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Le rotin, la forêt et les hommes Defo, L.

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Defo, L. (2005, January 18). Le rotin, la forêt et les hommes. Retrieved from https://hdl.handle.net/1887/605

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License: Licence agreement concerning inclusion of doctoral thesis inthe Institutional Repository of the University of Leiden Downloaded from: https://hdl.handle.net/1887/605

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Conclusion et recommendations

La dissertation qui s’achève ne prétend pas avoir étudié ou analysé son sujet de façon exhaustive. Tout au moins, elle a présenté et scruté ses aspects pri-mordiaux et soulevé plus ou moins explicitement un certain nombre de pré-occupations. Au terme de cet exercice, on peut brièvement dégager les grands constats (7.1) et formuler les recommandations (7.2) qui vont suivre.

7.1 Acquis de l’étude

7.1.1 Résultats de la recherche

A propos de la ressource, du contexte d’exploitation, de la structuration et du fonctionnement de la filière

Les rotins font partie des plantes aux attributs socio-économiques et cultu-rels remarquables que les groupes humains du Sud-Cameroun tirent de leurs écosystèmes depuis longtemps. Cette ressource de service domestique (arti-sanat d’art et production utilitaire) de l’époque précoloniale a, au fil des années, acquis une dimension commerciale notable surtout dans les régions de Yaoundé, de Douala et des Hautes Terres de l’Ouest. L’exploitation com-merciale de ce PFNL se déploie suivant une organisation simple et avec des caractéristiques propres à la plupart des activités de la petite production mar-chande des économies sous-développées en crise. Cette exploitation est es-sentiellement articulée autour des coupeurs, artisans et consommateurs des produits finis. Les acteurs de niveaux intermédiaires (ONG, projets, ...) y jouent aussi un rôle considérable même s’il est vrai que les résultats de leurs interventions restent en dessous des attentes pour plusieurs raisons. Cette activité s’inscrit dans un contexte fort contraignant.

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dépit de leur caractère illégal. Si l’accès à la ressource au niveau de chaque entité sociale (famille, lignage, village) est libre pour les membres dudit grou-pe suivant le princigrou-pe traditionnel de la maîtrise exclusive interne des res-sources naturelles, en revanche, pour des personnes extérieures, le droit d’accès est de plus en plus monétarisé par les villageois. Il s’agit là prati-quement des seuls éléments sur lesquels on peut se référer pour évoquer une quelconque gestion car on est en présence d’un véritable système de cueillet-te dans sa plus simple expression. Par ailleurs, Le rotin ne bénéficie d’au-cuns soins en milieu naturel, ni d’aucune des principales pratiques locales de conservation comme la préservation lors des opérations de défrichement agricole (abattage sélectif), la transplantation de graines ou des semis de la forêt vers les champs ou tout simplement la domestication et la culture.

En réalité, on ne saurait parler de gestion1 au sens plein du terme aussi bien par rapport aux cadres locaux qu’au cadre gouvernemental dans la me-sure où aucune instance ne gère à proprement parler la ressource. Elles es-saient uniquement d’en limiter l’accès aux ayants-droits et utilisateurs auto-risés. Les règles d’accès restent vagues et il n’existent pas de règles d’ex-ploitation en tant que telle. Toutes ces lacunes se conjuguent avec d’autres facteurs institutionnels pour inscrire l’exploitation du rotin au Cameroun méridional dans un environnement défavorable par rapport aux exigences de développement durable d’une filière de PFNL. Les principes de participa-tion, de transparence, d’impartialité, d’imputabilité et de performance font plutôt l’exception dans cet environnement et parler de bonne gouvernance ici relèverait d’une hérésie ou contre-vérité.

La coupe de rotin à but lucratif est menée surtout par des hommes jeunes sur une base (quasi-)permanente ou comme activité d’appoint aux côtés des travaux agricoles. Pour des raisons évidentes de transport et de débouchés, la coupe a lieu principalement en zone péri-urbaine et le long des grands axes routiers. Le rotin coupé est soit transformé en milieu rural (par des agricul-teurs qui font aussi la vannerie), soit acheminé vers les villes et vendu direc-tement ou non, aux artisans. Les circuits d’approvisionnement sont pour la quasi-totalité inorganisés et plusieurs pesanteurs influencent le rythme et le niveau de ravitaillement des marchés et des UT. Les quantités de rotin com-mercialisées et les prix ont, dans l’ensemble, connu une augmentation ces dernières années suite à la combinaison de multiples facteurs.

La transformation du rotin au Sud-Cameroun repose sur une multiplici-té d’UT dont le nombre s’est considérablement accru à cause de la récession économique et de ses corollaires qui sévissent dans le pays depuis la deuxiè-me moitié des années 1980. Ces UT par ailleurs presque toutes tenues par des hommes, sont des micro-structures aux facteurs de production modestes. La transformation y est réalisée de façon artisanale, ce qui limite le volume et la qualité de la production. La gamme d’articles fabriqués comporte les

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objets de transport/conservation/présentation, les articles d’ameublement, ceux de décoration et les objets de service ou de musique.

L’essentiel de la production d’articles finis est vendu directement aux consommateurs et presque exclusivement sur le marché camerounais. Les consommateurs d’articles finis se recrutent dans presque toutes les catégo-ries de personnes résidant au Cameroun méridional. L’achat ou la consom-mation de ces produits est déterminé par un faisceau de forces antagonistes à savoir d’une part les stimuli (prix, aspect artistique, disponibilité...) et d’autre part, les handicaps (fragilité, lacunes de finition, mauvaise image des producteurs...). Ces handicaps s’ajoutent à ceux des autres segments de la filière pour freiner l’expansion commerciale du secteur rotin au Cameroun. A propos de la durabilité de l’exploitation commerciale du rotin

Beaucoup de lacunes hypothèquent la durabilité globale de l’exploitation commerciale du rotin. En effet, la durabilité écologique de l’extraction est compromise par la coupe ou la destruction des rotins immatures, le prélè-vement de tous les individus matures des clones et la courte période de rota-tion des coupes. Les niveaux de pression sur la ressource sont élevés dans les zones péri-urbaines et les forêts facilement accessibles. Dans ces régions, l’intensité et la fréquence de prélèvement compromettent sérieusement le renouvellement adéquat de la ressource. Mais, sur l’ensemble du Cameroun méridional, la ressource reste abondante.

Au niveau des écosystèmes, la soutenabilité de la coupe des rotins est compromise par l’abattage des arbustes support, la destruction de la végé-tation au voisinage des touffes de rotin et, le plus souvent, l’association à la coupe de rotin des activités connexes nuisibles pour les écosystèmes.

