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COLLOQUE"CONSOLIDERLADÉMOCRATIEENRÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUEDUCONGO" COMMUNAUTÉFRANÇAISE DELA PARLEMENT

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PARLEMENT

DE LA

COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

Session 2008-2009

23 OCTOBRE 2008

COLLOQUE "CONSOLIDER LA DÉMOCRATIE EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO"

COMPTE RENDU INTEGRAL

(2)

TABLE DES MATIÈRES

P

RÉSENTS

3

S

ÉANCE DU MATIN

5

1 La coopération interparlementaire : spécificités et pertinences 12 2 Décentralisation et répartition des compétences en République démocratique du Congo 18

S

ÉANCE DE L

APRÈS

-

MIDI

29

1 Les spécificités de la coopération de la Communauté française en RDC 29 2 Décentralisation et moyens financiers des provinces en RDC 30 3 Table ronde sur la coopération interparlementaire, notre expérience et les perspectives d’avenir 46

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P RÉSENTS

Ont assisté aux travaux Les orateurs :

M. Jean-François Istasse, Président du Parle- ment de la Communauté française

M. Léon Kengo wa Dondo, Président du Sénat de la République démocratique du Congo

M. François Kimasi Matuiku, Président de l’Assemblée provinciale du Bas-Congo.

M. Bob Kabamba, Professeur à l’Université de Liège

M. Théodore Trefon, Directeur du Centre belge de référence pour l’expertise sur l’Afrique centrale (CRE-AC)

M. Evariste Boshab, Professeur à l’Université de Kinshasa

M. Jo Buelens, Chercheur à la Vrije Universi- teit Brussel

M. Mathieu Hilgers, Chargé de recherche FNRS à l’Université catholique de Louvain

Mme Marie-Dominique Simonet, Vice- présidente et ministre de l’Enseignement supé- rieur, de la Recherche scientifique et des Relations internationales du Parlement de la Communauté française Wallonie-Bruxelles

M. Jean-Claude Scholsem, Professeur émérite à l’Université de Liège

M. Benoît Bayenet, Professeur à l’Université Libre de Bruxelles

M. André Shikayi, Professeur à l’Université de Kinshasa

M. Philippe Fontaine, Député, Secrétaire du Bureau du Parlement de la Communauté française Wallonie-Bruxelles

M. François Kabala Ilunga, Président de l’As- semblée provinciale du Kasaï oriental

M. Christian Daubie, Secrétaire général du Parlement de la Communauté française

M. Michel Liégeois, Professeur à l’Université catholique de Louvain, modérateur

M. François Ryckmans, Chef de rédaction de la production à la Direction information radio de la RTBF

M. Pierre Verjans, Professeur à l’Université de

Liège

Délégations congolaise et belge concernées par l’accord de coopération interparlementaire PCF/RDC

M. Léon Kengo wa Dondo, Président du Sénat de la République démocratique du Congo

M. Saturnin Luono Kimbanga, Sénateur M. Vincent de Paul Lunda-Bululu, Sénateur M. Roger Nsingi Mbemba, Président de l’As- semblée provinciale de Kinshasa

M. Guy Musomo Wabempe, Président de l’As- semblée provinciale de Bandundu

M. Edmond Mondombo Kanzo, Président de l’Assemblée provinciale de l’Equateur

M. Léon-Dehon Basango Makedjo, Président de l’Assemblée provinciale de la Province Orien- tale

M. Hubert Kindanda Radjaby, Président de l’Assemblée provinciale de Maniema

M. Omer Mijimbu Sha Kalau, Président de l’Assemblée provinciale du Kasaï Occidental

M. Venance Lutongo Tshikambi, Vice- président de l’Assemblée provinciale du Katanga

M. Jean Mukinti Baumbilia, Vice- président de l’Assemblée provinciale du Nord Kivu

M. Mirindi Habamungu, Vice-président de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu

M. Jean-François Istasse, Président du Parle- ment de la Communauté française

M. Philippe Fontaine, Député, Secrétaire du Bureau du Parlement de la Communauté française Wallonie-Bruxelles

M. Alain Destexhe, Député M. Marc Elsen, Député M. Paul Galand, Député

Mme Véronique Jamoulle, Députée

M. Christian Daubie, Secrétaire général du Parlement de la Communauté française

Délégation Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, M. Jacquet, Délégué sortant

Les collaborateurs et experts

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M. Salomon Muke Kandong, conseiller de M.

Kengo wa Dondo

M. Kopele Yanga, assistant de M. Kengo wa Dondo

M. Paul Kalonji Ngoie, avocat, collaborateur CAPAC

Mme Josianne Mbongo, coordinatrice Ulg/CAPAC

M. Geoffroy Matagne, chercheur Ulg/CAPAC

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S ÉANCE DU MATIN

Le colloque est sous la présidence de M. Jean- François Istasse, président du parlement de la Communauté française de Belgique.

– La séance est ouverte à 9 h 20.

M. Jean-François Istasse. –La séance est ou- verte.

Ont demandé d’excuser leur absence M. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale du Congo, et M. Rudy Demotte, ministre-président de la Communauté française et de la Région wallonne. La ministre Marie-Dominique Simonet s’exprimera ultérieurement. Elle est ici représentée par son chef de cabinet.

Mesdames et messieurs des assemblées provin- ciales de la République démocratique du Congo, mesdames et messieurs les représentants des pro- vinces, chers collègues parlementaires de Belgique et de la République démocratique du Congo, mon- sieur le greffier, monsieur le délégué général qui nous a beaucoup aidés dans toute cette opération, monsieur le directeur de cabinet adjoint, monsieur le commissaire général du CGRI, messieurs les professeurs, les étudiants, mesdames et messieurs, en vos titres et qualités, permettez-moi de vous dire, en mon nom et au nom de tous les membres de notre parlement, que nous sommes extrême- ment heureux de vous voir réunis ce jour pour un moment tout à fait particulier.

Nous sommes heureux également de voir que tous les présidents et vice-présidents de toutes les provinces de la République démocratique du Congo participent à cette rencontre interparle- mentaire rehaussée par la présence du président du Sénat de la République démocratique du Congo.

Soyez tous les bienvenus ce matin dans notre parlement de la Communauté française de Bel- gique.

En tant que président de cette assemblée, je suis particulièrement honoré d’ouvrir ce colloque au titre évocateur : « Consolider la démocratie en République démocratique du Congo ». Je sa- lue la présence parmi nous des représentants du peuple congolais démocratiquement élus : M. le président du Sénat de la République démocratique du Congo, Son Excellence M. Kengo wa Dondo, que nous retrouvons avec plaisir, et MM. les pré- sidents des assemblées provinciales du Congo ou leurs représentants. Ce sont avant tout des col- lègues – devenus de véritables amis – résolument

engagés dans la voie de la démocratisation que nous accueillons dans cet hémicycle et cette en- ceinte, lieux hautement symboliques. Je tiens à les remercier tous très chaleureusement d’avoir ré- pondu positivement à notre invitation.

Depuis les élections législatives organisées en RDC en juillet 2006, nos relations interparlemen- taires n’ont fait que se renforcer avec constance et détermination. Nos missions sur place auront permis de former des élus et des fonctionnaires d’assemblées provinciales aux pratiques et usages du régime de la démocratie parlementaire. Nous avons voulu montrer comment nous fonction- nions dans le cadre du parlement de la Com- munauté française, tout en laissant à nos par- tenaires la liberté d’apprécier ce qu’ils adopte- ront ou non dans leur propre pratique parlemen- taire au Congo. Il s’agit d’un véritable mouvement d’échange puisque nous avons également décou- vert une autre façon de procéder dans une jeune démocratie. Croyez bien que tous les parlemen- taires associés à ces échanges y ont trouvé beau- coup de matière à réflexion.

Nous avons effectué sur place un travail en profondeur qui s’est inscrit dans la durée et qui a stimulé de vraies synergies avec les autorités congolaises et, singulièrement, les élus des pro- vinces. Nous avons gardé un contact constant avec elles. Bénéficiant de la collaboration de notre délé- gation Wallonie-Bruxelles à Kinshasa, nous avons, dès notre première mission en RDC, rencontré les présidents du Bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat, le président et les membres du Bu- reau des assemblées provinciales, le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation et plusieurs membres du gouvernement.

