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L’opposition institutionnelle congolaise et les pièges de la pensée unique

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Academic year: 2022

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L’opposition institutionnelle congolaise et les pièges de la pensée unique

Une certaine lecture de notre histoire immédiate fondée sur l’échec de l’état tutélaire que « les maîtres du monde » ont voulu instaurer chez nous à l’issue de la récente mascarade électorale peut nous confiner à croire que les dés sont pipés et qu’il y a plus rien d’autre à faire qu’à nous plier à l’ordre tyrannique, autocratique, dictatorial et oligarchico-prédateur que « les seigneurs de la guerre » essaient de mettre en place chez nous. Cette lecture peut avoir sa part de vérité. La presse muselée adopte déjà la langue de bois. Le gouvernement soumis au diktat du « Raïs » a dit adieu au débat d’idées et ne jure plus que par la réalisation des « cinq chantiers », poussant Azarias Ruberwa à le traiter, dans sa dernière conférence de presse, d’inefficace. (Cfr le journal La Prospérité du 18/04/207)

I. Un pouvoir faillible et vulnérable

Néanmoins, cette lecture de notre histoire croit que cet ordre pervers, mis en place par

« les nouveaux prédateurs » et leurs parrains, est « tout puissant ». C’est possible, vu son recours rapide à la violence comme moyen de gérer la cité. Mais, n’empêche que les signes de sa faillibilité et de sa vulnérabilité soient aussi manifestes. Ils sont étalés régulièrement au grand jour. Nos forêts sont vendues à vil prix et Greenpeace Belgique le crie sur les toits. La paix promise à l’Est du pays est remise aux calendes grecques et l’alliance contre-nature avec Nkunda n’est que de la poudre jetée aux yeux de nos populations meurtries, violées, exécutées sans sommation et déshumanisées. Ces populations semblent s’en rendre compte. En témoigne cette marche des étudiants de Goma remettant en question la politique du mixage adoptée par le gouvernement de Kinshasa. En effet, selon la Radio Okapi (du 17/04/2007) « plusieurs centaines d'étudiants sont descendus ce mardi matin dans la rue pour protester contre la mort de l'un de leur camarade, tué dans une embuscade ce lundi alors qu'il revenait de Vitshumbi. Le centre-ville est resté bloqué une bonne partie de la matinée. A pas de course, des branches d’arbres en mains, des centaines d’étudiants ont marché ce mardi en fin de matinée, de l’université à la mairie en scandant des propos hostiles au président de la République ainsi qu’à son gouvernement. Ces étudiants accusent les militaires mixés d’être à l’origine de l’insécurité au Nord Kivu et demandent au président de la République de les envoyer au brassage. Déjà des l'heure du début des cours, les étudiants des différentes institutions universitaires de Goma avaient initié une marche pacifique pour marquer leur mécontentement face à l’insécurité quotidienne au Nord Kivu. » Le dernier rapport de l’O.N.U. (de mars) en a fait un large écho.

Internet aidant, ce rapport peut être lu aux quatre coins du monde.

Nos terres sont vendues aux marchands des pierres précieuses ou occupées par « les pays amis » et la commission parlementaire dirigée par Roger Lumbala en sait quelque chose. Il y a quelques jours le Groupe « ONE » Belgique a mis à notre disposition un reportage montrant nos enfants exploités dans les mines du Katanga par des sujets sud-africains. Le film de la guerre de Kinshasa du 22,23 et 24/04 et de ses victimes congolaises et étrangères a fait le tour du monde. Le retrait de l’opposition institutionnelle de l’Assemblée Nationale pour des motifs d’insécurité

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(depuis le vendredi 13/04) est une réalité politique connue du monde entier. Bref, les pratiques du pouvoir en place au Congo sont de plus en plus portées à la lumière du jour. Ce fait peut paraître anodin eu égard à notre grande soif de liberté, de dignité et de bonheur partagé inassouvie. Mais, il est important de savoir que la formation d’une opinion publique avertie est une des tâches à assumer sur tous les fronts où se mènent les luttes de notre autodétermination. Les années sombres de la clochardisation matérielle, morale, intellectuelle et de l’imaginaire de nos populations ont participé de leur massification fondant ainsi certaines de leurs opinions sur l’ignorance. Et

