• No results found

2014, n° 2 2 2 21 1 1 1 Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Share "2014, n° 2 2 2 21 1 1 1 Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire "

Copied!
23
0
0

Bezig met laden.... (Bekijk nu de volledige tekst)

Hele tekst

(1)

Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le mercredi 3 décembre 2014

Michaëlle Jean, nouvelle secrétaire générale de l’OIF © DR

2014, n°

2014, n°

2014, n°

2014, n° 2 2 2 21 1 1 1 Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire

Francophonie Francophonie Francophonie Francophonie Paradoxe à Dakar :

Une élection très discutée qui semble pourtant porter bien des espoirs… page 1 Et à part ça ?... page 12

Bongo et Ouattara… page 13

Louise et François : pas vraiment un duo d’amour… page 15 RDCRDC

RDCRDC

Communiqué et Invitation :

Soirée de commémoration du martyre des Femmes de Mwenga enterrées vivantes en 1999… page 20

(2)

Francophonie Francophonie Francophonie Francophonie

L'image de clôture de DAKAR 2014 : Abdou Diouf passe le relais à Michaëlle Jean, nouvelle S.G. de la Francophonie. A leurs côtés, les présidents français et sénégalais, ainsi que le président malgache Hery

Rajaonarimampianina dont le pays organisera le prochain Sommet de la Francophonie, en 2016.

Paradoxe à Dakar :

Une élection très discutée qui semble pourtant porter bien des espoirs

Par Guy De Boeck

Je dois ici confesser mon incompréhension devant certains commentaires qui ont suivi presque instantanément la désignation de Michaëlle Jean comme nouvelle S.G. de la Francophonie et qui parlent de « défaite africaine ».

Christophe Rigaud, par exemple, écrit ceci sur Afrikarabia : « Avec l’arrivée de la canadienne Michaëlle Jean à la tête de l’OIF, la Francophonie échappe au continent africain. Une petite révolution, qui n’est pas sans déplaire à François Hollande et aux oppositions africaines. Le signal sonne comme un avertissement : l’Afrique vient de perdre la Francophonie. Les membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), réunis à Dakar ce soir, ont désigné la canadienne Michaëlle Jean au poste de secrétaire générale, en remplacement d’Abdou Diouf. Un exploit dans ce club très fermé, très masculin et très africain de l’OIF. C’est en effet la première fois qu’une femme et une personnalité non africaine occupera la fonction ».

Ou encore, dans Financial Afrik : « Contre la règle non écrite et contre l’équilibre de l’Organisation internationale de la Francophonie, logée et financée en grande partie par les pays du Nord, voilà que le poste de secrétaire général de l’OIF échoit à la canadienne Michaëlle Jean. Michaëlle Jean, polyglotte, ancienne gouverneur général du

(3)

Canada1, succède à Abdou Diouf. La victoire à l’arraché de la représentante de ce pays clé, une victoire de raison, le Canada étant un grand bailleur de fonds2, laissera plus que des traces. C’est une fracture béante entre le Nord et le Sud ».

Ne conviendrait-il pas de dire que c’est peut-être une défaite pour une certaine Afrique engluée dans une gouvernance prisonnière de présidents africains peu enclins aux évolutions démocratiques: celle des « establishments », des femmes et des hommes qui ne pensent qu'à eux et aux leurs (la famille élargie parfois au clan ou au groupe ethnique) et sont prêts littéralement à tout pour conserver leur confort ou l'améliorer, un soulagement pour François Hollande, une fois de plus pris il y a peu en flagrant délit de « françafricanisme » avec sa lettre à Compaoré, mais une victoire possible du panafricanisme, c'est-à-dire de l’Afrique réelle ?

Secrétaire générale par défaut ?

Michaëlle Jean, qui plaide pour une « Francophonie moderne et tournée vers l'avenir », est la première femme à accéder à ce poste. Et, ici encore, on se sent perplexe.

Bien évidemment, les cinq candidats en lice ont fait campagne, mais celle-ci a été tellement peu transparente que, là aussi, les commentaires sont diamétralement opposés. C’est tout de même étrange car si l’on voit couramment des journaux, au gré de leur appartenance philosophique ou politique, prévoir pour l’avenir, après une élection, des conséquences qui sont noires pour l’un, blanches pour l’autre, ils sont tout de même en général d’accord sur le déroulement de la campagne, les forces et les faiblesses des candidats, la qualité de leurs

« performances ». Rien de tel ici !

Certes, il y a eu des articles dans la presse, mais fondamentalement il s’agissait d’une campagne électorale discrète, feutrée et dans les seules hautes sphères.

Pour les uns, Michaëlle Jean a mené une campagne active qui visait notamment à convaincre les dirigeants du continent africain, où vit la grande majorité des 274 millions de francophones dans le monde. C'est au terme de pénibles échanges, après près de cinq heures de délibérations à huis clos que les chefs d'État se sont finalement ralliés derrière la haïtiano/canadienne.

Il faudrait toutefois éviter de tomber dans la caricature ou le cliché. Les lenteurs et les

1 Le Gouverneur général est le représentant du roi ou de la reine d’Angleterre au Canada. Ce n’est pas une fonction élective. Le souverain nomme le gouverneur général sur avis du Premier ministre. Autrefois le gouverneur était un membre de l'aristocratie britannique. Le dernier gouverneur général d'origine britannique fut Harold Alexander, 1er vicomte Alexander de Tunis, qui fut en poste de 1946 à 1952. Depuis le mandat de Vincent Massey, le poste a été occupé uniquement par des Canadiens. De plus, par tradition, celui-ci est tenu alternativement par des Canadiens anglais et des Canadiens français. Depuis 1967, le Premier ministre ne communique au souverain qu'un seul nom lorsqu'il recommande une personne pour la fonction. Auparavant, une liste de plusieurs noms était fournie, laissant au monarque le soin de choisir. En général, le souverain est tenu par la Constitution de toujours suivre l'avis de ses Premiers ministres, tant et aussi longtemps que ceux-ci gardent la confiance de la Chambre des communes et agissent de manière constitutionnelle. Les gouverneurs généraux ont souvent été d’anciens hommes politiques. Depuis 1952, des personnes ayant déjà occupé les postes de diplomate, membre du Cabinet ou président de la Chambre des communes ont été nommées. Adrienne Clarkson, gouverneur de 1999 à 2005, était auparavant auteure et journaliste de télévision ; fut la première gouverneure générale dans l’histoire canadienne à ne pas avoir de passé politique ou militaire. Elle fut également la deuxième femme et la première personne d’origine asiatique à occuper ce poste. La première femme gouverneur général du Canada fut Jeanne Sauvé, dont le mandat s'est exercé de 1984 à 1990. Il est de tradition que la personne désignée reste en poste pour un minimum de cinq ans, mais en vérité, ce poste est occupé selon « le bon vouloir de Sa Majesté », et le Premier ministre peut demander à la reine de prolonger le mandat.

2 Le Canada vient au deuxième rang, juste derrière la France. A noter qu’à côté du Canada dans son ensemble, le Québec et le Nouveau Brunswick sont également membres de l’OIF.

(4)

longues discussions n’ont pas été l’apanage exclusif des Africains et de leur panerée de candidats. La réalité est beaucoup plus complexe puisqu’il n’y a pas eu de consensus fort acquis à l’avance sur un nom et que les gens du Nord aussi ont leurs désaccords, leurs bisbilles et leurs mesquineries.

L’interview de François Hollande sur RFI et France 24, donnée à la veille de la Conférence, a pris par endroit les allures d’une critique ouverte envers le Canada en désaccord avec Paris sur les enjeux du climat. La France, qui a consacré 1 milliard de dollars pour le fonds vert dédié au climat, est en guerre froide avec le Canada dans toutes les négociations globales sur le climat. En quoi cela regarde-t-il la Francophonie ?