En ce qui concerne la faisabilité économique, les entraves existent éga-lement: caractère inadéquat et sommaire du code forestier, insuffisance du capital financier par rapport à l’exploitation industrielle, faible étendue géo-graphique des marchés de consommation desservis, dysfonctionnements du système commercial etc. La durabilité sociale et politique quant à elle est compromise par l’absence d’une politique effective de soutien de la part des gouvernants, l’inéquité envers les exploitants, les risques de conflits autour de la ressource, la perception dévalorisante de l’activité d’exploitation etc. Cette litanie de facteurs compromettants ne signifie pas que le système d’exploitation commercial ne dispose d’aucun attribut de durabilité. Mais, à moins d’un changement de grande envergure, il n’y pas lieu d’envisager un avenir radieux pour le secteur rotin camerounais à court ou à moyen termes. Cette présomption est d’autant plus plausible que même les structures d’ap-pui n’ont pas pu, au bout de plus d’un demi-siècle d’intervention, contribuer de manière décisive à poser de solides bases et à établir des leviers capables de faire passer rapidement le secteur rotin du Cameroun du stade artisanal à l’étape industrielle. Pourtant, le rôle de ces intervenants dans l’expansion économique d’un tel secteur pouvait être capital comme le montre l’exemple des Philippines.

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A propos de la confrontation des secteurs rotin au Cameroun et aux Philippines

Les Philippines ont pu mettre en place un secteur rotin dont certains carac-téristiques peuvent faire pâlir d’envie le Cameroun: cadre de régulation très élaboré et dynamique, mécanisation accrue dans un nombre croissant d’UT, production massive et de qualité généralement appréciable, création de plu-sieurs centaines de milliers d’emplois, réseaux de commercialisation vastes et bien rodés et apport massif de devises. Le secteur rotin de cet archipel a cependant des indicateurs qui rappellent rapidement que l’environnement d’exploitation demeure bel et bien celui de sous-développement comme au Cameroun. Il s’agit de l’extraction non durable de la matière première, de la dépendance quasi-absolue des peuplements naturels; des pertes énormes de matière première lors de l’extraction, de la destruction de l’habitat de ce PFNL par l’agriculture extensive et l’exploitation forestière en l’absence d’un véritable plan d’utilisation des terres respecté, de la subsistance dans les campagnes et les villes de nombreuses UT artisanales aux facteurs de produc-tion médiocres ou modestes, des pratiques informelles ou illégales, de la cor-ruption etc. Le secteur rotin des Philippines tout comme celui du Cameroun n’est globalement pas soutenable, même s’il est vrai que le deuxième cité a des leçons positives à apprendre de l’expérience du premier. Cette limite con-tribue à amenuiser le potentiel de ce PFNL dans l’un et l’autre pays en matière de conservation des forêts.

A propos du rôle de ce PFNL dans la conservation, l’amélioration des conditions de vie des populations locales et la co-gestion

Au bout d’une confrontation des principales données de l’exploitation du rotin aux motivations et options des acteurs de la dégradation ou de la des-truction des forêts on constate que le rotin dispose certes de quelques atouts, mais aussi de nombreuses limites et ne saurait être une panacée à la défo-restation. Aux handicaps intrinsèques de l’exploitation commerciale de ce PFNL s’ajoutent bon nombre de pesanteurs de l’environnement socio-éco-nomique et politique pour museler les atouts et rendre peu considérables ou minces les chances du rotin de jouer un rôle positif important en matière de conservation. En somme, au regard de la vigueur et de l’ampleur des causes de déforestation au Sud-Cameroun, il serait illusoire de penser que l’exploi-tation commerciale des PFNL pourrait seule constituer une alternative à la dégradation des forêts ou la freiner de manière considérable.

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En dépit des aspects positifs, il faut garder présent à l’esprit le fait que l’ex-ploitation de ce PFNL n’est qu’un élément de la stratégie globale de subsis-tance des populations locales. De plus, les impacts positifs du rotin sont for-tement limités par les goulots d’étranglement auxquels fait face cette acti-vité. Par ailleurs, l’exploitation du rotin a quelques répercussions négatives sur les populations locales. L’exploitation des PFNL ne saurait être un remè-de miracle aux conditions remè-de vie déplorables remè-de la plupart remè-des populations locales, tant leurs indicateurs de développement humain sont faibles. Le con-texte général d’indigence ou de précarité limite sérieusement les possibilités de développement durable du secteur rotin, réduisant ainsi considérablement ses potentialités en matière de lutte contre la pauvreté au sein des popula-tions rurales. Le rôle positif des PFNL dans l’amélioration des condipopula-tions de vie des populations locales présente des limites évidentes et ne saurait être exagéré. Leur potentiel dans le domaine est pourtant considérable comme le montre par exemple la contribution du rotin en matière d’emploi et de devises aux Philippines et la faiblesse relative de leurs retombées positives actuelles sur beaucoup d’aspects de la vie des exploitants au Sud-Cameroun relève tout simplement d’une sous-exploitation de l’atout qu’ils représentent.

Quant au rôle des PFNL dans la gestion participative des forêts, l’analy-se a permis de mettre en évidence qu’il n’est pas nul, mais est sérieul’analy-sement limité par rapport aux exigences globales du processus de co-management. Les PFNL peuvent notamment être révélateurs d’un besoin de cogestion, ser-vir comme ressource de mobilisation de la masse, comme support du pro-cessus d’initiation ou d’apprentissage collectif et de définition du cadre rela-tionnel de cogestion et générateur d’une institution de gestion consensuel-le. En ce qui concerne les limites, on peut retenir les contraintes de durabi-lité écologique, les risques d’adhésion opportuniste ou apparente, les pro-blèmes d’acceptabilité sociale et de viabilité économique ainsi que d’autres obstacles liés au contexte socio-politique local.

7.1.2 Vérification des hypothèses et considérations théoriques de l’étude

Les acquis de la présente recherche sont essentiellement le résultat de la dé-marche empirique de vérification des hypothèses formulées au début du tra-vail. Comme on le constate, globalement, ces résultats confirment, à quelques exceptions ou nuances prêtes, les présomptions de départ. En guise d’illus-tration de ces nuances et exceptions, on peut relever la présomption relati-ve à l’apport des interrelati-venants extérieurs et des institutions aux actions de type collectif qui a été infirmée. Il en est de même de l’idée selon laquelle l’exploitation du rotin n’a aucun impact socio-culturel négatif et de l’affir-mation selon laquelle les secteurs rotin au Cameroun et celui des Philippines ont peu de points de ressemblance.

