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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le dimanche 12 juillet 2015

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le dimanche 12 juillet 2015 Année 2015, numéro 8+

SOMMAIRE

Provinces : un assemblageRDC hétéroclite ? …page 1

« La Gécamines se meurt à petit feu »

…page 11

En rire ou en pleurer… page 14 Palestine

Gaza, un an après… page 17

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RDC

Provinces : un assemblage hétéroclite ?

1

Par Guy De Boeck

Différentes délégations faisant partie de la commission créée pour effectuer, dans les provinces concernées, le travail de démembrement des nouvelles provinces de la RDC sont à pied d’œuvre sur terrain pour faire l’état des lieux des dits travaux qui doivent faire face à beaucoup des contraintes.

Créée dans la perspective de la création de nouvelles provinces, la commission de démembrement a envoyé dans les provinces concernées par le découpage territorial différentes délégations qui sont en train de finir leur travail de terrain. Ces délégations devaient se rendre dans toutes les onze provinces actuelles leur mission consistait à faire l’état des lieux de chaque province afin de dresser le passif et l’actif de la province avant son éclatement.

Le choix même de cette dénomination est curieux, ne trouvez-vous pas ? On aurait pu les appeler des « délégations de remembrement », afin d’insister sur la création des nouvelles provinces, prélude bien sûr à des lendemains qui chantent… Insister sur le « démembrement »

1Les données concrètes mentionnées dans cet article sont reprises à deux articles de presse congolais, « Chargée de préparer la création des nouvelles provinces, La commission de démembrement déjà confrontée à des difficultés » par Luc-Roger Mbala Bemba, dans L’Observateur et « Nouvelles provinces : ça passe ou ça casse à la mi-août 2015 », par Jacques Kimpozo dans Le Phare, l’un et l’autre paru le 9 juillet 2015

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semble indiquer que l’important est moins de mettre en place les nouveaux cadres territoriaux du pays que d’en faire disparaître les anciens.

Ce n’est pas une nouveauté absolue pour la RDC qui a déjà connu un épisode éphémère de « multiplication des provincettes » sous la Constitution de Luluabourg ainsi que l’éclatement des provinces du Kasaï en deux (Kasaï Oriental et Kasaï Occidental) et du Kivu en trois (Nord Kivu, Sud Kivu et Maniema). Mais ces démembrements-là, bien qu’ayant eu lieu sous Mobutu qui n’était pas renommé pour sa douceur, ont eu lieu avec précaution, une seule province à la fois. On les avait d’ailleurs, à l’époque, présentés comme « expérimentaux ». Cette fois, au contraire, il s’agit de presque toutes les provinces à la fois.

Il est facile de se rendre compte que le nouveau « puzzle » ressemble beaucoup à celui des « provincettes de Luluabourg », ce qui montre que l’on a essayé de profiter des expériences du passé. On en a en tous cas repris le principe de base : les entités territoriales, qui jusqu’ici étaient des districts, vont devenir des provinces. Dans le remodelage de l’ancien Kasaï – qui sera ainsi la seule province à subir deux « liftings » depuis l’indépendance – on a même intégré les concessions faites il y a cinquante ans au séparatisme sud-kasaïen de feu Kalonji ainsi que les précautions prises pour éviter les heurts entre Lulua et Luba et la répétition des « massacres de Bakwanga ». Le résultat, passablement surréaliste, inspire tout de même quelques doutes quant à sa viabilité.

Par contre, alors que dans l’ensemble les planificateurs du redécoupage ont montré beaucoup de respect pour celui de « l’époque Luluabourg » et s’en sont beaucoup inspirés, ils ne lui ont pas repris l’idée de prévoir une

« soupape de sécurité », en soumettant au référendum les zones pour lesquelles des mécontentements étaient prévisibles.

L’installation des 21 nouvelles provinces de la République Démocratique du Congo pourrait intervenir à compter de la mi-août 2015, à défaut du 30 juin 2015, comme annoncé antérieurement.

Ainsi, le Bandundu va éclater en trois nouvelles provinces : le Kwango, le Kwilu et le Maindombe.

L’Equateur devrait donner naissance à cinq nouvelles entités : l’Equateur, la Tshuapa, la Mongala, le Nord-Ubangui et le Sud-Ubangui.

La Province Orientale devrait être subdivisée en quatre parties : la Tshopo, le Bas-Uélé, le Haut-Uéle et l’Ituri.

Le Katanga devrait disparaître au profit de quatre nouvelles entités : le Haut-Katanga, le Haut-Lomami, le Lualaba et le Tanganyika.

Le Kasaï Oriental devrait éclater en trois provincettes dénommées curieusement Kasaï Oriental, Lomami et Sankuru.

Le Kasaï Occidental devrait être rayé de la carte géographique du pays au profit du Kasaï et de la Lulua.

Avec Kinshasa, le Kongo Central, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema, qui ont échappé à la vague du découpage territorial, la RDC devrait compter désormais 26 provinces.

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Certes, sur papier, l’option de faire passer le pays de 11 à 26 provinces, arrêtée depuis la signature, en décembre 2002, de l’Accord global et inclusif ayant marqué la fin du Dialogue intercongolais, ne se discute pas. L’effectivité de la mise en place de nouvelles provinces et un processus irréversible. Il s’agit d’une décision prise démocratiquement il y a treize ans, inscrite

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dans la Constitution approuvée par référendum en 2005 et promulguée en février 2006. Mais cependant, le ministre de la Décentralisation doit, en collaboration avec la commission faire un travail en profondeur pour que le rapport final des délégations de la commission; ne soient pas sujet à des contestations. La Constitution de la Troisième République prétend instaurer un « État unitaire fortement décentralisé », avec 26 provinces autonomes ; et un système démocratique, avec un président et des représentants librement élus. En 2002, l’option des 26 provinces avait été introduite, dans ce « bouquet démocratique » pour des raisons essentiellement… romantiques.