Cette petite partie de coups de pied « en vache » sous la table n’a d’ailleurs pas empêché la presse canadienne et française, qui ne s’est pas intéressée aux autres candidats, de voir en Michaële Jean la personnalité la mieux placée pour briguer le poste de secrétaire générale de l’OIF.

Son choix est le fruit « d'un consensus global », soulignait-on à la délégation canadienne.

Pas d’accord ! dit-on ailleurs. Elle accuse de fortes lacunes sur l’Afrique qu’elle ne connaît pas. Michaëlle Jean a tout un mandat pour se familiariser avec un continent qu’elle a, durant sa campagne électorale, méthodiquement, snobé et ignoré pour se concentrer sur Paris et Bruxelles, là où se joue l’élection selon ses soutiens. Au vu du résultat l’on est tenté de lui donner raison. L’Afrique est le poids mort – en tout cas peu décisif- de la francophonie.

Au sein de l'OIF, certains ont peu goûté le ton de la campagne de Michaëlle Jean. Elle le dit elle-même : « Je n’ai pas de rapport de complaisance avec les chefs d’État ». Elle veut que la Francophonie soit sur le terrain, qu’elle soit préventive, qu’elle engage des actions pour éviter les conflits. Sans avoir d’expérience de la médiation, sans être introduite de longue date auprès des chefs d’État du monde francophone, elle se sent néanmoins comme une sœur, un produit de l’Afrique par ses origines haïtiennes. Et c’est cela qu’on vient de lui reconnaître.

Le consensus n’a pas été évident et le groupe a failli aller jusqu’aux votes. Finalement, il a fallu que les six chefs d’Etat et de gouvernement les plus impliqués dans cette affaire, dont Denis Sassou-Nguesso, le Premier ministre canadien Stephen Harper, François Hollande, Macky Sall, le président du Burundi Pierre Nkurunziza et le président mauricien Kailash Purryag, se concertent pendant plus d’une heure dans une salle à part pour trouver un consensus.

Un passage au consensus signifie que, dans un contexte de violents affrontement, l’élu est finalement « le candidat qui les oppose le moins ». Michaëlle Jean a donc été le plus petit dénominateur commun au sein de l’organisation de la Francophonie. Cela n’est pas moins valable que d’être élu par un vote et, si cela donne un moins grand sentiment de victoire au gagnant, cela évite les excès de tristesse et de rancœur de la part des perdants. Mais les esprits curieux à qui l’on dit que Mme Jean a marqué un exploit en étant désignée à la tête d’un

« club privé black et macho » se demanderont peut-être quelles étaient jusqu’ici les « règles du club. Question des plus intéressantes !

Le processus de sélection du S.G. de l’OIF est on ne peut plus nébuleux… Il doit officiellement être élu par les chefs d’Etats des pays membres, a condition que François Hollande avalise ce choix. Car la France (premier bailleur de fonds de l’organisation) joue le rôle de juge de paix du scrutin. Et comme la constance est loin d’être le point fort du président français, on pouvait s’attendre à tout !

(5)

Le poste de Secrétaire général fut créé en 1997 au VIIe Sommet de la francophonie à Hanoï. Il existe donc depuis 17 ans et, sur cette durée, avant Michaëlle Jean dont le mandat commencera au 1er janvier 2015, il n’a eu que DEUX titulaires. Boutros Boutros-Ghali (Égypte), secrétaire général de 1997 à 2002 et Abdou Diouf (Sénégal), secrétaire général depuis le 01/01/2003, réélu, en 2006, pour un deuxième mandat par le XIe Sommet de la francophonie (Bucarest, Roumanie), réélu une seconde fois par le XIIIe Sommet de la francophonie à Montreux pour un mandat courant jusqu'au 31 décembre 2014. Cet homme de 79 ans quittera donc ses fonctions fin décembre après 12 ans à la tête de l'OIF.

On ne peut donc parler, ni d’une pratique frénétique de l’alternance, ni d’une sous- représentation du continent africain, ni d’une habitude de compétition âprement disputée ! Déroute des « vrais candidats africains » : défaite du 3° âge ou suspicion

« démocratique »?

En plus de Mme Jean (57 ans), quatre autres candidats - tous africains - étaient en lice pour le poste de secrétaire général de l'OIF:

l'ex-président burundais Pierre Buyoya (65 ans),

l'écrivain et diplomate congolais (Brazzaville) Henri Lopes (77 ans),

l'ex- Premier ministre mauricien Jean-Claude de l'Estrac (66 ans ) et

l'ancien ministre équato-guinéen Agustin Nze Nfumu (65 ans).

Il est difficilement niable que ce quatuor ne frappe pas par un grand air de jeunesse et de fraîcheur. Et ce n’est pas un hasard. Le secrétariat général de l’OIF, depuis 17 ans qu’il existe, a pris des airs de maison de retraite luxueuse pour les ex-présidents et les ex-ministres en fin de parcours. Avec un âge moyen de 68 ans, cette brochette de candidats ne faisait pas exception. Passe encore pour le SG sortant… Abdou Diouf est en effet le premier président d’Afrique de l’Ouest à avoir quitté le pouvoir démocratiquement après avoir perdu la présidentielle de 2000 face à Abdoulaye Wade, ce qui a fait de lui une figure tutélaire de la

(6)

francophonie et un symbole de la démocratie en Afrique de l’Ouest…

Mais il faut aussi tenir compte de la « gaffe » de François Hollande qui, cherchant à persuader Blaise Compaore de quitter le pouvoir, lui a pratiquement proposé l’OIF comme

« parachute doré ». Là, on n’était plus dans le registre « maison de repos » mais dans celui du lieu de refuge pour présidents déchus ! La chute précipitée de Blaise Compaoré au Burkina- Faso et les débats qui agitent plusieurs régimes sur les modifications possibles de la Constitution pour pouvoir se maintenir au pouvoir, n’ont sûrement pas plaidé pour les candidats africains. Sur les différents candidats africains : un3 était arrivé au pouvoir par un coup d’Etat et trois autres provenaient de régimes où les droits de l’homme et le pluralisme politique étaient peu respectés. Le grand perdant dans ce jeu est l’Afrique divisée entre une foultitude de candidatures dont certaines, malvenues, ont accentué les rivalités, mais aussi les réticences.

Que veut dire « Afrique » ?

Michaëlle Jean l'emporte en dépit de la détermination de plusieurs pays africains à maintenir un représentant de leur continent à la barre de cette organisation qui a son siège à Paris. Mais, au fond, pourquoi n’a-t-on pas admis que Michaëlle Jean pouvait, elle aussi, représenter l’Afrique ? Michaëlle Jean, peut-on lire un peu partout, coiffe au poteau les candidats africains, représentant pourtant 274 millions de francophones dans le monde.

Certes, la définition des membres de l’OIF (pays « ayant en partage la langue française ») est un charmant exemple de « flou artistique » et il peut y avoir un gouffre entre la notion de « pays francophone » et celle de membre de l’OIF. Il reste que, de fait, le « plus grand pays francophone du monde » n’est plus la France, mais la RDC.

On reste cependant un peu perplexe devant le fait que la candidate canadienne n’ait pas bénéficié de la même notion de « l’africanité » que ses concurrents officiellement reconnus comme « africains ». La question est aussi ancienne que le panafricanisme :

« africain » veut-il uniquement dire « habitant du continent africain », ou cela inclut-il les diasporas noires, comme celles des Antilles ? Pourquoi la naissance et l’enfance haïtienne de Michaëlle Jean seraient-elles « moins africaines » que celles de Jean-Claude de l'Estrac sur l’Ile Maurice ? Est-ce que toute l’Afrique ne s’est pas indignée quand on a insulté Cecile Kyenge ou Christiane Taubira ? Tous les Noirs n’ont-ils pas sauté de joie quand Barack Obama a été élu ?