Les présomptions relatives au rôle des PFNL dans la conservation et dans la gestion participative ainsi que celles relatives aux leçons que le Cameroun

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pourrait tirer de l’expérience philippine méritent quelques précisions. Si chacune de ces présomptions avait été énoncée de façon très tranchée et sui-vant une certaine orientation, elles auraient été chacune infirmées. Si par exemple, on énonçait des suppositions du genre «...les PFNL peuvent consti-tuer une alternative aux activités de déforestation ou réduire de façon dras-tique le rythme de déforestation et jouer ainsi un rôle fondamental dans la conservation des forêts»; «...l’exploitation des PFNL peut jouer un rôle de premier plan dans la stratégie de gestion participative»; «le secteur rotin des Philippines (...) peut servir de modèle pour le développement durable de l’ex-ploitation du rotin au Cameroun», on aurait, compte tenu des résultats pré-sentés plus haut, abouti à des rejets catégoriques.

Au regard de tout ce qui précède et par rapport aux considérations théo-riques ou plutôt aux corpus d’idées directrices qui ont sous-tendu les tra-vaux sur les PFNL jusqu’ici, il y a lieu de dégager les constats suivants: les PFNL ne peuvent pas constituer une alternative aux activités de déforesta-tion, ni une panacée à la lutte contre la pauvreté des populations locales ou encore un élément fondamental de la cogestion des ressources forestières dans le contexte sud-camerounais de maintenant. Dans le contexte d’exploitation actuel marqué par bien de pesanteurs négatifs, ils ne peuvent pas jouer un rôle déterminant ou décisif à ces différents niveaux. Mais leur apport poten-tiel dans les différents domaines en question n’est pas nul. En matière de développement, le potentiel des rotins est d’ailleurs important comme le dé-montrent par exemple la masse de devises, la technologie, le ‘know how’ en management (dans les segments transformation et commercialisation) et en commerce international qu’ils apportent aux Philippines. Par ailleurs, si au Cameroun, avec autant de pesanteurs, le secteur rotin parvient à générer tous les effets positifs relevés au chapitre 5, cela veut dire que pour peu qu’un certain nombre de conditions favorables soient mises en place, ce PFNL peut être une véritable aubaine pour l’économie nationale, les communautés fo-restières et les ménages concernés par son exploitation. Toutefois, comme nous l’avons déjà énnoncé, il ne faut pas exagérer l’importance des PFNL ou surestimer leurs potentialités. Il convient tout simplement de les intégrer suf-fisamment dans une stratégie globale de développement durable au Came-roun méridional forestier.

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pro-priété sur la quasi-totalité des ressources forestières du territoire national et distributrice des droits d’accès et d’exploitation. D’emblée, cette orientation qui est celle d’un Etat pris en permanence dans l’étau des besoins immédiats est incompatible avec la thèse de Peters et al. (1989) dont la validité ne se conçoit implicitement que par rapport à une certaine échéance relativement longue et dans un certain environnement socio-économique. Le fondement essentiel de la thèse ‘commercialisation-conservation’ qui est la stimulation économique des acteurs à la conservation par l’augmentation des revenus issus de la forêt grâce à la commercialisation des PFNL ne résiste d’ailleurs pas à la critique. Il suppose en effet que les acteurs vivent dans un système de besoins fermés. De plus, il nécessite que ces acteurs aient des perceptions de gestion qui s’inscrivent dans le long terme, que le système commercial soit équitable et qu’il existe des règles d’accès et d’exploitation respectées et susceptible de garantir la durabilité écologique. Ce qui est loin d’être le cas dans un contexte comme celui du Cameroun méridional forestier.

Les tenants de la thèse ‘commercialisation-conservation’ dans leur argu-mentation mettent un prima sur la stimulation par les retombées finan-cières. Or parmi les motivations de la déforestation, il y en a qui ne relèvent (presque) pas des considérations financières et qui, de fait, échappent à un hypothétique rempart financier émanant de la commercialisation des PFNL. C’est le cas par exemple des défrichements en forêts primaires à des fins de conquête des droits fonciers coutumiers et de mise en place des plantations semi-industrielle par l’élite politico-économique à des fins de snobisme, de recrutement de clientèle politique, d’obtention de crédits bancaires ou de blanchiment d’argent illicitement acquis. Il est facile de constater ici que par rapport au contexte qui est le notre, la thèse ‘commercialisation-conserva-tion’ pèche par cette trop grande considération accordée au facteur finan-cier. Par ailleurs, au regard de l’étendue des plantations crées par l’élite et compte tenu des autres forces de déforestation véhiculée par cette élite (exploitation forestière industrielle, orientation de la politique forestière nationale/facteurs institutionnel...), il est loisible de relever avec Dove (1993, 1994) que les populations rurales ne constituent pas forcement la plus gran-de menace à la forêt. Focaliser l’attention sur les mesures gran-de lutte contre la déforestation sur les activités des populations comme semblent préconiser certains partisans de la thèse ‘commercialisation-conservation’ paraît irréa-liste. Si ces populations étaient d’ailleurs la principale menace à la conser-vation, la solution de promotion de la commercialisation des PFNL risque-rait de ne pas donner des résultats positifs dans la mesure où l’élite va s’ac-caparer desdites ressources au détriment des populations aussitôt qu’elles auraient une grande valeur. Ce point de vue émis par Dove (1993, 1994) se justifie au Sud-Cameroun avec par exemple l’intrusion des personnes rela-tivement aisées dans les filières de certaines plantes médicinales, du Gnetum et du rotin. Cet accaparement se solde généralement par la mise en place des chaînes commerciales inéquitables ou la relégation des populations rurales

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au rang de simple extracteurs/ouvriers mal rémunérés. L’exemple du rotin aux Philippines corrobore ce constat.

