4.

FIGURE 4.4 – Intensité de coupe de rotin à l’échelle mensuelle.

A partir de la figure 4.4, on distingue de manière globale de grandes démar-cations: Les régions à grand prélèvement (Sud et Est de la proche campagne de Yaoundé; Moungo; Sanaga Maritime; Océan et Nkam dans une certaine mesure7), les régions à prélèvement moyen (Fako, Meme...), les régions à faible prélèvement (toute la région de l’Est, Mbam...) et les régions où il n’y a pas de peuplements de rotins, mais où on fait l’artisanat de rotin (princi-palement la quasi- totalité des Hautes Terres de l’Ouest).

Cette carte rappelle dans ses grandes lignes les figures 4.1 et 4.3. Les élé-ments explicatifs des disparités qu’elle met en évidence sont la disponibili-té de la main-d’œuvre, le volume de la demande de rotin, l’histoire, les den-sités rurales et la gamme d’activités lucratives concurrentes.

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4.3.4 Les coupeurs de rotins

Typologie et effectif des coupeurs

Il existe au Cameroun méridional trois catégories de personnes prélevant les rotins à des fins commerciales comme le montre le tableau 4.4.

Les coupeurs permanents ou professionnels (CP) consacrent l’essentiel de leur temps à la coupe de rotin et y tirent la quasi-totalité de leurs revenus monétaires. Ils coupent exclusivement dans la province du Littoral et les départements de l’Océan, du Fako et de la Meme. Ils y gagnent en moyen-ne 24.000 à 66.000 Frs par mois. Les coupeurs à temps partiel quant à eux consacrent l’essentiel de leur temps aux travaux champêtres et c’est pour-quoi ils sont appelés agriculteurs-coupeurs (AgC). La quasi-totalité d’entre eux vend lui-même l’essentiel de son rotin à l’état brut (sans passer par un intermédiaire), d’où l’appellation supplémentaire de coupeur-vendeur (CV). Ces AgC tirent du rotin un profit mensuel moyen de 7.300 à 24.100 Frs. En-fin, les coupeurs-artisans (CA) sont des artisans qui cueillent eux-mêmes la totalité ou l’essentiel du rotin qu’ils transforment. Ils sont surtout des agri-culteurs qui font aussi l’artisanat du rotin. Ils sont essentiellement basés en milieu rural et dans certaines petites villes. L’agriculture constitue, de par le temps qu’elle occupe et les ressources qu’elle procure, la principale activité de la quasi-totalité des exploitants de rotin (AgC, CA) qui vivent en milieu rural et même d’une bonne partie de ceux qui sont dans les petits centres urbains.

Les effectifs de ces différents types de coupeurs ont beaucoup évolué au fil des ans. Plusieurs indicateurs permettent de dire que ces effectifs sont

Types de coupeurs Coupeurs permanents ou professionnels (CP) Coupeurs à temps partiel: agriculteurs-coupeurs (AgC) Coupeurs-artisans (CA) Estimations des proportions dans les effectifs globaux de coupeurs 9% 35% 56% Maraca 30% 51% 19% Rotin filet 36% 53% 11%

TABLEAU 4.4 – Types de coupeurs de rotin à but lucratif.

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allés croissants au fil des ans. Par exemple, le marché de Douala qui sert de base à près de 60 coupeurs actuellement n’en comptait qu’une vingtaine au début des années 1990; sur le marché de Yaoundé en 1997, 78,94% des cou-peurs avaient moins de 5 années d’ancienneté; l’effectif des coucou-peurs de Fakeleu est passé de 3 en 1993 à 28 en 1997/98. La récession économique, le chômage, le sous-emploi, la pauvreté, l’augmentation de la population et l’accroissement de la demande de rotin sont à la base de cette augmentation du nombre de coupeurs.

Caractéristiques socio- démographiques des coupeurs

• L’origine ethnique, le sexe, l’âge et la situation sociale des coupeurs Les considérations ethniques constituent encore au Cameroun une impor-tante variable socio-économique et il est intéressant de les prendre en comp-te dans toucomp-te étude relative à la gestion des ressources naturelles et aux filières économiques. Pour plus de clarté et d’efficacité, nous allons ici comme ailleurs, utiliser les regroupements affinitaires populaires des ethnies. Le tra-vail de coupe de rotin est dominé par les Ewondo et assimilés (Eton, Béné,...) qui représentent à eux seules 59,7% de l’ensemble des CP et des AgC8 des principales bases de vente de rotin au Sud-Cameroun.9Cette domination des Ewondo et assimilés se lit à travers leur effectif et au niveau de leur contri-bution aux volumes globaux de rotin vendu. Ils fournissent en effet l’es-sentiel ou la quasi-totalité des rotins des deux principaux centres de trans-formation que sont Douala et Yaoundé. Cette position s’explique principa-lement par le fait qu’ils constituent un groupe humain numériquement important au Cameroun, sont originaires de la zone écologique des rotins et ont une très forte tradition d’utilisation des rotins. Par ailleurs, l’histoire et la localisation d’un grand marché de consommation comme celui de Yaoun-dé dans leur ‘terroir’ ont aussi joué un rôle positif dans l’acquisition de cette position de domination.

