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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons

Antoine SOHIER

07/06/1885 Li��ge - 22/11/1963 Uccle

époux de Cécile GULIKERS Magistrat, spécialiste du droit coutumier congolais

Partie I Biographie et « Partie I Biographie et «Partie I Biographie et «

Partie I Biographie et « CarnetsCarnetsCarnets »»»» Carnets

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Antoine Sohier, originaire de Liége, arriva au Congo en 1910, comme substitut du PR à E'ville (L'shi).

Dans les annéees 20, il fut l'auteur des premières mesures légales garantissant la propriété des Congolais et certains droits sociaux élémentaires. Il a aussi contribué à créer des traditions de la magistrature katangaise par :

- son intérêt pour le droit coutumier et ses juridictions;

- sa vigilance à endiguer les contraintes physiques sur les populations africaines, notamment travailleuses;

- son souci du respect de la loi par tous les justiciables, y compris les Européens. Nul ne pouvait prétendre se soustraire à la légalité, se prévaloir de privilèges de naissance, de fonctions ou de nationalité.

On trouvera dans les pages qu suivent la notice qui lui a été consacrée dans la « Biographe coloniale belge » ainsi que des données biographiques plus anecdotiques provenant de sa famille.

Les documents concernant Sohier ou écrits de sa main concernent des périodes et des faits différents de l’histoire coloniale. Ils appartiennent aussi à des genres littéraires différents

1 - Les « carnets » sont des notes prises au jour le jour. Or, Sohier est arrivé en 1910, alors que la colonisation belge succédait à l’EIC de Léopold II, et que les séquelles du régime léopoldien étaient encore bien visibles et présentes. Il a aussi assisté à la fondation d’Elisabethville (Lubumbashi). Il s’agit donc d’un témoignage de première main.

2 - Il a été au cœur des questions relatives à la répression des réquisitions abusives de main d’œuvre et de protection de la propriété collective des communautés indigènes contre les spoliations. A ce titre, il apparaît dans maintes pièces officielles, soit parce qu’il s’agit de rapports dont il est l’auteur, soit parce qu’on le cite abondamment dans la correspondance des Compagnies… comme étant un gêneur.

3 - A Liège, durant la guerre de 40, il écrivit sur base de ses souvenirs un roman « Terre sans Foyer », dont il dit lui-même « J'ai longtemps rêvé d'évoquer les débuts du Katanga et de faire réfléchir à certaines réalités de la vie coloniale en écrivant mes mémoires. Mais quand j'ai tenté de me mettre à l'oeuvre, je me suis convaincu de l'impossibilité de l'entreprise. Il est des détails, des précisions, qu'un magistrat ne peut donner sans manquer à la discrétion professionnelle. Puis, quand on n'a conservé ni journal, ni notes, on devrait, pour arriver à l'exactitude des dates, des décors, des personnages, se livrer à des recherches d'historien et introduire dans les souvenirs une documentation qui les dénaturerait. Enfin, la poursuite de la vérité des détails m'empêchait de montrer une réalité plus profonde, d'opérer la synthèse de la période que je voulais évoquer. Cette vérité plus complète, la littérature d'imagination était nécessaire pour la restituer » . Il s’agit donc d’une oeuvre de fiction, mais dont en même temps la volonté documentaire est évidente.

4 - Antoine Sohier, en tant que professeur à l’Université coloniale, a rédigé un « Traité élémentaire de droit coutumier du Congo Belge » (1949). Cette oeuvre là est donc juridique et pédagogique à la fois. Sous le régime colonial, malgré l'introduction du droit écrit, la coutume continuait à régir bien des domaines de l'existence. Il importe donc de savoir comment les Belges comprenaient et appliquaient le droit coutumier.

5 - Dans les dernières années de la période coloniale et les débuts du Congo indépendant, il échangea une assez abondante correspondance avec un autre grand critique de la colonisation : le R.P. Gustave Hulstaert.

Bonne lecture !

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PRE SEN TAT ION DU JOU RN AL

COM MEN T ET POU RQU OI ANTO INE SOH IER PAR T AU CON GO BEL GE.

Ant oin e Soh ier voi t le jou r en Gér ard rie , au cœur de Liè ge, le 7 jui n 188 5. Sa mèr e éta it née en ban lie ue sud dan s un fo yer ouv rie r d'i m mig rés ard enn ais ori gin air es de Docha mp s. Son pèr e, ven u de Bon inn e, prè s de Nam ur, éta it age nt de pol ice de la Vil le.

Le cou ple s'é tab lit rue du Hau t- Pré , dan s le qu art ier oue st de Liè ge. Leu r fil s y rés ida jus qu' à son dép art en Afr iqu e. Il par lai t wal lon ave c ses par ent s et fit ses étu des pri mai res à l'é col e com mun ale . Son pèr e s'é lev a dan s la hié rar chi e pou r dev eni r com mis sai re de pol ice adj oin t. Il mou rut à tre nte -neu f ans d'u ne mal adi e con tra cté e en ser vic e com man dé. Son fil s en com pta it tre ize .

De ce pèr e, il ava it not amm ent ret enu l' art de l'e nqu ête pol ici ère , mai s aus si, dan s les cou lis ses du Thé âtr e Roy al don t il dir ige ait vol on tie rs le ser vic e d'o rdr e, le goû t de l'o pér a. Veu ve, sa mèr e ouv rit une pet ite épi cer ie à son dom ici le.

Ant oin e Soh ier obt int une bou rse d'é tud es pou r le co llè ge St-Ser vai s.

Tou jou rs bou rsi er, il ent ra à l'U ni ver sit é de Liè ge. Il en sor tit doc teu r en dro it en jui lle t 190 8. A l'é poq ue, la fa cul té de phi los oph ies et let tre s éta it dom iné e par la pui ssa nte per son nal ité de God ef roi d Kur th, his tor ien , un des pio nni ers de la dém ocr ati e -chr éti enn e. Cel le de dro it, par Gér ard Gal opi n, me mbr e du Con sei l sup éri eur de l'E tat ind épe nda nt du Con go (1) .

A l'U ni ver sit é, Ant oin e Soh ier pen cha ver s la dém ocr ati e chr éti enn e, mai s au mom ent où ses séc ess ion s éta ien t con tré es par le nou vel évê que de Liè ge, Mgr Rut ten , il la voy ait com me la gau che d'u n par ti cat hol iqu e uni qu e. Wa llo nis ant , il fo nda un cer cle est udi ant in de lit tér atu re pat ois ant e, et, à tit re de pré sid ent , fut l'i nvi té des réu nio ns de son pen dan t fla man d.

Eta bli com me avo cat sta gia ire , il se lan ça dan s la vie soc ial e et fut ain si co - fo nda teu r du con sei l par tic uli er de la soc iét é de St Vin cen t de Pau l de Liè ge, de la mut uel le Ste Mar gue rit e et, tou jou rs dan s son qua rti er, du pre mie r syn dic at de hou ill eur s chr éti ens qu 'il bap tis a "Le s Fra ncs Min eur s".

Il met tai t au poi nt un pro jet de coo pér ati ve et éta it app roc hé pou r une can did atu re éle ct ive , qua nd, en tan t que pré sid ent de la Jeu nes se Ste Mar gue rit e, il se vit obl igé de par tic ipe r à la ret rai te ann uel le du cer cle à l a mai son de Xho vém ont . Il sui vit dis tra ite men t les exe rci ces spi rit uel s, mai s cet te pau se fo rcé e dan s ses act ivi tés , lui per mit de fa ire le poi nt et de con clu re que la pol iti qu e n'é tai t pas son

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fa it. Il déc ida sim ult ané men t de dem and er la mai n de Céc ile , â gée de dix -sep t ans , la sœur de son ami Emi le Gul ike rs, et de s'e nga ger en tan t que mag ist rat pou r un ter me au Con go où, loi n de son mil i eu, il déc ide rai t de son ave nir .

Dès son ret our à la mai son , il con tac ta sa fu tur e épo use et le pro fe s seu r Gal opi n (2 ). Il liq uid a son cab ine t, ne con ser van t que son pap ier à let tre à en -têt e, dém iss ion na des div er ses ass oci ati ons don t il fa isa it par tie et, réd uit à que lqu es sem ain es d'i nac tiv ité , par has ard , en pro men ade en vil le, acq uit un man uel gen re

"Ap pre nez l'a ngl ais san s pei ne" qui ten ait lie u à l'é poq ue d'A ssi mil .

Au min ist ère des Col oni es, il rem pli t la rit uel le fic he que sti onn air e et eut l'i mpr ude nce , et l'i mpu den ce, de déc lar er qu' il par lai t l'a ngl ais . Cet te ent ors e à la vér ité dev ait cha nge r tou te sa des tin ée et cel le de la lig née qu' il fo nde rai t. Car le can did at dés ign é pou r le Kat ang a éch oua à son exa men de fin de sta ge et Ant oin e Soh ier vit , en der niè re min ute , sa des tin ati on ini tia le pou r Bom a rem pla cée par cel le du Cap .

Du vas te mon de, il n'a vai t alo rs pa rco uru en tra in, en vic ina l et sur tou t à pie d que sa pro vin ce nat ale , la val lée de la Meu se jus qu' à Din ant , les por tio ns lim itr oph es des deu x Lim bou rg et de la Pru sse , y com pri s Mal méd y où il pou vai t par ler wal lon et san s oub lie r Mor esn et -Neu tre , ain si que la par tie nor d-est de la pro vin ce du Lux emb our g. Il ava it eff ect ué des rai ds cul tur els dan s les pro che s mét rop ole s: Par is, bie n sûr , Bru xel les et Anv ers . En out re, ave c que lqu es ami s étu dia nts , il ava it sil lon né à pie d les deu x Fl and res .

I L DE CI DE DE TE N I R UN JO UR N AL .

Ava nt son dép art , il ava it déc idé qu' à côt é des cor res pon dan ces per - son nel les , il réd ige rai t un jou rna l qui pou rra it cir cul er dan s le cer cle de ses ami s.

A ce mom ent , sa bib lio gr aph ie dre ssé e en 196 5 rep ren d à son act if une qui nza ine de tit res , les deu x tie rs par us sou s des pse udo nym es fa cil es à per cer : le tex te d'u ne con fé ren ce sur le poè te wal lon Nic ola s Def rê che ux, une col lab ora tio n à une rev ue est udi ant ine , une aut re à un cha nson nie r, et une sér ie de poé sie s, les deu x tie rs en wal lon . Vin gt ans plu s tar d, nou s déc ouv rir ons dan s le Pat rio te ill ust ré vin gt et un au tre s poè mes en fr anç ais sig nés de son nom et éch elo nné s de 190 6 à 190 9 (3) .

Un de ses mei lle urs am is, Vic tor Mor ema ns, fa isa it ses pre mie rs pas com me chr oni que ur lit tér air e de la Ga zet te de Lié ge. Par lui , il fu t con ven u ave c le dir ect eur du jou rna l, Jos eph Dem art eau , qu' il env err ait du Kat ang a une sér ie de rep ort age s, sou s le pse udo nym e her mét iqu e Jac que s Cou rli .

