L'enseignement du droit civil à l'université d'Orléans du début de la guerre de Cent ans (1337) au siège de la ville (1428)
Duynstee, M.C.I.M.
Citation
Duynstee, M. C. I. M. (2010, May 27). L'enseignement du droit civil à l'université d'Orléans du début de la guerre de Cent ans (1337) au siège de la ville (1428). Studien zur europäischen Rechtsgeschichte. Klostermann, Frankfurt am Main. Retrieved from https://hdl.handle.net/1887/16198
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Epilogue
Pour l'universit d'Orlans le quatorzi me si cle a constitu une priode assez mouvemente : d s le dbut elle connut d'interminables conflits avec la ville et les bourgeois qui jalousaient les privil ges des membres de l'Universit ; puis la guerre avec l'Angleterre (1337), qui devait se continuer plus d'un si cle et mener l'Universit au bord du prcipice ; finalement la naissance du Grand Schisme de l'Eglise occidentale qui ncessitait un choix entre la cour pontificale de Rome et celle d'Avignon.
L'attribution d'un nouveau statut universitaire en 1306 reste entoure de beaucoup d'ombre. Ace moment l'enseignement du droit avait atteint son point le plus bas, tandis que jusqu'au dbut des annes 1290, l'Ecole de droit d'Orlans tait un centre de la science juridique assez prosp re, rival important de celui Bologne depuis plusieures dcennies. La limitation du nombre des professeurs, notamment de ceux de droit civil, constitua alors le dbut du dclin. La nomination par l'vque d'un sixi me docteur rgent in jure civili ± transgression de la limite de cinq institue peu avant ± cra un conflit avec les professeurs en fonction. Finalement quelques reprsentants de ce groupe mcontent cherch rent l'appui du nouveau pape Clment V. Encore que le conflit mme ne semble pas avoir t rgl cette occasion, le pape profita de cet appel pour faire une rforme approfondie de l'Ecole de droit d'Orlans. En reconnaissance de l'enseignement qu'il y avait lui-mme suivi, il accorda au studium d'Orlans le privil ge de s'organiser l'exemple de celui de Toulouse.
Ne d'un conflit, la jeune Universit a dÞ dfendre son nouveau statut par des combats acharns. Sa position indpendante, garantie par la cration d'un collegium de docteurs et d'tudiants qui la dirigeaient ensemble, offusquait les bourgeois orlanais auxquels, coup sur coup, on avait interdit de se runir de la mme faon. Quand, malgr la limitation de l'autonomie universitaire par le roi Philippe le Bel, les conflits perdur rent, l'Universit chercha son salut dans une fuite Nevers. Ce ne fut qu'apr s sa rentre Orlans en 1320 qu'elle put engager le redressement de son enseignement, tche qu'elle prit en main d'une faon dynamique.
D'apr s Eduard Maurits Meijers, le niveau de l'Ecole de droit aurait diminu sensiblement apr s le retour de Nevers ; le rtablissement de l'ancien prestige n'aurait pas t ralis avant la deuxi me moiti du quatorzi me si cle. Anotre avis, cette image a besoin de quelques adaptations.
D'une part, dans la priode 1320±1350 il y a eu un certain nombre d'enseignants qui ne le cdaient en rien ceux de l'poque suivante. Cela vaut notamment pour Jean de la Fert, Renaud de Reims, Geoffroy de Salagny, Bernardin de Caulason et Jean Roland ; leurs opinions furent encore cites assez longtemps.
D'autre part, les juristes d'apr s 1350 n'ont jamais atteint le mme niveau ni exerc la mme influence que leurs prdcesseurs reputs du treizi me si cle, sur lesquels ils continuaient toujours de s'appuyer.