La seconde position dans ce classement par importance numérique est tenue par les groupes ethniques du Littoral camerounais (Bassa, Bakoko, Yabassi , Mbo, Ngoumba, Douala, Balong et Abo ) avec 15,8% des effectifs considérés. Leur position s’explique également par leur poids démographi-que non négligeable, l’existence des peuplements de rotins dans leurs ‘ter-roirs’ traditionnels et la présence d’un grand marché de consommation (Douala) dans leur région. Mais, leur poids dans le secteur aurait été plus important s’ils ne considéraient pas la coupe de rotins comme un travail dé-valorisant.

8 Nous parlons uniquement des coupeurs professionnels et des agriculteurs-coupeurs ici parce que les artisans-coupeurs seront présentés en 4.4 (rubrique transformation).

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Les «Grassfields» ou groupes ethniques de l’Ouest et du Nord- Ouest (Bami-léké, Bamoun, Ghemba,...) occupent le troisième rang avec 11,5% des effec-tifs. Cette place est étonnante au regard de l’important poids démographique de ces populations, mais se justifie par la quasi-absence de peuplements de rotins dans leur région natale.

Les ethnies du Sud-Ouest tiennent, comme les Ewondo et assimilés, leur position (10,8% des effectifs) de l’existence des peuplements de rotins dans leur ‘terroir’ et de la présence des marchés de consommation comme Limbe, Buea et Kumba. Mais, elles sont quelque peu défavorisées par l’enclavement de certains coins du Sud-Ouest. Les Boulou (province du Sud) ont aussi d’importants peuplements de rotins, mais souffrent de l’enclavement et de l’absence d’une demande incitative ou significative dans leur région, d’où leur modeste position numérique (2,1%). Les ethnies de l’Est (Gbaya, Maka...) sont pratiquement dans la même situation.

Pour ce qui est du genre, la coupe des rotins est largement une affaire d’hommes. Ces derniers constituent 92% des coupeurs dans la région de Yaoundé, 98,3% dans celle de Douala et 100% pratiquement dans les autres régions. La place aléatoire des femmes s’explique par deux importants fac-teurs. En premier lieu, il y a la répartition sexuelle des tâches au sein des ménages qui garde jusqu’à présent une forte connotation traditionnelle. En effet, autrefois, dans la plupart de groupes humains du Cameroun méridio-nal forestier, il existait une certaine spécialisation des genres par rapport à la production artisanale. Par exemple, la fabrication des instruments de guerre ou de chasse, la confection de l’essentiel du mobilier ainsi que la construction de cases étaient du ressort des hommes tandis que la poterie et la transformation des aliments relevaient de la sphère des femmes (Alexan-dre & Binet 1958; Mveng 1980). Dans cette spécialisation, la quasi-totalité des objets faits en rotin était de la compétence du genre masculin (notam-ment les cases, lits, fauteuils, paniers, claies... contre seule(notam-ment les corbeilles et un peu de paniers pour les femmes). Le fond anthropologique passé, enco-re en vigueur dans une très large mesuenco-re pousse donc les hommes à s’inté-resser à la coupe de rotin plus que les femmes. Le contexte socio-écono-mique actuel en zone rurale n’a vraiment pas perturbé ce schéma tradition-nel, au contraire, il a eu tendance à le renforcer en conférant aux femmes essentiellement le soin de nourrir la famille et aux hommes l’obligation de pourvoir le ménage en revenu monétaire. Cette obligation à trouver de l’ar-gent pousse plus d’hommes que de femmes à s’engager dans les activités extra-agricoles génératrices d’argent (parmi lesquelles l’exploitation du rotin), ce d’autant plus que les femmes sont généralement absorbées par l’agriculture vivrière et les travaux domestiques. Elles disposent de moins de temps que les hommes pour des activités supplémentaires comme l’exploi-tation du rotin.

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la coupe est, de l’avis de la plupart des coupeurs, un peu moins pénible que celle du maraca. Par ailleurs, la coupe des rotins étant très exigeante en énergie physique est essentiellement une affaire de jeunes ou de jeunes adultes (15-35 ans environ). Or, les femmes de cet âge sont beaucoup plus portées vers des travaux tels que l’agriculture, la collecte d’autres PFNL (Marantaceae, Gnetum...), la couture, la coiffure etc.

Parlant justement de l’âge, les coupeurs sont des personnes relativement jeunes. La moyenne d’âge est de 32,5 ans chez les coupeurs à plein temps. Leurs âges extrêmes sont 29 et 39 ans, la dominante est de 30 ans. Chez les agriculteurs-coupeurs/double actifs non-artisans, ces valeurs sont 30,5 pour la moyenne; 15 et 69 pour les extrêmes, 20, 21 et 26 ans comme valeurs modales. Cette relative jeunesse s’explique par les exigences du travail de coupe et de transport des rotins. Par ailleurs, les jeunes sont beaucoup plus victimes de la contraction du marché de travail et aiment se livrer aux acti-vités qui demandent peu d’investissements financiers et sont rentables immédiatement.

