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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le samedi 19 avril 2014

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le samedi 19 avril 2014

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Année 2014, numéro 11 SOMMAIRE

Rwanda

France-Rwanda : L’excuse et l’enquête... page 1

Kagamé "Je ne conseille à personne de se mêler des affaires intérieures du Rwanda"... p 3 ONU : La formulation « génocide contre les Tutsis » sévèrement critiquée... page 9 Kagame vient de révéler sa plus grande peur : la Réconciliation Hutu / Tutsi... page 10

RDC /Rwanda : Rudasingwa: "Kagame a tué Laurent-Désiré Kabila"... page 12 RDC/ Ouganda

RDC/ Ouganda RDC/ Ouganda RDC/ Ouganda

Jamil Mukulu de l'ADF, le rebelle islamiste du Nord-Kivu... page 14 Burundi

BurundiBurundi Burundi

François Bizimana (Cndd) : « Le gouvernement ne peut pas rester les bras croisés! »... page 16 RDC

RDC RDC RDC

Parc des Virunga : société civile contre société pétrolière... page 17

Tentative d’assassinat d’E. de Mérode, conservateur du Parc national des Virunga... page 19

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Rwanda Rwanda Rwanda Rwanda

France-Rwanda : L’excuse et l’enquête

Par Les invités de Mediapart - 14 avril 2014

Rafaëlle Maison, professeur de droit international à l’Université Paris Sud, estime qu'il faut reconsidérer le caractère

« humanitaire » de l'opération Turquoise et envisager la présentation d'excuses de la France au Rwanda. Elle plaide aussi pour la création d'une nouvelle commission parlementaire disposant de pouvoirs accrus pour faire la lumière sur l'influence française

avant et pendant le génocide de 1994.

Nous reprenons ici le texte de cette consultation, tel qu’il a été publié par Médiapart, sans ren y ajouter ou y retrancher. Nous ne nous sommes réservé que le droit d’ajouter des notes, là où cela nous a semblé opportun.

Les déclarations du président du Rwanda Paul Kagamé avant et pendant la commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda, ainsi que les réactions françaises officielles à ces déclarations, peuvent être pensées selon les catégories du droit international public, ce droit qui régit principalement les rapports entre Etats. La demande et la présentation d’excuses, tout comme la demande et l’engagement de poursuites disciplinaires ou pénales, s’inscrivent dans le droit international de la responsabilité. Excuses et poursuites contre les agents étatiques auteurs d’un illicite international constituent ainsi une forme de réparation de cet illicite, forme décrite par le terme de « satisfaction ».

L’illicite dont il est question ici est considérable. Il s’agit du génocide, crime de droit des gens, « crime des crimes » selon l’expression du Tribunal pénal international pour le Rwanda, créé par le Conseil de sécurité des Nations unies à l’issue d’une période où plus de 800 000 Tutsi du Rwanda furent massacrés par l’action concertée du gouvernement intérimaire issu du coup d’Etat du 6 avril 1994, d’une partie de l’armée, des milices, et de la population invitée à l’extermination par les autorités administratives1.

La Convention sur le génocide de 1948 oblige les Etats qui y sont parties (la France est de ceux là depuis fort longtemps) à prévenir le génocide et à en punir les auteurs ou complices individuels. Cette Convention évoque également – sans il est vrai être très explicite – une action qui pourrait être conduite par l’Organisation des Nations Unies.

1 Je me vois contraint de constater qu’une fois de plus on ne se soucie nullement de démontrer, non pas qu’il y a eu des massacres au Rwanda, mais qu’il y a eu un génocide, et qu’il n’y en a eu qu’un seul. Le crime de génocide suppose la préméditation, que rien ne vient établir, et la description des faits est purement décalquée sur les thèses gouvernementales rwandaises.

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L’ONU, dont la réaction de retrait pendant le génocide est bien connue, a présenté des excuses à l’Etat rwandais, tout comme l’ont fait, pour leur inaction, les Etats-Unis et la Belgique. Les autorités françaises se sont quant à elles contentées de reconnaître des « erreurs d’appréciation »par la voix du président Sarkozy dont le déplacement au Rwanda, probablement inspiré par le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, représentait toutefois une avancée2. Car cette parole officielle mettait un terme, en 2010, à une période trouble où l’acte d’un magistrat français, la sinistre ordonnance du juge antiterroriste Jean- Louis Bruguière, accusait, sans aucun élément de preuve sérieux3, des personnalités officielles du Rwanda de l’après-génocide d’avoir prémédité et perpétré, pour le compte du Front patriotique rwandais (FPR), le mouvement armé de la diaspora Tutsi, l’attentat du 6 avril 1994 souvent présenté comme « déclencheur » des massacres des Tutsi du Rwanda4.

Fallait-il aller plus loin ? On avance que des excuses auraient été incongrues parce que, précisément, la France fut la seule à réagir, par l’intervention Turquoise. C’est l’argument le plus souvent présenté : pas d’inaction fautive et, bien au contraire, une intervention de nature humanitaire. Mais les éléments qui sont désormais dans le champ public grâce au travail d’enquête de plusieurs journalistes et militants associatifs – documents d’archives publiés, témoignages de militaires déployés dans le cadre de l’opération Turquoise – attestent, pour le moins, de la profonde ambiguïté de cette opération Turquoise. De même, les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda montrent la protection, à l’ambassade de France à Kigali, des personnalités rwandaises pressenties pour constituer le gouvernement intérimaire issu du coup d’Etat du 6 avril qui sera en place pendant l’ensemble de la période du génocide5.

Ces éléments nouveaux doivent conduire à reconsidérer la théorie « humanitaire » et à envisager la présentation officielle d’excuses au Rwanda. Ces éléments nouveaux imposent aussi que soient soutenues les enquêtes pénales sur les complicités individuelles de génocide liées, notamment, à l’opération Turquoise ; le Rwanda serait d’ailleurs légitime à exiger ce soutien. Enfin, et surtout, un véritable travail6 sur l’influence française dans la politique

2 Il serait plus juste de dire que cela constituait un changement. Savoir si l’on a affaire à une avancée ou à un recul supposerait que l’on connaisse la vérité sur le « génocide », ce que précisément l’on ne connaît pas.

3 Compte tenu de ce qu’il s’agit ici d’une consultation juridique, non d’un article de presse, je m’étonne de lire des adjectifs comme « sinistre ». Jusqu’ici, je n’avais souvenir d’avoir lu des expressions comme « ordonnance sinistre » ou « loi scélérate », sous la plume de juristes français, qu’à propos de décrets de Vichy. Un juge d’instruction cherche des preuves, par l’enquête et l’interrogatoire des suspects ; il n’est pas supposé les sortir toutes prêtes de son tiroir. Et comment les fournirait-il, puisqu’on lui interdit d’enquêter et que, bien sûr, aucun suspect ne s’est présenté pour être interrogé.

4 Au mépris du fait que la loi rwandaise sur les indemnisations reconnaît que l’on peut avoir été victime du

« génocide » entre 1990 et 1994.

5 L’attentat ayant tué e Président rwandais était, de fait, un coup d’Etat, soit. Mais Habyarimana était incontestablement alors le Chef légal de l’Etat, et le gouvernement intérimaire cherchait à perpétuer cette autorité légale, effort que la France soutenait. C’était parier sur le cheval qui allait perdre, mais faut-il en faire un crime ?

