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RENCONTRE DES LEADERS POLITIQUES CONGOLAIS A PRETORIA EN AFRIQUE DU SUD : PLUS DE PEUR QUE DE MAL

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le dimanche 27 mars 2011

Sommaire

Groupage et/ou dégroupage ?... page 1 RDC

RENCONTRE DES LEADERS POLITIQUES CONGOLAIS A PRETORIA EN AFRIQUE DU SUD : PLUS DE PEUR QUE DE MAL… page 8

Haiti

Lettre sur les élections … page 11

Ejbmphvf

a lu

Etats et Partis au Congo-Kinshasa : L’ethnicité pour légitimité de Guy Aundu Matsanza.. page 13

Et pour finir… page 17

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Groupage et/ou dégroupage ?

Par Guy De Boeck

Cet article est une fois de plus consacré à un fait qui concerne les « effets mécaniques » de tout processus électoral. Ceux-ci sont des conséquences qui se produisent toujours et inéluctablement, quel que soit le but consciemment recherché par les auteurs d’une législation.

Exemple : les législateurs qui choisissent le vote à la proportionnelle ont en général pour but de représenter aussi exactement que possible les nuances de l’opinion, y compris des partis petits et minoritaires. Mais, par le fait même, l’on obtient des Chambres arc-en-ciel, très bigarrées, ce qui rend très rares les majorités absolues détenues par un seul parti. Cela rend pour ainsi dire obligatoires les gouvernements de coalition dont la négociation peut être longue et difficile. On ne peut vouloir l’un sans vouloir l’autre.

Bien entendu, puisque les effets mécaniques existent, il arrive qu’ils soient recherchés pour des raisons moins avouables que les motifs toujours très nobles mis officiellement en avant.

Ainsi, en RDC, la révision de la Constitution réduisant à un tour la présidentielle a eu lieu par souci d’économies et pour préserver la paix (raisons officielles) mais surtout pour permettre à Joseph Kabila de rester à la tête de l’État (raison officieuse).

La date des élections n’est pas une donnée « neutre »

Parmi les choses susceptibles d’avoir sur les élections un effet inéluctable, il y a leur situation dans le temps. Et cela peut se présenter de deux manières : la première est la manière dont les élections sont programmées les unes par rapport aux autres, la seconde est leur survenance par rapport à d’autres événements, prévisibles ou non.

Une précaution que les politiques prennent évidemment toujours est de ne pas se mettre à dos l’ensemble des citoyens en leur « gâchant leurs vacances ». On évite donc autant que faire se peut les périodes telles que les fêtes de fin d’année ou de Pâques. Là, il y a unanimité puisque le désapprobation du citoyen viserait l’ensemble du monde politique.

D’autres dates sont évitées pour ne pas avantager trop ostensiblement un parti ou une tendance. Ainsi, si l’on examine les calendriers des élections qui se sont tenues en Europe occidentale durant les cinquante dernières années, on constatera qu’il est fort rare que les Européens aient voté au début du mois de Mai. Ce n’est pas dû à un désir trop grand, au sortir

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des élections à proximité immédiate du 1° Mai, Fête du Travail et donc, au moins potentiellement, période de mobilisation des partis de Gauche.

Il va de soi qu’on ne peut prévoir la répercussion d’événements imprévisibles. Elle peut cependant être considérable. En Belgique, on a surnommé les élections de 1999

« élections dioxine », la découverte d’un scandale relatif à la présence de cette substance toxique dans des produits alimentaires ayant valu des résultats exceptionnels au parti Ecolo.

Cependant, il n’est pas toujours possible de prévoir comment l’opinion publique réagira à un fait scandaleux. Ainsi, la découverte de bizarreries fort peu morales dans la gestion de la commune de Charleroi (et, dans une moindre mesure, d’autres communes wallonnes) valut au PS un certain recul (parfois dit « effet Charleroi ») mais l’acharnement de certains magistrats, généralement proches du MR et l’étrange concordance entre l’agenda des juges et la campagne électorale lui valut aussi des voix par sympathie de certains électeurs avec ce qui apparaissait comme « un parti victime d’une cabale ».

Dans l’espace africain, il est manifeste qu’an RDC, l’actuelle majorité présidentielle a essayé de profiter d’un « effet Cinquantenaire », voir même de la créer.

Il y a un phénomène universel contre lequel on ne peut rien et qui favorise toujours le pouvoir en place. « Informer » c’est toujours dire ce qui se passe, et c’est le gouvernement, donc la majorité, qui est en mesure d’user de son pouvoir pour faire l’événement. L’opposition peut tout au plus critiquer ou, à la rigueur, manifester… Il en découle que le Pouvoir aura fatalement une image de gens qui agissent, font des choses, cependant que l’opposition se complait dans les parlottes et les protestations systématiques. Dans certains pays, une manière de contrepoids peut être représenté par le fait que ceux qui détiennent le pouvoir national sont au contraire dans l’opposition au niveau municipal, régional, etc… Alors, selon le niveau de pouvoir où l’on se situe, les « actifs » et les « parleurs » ne sont pas les mêmes ! Cet effet ne joue pas au Congo, où l’on n’a pas toléré qu’une province échappe à la mainmise d’une même coalition politique.

A cause de cela, le pouvoir dispose, sur le rôle de vedette, d’une sorte de privilège de fait, qui est encore aggravé par cette forme de propagande non-officielle qui consiste à fourrer les mérites, la vision ou l’inspiration de Joseph Kabila partout, à tous propos et surtout hors de propos, laissant présager pour 2011 l’annonce de miracles du genre « grâce à la pensée de JKK, les poules donnent des œufs plus gros ! ».

Ces effets là sont, comme on l’a pu voir, assez aléatoires, et les tentatives pour influencer les élections par le biais du calendrier concernent bien plus fréquemment les dates des différentes élections les unes par rapport aux autres.

Gros sous

L’argument dont on use le plus fréquemment pour regrouper les élections est que cela coûte moins cher. Il ne faut pas hésiter à reconnaître que c’est vrai. S’il y a une question qui se pose à ce sujet, ce serait plutôt : « Faut-il faire n’importe quoi, y compris brader la démocratie, pour épargner de l’argent ? » Car alors, on est bien forcé de constater que les solution la moins chère, c’est bien sûr de ne pas organiser d’élections du tout !...

