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(1)

Commission Afrique centrale

D ocuments préparatoires aux réunions

sur l a frique centrale

Sommaire :

Rwanda : un enjeu géopolitique 2

La nécessaire réorientation des politiques internationales en Afrique centrale 3 le Bloc québécois demande au gouvernement Harper de s’assurer de la tenue

d’élections libres et démocratiques 3

Rétablir la démocratie et aider les populations 4

Le ciel s’assombrit autour des prochaines élections présidentielles au Rwanda 4

Rwanda, un développement à deux vitesses 6

Coltan, sang et armes au Congo 8

La guerre pourrie du Kivu 9

Kigali : avril 1994 11

Génocide rwandais, génocide des Tutsis ou génocide des Grands Lacs ? 12

À propos du rapport MUTSINZI 16

L’enquête du juge Bruguière sur l’attentat du 6 avril 1994 : rien qu’un

vulgaire pétard mouillé ? 19

Quel négationnisme pour quelle défense de la dictature FPR au Rwanda

et dans les Grands Lacs ? 23

Lutte contre l’impunité en Afrique centrale : la percée inattendue de la

justice espagnole 32

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Un Rwanda riche et puissant ?

Le 29 décembre 2009, le Rwanda est devenu offi- ciellement le 54e pays membre du Commonwealth britannique présidé par Elisabeth II, reine de Gran- de-Bretagne.

Le Rwanda, pays sans ressources minières, de tra- dition francophone, avec une population de 8 mil- lions d’habitants, est devenu un des pays les plus puissants d’Afrique avec une armée forte de plus de 30 000 hommes avec composantes aérienne et navale. Sa capitale Kigali est devenue le Singapour africain et un important centre d’exportation de minerais, dont le coltan. Kigali est aussi devenue le siège de la Fondation Bill Clinton pour l’Afrique et abrite les filiales de sociétés d’extraction de mi- nerais, spécialement canadiennes et australiennes.

En outre, Tony Blair est le conseiller privé du pré- sident Kagame et l’Union européenne soutient le régime de Kigali en y installant un représentant permanent avec rang d’ambassadeur.

Comment cette métamorphose a-t-elle pu se produire ?

Il s’agit d’un processus entamé en 1990 avec l’agression du Rwanda par des milices de l’armée ougandaise. Celles-ci, commandées par le géné- ral Kagame, formé dans une école militaire amé- ricaine, se transformèrent en l’Armée patriotique rwandaise (APR), bras armé du Front patriotique rwandais (FPR).

Cette agression militaire, après quatre années de combats et de massacres en territoire rwandais, aboutissait aux Accords d’Arusha mais aussi à la destruction en vol de l’avion transportant le prési- dent Habiharimana et le déclenchement du génoci- de des Tutsis et des Hutus modérés en avril 1994.

À ce jour, il existe toujours des versions contra- dictoires sur l’ensemble de ces événements. Le présent document, présentant des analyses et des rapports, se veut une recherche pour plus de vérité et plus de justice.

Trois constatations s’imposent

1. Le régime de ce pays, devenu étonnamment ri- che et puissant, s’appuie sur une étroite minorité qui opprime la grande majorité de la population to- talement apeurée. La préparation des élections du mois d’août prochain montre bien dans quel climat antidémocratique vit cette population.

2. Il est devenu clair que ce processus de trans- formation d’un Rwanda francophone en une base stratégique anglophone était planifié dès 1990 par l’Ouganda au service des multinationales qui ont financé l’agression contre le Rwanda. Ce plan ini- tial prévoyait d’ailleurs également la conquête du Congo. Les agressions rwandaises de 1996 et 1998 en sont la preuve évidente. Tout comme l’occupa- tion multiforme du Kivu dont l’exploitation militari- sée est la seule source de l’actuelle richesse et du nouveau développement de Kigali.

3. Et surtout, il ne faut pas oublier que ce processus pour le contrôle et l’exploitation des ressources mi-

nières de la région a provoqué depuis 1990 jusqu’à ce jour plus de 8 millions de morts. Et aujourd’hui encore l’Est de la RDC est victime de pillage et de massacres de populations.

Ces trois constatations doivent être le fil conduc- teur des analyses objectives sur l’ensemble de l’Afrique centrale.