Malgré cette relative jeunesse, les coupeurs sont pour la majorité mariés (64% des agriculteurs-coupeurs et 90% des coupeurs à plein temps). Ce qui nous autorise à énoncer qu’ils sont dans l’ensemble des hommes sociale-ment responsables. Ceci est d’autant plus vrai que la plupart d’entre eux ont des enfants ou d’autres personnes à charge. Dans la région de Yaoundé par exemple, chacun des coupeurs mariés a en moyenne 2,66 enfants. La mo-yenne de personnes à charge par coupeur est de 2,64 de cette région. Les obligations sociales des coupeurs sont loin d’être négligeables.

Dans leurs communautés respectives, les coupeurs sont loin d’être des marginalisés, même s’il est vrai que la coupe des rotins n’est pas un travail prestigieux. Les coupeurs ne constituent d’ailleurs pas un groupe social perçu comme tel (corps social ou corps de métier), chaque personne rem-plissant un minimum de conditions pouvant se livrer à cette activité et l’abandonner à sa guise. Au contraire, les coupeurs sont bien intégrés dans les réseaux de socialisation et les réseaux économiques de leur environne-ment et participent même parfois à l’exercice du pouvoir politique. Par exemple, le chef de Fakeleu 2 a été un coupeur; un coupeur est chef à Béna-balot. Mais, au niveau matériel, la condition de coupeur (ou plus largement d’exploitant de rotin) n’est pas une position enviable et c’est pourquoi les exploitants pour la plupart n’hésitent pas à abandonner cette activité dès qu’ils parviennent à améliorer leur situation matérielle jusqu’à un certain seuil. Cet acquis empirique est susceptible de nous faire corroborer la thèse de certains défenseurs des théories de développement selon laquelle la dépendance par rapport aux PFNL diminue au fur et à mesure que l’on avance sur le chemin de développement.

• Le niveau d’instruction et le passé professionnel des coupeurs

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pri-maire, 42% le secondaire et 2% les études universitaires. Ces variables sont respectivement 11,1%, 77,7% et 11,1% chez les CP de la région de Douala. L’écart entre les deux pôles s’explique par le contraste traditionnel entre la ville et le milieu rural (les coupeurs qui ravitaillent Yaoundé vivent presque tous en campagne tandis que dans la région de Douala la quasi-totalité des coupeurs vit en ville).

A l’école ou après cette dernière, plusieurs coupeurs (46% du pôle de Yaoundé et 50% à Douala par exemple) ont appris un métier en dehors de l’agriculture (conduite, maçonnerie, soudure, mécanique, couture, électrici-té, secrétariat, comptabiliélectrici-té, menuiserie, métier de bûcheron, peintre, dessi-nateur-décorateur). Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs exercé ces métiers avant d’entamer la coupe de rotin. Certains les exercent encore, mais de façon très sporadique. A Yaoundé par exemple, 50% des coupeurs ont déjà exercé une activité rémunératrice. Les secteurs d’activité qui ont vu passer les coupeurs sont surtout le tertiaire (43,3%), l’industrie et l’artisanat (40%). Ces données et bien d’autres nous amènent à dire que la quasi-totalité des coupeurs arrive dans le domaine du rotin malgré eux ou un peu par hasard.

L’ancienneté et les motivations des coupeurs

L’essentiel des coupeurs a commencé la collecte de rotin il n’y a pas long-temps comme le montre l’exemple de la région de Yaoundé où 82% des cou-peurs ont moins de 5 années et 92 % moins de 10 ans d’ancienneté. Ce qui nous autorise à dire que l’avènement de la récession économique au milieu des années 1980 et son accentuation au courant des années 1990 ont joué un grand rôle dans l’entrée de beaucoup de personnes dans le secteur. L’an-cienneté moyenne des coupeurs est de 3,5 années dans la région de Yaoundé (AgC) contre 7,7 ans chez ceux de la région de Douala (CP). Les CP sont donc dans l’ensemble plus anciens que les AgC.

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d’entre eux font appel au rotin pour des dépenses relativement peu urgentes. En somme, l’argent est de loin la première motivation des coupeurs et la col-lecte du rotin est choisie comme activité génératrice de revenus principale-ment pour la relative disponibilité de la ressource, son accessibilité, sa ren-tabilité ainsi que le caractère quasi-immédiat ou rapide de ses retombées financières. Cet état d’esprit transparaît dans certaines représentations des coupeurs par rapport aux rotins.

Connaissances, perceptions et perspectives des coupeurs par rapport à la ressource

Les connaissances locales peuvent être une donnée fondamentale dans la gestion d’une ressource surtout dans un contexte où la connaissance scien-tifique est encore à ses débuts. C’est ce principe qui nous a amené à nous poser la question suivante: qu’est ce que les coupeurs connaissent de la taxonomie, de l’écologie et de la biologie des rotins?