Cela ne veut pas dire que l'Universit ne procurait pas un enseignement juridique assez solide. Pendant tout le quatorzi me si cle elle a constitu une ppini re importante pour des juristes qui ambitionnaient une carri re dans les diffrentes administrations. On retrouve ces juristes au service de l'Eglise, du roi de France, du duc d'Orlans et de la ville mme oß ils avaient fait leurs
tudes1. En acceptant de pareilles fonctions, ils ont pu exercer une influence considrable en apportant leurs connaissances du droit savant.
Etant donn que l'Universit en ce temps-l ± de mme qu'au si cle prcdent ± tait d'abord une institution d'enseignement suprieur pour le clerg, il n'est pas tonnant que les carri res de ces juristes se soient diriges en premier lieu vers des fonctions ecclsiastiques. Si, au XIVesi cle, l'Universit
n'a pas produit de papes, elle a quand mme t l'alma mater de plusieurs cardinaux et archevques. Au cours de ce si cle il y a eu au moins neuf cardinaux qui ont eu rapport avec l'universit d'Orlans2. Le nombre d'vques qui ont tudi et enseign l'Universit est galement consid- rable. On les retrouve dans presque tous les vchs. AOrlans seul, quatre anciens professeurs orlanais ont t nomms vque au cours du XIVesi cle3. Il va sans dire que plusieurs de ces cardinaux, archevques et vques ont fait une partie de leur carri re la cour pontificale d'Avignon.
L'influence qu'ont exerce les professeurs orlanais au XIIIesi cle dans des fonctions sculi res a continu au XIVesi cle. Apr s le r gne de Philippe le Bel, par exemple, Jean de Mandeville a t charg, comme l'un des commissaires du roi Philippe le Long, de rformer l'Universit entre 1318 et 1320 et de la faire revenir Orlans ; Pierre de la Forest fut chancelier de Normandie (1347) et chancellier de France (1357), Philippe de Cabassole chancelier de Sicile (1343), 1 Cf. Vulliez, Les maÑtres orlanais (1999) et Vulliez, Les maÑtres orlanais [II]
(2005).
2 Dans notre texte nous en avons mentionn sept : Bertrand de Montfavet, Pierre Bertrand (l'Ancien), Andr de Florence (Ghini Malpigli), Pierre de la Forest, Philippe de Cabassole, Pierre Bertrand (neveu de Pierre Bertrand l'Ancien) et Jean de Dormans. On y ajoutera Gaucelin Jean d'Euse (neveu du pape Jean XXII) et Pierre de la Jugie (ou Juge, neveu de Clment V).
3 Il s'agit de Raoul Grosparmi, de Roger le Fort, d'Hugues Faydit et de Jean Nicot, nomms en 1308, 1321, 1363 et 1371 respectivement.
Pierre de Dinteville chancelier de Bourgogne (1375). Plusieurs autres sont devenus membres de diffrentes cours de justice : parmi eux Jean de Mande- ville (dj mentionn), connu comme membre du Parlement de Paris de 1318 1321.
Plusieurs de ces professeurs ont commenc leur carri re extra-universitaire apr s avoir enseign pendant une dizaine d'annes, ou plus, mais la plupart n'ont sjourn la ville universitaire que peu de temps. Cela vaut notamment pour les vingt ou trente ans apr s le retour de Nevers, une priode qui pourrait se caractriser, en quelque sorte, par un va-et-vient de professeurs. Dans les sources concernant l'Universit on ne les trouve mentionns qu'une ou deux fois. Apparemment ils ont utilis leur vie acadmique comme chelon de leur carri re en dehors de l'Universit, en profitant de la grande rnomme qu'avait toujours garde le studium depuis les coryphes du XIIIesi cle. Etant donn la courte dure de leur professorat, on ne s'attendra pas ce que, chez eux, la science de droit ait pris un grand essor. Bien que beaucoup de ces juristes aient atteint de hautes dignits, «ils n'ont presque pas t des serviteurs de la science», comme l'a dit Meijers4.