En revenant à l’idée de Peters et al. (1989) et en éliminant le risque d’ac-caparement qui vient d’être évoqué, une autre réserve peut être posée: celle de la viabilité économique à moyen et long terme de la commercialisation des PFNL. Etant donné qu’on se trouve dans un système d’économie libéral de plus en plus mondialisé, la spéculation risquerait d’entraîner une fluc-tuation des prix voire une baisse de ces derniers. La concurrence venant éventuellement des produits cultivés ou synthétiques (la culture étant sou-vent une réplique à l’augmentation des prix des produits venant des sources spontanées) peut aussi conduire à ce résultat. On aurait ainsi, dans un cas comme dans l’autre, une déstabilisation des économies locales de PFNL comme cela a été le cas par exemple avec le cacao et le café. Assies (1997, 1999) a rapporté cette situation avec les noix du Brésil. Au Sud-Cameroun, comme dans le cas rapporté par Assies (1997, 1999), les paysans réagiraient à une telle baisse par un ajustement systématique dans le domaine agricole qui est la clé de voûte de leur système de production. Cet ajustement serait, dans l’essentiel des cas, une augmentation des superficies agricoles au détri-ment de la forêt. C’est ce qui se passe d’ailleurs depuis plusieurs années déjà au Sud-Cameroun avec l’extension des défrichements pour les cultures vi-vrières suite aux baisses des prix des cultures de rente traditionnelle. Ainsi, les forces de l’économie libérale risqueraient de compromettre à la fois la conservation des ressources forestières et la lutte contre la pauvreté. L’inci-tation à la conservation par la commercialisation souffre donc d’un certains nombre d’insuffisances difficiles à occulter surtout dans un contexte de pré-carité (ressource presque en accès libre, difficulté à mettre sur pied un sys-tème commerciale équitable et viable à cause des pesanteurs structurelles, économie dominée...) comme celui du Sud-Cameroun.

7.2 Recommandations

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toutes les principales personnes concernées. Chacun de ces partenaires a certes un rôle à jouer, mais, les structures d’appui doivent être très prudents dans leurs interventions en adoptant des stratégies d’appui visant prioritairement à renforcer la capacité des coupeurs et des artisans à résoudre eux-mêmes la plupart de leurs problèmes et à promouvoir une dynamique interne de dé-veloppement.

Sur la base des analyses, des leçons tirées de l’expérience des Philippi-nes, de la littérature, des observations faites par certains acteurs et des acquis empiriques, nous formulons ci-dessous des recommandations à l’en-droit des principaux intervenants de la filière. Leur présentation sous cette forme ne préconise en rien des interventions fragmentées et isolées. Au con-traire, elles doivent être articulées dans un plan global de développement du secteur que nous appelons de tous nos vœux.

7.2.1 Aux populations riveraines, coupeurs, artisans et vendeurs

Aux niveaux des populations, coupeurs, artisans et vendeurs, quatre points sont cruciaux. Ces acteurs doivent:

Prélever et utiliser la ressource rationnellement

En attendant la mise au point un jour d’un schéma d’aménagement comme par exemple celui que Charles Peters (1997) propose et l’introduction des techniques d’élimination des pertes de la ressource tout au long de la filiè-re, les acteurs de premier plan doivent, chacun à son niveau, prendre quel-ques mesures simples d’exploitation rationnelle de la ressource. Il faudrait par exemple:

• Instituer un système de collecte rotative à travers différents secteurs des massifs forestiers suivant une périodicité à déterminer;

• Eviter de prélever toutes les tiges matures des touffes et veiller à laisser des semenciers pour une préservation de la diversité génétique, de la vigueur des tiges et de la dynamique de la population;

• Commencer les efforts d’ajustement des niveaux d’extraction aux exi-gences biophysiques des rotins. Pour L. secundiflorum par exemple, selon les travaux de Nzooh Dongmo et collaborateurs (2000a), il faudrait , en plus de la coupe sélective des tiges matures, laisser au minimum 13 tiges lianescentes dont plusieurs tiges matures par clone et observer un inter-valle de 18 à 30 mois entre deux passages sur un clone;

• Eviter les incendies répétés qui contribuent au dépérissement des rhi-zomes de rotins dans les jachères et inhibent la dynamique d’installation des semis surtout au niveau des chablis;

• Contenir autant que possible les activités cynégétiques (dans les forêts où sont exploités les rotins) dans des seuils ne pouvant pas hypothéquer la pollinisation et/ou la dispersion des semences de la ressource;

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• Faire des plantations d’enrichissement (enrichissement des parcelles de forêts secondaire en plantules de rotins), surtout là où le besoin se fait sentir;

• Eviter de détruire ou d’endommager les tiges de rotins immatures lors de l’extraction. Cela nécessite entre autres de la part des coupeurs un ha-billement approprié (botte+casque+pantalons et chemises confectionnés avec un matériau adéquat) à la pénétration dans les touffes et à la mani-pulation des tiges sans grands risques d’accident;

• Participer aux efforts de mise au point et de vulgarisation de petits ins-truments de coupe susceptibles de réduire les pertes lors de la récolte (couperet, émonctoires, sécateurs, hacheuse, crochet...);

• Pratiquer autant que possible la traction tardive des tiges coupées afin d’augmenter les rendements de décrochage. Il faudra cependant accom-pagner cette pratique de mesures relatives à la transformation rapide (con-fère Defo 1998 pour justification) ou de conservation de rotin après ré-colte ainsi que d’un système de gestion (règles d’accès, principes d’ex-ploitation...) propice à une exploitation à faible impact pour ce qui est des forêts relevant encore du régime collectif villageois;

• Prendre en considération de façon effective et accrue les PFNL dans les plans d’aménagement des forêts communautaires et des concessions fo-restières;

• Eviter le gaspillage de la ressource en brousse en récupérant minutieu-sement les rotins tordus, les morceaux courts, les bases et les parties ter-minales utilisables que certains coupeurs abandonnent alors qu’on peut bien s’en servir pour des tâches de fabrication spécifiques. Dans le même ordre d’idée, il faudrait chercher à réduire les pertes après récolte en dis-posant les cannes de manière adéquate (on les appui verticalement contre un arbre pour permettre l’écoulement de la sève et de l’eau) juste après la coupe et en traitant le rotin juste quelque temps après la coupe (séchage approprié au soleil quelques temps; diminution du taux d’hu-midité et lutte contre les attaques biologiques. A ce sujet, ils peuvent essayer de s’inspirer des méthodes asiatiques qui consistent à appliquer un insecticide aussitôt après la coupe, à bouillir le rotin dans une solu-tion de gazole, de kérosène ou d’huile de palme...);

• Eviter de gaspiller la matière première lors de la transformation. Pour cela, les artisans ont besoin, au-delà de la volonté, d’une certaine expé-rience, des équipements et des méthodes susceptibles d’augmenter le rendement-matière.

