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LA SOCIÉTÉ CIVILE DES KIVUS AU CŒUR DE L’ACTION

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NEWSLETTER N°3 DECEMBRE 2010

PK est l’un des représentants de la société civile du territoire de Ruwenzori, au Nord Kivu. Il a suivi les formations proposées par l’ASADHO dans le cadre du programme CIVIK et

maintient un contact régulier avec l’association. Le 29 août 2010, il est alerté d’un cas de détention arbitraire. Un jeune homme de 27 ans est maintenu en garde à vue depuis cinq jours, alors que la durée légale maximum est de 48 heures. PK se rend sur place et rencontre le commandant de police pour

obtenir que la personne soit libérée, ou que son dossier soit transféré au parquet. N’obtenant aucun résultat, il alerte l’équipe de l’ASADHO Béni afin qu’elle mène des actions de plaidoyer. Après de multiples interventions, le commandant de police réclamant notamment le paiement d’une amende illégale pour libérer ce jeune homme, l’ASADHO obtient enfin sa libération, le 7 septembre 2010, sans qu’aucune poursuite ne soit engagée à son encontre.

MB est membre de l’un des Comités d’Observation des Droits de l’Homme créés par UCPDHO, en territoire de Fizi, au Sud Kivu, dans le cadre du programme CIVIK. En septembre 2010, elle est alertée sur un cas de viol concernant une fillette de 14 ans. MB prend rapidement contact avec UCPDHO pour que la victime puisse être prise en charge.

Menacée de mort pour avoir dénoncé l’auteur, la fillette est transférée au centre de santé d’Uvira où elle reçoit les premiers soins nécessaires, puis orientée vers une maison d’accueil pour victimes de violences sexuelles. Parallèlement, UCPDHO lui propose une assistance judiciaire gratuite. Une plainte est déposée et l’auteur présumé des faits est arrêté et maintenu en détention préventive. Le dossier est en cours d’instruction.

Ces témoignages apportés par les bénéficiaires du programme CIVIK lors de la rencontre organisée à Goma du 9 au 11 novembre dernier reflètent l’esprit dans lequel ce programme a été mené. De janvier 2009 à décembre 2010, les partenaires de terrain d’Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, l’ASADHO à Béni, SOPROP et PAIF à Goma, Arche d’Alliance et UCPDHO à Uvira, malgré un contexte d’ ins é c urité gé né ralis é e et l’augmentation de la pression à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, ont formé près de 2000 représentants de la société civile du Nord et Sud Kivu à la défense des droits de l’Homme.

Mais il ne s’agissait pas de s’en tenir à la réalisation de quelques sessions de formation. Il fallait aller au- delà : mobiliser les membres d’organisations de la société civile pour qu’ils deviennent acteurs de la lutte contre les violations des droits fondamentaux.

C’est ce pari qu’ont tenu les partenaires du programme CIVIK. En accompagnant les bénéficiaires dans la restitution des formations qu’ils avaient reçues auprès des autres membres de leur organisation ; en étant présents à leurs côtés pour défendre les cas de violation qu’ils avaient constatés ; en formant dans les territoires de Kalehe et Masisi des brigades féminines de paix ; en créant dans les territoires de Fizi et Uvira des Comités d’Observation des Droits de l’Homme ; en soutenant dans les territoires de Goma, Béni ou Lubéro des Comités Locaux de Femmes, etc. Le travail réalisé par les associations de terrain aux côtés de la société civile du Nord et du Sud Kivu a permis, comme l’entendait le programme, « d’impulser » des initiatives en faveur des droits de l’Homme. Des initiatives qui, pour faire reculer l’impunité, doivent continuer à être soutenues.

LA SOCIÉTÉ CIVILE DES KIVUS AU CŒUR DE L’ACTION

Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme organisait à Goma du 9 au 11 novembre 2010 une rencontre des parte- naires et bénéficiaires du programme CIVIK. L’occasion de dresser un premier bilan des résultats de ce programme qui s’achève fin décembre 2010, et de donner la parole aux bénéficiaires.

Rencontre de Goma - 9 au 11 novembre

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2 2 Pour nous, la participation de la société civile à la

bonne gouvernance locale, à l’identification et à la dénonciation des cas de violations des droits de l’Homme et au plaidoyer pour le respect des libertés fondamentales est essentielle pour obtenir une amélioration de la situation des droits de l’Homme au Kivu. En travaillant avec des Comités Locaux de Femmes (CLF) et des Clubs de Défense des Droits de l’Homme (CDDH), constitués de jeunes lycéens, nous entendons donner les moyens à ces structures de jouer un rôle actif dans la défense des droits de l’Homme de façon autonome, tout en étant en mesure de collaborer avec les associations qui peuvent leur être complémentaires.

Quatre formations ont été organisées au total pour des membres et des responsables de CLF et de CDDH, abordant des questions telles que le travail en réseau, l’organisation technique et administrative, le rôle des organisations féminines, le statut de la femme congolaise ou encore le plaidoyer sur le respect des droits de l’Homme. Pour des raisons de sécurité, l’une des formations initialement prévue à Kiwandja a dû être déplacée à Goma, sans que cela n’entame la motivation des participantes, venues nombreuses.