Au cours de tout le quatorzi me si cle, les professeurs rgents sont recruts en premier lieu parmi ceux qui ont fait leurs tudes Orlans ; en gnral les nouveaux professeurs prennent leur doctorat juste avant leur lection. De cette faon la limitation du nombre des doctores regentes tait facilite. Si l'on voulait nommer quelqu'un qui avait obtenu le doctorat ailleurs, on l'obligeait
tre reu de nouveau docteur Orlans.
Il n'est pas possible de dire avec certitude si, dans la premi re moiti du quatorzi me si cle, on a toujours tenu la main la limitation du nombre des professeurs. Apr s le retour de Nevers on ne semble pas avoir t toujours tr s strict. En ce qui concerne la priode apr s 1350 le nombre de dix doctores regentes ne paraÑt pas avoir t dpass. Dans les sources datant de cette
poque on ne trouve qu'un nombre limit de noms de professeurs. C'est le temps des professeurs «professionnels», c'est--dire des professeurs qui ont choisi de rester l'Universit, en principe jusqu' la fin de leur vie. Une carri re enti re l'alma mater tait probablement devenue plus lucrative par suite de la croissance du nombre des tudiants ± dont les professeurs recevaient des
«droits de banc» ± et par l'augmentation du nombre des prbendes pour les enseignants.
Ala fin des annes 1380, la dure souvent longue des professorats a conduit
une stagnation. On ne nommait presque plus de nouveaux professeurs ; ceux qui taient en fonction refusaient de donner leurs cours obligatoires et 4 Voir Meijers, Etudes, t. III (1959), p. 108.
confiaient des leons extraordinaires des tudiants peu capables. Ces dveloppements men rent une rforme de l'Universit en 1389, rforme inspire en mme temps par une rsurgence des conflits avec les bourgeois. Les sanctions dcrtes cette occasion en cas de refus d'enseigner semblent avoir amen quelques amliorations.
Au cours de la derni re dcennie du quatorzi me si cle, l'universit
d'Orlans est devenue de nouveau un centre d'tudes tr s attractif. Cela ne se laisse pas seulement mesurer par le nombre d'tudiants immatriculs mais encore par la diversit de leurs rgions d'origine. D s l'poque des privil ges donns l'Universit par Clment V, les tudiants se sont organises en dix nationes. Ce sont notamment la nation cossaise et la nation germanique (qui runissait les tudiants provenant des pays allemands et des anciens Pays-Bas) qui ont donn l'Universit son rayonnement international. Mme dans le cas oß les tudiants ne restaient pas Orlans pendant toute la priode de leurs
tudes, l'Universit constituait pour eux souvent un arrt tr s important.
Plusieurs restaient d'ailleurs Orlans apr s avoir obtenu leur licentia ; ils y enseignaient, en esprant obtenir ventuellement un professorat. Plusieurs rotuli de cette poque donnent un tat du grand nombre d'tudiants et de licentiati.
Comme les professeurs de la premi re partie du quatorzi me si cle ne restaient souvent que quelques annes seulement, on ne s'tonnera pas qu' quelques exceptions pr s il n'existe pas d'ouvrages de leur main ; les opinions mme de la plupart d'entre eux ne nous ont pas t transmises. Les seuls pour lesquels nous disposons de vritables ouvrages sont Lambert de Salins, Jean de Mandeville, Jean de la Fert et Geoffroy de Salagny.
En ce qui concerne les professeurs «professionnels» de la priode apr s 1350, qui ont enseign parfois vingt ou trente ans ou plus, on s'attendrait ce qu'ils nous aient transmis des ouvrages. Pourtant, pour la plupart d'entre eux ce n'est pas le cas ; souvent nous ne connaissons mme pas une seule de leurs opinions. Parmi ceux qui ont laiss des traces, les plus importants sont Jean Nicot, son l ve et successeur Bertrand Chabrol ainsi que leur l ve et successeur, Jean de Mcon ; un peu moins importants sont Graud Bagoilh et son l ve Jean Noaill. Ce sont les seuls cinq professeurs dont on cite encore des opinions dans les si cles suivants et dont des ouvrages substantiels nous ont
t transmis, notamment des lecturae sur les diffrentes parties du Corpus iuris civilis.