Mieux valoriser la ressource

Les efforts doivent être orientés principalement sur trois axes:

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• Améliorer la qualité (solidité, esthétique, design) des articles. Cela néces-site aussi de la volonté, une certaine formation et expérience, des équi-pements et des méthodes plus appropriées. Mais, sans réaliser de gros in-vestissements, les artisans peuvent faire des efforts dans ce sens, par exemple en utilisant autant que possible les crampons et les chevilles plutôt que des clous, les gabarits plutôt que le chalumeau etc.;

• Optimiser les possibilités de vente. Il faudrait pour cela, étendre la de-mande solvable, améliorer les circuits de distribution (on peut par exemple s’inspirer de la pratique du ‘consignment’ comme aux Philippines), soi-gner l’image du rotin par la publicité et une bonne exposition par exemple. Il faudrait aussi rechercher de nouveaux débouchés tant au Cameroun qu’à l’extérieur par des actions telles que la création des lieux d’exposi-tion collective (si possible en associad’exposi-tion avec d’autres corps d’artisans), la participation aux foires... Sur les marchés du Nord, en attendant de se donner les moyens de pouvoir concurrencer éventuellement les articles asiatiques, les artisans camerounais devront surtout essayer de se posi-tionner sur les segments de marché sensibles aux considérations sociales, culturelles ou environnementales (un des canaux indiqués seraient par exemple le commerce équitable). A ce niveau, ils auront probablement un avantage comparatif important.

Se former davantage

Cet aspect concerne particulièrement les acteurs du maillon transformation. Etant donné que la capacité technique à elle seule ne peut suffire pour faire un bon technicien-entrepreneur, les artisans doivent non seulement se for-mer techniquement, mais aussi essayer d’acquérir quelques éléments indis-pensables de l’art du savoir-être, de relation publique, de gestion, de mar-keting et de design. En cultivant davantage leur sens d’innovation, ils pour-raient développer leurs aptitudes à la créativité et pouvoir diversifier sensi-blement les types et modèles stylistiques proposés aux consommateurs au lieu de se borner la plupart du temps à copier les modèles occidentaux et asiatiques d’ailleurs vulgaires ou dépassés par rapport aux exigences des marchés du Nord.

S’organiser convenablement et véritablement

A tous les niveaux de la filière, les différentes catégories d’acteurs doivent s’organiser et mettre en place des mécanismes ou des structures sociopro-fessionnelles viables et capables de réguler un certain nombre de choses ou de leur procurer des avantages ou facilités. Des exemples tirés des Philippi-nes et d’Indonésie nous montrent à quel point les liens horizontaux entre les intervenants sont importants.

Les populations riveraines doivent, au niveau local et avec l’aide de struc-tures appropriées, concevoir des plans simples d’utilisation des terres tenant compte des PFNL et mettre sur pied des entités viables (légitimes, respon-sables, démocratiques, légales...) ou des institutions consensuelles de gestion

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participative des PFNL dans le domaine collectif villageois. Ces structures doivent mettre en place de manière participative, des principes d’allocation des droits d’usage, des règles d’accès, les normes d’exploitation et des méca-nismes de contrôle de coupe tenant compte des exigences de durabilité, d’équité et de justice sociale. Elles doivent par exemple écarter toute possi-bilité qui installe le coupeur dans une situation de précarité permanente, l’empêchant d’envisager toute forme de prélèvement durable ou de privilé-gier l’exploitation rationnelle par rapport à l’intérêt économique immédiat. En somme il est question de passer d’un système interne de libre accès à un système d’exploitation commune régulé. Par ailleurs, la création d’une forêt communautaire est susceptible de donner aux communautés locales un cadre favorable à une gestion locale des PFNL dans une approche globale inté-grant toutes les ressources forestières de grande importance. C’est pourquoi les populations locales gagneraient à tirer profit de cette initiative de décen-tralisation de la gestion des ressources forestière en cours au Cameroun pour essayer de faire reconnaître leurs droits sur ces ressources, les sécuriser et organiser localement un cadre de gestion durable.

Les coupeurs doivent constituer des groupes ou des associations par loca-lité avec pour but premier l’organisation de l’approvisionnement des mar-chés de rotin brut, la fixation des prix de vente et la facilitation des négo-ciations avec différents partenaires. En s’organisant ainsi, ils pourraient mieux négocier les conditions d’accès aux forêts là où ils ne sont pas membres de la communauté locale; obtenir des coûts de transport plus abordables; mieux affronter les agents de contrôle du MINEF, les forces de l’ordre et les revendeurs; participer à un éventuel processus participatif de mise en place d’un nouveau cadre de régulation; entreprendre plus des démarches auprès de l’administration pour l’obtention des documents officiels d’exploitation commerciale ou tout simplement un traitement de faveur. Bref, en s’organi-sant convenablement, ils peuvent mieux défendre leurs intérêts sociopro-fessionnels. On peut, à ce sujet, s’inspirer de quelques exemples de groupes de coupeurs aux Philippines, même s’ils ne constituent pas tout à fait l’idéal souhaitable.

Les CU doivent créer des structures de regroupement comme les organi-sations proactives et les institutions aux actions de type collectif ou parti-cipatif (GIC, GIE, coopératives, syndicat, corps de métiers, associations...). Il faudrait (afin que ces structures ne ressemblent pas aux initiatives qu’on a déjà connues dans le domaine dans certaines localités) que ces structures soit des entités démocratiques, débarrassées de toutes considérations ethniques, répondant aux aspirations du plus grand nombre et dotées de mécanismes de fonctionnement transparents et viables. Ces structures doivent permettre aux artisans d’obtenir ou de générer certaines facilités notamment:

• en servant de cadre de réflexion sur certains problèmes du métier; • en étant un interlocuteur plus crédible avec les pouvoirs publics et autres

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aménagements d’infrastructures, aux éventuels marchés publics, à l’oc-cupation du domaine public, au transfert ou au développement endogè-ne des technologies...;

• en matière d’épargne-crédit, d’acquisition et de gestion des équipements coûteux de façon collective, de formation et de perfectionnement, de discipline interne et d’amélioration de la qualité de la production; • en acquérant en grandes quantités et à coûts réduits certains intrants et

en le revendant aux UT à des prix préférentiels;

• dans le domaine de la commercialisation. Au niveau du marché intérieur, elles pourraient par exemple penser à la création des points de vente col-lectifs et à la fixation des prix de vente (cet aspect paraît moins réalis-te). Pour ce qui est des marchés extérieurs, de telles structures collectives offrent des possibilités qui sont hors de portée de petits producteurs pris individuellement. Elles peuvent en effet entreprendre des actions de pro-motion et de prospection à l’extérieur, réaliser les formalités administra-tives facilement, trouver facilement le crédit pour le préfinancement des grosses commandes, répondre plus aisément à ces gros achats dans des délais acceptables...