6 Voilà en effet le véritable problème : il y a à ce sujet beaucoup trop de propagande et de polémique et pas assez de travail de recherche (judiciaire ou historique). Entre autres pour deux raisons : le fait que la France continue à

« classifier » certains de ses documents et l’attitude intraitable du régime rwandais, pour qui s’écarter en quoi que ce soit de sa version officielle - où bien sûr e FPR joue le rôle du « chevalier blanc ») - est d’office du négationnisme et la preuve d’une « idéologie génocidaire ». Que l’on déclassifie tout, que l’on autorise toutes les enquêtes, toutes les recherches et, même si l’on n’arrive pas à une conclusion définitive, on aura au moins écarté la principale cause des soupçons qui jusqu’ici empoisonnent l’atmosphère. A condition, bien sûr, que ce travail s’effectue sans « vérité posée a priori », ni « négationniste », ni, surtout, « affirmationniste ». C’est à dire que l’on commence par se demander si les massacres de 1994 ont, en tout ou en partie, été un génocide ou peut-être plusieurs génocides. Ensuite se poseront les questions de savoir qui, Rwandais ou étranger, a commis quoi.

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rwandaise et dans la guerre conduite contre le FPR – qui serait susceptible d’identifier un mode étatique de complicité dans le génocide – doit être envisagé, sous la forme d’une nouvelle commission parlementaire disposant de pouvoirs accrus. C’est à ces conditions qu’on pourra invoquer l’honneur de la France.

Paul Kagamé à Jeune Afrique

"Je ne conseille à personne de se mêler des affaires intérieures du Rwanda"

Paul Kagamé considère que les Français ont été complices mais aussi acteurs du génocide. © Vincent Fournier pour J.A.

Interview par François Soudan7

« Démocratie, justice, France, Afrique du Sud, RD Congo, présidentielle de 2017... Le chef de l'État rwandais Paul Kagamé

répond sans ambages à toutes les questions, même les plus polémiques. », annonce Mr. Soudan, qui poursuit par deux longs paragraphes admiratifs. Nous nous dispenserons de reproduire ces

cris d’enthousiasme rétribués.

Jeune Afrique : Vingt ans après le génocide, pensez-vous que le monde extérieur a enfin pris la mesure de ce qui s'est passé ici ?

Paul Kagamé : Non, hélas. L'image qui prédomine à l'extérieur est celle d'un génocide tombé du ciel, sans causes ni conséquences, et dont les responsabilités sont multiples, confuses et diluées. Une sorte d'épiphénomène.

Cette incompréhension ne tient-elle pas au fait que ce génocide fut un génocide de proximité, unique dans l'Histoire contemporaine ?

Sans doute. Notre expérience est différente de celle des autres et cette spécificité a généré de notre part des réponses elles aussi spécifiques, parfois complexes à expliquer. Il ne faut pas oublier - même s'il s'agit encore aujourd'hui d'un sujet tabou - le rôle clé, dans les racines historiques mais aussi dans le déroulement du génocide, de ces mêmes puissances occidentales qui, aujourd'hui, définissent seules les règles de la bonne gouvernance et les normes de la démocratie. Elles aimeraient que le Rwanda soit un pays ordinaire, comme si rien ne s'était passé, ce qui présenterait l'avantage de faire oublier leurs propres

7Cet entretien, recueilli le 27 mars à Urugwiro Village, complexe rénové, hautement sécurisé et ultraconnecté, au coeur de Kigali, et publié dans J.A. n°2778, aurait, d’après F. Soudan, provoqué l'absence de représentants officiels français aux commémorations du 20e anniversaire du « génocide » à Kigali, d’après une note de JA.

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responsabilités, mais c'est impossible. Prenez le cas de la France. Vingt ans après, le seul reproche admissible à ses yeux est celui de ne pas en avoir fait assez pour sauver des vies pendant le génocide. C'est un fait, mais cela masque l'essentiel : le rôle direct de la Belgique et de la France dans la préparation politique du génocide et la participation de cette dernière à son exécution même.

Complicité ou participation ?

Les deux ! Interrogez les rescapés du massacre de Bisesero en juin 1994 et ils vous diront ce que les soldats français de l'opération Turquoise y ont fait. Complices certes, à Bisesero comme dans toute la zone dite "humanitaire sûre", mais aussi acteurs.

L'autre difficulté de compréhension tient au fait que vous êtes un chef d'État très différent des autres. En avez-vous conscience ?

Je n'en sais rien. Si différence il y a, cela tient à mon expérience et à l'histoire très particulière de mon pays. Même si, en termes de développement et de gouvernance, nos défis sont ceux que rencontrent tous les Africains.

Si vos réussites en matières économique et sociale sont unanimement saluées, il n'en va pas de même de la démocratie au Rwanda. Nombre d'observateurs estiment qu'il ne s'agit que d'une vitrine à l'usage des bailleurs de fonds et qu'une opposition est tolérée tant qu'elle ne menace pas la suprématie du Front patriotique rwandais (FPR). Que répondez-vous ?

De quelle démocratie parlez-vous ? Si j'en crois ce que nous disent les Occidentaux, la démocratie concerne et implique le peuple : son expression, ses sentiments, son choix. Mais quand ici, au Rwanda, la population exprime librement son choix et son orientation, les mêmes rétorquent : non, vous vous trompez, ce que vous décidez n'est pas bon pour vous.

Tant que nous ne nous coulons pas dans le modèle de démocratie qu'ils ont défini pour nous, nous sommes dans l'erreur. Cette attitude porte un nom : l'intolérance, le refus de la différence. Quand je vois qu'ailleurs en Afrique leur conception de la démocratie s'accommode parfaitement de la corruption, du tribalisme, du népotisme, voire du chaos, pourvu que les apparences soient préservées, je me dis que décidément, nous n'avons pas la même vision des choses. Pensez-vous une seconde que les réussites économiques et sociales que vous évoquez auraient pu être accomplies sans la participation des Rwandais et contre leur volonté ? La dignité, l'unité, le droit d'entreprendre, d'être éduqué et soigné, l'intégrité sont autant de valeurs démocratiques. Nul n'est mieux placé que nous pour savoir ce que nous voulons et quels sont les moyens d'y parvenir. Il faudra bien que le monde extérieur s'y habitue, car nous n'allons pas changer.

Votre mandat s'achèvera en 2017 et la Constitution vous interdit de vous représenter.

Vous situez-vous dans cette perspective ?

J'ai toujours dit que je respecterai la Constitution. Mais j'ajoute qu'une Constitution n'est rien d'autre que l'expression de la volonté du peuple à un moment et dans un contexte donné.

Partout dans le monde, dans les vieilles démocraties comme dans les plus récentes, les lois fondamentales bougent, s'adaptent et s'amendent sans cesse dans l'intérêt des populations concernées. En sera-t-il de même au Rwanda ? C'est vraisemblable, je ne connais pas un seul pays où la Constitution soit immuable.

À propos de la limitation des mandats présidentiels, par exemple ?

Sur ce point, sur un autre, je l'ignore. Ce n'est pas de moi qu'il s'agit et je ne suis pas le rédacteur de la Constitution. Pourquoi cette obsession autour de ma personne ? Ce que vous

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devez retenir est simple : je respecte et je respecterai la Constitution. Le reste ne me concerne pas.

Comment expliquez-vous que pas un seul Rwandais ne pense que vous allez quitter le pouvoir en 2017 ?

S'ils pensent cela, est-ce parce qu'ils estiment que je veux m'accrocher au pouvoir, ou est-ce l'expression d'un souhait de leur part ? Vous devriez leur poser la question... Une chose est sûre : in fine, si des propositions en ce sens me sont faites par les citoyens de ce pays, j'aurai à me déterminer. Je ferai alors connaître mon choix en fonction des circonstances et de toute une série de paramètres. Ce moment viendra quand je l'aurai personnellement décidé.

Difficile de vous imaginer en retraité de 60 ans, assis dans votre ranch du lac Muhazi à surveiller vos vaches...

Et pourquoi pas ? Je m'imagine très bien ainsi.