Alors que nous croyons être assez bien informés de la vie politique américaine, parce que, s’agissant de la plus grande Puissance mondiale, elle occupe une place importante dans l’actualité telle que reflétée par nos médias, beaucoup d’entre nous ignorent que le regroupement des scrutins est une pratique très courante aux USA.

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Il est courant que l’on profite de l’élection présidentielle, pour laquelle on a de toute façon dû

« sortir le matériel » pour demander aux électeurs de se prononcer sur d’autres questions. On en profitera, par exemple, pour élire le sheriff du patelin et pour demander aux habitants de prendre part à un référendum sur la localisation d’un pont !

Dans ce cas, il s’agit d’économie bien comprise, dans la mesure où bien entendu, la personnalité du prochain chef de la police, ou la localisation d’un pont n’interfèrent pas avec le choix du Président. Il en va de même, en Belgique, avec la décision de regrouper en une même élection, les européennes et les régionales. Là encore, les enjeux sont trop différents pour que les scrutins s’influencent l’un l’autre.

Dans la plupart des cas, toutefois, qu’on la taise ou qu’on le confesse, c’est moins le souci des gros sous qui sera en cause que des objectifs politiques.

Proximité, écart, concordance…

Il arrive que, sans nulle recherche de prétextes plus ou moins filandreux, on anticipe des élections en avouant ouvertement qu’on le fait pour des raisons politiques.

En 1981, François Mitterrand, aussitôt installé comme Président, a dissout l’Assemblée Nationale. La raison, nullement dissimulée, en était de provoquer des élections législatives qui, dans la foulée des présidentielles, donneraient une majorité de gauche. Calcul qui se réalisa pleinement.

Cette manœuvre est un exemple parfait de ce que l’on peut rechercher (mais aussi craindre) de la proximité de deux élections. L’une influence l’autre. En l’occurrence, la victoire de la Gauche à la présidentielle, et un réel désir de changement, amenèrent l’électeur a «voler au secours de la victoire ».

Cet effet de proximité joue surtout des élections importantes vers celles qui le sont moins.

Cette affirmation demande un commentaire, parce qu’il n’y a pas unanimité sur ce qui est important et ce qui ne l’est pas et qu’en général politiques, politologues, publiciste et militants sont d’accord pour dire (et pour tenter d’en persuader les autres) qu’en saine démocratie toutes les élections sont importantes, et qu’il n’en faut négliger aucune.

Qu’est ce d’ailleurs qu’une élection « importante » ? Votre serviteur habite le centre de Bruxelles. Beaucoup de choses, dans ma vie quotidienne, dépendent donc des décisions du Conseil communal et des directives données à ses personnels par le Collège des Bourgmestre et Echevins de Bruxelles. Les communales ont donc plus « d’importance », pour mon confort personnel, que le fait de savoir si l’on réussira à former un gouvernement à la suite de législatives qui ont eu lieu il y a assez longtemps. Néanmoins, il y a un assez large consensus pour dire que les législatives ont plus de poids que les communales.

Reprenons l’exemple des « législatives Mitterrand » de 1981. Le message du Président nouvellement élu était clair : « En m’élisant, vous avez voté pour le changement. Donnez-moi la possibilité de vous l’apporter en élisant un Parlement de Gauche qui m’appuiera ».

Autrement dit « Subordonnez votre vote législatif (secondaire) par rapport à votre vote présidentiel (principal) ».

Dans les républiques présidentielles, il y a un large consensus pour estimer que le vote qui dépasse tous les autres en importance est le vote présidentiel. En France, on distingue même une catégorie particulière d’électeurs : les « votants présidentiels » (ceux qui ne se dérangent que pour cette élection-là, pas pour les autres).

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Lorsque deux élections se suivent à bref intervalle, et surtout si la seconde est perçue par l’électeur comme en quelque sorte « subordonnée » à la première, on constate une propension de la seconde à reproduire la première. Cette « contagion » est moindre lorsque les élections se présentent dans l’ordre inverse (par exemple : locales, provinciales, législatives, et enfin : présidentielle).

La démocratie repose sur l’existence de pouvoirs indépendants les uns des autres, parfois subordonnés les uns aux autres, mais en tous cas élus indépendamment les uns des autres.

Dans la mesure où tout contrôle est toujours vécu en partie par la personne contrôlée comme une gêne, une entrave ou un ralentissement, il faut s’attendre à ce que les occasions de diminuer ce contrôle, de le rendre bienveillant, soient mises à profit. Cela mènera à guetter les occasions où deux élections pourraient avoir un résultat identique.

Mais inversement, comme chacun sait que ces contrôles, même s’ils sont gênants, sont un mal nécessaire pour le bien commun, et qu’ils rendent aussi possible le contrôle des mandataires publics issus d’un parti par les autres membres de ce parti1, on désire aussi qu’il soit maintenu. Et pour cela, il faut au contraire rechercher les différences entre les résultats des différentes élections.

Comme on le voit, il s’agit finalement de trouver un point d’équilibre entre plusieurs vices et plusieurs vertus !

Quelques législateurs (peut-être se disaient-ils qu’en doublant ses chances, on minimisait les risques) ont introduit, pour l’élection des assemblées, le système de renouvellement partiel (par quart, par tiers, le plus souvent par moitié). Le cas le plus connu est celui des élections américaines dites « à mi-mandat » par ce qu’elles changent la composition de la Chambre des Représentants exactement à mi-course du mandat du Président en exercice. (L’autre moitié est renouvelée juste avant l’élection présidentielle). Un Président peut donc parfois commencer son « règne » avec un Congrès qui lui est très favorable et devoir le terminer avec un pouvoir législatif beaucoup plus hostile, ou l’inverse2.

Un écart dans le temps est la seule manière qui subsiste, d’obtenir deux collèges électoraux différents depuis l’instauration, partout, du suffrage universel pur et simple. Le corps électoral étant invariable, les différences ne peuvent donc plus venir que de l’évolution de l’opinion publique.