Les bénéficiaires de ces formations ont ensuite reçu notre appui pour organiser à leur tour des sessions de restitution auprès des autres membres de leur organisation. Ainsi, au terme des deux années de travail, ce sont près de 2800 membres de CLF et de CDDH qui ont pu recevoir une formation sur la défense des droits de l’Homme.

Ces formations portent déjà leurs fruits puisque les membres des CLF et CDDH sont désormais en capacité de sensibiliser la population sur le thème des droits de l’Homme et d’identifier des cas de violation sur lesquels ils nous alertent. Leurs capacités d’intervention en ont été renforcées, les informations circulent mieux et le travail en réseau est amélioré.

Ainsi, sur le terrain, les droits sont mieux défendus.

En témoigne cet exemple : à Bweremana, après une séance de sensibilisation du CLF « Amka sasa » sur la lutte contre les violences sexuelles qui a réuni plus de 200 personnes au mois d’août 2010, onze femmes sont venues voir les membres du comité, et leur ont confié qu’elles avaient été violées par des militaires qu’elles n’ont pu identifier, mais qui portaient des tenues ressemblant à celle des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Après le viol, les victimes s’étaient cachées et ne voulaient se confier à personne. Ce n’est qu’après avoir suivi la séance de sensibilisation qu’elles ont trouvé le courage de parler et de contacter le CLF. Elles ont été écoutées par les représentantes du comité, qui en ont informé notre équipe. Les victimes ont été conduites dans notre centre de réhabilitation pour victimes de la torture où elles ont pu recevoir les soins adaptés. Elles sont maintenant rentrées dans leur village mais continuent d’être accompagnées par notre équipe sur le plan médical, psychologique et social.

SOPROP : ACCOMPAGNER LES FEMMES ET LES JEUNES POUR LA DÉFENSE DES DROITS

Partenaire du programme CIVIK, SOPROP a, depuis janvier 2009, axé son intervention sur le renforcement des capacités des groupements de femmes et de jeunes lycéens en matière de défense des droits de l’Homme. Pour SOPROP, le travail réalisé pendant ces deux années porte aujourd’hui ses fruits.

Séance de restitution à Mabanga Sud Participantes à une session de restitution à Ndosho

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3 3 A travers une enquête réalisée pendant deux années

dans les territoires de Masisi et Kalehe (Nord et Sud Kivu, République Démocratique du Congo) l’équipe de PAIF (Promotion et Appui aux Initiatives Féminines) a pu identifier et analyser 309 cas de violations des droits des femmes et de violences, certains survenus plusieurs années auparavant, la plupart concernant des viols. Des violences qui demeurent le plus souvent impunies, et dont les victimes continuent à être stigmatisées.

« Le 18 mai 2005 des hommes armés en uniforme militaire ont surgi au domicile de Mme X. Ils ont ligoté son mari et procédé au pillage des biens de la famille. Pendant ce temps, deux assaillants ont immobilisé Mme X et l’ont violée à tour de rôle. Ils ont forcé son mari à transporter les biens volés vers la brousse. Il n’est rentré que le lendemain. Quand PAIF a rencontré la victime, 4 ans plus tard, elle souffrait d’une infection uro-génitale qui venait de lui causer deux fausses couches successives. Elle a été conduite à l’hôpital pour des soins. » Ce cas identifié par PAIF lors de son enquête n’est, malheureusement, qu’un exemple parmi de nombreux autres.

309 victimes de violations graves des droits de la femme

De janvier 2009 à décembre 2010 l’équipe de PAIF a rencontré les victimes, recueilli les preuves et les témoignages pour chaque cas identifié, sans prétendre avoir pu mener un travail exhaustif : le nombre de cas relevés est largement sous représentatif du nombre de violations réellement commises dans les Kivus… En effet, la collecte de données sur un thème aussi sensible que le viol s’expose inévitablement à de nombreuses réticences de la part des victimes, qui éprouvent de réelles

difficultés à témoigner. Dans une société où la victime de viol est stigmatisée au lieu d’être protégée, elles sont nombreuses à préférer se taire et se cacher. A cette difficulté de témoignage s’ajoute le fait que le déplacement continuel des populations n’a pas toujours permis de réaliser les entretiens dans des conditions optimales, et de recueillir l’ensemble des données pertinentes. L’insécurité qui prévaut dans la région rend par ailleurs ce type de travail dangereux.

Malgré ces difficultés, le rapport présenté par PAIF est édifiant : 309 cas de violations des droits des femmes ont été relevés, concernant des viols pour la plupart, mais aussi des assassinats, des arrestations arbitraires ou encore des expropriations abusives.

L’âge des victimes glace le sang : il va de 3 à 72 ans.