Des espèces de rotins connues dans la région de Yaoundé par exemple, les paysans ne distinguent véritablement que quatre. Les Ewondo et assimi-lés par exemple distinguent le Nlong, l’Ekè, le Nding et l’Ebori. Il y a une cinquième espèce, le Pepac ou Akwas qui est très peu connue. Au niveau des quatres premières espèces, les paysans font assez régulièrement une certai-ne confusion. C’est ainsi que suivant l’âge de la tige, ils peuvent doncertai-ner des noms différents à la même espèce ou prendre une espèce pour l’autre faci-lement.10Par ailleurs, les paysans font appel à des noms génériques de façon récurrente. Les Ewondo par exemple appellent les rotins Nlong tout court ou alors, désignent ainsi tout rotin de petit diamètre. Tout rotin de grand dia-mètre ou gros rotin est appelé Ekè. Les connaissances taxonomiques des paysans ne sont donc pas fines. Les hommes de sciences doivent donc être prudents dans la prise en compte de ces connaissances dans leurs travaux.

Pour ce qui est de la morphologie, les paysans n’ont pas aussi des con-naissances très fines. Ceux de la région de Yaoundé savent que l’Ekè a des épines qu’il perd progressivement à partir de la base au fur et à mesure qu’il arrive à maturité; que la base de cette espèce est effilée et qu’une tige mûre peut avoir une longueur de plus de 50 mètres. Ils connaissent également que le Nding a des aiguillons au niveau des feuilles et que le Nlong peut aller jusqu’à 100 mètres de longueur. Ces espèces selon eux subissent un dessè-chement de la peau quand elles arrivent à maturité. Ils savent aussi que les populations des rotins se répartissent par touffes et se multiplient par bour-geonnement. Certains parmi eux savent que l’Ekè produit des fruits et se multiplie aussi par des graines. En revanche, ils ne savent pratiquement rien de la phénologie, de la dissémination des semences, de la pollinisation, de l’évolution des rotins du stade de plantule ou jeune gaulis jusqu’à la matu-rité.

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Parlant justement de maturité, les connaissances des paysans au sujet du temps de maturation sont de nature à jeter la confusion dans l’esprit des observateurs intéressés. Pour ce qui est de l’Ekè par exemple, du bourgeon-nement jusqu’à la maturation, les paysans donnent des âges très divers allant de 1 à 15 ans avec un tassement autour de 2 années. En ce qui concerne le Nlong, les âges extrêmes avancés sont 6 mois et 20 années. La valeur domi-nante est également 2 ans.

Les coupeurs reconnaissent généralement les tiges mûres à partir de la grosseur, de la longueur et surtout l’aspect de la peau. Certains d’entre eux tiennent compte de la présence ou de l’absence des fruits pour l’Ekè. Les plus vigilants parmi eux savent que cette dernière espèce meurt par dessèche-ment quelque temps après la production des fruits.

Du point de vue écologique, selon les coupeurs, le gros rotin pousse par-tout dans les forêts primaires, les formations secondaires et les vieilles jachères, surtout là où il y a du soleil ou de la lumière (ouvertures dans la canopée). Le rotin de petit diamètre quant à lui pousse presque exclusive-ment dans les forêts vierges marécageuses. Ils savent aussi que les charan-çons attaquent les rotins. Quelques-uns nous ont fait savoir que certains rongeurs à l’instar du porc-épic broutent les plantules de rotins. Enfin, cer-tains nous ont fait savoir que l’extraction des tiges matures d’Ekè a un impact positif (apparition de beaucoup de nouvelles plantules qui poussent avec plus de vigueur; accélération de la croissance des jeunes tiges) sur les tiges immatures et sur la régénération. Cette connaissance approximative justifie en partie sans doute la perception des coupeurs par rapport aux rotins.

De l’avis des coupeurs, les rotins sont une ressource très importante, une «richesse donnée par le bon Dieu aux pauvres» pour qu’ils se débrouillent étant donné que le bois est «réservé aux grands». Ce point de vue n’est pas partagé par certains villageois qui perçoivent ces lianes comme des herbes qui gênent, à cause de leurs épines et de leur propension à envahir certaines vieilles jachères. Les coupeurs pensent qu’en général (en tenant compte de toutes les forêts), les rotins sont abondants, même si cette ressource est rare dans certains villages. En effet, dans la région de Yaoundé précisément, 64,55% des coupeurs pensent que le rotin est rare et 32,91% disent le con-traire. Ces coupeurs attribuent cette rareté aux causes présentées dans la figure 4.5. Dans le souci de laisser transparaître autant que possible la per-ception des coupeurs, ces causes ont été regroupées autour de grandes caté-gories parfois redondantes.