Peu importe que l’on ait choisi de renouveler les Assemblées en bloc ou par fractions. Il est manifeste que l’idée (assez simple et relevant du bon sens) qui a guidé les législateurs était :

« Si deux pouvoirs sont supposés se contrôler l’un l’autre, il vaut mieux qu’ils soient élus dans des conditions – donc à des dates – sensiblement différentes. »

En effet, si l’on excepte les cas où le « couplage » des élections porte (comme dans notre exemple du Président des USA et du sheriff local) sur des enjeux tellement différents que les scrutins sont pour ainsi dire étrangers l’un à l’autre, la probabilité est très forte pour que les

1 Les « affaires de Charleroi », dont il a été question, ont été, dans une large mesure, causées, à la base d’une annulation des contrôles. La majorité PS au conseil communal ne contrôlait pratiquement pas le collège. Les membres de l’un et de l’autre avaient presque tout à dire dans la régionale du PS, qui était elle-même puissante au Parlement wallon.

2 L’idée que les Américains se font d’une situation « saine » semble être qu’une relative opposition entre les options respectives du Président et du Congrès est une bonne chose. C’est donc à l’opposé du système français (souvent copié en Afrique) qui a été conçu au départ pour un Président appuyé par une majorité parlementaire de même « couleur » politique.

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électeurs, consultés deux fois en peu de temps, votent de manière identique pour les mêmes partis ou candidats. Et ce sera encore plus le cas si les consultations sont simultanées. Cela repose tout simplement sur une constatation de bon sens. Les gens susceptible d’émettre, à deux élections réunies dans le même scrutin, deux votes différents, sont fatalement des personnes dont le niveau d’instruction et d’intérêt pour la politique dépasse largement la moyenne. Dans un cas de ce genre, la masse, elle, vote de manière identique à toutes les élections réunies dans le « panier ».

Cela signifie, en pratique, que si, par exemple, on couple présidentielles et législative, la tendance majoritaire élira un Président, une Assemblée et donc, indirectement, un Gouvernement qui auront tous la même coloration politique. C'est-à-dire que le contrôle du pouvoir législatif sur l’exécutif sera, au moins en partie, illusoire.

Spécificités africaines

Tout ce que nous avons parcouru ici est « universel », c'est-à-dire que ce serait vrai dans n’importe quel pays et avec n’importe quel système électoral. Il faut à présent examiner si les conditions particulières à l’Afrique peuvent y apporter des nuances ou même, carrément, retourner des situations.

Bien qu’il soit d’usage dès que l’on parle de politique en Afrique noire, de brandir les effets du tribalisme, je ne crois pas qu’il ait une influence particulière dans la problématique que nous envisageons ici. L’ethnie et la tribu, voire même le clan, sont des arguments visant à fidéliser l’électeur. « Les intérêts des Bashilele seront mieux défendus par des ministres ou députés bashilele ». En l’occurrence, la « spécificité africaine » s’arrête au fait qu’en Afrique, cela s’appelle « tribalisme ». Tous les partis politiques du monde cherchent à avoir un électorat « fidélisé », c'est-à-dire un certain nombre d’électeurs qui votent pour eux contre vents et marées. L’argument, ailleurs, ne sera pas tribal. Mais on parlera aussi volontiers qu’en RDC du « mwana mboka », « l’enfant du pays », pour convaincre les électeurs de Fontainebleau d’élire un bellifontain de souche. Il en va de même pour un certain électorat ouvrier inébranlablement décidé à voter socialiste, etc… Ajoutons que, si ailleurs dans le monde on y met plus de pudeur qu’en Afrique, le principe « les petits cadeaux entretiennent l’amitié » est lui aussi largement appliqué.

L’obsession de « l’ethnique » quand il s’agit de commenter des faits africains peut mener parfois à d'amusants quiproquos. Ainsi, au moment de l'indépendance du Zimbabwe, on se souviendra peut-être qu'il y avait deux partis "indépendantistes" en lice: le ZAPU et le ZANU, avec chacun une "locomotive" Joshua Nkomo d'une part et Robert Mugabe d'autre part. Les deux hommes étaient originaires des deux principaux "groupes ethniques" du pays: les Ndebele et les Shona. Les premiers font quelques 20% de la population contre un petit 80%

pour les seconds. C'est le Shona Mugabe qui l'emporta par à peu près 80 % des suffrages exprimés. "Prévisible!!!, s'exclamèrent maints commentateurs, Ils ont évidemment voté par tribus!" Or, c'était faux: l'examen des résultats détaillés montra que partout, tant chez les Ndebele que chez les Shona, Mugabe avait "fait" 80 % et Nkomo, 20 %, et que donc l'électeur, loin d'obéir à un réflexe "ethnique" s'était bel et bien décidé sur base du programme des candidats... Ce qui voulait dire aussi que la décision des électeurs avait été tout à fait civique, moderne et bien informée, et qu'elle avait été prise sur une base "nationale" et aucunement, comme on est trop facilement porté à le croire, sur des références ethniques primitives, passéistes et surannées.

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La principale spécificité africaine en jeu ici est ce que j’ai appelé, autrefois, le « vote de précaution ».

La situation dans laquelle se trouve l’électeur africain est, le plus souvent, d’avoir à choisir entre un pouvoir existant, perçu comme monolithique (en ce sens que, presque toujours, il est dominant à tous les échelons du pouvoir. La situation européenne, où il est monnaie courante qu’une municipalité soit aux mains de ce qui, nationalement, est l’opposition, est très rare en Afrique) et comme susceptible de recourir non seulement à la propagande mais aussi à des mesures de que nous appellerons pudiquement de « persuasion musclée » ou de rétorsion.

(Il faut remarquer en passant qu’il n’est pas nécessaire, pour « punir les mauvais électeurs », d’enfreindre le secret du vote. En effet la façon dont un village, un district… ont voté est, elle, publique. On peut donc aisément les punir en les négligeant).

Un nombre considérable d’électeurs estiment donc moins risqué de « voler au secours de la victoire » en votant pour le pouvoir en place.

Un deuxième facteur intervient ici : la personnalisation qui règne en maîtresse sur la politique africaine. « Le régime » et « le Président » sont pratiquement synonymes, et la propagande, si elle emprunte volontiers à l’extérieur un vocabulaire civique et républicain3, ne manque pas de présenter des décaissements, effectués en fait par le Trésor public, comme « dons du Président » ou « cadeau du Ministre », exactement comme si ces « grosses légumes » les avaient payés de leur poche.