Entendons-nous bien. Il ne s'agit pas simplement de constater que les gens des diasporas ont la peau foncée. Il s'agit de se souvenir des combats livrés pour rendre à l'Homme Noir sa liberté et sa dignité d'homme.

C'est hors d'Afrique, à Haïti, que des Noirs, issus de la plus misérable des diasporas,puisqu'ils étaient esclaves, ont fondé en 1804, avec Toussait Louverture, le premier état noir indépendant.

Edward Wilmot Blyden, précurseur du panafricanisme,est né à Saint-Thomas dans les Iles Vierges le 3 août 1832.

George Washington Williams né le 16 octobre 1849 à Bedford Springs, Pennsylvanie, jeta le premier cri d’alerte au sujet du système léopoldien au Congo.

Le titre de « père du panafricanisme » est partagé par deux hommes, tous deux

« Africains hors d’Afrique », Henry Sylvester-Williams et William Burghardt Du Bois.

Avocat, descendant d’Africain de l'Île de la Trinité, Henry Sylvester-Williams (1869 -

3 Pierre Buyoya, qui en 1987 et en 1996 a pris le pouvoir au Burundi à la suite de deux coups d’états militaires.

(7)

1911), conseiller juridique auprès de plusieurs chefs africains et dignitaires indigènes des colonies anglaises en Afrique, prit l'initiative de convoquer une conférence africaine à Londres en 1900.

William Burghardt Du Bois est né le 23 février 1868 à Great Barrington (Massachusetts). Son père, Alfred Du Bois, était d'origine haïtienne. Il fut l’un des fondateurs du NAACP, l’un des principaux animateurs de la Renaissance de Harlem, participa à toutes les conférences panafricaines. Il mourut en 1963 au Ghana.

Marcus Garvey, né en 1887 de parents africains dans l'île Antillaise de la Jamaïque, était un de ces nombreux Noirs caribéens immigrés aux Etats-Unis et héritiers des traditions de résistance des esclaves des Caraïbes. Avec l'Association Universelle pour le progrès des Noirs et la Ligue Impériale des communautés africaines, il fut à l’origine su plus vaste mouvement de masse protestataire que l'on ait jamais vu aux Etats-Unis.

Harriet Tubman (1820-1913) est une figure emblématique de la résistance combattant l’esclavage. Elle s’échappa de la vie des champs et courut 19 fois le risque de revenir sur les terres esclavagistes pour libérer plus de 300 Noirs détenus dans les fers des plantations, sans en perdre un seul.

En 1853, Mary Ann Shadd, première éditrice de journal et première journaliste de race noire au Canada, mettait sur le marché une publication intitulée the Provincial Freeman. Née en 1823 au Delaware, elle s'installe à Windsor en 1851 et elle y met sur pied la première école ouverte aux enfants sans discrimination quant à la couleur de leur peau. En 1870, elle devint également la première avocate noire en Amérique du Nord.

Georges Padmore, de son vrai nom Malcolm Ivan Nurse, est le fils d’un conseiller agricole et d’une institutrice, né le 28 juillet 1902 à Tacarigua, dans l'île de Trinidad.

Malcolm est familiarisé aux idées panafricanistes grâce à son père, un grand lecteur, qui a assisté aux meetings organisés par Henry Sylvester-Williams, lors de son séjour à Trinidad en 1901. Il suit ses études primaires et élémentaires dans l’île de Trinidad, et se lie d’amitié avec CLR James4 , un futur grand écrivain,. Comme l’écrit Elikia M’Bokolo: “Ce n’est pas par pur artifice qu’on peut associer les noms de C.L.R. James, George Padmore et Kwame Nkrumah.

Ils appartiennent tous les trois à la même génération intellectuelle et politique du panafricanisme : cette génération qui, des années 1930 aux années 1960, a fondé le panafricanisme en idéologie, l’a transformé en projet politique et l’a déployé à travers un ensemble d’actions concrètes ayant pour objectif ce qu’elle appelait une révolution »5 .

CLR James analyse en ces termes la place de George Padmore :

« Plongeant leur plume dans l’encre de la Négritude, deux Antillais noirs ont tracé leur nom de manière impérissable sur les premières pages de l’histoire de notre temps.

Debout en première ligne, voici Marcus Garvey (...) En un peu plus de cinq ans, il donna (à la cause des Africains) sa place dans la conscience politique du monde (...) L’autre Antillais...

est George Padmore. Anglophone lui aussi, il venait de Trinidad. Au début des années 20, il

4 Cyril Lionel Roberts James (1901-1989), né à Trinidad, a été un brillant touche à tout, aussi passionné par l’écriture et le criquet que par la politique et la lutte révolutionnaire, et un extraordinaire bourlingueur que les flux et reflux de ce combat ont tour à tour conduit de Trinidad (1901-1932) en Grande Bretagne (1932-1938) puis aux Etats-Unis (1938-1953) et à Londres (1954-1958) ; rappelé à Trinidad en 1958, au plus fort de la lutte pour l’indépendance, il ne devait y rester que jusqu’en 1962, période au cours de la quelle il visita le Ghana, avant de revenir s’établir en Grande Bretagne de 1962 à 1965 et de 1981 à sa mort en 1989, après plusieurs détours par Trinidad (1965-1966 et 1980), Toronto (1966- 1968), les Etats-Unis (1968-1980). Le rôle de James dans le panafricanisme se plaça sur le champ intellectuel plutôt que sur celui de la lutte politique quotidienne et sa contribution fut plus ponctuelle que continue, avec quelques temps forts, au cours des années 1930 qui furent celles de la politisation du mouvement panafricain, puis au cours des années 1950 et au début des années 1960 qui virent Nkrumah, par son action en Gold Coast et au Ghana, prendre l’ascendant dans l’élaboration, l’illustration et la défense des idéaux panafricains.

5 Elikia M’Bokolo: « George Padmore, Kwame Nkrumah, Cyril L. James et l’idéologie de la lutte panafricaine », Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, s.d., page 1

(8)

secoua les poussiéreuses entraves du petit monde antillais, et s’en alla aux Etats-Unis. Quand il mourut en 1959, huit pays envoyèrent des délégations à ses obsèques, à Londres. Mais c’est au Ghana qu’on ensevelit ses cendres, et tous affirment que, dans ce pays célèbre pour ses manifestations politiques, jamais il n’y eut de pareilles à celle provoquée par l’enterrement de Padmore. Des paysans de régions reculées qui, aurait-on cru, n’avaient jamais entendu son nom, surent trouver le chemin d’Accra pour rendre un dernier hommage à cet Antillais qui a passé sa vie à leur service. »6

Padmore vit successivement aux Etats-Unis, en URSS jusqu’en 1934, puis il démissionne de ses fonctions et part pour Londres. Là, il collabore avec C.L.R James et d'autres intellectuels d’Afrique et des Caraïbes. Pour répondre a l'invasion Italienne de l'Éthiopie, Padmore et James organisent l'International African Services Bureau, dont il est président et James, éditeur. En sa qualité de leader du IASB, Padmore participa à l'organisation de la conférence de Manchester de 1945 a laquelle participèrent Kwame Nkrumah, Jomo Kenyatta, W.E.B Du Bois et Jaja Wachuku7. Cette conférence aida à mettre sur pied un plan pour la décolonisation après la seconde guerre mondiale.

Dans les Antilles françaises,Aimé Césaire influencera des auteurs tels que Frantz Fanon, Édouard Glissant (qui ont été élèves de Césaire au lycée Schoelcher), le guadeloupéen Daniel Maximin et bien d'autres. Sa pensée et sa poésie ont également nettement marqué les intellectuels africains et noirs américains en lutte contre la colonisation et l'acculturation.

Cette énumération a pu paraître longue. Elle pourrait sans peine l’être dix fois plus, et elle le serait cent fois avant que l’on puisse commencer à penser qu’enfin on en voit le bout.