Ceux des coupeurs de la région de Yaoundé qui soutiennent que le rotin est rare pensent donc que la rareté est essentiellement due aux prélèvements excessifs et continuels, à la création des champs, à l’augmentation des effec-tifs d’artisans et aux feux de brousse.

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peu-vent avoir les possibilités de couper dans différents villages au niveau d’une vaste région), ce qui n’est pas le cas des agriculteurs-coupeurs qui sont sé-dentaires par essence. Cet argument explique aussi sans doute le contraste entre les deux groupes à propos de la disparition éventuelle des rotins. D’après les coupeurs professionnels de Douala, les rotins ne sont pas mena-cés de disparition car «c’est abondant», «on coupe, ça repousse plus»... Du côté des agriculteurs- coupeurs de Yaoundé, on pense à 45% que le rotin est menacé de disparition (52% disent le contraire). Ce taux est d’ailleurs très élevé (70%) dans des villages comme Zamakoé et Zock/Zoassi qui sont des localités dans lesquelles les coupeurs ont de la peine à trouver du rotin. A l’inverse, sur la question de l’éventualité d’un épuisement total des rotins, les coupeurs sont presque sur la même longueur d’onde. Près de deux sur trois pensent que la disparition totale des rotins est impossible. Ils justifient leur position par le fait que les rotins sont abondants, ont des capacités de régénération immenses et «poussent vite comme la canne à sucre» ou «comme des herbes». Par ailleurs, selon certains, «Dieu ne peut pas faire finir cela car il sait que ça aide les gens», «quand tu coupes, tu repasses après deux ans tu retrouves toujours». La coupe sélective est aussi évoquée pour justifier cette position.

D’après les coupeurs, le rotin peut totalement finir seulement si on crée des champs partout; s’il y a des feux de brousse partout et régulièrement; s’il n’y a plus de forêt et si on fait une «exploitation industrielle» de cette ressource. Ceux des coupeurs qui pensent que l’épuisement total des rotins

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est envisageable s’appuient sur la destruction des rotins lors de la création des champs, la destruction de la forêt, l’ampleur et l’accélération des coupes pour des raisons commerciales, le fait qu’on ne cultive pas le rotin et la lente régénération de cette ressource.

La plupart des coupeurs (69,3%) de la proche campagne de Yaoundé pen-sent que les rotins sont gaspillés. Ce gaspillage est selon eux surtout le fait des défrichements agricoles, du passage des exploitants forestiers «qui rava-gent tout sur leur passage», de certains coupeurs qui coupent même les tiges immatures ou abandonnent les morceaux de rotins en forêt et de certains vanniers.

Les coupeurs de la région de Yaoundé sont à 75,5% satisfaits du rotin parce que cette ressource leur est très utile en terme financier. Cette satis-faction explique en partie les perspectives que les AgC ont par rapport au rotin. En effet, dans la région de Yaoundé, 16,3% des coupeurs voudraient abandonner cette activité contre 69,4% qui envisagent de continuer à cou-per le rotin. Ce taux contraste nettement avec celui des CP de Douala qui, à 60% envisagent à court ou moyen terme de laisser tomber la coupe à plein temps (10% seulement envisagent poursuivre cette activité). Cette situation de probable défection massive s’explique par les tracasseries des agents publics qui s’intensifient au jour le jour et rendent l’activité très peu ren-table et surtout par le caractère rude de ce travail. Selon ces CP, on ne peut pas faire carrière dans la coupe permanente des rotins car à 40 ans environ, les capacités physiques de l’homme ne lui permettent plus de faire ce tra-vail. D’après une bonne partie parmi eux, il ne s’agira pas d’abandonner entièrement la coupe du rotin, mais de la prendre désormais comme activi-té d’appoint. Ainsi, de façon sporadique ils pourraient couper le rotin, ce d’autant plus qu’il «ne faut pas faire un dossier pour couper le rotin » d’après les propos de certains parmi eux. La coupe des rotins de manière occasion-nelle est plus supportable et c’est ce qui explique sans doute la position des AgC.

Deux biographies sommaires de coupeurs de rotins

Nous présentons ci-après les grandes lignes de deux biographies de cou-peurs de rotins choisies parmi les plus représentatives. Ces données de bio-graphie n’ont certes pas de valeur statistique ou ne sont pas des variables scientifiques absolues ou généralisables en tant que tel. Mais, elles sont de nature à illustrer et à renforcer nos remarques et analyses.