Le cumul entre les deux effets a une résultante qui non seulement fait « la carotte et le bâton » car la reconnaissance pour les « cadeaux », le désir d’en recevoir d’autres et la crainte de représailles poussent dans le même sens, mais va, puisque le Président est vu comme incarnant tout l’Etat, jusqu’à l’impression que, celui-ci une fois élu, tout est joué. La distinction entre les élections « importantes » et « secondaires » est donc bien plus forte qu’ailleurs et la tendance des secondes à reproduire les premières est donc, elle aussi, bien plus forte.

Il en découle qu’en Afrique, plus encre qu’ailleurs, il importe, non seulement que les élections soient aussi écartées que possible les unes des autres, mais que la présidentielle vienne non pas au début, mais à la fin du processus.

Une illustration : la RDC

Dans l’après-midi du 14 mars 2011, Joseph Kabila a réuni pendant plus de deux heures les plus hauts responsables de l’État au Palais du peuple. Parmi les présents: le procureur général, le Premier ministre, celui de l’Intérieur, les présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et de la Commission électorale nationale indépendante. Les participants ont examiné de près le scénario d’un « découplage » de la présidentielle et des législatives. La première pourrait se tenir en octobre prochain, les secondes au début de 2012. Un moyen pour le chef de l’État fraîchement élu de profiter, lors des législatives, de la tendance des électeurs à voter pour le vainqueur de la présidentielle. Et donc de s’assurer la haute main sur le Parlement. C’est la preuve que l’argument avancé, en janvier, pour justifier la suppression du second tour de la présidentielle – la nécessité de faire des économies – n’était qu’un prétexte. Le découplage nécessite en effet l’organisation de deux scrutins au lieu d’un.

3 Dont les traductins dans les langues locales sont pafois pittoresques et surprenantes !

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On dirait de JKK a vraiment subi, lors des élections de 2006, des moments pénibles dont il veut éviter la répétition.

Le premier a certainement été la nécessité d’affronter un second tour. Celui-ci a mis en évidence « l’effet Tout sauf Kabila » c'est-à-dire l’existence, dans l’opinion publique congolaise, de suffisamment de gens convaincus de la nécessité de l’écarter du pouvoir, pour que, une fois rassemblés automatiquement par le mécanisme des deux tours, ils puissent mettre le pouvoir sérieusement en danger. L’effet TSK est apparu suffisamment puissant pour transcender les innombrables divisions et divergences de ces oppositions multiples et dispersées.

Il est d’usage, lorsqu’on commente le deuxième tour 2006, de s’étonner du bon résultat de Bemba. Peut-être devrait-on estimer au contraire que la grande chance de JKK a été que le personnage de Bemba, qui cumulait tout de même maintes raisons d’être antipathique (riche et arrogant, issu de la « jeunesse dorée » mobutiste, seigneur de la guerre, suspect de crimes contre l’humanité) a, malgré tout, empêché l’effet TSK de jouer à plein. Un personnage un peu moins rugueux aurait peut-être, lui, gagné au second tour !

Quoi qu’il en soit, ce problème-là est éliminé par la suppression du second tour.

Il reste cependant un autre problème : celui d’une éventuelle « cohabitation ». Précisons : une cohabitation méchante et agressive, pouvant déboucher sur un renversement du Président par une majorité parlementaire hostile.

L’effet de la présidentielle a un tour sera de permettre l’élection d’un président

« minoritaire ». Et, dans ce scrutin-là, JKK est en principe avantagé par l’effet de la « prime au sortant » ainsi que par le « vote de précaution ». Il pourrait donc être reconduit dans ses fonctions avec, par exemple, 25 % des voix.

Mais, s’il y a « couplage » entre la présidentielle et les législatives, le vote législatif va tendre à reproduire le vote présidentiel. Et, si l’on peut être Président, à un tour, avec un score relativement faible, ce même score, traduit en sièges au Parlement, ne fait qu’une minorité.

D’autant plus une minorité, devrait-on dire, que les alliés actuels, dans la coalition gouvernementale, ne sont pas forcément ceux de demain. Le PALU, notamment, pourrait fort bien « reprendre ses billes ».

E « découplage », au contraire, permet d’espérer qu’une bonne partie des électeurs, qui auront donné leurs voix aux divers candidats de l’opposition lors de la présidentielle, cosidérant que tout est joué puisque JKK reste quand même président, retomberont dans l’ornière du « vote de précaution ».

Accessoirement, on constate une fois de plus la remise aux calendes grecques des élections locales, c'est-à-dire la poursuite de la mainmise du pouvoir central, et singulièrement de la Présidence qui vient aussi, avec la réforme constitutionnelle, d’accroître son emprise sur les provinces.

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Pretoria

RDC

RENCONTRE DES LEADERS POLITIQUES CONGOLAIS A PRETORIA EN AFRIQUE DU SUD : PLUS DE PEUR QUE DE MAL

Ce vendredi 18 Mars 2011, en la salle de réunion du Centre Béthanie dans la Commune de la Gombe, les leaders politiques de l’Opposition Congolaise ayant pris part à la rencontre de Pretoria en Afrique du Sud ont organisé une séance de restitution des pourparlers qu’ils ont eus avec les représentants de la Majorité au Pouvoir et quelques responsables de la Société Civile congolaise.

En effet, l’UDPS Jacquemin SHABANI, le MPCR Jean Claude VUEMBA, l’UNC Jean Bertrand EWANGA, le RCD Moïse NYARUGABO et le MLP Franck DIONGO, ont livré à la presse tant nationale qu’internationale les conclusions du « Forum de Réflexion sur le Processus Electoral de 2011 en République Démocratique du Congo » auquel ils ont pris part pour compte de l’Opposition Politique.

Il se dégage de leur communication que la rencontre de Pretoria a été organisée à l’invitation de l’Institute for Global Dialogue, IGD en sigle, sur financement de Open Society of Southern Africa, OSISA en sigle, avec l’accord du Gouvernement Sud Africain.

L’objectif de la rencontre était de permettre aux acteurs congolais des Partis Politiques aussi bien de la Majorité que de l’Opposition ainsi qu’aux responsables de la Société Civile de réfléchir ensemble sur la tenue des élections libres, inclusives, transparentes et apaisées en 2011 afin d’éviter toute nouvelle crise politique préjudiciable au pays et à son peuple après les élections.