On remarquera qu'un bon nombre des ouvrages de ces professeurs datent d'une poque oß ils n'taient encore que licentiatus ou mme seulement baccalarius. C'est notamment le cas de Bertrand Chabrol qui a donn son cours sur les Libri feudorum (transmis dans un manuscrit de Salins) comme
baccalarius et celui sur les Tres libri (transmis dans un manuscrit de Bruxelles) comme licentiatus. La lectura de Jean Noaill sur le titre De actionibus des Institutes (transmis dans des manuscrits de Paris et de Berlin) a commenc le lendemain de son acquisition de la licentia. Ajoutons l'exemple du cours d'un licentiatus qui n'a jamais russi devenir professeur : la lectura assez tendue sur le titre De regulis iuris du Digeste de Jean Chreau (transmis dans un manuscrit de Bruxelles).
Le nombre assez lev de manuscrits contenant le cours d'un licentiatus ne devrait pas surprendre pour la priode qui suit les annes 1380. Comme nous l'avons dj dit, dans cette priode le nombre des licentiati s'est beaucoup accru tandis que celui des docteurs rgents restait limit. Les licentiati ne pouvaient devenir docteurs qu'au moment oß l'un de ces derniers dcdait ou qu'on lui proposait une autre carri re, cas qui prcisment ne se prsentait pas souvent l'poque des professeurs «professionnels». Au moment d'une vacance la comptition entre les candidats devenait tr s vive ; chacun essayait de se prparer de la meilleure faon. La possibilit de se procurer la reportatio d'un cours fait par le candidat pouvait sans doute augmenter ses chances. En mme temps il tait videmment important d'obtenir la protection d'un des professeurs en fonction. Jean Nicot a eu soin de prparer sa succession en faveur de son l ve Bertrand Chabrol. Ce dernier a probablement agi de la mme faon pour son l ve Jean de Mcon. L'argent jouait aussi un grand rÖle pour obtenir un professorat, notamment cause des frais tr s levs d'une crmonie de doctorat. On en trouve un exemple chez Jean Noaill, qui d'ailleurs a russi obtenir la somme rquise de la part du duc d'Orlans au service duquel il avait t.
Le programme de l'enseignement ne diffrait pas essentiellement de celui de l'universit de Bologne : la base y tait constitue par la codification justi- nienne, laquelle, dans la deuxi me moiti du treizi me si cle, on avait ajout
les Libri feudorum, une collection de textes sur le droit fodal lombard. Au cours du quatorzi me si cle, cet ajout bolonais a galement constitu l'objet de l'enseignement du droit civil Orlans ; c'est tort que Marcel Fournier l'a dni. L'existence d'un manuscrit contenant la lectura sur les Libri feudorum faite par Bertrand Chabrol dmontre bien le contraire. Les allgations figurant dans ce texte nous autorisent admettre que son maÑtre Jean Nicot a aussi enseign cette mati re et que cela a t galement le cas de Jean de la Fert, qui probablement a t l'un des premiers y consacrer un cours spcial. Cela ram nerait le dbut de cet enseignement aux annes 1320.
Les modalits de l'enseignement orlanais du quatorzi me si cle taient assez traditionnelles. AcÖt de cours magistraux, lecturae, on y trouvait des repetitiones et des quaestiones (disputatae). Dans les cours ordinaires et dans
les rptitions d'un texte fondamental ou difficile, l'accent tait mis avant tout sur les textes mmes du Corpus iuris civilis et sur la Glose d'Accurse. Nous y avons rencontr tr s peu d'allusions certains vnments contemporains, comme on en trouve souvent chez les juristes du treizi me si cle ; cela vaut
galement pour des renvois au droit coutumier franais. C'est tout diffrent dans les quaestiones (disputatae), questions fictives discutes en public : on y trouve des sujets comme le retrait lignager et le duel judiciaire. Ces mati res d'origine non-romaine devaient tre traites exclusivement l'aide de textes du Corpus iuris civilis. Nous avons pu constater que dans toutes les quaestiones disputatae que nous avons examines il y a bien des renvois aux Libri feudorum.