Par ailleurs, nous avons eu des échanges de vues avec le président de la Commission électorale indépendante, l’abbé Malu Malu.

L’idée de ce partenariat revient à M. le pré- sident du Sénat de la RDC, qui nous a encoura- gés à travailler avec les assemblées provinciales.

L’accueil que nos amis congolais nous ont réservé a permis d’établir de vrais liens de solidarité et d’amitié. Les échanges que nous avons eus avec les responsables politiques congolais et les repré- sentants de la société civile nous ont rapidement convaincus qu’il était possible de mettre en œuvre un accord de coopération visant à renforcer les ca- pacités du personnel tant politique qu’administra-

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tif des onze assemblées provinciales de la RDC.

Le partenariat entre le parlement de la Com- munauté française et l’Université de Liège – et plus particulièrement la CAPAC, la Cellule d’appui po- litologique en Afrique centrale –, nous a permis de rencontrer en moins d’une année près de 200 personnes, membres et fonctionnaires des onze as- semblées provinciales congolaises. En effet, de juin 2007 à mai 2008, quatre séminaires de formation et d’information ont été organisés au bénéfice de dix parlementaires et de quatre hauts fonction- naires de chacune des assemblées provinciales.

En juin 2007, avec M. Philippe Fontaine, membre du Bureau de notre parlement et en pré- sence de l’ensemble des présidents d’assemblées provinciales congolaises, du ministre de l’Intérieur de la RDC et de hauts fonctionnaires du parle- ment de la Communauté française, j’ai eu l’hon- neur de présider la cérémonie d’ouverture officielle de ces séminaires d’échange d’expériences. Kin- shasa, Lubumbashi et Kisangani furent les lieux où ces actions concrètes de coopération furent conduites par les cinq parlementaires conféren- ciers qui m’ont accompagné au cours de ces mis- sions. Aujourd’hui, ils sont parmi nous.

Les matières qui ont fait l’objet d’exposés, mais aussi de séances de questions et réponses, étaient celles qui relèvent de la compétence non seulement de la Communauté française de Bel- gique, mais aussi des provinces congolaises : l’en- seignement, le tourisme, l’enfance, la santé, le sport, le transport, les accords de coopération aux niveaux culturel, scientifique et social.

L’ensemble des services de notre institution parlementaire ont pris part à cette coopération dans un esprit de partenariat et de communi- cation d’expériences. Le secrétaire général et les chefs de service de notre parlement ont fait des exposés portant sur le fonctionnement interne du parlement et des différents services. Ils nous ont ainsi fourni l’occasion de partager librement les connaissances et l’expérience qu’ils ont acquises dans l’exercice de leurs fonctions.

Cette coopération interparlementaire exem- plaire s’est conjuguée à une coopération inter- universitaire. L’Université de Liège a accompagné notre démarche sur le plan scientifique et des pro- fesseurs congolais ont développé l’évolution de l’architecture institutionnelle de la RDC dans les séminaires.

L’application du principe de pluralisme dans les compositions des délégations, la transparence des échanges, le respect des institutions parlemen- taires mises en place à la suite des élections démo-

cratiques, la présentation de nos modes de fonc- tionnement et l’explicitation de notre législation relative à des matières similaires à celles qui sont traitées par les assemblées provinciales congolaises ont été au cœur des échanges entre les participants.

Cette coopération interparlementaire a eu aussi l’avantage de rassembler, autour de la même table, des élus congolais émanant de toutes les pro- vinces.

Fort du succès du travail accompli durant plusieurs mois et conscient qu’un long chemin reste à parcourir, le parlement de la Communauté française souhaite vivement, avec ses modestes moyens, poursuivre le développement de cette co- opération interparlementaire. C’est précisément le sens que nous avons voulu donner à nos travaux durant toute cette semaine du 20 octobre 2008.

Nous avons été particulièrement heureux d’asso- cier, au cours des jours précédents, nos collègues congolais au fonctionnement concret de notre ins- titution parlementaire. Ainsi ils ont pu assister au déroulement de la séance plénière de mardi der- nier, à une séance de commission et à la séance du Bureau du parlement. Cette convivialité dans l’ac- tion crée les conditions d’un réel partenariat.

Mes collègues parlementaires et moi-même sommes persuadés que grâce aux travaux aux- quels nous allons nous livrer aujourd’hui, nous pouvons envisager et tracer de nouvelles perspec- tives à cet accord de partenariat.

Nous sommes à la fin d’un cycle qui nous a permis de rencontrer nos collègues, de travailler avec eux en République démocratique du Congo, de les inviter à venir voir comment travaille notre parlement.

Clôturant ce premier cycle d’amitié entre les élus des provinces congolaises, le président du Sé- nat du Congo et le parlement de la Communauté française, nous pourrons tracer des pistes d’avenir pour entamer un deuxième cycle de partenariat et de coopération.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je nous souhaite d’ores et déjà de fructueuses dis- cussions lors de ce colloque. Nous partageons en effet le même souci du dialogue et du débat. Nous sommes ici dans un parlement. Parlons-nous donc en toute franchise et en toute amitié. Notre coopé- ration s’en trouvera certainement renforcée.

Vive la République démocratique du Congo, vive la Communauté française de Belgique !

La parole est à Son Excellence Léon Kengo Wa Dondo, président du Sénat de la République démocratique du Congo.

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M. Léon Kengo Wa Dondo. – Monsieur le pré- sident, j’aurais pu m’abstenir de prendre la parole étant donné que vous avez déjà tout dit.

Je vous remercie en tout cas de votre invita- tion à participer au colloque qu’organise votre ins- titution à l’intention des présidents des assemblées provinciales de mon pays.

Tout en vous félicitant de cette initiative, je ne puis m’empêcher de me réjouir de l’honneur que vous me faites de prendre la parole à l’occa- sion de ce colloque dont le thème est « Consoli- der la démocratie en République démocratique du Congo ».

Celui-ci se situe dans le prolongement de ce que le parlement de la Communauté française de Belgique a entrepris dans le contexte du renforce- ment des capacités des assemblées provinciales de la République démocratique du Congo. Je signale à ce propos que le Sénat congolais vient d’organi- ser, en partenariat avec le PNUD, des ateliers de formation pour le renforcement des capacités des membres des institutions provinciales. L’objectif général est de consolider le cadre démocratique de ces dernières. Bref, il s’agit de familiariser le per- sonnel aux arcanes du travail législatif. Ces efforts vont aussi s’orienter vers les députés provinciaux dont les missions consistent notamment à voter les édits et le budget, à contrôler le gouvernement et les services publics provinciaux et à représenter leur population respective. Sous peu, des collègues sénateurs emboîteront le pas aux fonctionnaires et aideront à leur tour les députés provinciaux dans leurs activités parlementaires.

Mon propos s’articulera autour de quatre points. Dans un premier temps, je m’efforcerai de cerner le concept de la démocratie. Dans un deuxième temps, je présenterai l’état de la démo- cratie en République démocratique du Congo de- puis la mise en œuvre de l’accord global inclusif si- gné à Pretoria, en Afrique du Sud, le 17 décembre 2002. Dans un troisième temps, je donnerai mon appréciation sur le niveau de la démocratie en Ré- publique démocratique du Congo, à compter de la mise en place des institutions présidentielles, légis- latives et provinciales issues des élections de 2006.

Enfin, je dégagerai les perspectives d’avenir en vue de la consolidation des acquis de la démocratie.

Le président américain Abraham Lincoln avait défini la démocratie comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Cela im- plique l’existence d’un État de droit, c’est-à-dire d’un État dans lequel tous les citoyens jouissent réellement et pleinement de leurs droits. La Dé- claration universelle sur la démocratie, adoptée au Caire le 16 septembre 1997 par le Conseil

interparlementaire de l’Union interparlementaire, constitue un véritable code de bonne conduite de la démocratie.

J’en viens à l’état de la démocratie en Ré- publique démocratique du Congo. L’histoire po- litique montre que depuis son indépendance, le 30 juin 1960, mon pays est confronté à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fon- damentales est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs. Cette contesta- tion a pris un relief particulier avec les guerres qui ont déchiré le pays depuis 1996. C’est avec l’envie de mettre un terme à cette crise chronique de lé- gitimité et de permettre au pays de se reconstruire que les délégués de la classe politique, de la société civile et des belligérants se sont réunis en Afrique du Sud. Ils ont convenu, dans l’accord global in- clusif signé le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique. Celui-ci est fondé sur une nouvelle Constitution devant permettre au peuple de choisir souverainement et librement ses dirigeants.