Le pre mie r Jac que s Cou rli par ut en oct obr e 191 0, ses tro is der nie rs poè mes , sou s son nom , dan s le Pat rio te ill ust ré de nov emb re, l'u n ava it été com pos é en mer , un aut re à Tsh ins end a. Dès lor s, jus que fin 192 4, il ne pub lie ra que sou s

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pse udo nym e, Jac que s Cou rli pui s, à par tir de 192 3, Jea n du Ter ril , seu le exc ept ion une cha nso n wal lon ne de 191 2 et un art icl e sur L'e nse ign eme nt au Kat ang a dan s le num éro spé cia l de L'E toi le du Con go du 15 jui n 192 1.

Son jou rna l, écr it au st ylo gr aph e d'a bor d, pui s tap é à la mac hin e à par tir de mai 191 1, l'e st pre squ e en ent ier , rec to et ver so, sur son pap ier pel ure d'a voc at. Il ne se rel it pas , le sty le cou rt, rel âch é. Sau f ind isp osi tio n ou gr ave inc omm odi té de voy age , il est ten u au jou r le jou r du 26 ma i 191 0 au 3 fé vri er 191 1. A dat er de ce mom ent , il dev ien t heb dom ada ire , pou r rep re ndr e le cou rs jou rna lie r du 3 ma i au 3 jui lle t 191 1. Ens uit e il red evi ent heb dom ada ire , pou r fin ir par n'ê tre que men sue l et s'i nte rro mpr e le 5 mar s 191 2. Auc une not e ent re cet te dat e et le 19 jui n, mom ent où il qui tte le Kat ang a. Il déb arq ue en Eur ope le 14 ju ill et et se mar ie, à Liè ge, le 22 aoû t 191 2.

AVA NT AGE S ET INC ONV ENI ENT S D'U N JO URN AL.

Un jou rna l com por te à la fo is des ava nta ges et des inc onv éni ent s.

Ceu x-ci en pre mie r.

Le sty le n'e st pas pol i et com por te des inc orr ect ion s, sur tou t, com me c'e st le cas, si l'a ute ur ne se rel it pas . Mêm e au jou r le jou r, les inc ide nts fon t l'o bje t d'u n tri . Or ceu x qui ont été éli min és peu ven t mar que r la mém oir e. Not re pèr e nou s a rac ont é mai nte s ane cdo tes sur son pre mie r ter me qui ne fig ure nt pas dan s son jou rna l, ni dan s ses écr its ult éri eur s: il en ava it pou rta nt gar dé sou ven anc e des diz ain es d'a nné es plu s tar d. Cer tai nes ins ign if ian tes , d'a utr es non (4) .

De plu s, les fa its rap por tés le son t san s per spe cti ve, ils son t sus cep tib les de se rév éle r imp ort ant s dan s une séq uen ce à ven ir, ou san s pro lon gem ent . A cha ud, les sen tim ent s peu ven t êtr e exc ess ifs , mêm e, inf lue ncé s par l'é vén eme nt, par la der niè re con ver sat ion , tra hir , sou s le cou p d'u ne émo tio n pas sag ère , la pen sée pro fo nde du scr ipt eur , ou ses réf lex ion s plu s po sée s. C'e st un non -sen s de pre ndr e une bou tad e au pie d de la let tre .

Par con tre , le jou rna l com por te des ava nta ges .

Jus tem ent d'a bor d de ne pas mas que r la psy cho log ie de l'a ute ur, de rév éle r san s far d ses sen sat ion s véc ues . Les not es jou rna liè res fo urn iss e nt le mom ent exa ct de la sur ven anc e de div ers inc ide nts . Not re frè re Alb ert l'a épr ouv é lor s d'u n déb at rad iop hon iqu e sur la Séc ess ion kat ang ais e: au vu des jou rna ux fa mil iau x de ses deu x fr ère s, il poi nta it des int erv ers ion s des fa its dan s l'e xpo sé de l'a nim ate ur qui s'e n éta it fai t l'h ist ori en, ce qui enl eva it tou te per tin enc e à cer tai nes de ses int erp rét ati ons .

Dan s le cas d'A nto in e Soh ier , Jac que s Cou rli , par une sér ie d' art icl es de syn thè se con tem por ain s et cen tré s cha cun sur un thè me, rem édi e au car ac tèr e déc ous u du jou rna l. Il en ann exe cer tai ns, iné dit s, à son jou rna l.

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De plu s, il en a pub lié lui –mêm e une par tie , pse udo nym e Jea n du Ter ril , sou s le tit re A l'a uro re du Kat ang a du 23 jui n 192 3 au 15 jan vie r 192 4, dan s la fe uil le heb dom ada ire L'E toi le du Con go pui s, apr ès sa dis par itio n, dan s le men sue l Le Foy er , tou s deu x édi tés à Eli sab eth vil le. Mai s il s'a git d'e xtr ait s, ave c des cor rec tio ns de sty le, san s imp ort anc e sur le fo nd, ave c le sou ci de mas que r sa per son nal ité (so n ide nt ité ne fu t per cée que peu ava nt 196 0), mai s enc ore et sur tou t rem ani é en con nai ssa nce de l'é vol ut ion des fa its , gom man t la sen sat ion épr ouv ée au mom ent où ils se pr odu isi ren t et éli min ant les "f utu rib les ", les "si " qui se pos aie nt alo rs.

En out re, Ant oin e Soh ier , dan s de nom br eux écr its éch elo nné s dan s le tem ps, s'a ppu ie sur ses exp éri enc es du pre mie r ter me, soi t dan s des art icl es, soi t sou s fo rme de fic tio ns lit tér air es. Qu' il se pro dui se un mal axa ge dan s une fic tio n, mêm e à voc ati on aut obi ogr aph iqu e, est un pr oce ssu s nor mal , mai s enc ore dan s un exp osé did act iqu e, et plu s on ava nce dan s le tem ps, plu s c'e st vra i, jou e la fo nct ion inc ons cie nte du cla sse men t des don née s mém ori sée s qui alt ère les fa its .

Mal gr é sa for me ari de et rép éti tiv e, le jou rna l dem eur e don c un doc u men t ess e nti el. Il peu t con ten ir un res sor t dra mat iqu e de nat ure à ra vir un rom anc ier en quê te d'i ntr igu e : ain si, à Eli sab eth vil le, si nou s nou s bor non s à la riv al ité bel go - bri tan niq ue, le Con sul est le pre mie r Ang lai s ren con tré par le Sub sti tut de ceu x qu' il fré q uen ter a au Kat ang a. Ils s'a ff ron ten t. Mai s au mom ent de s'e nfo nce r au cœur des tén èbr es kat an gai ses , le der nie r com men sal du Sub sti tut ser a le Con sul . Com me le voy age au bou t de la nui t de la cri min ali té tra dit ion nel le à Kia mb i déb ouc he sur une int err oga tion : que l est le sta tut de l'i ndi gè ne civ ili sé dan s la soc iét é col oni ale ?

Pou r clô tur er cet te pré sen tat ion gén éra le du jou rna l, nou s dev ons ins ist er sur le fa it qu' il a été tra cé par un jeu ne hom me, au dép art d'u ne exp ér ien ce lim ité e et pét ri par les idées de son tem ps et de son mil ieu . C'e st ind isp ens abl e dan s l'a mbi anc e réd uct ric e des méd ias act u els . D'a ucu ns pou rra ien t se sai sir d'u ne lig ne iso lée pou r car ica tur er l'a ute ur. Il est évi den t, par exe mpl e, qu' à pro pos des Ang lai s, des Jui fs , des Fla man ds ou des Noi rs, le jo urn al ava nce des phr ase s qui cho que nt.

Ell es son t en con tra di cti on com plè te ave c le com por tem ent d'A nto ine Soh ier . Il n'e st ni ang lop hob e, ni ant isé mit e. Un seu l fa it le pro uve de fa çon déc isi ve: en 194 0, il a ris qué sa vie tan t pou r la déf ens e des Bri tan niq ues que cel le des Isr aél ite s. Dès jui lle t, peu t- êtr e mêm e en jui n, il lan ça des tra cts cla nde sti ns dif fu sés par le sys tèm e

"bo ule -de -nei ge" . Le bes t-sel ler de la sér ie, par ven u en Ang let err e et dif fu sé sur les ond es de la BBC , s'i nti tule "Le s Ang lai s et Nou s" (5) . Le moi ns rep rod uit , à un mom ent où tra îna ien t dan s l'o pin ion des cli ché s écu lés où les occ upa nts n'a vai ent pas enc ore pri s des mes ure s dis cri min ato ires con tre eux , "Le s Jui fs et Nou s".

Il est sup erf éta toi re de men tio nne r les bon nes rel ati ons per son nel les d'A nto ine Soh ier ave c mai nts Ang lai s et Jui fs . De mêm e, plu sie urs de ses ami s, mêm e int ime s, fur ent fla man ds, cer tai ns "fl ami nga nts ", à com men cer par le

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pré sid ent du cer cle lit tér air e est udi ant in fla man d de Liè ge. Il vei lla t ouj our s à la pré sen ce dan s cha que par que t de son res sor t d'u n fo nct ion nai re par lan t le née rla nda is, et qua nd il fu t cha rg é de la bib lio thè que pub liq ue d'E lis abe thv ill e, il eut pou r bra s dro it son sec rét air e du par que t gén éra l au nom de plu me Fra ns Dem ers , auq uel il con fia l'a cqu isi tio n des pub lic ati ons née rla nda ise s.

Qua nt aux Afr ica ins , tou te sa vie est tém oig nag e. Il nou s fa ut qua nd mêm e ins ist er sur le fa it que s'i l réc lam e de la fe rme té ici ou là, il fu t tou jou rs adv ers air e de la fo rce coe rci tiv e. Dev enu pro cur eur gén éra l, plu s lib re de s'e xpr ime r, il rej eta enf in le mas que de l'a non yma t. Son pre mie r art icl e en 192 4 dan s le num éro 1 de la Rev ue Jur idi que du Kat ang a , dén onç a une pra tiq ue ins idi eus e de rec rut eme nt fo rcé . Mai s, en 193 2, il rep rit un pse udo n yme , E.R ., pou r con fie r à la Ga zet te de Lié ge des réf lex ion s sur la pol iti que col oni ale , mai s sur tou t deu x ar tic les sur le tra vai l fo rcé .

AFF ECT ATI ON AU PAR QUE T D'E LIS ABE THV ILL E: SON CON TEX TE.

Le 26 mai 191 0, Ant oin e Soh ier qui tte Liè ge et s'e mba rq ue, à Anv ers , pou r Lon dre s. Le 28, à Sou thh amp ton , il gr avi t la pas ser ell e du S.S . Ger man de l'U nio n Cas tle Lin e. Le paq ueb ot rel âch e le 2 jui n à Las Pal mas , le 10 à l'A sce nsi on et le 13 à Sai nte - Hél ène . Le 20 jui n, le voy age ur déb arq ue sur le con tin ent afr ica in à Cap e- Tow n. Il pre nd arr ang eme nt ave c l'a gen ce Coo k pou r la vis ite de la vil le et deu x bre fs séj our s, l'u n à Kim ber ley , où il se tro uve le 25, l'a utr e aux Vic tor ia Fal ls, le 29.