7.2.2 Aux pouvoirs publics

En créant une sous-direction des PFNL au MINEF il y a près de six ans, le gouvernement camerounais a franchi une étape supplémentaire dans sa prise de conscience de l’importance de ces ressources. Mais, ce gouvernement demeure toujours à la traîne du mouvement de revitalisation des produits forestiers autres que le bois car il devrait aller au-delà de simples intentions dans sa prise de conscience et poser des actes tangibles. Ces actes sont d’au-tant plus souhaitables pour le rotin au regard de ses potentialités que la lutte contre le chômage et la pauvreté, la diversification des exportations et la valorisation des produits locaux constituent des leitmotivs des discours offi-ciels. Les politiques qui, par ailleurs, doivent considérer les PFNL sous leur quadruple dimensions (rôles social, culturel, économique et environnemen-tal) doivent intervenir suivant trois axes majeurs:

Elaborer une stratégie nationale de gestion et de développement durable des PFNL

Cette stratégie devra être définie de manière participative afin d’acquérir toute la légitimité nécessaire à une application efficace. Les dispositions du code forestier et autres textes relatifs aux PFNL doivent s’inscrire dans ce cadre global, tout comme bien des mesures ci-dessous énoncées. Ce cadre devra également définir un schéma d’intervention des acteurs extérieurs ou plan d’appui cohérent pour éviter le désordre, les redondances et autres gâchis de ressources jusqu’ici observés. Sur la même lancée, les pouvoirs pu-blics doivent, en collaboration avec les bailleurs de fonds et autres acteurs, coordonner les différentes interventions, les articuler quand besoin se fait

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sentir tout en évitant d’entraver de quelque manière que ce soit les efforts positifs des structures d’appui. Dans ce rôle de coordination souple, ils de-vront par exemple capitaliser (sous forme de base de données; de ‘state of knowledge report’...) les données et expériences disponibles sur les différents PFNL afin d’identifier les principales lacunes et de favoriser une meilleure orientation des actions futures.

Définir un cadre institutionnel et des politiques susceptibles de favoriser une exploitation durable du rotin

Le code forestier devra cesser d’être sommaire et évasif à propos des PFNL. Pour que ces ressources ne continuent plus d’être occultées par le bois, elles devront faire l’objet de titres particuliers et étoffés du code forestier. Les textes relatifs aux PFNL devront être aussi détaillés que possible, simples, transparents, cohérents et débarrassés de toute ambiguïté. Ils doivent com-porter entre autres les normes et directives techniques essentielles d’exploi-tation (exemples: AAC, longueur minimale exploitable et temps de rod’exploi-tation scientifiquement déterminée comme aux Philippines).

Les textes relatifs aux droits d’accès et d’exploitation devront réserver un traitement de faveur (exemples: le droit de préemption, la simplification des procédures, la décentralisation de la gestion des dossiers comme aux Phil-ippines) aux PO, associations de coupeurs et communautés riveraines dans l’attribution des droits d’exploitation et, autant que possible, faire reposer les mécanismes de contrôle d’extraction et d’aménagement de la ressource sur ces groupes. Par ailleurs, il faudra également diminuer les charges offi-cielles pour ces groupes et leur accorder les droits d’exploitation commer-ciale sur une longue période afin d’éviter les situations de précarité qui peut pousser les coupeurs aux prélèvements non durables.

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opportu-nistes sous le couvert d’association à leur seuls profits est considérable. Un tel scénario éloignerait davantage l’idéal de gestion durable.

Mener des interventions stratégiques et favorables à un développement durable du secteur

Il sera question pour les pouvoirs publics de poser des actes de grande por-tée susceptibles de favoriser une coupe rationnelle et le progrès de la trans-formation ainsi que de la commercialisation. Ils doivent par exemple: • améliorer les capacités techniques et organisationnelles des structures en

charge de la gestion des ressources forestières afin de leur permettre de faire une gestion effective et efficace (planification, suivi, évaluation, adaptation, application des normes, sanctions,...);

• encourager la recherche scientifique et technique pouvant aboutir à la mise en place de schémas d’aménagement durable de la ressource, à l’ex-traction rationnelle/exploitation à faible impact et à la conservation de la ressource après la récolte;

• veiller à la prise en compte effective et accrue des PFNL dans les inven-taires, les plans d’aménagement ou plans de gestion (au niveau des con-cessions forestières, des forêts communautaires...);

• créer les conditions favorables à une mobilisation au niveau internatio-nal d’importantes ressources humaines et financières en faveur du secteur des PFNL au Cameroun. En guise d’exemple, on peut citer la participa-tion effective du Cameroun aux activités de l’INBAR qui peut avoir d’énor-mes retombées positives pour le développement du rotin et du bambou dans le pays;

• favoriser l’accès des exploitants aux crédits afin de leur permettre d’ac-croître le volume de leurs activités;

• assister les acteurs de base dans leurs efforts éventuels de prélèvement durable et de développement de la transformation;

• favoriser la domestication et la culture des rotins de façon progressive dans les zones où la pression d’exploitation est forte et le potentiel de renouvellement menacé;

• importer les technologies de traitement et de transformation du rotin à partir de l’Asie et les adapter au matériau et contexte locaux ou alors, investir des efforts dans le développement endogène de technologies. Ces efforts qui doivent par ailleurs être suivis d’initiatives de vulgarisation peuvent être déployés dans un petit programme des technologies du rotin et du bambou logé dans un centre d’apprentissage ou d’enseignement technique et professionnel;

• aider les artisans à prospecter les marchés extérieurs de produits finis et à les exploiter convenablement.

Toutes ces suggestions sont largement en congruence avec la philosophie néolibérale du «moins d’Etat» que les pouvoirs publics ont été contraints de

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se donner dans le cadre de la politique de privatisation et de libéralisation qui ne réserve plus à l’Etat qu’un rôle d’élaboration du cadre juridique, de contrôle et de facilitation. Les gouvernants devraient donc pouvoir les prendre en considération facilement.

7.2.3 Aux intervenants extérieurs

Il est souhaitable que les intervenants extérieurs (ONG, Projets,...) contri-buent au développement du secteur de la manière suivante:

Réviser les approches et principes d’intervention

Les intervenants devront, sans négliger certains domaines, axer leurs inter-ventions prioritairement sur les actions stratégiques ou structurelles comme la recherche, la ‘capacitation’ des acteurs de premier ordre, l’appui organi-sationnel et les réformes de politiques. Ils doivent s’appuyer autant que pos-sible, sur les résultats de recherches scientifiques et techniques et connaître objectivement le milieu (physique, social, culturel, politique économique) ainsi que l’objet d’intervention. Ils devront également autant que faire se peut, essayer de favoriser plutôt des processus au détriment des actions aux effets trop ponctuels et limités. Pour cela, il leur faudra assurer un suivi effectif de leurs interventions, éviter la précipitation, investir du temps, s’armer de patience2 et susciter une implication effective des concernés à toutes les phases de l’intervention. Enfin, il convient pour chaque structure de savoir analyser et capitaliser les expériences passées et de travailler en collabora-tion avec d’autres entités intervenant de près ou de loin dans le même do-maine. En outre, les intervenants extérieurs devront éviter de tomber dans le piège d’un développement trop artificiel, non pérenne, incapable de se main-tenir au-delà des appuis, d’où l’importance d’avoir une présence souple, mais efficace auprès des acteurs de premier plan au cours de la durée de l’inter-vention.