Cette volonté politique s’est concrétisée au tra- vers d’un avant-projet de nouvelle Constitution, élaboré par le Sénat de la transition et adopté par l’Assemblée nationale de l’époque sous forme de projet de Constitution. Le projet a été approuvé par référendum populaire et promulgué le 18 fé- vrier 2006 par le président de la République.

La Constitution du 18 février 2006 repose sur quatre piliers, à savoir l’État et la souveraineté, les droits humains, libertés fondamentales et devoirs du citoyen et de l’État, l’organisation et l’exercice du pouvoir, les modalités de la révision Constitu- tionnelle.

En ce qui concerne l’État et la souveraineté, l’exercice du pouvoir d’État est réparti entre les échelons national et provincial. Chaque échelon se voit conférer un domaine de compétences ex- clusives, à côté d’un domaine de compétences par- tagées.

Le constituant congolais a innové en ins- tituant le régionalisme politique des provinces.

Celles-ci sont dotées de la personnalité juridique et jouissent de la libre administration de leurs ressources humaines, économiques, financières et techniques.

Le constituant a en outre consacré la décen- tralisation comme mode privilégié de gestion des circonscriptions territoriales. La province est ad- ministrée par un gouvernement provincial et une assemblée provinciale.

L’instauration du régionalisme politique des provinces ainsi que la décentralisation ont pour

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finalité de renforcer la démocratie à la base. En cas de conflit entre les deux échelons du pouvoir d’État, la Cour Constitutionnelle est juge.

La Constitution prévoit la retenue à la source de 40 % des recettes à caractère national au profit des provinces. Les entités territoriales décentrali- sées bénéficient de droit de 40 % de ces recettes à caractère national. La Banque centrale du Congo est chargée d’assurer l’exécution de ce mécanisme de partage.

Une Caisse nationale de péréquation a été ins- tituée en vue de corriger les déséquilibres de dé- veloppement entre les provinces et les entités ter- ritoriales décentralisées. Elle est alimentée chaque année à concurrence de 10 % de la totalité des re- cettes à caractère national.

Les provinces et les entités territoriales décen- tralisées peuvent demander à bénéficier des res- sources de la Caisse nationale de péréquation pour financer des projets et des programmes d’investis- sement.

Par ailleurs, en vue de maintenir une harmonie entre les provinces elles-mêmes, d’une part, et le pouvoir central, d’autre part, on a créé une Confé- rence des gouverneurs, présidée par le président de la République et dont la principale mission est de servir d’instance de concertation et d’harmonisa- tion au niveau des deux échelons du pouvoir exé- cutif.

La même Constitution a consacré un certain nombre des principes fondamentaux, notamment : tout pouvoir émane du peuple en tant que souve- rain primaire et le pluralisme politique est garanti par le fait que l’institution d’un parti unique est érigé en infraction de haute trahison.

Par ailleurs, le constituant a réaffirmé les droits humains, les libertés fondamentales et les devoirs du citoyen et de l’État, prouvant par là son attachement aux instruments juridiques inter- nationaux auxquels la République démocratique du Congo a adhérés.

Quant à l’organisation et à l’exercice du pou- voir, la Constitution reconnaît comme institutions le président de la République, le parlement, le gou- vernement et les cours et tribunaux.

Le président de la République est le garant de la nation, de la Constitution, de l’indépendance nationale, de l’intégrité et de la souveraineté natio- nales, du respect des accords internationaux. Il est le régulateur et l’arbitre du fonctionnement nor- mal des institutions du pays, le tout avec implica- tion du gouvernement, sous le contrôle du parle- ment.

Le parlement est composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. Il a pour princi- pales missions d’élaborer des lois et de contrôler le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et services publics.

Réunis en Congrès, l’Assemblée nationale et le Sénat ont compétence de déférer le président de la République et le premier ministre devant la Cour Constitutionnelle, notamment pour haute trahi- son et délit d’initié.

Les parlementaires peuvent faire l’objet d’une levée de leur immunité. L’Assemblée nationale peut être dissoute par le président de la Répu- blique en cas de crise persistante avec le gouver- nement.

Le gouvernement a la responsabilité de la conduite de la politique du pays, en concertation avec le président de la République. Il est respon- sable de son action devant l’Assemblée nationale qui peut le sanctionner collectivement par l’adop- tion d’une motion de censure.

Aux conditions prescrites par la Constitution et la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, les exé- cutifs provinciaux sont responsables de leur ac- tion devant leurs assemblées respectives. Celles- ci peuvent, dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle, mettre en cause la responsabilité de l’ensemble du gouvernement ou de l’un de ses membres par le vote d’une motion de censure ou de défiance.

Les cours et tribunaux ont pour mission d’être les garants des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens.

Le constituant a consacré l’indépendance du pouvoir judiciaire.

La Cour Constitutionnelle est notamment compétente pour veiller à la conformité des lois.

La Constitution a également institué d’autres institutions. Il s’agit notamment du Conseil éco- nomique et social et de la Cour des comptes. Cette dernière dépend de l’Assemblée nationale et veille à l’application et au contrôle de la loi des finances.

Elle dispose aussi d’un pouvoir général et perma- nent de contrôle sur la gestion des biens publics.

Il y a enfin le rôle que le constituant a confié aux institutions d’appui à la démocratie, à savoir la Commission électorale nationale indépendante, chargée de l’organisation du processus électoral, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la com- munication, appelé à assurer la liberté et la protec- tion de la presse ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi.

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Les motivations majeures qui sous-tendent l’organisation de toutes les institutions de la Ré- publique sont notamment d’assurer leur fonction- nement harmonieux, d’éviter les conflits, d’instau- rer un État de droit, de contrer toute tentative de dérive dictatoriale, de garantir la bonne gouver- nance, de lutter contre l’impunité et, enfin, d’assu- rer l’alternance politique.

Conformément à l’article 218 de la Constitu- tion, l’initiative d’une révision Constitutionnelle appartient à la fois au président de la République, au gouvernement après délibération en Conseil des ministres et à chacune des chambres du par- lement, à l’initiative de la moitié de ses membres.

Cette révision peut aussi être initiée par une fraction du peuple congolais, en l’occurrence au moins cent mille personnes s’exprimant par une pétition adressée à l’une des chambres.

La Constitution énumère en son article 220 les matières qui ne peuvent pas faire l’objet d’une ré- vision Constitutionnelle. Il s’agit de la forme répu- blicaine de l’État, du principe du suffrage univer- sel, de la forme représentative du gouvernement, du nombre et de la durée des mandats du président de la République, de l’indépendance du pouvoir judiciaire et du pluralisme politique et syndical.

Que dire de l’état de la démocratie en Répu- blique démocratique du Congo ?

Il faut reconnaître que construire la démocra- tie est un long processus. Ainsi, certains objectifs majeurs que le pays s’était assignés n’ont pas en- core été entièrement réalisés. La récurrence et la quasi-permanence de la guerre dans l’Est du pays rendent moins visibles les progrès accomplis à ce jour.

Sur le plan politique, je relève quelques pro- grès.

L’opposition a droit de cité et s’exprime libre- ment. Elle est confortée par l’adoption et la pro- mulgation de la loi sur le statut de l’opposition po- litique. Quelques parlementaires de l’opposition se voient confier la direction de commissions perma- nentes.

Sénateurs, députés nationaux et provinciaux, toutes tendances confondues, exercent leurs pré- rogatives Constitutionnelles en usant de différents mécanismes de contrôle.

S’agissant des libertés fondamentales, les mé- dias et les associations de défense des droits de l’homme jouissent de la liberté d’expression.

Il est question de consolider la démocratie en République démocratique du Congo. Ce grand travail a comme préalable la promotion de la

bonne gouvernance et de la lutte contre la pau- vreté et l’analphabétisme qui sont les ennemis de la démocratie.

Après dix-huit mois de fonctionnement, le par- lement a à son actif une série de lois qu’il a adop- tées et fait promulguer par le président de la Ré- publique. Ces lois viennent ainsi consolider le pro- cessus de démocratisation amorcé en 2003.