Le 3 jui lle t 191 0, il log e à Bro ken Hil l, d'o ù il ne peu t pou rsu ivr e sa rou te, au pet it bon heu r la cha nce , qu' en wag on de mar cha ndi ses . Le 6, il arr ive à Sak ani a où l'a tte nd une pil e de dos sie rs. Le 16, il mèn e d'a utr es enq uêt es à Tsh ins end a. Le pre mie r aoû t, il pou rs uit son voy age jus qu' au ter min us de la lig ne de che min de fe r en con str uct ion et y cam pe. Le len dem ain , il emp run te la rou te des car ava nes , pou r enf in dre sse r sa ten te à la Kaf ubu le 3. Le 4, il s'i nst all e à l'E to ile du Con go. Le 7 sep tem bre , il ret our ne en vél o à Tsh ins end a pou r enq uêt e. Il réi ntè gr e sa cha umi ère le 19.

Le 30 nov emb re, il par t pou r une tou rné e en bro uss e qui le con dui t à Kas eng a, Luk afu et Kon i. Le 12 jan vie r 191 1, il reg agn e l'E toi le . Le 6 fé vri er, il dém éna ge pou r la Lub umb ash i. Le 3 mai 191 1, il qui tte Eli sab eth vil le, mai s est blo qué à l'E toi le sui te à la dés ert ion d'u ne par tie de ses por teu rs. Enf in le 12, il gag ne l'i nté rie ur à des tin ati on de Kia mbi .

Pou r com pre ndr e le jou rna l, il est ind isp ens abl e de bro sse r, à lar ges cou ps, le mil ieu dan s leq uel pén ètr e Ant oin e Soh ier .

Men tio nno ns les deu x emp ir es, lun da et lub a, qui ont rec ouv er t, en son ent ier , le Kat ang a, et, en pré lud e à l'E tat ind épe nda nt du Con go, la pén étr ati on ara be au Tan gan ika et au Moe ro, en réa cti on la fo rma tio n par MSi ri, ver s 186 0, de l'e mpi re Yek e au Sud -Kat ang a, san s oub lie r l'E ta t de fa it con sti tué par les Pèr es

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Bla ncs d'A fr iqu e le lon g du Tan gan ika en 187 9. La den sit é de la pop ula tio n est alo rs com par abl e à cel le de l'a ctu el Sah ara ex -esp agn ol, et plu s l'o n s'e nf onc e ver s le mid i, plu s ell e se ra réf ie: en 190 4, dan s "la rég ion mini ère ... sur une sup erf ici e de 15. 000 km ², on ren con tra it vin gt - cin q vil lag es, ne tot ali san t pas plu s de 4.0 00 âme s"

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Les res sou rce s nat ure lle s, non -viv riè res , du Sud -Kat ang a son t rée lle s: sel , cui vre et ivo ire . Le cui vre fa it l'o bje t dep uis lon gt emp s d'e xpo rta tio ns int era fr ica ine s mai s aus si ver s l'o utr e-mer par Ben gue la et Mal ind i. Les "ma nge urs de cui vre ", pou r leu rs cam pag nes ann uel les , fo nt app el à une mai n -d'œuvr e ext érieu re, de plu s les car ava nie rs son t in vit és à app ort er des viv re s et à prê ter leu rs bra s ava nt d'e nle ver la mar cha n dis e.

La pre miè re imp lan tat ion eur opé enn e dur abl e dan s l'e mpi re Yek e est cel le du mis sio nna ire éco ssa is Fre der ick Arn ot, fo nda teu r de la Gar ang anz e Mis sio n. En 188 6, prè s de la Luf ira , il s'i nst all e dan s la cap ita le de MSi ri, Bun key a. Sui t la cou rse au clo che r ent re Cec il Rho des out ill é de sa Cha rte red fon dée en 188 9 et l'E tat ind épe nda nt rep rés ent é par la com pag nie du Kat ang a ins tit uée en 189 4 qui se mue ra en 190 0 en Com ité Spé cia l du Kat ang a. L'E tat ind épe nda nt l'e mpo rte en 189 1 et cré e, pou r sur vei lle r Bun key a le pos te de la Lof oi, aux pie ds des Kun del ung u. Sui te à la mal adi e du som mei l, il fu t dép lac é sur le ma ssi f mon tag neu x, à Luk afu .

Lof oi/ Luk afu con sti tue la sec ond e imp lan tat ion eur opé enn e au Sud -Kat anga . Ell e app art ien t au C.S .K. don t ell e con st itu e le pos te le plu s loi nta in. Ell e est moi ns éto ffé e que cel le de la mis sio n. Mai s Cec il Rho des n'a pas tot ale men t abd iqu é: un de ses lie ute nan ts, l'é cos sai s Rob ert Wi lli am s, fo nda teu r en 189 7 de la Tan gan yik a Con ces si ons Lim ite d, ave c son géo log ue Geo rg e Gre y, ne s'a tta rde guè re à ses déc ou ver tes dan s le fut ur Cop per bel t rho dés ien , mai s pou sse une poi nte en 189 9 ver s la Lub umb ash i, et il pro cla me avo ir tro uvé de l'o r plu s à l'o ues t, dan s les aff lue nts de la Luf ira .

La T. C.L . est à l'o rig ine de la tro isi ème imp lan tat ion eur opé enn e au Sud - Kat ang a. Le C.S .K. vei lle au gr ain , la T. C.L . ent re dan s la lég ali té et se voi t con céd er des dro its de rec her che et d'e xpl oit ati on. Si le cui vre est abo nda nt, en l'é tat il n'e st pas exp loi tab le, ma is, à Ru we, la T. C.L . a tro uvé de l'o r. Au cou rs de l'a nné e 190 2, le C.S .K. fa it vér ifi er les déc ouv ert es par son géo log ue Hen ri But tg enb ach , élè ve une pro tes tat ion con tre les inc urs ion s des tro upe s bri tan niq ues sur la riv e gau che du fle uve fr onti ère Lua pul a, et une vin gt ain e d'h omm es du Cor ps de Pol ice du Kat ang a, l'a rmé e du Com ité , dég age des pro spe cte urs bri tan niq ues en dif fic ult é.

Le C.S .K. va sor tir la T. C.L . de dif fic ult és tem por air es de tré sor eri e. Un mod us viv end i acc ept abl e s'e st cré é. Geo rge Gre y, dev enu dir ect eur de la T. C.L . au Kat ang a et fr ère de sir Edw ard Gre y, sec rét air e au For eig n Off ice , vol e au sec our s

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de l'E tat ind épe nda nt au cou rs de la cam pag ne ant i -con gol ais e.

En jan vie r 190 7, que l est le peu ple men t des non -aut och ton es au Sud - Kat ang a ? Il est imp oss ibl e de le chi ff rer ave c exa cti tud e: la pop ula tio n est d'u ne ext rêm e mob ili té et les doc ume nts pri vés et adm ini str ati fs son t lac una ire s (7) .

De Lue mbe (Sa kan ia) à Bus ang a, min e d'é tai n, en pas san t par l'E toi le du Con go (le z- Lubumb ash i), Kam bov e (le z -Lik asi ) et Ruw e (le z- Kol wez i) œuvr ent prè s d'u ne diz ain e de mis sio nna ire s (do nt des fem mes ), une tre nta ine d'a gen ts de la T. C.L . et, en sym bio se ave c ceu x-ci, aut ant d'i ndé pen dan ts div ers , sur tou t pro spe cte urs . En ret rai t, une dem i -douz ain e d'a gen ts du C.S .K. sur vei lle nt la pén é - pla ine dep uis leu r nid d'a igl e de Luk af u. Ils ne s'a ven tur ent au sud que pou r de cou rte s ran don née s.

80% des Bla ncs son t ori gin air es de Gra nde -Bre tag ne ou des col oni es de peu ple men t du Com mo nwe alt h, les Bel ges avo isi nen t les 5%. Pou r les Afr ica ins étr ang ers à la rég ion , la moi tié de la mai n -d'œuvr e pri vée pro vie nt des Rho dés ies et du Nya ssa lan d. Ici , enc ore plu s, l'i nst abi lit é règ ne. Ils son t que lqu es cen tai nes , moi ns d'u n mil lie r. Les aux ili air es de l'a dm ini st rat ion du C.S .K. , y com pri s la gar nis on mil ita ire , se mon ten t à que lqu es diz ain es d'h omm es, en ret rai t sur les Kun del ung u.

L'a ngl ais est la lan gue des éch ang es ent re Eur opé ens , le swa hél i ver nac ula ire est mât iné de tsh ibe mba , la mon nai e qui cir cul e est le shi lli ng, poi ds et mes ure s son t bri tan niq ues , les app rov isi onn eme nts qui , au déb ut, éta ien t ach emi nés de Ben gue la à dos d'h omm es ou par cha rs à bœufs , depuis l'a vance du rai l à tra ver s les Rho dés ies , pro vie nne nt de l'A fr iqu e du Sud . Le C.S .K. qui dép end de s int erm ina ble s voi es du nor d, est han dic apé .

Fin 190 6, est cré ée l'U nio n Min ièr e du Hau t-Kat ang a, com bin ais on de cap ita ux de la T. C.L ., du C.S .K. (l' Eta t pou r les deu x tie rs) et de la Soc iét é Gén éra le. L'e xpl oit ati on est con fié e aux ex -age nts T.C .L. , mai s, dès 190 7, les ren for cen t une dou zai ne de Bel ges .

En mai 190 9, le pri nce Alb ert vis ite le Sud -Kat ang a. Trè s ému par son ang lic isa tio n, il est ime que l'a dmi nis tra tio n aur ait dû s'i nst all er à l'E toi le (8) . Peu apr ès, la dir ect ion de l'U .M. dém éna ge de Kam bove pou r l'E toi le, bap tis ée Eli sab eth min e par le re pré sen tan t bel ge loc al de la soc iét é. En aoû t, est imm atr icu lé à l'E toi le un ing éni eur amé ric ain , Pre sto n- Kin g Hor ner , cha rgé d'i mpl ant er une fo nde rie de cui vre . En oct obr e, Emi le Wa nge rmé e, rep rés ent ant du C.S .K. , dre sse sa ten te à la Kaf ubu qu' il app ell e Eli sab eth vil le. Bie n ent end u, il a fa llu l'a cco rd du pri nce pou r l'u til isa tio n du pré nom de la pri nce sse .

La dém ogr aph ie a sui vi. La pop ula tio n eur opé enn e, don t la mo iti é s'i nst all e aux env iro ns de l'E to ile et de la Kaf ubu , dou ble . Les Bri tan niq ues fo urn iss ent 43%

des nou vea ux imm igr ant s, mai s le con tin gen t bel ge est de 28% . L'e nse mbl e des hab ita nts don t la lan gue mat ern ell e est l'a ngl ais dép ass e 60% . A côt é des

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ins tal lat ion s som mai re men t urb ani sée s de l'U nio n Min ièr e à l'E toi le, les arr iva nts cam pen t, sou s ten tes ou sou s hut tes , rel iés ent re eux par des sen tie rs. Les Afr ica ins s'i nsè ren t dan s ces gra nds vil lag es.