Il s’agissait de se retrouver quelque part un « passé démocratique » auquel se référer.

Ce ne pouvait être la Loi Fondamentale de 1960, œuvre du colonisateur, ni aucun texte datant du régime Mobutu, pas davantage un texte datant de Mzee Kabila, qui n’avait guère eu le temps de s’y atteler et était de plus cordialement honni par une partie des participants au Dialogue intercongolais.

Dans ces conditions, il ne restait plus qu’un texte à la fois démocratique et congolais à mettre sur la table : la Constitution du 1er août 1964 dite Constitution de Luluabourg. Celle-ci, si en pratique elle ne dura que ce que durent les roses, est dans l’imaginaire politique congolais à la fois la trace de la seule période de liberté et de démocratie approximative qu’ils aient connue, et indissociablement associée aux idées de multiplication des provinces et de décentralisation.

Lorsque l’on jette un regard sur le passé récent, l’on note qu’en 2006, délai butoir retenu pour la mise en œuvre de cette réforme administrative et territoriale, l’unanimité s’était dégagée autour de l’incapacité du gouvernement à matérialiser la volonté des participants à la grand’messe de Sun City. Au terme de leurs échanges autour de la question, les députés nationaux, sous la modération de Vital Kamerhe, alors président du Bureau de l’Assemblée Nationale, avaient résolu de surseoir au projet, jusqu’à ce que soient réussies les conditions politiques, sécuritaires, administratives, financières et matérielles du passage de 11 à 26 provinces.

Aussitôt, apparut un clivage entre ceux qui freinent des quatre fers, notamment les Katangais, ceux qui acceptent passivement les choses sans chercher ni à les accélérer, ni à les ralentir. Dès que fut prise la décision de surseoir, on s’aperçut que manifestement, l’option n’avait pas plu aux originaires du District de l’Ituri, qui avaient brandi la menace de passer outre la décision de la chambre basse du Parlement et d’appliquer les dispositions constitutionnelles en matière de découpage territorial. Mais, en dépit de tout le bruit fait autour de la viabilité de cette future nouvelle province, le pas de l’autonomie administrative et financière n’avait pas été franchi.

Le problème des provinces

Pour nous résumer, donc, la volonté de démembrement répond bien à certaines exigences logiques. Mais cette logique est purement symbolique. Il s’est agi de trouver, dans le passé et parmi les événements que la mémoire collective a estampillés comme

« démocratiques », des faits suffisamment analogues pour servir de point d’ancrage à l’affirmation de sa légitimité. Autrement dit, cette logique n’a aucun rapport avec la nécessité d’apporter une réponse concrète à un problème pratique.

Est-ce à dire que les provinces (entendez, les 11 anciennes) n’auraient pas de problèmes pratiques et concrets ? Au contraire ! Elles en ont, et ils ont un dénominateur commun : l’argent.

Elles n’ont jamais réussi, ni à obtenir l’application de la rétrocession de 40% des rentrées fiscales prévue par cette même loi qui « redécoupe » les provinces, ni à organiser, entre

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provinces et avec l’état central, un mécanisme de solidarité et de compensation qui permette aux provinces les plus riches d’aider les plus pauvres.

En effet, chacun sait que, déjà dans la « RDC à 11 » et en mettant à part le cas de Kinshasa ville-province qui vit largement de sa fonction de capitale, il n’y avait que deux provinces sur dix qui dégageaient des excédents substantiels et conséquents : le Bas-Congo qui, à part son changement en Kongo central2, reste inchangé et le Katanga, promis à un découpage en quatre. On devrait donc s’attendre à passer de « deux sur dix » à « cinq sur vingt-cinq », ce

qui reviendrait au statu quo.

Hélas ! Trois fois hélas, même ! Au nom du « chacun pour soi », on assiste déjà à l’apparition de nouvelles inégalités et de nouveaux égoïsmes. Déjà, dans l’ancienne province du Katanga, les ressortissants de la future province du Haut Lomami estiment qu’ils doivent bénéficier d’une part importante dans la rétrocession de 40 % destinée à la province du Katanga compte tenu du fait que leur sol regorge d’immenses minerais de cuivre, cobalt… qui contribuent en grande partie à alimenter le trésor public.

Kamina, capitale du Haut Lomami Cela revient, en pratique, à réutiliser, à l’intérieur de l’ex-Katanga, l’argument dont ce même Katanga avait précédemment usé et abusé vis-à-vis de l’Etat Central. « Le Katanga, vache à lait de tout le Congo », disait-on dès avant l’indépendance… Il semble que sous peu et après remixage, ce vieux « tube » va resservir sous la forme « Le Haut-Lomami, vache à lait de tout le Katanga ».

Qu’est-ce qui a changé ?

La grande inconnue du moment, c’est de savoir si ces entités fraîchement émoulues, que sont les nouvelles provinces, réunissent les conditions administratives, financières et matérielles requises pour fonctionner comme entités territoriales décentralisées.