À titre indicatif, je mentionnerai : la loi por- tant statut de l’opposition, la loi portant finance- ment public des partis politiques, la loi portant or- ganisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, les lois sur la réforme du sec- teur du portefeuille de l’État où ce dernier veut se désengager, les lois d’ordre territorial, à savoir la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, la loi portant composition, organisation et fonctionnement de la conférence des gouverneurs de province, la loi portant composition, organisation et fonctionne- ment des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec le pouvoir central ainsi que les pro- vinces.

D’autres projets ou propositions de loi sont en élaboration, notamment le projet de loi orga- nique portant code d’organisation, de fonctionne- ment et des compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, le projet de loi organique relative à la procédure devant la Cour de cassation, le pro- jet de loi organique portant organisation et fonc- tionnement de la Cour Constitutionnelle, le pro- jet de loi organique portant organisation et fonc- tionnement, compétences et procédures des juri- dictions de l’ordre administratif, le projet de loi sur la Commission électorale nationale indépen- dante.

En ce qui concerne le contrôle parlementaire, chacune des chambres législatives a entrepris une série d’initiatives visant à contrôler l’Exécutif dans certains domaines de la vie nationale.

En ce qui concerne le fonctionnement des pro- vinces, force est de constater que plus de douze mois après leur installation, leurs exécutifs comme leurs assemblées sont confrontés à certaines diffi- cultés logistiques et à l’apprentissage de la démo- cratie.

L’assistance que nous sollicitons doit porter sur le renforcement des capacités des institutions provinciales.

La contribution du pouvoir judiciaire à la consolidation de la démocratie consistera à dire le droit en toute indépendance et objectivité et à garantir à tous la sécurité juridique et judiciaire.

Si les élections organisées en 2006 nous ont per-

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mis de régler un problème institutionnel, il nous reste à parachever ce processus démocratique en organisant des élections urbaines, communales et locales. Celles-ci sont prévues en 2009.

Je ne puis terminer mon intervention sans évo- quer l’apport appréciable de la coopération bilaté- rale et multilatérale à la consolidation de la démo- cratie dans mon pays.

C’est l’occasion de remercier tous les parte- naires, particulièrement la Belgique, avec lesquels la République démocratique du Congo entretient des relations de coopération. Je les invite à ac- croître leur contribution afin de participer à son programme de reconstruction.

Dans le contexte de cette coopération interna- tionale, je ne peux pas non plus passer sous silence l’impact et le rôle de la diplomatie parlementaire.

Si nous sommes ici, c’est parce que nous voulons renforcer la coopération sur ce plan.

Je note avec satisfaction que le Sénat congo- lais et le parlement de la Communauté française de Belgique ont déjà, chacun de leur côté, tout mis en œuvre pour renforcer les capacités des assem- blées provinciales de la République démocratique du Congo.

Je me suis efforcé, tout au long de mon in- tervention, de souligner avant tout le concept de

« démocratie ».

J’ai dégagé quelques perspectives pour la consolidation de la démocratie en République dé- mocratique du Congo dans l’exercice du pouvoir de l’État, tant à l’échelon national que provincial et des entités territoriales décentralisées. À cette occasion, j’ai souligné le rôle significatif de la di- plomatie parlementaire.

Enfin, je saisis l’opportunité de ce colloque pour en appeler, une fois de plus, à la solidarité de tous nos partenaires bilatéraux et multilatéraux.

Je les ai invités à accroître leur contribution en faveur de la République démocratique du Congo afin de permettre à ce grand pays de sortir défi- nitivement des affres de la guerre pour s’engager résolument dans la voie du développement.

M. Jean-François Istasse. – La parole est à M. François Kimasi Matuiku, doyen et président de l’assemblée provinciale du Bas-Congo.

M. François Kimasi Matuiku. – Monsieur le président du Sénat, monsieur le président, mes- dames et messieurs, chers amis, doyens et pré- sidents des assemblées provinciales de la Répu- blique démocratique du Congo, nous sommes ve- nus à l’invitation de nos amis belges.

Nous avons assisté à bon nombre de séances et

de rénions. Nous avons chargé l’honorable M. Ka- bala Ilunga, président de l’Assemblée provinciale du Kasaï oriental, de vous faire part de nos obser- vations.

M. Jean-François Istasse. –La parole est donc à M. Kabala Ilunga, président de l’Assemblée pro- vinciale du Kasaï oriental.

M. François Kabala Ilunga. –Monsieur le pré- sident du parlement de la Communauté française de Belgique, honorable président du Sénat de la RDC, messieurs les présidents des Assemblées pro- vinciales de la RDC, mesdames et messieurs en vos qualités et fonctions respectives, notre doyen m’a demandé de vous présenter le bilan de nos réalisa- tions avec le Parlement de la Communauté fran- çaise de Belgique. Mais avant de dire un mot sur cette coopération, je voudrais remercier les col- lègues qui ont accepté que ce soit moi qui inter- vienne – leur confiance m’honore – et les organi- sateurs qui m’ont donné l’occasion de m’exprimer.

S’agissant d’un colloque, mon souhait le plus ar- dent serait que mon discours soit complété le mo- ment venu par les uns et les autres. Mes remercie- ments s’adressent, d’une part, au président du Par- lement de la Communauté française de Belgique pour le soutien qu’il a apporté aux jeunes assem- blées de la RDC et, d’autre part, aux autorités lé- gislatives et exécutives en général de la République Démocratique du Congo et au président du Sénat de la RDC en particulier pour la volonté politique qui aura permis la concrétisation de l’accord de coopération interparlementaire.

Le rapport que je me fais l’honneur et le plai- sir de vous présenter porte sur les activités organi- sée depuis la mise en place de l’accord de coopé- ration à l’initiative du Parlement de la Commu- nauté française de Belgique et de l’Université de Liège. Que toutes les personnes qui ont travaillé à cette coopération, devenue aujourd’hui réalité, trouvent ici l’expression de la gratitude des prési- dents des Assemblées provinciales de la RDC. Les activités avaient pour principal objectif le renfor- cement des capacités du personnel politique et des fonctionnaires afin d’assurer un bon fonctionne- ment des institutions et de garantir la bonne gou- vernance que nécessite la construction d’un État de droit au cœur de l’Afrique. Parmi les objectifs spécifiques poursuivis, je citerai l’approfondisse- ment des connaissances sur la Constitution de la RDC, l’étude du rôle et des fonctions de chaque institution ainsi que des relations entre les insti- tutions à différents niveaux de pouvoir et l’inven- taire des besoins en formation.

L’accord de coopération a été mis en œuvre en quatre étapes.

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La première a consisté à identifier en avril 2007 le besoin en formation des fonctionnaires des assemblées provinciales Elle a été l’œuvre de la délégation Wallonie-Bruxelles avec le concours des experts de l’Université de Liège.

La deuxième phase, en juin 2007, a eu le mé- rite de regrouper à Kinshasa les fonctionnaires des assemblées provinciales à raison de quatre par province et à les former pendant trois jours sur les matières ayant trait notamment au mandat, au statut et au rôle du parlementaire, au contrôle de l’action gouvernementale, au fonctionnement in- terne du Parlement, à la fonction publique parle- mentaire, et au fonctionnement des services de la questure et du greffe.

Quant à la troisième phase, qui s’est dérou- lée sur une période allant du 15 janvier au 27 mai 2008, elle avait pour but l’organisation des jour- nées de formation et d’échange sur la décentrali- sation à l’intention des membres du Bureau et des présidents des groupes parlementaires des assem- blées provinciales à raison de dix députés par pro- vince.

Trois sites ont été choisis, à savoir Kinshasa, pour ce qui est des assemblées provinciales de Kinshasa, du Congo Central, du Bandudu et de l’Équateur ; Lubumbashi pour les provinces du Katanga et des deux Kasaï, Kisangani pour les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de la pro- vince Orientale et de la province du Maniema.

Parmi les thèmes retenus, il y a lieu de citer la Constitution de la RDC, le plan d’aménagement d’une province, les budgets et les finances provin- ciales, les mécanismes de tutelle, la culture et l’édu- cation, la politique sanitaire, etc.