« l’ignorance favorise extrêmement le despotisme. » (J. Ziegler, L’empire de la honte, Paris, Fayard, 2005, p.320). Koffi Olomide ne croyait pas si bien chanter quand il souligner que « kozanga koyeba ezali liwa ya ndambu. (Etre ignorant, c’est mourir un peu) » Au jour d’aujourd’hui, au vu de ce que nos populations subissent au nom de l’ignorance, il y a lieu d’enfoncer le clou en disant : « Kozanga koyeba ezali liwa ya solo.(Etre ignorant est une mort certaine) » Dans ce contexte, la lutte menée par le pouvoir en place à Kinshasa contre certains médias libres au nom de « la démocrature » et contre certains grands esprits congolais se comprend dans la mesure où informer, rendre transparentes les pratiques de nos oligarques prédateurs les fragilise en mettant à nu leur amateurisme, leur incompétence, leur double langage et leur mépris des textes fondateurs d’une République digne de ce nom. Comme tous les vampires, ils craignent comme la peste la lumière du jour. A ce point nommé, les ascètes du provisoire, les empêcheurs de penser en rond et les autres « veilleurs- protecteurs » de la mémoire historique de nos populations ont du travail à abattre à temps et à contretemps. Les tentatives de musellement des médias et de l’opposition institutionnelle à Kinshasa devraient par exemple conforter la diaspora congolaise dans son engagement pour l’éveil de la maturité politique et humaine de nos populations. Elle peut mettre à profit les NTIC : le téléphone atteint les coins et les recoins les plus reculés du Congo. Il peut pallier le manque des cybercafés.

II. Les pièges de la pensée unique

Lutter sur plusieurs fronts pour notre autodétermination devrait nous garder de tomber dans les pièges du retour à la pensée unique. Prenons un exemple. Il n’est pas rare d’entendre certains de nos compatriotes condamner l’opposition institutionnelle de s’être laissée piéger. Pour ces compatriotes, la suspension de la participation de cette opposition aux travaux de l’Assemblée Nationale (le vendredi 13/04/2007) confirmerait l’échec d’un processus vicié dès le départ. Cette suspension témoignerait de l’incapacité de cette opposition de pouvoir changer les choses de l’intérieur. La meilleure option aurait été celle prise par l’opposition non-institutionnelle (dans sa diversité), c’est-à-dire ne pas participer à un processus concocté par « les maîtres du monde » et leurs laquais sans les dignes filles et fils du Congo. Cette réflexion réduit les lieux constituant les fronts de nos luttes. Elle porte et propage les germes de la pensée unique de ceux et celles qui estiment être « les prophètes ». Elle minimise l’audace et même « la ruse » de ceux et celles d’entre nous ayant, peut-être naïvement, accepté de se jeter à l’eau. Que nous le voulions ou pas, un Jean-Pierre Bemba, un François Mwamba, un Thomas Luhaka ou un Delly Sessanga font désormais partie des compatriotes dont les points de vue ont quelque importance sur l’échiquier politique national et même international. Donc, ils auront gagné d’avoir osé. Et avec et à partir d’eux, la mauvaise foi, le non-respect des textes, le recours prématuré et inadapté à la force par les hommes et les femmes au pouvoir au Congo ont été mis pour la énième fois sur la place publique. Donc, avec et à partir d’eux, les

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institutions existantes ouvrent des brèches à exploiter dans le sens de l’initiation des actions indispensables à notre autodétermination. Ils peuvent nous souffler comment les choses fonctionnent de l’intérieur et nous inciter à les faire bouger avec eux.

La suspension de leur participation aux travaux de l’Assemblée Nationale pose, par exemple, la question de l’invention, de l’imagination et de la création d’autres structures et lieux d’expression collective que ceux où ils sont placés face à la majorité triomphant dans la bêtise.

Les perfectionnistes et « les prophètes » ne comprennent peut-être pas que « dans sa perfectibilité structurale, la démocratie est à la fois le moyen et la fin de l’émancipation individuelle et sociale. » (J DERRIDA et J. HABERMAS, Le

« concept » du 11 septembre. Dialogue à New York (octobre-décembre 2001) avec Giovanna Borradori, Paris, Galilée, 2003,p.19) De plus en plus, les exigences du dialogue, de la sécurisation des personnes et de leurs biens, du partage rationnel du pouvoir, du respect des libertés fondamentales des citoyen(nes), à force d’être posées par cette opposition et les autres forces vives de notre nation comme des conditions sine qua non de l’émergence d’une démocratie digne de ce nom, nous rappellent à temps et à contretemps l’étendu des fronts sur lesquels nos luttes d’autodétermination doivent se faire. L’une des stratégies les plus faciles à adopter pour se soustraire de l’investissement dans la pluralité de ces fronts est de disqualifier cette opposition, de la traiter de naïve ou de corrompue. A supposer qu’elle ait été naïve, elle aura quand même eu le mérite de nous révéler et/ou de confirmer la nécessité qu’il y a, pour nous Congolais(es) de lutter sur plusieurs fronts afin que notre troisième République soit fondée sur un fonds quelque peu commun des valeurs partagées. Elle aura apporté sa quote-part à l’édification de cette troisième République en nous prouvant que son émergence ne peut pas se passer de l’institutionnalisation de la liberté. Surtout de la liberté de penser, de savoir et de s’exprimer. Il y va de la promotion d’une société congolaise pluraliste.

J.-P. Mbelu

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