• Biographie no 1

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conti-nuer l’école, elle migre en 1984 pour Douala où elle travaille successivement dans une boulangerie (1984/85) et dans une entreprise appelée SOGEDIE (1985/86). En 1986, elle s’installe à Yaoundé pour quelques mois avant de regagner Mbalmayo à nouveau. Dans cette ville, elle travaille dans une en-treprise d’achat et de conditionnement de cacao appelée KRETICOS. La fer-meture de cette société en 1987 la contrainte au chômage jusqu’en 1993. Entre 1988 et 1990, à l’occasion de la construction de l’axe routier bitumé Mbalmayo-Ebolowa (qui traverse Banga), elle s’occupe à préparer et à vendre de la nourriture aux employés de l’entreprise COGEFAR. En 1990, elle quit-te Banga pour Nkilzock dans le Dja et Lobo afin d’y rejoindre son époux. Son séjour dans ce village est ponctué de longues visites dans son village natal. C’est en 1993 que son beau-frère résidant alors à Banga lui apprend à cueillir les rotins. Entre 1995 et 1996, elle séjourne de nouveau à Douala pour travailler dans l’entreprise SOCOPAO. En 1996, cette entreprise la met en congé technique et elle rentre dans sa région natale. Depuis lors, elle par-tage son temps entre Banga et Nkilzock. Dans cette dernière localité, elle a appris à son mari à couper et à vendre le rotin. Elle-même n’a pas cessé de couper les rotins. Mais, en plus de cela, elle a des champs de cultures vivrières et vend également les feuilles de Marantaceae afin d’entretenir ses trois enfants.

• Biographie no 2

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suite à la vente du rotin). Il redevient alors coupeur de rotin à plein temps et, de 1996 à 1999, il parvient à se constituer une épargne de 480.000 Frs. Il s’engage alors dans le commerce de liqueurs. Il va à Manoka acheter les vins importés de Guinée Equatoriale et les revend à Douala. Vers la fin de l’année 2000, il a «chuté» et depuis, il coupe à nouveau le rotin à plein temps pour «ne pas rester comme ça». Il est marié et père d’un enfant.

4.3.5 Les contraintes liées à la coupe des rotins

On peut distinguer deux catégories de contraintes à savoir celles liées à l’ac-cès et les difficultés liées à la tâche. L’accessibilité physique à la ressource est, comme nous l’avons déjà dit, rendu difficile par les distances, le carac-tère marécageux de certains endroits et d’autres obstacles comme les troncs d’arbres qui jonchent parfois les pistes ainsi que l’aspect touffu de certains secteurs de la forêt. Un autre problème qui a trait à l’accessibilité physique est la rareté des rotins à certains endroits. C’est par exemple le cas des vil-lages comme Zamakoé et Zock/Zoassi. Cette rareté oblige les coupeurs à consacrer beaucoup de temps et d’énergie à chercher les tiges exploitables, à aller chercher du rotin hors des limites de leurs villages et parfois à sus-citer les frictions entre villages voisins.

L’acquisition du droit de coupe est aussi chez les CP itinérants qui l’achè-tent, une difficulté de premier plan. Les coûts des «traités» ou «conventions»11 de coupe ne cessent de croître en général et les coupeurs se retrouvent par-fois dans une situation où ils sont obligés de «doter la forêt comme une femme» d’après leurs propres termes. Doter ici fait allusion non seulement au coût élevé, mais aussi au caractère infernal du paiement. En effet, on est passé dans beaucoup de villages d’un coût de négociation se résumant à quelques bouteilles de vin et d’un peu de riz et parfois de poisson (soit un total inférieur à 20.000 Frs) pour plusieurs mois de coupe à un prix d’accès d’environ 35.000-60.000 Frs (nourriture, boisson, argent en espèce payé par camion de rotin prélevé). De plus, étant donné que les zones de coupe sont habitées par des groupes humains lignagers au sein desquels la structure d’autorité traditionnelle est peu contraignante, même après avoir payé ce dû au chef de village, il y a parfois des villageois qui contraignent les coupeurs à dépenser davantage en contestant l’autorité du chef sur ‘leurs forêts’. La haine tribale ou ethnique s’y mêle parfois et place les coupeurs dans des situations très inconfortables. Par ailleurs, certains exploitants forestiers es-saient parfois d’entraver de diverses manières le travail des coupeurs sous prétexte qu’ils ont acheté la forêt.

Les difficiles conditions de travail des coupeurs ont été déjà implicitement présentées. Quand on y ajoute les risques encourus en brousse (chute des branches mortes, morsure de reptiles ou de scorpions, blessures par la

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chette....), on constate que ce travail est ardu. Au regard de ces risques, au village Biyen par exemple, les coupeurs de rotin empruntant au langage mi-litaire, disent souvent qu’ils vont «au front» pour signifier qu’ils se rendent aux sites de coupe. Au niveau de l’évacuation des rotins vers les centres de commercialisation ou de transformation, les coupeurs doivent affronter d’autres contraintes.

4.4 L’approvisionnement des centres de transformation

4.4.1 Les sites, les moyens et les coûts d’approvisionnement

Les sites de ravitaillement en rotin brut

Le présent paragraphe donne plus de détails sur les sites de coupe et vient renforcer les données présentées sous le titre 4.3.1 (les zones de prélève-ment). Le tableau 4.5 indique les sites de ravitaillement pour presque toutes les localités de grande transformation.