La quatrième et dernière phase, qui s’est dé- roulée du 18 au 23 octobre 2008, a permis aux présidents des assemblées provinciales de partici- per aux travaux en séance plénière et en commis- sion du Parlement de la Communauté française de Belgique, et de rencontrer des fonctionnaires qui oeuvrent à la bonne marche de ce parlement.

Quelle évaluation pouvons-nous faire vingt- deux mois après cette coopération de manière à envisager l’avenir avec optimisme ? Par rapport à l’objectif général de renforcement des capacités, reconnaissons que les résultats obtenus sont en- courageants. En effet les présidents des assemblées provinciales on amélioré leur gestion des groupes politiques qui jouent un rôle important au sein d’une assemblée parlementaire.

Les services administratifs sont opérationnels et les fonctionnaires qui y oeuvrent ont pris la di- mension exacte de leurs responsabilités même si le

rendement n’est pas encore à son niveau optimal.

Les présidents des groupes parlementaires ont pris conscience du rôle qu’ils sont appelés à jouer pour que l’assemblée provinciale se démocratise réelle- ment, en canalisant les opinions politiques de leurs groupes sur les questions d’importance de chaque province.

La prise de conscience sur la nécessité d’assu- rer la stabilité des institutions et la bonne gouver- nance est acquise. Cette liste n’est pas exhaustive.

Au regard des objectifs spécifiques, il y a lieu de noter le renforcement des liens entre le parle- ment de la Communauté française de Belgique et les assemblées provinciales de la RDC, l’intério- risation du fait que l’autonomie et la responsabi- lité financière sont les conséquences de la souve- raineté parlementaire et trouvent leur fondement dans le principe de la séparation des pouvoirs et la nécessité pour les députés, tant de la majorité que de l’opposition, de s’impliquer dans l’examen et le vote du budget, l’un des instruments de la traduction des actes de la politique gouvernemen- tale permettant la prise en compte des aspirations de la population. Tous ces résultats, fruits d’une coopération interparlementaire faisant suite à une volonté politique exprimée, sont à mettre à l’ac- tif du président du parlement de la Communauté française de Belgique et de celui du Sénat de la RDC.

Pour les assemblées provinciales, les résul- tats sont donc positifs et encourageants. L’iden- tification de besoins faite en amont aura été dé- terminante. Toutefois, il y a lieu d’envisager sa poursuite en ayant pour cible tous les députés et tous les fonctionnaires, d’où l’idée d’organiser des séminaires d’information et d’échange dans les chefs-lieux des provinces au cours des sessions or- dinaires et de mettre l’accent sur la culture démo- cratique. Nous pensons au rapport entre la majo- rité et l’opposition et entre les députés et les élec- teurs, au rôle des partis politiques, à l’éthique et à la bonne gouvernance, à la santé et aux droits hu- mains. Nous saluons d’ores et déjà le fait que ce deuxième cycle va commencer par la province du Bas-Congo, si nos informations sont exactes.

En conclusion, les assemblées provinciales mi- litent en faveur de la poursuite de la coopération pour que se constitue en RDC une classe poli- tique capable de relever le défi consistant à éli- miner la contradiction récurrente entre l’énoncé correct du principe et les comportements qui le nient au même moment. L’homme doit demeurer au centre de tout car un système politique n’a de valeur qu’au travers des personnes appelées à le

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mettre en œuvre. (Applaudissements)

1 La coopération interparlementaire : spécificités et pertinences

M. Jean-François Istasse. –Nous allons enta- mer le premier panel qui a pour intitulé : « La co- opération interparlementaire : spécificités et per- tinences ». Prendront la parole le professeur Bob Kabamba, de l’Université de Liège et M. Théodore Trefon, directeur du CRE-AC.

La parole est à M. Kabamba.

M. Bob Kabamba.– Honorable président du Sénat, honorable président du parlement de la Communauté française, honorable président de l’Assemblée provinciale de la République démo- cratique du Congo, chers collègues, mesdames et messieurs, permettez-moi, au nom de la Cellule d’appui politologique en Afrique centrale, de re- mercier le parlement de la Communauté française ainsi que les présidents des assemblées provin- ciales, qui sont en Belgique pour une semaine, en séjour de travail. Outre la CAPAC de l’Univer- sité de Liège, la CAPAC de Kinshasa est égale- ment parmi nous aujourd’hui. Nous vous remer- cions sincèrement de nous associer à ce travail si important, qui vise à consolider la démocratie en République démocratique du Congo.

Avant d’évoquer la spécificité de la coopéra- tion du parlement de la Communauté française en RDC, je voudrais, dans un premier temps, ana- lyser le contexte des relations entre la Belgique et le Congo. J’aborderai ensuite la question de l’évolution institutionnelle, tant en Belgique qu’au Congo. Quant au parlement de la Communauté française, je passerai en revue les outils dont il dis- pose pour cette coopération, ses partenariats, sa spécificité. En conclusion, je tenterai de détermi- ner, sur la base des principes de l’OCDE, si l’ac- tion du parlement de la Communauté française de Belgique est ou non déficiente en RDC.

Parler des relations entre la Belgique et le Congo n’est pas chose aisée. Pour qualifier ces relations, qui ont fait l’objet d’innombrables ar- ticles et livres, on utilise généralement les termes

« amour/haine » ou « je t’aime moi non plus ».

Dans les années nonante, sous les gouverne- ments Maertens et Dehaene, la tendance était de

« laisser l’Afrique aux Africains » et de considé- rer qu’il y avait d’autres enjeux beaucoup plus im- portants à l’échelon international. Souvenez-vous aussi du slogan de Bill Clinton : « Trade, not aid ».

Il a fallu attendre l’arrivée du gouvernement arc- en-ciel pour que les relations entre les deux pays se modifient.

En effet, le gouvernement arc-en-ciel s’effor- cera de mettre l’accent sur le conflit congolais à l’échelon international. C’est ainsi que de 1999 à 2003, grâce au gouvernement arc-en-ciel, no- tamment représenté par son ministre des Affaires étrangères, le dossier congolais se retrouvera à l’ordre du jour de l’ONU et de l’Union africaine.

C’est au cours de cette période que la plupart des résolutions seront prises à l’échelon international, notamment au Conseil de sécurité, etc.

La Belgique actuelle n’est pas la Belgique de 1960.

Par ailleurs, dans la foulée du gouvernement arc-en-ciel, les élections de 2004 ayant provoqué un remaniement ministériel, on pouvait craindre un changement dans les relations entre les deux pays, surtout lorsqu’en juin 2004, Louis Michel, devenu commissaire européen, fut remplacé par Karel De Gucht aux Affaires étrangères.

Sur le fond, les relations sont restées similaires à celles définies par le gouvernement arc-en-ciel, à savoir assurer l’accompagnement du processus de transition, le Congo devenant le premier bé- néficiaire de l’aide publique belge. Par contre, sur la forme, le nouveau ministre des Affaires étran- gères imprimera un autre mouvement à la poli- tique, avec les incidents que l’on connaît depuis 2004.

Il est intéressant de voir quelle est l’action du parlement de la Communauté française dans un contexte où un engagement a été affirmé par le gouvernement fédéral, mais où les choses changent sur le plan de la forme.

La Belgique institutionnelle a évolué et il ré- sulte des réformes que les entités fédérées dé- tiennent des compétences internationales. De son côté, le Congo a également évolué sur le plan insti- tutionnel vers une sorte de régionalisme, voire un fédéralisme qui ne dit pas son nom puisqu’il ne figure pas dans la Constitution. Cependant, lors- qu’on examine le mécanisme de manière générale, on se rend bien compte que la Constitution de la RDC prévoit une forme de fédéralisme dans ses fondements.

Ce régionalisme institue trois niveaux de pou- voir bien distincts : l’État central, les provinces et les entités territoriales décentralisées. Entre l’État central et les provinces, on est clairement face à une forme de fédéralisme. Par ailleurs, les entités territoriales décentralisées forment le troisième pa- lier, qui dépend aussi bien de la province que de l’État central. La loi portant organisation et fonc- tionnement des entités territoriales décentralisées – ETD – essaie de régler les rapports entre les dif-

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férents niveaux.