Apporter une grande contribution aux efforts de conservation et de valorisation rationnelle de la ressource

Les structures d’appui doivent aider les acteurs de premier plan et l’Etat dans les différentes initiatives de conservation et de valorisation ci-dessus énu-mérées. Dans ces efforts, les structures d’appui sont mieux indiquées pour des tâches comme par exemple l’aide à l’organisation, à la recherche et à l’amélioration du cadre politique et juridique d’exploitation; la formation, l’éducation, la sensibilisation et la vulgarisation. En guise d’illustrations de ces actions particulières, on peut citer:

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• L’appui logistique, technique et administratif aux coupeurs et aux arti-sans dans la mise en place des structures de regroupement et des entités de gestion viables. Mais, les intervenants extérieurs doivent éviter d’im-poser des structures ou des modes de gestion collective préconçues et œuvrer plutôt dans le sens de la facilitation des dynamiques internes ou locales pouvant aboutir à des arrangements institutionnels propres (ins-tances, régulations, sanctions, ...);

• La sensibilisation accrue des décideurs des hautes sphères de l’Etat et de certains acteurs du secteur des forêts (administrations, exploitants fores-tiers...) sur l’importance économique, sociale, culturelle et environne-mentale des PFNL;

• La contribution à l’instauration d’une bonne gouvernance dans la ges-tion des PFNL (implicages-tion accrue des populages-tions locales, transparence, définir les règles légitimes et légales, arbitrage adéquat des conflits, im-putabilité à des instances appropriées, performance, impartialité...) au ni-veau national et local. Pour cela, il va falloir par exemple que les inter-venants extérieurs contribuent au renforcement des capacités des struc-tures étatiques et de la sociétés civile et aident les pouvoirs publics à développer une nouvelle orientation institutionnelle axée sur les prin-cipes de la bonne gouvernance;

• La sensibilisation des exploitants et des populations locales pour une prise de conscience des lacunes du système actuel d’exploitation. Ce tra-vail se donnera entre autres objectifs de bannir certains états d’esprit né-gatifs en matière de gestion rationnelle et de susciter chez ces acteurs des types de perceptions et de comportements favorables à la protection et à une bonne utilisation de la ressource ainsi que l’intérêt de l’adoption des pratiques d’exploitation à faible impact. Par ailleurs, cette sensibilisation devra être accompagnée d’un travail d’éducation et de formation sur des aspects comme la traction tardive, les niveaux de prélèvement par clone, les fréquences de prélèvement, le choix des individus à prélever, la réduction des gaspillages lors de l’extraction ou de la transformation, l’augmentation des rendement-matière et les techniques de conservation post-récolte;

• La participation à la recherche scientifique et technique pouvant aboutir à la mise en place et à l’application d’un schéma d’aménagement durable; • La participation au processus d’acquisition et de vulgarisation des

tech-nologies de récolte, de traitement et de transformation adaptées; • La contribution aux efforts de diminution de la pression sur les

peuple-ments naturels de rotins par le développement et la vulgarisation pro-gressive des techniques de domestication des rotins, d’enrichissement des forêts de plantules de rotins et d’introduction de la culture de rotins dans les systèmes villageois de production notamment au niveau des jachères, des forêts secondaires et des terres marginales. Dans cette initiative de culture, on peut compter sur un certain nombre de facteurs favorables (volonté de la majorité des paysans exploitants, habitudes

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rie chez les populations locales, disponibilité de l’espace dans les diffé-rents faciès de végétation sollicités...) même s’il est vrai que les obstacles à une telle entreprise sont tout aussi importants (Defo 1998; Defo & Tre-fon 2002). Cette initiative devra pour l’instant se focaliser uniquement dans les régions où la pression d’exploitation est significative. Une hypo-thèse d’adoption de la culture du rotin à grande échelle et en dehors de quelques zones péri-urbaines relèverait actuellement d’une pure utopie; • La contribution à l’introduction et au développement de la

transforma-tion locale de rotin dans certaines localités. Pour cela, il va falloir dans certains contextes, être progressif en commençant dans un premier temps par la vannerie fine compte tenu de plusieurs facteurs: technologie simple; existence d’un background traditionnel de confection de panier; facilité d’évacuation peu coûteuse vers les grands centres de consommation (les articles de la petite vannerie étant moins lourds et moins encombrants...). Cette transformation locale contribuerait à réduire le gaspillage de rotin dans ces localités et aiderait les paysans à générer des revenus supplé-mentaires ou à garder en milieu rural la valeur ajoutée par rapport à la vente de rotin brut en ville.

Appuyer les artisans dans l’élargissement de leurs débouchés commerciaux

Les intervenants extérieures peuvent aider les artisans à organiser des cir-cuits de distribution, à mettre sur pied des points de vente collectifs et à étendre la demande par la publicité notamment aux niveaux domestique et sous-régional. Au-delà de cette échelle, ces acteurs doivent aider les artisans camerounais à accéder aux marchés internationaux à forte valeur ajoutée. Plus concrètement, il est question de les aider à améliorer la qualité de leurs produits, à améliorer la productivité, à abaisser les charges compressibles afin d’avoir des prix de vente compétitifs, à s’organiser pour pouvoir répondre aux grandes commandes; à entrer en contact avec les importateurs du Nord (notamment par l’information, l’appui à la participation aux manifestations commerciales...), à corriger la mauvaise image que traînent les producteurs africains (incapacité à respecter les délais, manque d’uniformité, pièces médiocres, incapacité à s’adapter rapidement aux exigences des consomma-teurs en matière de design...) aux yeux des importaconsomma-teurs du Nord, à acqué-rir les talents d’homme d’ affaires, à remplir facilement les formalités admi-nistratives... bref, les aider à satisfaire aux exigences des marchés interna-tionaux.

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7.2.4 Aux chercheurs

L’exposé est resté relativement superficiel ou a suffisante de profondeur mar-quée au niveau de plusieurs points, notamment certains aspects relatifs aux considérations théoriques ainsi que des éléments d’appréciation de la dura-bilité. Ces lacunes constituent des fondements pour des investigations ulté-rieures (nouvelles pistes de recherches).