Quant au contenu des lecturae qui nous ont t transmises, on y trouve la mthode traditionnelle des professeurs orlanais, consistant notamment dans une attitude de critique l'gard de la Glose d'Accurse. Nous l'avons constate surtout chez Bertrand Chabrol et Jean de Mcon. On suit en principe l'ordre des textes du Corpus iuris civilis. Ce n'est que vers la fin du quatorzi me et au dbut du quinzi me si cle que l'on trouve les premi res bauches d'un traitement plus systmatique de la mati re, accompagn parfois de renvois des sources non-juridiques. C'est surtout dans la lectura de Jean de Mcon sur le titre De regulis iuris du Digeste qu'on peut constater un effort de traitement systmatique.
Pour leurs cours les professeurs puisaient surtout dans les ouvrages de leurs prdcesseurs orlanais. En ce qui concerne les professeurs du treizi me si cle, ce sont notamment Jacques de Rvigny et Pierre de Belleperche ; leurs opinions, cependant, sont souvent empruntes ± surtout par Jean Nicot et Bertrand Chabrol ± aux ouvrages de Cinus et, un degr
moindre, ceux de Jean Faure. Il se peut que la faon dtaille par laquelle ces opinions taient cites ait suscit un nouvel intrt pour ces auteurs Orlans. De toute faon, en 1420 des exemplaires des diffrents cours de Rvigny et de Belleperche se trouvaient dans la biblioth que universitaire d'Orlans. Le catalogue de cette biblioth que nous apprend galement que Jean de Mcon y avait emprunt un volume contenant des rptitions de Belleperche ; chez lui, en tout cas, on peut admettre une consultation directe de l'ouvrage en question.
L'influence de juristes attachs d'autres universits franaises a t
beaucoup plus limite. Nous n'avons trouv que quelques rares citations de professeurs parisiens, montpellirens et toulousains. Pour Paris il s'agit du canoniste Henri Bohic, qui avait lui-mme fait des tudes Orlans comme
l ve ± entre autres ± de Jean de la Fert. Pour Montpellier on trouve des citations de Gil Sanchez Muµoz et de Pierre Jacobi. Pour Toulouse ce sont Guillaume de Cunh, Pierre Hlie et surtout Pierre de Bourgogne ; un exem-
plaire de la lectura de Guillaume de Cunh sur le Code se trouvait mme dans la biblioth que universitaire d'Orlans.
Il n'y a qu'un nombre limit de juristes italiens qui ont influenc les professeurs orlanais. Il s'agit en premier lieu d'Azon et d'Accurse. Pour son cours sur les Libri feudorum Bertrand Chabrol a emprunt beaucoup de choses
Jacobus de Belvisio. L'influence principale provient cependant, comme nous l'avons dj dit, de la lectura sur le Code de Cinus. Elle constitue notamment la source directe pour les lecturae de Jean Nicot et de Bertrand Chabrol sur, respectivement, les livres VI et IV du Code. Par l'intermdiaire de la lectura de Cinus d'autres juristes italiens sont cits Orlans. Il s'agit surtout de Jacobus de Arena et, un degr moindre, c'est aussi le cas de Jacobus Butrigarius, de Guido de Suzaria, de Nicolaus de Matarellis et de Ricardus Malumbra. La plupart d'entre eux ont t ± comme Cinus ± professeurs l'universit de Padoue, oß, comme Orlans, on trouve une attitude assez critique l'gard de la Glose d'Accurse. L'influence de Bartole ne se manisfeste qu' partir du dernier quart du quatorzi me si cle ; Bertrand Chabrol ne le cite pas encore, la diffrence de son l ve Jean de Mcon.