Finalement, cette décentralisation des ETD sera ce qu’on appelle une décentralisation diffé- renciée. Cela signifie que la décentralisation qui sera mise en œuvre dans le Bas-Congo sera diffé- rente de celle qui pourrait être appliquée au Kasaï oriental ou dans la province de l’Équateur. Toute la dynamique de cette décentralisation sera dif- férenciée en fonction des agendas des uns et des autres.

L’État central édicte la loi au niveau central et les provinces prennent des édits pour régle- menter les rapports entre elles-mêmes et les ETD.

La décentralisation différenciée sera donc mise en œuvre en fonction de l’adoption de ces différents édits.

Le parlement de la Communauté française dis- pose de plusieurs outils, parmi lesquels la coopéra- tion interparlementaire et la diplomatie parlemen- taire.

La diplomatie parlementaire se définit comme un complément de la politique étrangère. Je vais isoler plusieurs faits qui mettront en exergue l’im- plication du PCF dans ce processus.

Lorsque survient la dernière crise entre la Bel- gique et le Congo, le parlement de la Commu- nauté française se trouve à Kisangani pour pro- céder au renforcement des capacités, comme l’a souligné l’honorable président du Kasaï oriental.

Il est donc sur place au moment où des difficul- tés diplomatiques et politiques surviennent entre les deux pays. Par sa présence et grâce à la pour- suite de son travail sur le terrain, le PCF a per- mis d’avoir une autre vision des relations entre la Belgique et la RDC. La crise évoluera crescendo, mais le PCF restera présent à Kisangani et pour- suivra son travail avec les assemblées provinciales.

Il aura permis le maintien de liens qui font par- fois défaut entre les deux gouvernements. Je ne re- viendrai pas sur les différents coups de téléphone échangés, dont certains n’ont pas reçu de réponse.

Autre illustration de la diplomatie parlemen- taire, la Constitution prévoit la création de la Conférence des gouverneurs. La loi portant or- ganisation de cette conférence vient d’être adop- tée et promulguée par le chef de l’État congo- lais. Par ailleurs, la Constitution a institué les assemblées provinciales dirigées par des prési- dents. Ces derniers sont la dynamique même de ce

«régionalisme-fédéralisme» au Congo. Il n’existe pas un outil ou un organe qui ne soit défini dans la Constitution.

Or la coopération avec la Communauté fran- çaise démontre la nécessité d’une coordination,

d’une harmonisation entre les assemblées provin- ciales. Cette dynamique et les formations dispen- sées au Congo permettent de consolider les liens entre les différents présidents des assemblées pro- vinciales et de créer un mouvement indispensable à la mise en œuvre de la décentralisation, mais aussi à une certaine harmonisation de l’architec- ture institutionnelle telle que définie. Le parlement de la Communauté française contribue donc à un renforcement de la cohésion entre les différentes provinces.

S’agissant de la coopération interparlemen- taire, je tenterai d’isoler celle-ci par rapport aux autres partenariats.

De nombreux intervenants viennent en appui aux assemblées provinciales de la République dé- mocratique du Congo. On compte, notamment, le PNUD, la Coopération technique belge, la Ré- gion de Toscane et toutes les coopérations bilaté- rales, notamment la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, les États-Unis et l’Afrique du sud.

À l’heure actuelle, parmi les différents parte- naires en appui au parlement, il existe un cadre de concertation au niveau de Kinshasa auquel parti- cipent, de temps à autre, les représentants des As- semblées provinciales. Plusieurs rapports ont déjà été rédigés et de nombreuses demandes ont été for- mulées, mais il faut avouer que peu de ces parte- naires ont été actifs au niveau des provinces.

Ainsi, le PNUD, défini dès décembre 2006, peine à démarrer. Par ailleurs, la Coopération technique belge a dégagé une série d’axes d’ap- pui aux Assemblées provinciales, mais cet appui n’est pas encore mis en œuvre. Bien que la Ré- gion de Toscane ait déjà effectué plusieurs mis- sions en RDC, son appui tarde également à être mis en œuvre. Enfin, les coopérations bilatérales, notamment France – Grande-Bretagne, ont déjà défini des actions, mais celles-ci ne sont toujours pas mises en œuvre.

Par contre, le PCF a l’avantage d’être pré- sent sur le terrain et de pouvoir travailler avec les différentes Assemblées provinciales. C’est le seul partenaire à avoir développé un axe particulier consistant à utiliser les compétences telles qu’elles existent au niveau du parlement de la Commu- nauté française et à travailler en synergie avec ses homologues.

Ainsi, après les élections et la mise en place des différentes structures définies dans la Consti- tution, il est important d’avoir des institutions qui fonctionnent, même si ce n’est pas immédiatement avec les élus. Tout le monde sait que c’est l’admi- nistration qui ouvre la première séance et qui ins-

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talle les nouveaux élus. Cette administration doit être consolidée non par des formations classiques, mais par le biais d’échanges d’expériences entre les fonctionnaires belges et leurs homologues congo- lais dans des domaines que ceux-ci auront identi- fiés. Les évaluations de ces formations ont montré que l’architecture des échanges a permis d’amélio- rer le fonctionnement de ces institutions.

La consolidation – c’est la deuxième étape – doit se baser sur des échanges parlementaires dans des matières bien définies et non plus sur une dy- namique de formation scolaire. Cette manière de procéder présente l’avantage de montrer ce qui se fait, comment, ainsi que la façon de l’adapter. Ces échanges sont un enrichissement mutuel. La mé- thodologie mise en place par le parlement de la Communauté française a donné un coup d’accélé- rateur au fonctionnement et à la production légis- lative de la RDC.

Sur la base des critères de l’OCDE destinés à voir dans quelle mesure une action est efficace, il apparaît que, dans le cadre de la politique d’har- monisation et d’appui aux Assemblées provin- ciales, le parlement de la Communauté française a une action bien particulière. Les évaluations par les fonctionnaires, le personnel politique et les élus mettent en évidence un taux élevé de satisfaction et des demandes pour que ce travail soit poursuivi en profondeur afin d’aller directement vers la rédac- tion des édits. Il est en effet indispensable que les provinces se dotent d’édits sur la décentralisation pour régler leurs rapports avec leurs entités terri- toriales décentralisées. Il y a aussi la question de la fiscalité locale. À cet égard, j’espère que le par- lement congolais pourra bientôt voter la loi sur la fiscalité et la nomenclature de façon à ce que les provinces puissent rédiger des édits réglementant les échelons à leur niveau. L’appropriation par les partenaires des actions à mener est indispensable.

Notre évaluation a montré qu’elle avait bien eu lieu.

M. Jean-François Istasse. – La parole est à M. Trefon.

M. Théodore Trefon. –Monsieur le président du Sénat, honorables distingués invités, c’est un très grand honneur pour un simple chercheur de présenter ses travaux devant un auguste cénacle.

Il s’agit d’une rencontre internationale de très haut niveau. Je remercie d’emblée les organisa- teurs de m’y avoir associé. Je vous parlerai de la culture administrative en République démocra- tique du Congo. Ma présentation est destinée à un public non congolais. Elle s’adresse surtout à nos collègues parlementaires de la Communauté fran- çaise qui s’intéressent au contexte socioculturel et

socio-politique de la RDC.

Voici le message principal de mon exposé : si le gouvernement congolais n’assume pas toutes ses responsabilités, il n’en demeure pas moins une force incontournable du paysage socio- économique, politique et administratif.

L’État reste omniprésent dans la vie des gens.

Les chercheurs et collègues qui circulent en RDC connaissent les documents portant les cachets des différents responsables de l’administration pu- blique. En voyant de tels documents, on peut se demander comment expliquer la persistance d’au- tant d’agents de l’État si celui-ci n’existe pas !

Quelques hypothèses ont orienté mes travaux : tout d’abord, il y a beaucoup d’ordre dans le désordre. Ensuite, les nouvelles formes d’organi- sation sociale et politique contribuent aujourd’hui à un changement positif quoique traversé par des tensions, des méfiances, des jalousies, des conflits, des trahisons et des violences.

Une parabole circule actuellement en RDC : un génie sort d’une bouteille et demande à un Congolais ordinaire : « Dis-moi ce que tu veux, je donnerai le double à ton voisin ». Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore la réponse, je la don- nerai à la fin de mon exposé.