Elle n’a pas pour but d’étaler une érudition encyclopédique, mais d’établir un fait : pendant environ un siècle, la lutte panafricaine, c'est-à-dire le combat d’abord contre l’esclavage pour une dignité humaine élémentaire puis, d’un côté de l’Océan, pour les droits civiques et contre la discrimination et, en Afrique, contre l’exploitation et la déshumanisation coloniale, a été porté avant tout par cette « Afrique off shore » qu’est la diaspora, en particulier antillaise. En particulier, elle a contribué de façon essentielle à ce que le mouvement garde son unité. Si la conférence de Manchester en 1945 n’avait pas eu lieu, les futurs leaders des indépendances d’Afrique n’auraient pu recevoir des « Africains de tous les ailleurs » le précieux dépôt de l’expérience de leurs luttes. L’histoire eût alors été toute différente.

Face à cette avalanche de faits, il me semble que des commentaires comme « Un coup dur pour les pays africains, qui faute de consensus, ont perdu la bataille. La canadienne a été préférée », qu’on a beaucoup lus, ont un caractère sommaire et superficiel absolument consternant.

Une aubaine pour François Hollande

Soyons juste avec le président français. Quand on fait ce métier-là, les Sommets de la Francophonie ne sont pas la partie la plus facile du job. Tant l’OIF est un lieu équivoque, aux décors délicatement poudrés d’hypocrisie.

6 James, C.L.R., Les Jacobins noirs, pp. 240-242

7 Jaja Anucha Wachuku (1918 - 1996), Nigérian formé en Irlande, fut avocat, homme politique, diplomate et humaniste. Il fut le premier Speaker de la Chambre des représentants nigériane, et le premier nigérien Ambassadeur, puis Représentant permanent aux Nations Unies. Il fut également le premier Ministre des affaires étrangères du Nigéria.

(9)

Bien que l’OIF soit une institution postérieure à la période gaullienne8, elle en porte encore la marque : la lumière des hautes sphères des arts majeurs de la culture selon Malraux éblouit si bien que l’on ne voit plus les liens sordides de la « Françafrique ».

En principe, c’est la Table ronde des Chevaliers du Roi Arthur, qui était ronde pour que tous y soient sur le même rang, sans haut bout ni bas bout. Les échanges devraient donc être horizontaux et multilatéraux. En pratique l’on a droit à un discours frontal de l’orateur de service qui, du haut d’une tribune, laisse tomber ses mots sur un auditoire qui prend cette pose favorable au sommeil que l’on appelle poliment « une position commode pour écouter ».

Lesdits orateurs ont toute latitude de « noyer le poisson » et de parler d’autre chose. Exemple, lors de ce sommet consacré à la situation des femmes et des jeunes de l’espace francophone, on nous dit que le président de la RDC, « Joseph Kabila Kabange salue la mémoire de Léopold Sedar Senghor à Dakar 9». Dans son discours à Dakar, Kabila (photo ci-contre) s’est félicité d’être dans ce pays cher à Sedar Senghor, un des pères fondateurs de la Francophonie, et affirmé que, pour les francophones, ce voyage est une sorte de pèlerinage tout en saluant au nom de ses pairs la tenue de deux sommets consécutifs de l’OIF en Afrique.

Avant de prendre la parole, Kabila avait eu un léger malaise,10 accusant subitement certains signes et, de fatigue et d’étourdissement et ses pairs s’étaient inquiétés au point que, tenu informé, le Président Sénégalais, Macky Sall lui a conseillé de prendre la parole un peu tardivement ou de déléguer un membre de sa délégation.

L’impression qui se dégage de tous les comptes-rendus n’est jamais, ou presque, celle d’un dialogue multilatéral et horizontal. On assiste plutôt à une confrontation, mais ce n’est pas toujours la même.

Dans certains cas, le scénario est très « rétro » et la France fait face à ses ex-colonies, et accessoirement à quelques autres états africains avec lesquels ses rapports sont plus récents.

C’est probablement là que Hollande se sent le plus mal à l’aise. Il a en effet en face de lui quelques vieux crocodiles de la Françafrique qui connaissent la musique encore mieux que lui et ont déjà enterré plusieurs présidents. Lesdits crocodiles l’ont donc entendu débiter son laïus sur la démocratie et le respect des constitutions en pensant « cause toujours,tu m’intéresses… ».

Dans d’autres cas, cela ressemble davantage à une de ces engueulades cacophoniques comme il s’en produit dans toutes les enceintes internationales et pour lesquelles Giscard d’Estaing a inventé, en son temps, l’exquis euphémisme de « Dialogue Nord / Sud ».

Dialogue de sourds, la plupart du temps. Ce fut encore le cas cette fois-ci, avec les discours de Bongo et Ouattara appelant à une zone économique de libre échange, de circulation des

8 C'est l'Assemblée parlementaire de la francophonie, créée en 1967, qui a préconisé la création d'une institution intergouvernementale francophone, souhait réalisé par la création, à l'occasion de la Conférence de Niamey en 1970, de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), devenue aujourd’hui Organisation internationale de la francophonie dont l'APF est devenue une institution intégrée

9 Bulletin de l’Agence Congolaise de Presse (ACP) , 01 12 2014

10 La situation aurait commencé dans sa chambre d’hôtel où le JKK se serait mis à transpirer sans raison évidente. Son médecin personnel qui voyage avec lui a dû faire appel à un médecin de la délégation française pour un examen rapide avant son déplacement vers la salle de conférence. Fort heureusement pour la bonne tenue des assises, l’homme a terminé son discours sans beaucoup de peine et est rentré directement dans son hôtel.

(10)

personnes, des biens et des technologies, qui glissèrent allègrement sur la cuirasse d’indifférence du Nord.

Mais nous reviendrons plus tard sur ces points évoqués plus tôt durant les Sommet.

Nous en sommes à la conclusion, avec la désignation de Michaëlle Jean.

Par ses qualités, la Canadienne pourrait donner un coup de jeune et de dynamisme évident à cette organisation, engluée dans une gouvernance prisonnière de présidents africains peu enclins aux évolutions démocratiques.

Candidate de consensus, la désignation de Michaëlle Jean est, à priori, une bonne nouvelle pour la Francophonie et l’Afrique. Un séduisant curriculum vitae plaide pour la Canadienne : ses fonctions à l’Unesco et comme gouverneur du Canada ont contribué à une lui donner une certaine connaissance du terrain africain, même si elle est encore lacunaire.

Michaëlle Jean présente ensuite une vision moderne de la Francophonie, loin des

« combinaisons françafricaines ». Une bonne nouvelle pour François Hollande qui pourrait en profiter pour éloigner de l’institution les vieux « dinosaures » africains, peu recommandables sans devoir faire le travail lui-même. Une manière pour le président français, de tenter de tourner la page de la Françafrique et de se mettre en conformité avec la rue africaine, lasse des « régimes autocratiques à rallonge » et peu démocratiques.

Michaëlle Jean aura donc du pain sur la planche sur le volet des droits de l’homme en Afrique et devra garder un oeil sur les présidents tentés de modifier leur Constitution pour garder leur fauteuil. Tels sont les défis que devra relever Michaëlle Jean, qui prendra ses fonctions début janvier 2015.

Elle sera ensuite jugée sur pièces.

Remerciements, promesses et congratulations

« Je remercie les chefs d'État et de gouvernement de la confiance qu'ils me témoignent », dira Mme Jean dans un communiqué transmis à la presse par son équipe de campagne, saluant l'appui indéfectible du gouvernement du Canada, du Québec et du Nouveau-Brunwsick.