Il y a quelques années, l’on a estimé nécessaire de surseoir au projet, jusqu’à ce que soient réussies les conditions politiques, sécuritaires, administratives, financières et matérielles du passage de 11 à 26 provinces. Qu’est-ce qui a changé depuis lors ?

La question vaut son pesant d’or. En effet, A. Muzito, un ancien chef du gouvernement, économiste de formation et de profession, a démontré dernièrement, chiffres à l’appui, que l’exécutif national congolais n’avait pas encore les moyens financiers de traduire en actes la volonté du législateur relative à l’éclatement du pays en 26 provinces. Après l’analyse des contraintes administratives, financières, logistiques et autres, il a recommandé aux partisans du découpage territorial immédiat de tempérer leurs ardeurs.

2Dénomination qui est, à tout le moins, très maladroitement choisie. Suivant l’usage, Kongo avec « K » désigne la tribu des Bakongo, tandis que l’on écrit « Congo » avec « C » pour le fleuve ou le pays. Et l’adjectif

« central » ne peut que renvoyer lui aussi au « Royaume kongo » d’antan, « central » puisque cette province se situe entre les Kongo d’Angola au Sud et ceux du Congo Brazzaville et du Gabon, au Nord. Après cela, on prétendra avoir tout fait peur éviter les incidents ethniques !

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Se livrant au monitoring du Budget national, plafonné autour de neuf milliards de dollars américains, il a tranché que le temps de « découper » la RDC en 26 entités autonomes n’avait pas encore sonné. Il avait rappelé les retards

chroniques de paiement des arriérés de la quotité de 40% de recettes que le pouvoir central devrait rétrocéder aux onze provinces actuelles, dont la viabilité pose sérieusement problème.

C’est en fait tout le problème de la « procrastination à la congolaise ». Quand on a acquis la conviction qu’il « faut donner du temps au temps », on abandonne le chantier en semblant croire que le passage du temps aura des effets magiques. On se borne à attendre, à compter sur l’évolution naturelle des choses, sans plus travailler sur la question.

Quand on agit ainsi, on ne récolte que la seule chose que le temps à lui seul apporte : de la rouille.

Les membres des délégations de démembrement reconnaissent que parmi les grandes difficultés rencontrées, figure bien celle de leur mobilité. Ils soutiennent que logiquement, il leur est difficile de se déplacer dans le Congo profond. En Province Orientale et dans l’Equateur, beaucoup de futures nouvelles provinces telles que le Sud Ubangi, le Nord Ubangi (province de l’Equateur), le Bas-Uélé, le Haut-Uélé (Province Orientale), le Maï-Ndombe, le Kwilu (Bandundu), le Sankuru (Kasaï Oriental) sont isolées et dépourvues d’infrastructures, (routes, bâtiments administratifs).

« Par exemple pour arriver dans la future province du Nord-Ubangi, il faut attendre la montée des eaux de la rivière Ubangi, le Haut- Uélé et le Bas-Uélé sont des régions totalement enclavées et dépourvues d’infrastructures. Dans le contexte actuel, le travail des commissions ne peut que patauger », a reconnu M. Remy Say membre de la commission de démembrement.

Plusieurs analystes politiques et économiques ont abordé, avec froideur, le thème du découpage territorial, ont attiré l’attention de tous sur les risques d’érection en provinces d’entités qui ne vivraient que l’espace des cérémonies officielles de leur installation. Certains ont cité les cas de provincettes telles que le Maindombe, la Tshuapa, la Mongala, le Sud- Ubangi, le Nord-Ubangui, la Tshopo, la Lulua, le Lomami, le Haut-Lomami, le Lualaba…où n’existe pas d’infrastructures d’accueil de nouvelles administrations à installer dans de nouveaux chefs-lieux.

La faillite pourrait frapper rapidement aux portes des assemblées et gouvernements provinciaux, dont les charges de fonctionnement sont à multiplier par 26, en pleine exécution d’une loi de finance votée au Parlement sans avoir pris en compte leur mise en œuvre. Sans routes, sans bâtiments, sans industries, sans électricité, sans aéroports, sans ports, sans rails, sans eau potable, sans hôpitaux de référence, sans universités, sans marchés modernes, sans fermes agro-pastorales… comment vont vivre les nouvelles provincettes ?

Vont-elles continuer à attendre la manne de Kinshasa ? Si ça casse… !

Si le train de la réforme quitte la gare à la mi-août pour s’arrêter juste à sa sortie, il pourrait s’ensuivre des frustrations telles que le pays risque d’imploser. Serait-il possible de faire marche arrière et de convaincre tous ceux et toutes celles qui auront acquis, à moindre

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frais, le statut de gouverneurs, vice-gouverneurs, ministres provinciaux, députés provinciaux, directeurs généraux de régies financières provinciales, de renoncer à leurs coquilles vides ?

Le scénario-catastrophe se profile à l’horizon, avec à l’avant-plan, de futurs roitelets capables de se rebeller contre Kinshasa et de décréter l’indépendance de micro-Etats sans lendemain. Le découpage territorial semble cacher le lit du futur chaos qui guette la République.

A partir de la mi-août, chacun pourrait constater si ceux qui ont précipité l’installation de nouvelles provinces ont eu réellement raison de conduire le pays vers une innovation de tous les dangers.

Si ça casse, la conséquence immédiate du dysfonctionnement politico-administratif du pays serait le glissement du calendrier électoral. Dans ce cas, l’histoire donnerait raison à celui qui a préconisé le «glissement collectif».