Pour conclure ce type d’analyse lors d’un col- loque sur la consolidation de la démocratie en RDC, on peut souligner l’importance de l’admi- nistration publique en RDC. Cette administration a été négligée, elle a subi depuis très longtemps de nombreux problèmes organisationnels, mais il faut savoir que la réhabilitation de l’État passe né- cessairement par celle de l’administration.

Cette réflexion traverse les frontières et les ni- veaux. Dans mes travaux, je cherche à réduire l’écart conceptuel entre la théorie de « l’État en faillite » et la compréhension des attitudes et des comportements des gens ordinaires. Autrement dit, il s’agit de réduire cet écart entre l’approche top-down et l’approche bottom-up .

L’administration publique ou l’État donne lieu à trois niveaux de discours : Que disent les gens ? Que l’État est agonisant, qu’il est moribond mais pas mort et qu’il est une coquille vide. Mais que disent les experts ? Que la réhabilitation de l’État congolais est une priorité pour le développement.

Notre constat est que très peu d’efforts sont menés pour restructurer, pour réinventer l’administration et les autres services publics.

J’espère pouvoir trouver ici aujourd’hui des contradicteurs qui me prouveront qu’on est effec- tivement en train de réinventer l’administration.

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En tant que chercheur, je me suis penché sur la question de la littérature consacrée aux États en faillite comme la Somalie, l’Afghanistan, la Bos- nie ou la RDC. J’ai ainsi établi une bibliographie d’une soixantaine de pages. Toutefois, dans cette vaste littérature, je n’ai trouvé que cinq titres por- tant sur la question administrative dans ces États.

Comment peut-on expliquer la persistance, après un conflit, de l’administration dans des États en faillite ? Dans ma liste figurait un rapport publié par la Banque mondiale basé sur la question sui- vante : « Si l’État était une personne, que lui feriez- vous ? »

L’image du fonctionnaire était très bonne dans les dernières années de la période coloniale. Les agents de l’administration jouissaient d’une posi- tion sociale respectable. La détérioration de leur image a suivi la décomposition de l’État. Aujour- d’hui, dire de quelqu’un qu’il porte la veste d’un fonctionnaire revient plutôt à le traiter de minable.

La recherche s’est basée sur plusieurs ques- tions. Pourquoi l’État est-il toujours omnipré- sent dans le quotidien des gens ? Comment se manifeste-t-il concrètement ? Qui sont ses agents ? La raison d’être de l’État congolais se limite-t-elle tout simplement à la prédation ?

Pour répondre à ces questions, nous avons mené des enquêtes auprès des gens ordinaires en RDC : des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, des personnes actives dans le secteur formel et d’autres dans le secteur informel, des travailleurs des secteurs modernes et d’autres de secteurs plus classiques. Les questions portaient spécifiquement sur les relations entre ces per- sonnes et les agents de l’État, les autorités muni- cipales, les agents des entreprises parastatales (Ré- gie des eaux, SNEL), les services de sécurité (po- lice, Agence nationale de renseignement, DGM, douanes, OFIDA, OCC).

Nous nous sommes largement penchés sur l’utilisation du discours populaire dans ces ré- cits de la vie administrative. J’aime particulière- ment cette citation : « Il est inutile de se plaindre contre un crocodile auprès d’un hippopotame car ils vivent tous deux dans les mêmes eaux ». En d’autres termes, si nous avons un problème avec un agent dans un service public d’un pays dé- mocratique, nous pouvons nous adresser à son chef hiérarchique. En RDC, par contre, ces per- sonnes travaillent souvent ensemble pour prendre en quelque sorte en otage les usagers des services publics. Il convient donc de continuer à travailler à la question de l’impunité.

Je voudrais citer une autre expression popu- laire : « Quand on tombe dans l’étang, on en sort

mouillé ». Si nous en avons le temps, je donnerai ultérieurement plus de détails sur ces éléments du discours populaire. On peut aussi se référer aux travaux de Jean-François Bayard consacrés à la

« politique du ventre » qui caractérise l’Afrique.

Les métaphores alimentaires abondent également en l’Afrique centrale. Plus spécifiquement, dans le contexte d’un État en faillite, en situation de post- conflit, en état de réhabilitation, comment peut-on expliquer la persistance de l’administration ?

Nous avons défini trois niveaux d’analyse. Ci- tons, tout d’abord, l’instrumentalisation interne.

Les élites instrumentalisent l’administration pour renforcer leur propre position stratégique, sur- tout en ce qui concerne la sécurité et les fi- nances. Vient, ensuite, l’instrumentalisation ex- terne ; en effet, l’administration joue un rôle ca- pital quant aux relations avec les partenaires in- ternationaux. Le rôle des fonctionnaires est très important, à tous les niveaux, pour mener à bien les actions de la communauté internationale. Sans ces personnes ressources de l’administration pu- blique, vous n’auriez pas d’interlocuteurs capables de vous accueillir. Ce travail reste fondamental. La communauté internationale profite de cette situa- tion et, par la même occasion, reproduit cette ad- ministration.

Vous connaissez évidemment le problème du budget de la RDC, dont la moitié provenait, jus- qu’il y a peu, des appuis de l’extérieur. Pour des raisons d’absorption des fonds, il fallait que la communauté internationale connaisse des per- sonnes ressources sur place.

Au moment de la construction de l’Europe, l’ancien secrétaire d’État américain, Henry Kis- singer a dit : « J’aime bien l’idée de l’Europe, mais quand j’essaie de téléphoner en Europe, je ne trouve pas le numéro de téléphone ». En plus d’être amusante, cette phrase explique aussi le phénomène de l’instrumentalisation externe. Les partenaires internationaux doivent absolument sa- voir avec qui ils sont censés travailler et avec qui ils peuvent réaliser des projets. Cela explique aussi la stabilité des personnes clés des administrations.

Je connais assez bien le secteur congolais de l’en- vironnement, dans lequel je travaille depuis plus de quinze ans. Chaque fois que je participe à une réunion, je suis étonné par la stabilité de ces per- sonnes, qui permet véritablement de faire fonc- tionner la machine administrative. Cela peut sem- bler paradoxal, car on a aussi souvent une vision chaotique de l’administration et on a du mal à imaginer que les fonctionnaires se rendent au bu- reau même s’ils ne sont pas payés ou le sont faible- ment. Or ils sont fidèles au poste. C’est un constat intéressant.

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Le deuxième niveau d’analyse concerne la sur- vie personnelle des fonctionnaires. On assiste à une sorte de privatisation des services et de l’es- pace publics. Les fonctionnaires sont souvent ap- pelés à privatiser leurs services : vente des attesta- tions, utilisation des cachets, etc. Ce qui est inté- ressant, c’est la finesse avec laquelle ils manipulent les symboles du pouvoir et le pouvoir des sym- boles. Il s’agit également d’un constat fort. Pour les fonctionnaires, l’administration et l’espace éco- nomique périphérique ne sont pas à prendre à la légère. Pour eux et pour leur famille, il ne s’agit pas d’une fiction ou d’une coquille vide mais bien d’une réalité vitale.

J’en arrive au troisième niveau d’analyse de la persistance de l’administration. Le plus frappant est que l’administration offre de vrais services.

Certains agents techniques répondent à un besoin social, technique et administratif, assurant un rôle que nul autre service ne peut remplir. Il existe de nombreux exemples où d’autres acteurs ont rem- placé l’État, notamment les ONG qui travaillent dans le domaine de l’éducation et de la santé. Ce- pendant, certains secteurs de la vie économique ont véritablement besoin de ces fonctionnaires.

C’est le cas des services offerts par la Société natio- nale de l’électricité, la SNEL, et la régie de distri- bution d’eau, la REGIDESA. Les gens s’organisent pour payer ces fonctionnaires de l’État et le maté- riel. Dans le cas d’une communauté dans la péri- phérie de Kinshasa ou de Lubumbashi qui s’au- toconstruit sans planification urbaine, les gens se cotisent, prennent contact avec les agents de l’État, avec les différents services et, au bout de compte, ils obtiennent de l’électricité et de l’eau courante.

Par ces mécanismes, la population renforce claire- ment l’existence de l’administration. Il en résulte un système hybride, semi-public, semi-privé, qui mérite d’être analysé davantage.