Elle a rendu hommage à son prédécesseur, l'ex-président sénégalais Abdou Diouf, « Je mesure la tâche qui m'attend et je veillerai à prendre grand soin de l'héritage que nous lègue le président Diouf. J'entends répondre aux besoins et aux attentes des Etats et gouvernements membres de l'OIF tout en donnant une nouvelle impulsion à la francophonie.»

Elle s'engage à « donner une nouvelle impulsion à la Francophonie ». « Ensemble, traçons le chemin d'une Francophonie moderne et tournée vers l'avenir. La Francophonie du XXIe siècle sera au service et à l'écoute des jeunes et des femmes. Prospère, elle conjuguera l'accroissement des échanges et le développement humain et durable pour tous », a affirmé Mme Jean.

Émue, à la séance plénière Mme Jean s'est engagée à travailler avec tous, ainsi qu'avec les fonctionnaires de la Francophonie, l'Association des parlementaires francophones et la société civile « pour mettre en oeuvre la feuille de route issue du Sommet de Dakar ».

Pour elle, le rôle des femmes et des jeunes est déterminant pour l'avenir de l'espace francophone. Elle veut aussi s'attaquer à la promotion de la langue française, « et [veut]

renforcer l'action économique » de la francophonie. Elle se dit convaincue que « la Francophonie sortira grandie » de cette dernière course à la direction de l'institution.

L’on ne sera pas trop étonné d’apprendre que dès que la désignation de Mme Jean a été officielle, elle a reçu les félicitations de Haïti et du Canada. Il faut noter à ce sujet qu’après avoir été gouverneur général et commandante en chef du Canada de 2005 à 2010, Mme Jean occupait depuis octobre 2010 le poste d'Envoyée spéciale de l'UNESCO pour Haïti dans le but

(11)

d'obtenir des fonds pour la reconstruction du patrimoine haïtien et favoriser l'éducation. Cette nomination est généralement bien accueillie, mais avec des réserves concernant l'étendue des pouvoirs décisionnels dont elle disposera pour mener à bien cette mission. Elle a, entre autres, mené des négociations avec certaines universités et avec le gouvernement cubain afin d'améliorer le développement de la pêche et des métiers de mer dans les villes côtières haïtiennes.

En Haïti, le président Michel Martelly a qualifié cette élection de «victoire pour notre chère Haïti». Il a d'autre part salué «l'exploit» de Michaëlle Jean et souligné «l'engagement exceptionnel de cette haïtiano-canadienne aux côtés des jeunes et des femmes ainsi que sa détermination».

De son côté, le Premier ministre Laurent Lamothe a félicité «cette femme remarquable née sur la terre d'Haïti qui a toujours manifesté sa solidarité à l'endroit du peuple haïtien».

M. Lamothe a également réaffirmé la volonté de son gouvernement de renforcer sa coopération avec l'OIF.

Du côté canadien,on parle carrément de Michaëlle Jean comme de «La personne idéale». Elle «saura incarner le renouveau et la modernité» pour cette organisation, a estimé le premier ministre canadien Stephen Harper. «Je suis particulièrement heureux que, pour la première fois de son histoire, la Francophonie ait élu une Canadienne à sa tête», déclare dans un communiqué M. Harper, félicitant Mme Jean pour sa nomination. «Mme Jean est la personne idéale pour promouvoir le français ainsi que les valeurs de l'organisation. Elle saura incarner le renouveau et la modernité dont a besoin la Francophonie du XXIe siècle, et être à l'écoute» des dirigeants et populations francophones, a-t-il estimé. «J'ai hâte de travailler avec la nouvelle secrétaire générale et tous les membres de la Francophonie sur les engagements pris lors du sommet de Dakar, notamment en ce qui concerne les femmes et les jeunes, et plusieurs autres dossiers d'importance pour l'organisation», dont les questions de développement, de démocratie et de paix, a encore affirmé Stephen Harper. Il a assuré que le Canada, «fier de son héritage français», demeurait engagé pour permettre à l'OIF de mener ses missions. Le Canada est le deuxième bailleur de fonds de l'OIF, derrière la France.

M. Harper a par ailleurs rendu hommage au prédécesseur de Michaëlle Jean, l'ex- président sénégalais Abdou Diouf, 79 ans, qui quittera ses fonctions fin décembre. Pour le Canadien, M. Diouf laisse un «héritage colossal» et «a fait de la Francophonie une organisation moderne, crédible et efficace».

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, s'est également réjoui de l'arrivée de Mme Jean au secrétariat général de la Francophonie. Selon lui, Mme Jean incarne une vision moderne, jeune et dynamique de la Francophonie et «elle saura donner un nouvel essor à l'espace francophone en mettant de l'avant l'importance des échanges économiques entre les Etats membres».

Pour le Canada, cela ne s’arrête pas là, car les réactions viennent aussi du niveau municipal. D’après le journal Le Soleil, cette désignation, c’est «’juste du bon’ pour Québec», d’après le maire Régis Labeaume. Celui-ci raconte qu’il est demeuré en contact courriel avec son «amie» jusque tard samedi soir, alors qu'elle doutait encore de succéder à Abdou Diouf. Il s'est évidemment réjoui de l'élection de l'ex-gouverneur général, avec qui il a voyagé en Haïti. Selon le politicien, «ça n'a pas dû être facile de se faire élire parce que c'est une femme». Il demeure convaincu que «ça prenait quelqu'un de moderne, avec les idées larges, quelqu'un qui a vécu, qui connaît les réalités de plusieurs continents» pour relancer l'OIF. «Pour nous autres, les Franco-Américains en général, c'est une bonne nouvelle. Elle

(12)

connaît exactement mes sentiments envers la francophonie. Elle connaît exactement nos projets envers la francophonie nord-américaine et elle aime ça. C'est une personne qui va comprendre qu'on a avantage à développer la francophonie en Amérique. Ça, je suis certain qu'elle est derrière moi», a-t-il fait valoir, rappelant que Québec veut «devenir le carrefour de tout ça». Le maire Labeaume travaille à la création d'un réseau des villes et des communautés francophones et francophiles d'Amérique du Nord. Un portail Web présentant les attraits des villes marquées par une présence francophone doit d'ailleurs voir le jour dès l'automne 2015.

C'est la Ville de Québec qui sera maître d'œuvre.

Mme Michaëlle Jean a également reçu les félicitations de l’Unesco.

La nomination de Michaëlle Jean fâche le président dictateur Denis Sassou Nguesso 11 D’après lui, en tant que deuxième pays

contributeur, le Canada a pesé de tout son poids pour faire élire sa candidate.

La candidature de Michaëlle Jean est considérée comme purement « affairiste ». « Elle a été élue parce qu’elle est dans l’air du temps. C’est elle qui sied le plus actuellement à la géopolitique de la francophonie ». La Canadienne se servirait de la francophonie comme tremplin. Elle serait, en réalité, dans une logique «carriériste ». Et le poste

de Secrétaire général à la francophonie pourrait bien la relancer sur l’échiquier politique mondial.

Sassou, fin mandat en 2015, est du nombre de ces « dinosaures » dont Hollande aimerait se laisser débarrasser. « On ne change pas l’ordre constitutionnel par intérêt personnel ». Depuis la chute de Blaise Compaoré cette formule est devenue le refrain préféré de François Hollande et l’identité précise du destinataire a aussitôt été soufflée dans les oreilles des commentateurs par l’entourage présidentiel : C’est précisément le président congolais Denis Sassou Nguesso.

Pourquoi lui, alors qu’il n’est pas le seul confronté à ce type de situation ? Parce que Brazzaville est l’une des quelques capitales africaines où Paris a encore un peu d’influence.

Chacun sait que les leçons d’un président français n’ont aucune portée à Kigali et qu’à Kinshasa ce n’est pas lui mais les Américains et l’ONU qui ont la main.