Une première « cassure » est déjà visible. Le travail des délégations de démembrement est sérieusement contesté, avant même la publication du rapport final des délégations dans la sphère politique congolaise,

Les délégations envoyées en Province Orientale et au Katanga ont déjà déposé leurs rapports. Tandis que celles envoyées dans la province de l’Equateur, du Bandundu et dans les deux Kasaï continuent de mener leurs travaux.

Plusieurs députés provinciaux et nationaux et des acteurs de la Société civile accusent les délégations qui ont fini leur état des lieux respectivement au Katanga et en Province Orientale d’avoir fait un travail bâclé. Car, selon eux, ils ne comprennent pas comment ces délégations peuvent ainsi terminer leur travail dans moins d’une semaine dans des provinces aussi gigantesques que le Katanga, la Province Orientale ou l’Equateur.

« Ces délégations n’ont pas fait un travail de fond. Ils se sont limités à l’accessoire. Au lieu d’aller vraiment dans les villes et localités du Katanga profond et de la Province Orientale profonde. (Haut-Uélé, Bas-Uelé), les délégations se sont limitées seulement à des grandes villes telles que Kisangani, Bunia, Lubumbashi... pour faire l’état des lieux qui doit leur permettre de dresser le passif et l’actif des provinces avant leur éclatement, c’est vraiment un travail bâclé », ont déclaré les députés provinciaux et nationaux croisés au Palais du peuple. Ils

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soutiennent que faire un état de lieu des provinces aussi vastes que la Province Orientale, le Katanga, le Bandundu et l’Equateur en moins d’une semaine est une entreprise impossible vu le manque d’infrastructures dans les régions concernées.

Ce scénario-là, celui où, dans des districts écartés censés devenir des provinces, on se retrouverait dans des conditions dignes des pionniers, est celui dont on parle le plus. Que, pour atteindre Gbadolite3, chef lieu du Nord-Ubangi, il faille attendre que cette rivière soit en crue…

On croirait lire un texte du temps de Léopold II.

Mais il n’y a pas qu’une manière de « casser », celle qu’on pourrait appeler « l’émiettement » et dont la RDC a déjà connu un avant-goût lors de la tentative des « provincettes

» sous la Constitution de Luluabourg.

Il y a d’autres dangers. Que va-t-il se passer, par exemple, dans les actuelles capitales provinciales, qui resteront capitales, mais d’entités trois ou quatre fois plus petites ? Bien sûr, cela aura des aspects positifs. A Mbandaka, Lubumbashi, Mbuji Mayi, Kananga, Kisangani, etc…, il y a des bâtiments, des infrastructures, et il y en a même trop, puisqu’ils sont à la taille de l’ancienne « grande » province. Ces villes-là risquent de connaître des difficultés sociales liées à la « cure d’amaigrissement forcée » qu’elles vont devoir subir.

Bâtiment de prestige à Lubumbashi

Que deviendront les fonctionnaires provinciaux rendus subitement « surnuméraires » ? Si on se livre à des licenciements « secs », on accroîtra le nombre des sans emploi et peut-être la délinquance. Si on essaie de les reclasser dans autres entités nées du démembrement de la même

« ancienne grande province », gare aux conflits entre « originaires » et « étrangers » !

Jusqu’ici, il y avait des provinces « riches » et des provinces « pauvres ». Dans la réforme en cours, on ne voit pas trop ce qui serait de nature à rendre les pauvres moins pauvres.

3La raison pour laquelle on a laissé Gbadolite retourner à la brousse est évidente. C’était le plus haut lieu du culte

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Le Tanganyika était un district pauvre dans le riche Katanga et de ce fait il pouvait lui arriver de recevoir quelque chose de Lubumbashi. L’ériger en province ne l’enrichira guère. Et Lubumbashi, avec ses deux millions d’habitants, va sous peu se trouver à l’étroit dans l’étroite province du Haut-Katanga. Tout le monde sera pauvre, mais de pauvretés différentes.

Hélas ! Diversifier la pauvreté, ce n’est pas la combattre ! Précipitation inconsidérée

Une autre difficulté majeure réside dans la réticence de certains chefs coutumiers au démembrement des provinces. Beaucoup estiment que ce démembrement suivi de la création de nouvelles provinces va restreindre voire réduire le pouvoir coutumier et une bonne partie de leur sphère de pouvoir et pourrait réveiller des rivalités ethniques.

Selon certains députés, la répartition du patrimoine et des ressources financières entre les nouvelles provinces va à coup sûr, provoquer des conflits entre les gestionnaires de nouvelles provinces. « Les moins servis pourraient alors se rabattre sur les pauvres paysans en multipliant des taxes pour la gestion quotidienne de leurs administrations », ont-ils affirmé.

Déjà, le premier couac est venu le lundi 6 juillet 2015 de la Province Orientale où les députés provinciaux de l’Ituri ont demandé à la direction générale des ressources domaniales et de participation (DGRAD) et à la DCI de ne plus rendre compte aux autorités provinciales à Kisangani.

Selon eux, la Province Orientale a cessé d’exister depuis le week-end dernier après la fin de la visite d’évaluation fait par la délégation de la commission de démembrement de la Province Orientale. De son côté un conseiller du gouverneur de la Province Orientale a vivement critiqué cette déclaration des députés de l’Ituri en soulignant que cet appel relève bien de l’incivisme.

La question que bon nombre d’observateurs se posent est celle de savoir pourquoi ces députés de l’Ituri et des autres provinces se livrent à une telle bagarre ? Que cache cette volonté à vouloir à tout prix prendre les commandes d’une province (Ituri) qui ne dispose pas d’infrastructures adéquates pour abriter toutes les nouvelles institutions et l’administration.