Le mou vem ent s'a cce ntu e en 191 0. Au mo men t de l'a rri vée du sub sti tut , l'i mmi gr ati on nou vel le a tri plé le nom bre d'E uro pée ns, par mi les imm igra nts se tro uve nt 40% de Bel ges et 31% de Bri ta nni que s. Le nom bre d'a n glo pho nes de nai ssa nce chu te à 50% . Cep end ant , en fin d'a nné e, ave c l'a rri vée du rai l, s'a mèn ent de nou vea ux con tin gen ts, où les Bri tan niq ues dép ass ent lég ère men t les Bel ges (34 % con tre 30% ), san s cha nge men t sig nif ica tif des pro por tio ns ent re les gr oup es bel ge, bri tan niq ue et cos mop oli te.

Fin 191 0, qua nd le gro s de la pop ula tio n qui tte les sit es de l'E to ile et de la Kaf ubu pou r s'i nst all er à la Lub umb ash i, la pop ula tio n bla nche avo isi ne les 300 âme s, et mêl ée à ell e, la pop ula tio n noi re le mil lie r. Il est dif fic ile d'é val uer le nom bre de bro uss ar ds, pro spe cte urs , réc olt eur s de cao utc hou c, cha sse urs ou com mer çan ts amb ula nts qui gra vi ten t autour de l'a gg lom éra tio n, une tre nta ine san s dou te.

Fin 191 2, qua nd à l'i ssu e de la sai son sèc he, les Afr ica ins aut res que les pro che s et dom est iqu es qui tte ron t en maj ori té le qua dri llé de Lub umb ash i pou r gag ner leu r cit é pro pr e, les Eur opé ens son t à peu prè s un mil lie r, les Afr ica ins cin q ou six fo is aut ant .

C'e st à la sai son sèc he de 191 0 que son t à pie d d'œuvr e Gus tave Itt en et son équ ipe de tra vau x pub lic s cha rg és de des sin er sur le ter rai n la vil le nou vel le, sur le pla tea u de la Lub umb ash i, cho ix dic té p ar la dén ive lla tio n de la riv ièr e qui per met de cre use r un can al d'a men ée des eau x ind isp ens abl e à la con str uct ion d'u n fo ur wat er -jac ket . Au mêm e mom ent son t arr ivé s les fo nct ion nai res cha rg és du mai nti en de l'o rdr e: pol ici ers com mun aux de Bel giq ue, off ic ier s et sou s -off ici ers de la fo rce arm ée et mag ist rat s de pre miè re ins tan ce.

Le pro cur eur d'E tat Mar tin Rut ten , apr ès un déb ut de ter me à Bom a où il ava it exe rcé des fo nct ion s de hau t mag ist rat , ava it ins ist é pou r ret our ner à Luk afu et obt enu une pro lon gat ion . Mai s le tem ps s'é cou lai t. Il ven ait à pei ne, des cen du des Kun del ung u ave c ses arc hiv es, d'a voi r con str uit un par que t à l'E toi le, qu' il fit , déb ut mai , la rem ise -rep ris e ave c le sub sti tut Sig val d Mee k qui , de son côt é, ava it dem and é à êtr e réa ff ect é au Su d-Kat ang a. Le sub st itu t Chi ril a And rei u qui cho i sit les fo nct ion s de jug e, s'a men a un moi s plu s tar d.

AFF ECT ATI ON AU PAR QUE T DE KI AMBI : SON CON TEX TE ET L' "AM NIS TIE ".

Le 12 mai 191 1, Ant oin e Soh ier a qui tté l'E toi le. Il emp run te la rou te de Kia mbi et att ein t Luk onz ol wa, sur le Moe ro, le 31 mai . De Luk onz ol wa, le 3 jui n, il fa it pou rsu ivr e son che min par le gr os de la car ava ne, mai s, ave c que lqu es por teu rs,

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il va men er dan s l'a rri ère -pay s, che z les Baz ela , une enq uêt e. Le 14, il rep ren d sa tra jec toi re ver s Kia mbi . Le 21 jui n, il arr ive à des tin ati on. Le 27, il qui tte le pos te pou r eff ect uer une enq uêt e à l'i nté rie ur dan s une rég ion qu' il ne spé cif ie pas . Il rev ien t le 2 jui lle t.

Le 31 jui lle t, ave c une fo rte car ava ne et plu sie urs sol dat s, il qui tte Kia m bi, tra ver se la Luv ua (L uka lab a) et bal aie la rég ion nor d -oue st de Kia mbi jus qu' au Lua lab a. Il tra ver se le fle uve (ce qu' il ne déc rit pas ) et se dir ige ver s l'a val : il se tro uve , en eff et, dan s la sec ond e par tie du moi s d'a oût sur la riv e gau che , non loi n du con flu ent ave c la Luk uga , au nor d de la zon e de peu ple men t con tin u des Bal aba - Sha nka di. Il rem ont e la val lée ver s le sud pou r att ein dre Kik ond ja, prè s du lac Kis ale , d'o ù il écr it le 11 sep tem bre . Auc une ind ica tio n sur son voy age ret our , il réi ntè gr e Ki amb i fin sep tem bre .

Dep uis le 11 sep tem bre , son "jo urn al" s'e st esp acé , il par le de cho ses et d'a utr es, de moy en int érê t, pre squ 'an ecd oti que s. Cep end ant fin déc emb re et déb ut jan vie r (il se pro dui t une int er ver sio n dan s les fe uil les ) le jou rna l évo que d'a bord la fig ure d'u n cer tai n Kun da -wa-NGu lu, che f d'u ne rég ion au nor d-est de Kia mbi , et se lan ce dan s des des cr ipt ion s des "mœurs des Bal uba ", sur tou t cri min ell es. Or plu sie urs ann ées apr ès, Ant oin e Soh ier dir a, et mêm e écr ira , que l'a rre sta tio n de ce Pig eo n-des -Mon tag nes , fu t son œuvr e per son nel le. Ell e est don c int erv enu e au cou rs du der nie r tri mes tre de 191 1, où a dû pre ndr e pla ce une exp édi tio n non men tio nné e au jou rna l. Le 16 jan vie r 191 2, le sub sti tut par t ver s le nor d- est de Kia mbi , mai s il ren tre déj à le 28 : son int erp rèt e est gr ave men t mal ade .

Le 4 mar s 191 2, déb ute son der nie r gr and voy age d'e nqu ête s. Il sem ble s'a mor cer ver s le nor d, mai s le jou rna l s'a rrê te à l'é tap e du 5. Le con tra ste ent re la pre miè re par tie du jo urn al, l'a ff ect ati on au par que t d'E lis abe th vil le, et la sec ond e, cel le au par que t de Kia mbi , est acc usé . Y int er vie nne nt cer tai nem ent un mûr iss eme nt de la per son nal ité du sub sti tu t, et, en par tie l'i nf lue nce de tra cas fam ili aux , la san té de sa mèr e s'a ltè re, mai s sur tou t les con dit ion s adm ini str ati ves , géo gra phi que s et cri min olo giq ues qu' il doi t aff ron ter .

Il n'e st que sti on que de Bal uba . Mai s qui son t les Bal uba de son res sor t ? Le sec ond emp ire Lub a, apr ès cel ui des Son gye , fu t l'a ff air e des Lub a - Sha nka di ou Lub a-Kat ang a (pa r opp osi ti on à ceu x du Kas aï) . Son exp ans ion ver s l'o ues t et le sud s'e st heu rté e une sér ie de pet ite s peu pla des par lan t le kil uba , mai s de rég ime s cou tum ier s div ers , cer tai ns mat ril iné au x. Plu sie urs d' ent re ell es son t ent rée s dan s la sph èr e d'i n flu enc e lun da, pui s ens uit e dan s cel le s des Yek e et des Pèr es Bla ncs . Les Baz ela , par exe mpl e, par len t lub a, leu r dro it est lub a, mai s ils se son t int égr és dan s la con fé dér ati on yek e.

D'a utr es, con qui s par les Sha nka di, con tin uen t à fo rme r une mac édo ine d'e thn ies , Hem ba, Ku nda , Boy o, Lum bu, etc ., mal ama lga mée s. Les gue rre s tri bal es son t end émi que s, le rec our s à la sor cel ler ie, sou rce de pui s san ce, con sta nt (9) .

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Ce qu' on app ell e les Bal uba wa May i, de l'E au, du Fle uve , ne con st itu ent pas une eth nie , mai s, dan s un hoc hep ot lub aïs é en per pét uel le ébu lli tio n, une réa lit é soc iol ogi que . C'e st la rég ion dif fic ile du Kat ang a, au cli mat le plu s cha ud, pol iti qu e et phy siq ue. Le rec rut eme nt de l'a dmi nis tra tio n du C.S .K. est mal ais é: il s'a git de la con tré e la plu s élo ign ée du por t de déb arq uem ent de Bom a. Mai nts age nts son t méd ioc res , par fo is reb uté s par l'E tat ind épe nda nt. Les moi ns app ré cié s son t sou ven t mis à l'é car t dan s la zon e la plu s ing rat e.

La cri min ali té tra dit ion nel le de san g est inc ont rôl ée. Le sub sti tu t reç oit un acc uei l mit igé . Sa mis sio n est dou ble : fa ire fa ce à la cri min ali té cer tes , mai s aus si met tre fin à cer tai ns abu s adm ini str ati fs . Mai s il ne dés ire pas s'e ngl uer , com me son pré déc ess eur , dan s des que rel les de ser vic e. Apr ès avo ir étu dié la doc ume nta tio n du par que t, il lan ce un rai d. Il en sor t ave c la con vic tio n que pou r réd uir e la cri min ali té tra di tio nne lle , il fa ut fa ire tab le ras e du pas sé et rep art ir sur de nou vel les bas es.

Lai sso ns par ler plu me plu s élo que nte que la nôt re:

" les ass ass ins ne se com pte nt plu s . S'i l fa lla it pou rsu ivr e les cou pab les , tou s les che fs et tou s les not abl es dev rai ent êtr e arr êté s. San s en réf ére r à per son ne, sou s sa seu le res pon sab ili té , le Sub sti tut Soh ier pre nd la déc isi on de pro cla mer une amn ist ie. Ses pla nto ns -mes sa ger s von t fa ire une tou rné e dan s les vil lag es, d'a ssa ssi n en ass ass in. Les cou pab les dev ron t se pré sen ter au Sub sti tut et ind emn ise r les vic tim es. "Le s jou rs sui van ts" -rac ont e M. Ant oin e Soh ier - "ce fu t un déf ilé d'a ssa ssi ns, pet its et trè s gr and s per son nag es qui ve nai ent fa ire leu r pai x.