En l’occurrence, cela revient un peu au même, puisque Paris, Washington et New York sifflent le même air. Mais, avec Brazzaville,on peut encore s’offrir le luxe – ou l’illusion – d’être l’élément déterminant, celui qui pèse le plus lourd. L’illusion, enfin, d’être une Puissance.

Autre motif de cette personnalisation : Hollande n’apprécie guère, c’est notoire, les amitiés politiques françaises de Sassou, lesquelles se situent plutôt à droite de l’échiquier – n’a-t-il pas reçu chez lui, il y a quelques mois, un certain Nicolas Sarkozy ?

A tout hasard, en cas d’ennuis avec une OIF qui adopterait des positions un peu trop critiques, Sassou et ses pareils ont déjà, tout prêt, un discours déçu et larmoyant ,dans le style:« Le continent qui abritera le plus nombre de personnes de locuteurs francophones en 2050 est devenu un observateur d’une Organisation logée à Paris, administrée et dirigée par des Canadiens ».

11 Source : Times24 / Canalfrance. info , Lundi 1 Décembre 2014

(13)

Le Centre International de Conférence de Diamniadio (CICD) désormais Centre International de Conférence Abdou Diouf

Et à part ça ?

Je crois l’avoir déjà dit, nous avons pris les choses par la fin. En effet, la désignation de nouveaux responsables clôture toujours un sommet. D’ailleurs, le principal sujet était censé être l’avenir des femmes et de la jeunesse en francophonie. Ce « sujet principal » ne semble pas avoir encombré l’horaire à l’excès. Il encombre encore moins les pages ou les ondes des médias.

Si l’on compare ce qui se diffuse en Afrique, d’une part, et d’autre part ce que disent les médias européens, on est frappé par l’extrême sobriété du traitement réservé à Mme Jean.

Certes, elle fait souvent les gros titres mais rien de plus. « Michaële Jean succède à Abdou Diouf ». Point ! Emballez, c’est pesé ! Tandis qu’en Europe, le changement de Secrétaire Général fait figure de sujet majeur, même parfois, presque, de sujet unique,comme si ces gens n’avaient fait le voyage de Dakar que pour cela, l’attention des Africains se porte d’abord et avant tout sur François Hollande et ses critiques contre les tripotages constitutionnels. Son refrain, « On ne change pas l’ordre constitutionnel par intérêt personnel ».est, bien sûr, diversement accueilli, selon la position qui est celle du narrateur. Acclamé par les opposants comme un Chevalier de la Démocratie, il se fait siffler comme « donneur de leçons » si c’est du côté des « régimes autocratiques à rallonge » et peu démocratiques que l’on a son pain beurré.

Jusque là, au fond, rien d’étonnant. On constate que chacun voit midi à sa porte, mais ça, on le savait déjà !

Ce qui est plus étonnant, c’est que sur un autre sujet, celui d’une certaine solidarité économique de la Francophonie, les Africains étaient demandeurs, que certains Présidents en ont parlé, qu’ils n’ont obtenu aucune réponse et que la presse africaine n’en dit pratiquement rien. Durant sa campagne, Michaëlle Jean avait elle aussi appelé à une francophonie économique. Espérons qu’il ne s’agissait pas seulement d’un slogan.

(14)

Bongo et Ouattara

Quel dommage ! Le sommet de Dakar aurait pu être l’occasion rêvée pour sortir l’OIF de son éternel statut d’observateur passif de l’actualité internationale. Peut-être est-il exagéré de dire « Nous tenions là une occasion unique » Mais l’occasion, comme on sait, n’a qu’un unique cheveu et c’est par là qu’il faut la saisir quand elle passe.

Peut-être aurait-il été possible de faire redescendre ce vieux club de l’OIF des hautes sphères des arts et de la culture vers les réalités plus prosaïques d’une association économique à but lucratif. C’est raté !

Nous parlons ici de la première journée du Sommet. Une telle journée est toujours marquée par les cérémonies protocolaires, l’ambiance baroque de l’ouverture du sommet et les discours de plusieurs chefs d’Etat qui ne sont pas forcément tous des orateurs talentueux ou désopilants.

Tout n’était pas à jeter, d’ailleurs et l’on peut, par exemple, retenir l’hommage de Macky Sall qui a baptisé le lieu des conférences, joyau construit par une entreprise turque en un temps record pour 58 milliards de FCFA, le Centre International des Conferences Abdou Diouf.

Au terme de cette première journée, donc, et avant le lendemain où les délégations auraient à faire le choix du successeur d’Abdou Diouf, il faut retenir aussi les appels respectifs des présidents gabonais et ivoirien.

Les présidents Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire et Ali Bongo du Gabon ont respectivement appelé à une francophonie de la pluralité linguistique et à une zone économique de libre échange, de libre circulation des personnes, des biens et des technologies, au sein des pays membres.

« Notre Organisation est aujourd’hui prête à relever de nouveaux défis et à s’ouvrir à de nouvelles thématiques.

Il nous revient à présent de faire de la francophonie un espace économique dynamique, structuré autour des facilités qu’offrent la langue française et les valeurs de solidarité que nous avons en partage.

J’invite donc nos Etats à faire de la francophonie, un vaste ensemble de libre circulation des personnes, des biens et des technologies.

Pour la pérennisation et l’avenir de la Francophonie, nous devons continuer de porter la noble cause de la diversité culturelle et linguistique et de faire vivre le français et nos valeurs dans les organisations internationales », a dit Alassane Ouattara. 12

12 D’après le site de la Présidence ivoirienne ? http://www.presidence.ci/presentation/25/discours#

(15)

Et le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, d’ajouter13 :

« Pour nous africains, la Francophonie doit être un espace culturel dynamique. Mais elle doit également être un espace porteur de croissance économique et de développement durables.

Nous voulons en effet, que la Francophonie soit un espace qui apporte des réponses concrètes à la jeunesse africaine qui veut trouver, sur le continent, des offres de formations, d’emplois et des opportunités d’affaires.

L’espace francophone a, de ce fait, le devoir de répondre aux exigences d’une jeunesse qui ne veut plus se perdre dans les sables du Sahara, égarée sur les chemins improbables des illusions d’un prétendu mieux-être en Europe.

Il y a quelques jours de cela, le Pape François, s’adressant au Parlement européen, a déclaré que la Méditerranée ne doit plus être le cimetière des migrants. Au-delà des dirigeants européens à qui le Pape s’adressait dans l’immédiat, c’est en réalité à nous, dirigeants africains, qu’est destiné ce message.

Ce bel espace linguistique et culturel que nous avons en partage, doit offrir aux jeunes et aux femmes d’Afrique, les raisons d’espérer.

Et cet espoir ne peut devenir grand et prendre forme que si la langue française devient véritablement une langue du commerce et des échanges internationaux. En un mot, une langue des affaires.

Nous voulons en effet commercer, négocier et signer des contrats en français. Nous voulons emmener ceux qui, originaires des autres espaces linguistiques, veulent travailler chez nous, à s’exprimer par réflexe en français.

C’est pourquoi du haut de cette tribune et, habité par la force et l’âme des pères fondateurs de cette belle aventure qu’est la Francophonie, je lance un appel, pour la prise en compte impérative de la dimension économique.

J’appelle par conséquent à la transformation de l’espace francophone, en une zone de libre échange culturel, scientifique et économique.

C’est la condition indispensable pour garantir le dynamisme de nos pays, pour que notre jeunesse, les opérateurs culturels et économiques, soient à même de tirer le meilleur avantage de l’ouverture des sociétés africaines aux flux du monde.

J’y vois enfin, l’une des conditions essentielles pour que la Francophonie reste fidèle à sa vocation première, celle d’être un espace singulier de coopération et de solidarité dynamiques, recevant des autres aires linguistiques, culturelles et économiques autant qu’elle est capable d’offrir.

C’est le sens profond que le Gabon donne à la nécessité de la Stratégie économique et de la Stratégie jeunesse que nous allons adopter au cours de ces assises ».