(Cela peut paraître un peu soupçonneux envers les Ituriens, mais il faut tenir compte de ce que la « guerre de l’Ituri », non seulement a été l’un des épisodes les plus férocement barbares de la « guerre mondiale africaine » commencée en 1998, mais qu’elle s’est prolongée avec non moins de violence dans une guerre « ethnique » inspirée par l’Ouganda qui essayait de récupérer à son profit l’antagonisme Hema / Lendu. L’Ituri a pendant un temps fait figure de « province francophone de l’Ouganda »4.C’est aussi par cette province que la RDC touche au Lac Albert et à ses gisements de pétrole, lesquels font l’objet non seulement de coups bas de la part des deux pays, mais aussi de magouilles financières auxquelles seraient mêlées les deux « familles présidentielles ». Il y a tout de même là des faits récents et inquiétants qui sont de nature à inspirer de légitimes inquiétudes ! )

Enfin, ce processus doit aller de façon progressive et bien élaborée à son terme afin que la naissance des 26 nouvelles provinces soit vraiment une source de cohésion sociale et le point de départ du développement intégral de la République démocratique du Congo. Aussi, la loi sur

4Voir, p. ex. Alphonse Maindo Monga Ngonga : « La républiquette de l’Ituri » en République démocratique du Congo : un Far West ougandais » Editions Karthala Politique africaine 1/2003 (N° 89) , p. 181-192 Distribution électronique http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=POLAF_089_0181 ou aller à http://www.congoforum.be/fr/congodetail.asp?subitem=21&id=202164&Congofiche=selected

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la programmation et la mise en œuvre de nouvelles provinces adoptées au Parlement doit être appliquée en tenant compte de certains paramètres sociaux, géographiques et économiques.

Toute improvisation, toute précipitation risquerait de replonger le pays dans une nouvelle période de conflit.

Kisangani

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« La Gécamines se meurt à petit feu »

Le centre de maintenance de Panda tourne au ralenti à Lubumbashi. photo © Ch. Rigaud– Afrikarabia

Par Christophe RIGAUD5

Une lettre ouverte du Pakar, un parti politique katangais, alerte les notables de la riche province minière de la « mort programmée » de la Gécamines, un des fleurons de l’industrie congolaise. En cause : la mégestion de l’équipe dirigeante. « Rien ne va plus à la Gécamines » dénoncent les Patriotes katangais aile radicale (Pakar) dans trois lettres envoyées en mars, avril et mai 2015 à des personnalités de Lubumbashi, la capitale du cuivre. Presque un an après le limogeage de son directeur général, le géant minier semble toujours naviguer à vue, entre opacité et corruption. Après le renvoi du directeur de la Gécamines, Ahmed Kalej Nkand, pour des motifs essentiellement politiques, Albert Yuma, le tout puissant président de la société minière, avait annoncé un ambitieux programme de production sur 16 mois. Un plan de développement qui semble toujours au point mort, selon le Pakar.

Plan de relance en panne

Le constat de ce parti politique katangais est sans appel pour la gestion de l’entreprise minière : « une production quasi nulle, des unités à l’arrêt comme dans le concentrateur de Kambove, des contrats toujours aussi opaques, des finances dans le rouge et une situation sociale calamiteuse ( accumulation d’arriérés de salaire, mise à la retraite sans paiement, travailleurs clochardisés…) ». Le programme de relance de la Gécamines prévoyait une production totale de 51.000 tonnes de cuivre, soit une moyenne de 3.000 tonnes par mois. 34 millions de dollars ont été prévus pour financer le projet. Mais selon le Pakar, ce programme « mal conçu et mal ficelé était juste fait pour les besoins de consommation de la Présidence de

5Repris à Afrikarabia - 10 juil 2015

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la République. Huit mois après le lancement de ce programme, la production ne dépassait pas 7.200 tonnes, contre les 23.500 tonnes prévues. Seulement 28% du programme avaient été réalisés. Le programme d’Albert Yuma s’achemine vers un échec ». Deux projets de construction avaient été mis sur pied pour soutenir ce programme : l’un à Kanfundwa et l’autre à Shituru. Ces deux modules devaient contribuer à la production à hauteur de 15.200 tonnes de cuivre. Pour le moment, ils ne sont toujours pas encore opérationnels.

Certaines installations peinent à fonctionner, faute de pièces de rechange. Photo : Ch. Rigaud– Afrikarabia

Gabegie financière

Le rapport du Pakar dénonce les pratiques peu orthodoxes de la Gécamines avec certains de ses fournisseurs. Parmi les exemples cités, celui de TCB (Technology Business Company) qui a été payé de 600.000 dollars pour l’achat de pièces de rechange pour réhabiliter le concentrateur de Kambove. Visiblement, ce fournisseur n’avait jamais passé un si gros contrat avec la Gécamines. Le Directeur financier avait alors refusé de payer à l’avance ce fournisseur dont « la notoriété et le professionnalisme n’étaient pas encore prouvés ». Mais la somme a tout de même été décaissée par la Direction générale (DG), pendant un déplacement du Directeur financier. Selon le rapport : « non seulement le fournisseur a livré des pièces de rechange d’occasion récupérés dans un concentrateur de Zambie », mais surtout ces pièces se sont révélées non conformes. Résultats : le concentrateur de Kambove est à l’arrêt et continue à connaître des problèmes, « malgré les sommes énormes dépensées ». Dans cette affaire, le Pakar pointe la proximité entre le fournisseur et le DG par intérim, Jacques Kamenga Tshimwanga, « tous deux originaires du Bandundu ». Les nombreux concentrateurs de la région gérés par d’autres compagnies (Boss Mining, KCC ou CMSK), « fonctionnent eux parfaitement » souligne le parti politique.