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Le rapport final dudit Forum fait état de plusieurs points de convergence entre les parties à la réflexion parmi lesquelles nous pouvons relever :

- L’acceptation par tous des élections libres, inclusives, transparentes et apaisées

comme l’unique voie d’accession au pouvoir ;

- L’impératif de la tenue des élections générales dans les délais constitutionnels ;

- La nécessité de la neutralité et de l’impartialité effectives de la Commission

Electorale Nationale Indépendante, CENI, de l’Administration publique, de l’Armée, de la Police, des Services de sécurité et des Médias publics ;

- La nécessité d’une Justice véritablement indépendante et impartiale, bénéficiant

d’un renforcement des capacités des Magistrats en matière de contentieux électoral pour garantir les élections libres, inclusives, transparentes et apaisées ;

- L’obligation pou la CENI de publier urgemment le calendrier électoral et

d’accélérer la révision du fichier électoral, lequel devra être audité pour besoin de transparence ;

- L’obligation d’organiser l’élection présidentielle et celle des Députés Nationaux le

même jour et de reconduire le système électoral de la représentation proportionnelle.

Parmi les points de divergence, les participants au Forum de réflexion de Pretoria ne sont pas parvenus à un accord sur les points suivants :

- L’éventualité du dépassement du délai constitutionnel ainsi que le comportement

ou les mesures à adopter en cas d’une telle éventualité ;

- La certification des résultats des élections par la MONUSCO.

Au vu des conclusions que cette rencontre de Pretoria a accouché, nous ne pouvons que nous féliciter des nombreux points d’accord auxquels sont parvenus les politiciens tant de la Majorité que de l’Opposition ainsi que les responsables de la Société Civile congolaise présents à ce Forum. Point n’est besoin de commenter sur les points de convergence étant donné que ceux-ci sont acquis, cependant, il serait bon de nous appesantir quelque peu sur les points de divergence de manière à comprendre les points de vues des uns et des autres afin de dégager ce qui pourrait être à l’avantage du peuple congolais.

En effet, au vu de la délicatesse et de l’importance des points de divergence apparus, il y a lieu de se poser certaines questions auxquelles les acteurs politiques congolais se doivent de répondre afin de ne pas mettre la population devant un fait accompli et éviter l’effet de surprise avec toutes les conséquences que cela peut entrainer.

Et parmi ces questions, la plus importante est celle de savoir : « qu’adviendra-t-il au cas où, malgré le souhait émis par tous, que les élections ne soient pas organisées dans le délai constitutionnel et quelles sont les mesures à adopter en cas d’une telle éventualité ? ».

Pour l’Opposition Politique, le dépassement ne fut ce que d’une minute du délai

constitutionnel dans l’organisation des élections entrainera une crise de légitimité car toutes les Institutions de la République devraient alors tomber. Et le Pouvoir en place devra dans ces conditions reconnaitre officiellement son incapacité d’amener le peuple congolais aux urnes, et ce, après 4 (quatre) années d’exercice du Pouvoir. Il faudra déterminer les responsabilités tant institutionnelles qu’individuelles qui auront conduis à cet échec. Il s’en suivra enfin une large concertation des forces vives de la Nation afin de statuer quant à ce.

La Majorité au Pouvoir quant à elle estime que dans cette fiction politique, les dispositions des articles 70, 103 et 105 in fine de la Constitution devraient être d’application dans la mesure où elles disposent que le Président de la République reste en fonction jusqu’à

l’installation effective du nouveau Président élu et que les mandats des Députés Nationaux et des Sénateurs expirent respectivement à l’installation de la nouvelle Assemblée Nationale et du nouveau Sénat.

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La légèreté avec laquelle la Majorité au Pouvoir se propose de régler cette éventualité qui porte en elle les germes de conflit et d’insécurité étonne plus d’un observateur. Et cela nous pousse à croire qu’il s’agit là d’un véritable complot contre le peuple congolais à qui on veut confisquer de manière illégale son droit légitime de se choisir ses dirigeants. Car, bien que constitutionnelles, les dispositions auxquelles la Majorité au Pouvoir s’accroche ne précisent nullement combien de temps cette situation qu’on peut qualifier d’intérimaire peut perdurer.

C’est pourquoi, si les élections générales n’étaient pas organisées dans les délais constitutionnels, il serait judicieux de fixer un délai butoir afin de ne pas favoriser une confiscation du Pouvoir. Et, il reviendra au Souverain Primaire de se prendre en charge et de faire prévaloir ses droits.

Le second point de divergence concerne la certification des résultats électoraux par la MONUSCO telle que souhaitée par l’Opposition et la Société Civile mais rejetée par la Majorité au Pouvoir au motif que cela entacherait la souveraineté nationale.

Il y a lieu de se demander de quelle souveraineté parle-t-on ?

En effet, lorsque le budget national est financé à plus de 50% (cinquante pourcent) par la Communauté Internationale et que la CENI a les yeux braqués sur les bailleurs des fonds extérieurs afin de réaliser la mission qui lui est assignée, pourquoi n’évoque-t-on pas la souveraineté nationale ?

Et si l’on est vraiment décidé à organiser des élections libres, démocratiques et transparentes, pourquoi alors éviter la présence d’un témoin gênant ?

Cette dissimulation de la Majorité au Pouvoir derrière la préservation d’une souveraineté nationale qui n’existe que dans l’esprit de ceux qui évoquent ce subterfuge doit interpeller le peuple congolais sur les incohérences des personnes qui nous dirigent.

En conclusion, le Forum de réflexion de Pretoria a le mérite d’avoir permis aux politiques congolais de se parler en présence de la Société Civile. Point n’est besoin de diaboliser ceux qui ont pris part à ces assises de haute réflexion et qui ont été invité par les organisateurs dudit Forum ; à ceux qui n’ont pas été conviés à cette rencontre, il est inutile de s’en prendre aux participants car non seulement l’invité n’invite pas dit-on, mais aussi les critères de sélection ne sont connus que des ceux qui ont offert ce cadre de concertation.

Un autre mérite qu’il faille reconnaitre à ce Forum de réflexion de Pretoria, c’est qu’il aura offert l’opportunité aux acteurs politiques de livrer à la population congolaise les intentions cachées des uns et des autres.