On ne les a pas suivis. Au final, c’est la proposition canadienne des actions palliatives contre les mutilations génitales et les mariages précoces qui l’a emporté au risque de raviver la Françafrique, cette hydre à plusieurs têtes qui pourrait inhiber l’OIF. D’ailleurs, les chroniqueurs présents à Dakar ont eu la sensation d’un nouveau discours de la Baule en entendant François Hollande.

Au lieu d’une communauté économique dynamique créatrice de richesses et de prospérité, la francophonie a préféré se vautrer dans la Coopération, l’aide et les actions sociales dignes d’une ONG. Timides dans leurs revendications, les pays du Sud n’ont pas pu faire bouger les lignes en faveur d’une libre circulation et de la réciprocité dans le traitement des flux de personnes, de biens et de savoirs.

13 Citation d’après Africatime : http://fr.africatime.com/gabon/communiques/francophonie-discours-dali-bongo- dakar.

(16)

Il faut le dire, les grands leaders de la Francophonie ont déjà fait leurs choix. La France a opté pour l’Europe avec qui elle partage la monnaie et la libre circulation. Idem le Canada à travers l’Alena. Il serait judicieux et stratégique que l’Afrique construise l’Union Africaine afin de donner à la francophonie un sens et un contenu.

Louise et François : pas vraiment un duo d’amour…

Avec ces « duettistes », nous sommes loin de « Roméo et Juliette », « Paul et Virginie » et même de « Je t’aime. Moi non plus ». C’est plutôt « Je ne t’aime pas .Moi non plus et tu vas voir ce que je vais te balancer en pleine poire ! ».Au demeurent, annoncer qu’entre France et Rwanda, les relations ne sont vraiment pas cordiales, ce ne serait franchement pas un scoop !

Mais, en regardant l’incident par le biais du compte-rendu qu’en fait la presse de RDC, on peut connaître non seulement la réaction du Rwanda au « refrain » de Hollande (« On ne change pas l’ordre constitutionnel par intérêt personnel »), mais aussi, en filigrane, quelle est la réaction du pouvoir congolais. En outre, comme on le verra,l’histoire se termine d’une manière humoristique qui ne manque pas de sel !

L’Avenir, un journal kinois très proche de la Majorité Présidentielle, titre, dans sa livraison du 01/12/2014« Interventionnisme de la France en Afrique : Mushikiwabo remet Hollande à sa place ».

Un article un peu surprenant, dans la mesure où Louise Mushikiwabo, Ministre des Affaires étrangères de Kagame, ne fait pas partie des personnalités que la presse congolaise a l’habitude de couvrir de fleurs. Voici ce qu’écrit ce journal :

« Quelle mouche a piqué Français Hollande du haut de la tribune du XVème sommet de la Francophonie qui s’est tenu au Sénégal ?, se demande-t-on en Afrique ? En effet, le président François Hollande s’est mué en donneur de leçons, samedi 29 novembre, pour adresser un avertissement aux dirigeants qui, selon lui, voudraient s’accrocher au pouvoir à tout prix. Et ce, devant les chefs d’État et de gouvernement majoritairement africains, réunis au XVe sommet de la Francophonie à Dakar. Il faut dire que ce sommet de l’Organisation

(17)

internationale de la francophonie (OIF) rassemblait une trentaine de dirigeants, qui ont désigné Mme Michèle Jean du Canada comme le successeur d’Abdou Diouf, ex-président sénégalais.

Même si la situation s’est compliquée depuis la chute, fin octobre, du président burkinabè Blaise Compaoré, que Paris et Abdou Diouf souhaitaient voir hériter du poste, François Hollande a indiqué ceci : « La Francophonie est soucieuse des règles en démocratie, de la liberté du vote, du respect des lois constitutionnelles et de l’aspiration des peuples, de tous les peuples à des élections libres ». Il a cité en exemples la « leçon » de la transition tunisienne et « la belle démonstration » du peuple burkinabè, qui a poussé vers la sortie Blaise Compaoré, alors qu’il espérait briguer un nouveau mandat après 27 ans au pouvoir.

Pour lui, cette transition doit servir de leçon là où les règles constitutionnelles sont malmenées et où l’alternance est empêchée ».

(La « leçon » de Hollande n’était donc pas française, mais burkinabè, donc africaine. Mais il n’est de pire sourd que celui qui ne veut entendre, même ses propres frères ! NdlR)

« La réaction musclée du Rwanda

Ce discours n’a pas plu aux chefs d’Etat et de gouvernement africains présents à ce sommet, et plus particulièrement à la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, qui a trouvé gênant qu’un président qui est avec ses pairs, au sommet de la Francophonie ne vienne pas discuter avec eux, mais dicter ce qui devrait se passer dans leur pays.

Au micro de France 24, elle a qualifié cette attitude de très inélégante, avant de se poser la question de savoir, qui décide de l’avenir politique des Africains ? avant de trancher

« ce n’est pas Paris qui décide, c’est évident ». Si elle reconnaît que le président français peut

« exprimer son point de vue [et] donner des conseils à ses pairs », elle regrette le ton paternaliste et quasi directif. En plus, lorsqu’il dit « je suis venu à Dakar pour dire aux Africains », Mushikiwabo trouve que ce n’est pas normal ! « Nous sommes en 2014 ! », s’est- elle indignée ».

Le dernier paragraphe de l’article « Dire une chose et son contraire » explique le « pourquoi » de cette chaleureuse approbation dont bénéficie soudain le Rwanda.

« En Rd Congo, on n’est pas étonné de ce discours qui frise le discrédit des partenaires africains. Lorsqu’on jette un petit coup d’œil sur le XIVème sommet de la Francophonie organisée en 2012, on se rendra vite compte que tout avait été fait pour diaboliser le pays et ses autorités. Il aura fallu la détermination de ce peuple et de son chef pour que ces assises se tiennent à Kinshasa ».

Le 14° Sommet a eu lieu assez peu de temps après les élections de novembre- décembre 201114, qui ont donné des résultats qu'une personne avisée, réfléchie, d’esprit libre

14 Les élections de 2011 avaient été organisées, tout comme celles de 2006, en faisant voter un « corps électoral inconnu », faute de recensement préalable de la population. Ce fait à lui seul suffirait à en « plomber » gravement la crédibilité. Elles ont, par-dessus le marché, été entachées de fraudes et de manipulations à un point tel qu’elles ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats partiels constatés par ses observateurs malgré cette déclaration du Cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa : « Les résultats publiés ne sont conformes ni à la justice ni à la vérité “. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des

(18)

et critique devrait considérer comme nuls, donc sans gagnant. La suite aurait dû être l'annulation pure et simple, des enquêtes sérieuses pour déterminer les causes et origines des irrégularités, qu’on en tire les conséquences quant aux futures élections. Il aurait dû y avoir une protestation générale des démocrates de tous les partis, car un démocrate ne saurait accepter que son candidat gagne par la fraude, la corruption et le mensonge. Au lieu de quoi on n’a assisté qu’à des élucubrations pour défendre la victoire « officielle » de JKK, et à d’autres élucubrations pour défendre celle, tout aussi hypothétique, de Tshisekedi. .

François Hollande fit alors comprendre, par son attitude, que le fait d’assister au Sommet ne signifiait en rien qu’il cautionnait la fraude électorale. L’Avenir n’est donc pas mécontent de lui faire un pied de nez !

« Pour revenir au Sénégal, disons que François Hollande dit une chose et son contraire à la fois. Parce que, donner des injonctions aujourd’hui aux Chefs d’Etat, c’est ressusciter la défunte Françafrique qui n’a pas été une bonne façon de se comporter devant des partenaires. D’autant plus que la « Françafrique » c’est une politique néocoloniale de la France en Afrique fondée sur l’ensemble des relations, réseaux d’influence et des mécanismes politiques, économiques et militaires qui lient la France à ses anciennes colonies en Afrique, ainsi qu’à quelques autres pays africains.