« Gouvernance autoritaire »

Qu’est-ce qui ne va pas à la Gécamines ? Les anciennes sociétés d’Etat sont devenues petits à petits des sociétés commerciales, gérées comme des entreprises privées avec pour objectif la productivité et la rentabilité. Problème à la Gécamines : « la productivité est chancelante et la rentabilité nulle » affirme le Pakar. En cause : les deux organes qui gèrent la société minière : le Conseil d’administration (CA) et la Direction générale (DG). Pour le Pakar, la cause de ces dysfonctionnements est à chercher du côté de la gouvernance de la société minière. « Depuis un certain temps toutes les décisions ne sont plus prises de manière

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document dénonce une présidence autoritaire qui peut « chasser ou réprimander à son bon vouloir ». Certains contrats seraient négociés par le président sous en référer aux autres membres du Conseil d’administration. La Gécamines serait donc gérée depuis Kinshasa et le rôle de Directeur général, réduit à celui d’un simple « garçon de courses ». De plus, le DG par intérim, Jacques Kamenga Tshimwanga, aurait peu de compétences dans le domaine minier.

Sur les traces de la MIBA ?

Pour apporter un éclairage plus tempéré à la charge du Pakar contre la gouvernance de la Gécamines, il faut aller chercher du côté de l’animosité quasi ancestrale entre « les Katangais » et « ceux de Kinshasa ». « Qu’avons-nous fait, nous Katangais, pour mériter un tel DG à la tête de notre Gécamines ? Il ne rate pas une occasion pour tirer à boulets rouges sur les Katangais » tempête le Pakar.

En creux, il faut y voir la violente lutte d’influence au sein du « clan des Katangais », proche de l’actuel chef de l’Etat, Joseph Kabila. Ce dernier vient en effet de jouer « un mauvais coup » au Katanga, en accélérant à marche forcée la décentralisation du pays, découpant la riche province minière en quatre nouvelles entités. Un contexte qui n’enlève rien des inquiétudes du Pakar, recoupées et relayées pour de nombreuses ONG locales et internationales sur la mégestion de la Gécamines. Le Pakar tire la sonnette d’alarme et demande « un audit indépendant » pour y voir plus clair sur la situation de l’entreprise minière. « Si rien n’est fait, la Gécamines risque de connaître le même sort que la MIBA, aujourd’hui à l’arrêt » prévient en conclusion le Pakar.

Enfants au travail dans le « creusage artisanal », à Kambove

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En rire ou en pleurer ?

©Kash 2015

Par Jean Kenge6

Les Congolais ne savaient pas, le week-end dernier, quelle attitude adopter face à la montée au créneau de plusieurs représentants des pouvoirs publics qui se sont précipités à étouffer l’ affaire de la prétendue plainte du chef de l’Etat contre certains de leurs dirigeants.

Selon plusieurs médias – dont l’Agence France Presse et Radio Okapi – qui ont évoqué l’affaire, le chef de l’Etat congolais avait, par l’entremise de son conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, déposé le 23 juin 2015 une plainte à l’office du procureur général de la république à charge de plusieurs personnalités publiques pour corruption, détournement de deniers publics, etc. Selon les mêmes sources, quatre gouverneurs de province, l’ancien directeur de cabinet du président de la république, un membre du gouvernement en fonction et un autre ayant déjà quitté ses fonctions au sein de l’équipe gouvernementale étaient visés par la plainte. Des noms des gouverneurs de province tels que Moïse Katumbi Chapwe (Katanga), Marcellin Chishambo (Sud-Kivu), Alphonse Ngoyi Kasanji (Kasaï Oriental), Alex Kande Mupompa (Kasaï occidental) ont été abondamment cités.

L’onde de choc a été telle que plusieurs sources officielles ont aussitôt entrepris, sinon de démentir l’information, à tout le moins de la nuancer.

Julien Paluku, gouverneur du Nord-Kivu, a été le premier à proposer la première partition de ce changement de ton en parlant de rumeur. C’était le 25 juin à l’issue d’un entretien entre Joseph Kabila et les gouverneurs de provinces venus à Kinshasa lui faire le rapport des consultations avec les forces vives de l’arrière-pays sur le dialogue politique.

Personne ne l’avait pris au sérieux. Jusqu’au moment où, jeudi 02 juillet, le procureur général de la république en personne, Flory Kabange, a confirmé ce nouveau développement.

Premièrement, en parlant d’une dénonciation et non d’une plainte, ce qui en change la portée.

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Deuxièmement, en confirmant l’ouverture d’une information judiciaire qui risque, évidemment, de prendre du temps et d’exiger des moyens conséquents…

La déclaration était assortie d’une menace contre tous ceux qui continueraient à citer des noms en piétinant le principe de la présomption d’innocence.

Deux questions pouvaient, au minimum, se poser à ce stade. La première : un président de la république peut-il verser dans la dénonciation et la délation au risque de s’exposer à des poursuites? Deuxième question : pourquoi les médias ayant cité des noms ne sont-ils pas poursuivis ou, à tout le moins, mis au défi de produire la fameuse plainte afin d’édifier l’opinion?