Quant aux auteurs, ils se comptent aussi bien parmi les civils que les soldats, qu’ils soient militaires des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ou membres d’autres groupes armés.

« Double peine » pour les victimes

Outre les conséquences physiques et psychologiques, les victimes sont exposées au rejet de leur entourage, qui nie leur souffrance. Le viol est en effet considéré comme honteux, et constitue un motif légitime de divorce, de séparation ou de rupture de fiançailles.

Les femmes célibataires ne connaissent pas un sort plus enviable, puisque, malgré la loi contre les violences sexuelles de juillet 2006, elles se retrouvent souvent forcées de vivre avec leur bourreau, en milieu rural notamment, au terme d’un arrangement familial ou d’un règlement du conflit devant les juridictions coutumières. Ce rejet de la société envers les victimes de viol s’étend même aux tout jeunes enfants, que ce soit les fillettes scolarisées, qui peuvent se voir chassées de leur école, ou les enfants

VIOLATIONS MASSIVES DES DROITS DE LA FEMME AU KIVU

Enquête

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LA CONCERTATION :

UN ENJEU POUR LES ASSOCIATIONS DE DÉFENSE DES DROITS DE L’HOMME

nés des rapports forcés, qui ne sont pas acceptés par la communauté.

Impunité des auteurs des violations

Ce déni de la souffrance des victimes et de la réalité du viol par la société congolaise est étroitement lié à l’absence presque totale de réaction des pouvoirs politiques et judiciaires du pays, qui se préoccupent bien peu de la prise en charge des victimes ou de la condamnation des auteurs des violations.

Le sentiment d’impunité ainsi créé décourage les victimes d’agir en justice. A cela s’ajoute la crainte de témoigner (en raison du risque de représailles, de la peur de se voir poursuivre en diffamation ou d’être rejetée par son entourage) et la difficulté à prouver les faits, la seule preuve admise, en dehors des aveux de l’auteur, étant la « réquisition médicale » dont le coût est difficilement supportable pour les victimes qui ne bénéficient pas de l’assistance d’une ONG.

Prise en charge des victimes par PAIF

PAIF a pallié, à hauteur de ses moyens limités, à la déficience du système de prise en charge des victimes de violences rencontrées dans le cadre de cette enquête. L’équipe a pu proposer un accompagnement adapté aux nombreuses victimes de viol dont les séquelles médicales n’étaient pas

soignées, ainsi qu’un accompagnement social pour leur réinsertion. Une assistance judiciaire a également pu être mise en place pour celles qui désiraient poursuivre en justice les auteurs des violations. Vingt dossiers sont aujourd’hui en cours d’instruction et certains des auteurs présumés sont en détention préventive. Cela constitue un espoir pour les victimes, même si, trop souvent, les rares peines prononcées ne sont pas exécutées…

Rapport disponible sur le site web de PAIF : http://www.paif-rdc.org/

PAIF demande aux pouvoirs publics de République Démocratique du Congo

De mettre en œuvre les moyens nécessaires et suffisants pour que les violences faites aux femmes ne restent pas impunies ;

De constituer une commission d’enquête sur la situation spécifique des droits de la femme en RDC, qui disposerait d’antennes en province ;

D’améliorer la prise en charge médicale, psychologique et sociale des femmes victimes de violences.

Le travail en réseau et la concertation entre organisations impliquées dans la défense des droits de l’Homme aux Kivus sont deux préoccupations majeures des partenaires du programme CIVIK depuis son lancement. A l’occasion de la rencontre organisée à Goma en novembre 2010, les participants ont insisté sur la nécessité de développer des modes de concertation sur la question de la protection des défenseurs des droits de l’Homme.

La mise en place, au niveau provincial, d’un réseau d’associations de défense des droits de l’Homme qui permettrait de mettre sur pied un dispositif d’alerte rapide et un mécanisme de protection adapté, avec l’appui des organismes internationaux concernés, pourrait constituer à leurs yeux une réponse adaptée aux besoins rencontrés aujourd’hui, à condition cependant de disposer de moyens suffisants pour agir.

L’expérience de travail d’Arche d’Alliance au sein du « cluster » de protection d’Uvira a été saluée. Ces

« clusters » de protection réunissent ONG et agences des Nations Unies et permettent de partager l’information sur les cas individuels de violations des droits de l’Homme, notamment concernant des militants, de vérifier la réalité des faits et de mettre en place une réponse conjointe, en terme de

plaidoyer en particulier. Les partenaires du programme CIVIK regrettent cependant que la représentation des associations locales de défense des droits de l’Homme, souvent les mieux à même d’identifier les cas sur le terrain, soit extrêmement faible, voire inexistante. Ils expriment leur souhait de pouvoir être pleinement associés à ce type d’organes de concertation dont l’impact peut être particulièrement significatif pour la protection des droits de l’Homme.

Ce document a été réalisé avec l’aide financière de l’Union Européenne. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité d’Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union Européenne.

Contact : Nadine Camp, Responsable des Programmes à Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, n.camp@aedh.org

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