La négociation est évidemment le fil conduc- teur des relations entre les services de l’État et la population. Les tracasseries, l’intimidation, la vulnérabilité, la régularité face à l’irrégularité et la proximité sont des problèmes récurrents dans les relations entre la population et les agents de l’État. La négociation est un rite de passage lors de tout échange entre un usager et un agent de l’État.

Aléatoire et ambiguë, c’est un code de conduite qui guide les uns et les autres pendant les palabres.

Dans le processus de négociation, le protocole – facilitateur ou intermédiaire – joue un rôle indis- pensable dans toute une série de démarches admi- nistratives. Nos partenaires internationaux, belges en l’occurrence, connaissent très bien la néces- sité d’utiliser les différentes filières avant d’abor- der les questions qui concernent les intérêts de

l’État. Il existe toute une série de personnes res- sources qui peuvent être considérées comme des intermédiaires, y compris le pouvoir coutumier. Je suis heureux que M. Kabamba ait évoqué la néces- sité de descendre sur le terrain, jusqu’au niveau le plus local des entités décentralisées car le rôle des pouvoirs coutumiers y est très important. C’est la raison pour laquelle ils doivent être intégrés dans ce type de réflexion.

Tout le monde a entendu parler du syndrome de Stockholm, que l’on pourrait aussi appeler le syndrome congolais. Souvent, nous observons ce type de phénomène où un usager est pris en otage par un fonctionnaire de l’État. Leurs relations de- viennent alors très ambiguës parce que l’usager, malmené par le fonctionnaire finit par le remer- cier vivement à la fin de la négociation pour les services rendus.

En guise de conclusion, voici quelques constats. Que ce soit dans le secteur formel ou in- formel, à la maison ou dans l’espace public, tout Congolais est condamné à se heurter d’une ma- nière ou d’une autre, aujourd’hui comme demain, aux exigences des fonctionnaires. Si la crise de l’État handicape certes le fonctionnement de l’ad- ministration, elle n’a pas pour autant provoqué sa disparition.

Elle n’a pas, pour autant, provoqué sa dispari- tion. Celle-ci a encore clairement sa raison d’être, tant pour les dirigeants que pour la population.

Pertinente dans les registres socio-économiques et politiques, cette analyse nous aide à mieux com- prendre le fonctionnement et le dysfonctionne- ment de l’État congolais.

Les tentatives de restructuration de l’adminis- tration congolaise, déjà présentes à l’époque colo- niale, constituent plutôt des initiatives stratégiques qu’une réelle distribution du pouvoir.

« Dis-moi ce que tu veux, je donnerai le double à ton voisin », ce proverbe me fait penser aux paroles du Congolais ordinaire, lorsqu’il dit :

« crève-moi un œil », ce qui signifie qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. On évoque sou- vent cette fameuse solidarité congolaise qui fait vivre les citoyens ordinaires aujourd’hui, mais il faut nuancer car cette solidarité a ses limites. Dans ce contexte socioculturel, cette question de la ré- invention de la solidarité et son contraire doit être prise en considération.

Je terminerai par ces questions : quel ave- nir institutionnel pour ces Congolais ordinaires ? Après plusieurs années de partenariat internatio- nal, les résultats sont faibles par rapport à toute une série d’initiatives. On peut donc s’interroger :

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où en est-on avec les stratégies de réduction de la pauvreté ? Le Congolais est-il moins pauvre au- jourd’hui qu’il y a quelques années ? Quel est le bilan de la réforme du secteur judiciaire ? Le pays connaît-il plus de justice de nos jours ?

Compte tenu de la situation dans l’est du pays, on ne peut prétendre non plus que la réforme du secteur de la sécurité ait été très fructueuse. Il en va de même pour la décentralisation. Ce dossier traîne. Pourquoi ?

Où en est-on dans l’application de la nou- velle Constitution ? Les élections ont sans doute été l’élément le plus réussi, mais qu’est-il prévu après les élections pour réhabiliter cet État ?

Quant à la dette, grand dossier mené à bien par les institutions de Bretton Woods, son rééche- lonnement a-t-il permis de progresser dans l’amé- lioration des finances du pays ?

Si je termine mon intervention par ce ques- tionnement, c’est pour souligner la nécessité abso- lue de travailler à la réinvention de l’administra- tion publique congolaise car ces agents de l’État et des institutions décentralisées ont un rôle moteur à jouer dans le développement et le mieux-être du peuple congolais. (Applaudissements)

M. Jean-François Istasse. –Mesdames et mes- sieurs, je vous propose d’adresser vos questions aux professeurs Kabamba et Trefon.

M. Pierre Verjans. –Je voudrais réagir par rap- port à l’aspect négatif de l’intervention de M. Tre- fon. Si on classe les problèmes par ordre de prio- rité, des explications apparaissent clairement. Le premier problème du Congo, c’est la sécurité. Les grandes théories sur l’État de Norbert Elias et de Max Weber évoquent la question du monopole de la violence. Il s’agit d’empêcher les autres de ve- nir semer le trouble chez soi. Les attaques dont le Congo fait l’objet déstabilisent l’appareil d’État, l’armée et les forces de polices. Le système de sé- curité n’est pas crédible, même à ses propres yeux, car il n’est pas en mesure de faire face à une agres- sion extérieure sérieuse. La Constitution pourra être respectée, les élections menées à bien et la dé- centralisation envisagée quand le pays sera en sé- curité. De même, la dette ne pourra être gérée et la pauvreté réduite que lorsque l’État aura les mains libres. Pour autant, il ne faudrait pas se retrancher derrière la guerre à l’est du pays : il existe d’autres problèmes au Congo !

M. Alain Destexhe – M. Trefon n’a donné aucun chiffre concernant la Fonction publique congolaise. A-t-il a une idée de sa taille ? Je n’ar- rive pas à m’en faire une idée claire. Il la présente comme une prédatrice qui nuit à la population

tout en affirmant qu’elle constitue un facteur très important pour une série de projets. Dans l’en- semble, joue-t-elle un rôle plutôt positif ou plutôt négatif ?

Un intervenant. – M. Trefon a mis le doigt sur le vrai problème du Congo. Avant l’indépen- dance et même un peu après, les fonctionnaires étaient respectés parce qu’ils bénéficiaient d’un sa- laire leur permettant de vivre décemment. Les ins- tituteurs étaient considérés, ils avaient des respon- sabilités. Ils étaient presque perçus comme des mo- dèles. Il en était de même pour les catéchistes et d’autres personnes exerçant ce type de fonctions.

Actuellement les salaires des agents de l’État ne leur permettent pas de terminer le mois. Les fonctionnaires sont à la recherche de complé- ments. Ils ne vivent pas, ils survivent.

J’ai été fonctionnaire dans mon pays. J’ai exercé la fonction de chef de division. Le salaire d’un chef de division ne dépasse pas quinze dol- lars par mois ! Comment voulez-vous qu’un père de famille s’en sorte ?

M. Paul Galand. –Il ressort des interventions qu’il s’agit non seulement d’une coopération inter- parlementaire mais aussi d’une coopération inter- assemblées. Cela montre la nécessité d’articuler les deux volets : les élus ou les dirigeants, d’une part, et les fonctionnaires, d’autre part. Dès le début du programme, vous avez voulu mettre cette double dimension en avant. Les exposés que nous avons entendus ont montré la pertinence de ce choix. Il est impossible de progresser sans travailler sur ces deux points d’appui.

M. Thomas Mambo. – Les institutions de Bretton Woods exigent des États qu’ils respectent leurs engagements vis-à-vis du Fonds monétaire international, de sorte qu’un gouvernement ne paie pas ses fonctionnaires pendant six ou sept mois. C’est ce système qu’il faut incriminer.

M. Théodore Trefon. –Lorsque l’administra- tion belge a quitté le Congo en 1960, elle a laissé un vide. Il a fallu trouver des gens qui parlaient le français, qui étaient formés dans les services admi- nistratifs et qui étaient Noirs. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’Haïtiens sont arrivés en RDC.

La conception de l’administration congolaise n’a pas été étudiée convenablement. Elle l’a été sans que l’on demande aux Congolais quel type de fonction publique ils souhaitaient. Le pays est tou- jours tributaire de cette structure post-coloniale qui ne correspond pas forcément au contexte socio-politique. Certaines données sociologiques et culturelles expliquent pourquoi elle fonctionne et « dysfonctionne » en même temps, mais elles

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