De ce fait, le peuple doit rester vigilent et ne permettre à qui que ce soit de lu voler son droit légitime de se choisir ses dirigeants dans le strict respect des règles du jeu à savoir : la transparence, la démocratie et la liberté.

Peuple congolais, une fois de plus l’histoire vous fixe rendez-vous. Ne le manquez pas cette fois-ci.

Fait à Kinshasa, le 19 Mars 2011 TAKELE LUKOKI

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Haiti

Lettre sur les élections

Correspondance particulière

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"Ne calomnie pas le soleil. Est ce que je maudis l'ombre, moi?" Aimé Césaire.

Le deuxième tour des élections présidentielles a eu lieu hier !

Presque sans grabuges ! Ouf ! On a eu chaud ! Mais tout s’est bien passé selon les observateurs Internationaux.

Haïti, singulier petit pays de quelques 24 000km2 !

Faut le faire ! Où l’on a vu un candidat à la présidence de la République (Jude Célestin) que l’on déclare second au premier tour et qui disparaît de la scène politique sans un réflexe de survie : même les moutons de la Tabaski bêlent lorsqu’on les conduit derrière la case pour les égorger. Là rien ! Le Représentant de la Plate Forme Inité (comprendre Unité) une coalition de partis a été bâillonné dans le vrai sens du terme, sans même tousser, ni bailler. Car, aurait-il seulement baillé que j’aurais entendu au moins le bruit de l’air que l’on expire quand on baille.

Singulier Petit Pays qui voit deux ex-présidents revenir d’exil et être reçus par une foule en liesse comme s’ils étaient toujours au pouvoir. Jean Claude Bébé Doc Duvalier, est rentré de son long exil de 25 ans (ou plus) plus acclamé que le Président Préval encore au pouvoir jusqu’au 14 mai. Le pays semble avoir déjà oublié les Tontons Macoutes de triste mémoire.

Singulier Petit Pays qui acclame le retour de l’ex-président ex-prêtre défroqué de son exil e terre sud-africaine. Le petit Père Titide comme on le nomme ici n’a pas pris une ride, pas un

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ce, malgré les tentatives Usaiennes de lui interdire ce retour.

Mais c’était ne pas connaître le rusé Préval, président humilié devant le séisme du 12 janvier 2010, Préval l’artiste, René le muet ; l’homme qui a orchestré ces deux retours remarquables au bercail.

Sans discours, sans déclarations. Pour Duvalier, il semble vraiment surpris de le voir rentrer au pays. Pour Titide, il se tait aussi même pendant qu’il lui envoie un passeport diplomatique.

C’est que l’homme sait ce qu’il veut, ce qui lui est le plus cher, ce qu’il a négocié avec chacun des 12 candidats du premier tour : ne jamais être envoyé en exil loin de son Ayiti chéri.

Derrière ses airs hagards de celui qui est toujours en retour d’un train, se cache un fin négociateur, peut-être même un grand manipulateur. En tout cas on peut lui tirer le chapeau pour avoir mené jusqu’à terme son mandat et avoir préparé les élections qui éliront son successeur. Mais aussi pour avoir la promesse faite au début de son mandat : ramener dans le pays ses deux prédecesseurs ! Chapeau l’artiste !

Singulier Petit Pays que Haïti, qui après avoir été dirigé par un médecin de campagne, un enfant de 19 ans, un prêtre défroqué, est sur le point d’avoir à sa tête un chanteur- musicien, à la tête rasée et aux extravagances connues dans tout le pays et au-delà : Sweet Miki alias Michel Joseph Martely. Cet homme est un phénomène à étudier! Inconnu dans le monde politique il y a 8 mois encore, Tèt Kalé (c’est son nom de campagne qui signifie en créole tête rasée, mais aussi le têtu, le courageux, celui qui se défend) a battu à plate couture tous les vieux et anciens politiciens pour se positionner pour le second tour.

J’ai passé toute la journée d’hier devant la télé et ce que j’ai vu, je ne l’ai jamais vu nulle part.

Même pas le jour des élections que Obama a remporté aux USA.

Singulier Petit Pays d’Haïti!

L’arrivée de Michel Marteli au bureau de vote de Pétionville a été un événement jamais vu (par moi du moins). Le bureau de vote a été pris d’assaut par les supporters de Tèt Kalé:

bousculades, cris, chants, lancée de posters, klaxons; etc…Je me suis dite et je suis

convaincue que cette foule immense venue acclamer Tèt Kalé au moment où il venait avec sa femme pour voter, cette foule de jeunes et de moins jeunes a certainement oublié d’aller voter à son tour! Il ne pouvait pas en être autrement. Au sortir du bureau de vote, la foule était encore plus compacte, à tel point que j’ai pensé un moment que Mme Marteli allait se retrouver par terre piétinée. Puis, voilà le candidat Marteli Tèt Kalé qui fait fi de toutes les consignes et qui saute sur le capot de son véhicule 4×4 et se met à faire des signes (genre bras d’honneur).

A la fin de cette courte démonstration de quelques il se secoue en exécutant deux pas de danse. Il convient de signaler ici que la fin de sa campagne a été marqué par un concert géant aux Champs de Mars avec faisceaux lumineux et feux d’artifices. Les pauvres gens qui vivent sous les tentes du Champs de Mars depuis le tremblement de terre ont du apprécier (au sens propre comme au figuré).

Singulier Petit Pays, qui semble avoir choisi de convoler encore une fois en justes noces avec le populisme.

Qui a dit que les pays avaient une mémoire? Singulier Petit Pays auquel on s'attache si facilement.

Fraternellement.

A.

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Ejbmphvf a lu

Etats et Partis au Congo-Kinshasa

4

:

L’ethnicité pour légitimité Par Guy Aundu Matsanza5

« L'Etat moderne en Afrique noire est un héritage de la colonisation, imposé par l'Occident.

« Il a longtemps tourné ses préoccupations vers la défense des intérêts étrangers, sans représenter véritablement les communautés ethniques locales. Cet Etat gouvernait d'en haut par ses structures, mais il n'avait guère de fondement à sa base.

Il apparaissait artificiel du fait de sa source de légitimité et de son modèle d'autorité. Les indépendances ont amorcé un consentement à son existence, et une forme de légitimation est apparue.