L'influence du droit canonique sur les professeurs orlanais de droit civil est ngligeable. Les renvois au Decretum et aux Decretales sont sporadiques. Au contraire, les civilistes orlanais ont inspir assez souvent un certain nombre d'ouvrages de droit canonique. Il s'agit notamment de ceux de Henri Bohic, de Raymond de Salgues et de Gilles Bellem re. Dans l'úuvre de ce dernier, analyse profondment par Henri Gilles, on trouve rguli rement, cÖt
d'opinions d'autres civilistes, celles de son maÑtre Jean Nicot.
Quant aux quatre professeurs orlanais qui ont fait particuli rement l'objet de nos recherches, on peut constater que leurs opinions ne sont pas seulement cites par leurs l ves proprement dits ; ils ont galement exerc leur influence sur des juristes d'autres gnrations. Jean Nicot, Bertrand Chabrol et Graud Bagoilh ont inspir encore certains auteurs de la fin du quinzi me et du dbut du seizi me si cle. Leurs noms figurent dans les ouvrages de Jean Feu, de Nicolas Boyer et d'Andr Tiraqueau.
Mme en dehors de la France on trouve des traces d'une influence des professeurs orlanais. Cela vaut notamment pour les pays allemands ; parmi les premiers professeurs de droit de l'universit de Cologne il y en a quatre qui avaient fait leurs tudes Orlans. Parmi eux se trouve Henricus Retheri de Duren, qui, au moment oß il rsidait comme licentiatus Orlans, avait fait ± pour les tudiants ± une version abrge de la lectura feudorum de son maÑtre Bertrand Chabrol. Un autre professeur de Cologne d'une poque postrieure, Henricus Brunonis de Piro, qui avait commenc sa carri re comme professeur de droit civil l'universit de Louvain, a probablement fait une partie de ses
tudes Orlans : dans son commentaire sur les Institutes il cite la lectura
Institutionum de Jean Noaill, dont une copie se trouvait entre autres dans un manuscrit louvaniste ± aujourd'hui perdu ± contenant en mme temps son propre commentaire sur les Institutes.
Quant l'Italie, c'est peine si les professeurs orlanais du quatorzi me si cle y ont attir l'attention. Nous n'y avons trouv que le nom d'un seul juriste orlanais : il s'agit de Pierre de Chappes, cit par Cinus dans la lectura sur le Code. Si quelques opinions orlanaises ont pntr en Italie, on les a rejetes, surtout parce qu'elles s'loignaient trop de la Glose d'Accurse. C'est surtout Bartole qui s'est manifest comme un adversaire de la pense orlanaise. Un exemple assez rvlateur est constitu par un passage de Bartole concernant la doctrine de la division de la proprit en dominium directum et dominium utile, doctrine qui est ne surtout sous l'influence du droit fodal. Dans le passage en question il fait allusion l'opinion de quidam doctor de Aurelianis, soutenant que, la diffrence de cette division du domaine, il faudrait admettre unum dominium, opinion tout fait rprouve par Bartole. Une telle opinion se trouve en effet chez Jean Nicot et Bertrand Chabrol, ce qui a fait supposer au professeur Ennio Cortese que le quidam doctor de Aurelianis aurait t Jean Nicot lui-mme. Quand on consid re les
poques auxquelles ont enseign Bartole et Jean Nicot, on peut se demander s'il a vraiment pu s'agir de ce professeur orlanais ou si ce n'est pas plutÖt un professeur d'une gnration un peu plus ancienne qui tait vis.
Bien que les Italiens se soient peu interesss aux opinions des professeurs orlanais du quatorzi me si cle, il ne faut pas ngliger la valeur que d'autres y ont accord. S'il est vrai que, du point de vue scientifique, ces professeurs n'ont jamais atteint le niveau extraordinaire de leurs prdcesseurs du treizi me si cle, leurs doctrines ont cependant joui d'un rayonnement certain.