TABLEAU 4.5 – Sites d’approvisionnement des principales localités de transformation de rotin. Localités de Sites d’approvisionnement Distances Coûts de

transformation localité-site transport

en km Frs / paquet Province du Littoral

Douala • Région d’Edéa+ — 400-500 (1998/2001) • Villages route Kribi++ — 550-650

• Région Yabassi+++ — ≈ 700 • Région Moungo++++ — 500 Edéa • Villages proches (Nkankazok, Koukoué, 5-40 300-500

Domina, Ossa, Toumba, Kopongo, Malimba 1 & 2, Log-badjek, Apouh, Koukoué, Bonguen)

• Elogbatindi ≈ 50 — • Bivouba 60 — Nkongsamba • Villages proches (Manengouba, Kounia, <30 —

(30)

Loum • Solè — — • Bonako 20-30 1.000 • Bonadan 10 — Manjo • Douala — 500-1.000 • Nkongsamba — 150 Melong • Douala — — • Nkongsamba — — • Ediki — — Yabassi, Nkondjock Forêts proches <20 —

Province du Sud-Ouest

Limbé • Kumba/Ediki 95 500-100 • Douala ≈ 75 500-1.000 • Muyuka ≈ 50 — • Route Mamfe (Konye...) — 1.000 Tiko • Ediki/Kumba ≈ 75 — Kumba • Koko-buma — 2.000 • Kroume ≈ 40 1.000 • Ediki ≈ 10 300-500 • Mbonge ≈ 10-20 1.000 • Mator — — • Etam ≈ 30 1.000 • Manyemen ≈ 80 2.000 • Nguti ≈ 100 2.500 • Konye — — • Forêts proches — — • Douala ≈ 140 1.000 Mamfe • Egbekaw <5 300 • Kesham 5-10 200 • Nguti ≈ 70 500 Buéa, Muyuka • Ediki/Kumba — 500-1.000

(31)

Localités de Sites d’approvisionnement Distances Coûts de

transformation localité-site transport

en km Frs / paquet Dschang • Bafoussam — 200 • Nkongsamba — 500 • Douala — 1.000 Bafang • Douala — — • Nkongsamba / Moungo — — • Ediki/Kumba — 600-1000 • Nkondjock — 1000 Mbouda • Bafoussam — 200 Foumban • Bafoussam — 1.000 • Malentouen — 1.500 • Massangam — — Foumbot • Bafoussam — — • Massangam / Mahon — — Mbingo • Bamenda — — • Mejan <10 — • Ndop area — — Province du Nord-Ouest

Bamenda • Secteur Kendem-Bator ≈ 100 — • Douala ≈ 330 1.000 • Moungo ≈ 195-270 1.500 • Yaoundé ≈ 382 2.500 • Bafoussam ≈ 80 ≈ 500 • Ndop area — — • Mejan — — Babanki/Kedjom-Keku • Bamenda — 200 • Mejan <15 — Ndop area • Forêts proches (Bafandji, Bamuka, Bamale, <30 —

(32)

Abong-Mbang • Forêts de la région <15 — • Cyri 30 500 Bélabo, Lomié et • Forêts proches/de leurs régions <50 — autres localités de l’Est Province du Sud Kribi • Elogbatindi ≈ 65 800 • Bidou 1, 2 & 3 20-30 300-750 • Bissiang 20 500 • route Campo — — • domaine Socapalm — — Sngmelima • Villages proches (Mekomo, Mengué, 5-30 300-500

Mebem, Melondo, Ntoutakoung)

Zoetélé • Forêts proches <20 — Djoum • Forêts proches <20 — Ebolowa • Forêts proches (Evès, Adoo) <15 200-250 Kye ossi • Nkam / Olamze ≈ 30 500 Emimnevom • Forêts proches <10 — Autres localités du • Forêts proches <10 — Sud (Nkoladom,

Kon-medzap, Meyo eli, Am-bam, Evindissi Okong, Amban minko)

Province du Centre

Yaoundé (1996-2001) • Zone Mbalmayo-Dzeng* ≈ 200-400 • Zone Mfou/Méfou et Afamba** ≈ 70-100 ≈ 200-400 • Zone Méfou et Akono***

• Zone Nyong et Mfoumou****

• Mapan 110-140 570 • Ampel — — Bafia • Région de Goro — 1.000

• Kidum ≈ 30 — Mbandjock • Njoré ≈ 15 500

• Makomba ≈ 13 500 • Metcheng ≈ 20 — • Ndo ≈ 20 — Nkoteng • Forêts proches <20 — Nanga Eboko • Forêts proches <20 — Monatélé • Yaoundé — — Obala • Yaoundé —

(33)

A partir de ce tableau, on peut distinguer trois cas de figure d’approvision-nement en fonction de la distance:

a Les approvisionnements locaux dont les distances sont en générale infé-rieures à 30 km. Dans la plupart des cas, il s’agit des situations où l’ar-tisan va dans les forêts environnantes couper lui-même le rotin pour son atelier. C’est principalement les centres ruraux de transformation et ceux

Localités de Sites d’approvisionnement Distances Coûts de

transformation localité-site transport

en km Frs / paquet Akonolinga • Mfoumassi 25 — • Biba 10-15 150-700 • Région Ayos — 250 • Ngoulmebo 10-15 — • Mvé — — Mfou • Forêts proches <15 — Ngoumou • Nkolmedzap 5 — Eséka • Forêts proches 3-15 — Mbalmayo • Forêts proches (Fakeleu, Oyack, 10-30 100-200

Akometam, Zoatoupsi...)