Que d'a tro cit és rac ont ées ave c un fo uil lis de dét ail s.. ., mai s de la fa çon la plu s nat ure lle ". Le jeu ne mag ist rat ava it com pri s que l'o n ne pou vai t rép rim er les meu rtr es qui éta ien t ju squ e- là adm is par la cou tum e, mai s à son tou r il ava it fa it com pre ndr e que ces act es éta ien t dés or mai s pro hib és par une loi nou vel le et l'é pid émi e des ass ass ina ts pri t fin ." (10 )

Ce que le bât onn ier Ans iau x ne dit pas , c'e st que l'a mni sti e éta it ass ort ie d'u ne tro isi ème st ipu lat ion : qui n'a vai t pas con f ess é son cri me ser ait pou rsu ivi . Or pré cis éme nt, l'u n des ass ass ins les plu s not oir es, Kun da - wa- NGu lu, s'é tai t abs ten u.

Il déf iai t les aut ori tés . S'i l dem eur ait imp uni , tou t l'é dif ice mis en pla ce ris qua it de cro u ler . Le sub sti tut ann onç a une tou rné e à l' iti nér air e déf ini et mit sur pie d une car ava ne nor mal e. Il dép ass a les abo rds de la che ff eri e de l'a ssa ssi n, lai ssa pou rsu ivr e ses por teu rs, mai s, en ple ine nui t, à vél o, sui vi de ses que lqu es sol dat s, reb rou ssa che min ver s le vil lag e du che f. Il y par vin t le pre mie r, à l'a ube , se dir ige a ver s la plu s gr oss e cas e, au mom ent où son occ upa nt, ens omm eil lé, en sor tai t pou r sat isf air e un bes oin nat ure l. Il lui mit la mai n sur l'é pau le, avi sa sur la bar za un jeu de kis olo , sor te de jac que t afr ica in, et pro pos a une par tie . L'h om me n'a vai t pas enc ore rep ris ses esp rit s, il s'e xéc uta et le sub sti tut gag na, pou r la pre miè re fo is de sa vie , une par tie con tre un Afr ica in. Au mom ent où le che f all ait se res sai sir et le

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vil lag e se rév eil ler , les sol dat s déb ouc hai ent sur l es lie ux, l'a rme au poi ng.

La ton ali té eup hon iqu e du jou rna l à par tir d' oct obr e, com me ces not es sur les mœurs des Bal uba , mais aus si une cer tai ne ind iff ére nce vis -à-vis des tra cas ser ies adm ini str ati ves , s'e xpl iqu ent . L'a ffa ire fit du bru it. Jus qu' à Bru xel les . Le vic e- gou ver neu r gén éra l app ort a la tou che com iqu e. Les not es sig na lét iqu es du sub sti tut , trè s élo gie use s, tra nsi ten t par lui . Il y est af fir mé, ent re aut res , l'e xce lle nce de ses rel ati ons ave c la pop ula tio n. Emi le Wa nge rmé e éma rg e ce pas sag e pou r aff irm er que le sub sti tut a ten dan ce à se mêl er de ce qui ne le reg ard e pas , et à ind isp ose r cer tai ns ter rit ori aux de Kia mbi .

Le cou ron nem ent de cet te act ivi té dér out e. Il se dér oul e au ret our du sub sti tut à Bru xel les . Il doi t y pas ser ses exa men s de mag i str at à tit re déf ini tif . Son mém oir e est ins uff isa nt, le jur y lui déc lar e en sub sta nce que nor mal eme nt il doi t êtr e ref usé , mai s son suc cès à Kia mbi est tel que ce ser ait inj ust e: le tem ps con sac ré à pré par er son exa men l'a ura it dét our né de sa mis sio n.

L E J O U R N AL

D'ANVERS AUX VICTORIA FALLS (26 mai - 1erjuillet 1910) – EXTRAITS.

Du jou rna l, mal gr é un cer tai n int érê t tou ris tiq ue d'é poq ue, nou s nou s bor ner ons d'e xtr air e que lqu es pas sag es des imp res sio ns de voy age d'A nto i ne Soh ier de Bel giq ue aux po rte s du Kat ang a.

Le 26 mai 191 0, sur le nav ire bri tan niq ue Vie nna , il s'a per çoi t que s'i l se fa it ent end re de ses int erl ocu teu rs, il ne les com pre nd pas . Il aur a un bon moi s dev ant lui pou r per fe cti onn er son ang lai s. Arr ivé à Lon dre s le len dem ain , il men ti onn e la pré sen ce de ses deu x com pag non s de rou te, mai s ne cit e le nom que de l'u n d'e ux, And ré Van Ise ghe m. Ava nt son dép art , ses cor res pon dan ts dev aie nt con naî tre leu rs ide nti tés . Par all èle men t au jou rna l, Van Ise ghe m pre nd des not es de voy age qu' il met tr a au net sou s le tit re Sou ven irs col oni aux au cou rs de la sec ond e gue rre mon dia le et iné dit s à ce jou r. Par eux , nou s sav ons que le tro isi ème mem bre du gr oup e est Rob ert de Meu lem ees ter 1[1].

Lon dre s éme rve ill e Ant oin e Soh ier , "to ut ici dép ass e en bea uté et en

1[1] voir annexe II

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gr and eur la cap ita le fra nça ise ", il acc umu le en que lqu es heu res les déc ouv ert es, mai s, poi nt car act éri sti que , il fa uss e com pag nie à ses deu x aîn és pou r jet er un cou p d'œil dan s un qua rti er pop ula ire . Van Ise ghe m ne livre pas ses imp res sio ns d'a lor s sur son jeu ne com pagno n, pou r lui c'e st le hau t mag ist rat qu' il est dev enu tre nte ans plu s tar d.

En mer , à bor d du S.S . Ger man , le sub sti tu t fra is émo ulu est cur ieu x de son env iro nne men t. Il éco ute ave c att ent ion les con ver sat ion s de ses com pag non s, vie ux col oni aux tou s deu x, sur les que sti ons con gol ai ses , mai s leu rs div erg enc es d'o pin ion l'a gac ent . Par mi les deu x cen t cin qua nte pas sag ers , un gr oup e d'i mmi gr ant s de cla sse s inf éri eur es att ire son att ent ion , il les pre nd d'a bor d pou r des Ita lie ns, mai s il s 'ag it de Jui fs rus ses . Il s'e nf erm e aus si dan s la bib lio thè que du bor d et con sul te ave c in tér êt des jou rna ux et des rev ues d'A fr iqu e du Sud . Mai s c'e st un gui de de che min de fe r qui pro voq ue le déc lic . Il le fe uil let te le 15 ju in et l'a nne xe à son jou rna l.

Il écr it:

" 12 heu res . Les Sud -Afr ica ins son t plu s ci vil isé s que nou s ! Les ind ica teu rs des tra ins son t rem is gr atu ite men t au pub lic ! Je vie ns d'e n par cou rir un: il déb ute par une inv ita tio n aux voy age urs d'ê tre pol is ave c les emp loy és du tra in et les com mis sio nna ire s !"

" Jeu di 16 jui n 8 heu res (19 10, S.S . Ger man ):

"Te mps tou jou rs dél ici eux ".

"0n se fa it en gén éra l -je me fa isa is en tou t cas pou r ma par t- auc une idé e che z nou s de ce qu' est le Sud de l'A fr iqu e. L'A fr iqu e ! Le Cap , le Tr ans vaa l, la Rho dés ie etc . ! On les reg ard e com me des pay s à dem i sau vag es, ave c des fer mie rs Cow - Boy s, que lqu es min es de dia man ts, mai s enf in une vér ita ble col oni e. Or c'e st un pay s de hau te civ ili sat ion aus si et plu s civ ili sé peu t -êtr e que le nôt re. Les vil les y son t nomb reu ses et trè s peu plé es: Cap eto wn, Joh ann esb urg , Kim ber ley ont plu s de 200 .00 0 hts , son t plu s gr and es que Lié ge. Ell es ont des mai son s à 5 et 6 éta ges , tan t le ter rai n y est che r déj à, et de mag nif iqu es mon umen ts. Il y a une diz ain e de vil les aya nt pl us de 50. 000 hab ita nts . Dan s cha cun e se pub lie nt des jou rna ux (j' ai com pté 9 quo tid ien s, 6 heb dom ada ire s, 3 men sue ls rie n que pou r Cap eto wn, dan s les réc lam es d'u n ann uai re) et des re vue s ill ust rée s val ant en bea uté d'é dit ion "Je sai s Tou t", et le dép ass an t en fo nd. De nom bre use s lig nes de che min s de fe r et tra mwa ys sil lon nen t tou t le pay s, ind ust rie , mag asi ns, cul tur el tou t est mod ern e et int ens e. Plu sie urs por ts , des vil les d'e au, et, il y a vra ime nt de tou t, et il en est ain si jus que dan s le Sud de la Rh odé sie . Cel le -ci sui vra bie ntô t, car les col ons y aff lue nt et "on y voi t gr and ". Not re Kat ang a en bén éf ici era sin gul ièr eme nt. Il y aur ait une con fé ren ce int ére ssa nte à fa ire en mon tra nt aux gen s qu' ils doi ven t aba ndo nne r cet te idé e de l'E uro pe seu le rég ion civ ili sée . Ell e n'e st plu s qu 'un pet it mor cea u dan s le mon de mod ern e, la civ ili sat i on s'e st éla rg ie, et d'i mme nse s con tré es,

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l'A fr iqu e du Sud (2 fo is plu s gr and e que l'E uro pe) , l'A ust ral ie, l'A mér iqu e du Nor d, son t à pré sen t en ava nt de la ci vil isa tio n. On voi t de sui te les con séq uen ces à en tir er pou r la sau veg ard e de not re pro spé rit é éco nom iqu e. On voi t aus si com bie n il est urg ent d'é lar gir un peu le cer cle de nos pr éoc cup ati ons , et de nou s int ére sse r un peu plu s au x gr and es que sti ons de pol iti que int erna tio nal e, au lie u d'ê tre san s ces se hyp not isé s par le der nie r cri me com mis à Par is. Tou t Ang lai s est tou jou rs att iré ver s ces que sti ons . Je n'e n ai pas tro uvé un ici qui ne sai t aut ant et plu s que moi sur not re Con go et not re Kat ang a, par exe mp le, et j' en acq uie rs de plu s en plu s la con vic tio n que le Kat ang a est lui aus si une col oni e d'a ven ir civ il isé , où il fa udr a voi r gr and . J'a rri ve au bon mom ent pou r y voi r, si le gou ver nem ent est int ell ige nt, une évo lut ion rap ide et mer vei lle use . Mai s il fa ut que le s Bel ges y con tri bue nt et éla rg iss ent un peu leu rs cer vea ux ! ".