Depuis l'assassinat de Patrick Karegeya et l'attaque contre la villa de Kayumba Nyamwasa, deux opposants rwandais exilés en Afrique du Sud, vos relations avec Pretoria sont exécrables. Vous avez rencontré Jacob Zuma à Luanda le 25 mars. Que vous êtes-vous dit ?

Nous n'avons pas parlé que de ce problème, mais nous l'avons, cela va de soi, abordé. Mon opinion est claire : obtenir l'asile dans un État implique une obligation de réserve et l'interdiction d'y mener des activités subversives contre son pays d'origine. Ce n'est donc pas le droit d'asile en tant que tel que je remets en question, mais la latitude, voire les complicités à haut niveau, dont disposent ces auto-exilés en Afrique du Sud pour déstabiliser le Rwanda et prôner le terrorisme. Cela, nous le répétons depuis longtemps.

Aviez-vous demandé aux autorités sud-africaines l'extradition de Karegeya et Nyamwasa ?

Évidemment. Dossiers à l'appui. Ces gens ont été poursuivis et condamnés au Rwanda.

Mais Pretoria estime que votre justice n'offre pas toutes les garanties d'impartialité...

À tort. Encore faudrait-il que les Sud-Africains ne donnent pas l'impression fâcheuse d'être, eux, partiaux. Je veux croire qu'avec le temps le gouvernement d'Afrique du Sud se rendra compte qu'il a beaucoup plus intérêt à nous écouter qu'à couvrir les agissements d'un groupe de délinquants.

Des diplomates ont été expulsés de part et d'autre. Vont-ils revenir à leurs postes ? Nous sommes en train de les remplacer.

Vos rapports avec l'Afrique du Sud étaient excellents pendant les années Mandela et Mbeki. Ils se sont dégradés depuis l'arrivée de Jacob Zuma. Est-ce parce que ce dernier semble avoir fait le choix d'une alliance stratégique avec la RD Congo ?

Je ne peux pas répondre à sa place. Une chose est sûre : je ne conseille à personne de se mêler de nos affaires intérieures. Ce que je dis vaut pour l'Afrique du Sud, mais aussi pour la Tanzanie, la France, la Belgique, les médias et les ONG qui prennent un malin plaisir à souffler sur les braises. Pourquoi voudrait-on que nous pleurions le sort d'un homme qui a commandité des attentats meurtriers à la grenade ?

Quelle est votre part de responsabilité dans l'assassinat de Karegeya et l'attentat contre Kayumba ?

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Aucune. Il n'y a rien, aucun élément, qui relie ces faits à l'État rwandais. Les autorités sud- africaines ont parlé de preuves : où sont-elles ? La seule chose qu'elles nous reprochent réellement, ce sont mes propres déclarations à ce sujet.

Il est vrai que vous n'y êtes pas allé de main morte...

Cela vous étonne ? Je dis toujours ce que je pense. Pourquoi voudrait-on que nous pleurions le sort d'un homme qui a commandité des attentats meurtriers à la grenade ? Et peu m'importe si cela excite les journalistes.

Karegeya, Nyamwasa mais aussi l'ancien procureur général Gerald Gahima et votre ex- chef de cabinet Théogène Rudasingwa furent très proches de vous avant de devenir vos adversaires résolus. Cela vous inquiète, ces gens qui vous quittent avec leurs secrets ? Quels secrets ? Des secrets compromettants pour eux peut-être ? Ces personnes ont exercé des responsabilités militaires, sécuritaires, judiciaires ou politiques au sein du FPR, sous mon commandement. Parler d'elles en termes de proximité personnelle avec moi n'a donc pas de sens. Quant à leurs secrets, vous les avez entendus, ces gens ont depuis longtemps dit tout ce qu'ils avaient à dire, et hormis des stupidités, il n'y a rien. Ce que je remarque, c'est que tant qu'ils étaient en activité ici, jamais, à aucun moment, ils n'ont exprimé le moindre désaccord avec moi. Leur opposition est apparue le jour où ils ont été relevés de leurs fonctions, pour des motifs qui n'avaient rien de politique.

L'ex-général Nyamwasa souhaite être entendu par le juge français Trévidic à propos de l'attentat contre l'avion de Juvénal Habyarimana. Il prétend détenir des preuves de la culpabilité du FPR.

Quelles preuves ? Celles de sa propre participation à l'attentat ? S'il est celui qui a abattu l'avion, très bien. Qu'on l'arrête et qu'on le juge.

Le président tanzanien, Jakaya Kikwete, votre voisin à l'est, a suscité votre courroux en recommandant l'instauration de négociations entre vous et vos opposants, y compris les Forces démocratiques de libération du Rwanda [FDLR, milices hutues]. Vous n'admettez pas les conseils ?

Ce que je n'admets pas, c'est l'ingérence. Il n'est pas acceptable que Jakaya Kikwete et des membres de son gouvernement s'associent de quelque façon que ce soit avec des génocidaires.

Il n'y a aucune raison pour cela. Or, ils le font, et depuis assez longtemps. C'est une politique à l'égard du Rwanda qui prend d'autres formes négatives, par exemple l'expulsion massive de milliers de Rwandais vivant en Tanzanie depuis des décennies et même de citoyens tanzaniens confondus avec des Rwandais et que nous sommes obligés de leur renvoyer.

Pourquoi agir de la sorte, alors que nous faisons partie de la même communauté d'Afrique de l'Est ? Pourquoi ne pas discuter des problèmes avant de prendre des mesures aussi brutales ? J'ai entendu l'autre jour le ministre tanzanien des Affaires étrangères justifier leur complicité avec les FDLR en expliquant que son pays avait une longue tradition d'accueil des combattants de la liberté. C'est à la fois ridicule et tragique. De quoi se mêle-t-il ? Le Rwanda n'est pas son affaire.

En RD Congo, les forces de l'ONU et le gouvernement de Kinshasa ont promis d'en finir avec les FDLR après avoir neutralisé la rébellion du M23. Y croyez-vous ?

Non. Mais je ne demanderais pas mieux que de me voir démontrer que j'ai tort. J'ai surtout l'impression que la brigade de l'ONU a été créée pour défendre les FDLR.

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La Monusco s'appuie sur une brigade spéciale d'intervention constituée de troupes sud- africaines, tanzaniennes et malawites. Son rôle a été décisif contre le M23. Ne pourrait-il pas l'être aussi contre les FDLR ?

J'ai surtout l'impression que cette brigade a été créée pour défendre les FDLR.

La considérez-vous comme une menace pour le Rwanda ? Cela découle de ce que je viens de vous dire.

Le numéro deux des FDLR a récemment déclaré que son mouvement souhaitait déposer les armes. Faut-il le prendre au sérieux ?

Je n'en sais rien. Si c'est exact, tant mieux.

Parmi ces miliciens, les chefs sont pour la plupart des génocidaires avérés, mais le gros de la troupe est constitué de jeunes qui n'ont pas connu le génocide ou n'y ont pas participé. Ne faut-il pas faire la différence entre les uns et les autres ?

Qu'il y ait une différence, cela va de soi. Mais qu'est-ce que cela change ? Pour tous, la solution est la même : le retour organisé au Rwanda, à travers un processus de réinsertion qui fonctionne depuis quinze ans et par lequel sont déjà passés près de dix mille d'entre eux.

La réintégration, donc. Mais sans négociation préalable.

Négocier quoi ? L'innocence ou la culpabilité de tel ou tel ? La justice ? Il n'y a rien à négocier.

L'ancien Premier ministre Faustin Twagiramungu, en exil en Belgique, demande l'ouverture d'un dialogue national sur l'avenir du Rwanda. Que lui répondez-vous ? Pourquoi demande-t-il cela depuis l'étranger ? Il a été candidat à la présidentielle de 2003, il a perdu, il est allé s'installer en Belgique sans que nul ne l'y oblige et il voudrait qu'on négocie avec lui par téléconférence ? Ce n'est pas sérieux.