Cette politique dépassée est révolue et il appartient aux pays africains eux-mêmes de définir leur propre développement. Désormais, comme l’ont dit nos héros nationaux, le développement ne viendra plus de l’Occident, ni de l’Orient. Mais il sera le fait des fils et filles de l’Afrique eux-mêmes. De même en ce qui concerne les réformes épinglées par François Hollande, ce sont les Africains eux-mêmes qui pourront décider de leur bien fondé ou pas. Ceci pour dire que la leçon donnée par Hollande est passée comme l’eau sur le corps d’un canard. Le chantier de la réforme constitutionnelle va se poursuivre dans tous les pays concernés, parce que c’est la population africaine elle-même qui aura un mot à dire et non les Français.

François Hollande ferait mieux de s’intéresser d’abord à se faire aimer par ses compatriotes français dont la majorité lui tourne le dos, le niveau des opinions qui lui sont encore favorables dans les sondages le prouve, en lieu et place de venir distraire la jeunesse africaine qui n’a pas que ça comme problème. Sinon, si c’est lui qui doit dire aux présidents la façon dont ils doivent gérer leurs propres pays, à quoi servent-ils ? »

Compte tenu de la chute verticale de popularité que connaît le président français, Mushikiwabo a bien choisi l’endroit où taper pour faire mal. C’est carrément la ruade de la mule dans les roubignolles à François. Cette méchanceté diplomatique a tout de même le mérite d’attirer l’attention sur un étrange paradoxe: les Africains écoutent François Hollande alors que les Français ne l’entendent plus. De moins en moins audible auprès de ses propres électeurs, le président fait le buzz sur la Toile africaine en répétant depuis la chute de Blaise Compaoré qu’ « on ne change pas l’ordre constitutionnel par intérêt personnel ». Une phrase passée inaperçue en France, où 87 % des sondés disent avoir zappé le canal Élysée, mais qui n’est pas exempte de bon sens

élections demeureront à jamais inconnus. C’est d’autant plus certain que a CENI a fait incinérer tous les documents relatifs aux élections de 2006 et 2013 en octobre 2014, soit, en ce qui concerne les plus récents, après une délai de trois ans seulement, un délai anormalement court pour ce genre d’affaires. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli. Malumalu, principal responsable de cette absurdité d’élections sans recensement préalable de la population, a été remis à la Présidence de la CENI, ce qui promet encore de beaux jours à l’avenir !

(19)

François Hollande a sans doute de la bonne volonté. Mais a-t-il vraiment saisi les enseignements de Ouaga ?

Jusqu’ici, le seul problème, c’est l’éternel « deux poids, deux mesures » d’une politique extérieure française beaucoup moins encline à délivrer des cours de démocratie dès que l’on s’éloigne de ses « amis historiques » d’Afrique subsaharienne. Lorsque Hollande reçoit l’Égyptien Sissi, quand il se déplace à Alger, à Riyad, à Pékin ou à Jérusalem, il « fait passer des messages » – oraux et discrets, bien sûr, donc invérifiables – sur les droits de l’homme, histoire de ne pas froisser ses hôtes. En Afrique noire, il n’a point de ces pudeurs, et peu importe l’ingérence. Mais là où le raisonnement devient carrément spécieux, c’est quand François Hollande exonère de sa liste des « mauvais élèves » les sept ou huit chefs d’État qui ont déjà fait modifier leur Constitution pour pouvoir se représenter à l’infini. A combien de mandats en est Idriss Deby ?

Pour eux, il n’est question que d’élections « libres, incontestées, pluralistes », en aucun cas de lignes rouges. En d’autres mots, Sassou Nguesso, Kabila et les autres auraient dû… s’y prendre plus tôt ! Et il y aurait, sauf erreur, une sorte de délai de décence (un an ? deux ans ? dix ans ?) à respecter entre un changement constitutionnel et une élection présidentielle. C’est au mieux confus, au pire absurde… François Hollande a sans doute de la bonne volonté et, pour être venu au secours du Mali et de la Centrafrique, son mot à dire.

Mais a-t-il vraiment saisi les enseignements de Ouaga ?

L’insurrection populaire dont il nous dit qu’elle doit servir de leçon pour les chefs d’État africains doit servir de leçon pour lui aussi. Et ; notamment, devrait l’interpeller le fait que la figure mythique dans laquelle se reconnaît la jeunesse du Burkina et de la plupart des pays d’Afrique francophone a le visage d’un Thomas Sankara.

Or, Sankara n’était pas un démocrate au sens où on l’entend dans les « démocraties » bourgeoises ! Il n’avait rien à cirer des élections, du multipartisme, de l’alternance et de la liberté d’expression. Ses comités de défense de la révolution et ses tribunaux populaires auraient fait bondir d’indignation les ONG des Droits de l’Homme si elles avaient existé à l’époque. Indignation, entendons-nous bien, purement formelle. Rien ne dit qu’ils aient condamné des innocents !

Mais Sankara était beaucoup mieux qu’un démocrate bourgeois. Il était intègre, sincère, fier, patriote, panafricain, et rien ne le révulsait plus que les leçons de François Mitterrand, ou de tous ceux pour qui l’Afrique est le terrain de jeu de la bonne conscience occidentale.

Louise Mushikiwabo a utilisé un bon argument au service d’une mauvaise cause.

Même si les Africains feraient parfois bien d’écouter les leçons, car tout conseil peut être utile, il ne faut pas s’étonner qu’ils ne supportent pas un certain ton d’outrecuidante et pontifiante autosatisfaction, asses fréquente sur les bords de la Seine. « Ils continuent,à s’imaginer comme autrefois que la France est supérieure, que son sol a été sanctifié par 1793 et qu’aucune des ignominies accomplies depuis par la France ne saurait le profaner, que le mot creux de République est sacré. »15 écrivait Engels à Marx en 1871. Eh oui ! Déjà…

Quand j’écrivais qu’elle a utilisé un bon argument au service d’une mauvaise cause, je le faisais avec le présupposé qui a été celui de tout le monde : que ces propos tenus en

« défense de l’Afrique » lui servaient en fait à couvrir son chef, Kagame.

Mais voilà que, patatras, tombe, dans les journaux du 2 décembre, la nouvelle que Paul Kagame renoncerait à briguer un troisième mandat en 2017. Et, pour respecter le pluralisme

15 Claude Couband « LesBarricades de la Commune », Genève, Ed. De Cremille, 1992, pp 106 -107

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

Dans la même résolution 1778, le Conseil de sécurité autorise l’Union européenne à déployer, pour un an et dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l’ONU, une

Cela a créé d'énormes défis sécuritaires pour l‟armée congolaise (FARDC), allant du district de l'Ituri dans le nord, au territoire de Fizi dans le sud. Les autorités

Camp David, le 18 mai, où il se frottera aux dirigeants aguerris des sept autres pays les plus économiquement puissants du monde; Chicago, le 20 mai, “village” politique de

Pour en revenir à l’Asie, l’identité musulmane d’une partie de sa population nous semble, pour les raisons évoquées, ne pas constituer une caisse de résonance pertinente

‘Ndrangheta et la Camorra italiennes; érection des groupuscules d’AQMI en adversaire principal de la France, au risque de leur conférer une légitimité politique hors

Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le dimanche 20 novembre 2011 dimanche 20 novembre 2011 dimanche 20 novembre 2011 dimanche 20

Cela expose fatalement le Procureur à la tentation – d’autant plus séduisante qu’il peut penser agir pour la justice et le bon droit même s’il le fait par des

En sacrifiant deux leaders alliés dont l'un du pays arabe le plus peuplé et le plus influent, les USA escomptaient obtenir un effet domino dans l'ensemble de la région et