« Cette étude analyse un des instruments par lesquels l'Etat, incarné et entretenu par le sommet sans lien réel avec la base, réussit à nouer des relations avec le citoyen pour qui il existe.

L'ouvrage décrit le système politique du Congo-Kinshasa et les facteurs dont il use pour 'lubrifier' la relation Etat-société. Il étudie en particulier le rôle que les partis font jouer aux liens ethniques dans leur lutte pour le contrôle du pouvoir : l'instrumentalisation de l'ethnicité procure aux partis et aux gouvernants une forme de légitimité qui fait que cet Etat, jadis imposé - et rejeté - sous la colonisation, est de nos jours accepté dans son contexte sociopolitique, alors qu'il n'a pas changé substantiellement de nature .

« La légitimité de l'Etat : un des problèmes majeurs auxquels les Africains sont confrontés depuis leurs indépendances, et qu'ils affrontent notamment en devant instrumentaliser l'ethnicité » nous dit le texte publié en couverture arrière du volume.

Si l’importance d’un sujet se reconnaît au volume global de papier que l’on a noirci pour en parler, si possible doctement, le thème « rapports entre politique et tribalisme », particulièrement en RDC qui avec ses quelques 500 ethnies apparaît comme le paradis des ethnologues, est certainement parmi les sujets qui méritent l’adjectif « important ».

Quelle importance ?

La question pourrait se résumer ainsi : Il n’y a pas de parti politique qui puisse se ramener purement et simplement au tribalisme. Mais tous les partis ont à tout le moins ne légère connotation tribale. Pourquoi ? Et dans quel but ?

Selon M. Aundu Matsanza, la chose trouverait son origine dans le caractère artificiel des états africains – en l’occurrence, en particulier de la RDC – établis dans des frontières coloniales, et, par là, illégitimes. Cela aurait nécessité une réappropriation par les Congolais, laquelle se serait faite par le biais de la prise de contrôle de l’entité-état par des fractions ethniques, qui aurait permis, en quelque sorte, à tout le monde d’en profiter car la prise de contrôle est aussi bien entendu une « prise de bénéfices ». Ce qui ferait que cet Etat, jadis imposé - et rejeté -

4Paru aux Editions L'Harmattan, Paris. 280 pages, 13,5cm x 21cm x 2cm Prix: 25,00€

5 Guy Aundu Matsanza est docteur en sciences politiques et sociales de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), et enseignant-chercheur à l'Université de Kinshasa ; il est auteur de publications scientifiques et membre de

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sous la colonisation, est de nos jours accepté dans son contexte sociopolitique, alors qu'il n'a pas changé substantiellement de nature.

Pour décrire le système politique du Congo-Kinshasa et les facteurs dont il use pour 'lubrifier' la relation Etat-société, l’auteur étudie en particulier le rôle que les partis font jouer aux liens ethniques dans leur lutte pour le contrôle du pouvoir et comment l'instrumentalisation de l'ethnicité procure aux partis et aux gouvernants une forme de légitimité. Il le fait, non pour tout le Congo et durant les cinquante années de son existence d’état indépendant, mais dans une période donnée et à un moment précis : il s’agit du Kasaï durant la période 1990 – 2006.

Il est permis de se demander pendant combien de temps encore persistera l’idée que les états africains seraient plus artificiels et/ou plus illégitimes que les autres. Certes, ils résultent de la conquête et de la violence. Oui, ils ont été bâtis en vue de pourvoir aux besoins de maîtres étrangers plus qu’à ceux de leur population. Bien sûr, leurs dirigeants bourgeois entendent bien mieux les appels du profit que les lamentations des humbles. Mais on peut en dire autant de la plupart des pays du monde. Les frontières et les institutions d’un état ne sont jamais que la résultante de certains rapports de forces, internes et externes. La colonisation a été un as particulier de cette règle générale. On peut se demander si, un demi-siècle plus tard, il convient encore de li accorder une pace aussi prépondérante. Les états africains, comme tous les autres, sont des machines institutionnelles accaparées par la bourgeoisie nationale, de compte à demi avec le capitalisme international, pour le plus grand malheur du peuple.

De plus, la réaction violente des Congolais lorsqu’il est question de « balkaniser » leur pays, ou devant des affirmations comme « There is no Congo » montre à suffisance qu’ils se sont réapproprié leur espace national, même si celui-ci, dans un passé lointain, a résulté d’un découpage colonial.

Et, puisque l’on parle découpage, j’avoue avoir été un peu étonné par celui que Mr. Aundu Matsanza fait, non pas de l’espace, mais du temps.

Il est très compréhensible et parfaitement admissible que, ne désirant pas écrire une encyclopédie, il ait estimé qu’il ne lui fallait pas démontrer la relevance de sa thèse pour chacune des 11 provinces ou des 500 ethnies du Congo pendant le demi-siècle écoulé depuis l’indépendance. Le choix d’un échantillon (la province du Kasaï) durant une certaine période (depuis la fin du parti unique jusqu’aux élections de 2006) est suffisant. Il est toujours loisible à l’auteur lui-même, ou à ses disciples et continuateurs, de parfaire et d’étendre le travail par la suite. Mais son choix l’amène à poser une certaine unité logique de sa période de référence, dont il fait une longue période « transition », comme si les élections de 2006 étaient celles, promises par Mobutu, dont on parlait depuis 1990. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’élimination de Mobutu par LD Kabila en 1997 passe à la trappe ou est passée sous silence, mais on n’en est pas loin !

Certes, le mot « Transition » a été utilisé pendant deux périodes : sous Mobutu, surtout après 1993, et après l’assassinat de LD Kabila 2001. Ces deux périodes, toutefois, malgré un nom identique et toute une série d’attitudes et de pratiques communes, sont très différentes.

Durant la « transition mobutiste », on assiste à un déblocage de la situation politique, avec la CNS et le multipartisme. Et, là, le choix du théâtre kasaïen se justifie pleinement, parce que cela se cristallise assez rapidement en un « combat des Chefs » entre Mobutu et son MPR et Tshisekedi et son UDPS. Cette cristallisation permet alors, de 1993 à 1996 un blocage de la situation. C’est alors que la CNS se fond dans le HCR/PT car on parle de « Parlement de

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Transition » précisément au moment ou la transition, au sens de changement, a disparu.

Autrement dit, c’est l’histoire d’un échec.