Lui souhaite rentrer. Mais votre ambassade lui a, dit-il, refusé le renouvellement de son passeport rwandais.

Qu'il vienne à Kigali avec son passeport belge, où est le problème ? Il s'adressera ensuite aux services compétents.

Vous avez lancé il y a six mois une campagne intitulée Ndi Umunyarwanda ("Je suis rwandais"), interprétée par votre opposition comme un moyen de culpabiliser, voire d'humilier, la communauté hutue. De quoi s'agit-il ?

C'est très simple. Le but de cette campagne est de mettre l'accent sur ce qui nous unit, la

"rwandité", et de faire disparaître ce qui nous divise et qui a causé le génocide : le communautarisme. Tout en respectant, bien sûr, notre diversité. Dans ce cadre et dans cet objectif, celles et ceux qui, par commission ou par omission, ont des choses à se reprocher par rapport au génocide trouvent là l'occasion d'exprimer leurs regrets et leur attachement au nouveau Rwanda. Nous ne forçons évidemment personne à faire cette démarche, qui s'effectue sur une base purement volontaire et individuelle. Le fait qu'à l'extérieur des groupes exploitent cette campagne dans le sens que vous dites n'a rien de surprenant. L'ethnicisme étant leur fonds de commerce, il faut bien qu'ils le défendent.

Si l'on en croit les statistiques officielles, 772 cas d'apologie du génocide ont été portés devant la justice au Rwanda en 2012 et 2013, soit 25 % de plus que lors des deux années précédentes. N'est-ce pas préoccupant ?

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Non. Car cela signifie que nous ne cachons rien. Nous n'améliorerons pas la réalité des choses en la masquant. On n'efface pas une telle idéologie en vingt ans. C'est un combat de tous les jours. La "rwandité" que nous prônons n'est pas la négation des diversités. On peut se revendiquer Tutsi, Hutu ou Twa, mais à condition que ce ne soit pas au détriment des autres.

Pensez-vous qu'un jour il n'y aura plus dans ce pays ni Tutsis, ni Hutus, ni Twas, mais seulement des Rwandais ?

Encore une fois, je l'ignore. Mais ce que je redis, c'est que la "rwandité" que nous prônons n'est pas la négation des diversités. On peut se revendiquer Tutsi, Hutu ou Twa, mais à condition que ce ne soit pas au détriment des autres. C'est tout et c'est clair.

Votre position très critique à l'encontre de la Cour pénale internationale [CPI] a-t-elle

évolué ?

Hélas non. Et chaque jour, chaque année me donne raison. Rien n'a changé dans le fonctionnement de cette Cour, dont le rôle se résume à ne poursuivre que des Africains.

Pourtant, la procureure est une Africaine, Fatou Bensouda...

Cela n'a aucune importance. Beaucoup d'Africains servent des intérêts qui ne sont pas les leurs. Ce n'est pas une affaire de couleur de peau.

Pourquoi, alors, avez-vous facilité la livraison à la CPI de l'ex-général congolais Bosco Ntaganda ?

Nous n'avons rien facilité, encore moins organisé. Ntaganda s'est livré volontairement à l'ambassade des États-Unis à Kigali afin de se rendre devant la Cour. Nous n'avons rien à voir, ni avec lui ni avec son cas. Notre rôle s'est limité à autoriser son départ du territoire rwandais.

Pascal Simbikangwa vient d'être condamné à Paris à vingt-cinq ans de prison pour génocide. Peut-on dire que la France n'est plus un refuge pour les génocidaires rwandais présumés ?

Nous verrons ce qu'il adviendra de cette condamnation en appel. Pour le reste, je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une évolution particulièrement positive. Pour un criminel condamné après vingt ans, combien la justice française en a-t-elle escamoté ? Nous ne sommes pas dupes de ce petit jeu. On nous présente cette sentence comme un geste, presque comme une faveur de la France à l'égard du Rwanda, alors que c'est le rôle de la France dans le génocide qu'il conviendrait d'examiner.

Où en sont vos relations avec les États-Unis ? Depuis le départ de Hillary Clinton et le changement de poste de Susan Rice, il semble que vous ayez perdu vos deux principaux soutiens à Washington. Résultat : le département d'État n'hésite plus à vous critiquer.

Il n'y a pas, à ma connaissance, de problème réel entre nous. Ce sont des avions américains qui ont transporté nos troupes en Centrafrique et notre coopération sur bien des plans est toujours aussi bonne. Les quelques déclarations auxquelles vous faites allusion ne sont que des réponses formulées lors d'interviews. Ce ne sont pas des communiqués officiels.

Vos collaborateurs et les médias rwandais pointent volontiers ce qu'ils considèrent comme un manque d'objectivité du ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, à l'égard du Rwanda. Partagez-vous ce jugement ?

Je pense qu'il a commis pas mal d'erreurs, en s'associant notamment aux manoeuvres anti- rwandaises menées à partir de la Tanzanie. J'estime que sa position manque d'équilibre, pour des raisons subjectives que je ne connais pas.

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Depuis quelques mois, la part de l'aide extérieure dans votre budget baisse lentement mais sûrement. Or, elle est cruciale puisqu'elle représente encore 38 % des ressources publiques. Êtes-vous prêt à faire face à ce déclin ?

C'est un phénomène qu'il faut appréhender dans sa globalité. Cette décrue ne nous inquiète pas pour deux raisons : d'abord parce qu'elle s'accompagne d'une hausse de nos ressources propres et des investissements privés, ensuite parce qu'il existe toute une variété de financements alternatifs auxquels nous pouvons faire appel pour boucler notre budget. Notre objectif n'a pas changé : devenir en 2020 un pays autosuffisant à revenu intermédiaire.

ONU : La formulation « génocide contre les Tutsis » sévèrement critiquée

Par Guyy De Boeck

Vingt ans après les massacres au Rwanda, le Conseil de sécurité a adopté une résolution visant à tirer les leçons de l’échec de l’ONU.

Le texte présenté par le Rwanda fait référence au génocide « contre les Tutsi ». Une formulation critiquée aux Nations unies comme étant

trop exclusive.

Ce débat sur la prévention des génocides était pour le Conseil de sécurité une séance d’autocritique. Colin Keating en était le président en avril 1994. Vingt ans plus tard, le diplomate néo-zélandais a présenté ses excuses. « Le Conseil de sécurité, a-t-il dit, n’a pas su reconnaître qu’un génocide était en cours au Rwanda ».

L’ambassadeur rwandais a exigé de l’ONU d’être plus rapide pour déployer des casques bleus. Le Rwanda a aussi bataillé pour que l’expression « génocide au Rwanda » soit changée pour « génocide contre les Tutsi », en ajoutant que des Hutus et d’autres personnes opposées au génocide ont également été tués.

Cette formulation est sévèrement critiquée à l’ONU, particulièrement par les États-Unis qui jugent que cela attise les tensions ethniques. Le Rwanda a finalement eu gain de cause, mais les diplomates onusiens confient que rien ne garantit que cette expression de « génocide contre les Tutsi », acceptée avec réticence, sera toujours utilisée quand le Rwanda quittera son siège au Conseil de sécurité à la fin de l’année.