Tou jou rs à bor d, le 18 jui n à 10 heu res , une inf orm ati on:

"Le Kat ang a est vra ime nt une rég ion de civ ili sat ion ! Il y a par aît -il éno rmé men t de rou tes cyc lab les , si bie n que l'E tat met à la dis pos itio n des mag ist rat s et de la plu par t des age nts des bic ycl ett es. Je vai s app ren dre à all er en vél o! "

Le 20 jui n 191 0, il déb arq ue au Cap et se liv re aux pla isi rs du tou ris me. Il not e le 21 jui n:

" 10 heu res : J'a i pas sé vra ime nt auj our d'h ui une jour née adm ira ble ! Apr ès cet te spl end ide exc urs ion , j'a i eu ce soi r un dîn er suc cul ent . J'a i man gé pou r la pre miè re fo is un gib ier ess ent iel lem ent af ric ain : de l'a nti lop e. La cha ir ten dr e et par fum ée en éta it rée lle men t dél ici eu se, et la sau ce exq uis e. Je ne me pla ind rai s pas d'u n te l rég ime ! Ens uit e il y a eu con cer t dan s le hal l de l'h ôte l par un tri o de mus ici ens hol lan dai s, sup éri eur à la moy enn e de ces sym pho nie s, me sem ble - t-il. Le pro gr amm e d'a ill eur s éta it éle vés : voi ci les nom s qui y fig ura ien t: Wéb er, Bee tho ven , Dvo rak , Mos kow ski , Wag ner , Gou nod . Pas mêm e la tra di tio nne ll e val se fin ale . En tou s cas cel a m'a amu sé au poi nt qu' au lie u de ven ir dès 9 heu res dir e bon jou r à mon lit , je sui s res té - et je vie ns vou s l'é cri re ! Si mêm e plu s tar d la vie n'e st pas tou jou rs trè s jol ie là- bas , l'a gr émen t de cet te jou rné e et de cel le de Ste Hél ène en aur ont pay é à l'a van ce bea uco up d'a utr es !"

Et plu s loi n, le 23 jui n :

" 6 ½ heu res : Nou s avo ns pas sé une jou rné e cha rma nte , mal gr é la plu ie. Inv ité s à dîn e r au "Ci ty Clu b", le cer cle le plu s chi c de l'e ndr oit , que lqu e cho se com me che z nou s la soc iét é lit tér air e, par un jug e de l'e ndr oit , don t le con sul nou s ava it fa it fa ire con nai ssa nce . Le clu b est vra ime nt bea u com me dis pos iti on int éri eur e, trè s lum ine ux, et cui sin e de cho ix. J'é cri rai mon pro cha in cou rri er sur le pap ier du Clu b, aux arm es de la vil le. Ces clu bs com pre nne nt sal les de lec tu re, de jeu x, de cor res pon dan ce, buv et te, res tau ran t, cha mbr es d'a mis , etc ., trè s pra tiq ue. A 4 heu res , goû ter che z un Belg e, qui aya nt app ris not re arr ivé e, ét ait ven u à l'h ôte l pou r fa ire not re con nai ssa nce : c'e st le bar on Jol ly, qui exp loi te une gr and e fe rme en

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Rho dés ie, et rés ide pou r le mom ent au Cap che z ses bea ux -par ent s dan s un jol i cot tag e. Réc ept ion , aim abl e, et c onv ers ati on en ang lai s-fr anç ais -fla man d sur la flo re et la fa une afr ica ine . "

Ces not ati ons son t ano din es, n'é tai ent les Sou ven irs d'A ndr é Van Ise ghe m. A pre miè re vue , l'o n pou rra it cro ire que "le con sul " ser ait un rep rés ent ant de la Bel giq ue en Afr iqu e du Sud . Ce n'e st pas le cas . A la soi rée mu sic ale , le tri o de voy age urs a fa it la con nai ssa nce de J. Bea k, vic e -con sul bri tan niq ue à Eli sab eth vil le, qui va réi nté gr er son pos te apr ès un séj our au Sud . Le "ju ge" est vra ise mbl abl eme nt le jug e de Rho dés ie du Nord , Wa ter mey er.

Le 24 jui n, Ant oin e Soh ier et ses com pag non s s'a rrê ten t à Kim ber ley dan s un

"cl ub où nou s som me s log és, sur rec omm and ati on d'u ne con nai ssa n ce, les hôt els éta nt par aît -il ici d'u ne val eur méd ioc re" : il fa ut y voi r san s dou te enc ore la mai n du con sul Bea k. Le len dem ain , vis ite des min es de dia man ts. Le sub sti tut écr it à deu x heu res : "Sa uf le pri nce Alb ert , qui a vu une par tie , nou s som mes dep uis 15 ans les pre mie rs bel ges ven us ici ". Il com par e, con cor dan ces et div erg enc es, les tra vau x min ie rs de Kim ber ley ave c ceu x du bas sin hou ill er lié geo is. Il not e au pas sag e: "le s ouv rie rs son t des nèg res , qui son t par qué s dan s des cam pem ent s d'o ù ils ne peu ven t sor tir dur ant la dur ée de leu r eng age men t. Tou s les jou rs ils doi ven t pre ndr e un bai n et pur ger ! pou r le cas où ils aur aie nt ava lé du dia man t ! Les cam pem ent s -les com pou nds - des nèg res son t d'a ill eur s pro pre s. Les tra vai lle urs reç oiv ent 3 sh 6 par jou r, mai s doi ven t se nou rri r à leu rs fr ais dan s les mag asi ns de la com pag nie . C'e st ce qu' on ap pel le che z nou s le "tr uck -sys tem ".

Le 26 jui n, alo rs qu' il a rep ris le tra in, dan s le vel d, au -del à de Maf eki ng, il écr it:

" 6 ½ heu res : Le pay s est un peu plu s var ié - la tem pér atu re est réc hau ffé e: ça va- De tou tes par ts, des mon ts pit tor esq ues . A cha que sta tio n, les ind igè nes arr ive nt ven dre des ora nge s, des pea ux, des col lie rs, etc ., vêt us des cos tum es les plu s bar oqu es et mul tic olo re s. Par tou t aus si un pol ici er ang lai s qui acc omp agn e le tra in, vie nt met tre de l'o rdr e dan s ce mar ché mo men tan é, et il y réu ssi t pro mpt eme nt le fou et à la mai n ! ... Pou r aut ant qu' on ser ait au Con go, les Ang lai s cri era ien t aux atr oci tés con gol ais es !"

Il pas se la nui t du 27 au 28 jui n à Bul awa yo, "da ns le "Gr and Hôt el" , une bât iss e imm ens e don t la pho to se tro uve dan s le liv re de Wa nge rmé " : en eff et, il a acq uis deu x exe mpl air es de l'o uvr age d'E mil e Wa nge rmé e Gra nds Lac s Afr ica ins et Kat ang a (Le bèg ue, Bru xel les , aoû t 190 9), un pou r lui , un pou r ses cor res pon dan ts, et s'y réf ère de tem ps en tem ps.

Apr ès cet te hal te, il r epr end le "tr ain à 10 heu res ½. Nou s avo ns déj à une heu re de ret ard , mai s cel a ne fa it rie n, il y a cet te fo is un wag on -res tau ran t dan s le con voi ! On com men ce à êtr e en ple in dan s la nou rri tur e tro pic ale : de l'a nti lo pe, des fru its col oni aux à cha que rep as. L'a nti lop e est d'a ill eur s vra ime nt dél ici eus e, et cet te

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nou rri tur e me pla ît for t. Nou s ven ons de pas ser une trè s jol ie riv ièr e la 'N' guy a - Riv er' . Les her bes et les arb ust es son t plu s hau ts. Le pay s est en som me jol i, et d'u ne ric hes se vér ita ble pou r l' exp loi tat ion . On ne se dou te guè re che z nou s de la val eur de not re Kat ang a. San s ces se ici , nou s en ent end ons fa ire l'é log e par ces étr ang ers : nom bre ux son t ceu x qui s'y ren den t ou ann onc ent qu' ils le fe ron t. Il ser ait tem ps qu' un gra nd mou vem ent de Bel ges se pro dui se, ing éni eur s, agr icu lteu rs, etc ., sin on tou t ser a bie ntô t pri s par les Ang lai s. Si on veu t en pro fit er, c'e st une fo rtu ne pou r not re pay s et pou r ceu x des nôt res qui aur ont le cou rag e de s'y ren dre pou r fa ire des aff air es. A mes ure qu' on ava nc e, les ind igè nes ont l'a ir de moi ns en moi ns civ ili sés , dan s les gar es où l'o n s'a rrê te. C'e st la vra ie Afr iqu e ! Les pri x à Bul awa yo éta ien t ext rao rdi nai rem ent éle vés - ent re par enthè ses , cel a pro me t pou r le Kat ang a- : une voi tur e de la gar e à l'h ôte l, 5 min ute s (la nui t il est vra i) 10 shi lli ngs (12 fs 50) ; le vin le moi ns che r à l'h ôte l: 8 sh. (10 fs) ; et dan s les mag asi ns tou t dan s le mêm e gen re: un ras oir Gil let te, val ant je cro is 25 fs che z nou s, 38 sh. , soi t prè s de 50 fs !

".

Le 29, il des cen d du tr ain aux Vic tor ia Fal ls, mai s de l'h ôte l, il re vie nt sur son voy age d'a ppr och e. "No tre tra in d'h ier con ten ait des wag ons ang lai s à nèg res : ils son t inf éri eur s en pro pre té et en con for t aux der nie rs wag ons à bes tia ux de che z nou s. Il n'y a mêm e pas de por t e d'e ntr ée, mai s un vér ita ble sou pir ail , que les voy age urs ne fr anc his sen t qu' en se cou cha nt à pla t ven tre . C'e st bea u la fa çon ang lai se de civ ili ser ! Que lqu es qua lit és qu' on rec onn ais se aux Ang lai s, on ne met tra pas en tou s cas la sob rié té sur la lis te ! Nou s avo ns voy agé deu x jou rs ave c le con sul ang lai s au Kat ang a et le jug e ang lai s de la Rho dés ie: ils éta ien t eff roy abl eme nt poc har ds tou te la jou rné e, fa isa nt san s ces se le tra jet du wag on - buf fet à leu rs com par tim ent s. De mêm e d'a ill eur s la plu par t des voy age urs du tra in.

Et, cho se épa tan te, ils se sao ule nt san s bru it, buv ant leu r ver re et dér ais onn ant san s un cri , san s un cha nt, alo rs que che z nou s on se gr ise aut ant de gai eté que d'a lco ol !"

De leu r côt é, les Sou ven irs de Van Ise ghe m rel ate nt deu x co nve rsa tio ns dan s le tra in trè s car act éri sti que s, de l'A ute ur ave c le con sul Bea k et le jug e Wat erm eye r.

Le 29 jui n, tou jou rs, Ant oin e Soh ier écr it :

" Nou s ven ons de voi r sur le liv re de l'h ôte l, les sig nat ure s "Al ber t de Bel giq ue - Mal fe yt - bar on de Moo r". Nou s som mes les pre mie rs Bel ges ven us ici dep uis eux . Nou s log eon s dan s les cha mbr es qui fu ren t occ upé es par le pri nce Alb ert et sa sui te. Ce son t les plu s bel les de l'h ôte l. Il est vra i que nou s som mes à pré sen t pré céd és par tou t, che min de fe r et hôt e ls, d'o rdr es du gou ver neu r de la Rho dés ie pre scr iva nt de nou s tra ite r en per son nag es de mar que !".