Le déminage délicatement entrepris par le procureur général de la république poursuivait ainsi clairement l’objectif non pas d’apporter un nouvel éclairage mais d’étouffer l’affaire. Pour preuve, ses déclarations telles que «les enquêtes de ce genre sont longues» ou encore «quelqu’un qui détourne ou qui fait l’exercice de blanchiment de capitaux prend toutes les précautions pour ne pas se faire prendre ».

Pour autant, la volonté d’imposer le silence n’a pas toujours suffi, certes pour des raisons parfois inattendues.

Ainsi dans un communiqué rendu public vendredi 03 juillet, le premier ministre Matata Ponyo s’est cru à son tour obligé de jouer sa propre partition. D’abord, en appuyant le procureur général de la république avec une mise en garde à tous ceux qui risquaient de porter atteinte à l’honneur de certaines personnalités en continuant de citer des noms. Ensuite, en tirant subtilement la couverture de son côté par la réaffirmation du leitmotiv qui a toujours conduit son action depuis qu’il s’était occupé du ministère des finances jusqu’à son ascension à la Primature. Une action, au plan tant juridictionnel qu’institutionnel, qui a beaucoup investi dans la lutte contre la corruption et les détournements.

Question : le premier ministre s’est-il senti menacé, d’une manière ou d’une autre, par cette affaire, du simple fait que l’un ou l’autre membre du gouvernement aurait été cité, ou s’est-il senti obligé de prêcher anticipativement - mais pourquoi donc - la pédagogie de la solidarité gouvernementale? On ne le saura peut-être pas de sitôt. Ce qui est sûr en revanche, c’est que Matata Ponyo s’est publiquement insurgé contre «la crédibilité des documents contradictoires actuellement en circulation au niveau de la presse, et qui, malheureusement, citent le nom d’un membre du gouvernement en fonction et évoquent les fonctions d’un autre déjà parti du gouvernement».

Opération réussie? L’interrogation persiste, d’autant que le premier ministre a visiblement tenu à s’exposer lui-même dans une affaire où il n’était pas cité. De même, si les documents en circulation sont contradictoires, ils ont néanmoins le mérite d’exister et de n’avoir pas fait l’objet d’un démenti formel dans les médias incriminés. Et s’il est légitime de s’interroger sur la crédibilité de ces documents, il est en même temps difficile d’éviter qu’une telle ligne de défense ne se justifie pas par la confirmation que des noms ont été cités…Ce que le premier ministre vient de faire à travers son communiqué.

La quadrature du cercle, en somme. Car, si le mérite d’un faux est de mettre en lumière le vrai, dans le cas d’espèce, plainte ou dénonciation, le document authentique n’est toujours pas venu chasser le faux afin de couper court à la rumeur. Mais encore?

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A l’évidence, le procureur général de la république s’est employé à désamorcer une bombe dont l’explosion pouvait donner lieu à des effets inattendus dès lors qu’«accusés» ou

«dénoncés» pouvaient utiliser tous les moyens à leur disposition pour se défendre. De son côté, concerné ou non, le premier ministre a cru bien faire en s’inscrivant dans cette logique afin de mieux marquer son territoire. Malheureusement, il n’a réussi qu’à soulever des questions sur les non-dits de sa démarche.

Au bout du compte, c’est une courbe rentrante dont ne sort pas grandi le conseiller spécial du chef de l’Etat, Luzolo Bambi Lessa, qui devra seul porter le chapeau du ratage monumental d’une opération qui n’a pas été appuyée par «des enquêtes des services attitrés», lit-on, comme une critique qui ne veut pas dire son nom, dans le communiqué de la Primature.

Mais aussi le peuple congolais qui pouvait espérer des révélations inédites sur la gouvernance de la RDC.

Alors, en rire ou en pleurer?

En rire, parce qu’il s’agit d’un imbroglio politique que le gouvernement congolais aurait pu éviter. Quitte à déplorer encore une fois la tendance des acteurs politiques à se précipiter, à ne pas mûrir les dossiers, à ne pas prendre le temps de les approfondir, préférant sans aucun doute l’effet d’annonce, le règlement des comptes dans la perspective des élections, ainsi que la politique du spectacle.

En pleurer parce que le coup de frein imprimé brutalement à cette affaire qui commençait à mobiliser l’opinion tant nationale qu’internationale par son caractère inédit et spectaculaire prive les Congolais des révélations qu’ils étaient en droit d’espérer sur les mœurs politiques et la gouvernance de leur pays...

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Palestine Gaza, un an après

CARTE BLANCHE DES O.N.G., PUBLIÉE DANS LA LIBRE BELGIQUE LE 8 JUILLET 2015 Il y a un an, le Gouvernement israélien lançait l’opération Bordure protectrice sur la bande de Gaza, prétendant agir en réponse aux tirs des roquettes et mortiers des groupes armés palestiniens vers Israël. Bilan de l’attaque : 2 252 Palestiniens (dont 70% de civils) et 67 Israéliens (dont 9 % de civils) ont perdu la vie. À Gaza, un quart de la population a été déplacée, des quartiers entiers ont été rasés, 75 hôpitaux et 270 écoles ont été endommagés et 18 000 habitations ont été détruites laissant plus de 100 000 personnes sans abri. Un bilan si désastreux qu’une organisation de l’ONU déclarait que la reconstruction prendrait 20 ans. Dans les conclusions de son rapport de juin dernier, la commission chargée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU d’enquêter sur les violations du droit international commises durant Bordure protectrice évoque un « niveau de dévastation sans précédent » à Gaza. La commission souligne que des violations du droit international humanitaire – et potentiellement des crimes de guerre – ont été commises par Israël et les groupes armés à Gaza. La disproportion en termes de puissance militaire est néanmoins évidente. Comme le souligne la commission, les nombreuses attaques menées par l’armée israélienne contre des quartiers résidentiels ou densément peuplés, alors qu’il était clair que l’impact sur les populations civiles serait désastreux, sembleraient s’inscrire dans une doctrine militaire, approuvée au plus haut niveau du gouvernement israélien.