Cette référence exclusive aux Tutsi contraste de manière fort significative avec les propos que Paul Kagame a récemment tenu dans une interview accordée à François Soudan de Jeune Afrique, où le Président rwandais se défendait de tout « ethnicisme » à propos d’une campagne intitulée Ndi Umunyarwanda ("Je suis rwandais"), interprétée par l’opposition comme un moyen de culpabiliser, voire d'humilier, la communauté hutue. « Le but de cette campagne est de mettre l'accent sur ce qui nous unit, la "rwandité", et de faire disparaître ce qui nous divise et qui a causé le génocide : le communautarisme. Tout en respectant, bien sûr, notre diversité. Dans ce cadre et dans cet objectif, celles et ceux qui, par commission ou par omission, ont des choses à se reprocher par rapport au génocide trouvent là l'occasion d'exprimer leurs regrets et leur attachement au nouveau Rwanda… La "rwandité" que nous prônons n'est pas la négation des diversités. On peut se revendiquer Tutsi, Hutu ou Twa, mais à condition que ce ne soit pas au détriment des autres…

Un tel point de vue, précisément, aurait dû l’amener au contraire à préférer la formulation « génocide au Rwanda » à « génocide contre les Tutsi ».

Il est à remarquer qu’en même temps que les représentants de Kagame mettent ainsi l’accent sur les Tutsi comme seules victimes, ils exigent aussi que l’ONU soit plus rapide pour déployer ses casques bleus, comme s’ils s’attendaient à une répétition des événement de 1994.Et en effet, l court des bruits alarmistes au sujet de projets de « génocide contre les Tutsi

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» et de « distributions d’armes à des milices », mais cela concerne le Burundi…. Kagame aurait-il l’intention d’intervenir pour « empêcher un génocide » chez ses voisins ?

Le Président Kagame vient de révéler sa plus grande peur : la Réconciliation des Hutu et des Tutsi

Par Emmanuel Hakizimana et Gallican Gasana8

Le réveil a été brutal pour beaucoup de Rwandais ce lundi 14 avril 2014 : la police rwandaise venait d’annoncer l’arrestation d’un jeune musicien rwandais de renom, M.

Kizito Mihigo, d’un jeune journaliste, M. Cassien Ntamuhanga et d’un jeune démobilisé de l’armée rwandaise (RDF), M. Paul Dukuzumuremyi.

Au-delà du fait qu’il s’agit de Tutsis rescapés du génocide de 1994 qui sont arrêtés pendant la période de commémoration du 20ième anniversaire de ce génocide, ce sont surtout les chefs accusations portés contre eux qui ont semé l’émoi et la stupeur dans tous les milieux rwandais.Tous trois sont accusés d’être impliqués dans l'organisation d'attaques terroristes contre le Rwanda, de vouloir renverser le gouvernement par la violence, de planifier l'assassinat des membres du gouvernement, d’inciter la population à la violence et d’avoir participé à un réseau ayant mené des attaques à la grenade.Il leur est également reproché de collaborer avec les FDLR (rebelles Rwandais installés au Congo) et avec les dirigeants de l’organisation d’opposition Rwanda National Congress (RNC).

Au cours de leur comparution devant la cour, le lendemain mardi 15 avril, la police a aussi amené une jeune femme, Mme Agnès Niyibizi, qui a été présentée comme leur complice.

Faire taire les voix de la réconciliation

Les accusations que le régime de Kigali porte contre ces jeunes rescapés du génocide sont parmi les plus graves qu’il ait jamais portées contre quelqu’un et il y a lieu de se demander pourquoi.

À y regarder de près, la lourdeur de ces accusations n’a d’égal que l’ampleur de leur engagement en faveur de la réconciliation ainsi que la grandeur de la peur de Kagame de voir les Hutu et les Tutsi se réconcilier et lutter ensemble contre son oppression.

De fait, le jeune musicien Kizito Mihigo avait commencé à mettre son grand talent au service d’une vraie réconciliation, laquelle est aux antipodes des politiques du régime de Kagame.

Dans une récente chanson intitulée « La signification de la mort », il a fait deux recommandations qui ont irrité le président Kagame. D’abord, il a recommandé d’honorer la mémoire, non seulement des victimes du génocide des Tutsi, mais aussi celle des victimes des crimes de guerre, de vengeance et autres perpétrés au Rwanda ou à l’extérieur du pays.

Ensuite, il a considéré que la dignité humaine a préséance sur le fait d’être Rwandais.

Il y a lieu de remarquer que cette vision inclusive de M. Kizito est en parfaite harmonie avec celle d’autres personnalités rwandaises qui ont prêché la paix et la réconciliation et qui en ont payé un lourd tribut.

À titre illustratif, elle correspond à celle de Mme Victoire Ingabire, présidente du parti d’opposition FDU-Inkingi, qui croupit actuellement en prison, ayant été condamnée à 15 ans de réclusion après avoir tenté de se présenter contre le président Kagame dans les élections présidentielles de 2010.

8http://www.lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=5301 17 avril 2014

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Dans son discours prononcé au mémorial du génocide à Gisozi, elle a déclaré ceci : « Pour que nous puissions parvenir à une véritable réconciliation, nous devons faire preuve d'empathie avec la souffrance de tout un chacun ».

De même, la position de M. Kizito s’accorde avec celle de M. Patrick Karegeya, membre fondateur du RNC et ancien proche collaborateur du président Kagame qui a été assassiné en Afrique du Sud au début de cette année par des agents du régime de Kigali.

Dans sa lettre adressée à M. Douglass E. Coe directeur associé de l’organisation américaine Fellowship, trois jours seulement avant son assassinat, lui demandant son appui dans l’organisation d’un dialogue inter-Rwandais, M. Karegeya écrivait ceci : « Pour une société comme la nôtre, qui a connu des traumatismes aujourd’hui comme hier, puisque toutes nos communautés ont été tour à tour victimes et bourreaux, l’on ne saurait surestimer l’enjeu du pardon et de la grâce.….. Nous ne pouvons envisager l’avenir qu’à condition de nous parler dans la vérité et d’apprendre à nous pardonner ».

Le président Kagame a une position complètement opposée à celle de M. Kizito, raison pour laquelle il tente d’étouffer sa voix comme il l’a fait pour Mme Victoire Ingabire, M. Patrick Karegeya et bien d’autres qu’il a assassinés ou emprisonnés.

Sa politique a toujours été d’exclure les Hutus de toute forme de commémoration; ils n’ont pas le droit de pleurer les leurs. Pire encore, à travers un programme gouvernemental appelé

« Je suis Rwandais », que la chanson de Kizito évoque implicitement, le régime de Kigali demande à tous les Hutus, même ceux qui n’étaient pas encore nés en 1994, de s’excuser pour les crimes de leurs congénères.

Le président Kagame n’hésite d’ailleurs pas à affirmer publiquement son opposition à l’approche pacifiste de M. Kizito. Quelques jours après la sortie de la chanson ci-haut mentionnée, Il a déclaré que lui n’était pas musicien et qu’il n’était pas là pour faire plaisir à tout le monde.

Quel avenir pour le Rwanda ?

Le drame de ces jeunes rescapés montre clairement à ceux qui avaient encore des doutes que le Rwanda ne connaîtra jamais la paix et la réconciliation sous le régime du président Kagame.

Pour lui, la réconciliation évoque la fin de son pouvoir oppressif basé sur la division entre Rwandais (Hutu, Tutsi, Twa) et la stratégie du bouc émissaire. Concernant ce dernier aspect, l’on se souviendra des graves accusations de complicité dans le génocide formulées par Kagame à l’encontre des militaires français et qui ont empêché la France d’envoyer une délégation pour la 20ième commémoration du génocide des Tutsi.

Étant parfaitement conscient de sa lourde responsabilité dans les crimes commis au Rwanda et dans la région des Grands Lacs africains depuis les années 1990, le président Kagame est terriblement effrayé par tout ce qui amènerait les Rwandais à s’asseoir ensemble et établir la vérité sur leur drame.

Dans ce contexte, l’avenir du Rwanda dépendra du choix d’orientation des appuis, non seulement de la part des Rwandais eux-mêmes, mais aussi de la part de la communauté internationale. Le régime du président Kagame étant clairement incompatible avec la paix et la réconciliation, ce choix ne pourrait être ambigu.