Et le soi r du 30 jui n, apr ès une nou vel le exc urs ion aux cél èbr es chu tes , il rap por te un fa it qui rec oup e les inq uié tud es de son com pag non de voy age :

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" 9 heu res : "No tre Kat ang a doi t qua nd mêm e êtr e adm ira ble ! On en par le ici ! Un gar çon ita lie n de l'h ôte l nou s dit mêm e que les Ang lai s ass ure nt que le Kat ang a leu r app art ien dra bie ntô t ! D'a utr e par t, l'a nno nce que l'E tat fa it ven ir là -bas les tro upe s du Ki vu sou lèv e leu rs pro tes tat ion s ! Il est don c pro bab le qu' un aur a du fil à ret ord re ! Il fa udr a -l'e nje u en val ant la pei ne - que le gou ver nem ent soi t éne rg iqu e et que l'o pin ion pub liq ue le sec ond e".

Enf in le 2 jui lle t 191 0, le tri o d'e xcu rsi onn ist es qui tt e les chu tes Vic tor ia pou r s'e nf onc er en Rho dés ie du Nor d et att ein dre bie ntô t l'a n tic ham bre du Kat ang a, Bro ken Hil l, auj our d'h ui bap tis ée Kab we.

LE JOU RN AL DU 2 JUI LLE T 191 0 AU 5 MAR S 191 2, VER SIO N INT EGR ALE .

Sam edi 2 jui lle t 191 0 (en tra in) :

Le v oya ge d'a gr éme nt est fin i ! Nou s ven ons de qui tte r les Fal ls pou r Bro ken - Hil l ! Le con fo rt est moi ns gr and dan s ce tra in. Il n'y a pas mêm e de tab le, si bie n que je doi s écr ire sur mes gen oux ! Nou s avo ns ret rou vé dan s ce tra in tou te une sér ie de Bel ges arr ivé s par d'a utr es bat eau x : j'a i not amm ent ent rev u Ric har d Pér ée, qui a l'a ir de trè s bie n se por ter , com me tou s d'a ill eur s. Com me nou s n'a von s pas de res tau ran t, nou s avo ns dû emp ort er de l'h ôte l une cai sse de viv res et de vin s. Nou s ne mou rro ns qua nd mêm e pas en rou te ! Les nou vea ux son t ass ez fat igu és. Ils ont dû fa ire le voy age en che min de fe r d'u ne seu le tra ite , ou à peu prè s. Par con tre , com me ils éta ien t une gr and e ban de, ils ont cha nté , dan sé et fe sto yé ent re eux com me des Bel ges sav ent le fa ire qua nd ils son t en ban de ! J'a i eu, par Pév ée, des nou vel les de Mam an, et sui s heu reu x de sav oir qu' ell e a été for te, et se por tai t bie n au mom ent de son dép art .

Dim anc he 6 heu res du soi r (3 jui lle t 191 0, Bro ken Hil l) :

Je vou s écr is du "Gr and Hot el" de Bro ken Hil l. C'e st le plu s gr and de la loc ali té : il n' y a que cel ui -là. Il est d'a ill eu rs vra ime nt imm ens e il ne com pte pas moi ns de 25 bât ime nts ! Il est vra i que la plu par t d'e ntr e eux son t des hut tes con ten ant un ou deu x lit s.. . Cer tai ns mêm e n'o nt pas de lit du tou t ! Si bie n que les age nts de pre miè re cla sse aur ont un lit cet te nui t pou r ber cer leu rs rêv es. .. tan dis que les aut res se con ten ter ont de cou ver tu res sur la ter re, d'a ill eur s cha ude et moe lle use , d'A fr iqu e. Voi là enf in un vra i pa ys de nè gr es ! J'a jou te que Bro ken -Hil l, vil le imp ort ant e dan s la rég ion , ne com pte en deh ors de l'h ôte l que la sta tio n et 4 ou 5 cas es. Tou t le mon de n'e n est pas moi ns rem pli d'a rde ur. A vra i dir e que lqu es -uns des age nts inf éri eur s fo nt tro p de mot s d'e spr it bêt es, pre nne nt des air s d'i mpo rta nce et de br avo ure tel lem ent exa gér és, que je les jug e d'u ne uti lit é, d'u ne int ell ige nce et d'u n sér ieu x méd ioc res . Mai s la plu par t son t des Bel ges c -à- d app art ien nen t à la pre miè re rac e du mon de !!! Sal uon s !

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Je sui s pou r ma par t pri vil égi é : j'a i une cas e pou r moi seu l, d'o ù j'é cri s à la lue ur d'u n pho top hor e - en fr anç ais d'u ne bou gie . J'e nte nds nos com pag non s bla gue r ent re eux : nou s som mes à pré sen t 37. Il est cur ieu x de voi r com me on peu t dis tin gue r rap ide men t les typ es fla man ds, wal lon s.. . et bru sse ler s, des div ers es cat égo rie s ! Et cec i -coq à l'â ne- me rap pel le un tra it que l'o n m'a cit é: il par aît que les nèg res son t con vai ncu s qu' il y a tro is rac es, qu' ils pla cen t dan s cet ord re. .. les bla ncs , les noi rs. .. et les Por tug ais ! (11 ) Je ter min e ici le pré sen t cou rri er. Nou s res ter ons ici x jou rs, pou r par tir peu t -êtr e dem ain , peu t- êtr e à hui ta ine , par le che min de fe r en con str uct ion , jus qu' à l'e ndr oit où le rai l est arr ivé . Là il fa udr a che rch er des por teu rs pou r no s bag age s, pui s en 4 jou rs de mar che (25 km s par jou r) nou s ser ons à Eli sab eth vil le. Les rou tes son t par aît - il exc ell ent es, la tem pér atu re trè s bon ne, ce ser a cha rma nt.

Tou t com me moi , por tez - vou s bie n ! De viv es ami tié s à tou s ! Que l'o n ne s'é ton ne pas si le pro cha in cou rri er n'a rri ve qu' à qui nza ine ! Et au rev oir enc ore !

Bro ken - Hil l. Lun di 4 jui lle t 191 0.

Je vou s écr is à nou vea u de ma cas e de l'H ôt el de Bro ken -Hil l. La cas e est en pis é: le pis é, esp èce de mat éri au de con str uct ion trè s emp loy é, est de la ter re bat tue , qui fo rme une esp èce de cim ent trè s sol ide : pla nch er, mur s, pla fo nd, tou t est fa it de mêm e mat ièr e. L'i nté ri eur est trè s pro pre men t bla nch i, une nat te rec ouv re le sol , une por te, et une pet ite fe nêt re. Toi t en cha ume . Ce n'e st pas lux ue ux, mai s c'e st cla ir et fr ais . On y est vit e hab itu é. Le lit est d'a ill eur s exc ell ent . Les age nts de sec ond e cla sse ont les mêm es cas es, mai s pas de lit . Ils ont dû cou che r tan t bie n que mal sur des lit eri es ext rai tes de leu rs obj ets de cam pem ent à 3, 4 et mêm e 8 dan s une cha mbr e. Les Lié geo is son t tou jou rs fa vor isé s, car de mêm e que moi j'é tai s seu l, Pér ée éta it dan s une cas e à tro is seu lem ent , et trè s con for tab lem ent .

Bro ken - Hil l est un vra i vil lag e civ ili sé af ric ain : nom bre use s hab ita tio ns de bla ncs , en bri que s, boi s, tôl e ou pis é, mai s tou tes d'a spe ct coq uet et con fo rta ble . Sép aré es par des bou que ts d'a rbr es et des pla que s de bro uss e; de loi n en loi n aus si, des sér ies de cas es ind igè nes en pi sé ou en pai lle . Dev ant les cas es, les fem mes , en cos tum es ru dim ent aires , arb ora nt de fo rte s con sti tut ion s, pil ent du riz dan s d'é nor mes mor tie rs en boi s, fo nt la cui sin e sur des fe ux de bri ndi lle s, dan s des cas ser ole s, s'i l vou s pla it ! Tou t en tra vai lla nt, ell es caq uèt ent dan s un lan gag e ind igè ne rud eme nt son ore , aya nt l'a ir de fa ire mêm e de l'e spr it à nos dép ens ! Au cen tre du vil lag e se tro uve nt 4 ou 5 mag asi ns dan s les que ls on ven d plu s d'e spè ces d'a rti cle s que dan s un gr and baz ar ! Cer tai ns des age nts de sec ond e y ont fa it de nom bre ux ach ats . Je cro is, Die u me par don ne, qu' il y en a qui com pte nt s'h abi lle r à la nèg re !

Les cos tum es des nèg res son t des plu s var iés . La plu par t por ten t che mi se et cul ott e, che mis e et pag ne, etc ., la che mis e éta nt l'é lém ent ess en tie l de

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l'h abi lle men t. Mai s ent end ons -nou s ! Un obj et aus si pré cie ux ne se cac he pas , et c'e st tou jou rs au -des sus du res te du vêt eme nt, de la cul ott e par exe mp le, que les pan s de che mis e se bal anc ent élé gam men t au ven t … Ce cos tum e n'e st pas gén éra l cep end ant . Un de nos por teu rs hie r éta it vêt u d'u n p agn e fa it d'u ne anc ien ne toi le d'e mba lla ge. Hél as ! San s dou te ava it -ell e env elo ppé des fla con s de par fum ou des bri que s de sav on à la ros e ! Tou jou rs est -il que des let tre s se lis aie nt enc ore sur le vêt eme nt, si bie n que sur cer tai n end roi t de l'i ndi vid u que je ne nom mer ai pas , mai s qui n'e st pas pré cis éme nt rép uté pou r l'e xce l len ce de l'o deu r don t il est par fo is l'e xut oir e, on pou vai t lir e en let tre s rou ges une ins cri pti on ang lai se sig nif ian t "Es sen ce de Ros es" !! Abs olu men t aut hen tiq ue, vou s sav ez !

Je vou s ai déj à par lé de la fa çon exa gér ée d'o bse rve r le dim anc he ang lai s:

hie r, à l'h ôte l, nou s en avo ns eu le com ble : on a ref usé de nou s ser vir dur ant le rep as ni vin , ni biè re pcq c'é tai t dim anc he. Si nou s n'a vio ns eu du vin ave c nou s, nou s eus sio ns dû nou s con ten ter d'u ne eau mêm e fil tré e !

La loc ali té n'e st qua nd mêm e pas fo lic hon ne, et nou s ne sav ons tou jou rs pas qua nd nou s pou rro ns par tir , peu t- êtr e ce soi r, peu t- êtr e dan s hui t jou rs. Aus si nos age nts se rép and ent -ils sur les che min s, ave c l'a ir de l'e nnu i le plu s par fa it. Ils ont les cos tum es les plu s var iés : cer tai ns, qui sur le tra in ava ien t re vêt u leu r cos tum e kha ki et des guê tre s, se pro mèn ent à pré sen t en ple in sol eil ave c des cos tum es eur opé ens , et cra ign ant san s dou te la plu ie, de gr os cab an s ou des imp erm éab les . Un aut re a un cos tum e tou t de vel our s. D'a ut res ont leu rs cos tum es col oni aux . Enf in il en est un, qui ess aye san s dou te son équ ipe men t, en est à sa 4ème toi let te dep uis ce mat in !! Inu til e de dir e que c'e st un de ceu x aya nt l'a ir le plu s int ell ige nt !