Depuis plusieurs années, les opérations militaires israéliennes se succèdent (Plomb durci en 2008, Pilier de défense en 2012, Bordure protectrice en 2014) et leur bilan est de plus en plus lourd. Durant les hostilités, on constate une véritable érosion des règles de base du droit

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international humanitaire. L’utilisation d’armes explosives par l’armée israélienne dans des zones urbaines densément peuplées a augmenté de façon exponentielle. L’emploi massif de bombes aériennes et d’artillerie lourde démontre une indifférence choquante pour le sort de la population civile à Gaza. En même temps, la croissance progressive de la portée des roquettes des groupes armés à Gaza met un plus grand nombre de civils israéliens en danger.

Aujourd’hui, à Gaza, un enfant de 7 ans aura subi trois opérations militaires de grande ampleur.

Les seules constantes qu’il aura connues sont le blocus, l’impunité, les pertes civiles, les destructions et aucun espoir d’une vie digne et sûre à l’avenir.

Après l’opération Bordure protectrice, une conférence internationale s’est tenue au Caire afin de réunir les bailleurs de fonds pour la reconstruction de Gaza. En ce jour, seuls 27 % des 3,5 milliards de dollars déjà levés ont été débloqués. Les questions sous-jacentes au blocage des fonds sont cyniques : pourquoi refinancer des infrastructures qui pourraient être détruites dans les prochains mois ? Comment investir dans la reconstruction alors que ce sont les mesures de restrictions sévères imposées par Israël qui empêchent la reconstruction ?

La situation d’extrême urgence de la bande de Gaza n’est pas uniquement liée aux attaques à répétition. Depuis huit ans, la population gazaouie vit sous blocus israélien. Or il s’agit d’un des territoires les plus densément peuplés du monde. Durant les attaques, il n’y a pas d’abri où se réfugier. Et après les attaques, la reconstruction est quasi impossible. En dehors des attaques, et en conséquence de l’enfermement, l’économie est dévastée, le taux de chômage est de 47 % tandis que 80 % des habitants vivent grâce à l’aide alimentaire internationale.

L’activité industrielle est au point mort, le fonctionnement des hôpitaux dépend de l’acheminement de l’essence pour les groupes électrogènes, l’exportation de produits issus de l’agriculture est impossible et les zones de pêche autorisées par l’armée israélienne n’ont toujours pas été élargies contrairement aux accords de cessez-le-feu signés après la guerre de l’été dernier. Les hôpitaux, les écoles, le système d’égouttage, des stations d’épuration, la centrale électrique et d’autres infrastructures touchées par l’armée israélienne sont dans un état de délabrement qui met en danger la santé, l’éducation, le développement et tout simplement la vie des habitants.

Des organisations internationales ont condamné un nombre incalculable de fois le blocus et le fait qu’il constitue une punition collective de la population palestinienne. Israël fait la sourde oreille, sans qu’aucune réelle pression ne soit exercée à son égard. La politique israélienne qui vise à séparer Gaza de la Cisjordanie est toujours en vigueur et fragmente profondément le territoire palestinien occupé autant que la société palestinienne.

Alors que les rapports d’experts se succèdent, soulignant les uns après les autres la situation d’extrême urgence dans laquelle se trouve la bande de Gaza, la communauté internationale reste les bras croisés. Avec l’impunité qu’elle octroie à Israël et son inaction face au blocus, elle a une lourde responsabilité dans l’avenir de cette prison à ciel ouvert.

En conséquence, nous, organisations de la société civile belge et internationale, appelons les autorités belges à :

1. agir aux niveaux national, européen et international pour mettre fin au blocus illégal de Gaza;

2. agir en vue de mettre fin à l’impunité qui prévaut à Gaza et en Israël. Il est essentiel que des

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Belgique doit soutenir chaque démarche qui tend à cet objectif et garantir que les violations des droits humains ne se répètent plus ;

3. agir pour mettre fin à la politique israélienne de séparation drastique des entités palestiniennes et pour maintenir l’intégrité territoriale de la Palestine ;

4. relancer les négociations du Caire afin de reconstruire Gaza ;

5. suspendre immédiatement les transferts d’armes ou de munitions vers Israël (c’est déjà le cas pour les groupes armés à Gaza) vu le risque majeur de voir ces armes servir à des violations du droit international humanitaire. La Belgique doit garantir que la suspension du transfert des armes sera respectée au niveau européen en accord avec la position commune sur les transferts des armes du Conseil de l’Union européenne.

Referenties

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Pour autant, il serait faux de penser que celle-ci n’y ait pas réagi et, qu’en retour, la France officielle – le Quai d’Orsay (Direction politique, Service de presse,

Ce plan a été publié en 1949 par le Ministère des colonies sous la signature du ministre de l’époque : Pierre Wigny, sous le titre exact de « PLAN DECENNAL POUR

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