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RDC /Rwanda : Rudasingwa: "Kagame a tué Laurent-Désiré Kabila"

Par Jean-Pierre Mbelu Babanya Kabudi

Vingt ans après la tragédie de l'Afrique des Grands Lacs, Paris vient d'organiser un Colloque sur le Rwanda. La RDC s'y est invitée malgré elle. Ce faisant, ce Colloque a démontré qu'il est impossible

de comprendre le tournant pris par le Congo depuis les années 90 sans questionner ''le nazisme tropical''.

Dans sa conférence-vidéo du 1er avril 2014 au Sénat français, Théogène Rudasingwa est revenu sur l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila en affirmant qu'il a été tué par Paul Kagame. Depuis la fin du Colloque de Paris9 sur ''Le drame rwandais : la vérité des acteurs'', Kinshasa n'a pas encore réagi officiellement sur ce récit d'un témoin de l'intérieur.

Pourtant, des compatriotes croupissent jusqu'à ce jour en prison à Makala ; ils y sont enfermés sans que leur véritable responsabilité dans cet assassinat ait été établie. D'ailleurs, l'un des proches de Mzee, Yérodia Ndombasi, a affirmé que ces compatriotes n'étaient impliqués ni de près ni de loin dans cette affaire. Pourtant, ils croupissent en prison !

Et où sont passés ''les députés nationaux'' ? Leur arrive-t-il de poser des questions d'actualité aux Ministres et d'en assurer le suivi ?

Si cette question de l'assassinat de Mzee pouvait rebondir, elle constituerait une sérieuse remise en question du processus mensonger dans lequel la RDC est engagée depuis la mort du ''soldat du peuple'' et la montée sur le trône de son ''Brutus de fils'' dont les origines fproises sont un secret de polichinelles.

Fort de l'appui de ses parrains que Théogène Rudasingwa cite nommément dans sa conférence, Kagame a tué Laurent-Désiré Kabila pour orienter l'histoire du Rwanda et de la RDC dans le sens de l'assouvissement de ses appétits de pouvoir et d'enrichissement illicite.

Il ne pouvait pas réussir ce coup sans la complicité des Congolais(es) et de ses infiltrés du FPR au Congo. Il a réalisé en RDC (1996/7 et 2001) ce qu'ils ont réussi à faire ensemble en Ouganda (1986) et au Rwanda (1990) avec Museveni.

Avec ''le raïs'', ils sont en train de transformé le Congo en ''une chasse-militaro-tutsi-gardée'' en assiégeant la police, l'armée, les services de sécurité et pourvoyeurs d'argent.

Le Congo est en train de devenir, de ce point de vue, un sosie du Rwanda ; à cette petite exception que les Conglais(es) essaient, tant bien que mal à créer, de l'intérieur, des espaces d'expression libre, d'association et de luttes au prix de plusieurs sacrifices. Même si ces luttes tendent plus à protéger les forces du statu quo qu'à impulser un changement en profondeur.

Elles ont, néanmoins, le mérite d'exister. Le souhait aurait été qu'elles intègrent certaines questions historiques restées sans réponses en accordant une grande attention au développement que prennent certains débats. Le Colloque de Paris en est un. Il permet de

9http://www.france-rwanda.info/article-colloque-le-drame-rwandais-la-verite-des-acteurs-senat-paris-le-1er- avril-2014-123288247.html

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réentendre Carla Del Ponte et Luc Marchal. Jean-Marie Micombero y apporte un supplément de lumière sur l'attentat du 06 avril 1994 et l'usage que le FPR a pu faire des trêves organisées entre deux négociations ou avant de signer un accord de paix. Ne croyant pas à la paix, il se servait de ces moments pour se réorganiser et se réarme. Il donne ainsi raison à Pierre Péan quand il écrit : « Museveni et Kagame utilisent avec Kabila (Mzee) la même tactique qu'avec Habyarimana, le talk and fight : négocier un accord de paix n'empêche pas de continuer à faire parler les armes. Après la signature de l'accord de Lusaka, ils n'ont pas renoncé à le renverser par la force. Pas plus que les Etats-Unis, qui, durant l'été 2000, ont décidé d'en finir »10.

Revenir sur ce ''nazisme tropical'' peut aider à comprendre le fonctionnement minimal et/ou l'inefficacité de certaines institutions congolaises. Sous d'autres cieux, le témoignage de Théogène Rudasingwa aurait provoqué la convocation du Ministre de la justice au Parlement pour qu'il s'explique sur la détention arbitraire des Congolais(es) à la prison de Makala et qu'il dise ce qu'il compte faire pour traduire Paul Kagame en justice en prenant son ex- collaborateur comme témoin. Au Congo du ''raïs'', rien. ''Le raïs'' aurait pu être aussi convoqué pour qu'il s'explique sur le retrait de la plainte déposée contre le Rwanda à la Cour Internationale de Justice et qu'il soit entendu sur le témoignage de Théogène Rudasingwa.

Les institutions formelles de la RDC sont "impuissantées" par des animateurs, partisans du statu quo et donnant l'impression de n'avoir aucune prise sur l'histoire réelle ou se laissant dicter la ligne de conduite à tenir par des acteurs de l'ombre.

Faisant fi de l'histoire du ''talk and fight'' comme tactique de conquête, d'affaiblissement et d'évidement des institutions congolaises, ces animateurs évoquent les multiples accords signés au cours de la guerre de prédation et d'agression menée par les grandes puissances à travers les proxys interposés pour organiser leur activisme partisan ou citoyen.

Cette façon anhistorique de procéder risque de conduire le Congo de Lumumba à la ruine.

Dieu merci ! Tous les témoignages accumulés sur ''le génocide oublié'' en RDC pourraient être archivés et servir de base pour une bonne et efficace Commission Justice, Vérité et Réconciliation, dans un futur proche. Carla Del Ponte, Peter Erlinder, Hamuli Rety et tous ces autres magistrats ayant recueilli ces témoignages pourraient siéger dans des tribunaux mixtes, à côté de leurs confrères Congolais pour ''un Nuremberg des vaincus'' précédant une thérapie collective réconciliatrice dans la Vérité. Et ils pourraient, cette fois-ci, à partir du cœur de l'Afrique, redire : ''Plus jamais ça''.

Il ne serait pas mal que tout ceci soit accompagné des études spécialisées sur la résurgence du ''nazisme'' au Sud du monde après les chambres à gaz d'Hitler et sur les moyens de le conjurer pour les générations futures.

10 P. PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, 2010, p. 399

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Jamil Mukulu de l'ADF, le rebelle islamiste du Nord-Kivu

Depuis 2007, Jamil Mukulu dirige la milice islamiste ADF, accusée de multiplier les massacres de civils au Nord-Kivu. Relativement méconnu, ce jihadiste est un chef de guerre radical dont les motivations demeurent troubles.

Islamiste radical, il l'est certainement.

Mais est-il de ces jihadistes prêts à se sacrifier pour la gloire d'Allah ? Rien n'est moins sûr... Peu ou pas de photos, ni de vidéos : Jamil Mukulu, bientôt 50 ans, est un personnage trouble, qui entend rester discret. Il est cependant l'un des miliciens les plus recherchés et les plus sanguinaires du Nord-Kivu. Chef suprême de la rébellion islamiste ougandaise de l'ADF (Forces démocratiques alliées), placée sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis en 2001, ce seigneur de guerre est visé par des sanctions des Nations-Unies et de l'Union européenne (UE) depuis deux ans.

Implantée dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu, l'ADF est considéré par beaucoup comme la principale source de déstabilisation de la région après le Mouvement du 23-Mars, récemment contraint de rendre les armes. Les 13 et 14 décembre, ces rebelles islamistes sont fortement suspectés d'avoir à nouveau montré toute l'étendue de leur barbarie, après le massacre et la mutilation d'une vingtaine de villageois, parmi lesquels des femmes et des enfants en bas âge.