Autres localités • Forêts proches <15 — du Centre

Notes relative au tableau: Douala

+ Villages concernés: Koukoué, Apouh, Ferme suisse, Bonguen, Ebondi, Ebombé, Malimba1, Kopongo, Nkom, Bossambo Farm, Pongo piti, Toundé, Loungahé et Log Badjek.

++ Villages concernés: Elog batindi, Bivouba, Nsimalen, Bipaga 1 & 2 et Fifinda.

+++ Villages concernés: Dogba Guingué, Mamba, Yingui, Solè, Bonépoupa, Ndokama, Ndock Baguingué, Mamba et Lendi.

++++ Villages concernés: Kombé et Linguè.

Yaoundé:

* Villages concernés: Yop, Akometam, Ngat, Fakeleu, Nkolya, Zoétoupsi, Biyen, Mekomo, Metet, Bénebalot, Banga Nkolmekok, , Mbega, Dzeng, Mbega, So’o, Memian, Mvog ndengué, Avébé, Melombo, Ebogo, Nguili, Mvamebot, Ngok, Akoaman, Nkolassi, Biyidi, Ngoantet, Ngoulemakong, Akak, Mebomezoa, Miyebé, Melomébai, Nkoumadzap, Nkolbang, Nkolngui, Ngomedzap, Nkoloveng, Nkolngok et Miyebé.

** Villages concernés: Ndanguen, Ezassock et Ekok.

*** Villages concernés: Ozom, Bikok, Abéba, Mbankomo, Nkolboa et Zoatoupsi. **** Villages concernés: Meyo, Mfoumassi, Awae, Zoétélé et Esse.

—: Indéterminé / transport à tête d’homme / transport gratuit / transport par pousse-pousse.

(34)

de petites villes des régions écologiques des rotins qui sont concernés: Abang, Mbalmayo, Mbingo, Ndop...

b Les approvisionnements sur des distances moyennes. Ce cas de figure se retrouve surtout dans les villes moyennes et les métropoles des régions écologiques des rotins dont les environs immédiats n’ont plus/pas d’im-portants peuplements de rotins (Yaoundé, Douala, Kumba...) et dans celles qui sont localisées aux abords de la zone écologique des rotins (Bélabo, Bafia...). Les distances ici se situent en général entre 40 et 100 km. c Les approvisionnements sur de longues distances (au-delà de 100 km). Ils

concernent les localités de transformation qui sont localisées loin des régions écologiques des rotins: Bafoussam, Dschang, Bamenda... Ce bref commentaire n’est qu’une tentative de généralisation car au niveau de chaque localité de transformation, les principaux acteurs que sont les artisans choisissent leurs lieux de ravitaillement en fonction de plusieurs fac-teurs dont certains sont assez particuliers ou personnels. Cependant, en se fondant sur la rationalité économique, on peut dire que le souci de minimi-ser les coûts de transport fait de l’accessibilité physique (distance, état des voies de communication et intensité de la circulation) le facteur le plus déterminant. D’autres aspects importants de l’accessibilité sont les facilités de déplacement par rapport aux postes de contrôle des agents du MINEF et du maintien de l’ordre, les exigences des populations riveraines, la disponi-bilité de la main-d’œuvre et le prix de revient du rotin (prix d’achat plus coûts de transport plus frais de corruption).

L’existence ou non d’un marché (physique) de rotin bien établi reconnu par beaucoup d’intervenants et ravitaillé de façon régulière est aussi un fac-teur explicatif de première importance dans la géographie des sites de ravi-taillement. Enfin, la qualité du rotin (par rapport aux deux principales formes de rotin et par rapport aux espèces et à la nature physique) est aussi un fac-teur important dans le choix du site d’approvisionnement. Au bout du comp-te, on s’aperçoit que le rotin est transporté à travers des distances parfois très grandes. La figure 4.6 permet de visualiser les principaux flux de rotin brut.

Les moyens et les coûts de transport

L’évacuation du rotin des points d’entreposage après l’extraction jusqu’au niveau des UT ou des lieux de commercialisation mobilise divers types de moyens de transport. Le transport à tête d’homme et/ou le recours aux bi-cycles (pousse – pousse, bicyclette, moto) sont les moyens les plus utilisés sur de courtes distances. La pirogue est utilisée pour la traversée des certains grands cours d’eau (exemple:le Nyong entre Mbéga et Ndangueng). L’uti-lisation du train constitue une particularité de la ligne Kumba-Mbanga. Les voitures sont le moyen de transport le plus utilisé.

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