Après la période LDK (1997-2001), où l’on pouvait espérer un changement réel, c'est-à-dire l’émergence d’une démocratie réelle parce que basée sur le pouvoir populaire, la seconde transition vers les élections de 2006, n’est rien d’autre qu’une reprise en main du Congo par sa bourgeoisie, avec l’appui de la « communauté (capitaliste) internationale ».

Et il est beaucoup plus difficile, pour cette seconde période, d’admettre le choix, non du terrain (il était logique de continuer à s’en tenir au Kasaï) mais de la présentation en « duel ».

Ceci d’autant plus qu’une des grandes anomalies de 2006, qui a joué particulièrement au Kasaï, a été l’abstention de l’UDPS. L’auteur s’en est d’ailleurs rendu compte : dans l’introduction de sa dernière partie, il annonce un duel (PPRD/MLC)… qui ne se produit pas.

Ces critiques ne retirent rien à la valeur de l’ouvrage. Après tout, on ne saurait faire grief à un auteur de ne pas avoir dit ce qu’il n’a jamais eu l’intention de dire. Mr. Aundu Matsanza avait pour propos de montrer comment une certaine appropriation (ou ré-appropriation ?) de l’état postcolonial a été possible grâce à certains mécanisme qui ont donné au peuple (l’illusion de ?) la part qu’il pouvait y prendre et du profit qu’il pouvait en retirer. Et parmi ces mécanismes entre ce qu’il qualifie d’ethnisme.

A ce propos, on ne peut que constater que l’auteur met des faits différents dans le même sac…

Je me trompe ! Il les met plutôt dans les différents tiroirs d’un même meuble (appelé

« ethnisme) et explique d’ailleurs quelles sont les distinctions logiques entre ces tiroirs.

Il est exact que l’ethnisme, au Congo, a toujours été, en effet, une « réalité à tiroirs ».

L’intervention coloniale et missionnaire, que l’on pourrait appeler « ingénierie ethnique » est intervenue dans leur identification, voire dans leur création.

Incorporation et intégration sociale ont créé des identités, notamment celle de "Congolais", diverses identités de classe, diverses identités religieuses, et une série d'identités ethniques.

Ces identités ne sont pas de même étendue et se rapportent à des domaines différents: elles seront donc "à tiroirs": dans des contextes différents, une même personne pouvait s'identifier en tant que l'une quelconque de ces innombrables identités. L'ethnie à eu ses "bâtisseurs", parmi lesquels des étrangers, surtout missionnaires, ont joué un grand rôle. Précisons même qu' il n'est pas indifférent que ces missionnaires aient de plus très souvent été flamands. Ces intervenants Blancs vont répertorier les tribus dans un vaste éventail d'activités, allant des mouvements religieux aux mobilisations politiques en vue d'une guerre.

Plusieurs identités ethniques (ou tribales ou sous-ethniques) ont reçu une empreinte idéologique. Certaines s'appliquent à l'ensemble des gens dont la langue maternelle est, par exemple, le Tetela. Ce parler est parfois appelé "kitetela", parfois "otetela", voire "otetela- kikusu" ("doublet" linguistique de l'appellation ethnique "Tetela-Kusu"). D'autres identités sont plus larges (Anamongo, par exemple) ou plus restreinte. C'est typique du Congo, où les dénominations, ethniques et autres, ont tendance à être multiples et conjoncturelles; l'ennemi dans un tel contexte est un frère dans tel autre. Catégories et appellations ethniques sont ainsi des instruments, voire des armes, dont on peut se servir pour susciter un conflit ou pour en favoriser l'apaisement. L'ingénierie ethnique est donc aussi, par certains aspects, fabrication d'armes...

Curieusement, Mr. Aundu Matsanza, après avoir attribué un caractère artificiel à l’état parce qu’il résulte de la colonisation, ne semble pas voir que le découpage ethnique relve, lui de l’ingénierie ethnique, non moins coloniale que es frontières de l’état.

Dans son « Histoire du Congo », Mr. Ndaywel é Nziem explique fort bien que la différence principale (et peut-être pas du tout innocente) entre l’ethnie vécue par les Noirs et l’ethnie vue

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par les Blancs c’est précisément que ces derniers, dans un but de domination, ont attribué un caractère uniforme, figé, stable et permanent à ce qui était essentiellement divers, vivant, fluide et changeant.

En même temps qu'on délimite spatialement une ethnie, on lui attribue une quasi-éternité (on a dit ironiquement que l'anthropologie, à une certaine époque, semble avoir considéré les ethnies comme des "essences subsistantes"... et ce n'est sans doute pas par hasard que le terme est repris à la philosophie thomiste, compte tenu du rôle important que les auteurs missionnaires ont joué dans cette "ingénierie"). Plus exactement, on suppose que les groupes et institutions que l'on a "trouvés" - il vaudrait parfois mieux dire "découpés" - remontent à un passé fort lointain et que, si histoire il y a eu, elle était cyclique et répétitive: "étant posé qu'il y a des A et des B et qu'ils sont ennemis héréditaires, ils se sont fait la guerre x fois par siècle dans le passé... heureusement, maintenant nous sommes là pour les en empêcher". La situation ainsi supposée éternelle n'est même pas forcément celle qu'on rencontrée les premiers explorateurs. Elle peut même être carrément en contradiction avec elle.

Peut-on réellement mettre dans les tiroirs d’un même meuble ethnique des faits comme : - l’existence au Congo de groupes ethniques différents ayant conscience de l’être.

- les conflits claniques internes à ces groupes (Katawa/Mutombo chez les Lulua, p.ex.) - les distinctions induites, par la colonisation, à l’intérieur de ces groupes (Lulua/Luba).

- les regroupements d’ethnies minoritaires pour faire face aux « grandes ».

- les regroupements qu’il qualifie de « super-ethnies », à la taille d’une région.

- des clivages identitaires comme le rejet des « kasaïens » par les « vais katangais »…

Et j’en passe…

Cela montre avant tout que beaucup reste à faire dans un domaine sur lequel l’auteur a eu bien raison d’attirer l’attention.

Guy De Boeck

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Et pour finir…

Nous vous offrons, ami lecteur, cette perle de sagesse, cueillie sur les lèvres de JC Vandamme.

Ça, c’est pensé !

Referenties

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