Composée de 800 à 1 200 miliciens, l'ADF est la branche islamiste de l'ancienne rébellion ougandaise de l'ADF-Nalu, née en 1995 de l'alliance entre musulmans des Forces alliés démocratiques (ADF) et combattants de l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda (Nalu). Après avoir échoué à renverser le régime de Kampala, les membres de la Nalu quittent le mouvement et se rendent en 2007. Jamil Mukulu, chef militaire de l'ADF, se retrouve alors seul aux commandes de la milice, qu'il dirige depuis d'une main de fer.

Adepte du Tabligh

De son nom islamique Hussein Muhammad, Jamil Mukulu serait né le 1er janvier 1964 dans le village de Ntoke, dans le district de Kayunga, en Ouganda. Très peu d'informations filtrent de la jeunesse de ce chrétien converti à l'islam. Dans les années 1980, alors que les opposants ougandais (musulmans et chrétiens) sont réprimés sous les régimes de Milton Obote et Yoweri Museveni, Jamil Mukulu intègre le Tabligh, courant islamique très rigoriste né en Inde dans les années 1920.

Après des affrontements meurtriers avec les forces de l'ordre à Kampala, Mukulu et plusieurs dirigeants du Tabligh sont emprisonnés de 1991 à 1993. C'est à leur libération, après avoir trouvé réfuge au Kenya et en Tanzanie, qu'ils fondent l'ADF-Nalu avec les rebelles de l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda. Le nouveau mouvement s'implante près de Beni, dans la province du Nord-Kivu, en RDC, où se trouve une petite communauté musulmane. Mukulu ne le quittera plus.

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D'après le dernier rapport des experts de l'ONU pour la RDC, Mukulu aurait installé son quartier général au nord-est de Beni, près d'Eringeti, dans un camp baptisé "Madinat Tawheed Muwaheedina". Ses troupes seraient réparties dans différents campements aux alentours. Une partie d'entre elles ont été enrôlées de force en RDC et en Ouganda. Qu'ils soient recrues ou membres de familles de combattants, les femmes et les enfants se voient également imposer une formation militaire par Jamil Mukulu. Selon un rapport des services de renseignement ougandais consulté par le quotidien The Daily Monitor, lui-même aurait fréquenté des camps d'entraînement en Afghanistan et au Pakistan. Il aurait par ailleurs une épouse, employée en tant qu'infirmière à Londres, et un fils, Bikumbi Hassan Mukulu, arrêté en 2011 à Nairobi.

Des liens avec les Shebabs ?

À partir de 2007, sous la férule du tabligh Mukulu, l'ADF est passé de milice "ordinaire" du Nord-Kivu à composante de la nébuleuse islamiste radicale africaine. Le chef a ainsi imposé la conversion obligatoire à l'islam pour ses combattants. Pour autant, les motivations idéologiques des ADF, tout comme celles de Mukulu, restent floues. Difficile à dire si ce groupe mène le jihad ou s'il défend ses intérêts politico-financiers.

Depuis quelques années, de nombreux services de renseignement de la région estiment toutefois que l'ADF de Jamil Mukulu entretient des liens plus ou moins étroits avec les Shebabs somaliens. Selon les militaires ougandais, une des premières actions communes aux deux groupes aurait été les attentats de juillet 2010 à Kampala (plus de 70 victimes), durant lesquels des ADF auraient fournit un appui au commando shebab.

"Il y a peut-être des échanges tactiques, une collaboration logistique et des virement d'argent, mais pas de contacts directs", tempère Christoph Vogel, chercheur spécialiste des groupes armés au Nord-Kivu. S'il relaie ces informations dans son dernier rapport, le groupe d'experts de l'ONU sur la RDC indique aussi qu'il "poursuit son enquête sur l'appui financier reçu par l'ADF et sur ses possibles liens avec les Shebabs". Cet été, Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu, affirmait pour sa part que des combattants shebabs avaient rejoint les rangs de l'ADF. Une information qui n'a pas été encore officiellement confirmée.

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Burundi Burundi Burundi Burundi

François Bizimana (Cndd) : « Le gouvernement ne peut pas rester les bras croisés et doit clarifier cette situation. Il doit enquêter sur la distribution

d’armes ! »

Par Edouard Madirisha©Iwacu

L’ancien député de l’Assemblée de la Communauté est-africaine et porte-parole du Cndd demande au gouvernement de faire la

lumière sur les généraux accusés par un document du BNUB.

Ce dernier implique le général major Juvénal Niyungeko et le général de brigade Nduwumunsi dans la distribution d’armes et de tenues militaires aux jeunes affiliés au Cndd-Fdd. Vendredi dernier, le gouvernement, par le biais du ministre de la Sécurité publique, s’est opposé à la mise sur pied d’une commission internationale indépendante pour enquêter sur ces « fausses allégations ». Pour François Bizimana, qui s’est exprimé sur les ondes de la RPA, s’il s’avérait qu’ils l’ont fait, ils auraient exécuté un programme du gouvernement.

« Il faut que le gouvernement exige la mise en place d’une commission d’enquête pour qualifier cette situation » déclare-t-il. L’ancien député de l’EALA pense, en outre, que si ces informations étaient avérées, le gouvernement devrait réagir en conséquence envers ces hauts gradés de l’armée : « Si, au terme des enquêtes, le gouvernement réalise qu’ils ont participé à ce genre d’activité, il faut qu’il demande le mobile de tels agissements. » Par contre, poursuit M. Bizimana, si leur innocence est démontrée, Bujumbura doit demander leur dédommagement conséquemment au dommage subi.

Il faut enquêter !

Dans tous les cas, souligne François Bizimana, le gouvernement doit réagir : « Le gouvernement ne peut pas rester les mains croisées et doit clarifier cette situation. Pour honorer et réhabiliter ces deux généraux qui sont aujourd’hui, à tort ou à raison, incriminés.»

Jeudi 10 avril dernier, le porte-parole du secrétaire général des Nations-unies a déclaré à New- York que les NU menacent de poursuivre, au niveau international, les responsables de cette manipulation des jeunes affiliés aux partis politiques. Si du moins aucune mesure n’est prise par les autorités, a-t-il ajouté.

Le lendemain, les ministres de la Sécurité publique, de la Défense et de la Justice ont aussi tenu une conférence de presse durant laquelle ils ont balayé d’un revers de main la mise sur pied d’une enquête indépendante, comme l’avait suggéré le Conseiller spécial de Ban Ki Moon en charge de la prévention du génocide, Adama Dieng, en visite au Burundi.

Le ministre de la Justice, Pascal Barandagiye, a affirmé que la note de l’ONU été basée sur des « rumeurs » et ne méritait donc pas une enquête.

Pour Pascal Nyabenda, président du Cndd-Fdd, les deux hauts gradés cités dans cette affaire auraient été vus en train d’effectuer des opérations de routine de maintien de la paix dans les secteurs cités et ils auraient été pris pour des distributeurs d’armes.

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Parc des Virunga : société civile contre société pétrolière

Tout s’achète, même les parcs nationaux congolais ! A fortiori s’ils sont gorgés de pétrole. Face à une opposition massive,

TOTAL et un autre grand pétrolier ont annoncé qu’ils n’exploiteraient pas le pétrole. Reste une troisième

compagnie, la SOCO, qui pourrait commencer l’exploitation sous peu. Face à une opposition massive, deux compagnies

pétrolières qui étaient sur le coup, TOTAL et ENI, ont annoncé qu’ils n’exploiteraient pas le pétrole. Reste une troisième

compagnie, la SOCO, qui dispose du permis d’exploration et pourrait être intéressée à l’exploitation sous peu.