Par mi les age nts de pr emi ère cla sse , nou s avo ns deu x off ici ers de pol ice de Hal et d'A nde rle cht , qui par ten t en qua lit é de com mis sai res de pol ice (12 ). Ils son t rée lle men t sym pat hiq ues . De mêm e un mon sie ur Gor lé, qui , sec ond ter me, par t com me dir ect eur des fin anc es, et qui pou rvu de gr and es mou sta che s, d'u ne gr and e bar be, d'u n gr and cha pea u boe r et d'u n gr and sou rir e, blo nd d'a ill eur s com me un arc han ge de qua ran te ans , est trè s dis tin gué et aus si sym pat hiq ue.

8 ½ heu res : Fai t tan tôt une int ére ssa nte pro men ade ver s une min e de cui vre aba ndo nné e pui s ver s les bât ime nts off ici els du vil lag e. Vu not am men t l'e nse mbl e des log eme nts des tro upe s de Bro ken -Hil l. Rep résen tez -vou s d'a bor d un mag nif iqu e bât ime nt en bri que s, qui ne fe rai t pas mal com me vil la à Coi nte : c' est la mai son du ser gen t -maj or bla nc, che f de dét ach eme nt. Der riè re, aut re bât ime nt en bri que s, plu s pet it: c'e st la pri son mil ita ire ; der riè re, aut re bât ime nt, tou jou rs plu s pet it: l'é cur ie.

Der riè re enf in que lqu es chi mbe cks à la mod e ind igè ne: c'e st le log is des sol dat s, plu s mal log és que les che vau x et les pri son nie rs ! A la pos te , déc ouv ert des car tes - vue s off ici ell es, ass ez int ére ssa nte s don c pou r les col le cti onn eur s. J'e n env oie que lqu es -une s, esp éra nt qu' ell es arr ive nt !

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Mar di 6 jui lle t (5 jui lle t) 191 0, Bro ken - Hil l.

Nou s som mes tou jou rs à Bro ken -Hil l: on par tir a à 8 heu res seu lem ent par aît - il. Il fa it cha ud com me un jou r d'é té che z nou s. Per dus dan s ce vil lag e min usc ule , san s rie n à fa ire ni à voi r, on s'e mbê te plu tôt ! Fai t ce mat in des ach ats : viv res pou r le voy age , etc . Not amm ent des voi let tes pou r se pré ser ver des mou sti que s.

Mal heu reu sem ent , la pro vi sio n de toi le mou sti qua ire éta nt épu isé e, nou s avo ns dû nou s con ten ter d'u ne esp èce de tis su à rid eau x, orn é de mag nif iqu e s fle urs rou ges ! Nou s aur ons ass uré me nt un asp ect plu tôt spé cia l, ain si aff ubl és ! Que lqu es -uns jou ent au bil lar d à l'h ôte l, mal gr é le pri x de 4 shi lli ngs (5 fs ) l'h eur e ! C'e st aut re cho se que les 40 cen tim es du Cer cle ! C'e st, il est vra i, un exc ell ent bil lar d au gr and cad re. Les seu ls lég ume s du pa ys son t par aît -il les har ico ts et les cho ux:

aus si sur 6 rep as pri s à l'h ôte l avo ns - nou s eu 6 fo is des har ico ts. .. et 6 fo is des cho ux ! N'e mpê che que pou r l'A fri que , on n'e st pas mal .

Sak ani a 191 0. Ven dre di 8 jui lle t.

Let tre dat ée de Sak ani a ! Vou s ign ore z où c'e st ? Hél as, je l'i gno rai s éga lem ent il y a tro is jou rs. N'e mpê che que je m'y tro uve peu t -êtr e pou r plu sie urs sem ain es. Nou s avi ons de Bro ken -Hil l à ici fa it le tra jet en un tra in com pos é de wag ons à mar cha ndi ses , où l'o n ava it tou te une nui t été cah ot é sur la voi e en con str uct ion : je sai s ce que c'e st à pré sen t qu' êtr e un col is, et ce n'e st pas ros e ! A l'a rrê t de la sta tio n fr ont ièr e, à Sak ani a, je re çoi s une let tre et un paq uet . La let tre , du Pro cur eur d'E tat de Luk afu , m'o rdo nna it de res ter dan s la rég ion pou r y fa ire les enq uêt es des aff air es don t les dos sie rs se tro uva ien t dan s le paq uet : il y en ava it 18

!!! Sav ez - vou s com bie n j'e n ai fa it dep uis ? Une dix -neu viè me ! Une gr ave aff air e de meu rtr e qui ava it écl até ici - mêm e la vei lle , et don t j'a i bie n dû fa ire l'i nst ruc tio n (13 ). J'a i int err ogé hie r sep t tém oin s, qua tre ind igè nes et tro is ang lai s, au mo yen d'i nte rpr ète s évi dem men t. J'a i eu, je vou s ass ure , tou te ma jou rné e occ upé e.

D'a utr e par t j'a i dû m'i nst all er: or sau f le lit et la tab le, tou t mon mat éri el de cam pem ent est neu f heu res plu s loi n à Chi nsen da ! J'a i log é, pas mal d'a ill eur s dan s une ten te que m'a prê tée le che f de pos te. Et j'a i écr it trè s res pec tue use men t à Eli sab eth vil le que j'é tai s prê t à exé cut er mes ins tru cti ons , mai s que vra ime nt je dés ira is con naî tre la bes ogn e des par que ts ava nt de la rem pli r ! Pas un mom ent hie r ni ava nt pou r vou s écr ire . J'a i un pet it boy , un jeu ne gos se, int ell ige nt en dia ble , qui ne sav ait rien fa ire , mai s qui , gr âce au boy du che f de pos te et à mo i, a déj à pre squ e tou t app ris . Il m'a fa it hie r trè s bie n une pet ite les siv e ! Qu and j'a ura i tro uvé un bon cui sin ier -rar a avi s- et que j'a ura i mes viv res , ma bat ter ie de cui sin e, ma ten te, etc ., tou t ser a par fa it.

Les dom est iqu es son t ici d'u n pri x fo u: jug ez -en: je don ne à mo n boy cin q fra ncs ... par moi s. Si le cui sin ier est un aig le, il en rec evr a 10. A ce pri x, on peu t pre ndr e son per son nel . Je ne leu r fo urn is évi dem men t ni la nou rri tur e.. . ni le

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log eme nt: ils cam pen t à la bel le éto ile ! Je sui s nou rri en att end ant che z le che f de pos te, qui occ upe ici une jol ie mai son en com pag nie de sa "da me" et d'u n béb é.

C'e st là que j'i nst rui s mes aff air es. Bes ogn e vai ne d'a ill eur s: je n'a i ici ni pol ici ers, ni sol dat s, ni hui ssi ers , ni mes sag ers d'a ucu ne sor te, si bie n qu' il m'e st imp oss ibl e de fa ire par ven ir une cit ati on, ni de pro céd er à l'a rre sta tio n d'u n cou pab le. Le man que de per son nel bel ge est eff ray ant . Tou t n'e st pas ros e en pay s noi r !

Sam edi 9 jui lle t - 6 heu res (19 10, Sak ani a):

J'a i pas sé enc ore ces deu x jou rs à int err oge r des tém oin s pou r mes dif fé ren tes aff air es, à env oye r des con voc ati ons , à étu die r mes dos sie rs. Tou t cel a n'e st pas fa cil e qua nd on n'a ni exp ér ien ce, ni mat éri el adm i nis tra t if d'a ucu ne sor te:

je tro uve à pei ne du pap ier et des env elo ppe s de pet it fo rma t ! Pas une de gr and ! La tab le par con tre che z le rep rés ent ant de Com ité du Kat ang a est pas sab le. J'a i un pet it han gar -mag asi n fer mé d'a ill eur s de tou tes par ts qui est dev enu ma cha mbr e à cou che r, et mon cab ine t de tra vai l est sou s la ten te. J'a i rég lé ma vie . Le mat in à 6

½ heu res , un de mes boy s vie nt m'é vei l ler en m'a ppo rta nt une tas se de caf é ou de cac ao. ½ heu re pou r m'h abi lle r pui s jus que 7 ½ hs je vai s tra vai lle r, pré par ant la bes ogn e de la jou rné e. 7 ½ déj eun er, 8 hs pet ite pro men ade - il fa it alo rs exq uis . De 8 ¾ à mid i, tra vai l. A 10 ½ mon boy m'a ppo rte une tas se de bou ill on. 12 ½ hs dîn er, 2 heu res , tra vai l, ver s 5 heu res bai n, pui s pro men ade , dre ssa ge des boy s, visi te à un voi sin , ou je vou s écr is - qua nd j'a i le tem ps ! 7 hs sou per , cou rte con ver sat ion , qui , qua nd je ser ai seu l ser a rem pla cée par une lec tur e, pui s rep os - bie n mér ité !

Dim anc he 10 jui lle t. 7 hs (19 10, Sak ani a):

C'e st dim anc he, jou r de rep os. J'a ura i du tem ps pou r vou s écr ire ! J'a i été hie r à la fa cto rer ie tou te une sér ie d'a cha ts: com me ma can tin e n'e st pas enc ore arr ivé e, et que d'a ill eur s tou te la vai sse lle y est en éma ill é, j'a i fa it ach at de ver res , ass iet tes , tas ses . Pui s une lam pe, un pho to pho re, un app are il spa rk let , une cai sse de pét rol e, du pap ier , un sif fle t pou r app ele r mes boy s, des col s san s ami don , du bla nc pou r fr ott er les sou lie rs bla ncs , des to rch ons ... bre f, j'e n ai eu pou r plu s de 150 fr anc s.. . Tou t est ici nat ure lle men t tr ès che r: les pom mes , mag nif iqu es d'a ill eur s, et ven ant d'A ust ral ie, coû ten t 0.5 0 piè ce ! Il fa ut bie n me mon ter ! Et je met tra i plu s d'u ne de ces dép ens es au com pte du gou ver nem ent !

Je vou s par lai s hie r de "me s" boy s. J'e n ai deu x en eff et mai nte nan t ! Le pre mie r, qui s'a ppe lle "Dj umb a" a san s dou te tro uvé l'o uvr age tro p rud e, et m'e n a ame né un sec ond , en me dem and ant de l'e nga ger ! Ce que j'a i fa it. A cel ui -là je don ner ai 2 fs 50 par moi s. Le 1er n'e st pas gr and , le 2d est enc ore plu s pet it. Hie r ils ont à nou vea u les siv é. Dju mba éta it ven u me dem and er à cet te fin tou t un mat éri el. Com me je n'a vai s rie n, et que je ne com pre nai s pas ce qu' il dis ait , je lui ai enj oin t de se déb rou ill er. Et voi là com met mes gos ses lav ent le lin ge: ils ont

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