Suggestions relatives aux considérations théoriques et méthodologiques Les lacunes au niveau des analyses théoriques dont souffre ce travail sont en partie imputables à l’absence d’un véritable cadre théorique dans le domai-ne des PFNL. Devant cette situation, on domai-ne pouvait que se contenter de grandes idées directrices des travaux scientifiques dans ce domaine. Il y a donc urgence de pallier cette carence. Au-delà de multiples études de cas faisant appel aux méthodes très souvent divergentes et aux concepts éva-sifs, il importe dorénavant de porter une grande attention sur la généralisa-tion (typologie, classificagénéralisa-tion) des résultats. Il est quesgénéralisa-tion notamment d’in-tensifier les efforts de conceptualisation (affûtage des concepts), de construc-tion théorique et si possible de modélisaconstruc-tion susceptibles d’orienter les in-vestigations ultérieures et d’éclairer la formulation des interventions.

Les aspects méthodologiques requiert aussi des efforts notamment en ce qui concerne l’analyse de la durabilité. A partir des travaux de Barbier, Ros-Tonen et al. (1995, 1998) ont mis au point un schéma d’analyse qui se décli-ne en trois points essentiels à savoir les paramètres écologiques, les données économiques et les paramètres sociaux et politiques. Cette dernière dimen-sion mérite sans doute d’être davantage enrichie et peaufiné notamment en prenant en compte des indicateurs qui puissent véhiculer les préoccupations relative à la gouvernance, étant entendu que la gouvernance s’affirme de plus en plus comme élément important de la gestion durable. Plus précisé-ment, la recherche devra donc s’atteler à traduire en indicateurs les princi-pales données du système de pouvoir et d’autorité autour des PFNL. Dans la logique de la gestion durable ou de la conservation, il s’agira de trouver les voies et moyens d’inclure objectivement dans les analyses les caractéris-tiques/principes les plus saillants de la bonne gouvernance (confère figure 7.1).

Suggestions relatives à la durabilité écologique

L’absence de données biologiques et écologiques suffisantes ont limité les analyses relatives à la durabilité écologique. Par exemple, l’idéal aurait été d’évaluer véritablement la durabilité écologique de l’extraction des rotins à partir des données issues d’un protocole d’appréciation et de surveillance appropriée pour toute la panoplie des effets directs et indirects de différents niveaux, pratiques, et rythmes de prélèvement sur les individus, la population et l’écosystème (effets sur la reproduction, la croissance, la vigueur/vitalité des cannes, la dynamique de peuplement, les nutriments, la structure et l’évo-lution de la forêt, la disponibilité alimentaires des animaux associés etc.). La

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recherche devra donc s’atteler à collecter ces données (pour différents faciès de végétation et espèces de rotins) et à définir les principaux paramètres bi-logiques et écobi-logiques de la viabilité de l’exploitation à savoir l’intensité et la fréquence optimales d’extraction. Elle devra aussi étudier les possibilités de transplantation/culture de rotin dans les systèmes agroforestiers ou d’autres systèmes de végétation à domance arbustive comme par exemple dans la ré-gion de Bayombong aux Philippines.

Suggestions relatives à la durabilité économique

L’insuffisance de certaines données a aussi limité la pertinence des analyses au niveau de l’évaluation de la soutenabilité économique de l’exploitation du rotin. Ces données que les travaux ultérieurs devront s’atteler à rassem-bler se rapportent essentiellement à l’évaluation du fonctionnement du sys-tème et du potentiel commercial. On peut évoquer entre autres la mesure de l’efficacité technique et de l’efficacité économique des UT, l’élasticité de la substitution du rotin aux matières concurrentes, une étude détaillée du mar-ché de consommation des produits finis de rotin etc.

Figure 7.1: Gouvernance et exploitation durable des PFNL

(modifié à la suite de Ros-tonen et al. (1995, 1998) et sur la base des principes de la bonne gouvernance tirée de Dabiré 2003; Ehler 2003; L’encyclopédie de l’AGORA a.n.i.; Commission Européenne a.n.i. a & b).

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Suggestions relatives aux conditions de mise au point d’une stratégie de conservation et valorisation rationnelle de la ressource

Si l’on veut élaborer une stratégie de développement durable du secteur rotin au Cameroun méridional, il sera indispensable d’aller plus loin dans la connaissance de la ressource, du secteur et de bien des facteurs susceptibles d’influencer son évolution. La recherche scientifique et technique devra par exemple se pencher sur des aspects tels que:

• La taxonomie, la biologie, l’écologie, la distribution et les propriétés struc-turelles des espèces locales de rotins (certains aspects de ce travail ont été déjà amorcés). A ces différents niveaux, les chercheurs doivent faire preuve de beaucoup de prudence au cas où ils feraient appel aux connais-sances locales dans la mesure où ces connaisconnais-sances sont, dans beaucoup d’aspects, approximatives ou pleines de confusion, sans doute à cause de la multiplicité des genres et des espèces de rotins ainsi que de l’évolution de leurs caractéristiques respectives à différents stades de leur vie; • Les impacts des différents niveaux, rythmes et pratiques de coupe sur les

différentes espèces et détermination des rendements maximums soute-nables pour chaque espèce locale de rotin;

• L’augmentation des rendements de décrochage après le sectionnement des tiges;

• La réduction des pertes après récolte et conservation des cannes sur une longue durée;

• L’augmentation du rendement matière et réduction du gaspillage lors de la transformation;

• L’amélioration de la technologie de transformation de rotin;

• Les atouts et contraintes en matière de transfert de technologies de cul-ture, de traitement et de transformation de rotins d’Asie vers le Came-roun méridional; les possibilités d’introduction de la culture des rotins dans les systèmes de production villageois;

• Les marchés de consommation des produits finis de rotin en Afrique cen-trale, dans quelques grands pays africains, en Europe et en Amérique du nord.

Enfin, par rapport à la question de gouvernance qui revêt une importance capitale actuellement, la recherche devra apporter des réponses adaptées à une foule d’interrogations: Dans le cadre d’une gestion décentralisée / par-ticipative et démocratique, quelles prérogatives conférer aux groupes locaux? Quelles sont les instances locales les plus indiquées pour une telle dévolu-tion? Quels sont les ajustements institutionnels, législatifs et réglementaires nécessaires pour conférer au nouveau cadre en place toute l’efficacité et la cohérence nécessaires? Quel rôle pour l’Etat? Quelles sont les conditions à mettre en place pour que la ‘désétatisation’ ne donne pas plutôt lieu à un pillage des ressources? etc.

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