© Urke Leshem. Photo sous licence Creative Commons.

Par Véronique Rigot11

« La guerre, elle, terminera un jour. La véritable menace, c’est le pétrole, parce que les dégâts pourraient être irréversibles ». Ces mots sont ceux de Philippe Lamair, journaliste, à l’occasion d’une projection d’Exploration du Monde. Le documentaire qu’il a réalisé sur les grands parcs de l’Est du Congo révèle toute la splendeur du plus ancien parc national d’Afrique, le Parc national des Virunga (classé en 1925 et reconnu patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1979). Sur ses 800.000 hectares, le parc abrite une multitude de biotopes (différents types de forêts, savane, zones humides, volcans encore en activités, zones d’altitude avec des neiges éternelles, etc.) avec des faunes et des flores tout aussi diversifiées.

Malgré le classement du parc, les éléphants et les gorilles sont des proies faciles pour les braconniers, en particulier en période de conflits, de telle sorte que dès 1994, l’UNESCO a considéré le parc comme « patrimoine mondial en danger ». Mais la plus grave menace qui pèse actuellement sur le parc, c’est le pétrole.

11 article paru dans le magazine du CNCD-11.11.11 dlm, Demain le monde, n°25, mai-juin 2014.

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Concessions illégales

En principe, la loi congolaise interdit la présence d’industries extractives dans les parcs nationaux. L’exploitation du pétrole dans le Parc des Virunga pourrait aussi constituer une violation du code de conduite que l’OCDE recommande aux multinationales. Il n’empêche, en 2007, des parcelles ont été octroyées à plusieurs compagnies, dont TOTAL (française), ENI (italienne) et la SOCO (anglaise). Ces concessions représentent 85% du parc.

En août 2010, la SOCO publie son étude d’impact environnemental préalable à l’entame des phases d’exploration et d’exploitation. Le ministère congolais de l’Environnement la refuse et suspend toutes les activités dans le parc. L’UNESCO s’est en effet manifesté, la directrice venant en personne à Kinshasa pour convaincre le gouvernement congolais de protéger ses joyaux. A l’issue de cette visite, une déclaration conjointe est publiée : le gouvernement congolais ne touchera pas au Parc des Virunga.

En dépit de cette déclaration, un permis d’exploration sera néanmoins accordé à SOCO en octobre 2011, puis annulé, pour être à nouveau autorisé grâce à une autorisation sismique fin 2013. Entre-temps, TOTAL et ENI ont promis de ne pas exploiter de pétrole dans la portion de sa concession correspondant au parc national. Une petite victoire dans la bataille pour la préservation de la biodiversité du parc ! Mais la SOCO, elle, continue l’exploration du parc dans l’espoir de pouvoir en extraire à terme les richesses pétrolières…

La malédiction des ressources

L’exemple de l’Equateur, en Amérique latine, et des dégâts irréversibles causés par la compagnie pétrolière Chevron Texaco sont parlants : déboisement, mais surtout de multiples contaminations des sols et des cours d’eau, avec tous les dégâts sur la vie humaine, animale et végétale que cela peut comporter (intoxications, cancers, obligation d’abandonner ses terres de culture,…). Il a fallu près de vingt ans de procédures judiciaires pour que la population obtienne finalement gain de cause, en 2012. Mais les dédommagements financiers ne rendront pas la santé, et encore moins la vie.

Les pêcheurs et les communautés locales congolaises disent « non » à l’exploitation pétrolière dans le parc des Virunga.

Les pêcheurs et les communautés locales congolaises disent « non » à l’exploitation, tout en dénonçant les menaces et les intimidations dont ils font l’objet de la part de la SOCO. Le Réseau Ressources Naturelles (RRN), soutenu par le CNCD-11.11.11, les encadre et organise les interpellations des autorités congolaises et de la communauté internationale. Les réprobations officielles de l’exploitation n’ont pas tardé (du Premier ministre britannique Cameron au président de la Commission européenne Barroso, en passant par les ministres belges Reynders et Labille), mais à ce stade, elles ne sont pas suffisantes. La société civile congolaise constitue le dernier rempart pour la préservation du parc. Elle milite entre autres pour l’adoption d’un code pétrolier qui apportera davantage de transparence et de garanties, en phase avec les normes internationales, dans le respect de l’environnement et des populations locales.

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Tentative d’assassinat d’Emmanuel de Mérode, conservateur du Parc national des Virunga

Une autre information liée à la violence à ‘Est du Congo et à ses causes profondes , le piratage des ressource naturelles, provient de la presse belge, plus précisément de La Libre, qui écrit : Le conservateur du Parc national des Virunga, au Kivu (est du Congo), Emmanuel de Mérode, est tombé dans une embuscade, mardi après-midi, sur la route menant de Goma à Rumangabo. Il a été blessé à l’estomac et à la jambe, mais ses jours ne seraient pas en danger. L’attaque s’est déroulée en plein jour, ce qui est assez rare à cet endroit. "M. de Mérode venait de déposer auprès du Procureur de la République à Goma un dossier compromettant, résultant de mois - voire d’années - d’enquête sur Soco International", a déclaré à "La Libre Belgique" le député François-Xavier de Donnea. Après avoir fait des pieds et des mains, Soco International a obtenu des autorités congolaises, en contravention avec les engagements internationaux du Congo, le droit de mener des explorations pétrolières à l’intérieur du Parc des Virunga. Cela a valu à Kinshasa les protestations de l’Unesco qui a classé le Parc au Patrimoine de l’Humanité, ainsi que de nombreuses ONG.

Le Parc des Virunga est le plus ancien d’Afrique. Il a été créé il y a plus de 80 ans avec le concours de la famille royale belge. Il abrite un nombre exceptionnel de variétés animales et végétales. Depuis quelques années à la tête du Parc, Emmanuel de Mérode s’efforçait de faire de la préservation de celui-ci un atout pour le tourisme, qu’il avait réussi à développer.

Il essayait aussi d’associer le plus possible les populations riveraines à la conservation de ce patrimoine sans égal.

Soco International s’est fait remarquer à Goma par ses méthodes "musclées". "Il est très curieux", juge M. de Donnea, "que cette embuscade survienne justement au moment où Emmanuel de Mérode dépose ce dossier. C’est une coïncidence extrêmement troublante." Et le député belge d’ajouter qu’il serait "temps que la justice britannique fasse la lumière sur les agissements de Soco".

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

Pour autant, il serait faux de penser que celle-ci n’y ait pas réagi et, qu’en retour, la France officielle – le Quai d’Orsay (Direction politique, Service de presse,

Ce plan a été publié en 1949 par le Ministère des colonies sous la signature du ministre de l’époque : Pierre Wigny, sous le titre exact de « PLAN DECENNAL POUR

Car bien entendu, les premiers « vétérans » à faire leur entrée au Conseil furent des retraités de l’EIC, des représentants de compagnies ayant travaillé dans l’EIC, etc…

Après six heures de marche, on débouche au sommet d'une montagne et j'installe tout le monde dans les trois huttes.. Le restant du jour, je

Au contraire, son collaborateur Edouard De Jonghe occupe dans la Biographie une place qu’on lui a mesurée assez largement, si l’on considère que ses contacts direct avec le

(Cela peut paraître un peu soupçonneux envers les Ituriens, mais il faut tenir compte de ce que la « guerre de l’Ituri », non seulement a été l’un des épisodes les plus

‘Afrique un dossier fourre-tout du second type décrit plus haut, autrement dit si l’on rassemble les documents qui concernent leurs caractéristiques, leurs

« La politique de la RDC ne peut se faire qu’au travers des institutions politiques du pays », a-t-il indiqué, citant le Chef de l’Etat, qui a fait remarquer, selon lui,