L’étape actuelle du processus : l’enjeu géopolitique

Dès le 6 juin 2008, Obama venant d’être désigné officiellement candidat démocrate à la présidence des USA, l’assemblée générale du groupe Bilder- berg se tenait aux États-Unis avec les principaux dirigeants financiers, industriels, politiques et ota- niens des USA et de l’Union européenne. Au centre des discussions, la relance et le renforcement de l’atlantisme et la poursuite d’opérations militaires spécifiques pour les 2 centres névralgiques où les Anglo-saxons et leurs alliés privilégiés sont très engagés : l’Afrique centrale et de l’Est ainsi que le Moyen Orient et l’Asie centrale.

C’est ainsi que dès le début d’août 2008 le candidat Obama s’occupe très discrètement avec les Blair, Sarkozy, Davignon et autre Michel à « sécuriser » les pays des Grands Lacs en Afrique et à renforcer l’influence rwandaise sur la RD Congo, particulière- ment en regroupant toutes les factions guerrières, spécialement rwandaises, dans l’armée congolaise de moins en moins nationale et efficace.

C’est le projet « Nabuco » est-africain. Ce projet veut établir un réseau d’oléoducs et de gazoducs dans tout l’Est africain s’étendant des frontières somaliennes du Darfour, au sud-est de la RD Congo comprenant le Centre Afrique, le Tchad, l’Ougan- da, le Rwanda, le Burundi, le Kenya, la Tanzanie, l’Est et le centre de la RD Congo. Le réseau devrait aboutir à Dar-Es-Salam pour l’exportation.

Actuellement les pressions américano-européen- nes se font lourdes pour « sécuriser » cette ré- gion où l’armée américaine est de plus en plus présente, spécialement au Sud du Darfour et au Rwanda où se trouve la principale base militaire US en Afrique.

Les élections présidentielles

Celles-ci auront lieu au mois d’août prochain et se préparent de manière totalement antidémocra- tique. Le régime du président Kagame empêche toute opposition de se constituer. La presse euro- péenne relate les agressions et les arrestations ar- bitraires dont sont l’objet les candidats qui osent se présenter ainsi que leurs collaborateurs. L’Union européenne vient de décider de ne pas envoyer d’observateurs pour ces élections. L’Observatoire européen pour l’Afrique centrale (Eurac) critique vivement cette décision. Quels seront donc les par- lementaires belges et européens qui auront le cou- rage et la volonté politique d’exiger des pressions de l’Union européenne pour plus de démocratie au Rwanda ?

Jean Verstappen

Rwanda : un enjeu géopolitique

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Ottawa, lundi 15 février 2010

À quelques mois des élections présidentielles du mois d’août prochain au Rwanda, Francine Lalon- de et Johanne Deschamps sont très préoccupées par l’intimidation et la répression dont sont victi- mes les membres de partis d’opposition rwandais de la part du gouvernement du Rwanda. Elles sont particulièrement inquiètes pour la sécurité de la candidate du Parti FDU-Inkingi, Victoire In- gabire.

« Comme en font état Human Rights Watch et d’autres observateurs, il règne actuellement un climat de terreur au Rwanda et nous craignons d’assister, d’ici les élections, à une escalade d’ac- tes de harcèlement qui pourraient décourager toute participation de partis d’opposition aux pro- chaines élections présidentielles », s’est inquié- tée la porte-parole du Bloc Québécois en matière d’affaires étrangères et députée de La Pointe-de- l’Île, Francine Lalonde.

« Le Canada et les autres pays qui ont soutenu la candidature du Rwanda pour le Commonwealth ont la responsabilité toute particulière de veiller à la tenue d’élections démocratiques dans ce pays.

Il faut rappeler qu’ils ont accordé leur appui à ce pays, en dépit de l’avis émis par la commission des droits de l’homme du Commonwealth qui es- timait que les libertés publiques étaient toujours restreintes au Rwanda, “au point de créer un cli- mat de peur dans ce pays” », a poursuivi Francine Lalonde.

« Nous sommes particulièrement inquiètes pour la sécurité de Victoire Ingabire, la candidate du Parti FDU-Inkingi. Depuis son retour d’exil en janvier dernier, Mme Ingabire a été l’objet d’une campagne publique de diffamation et a été la ci- ble de gestes brutaux d’intimidation. Il y a deux semaines, c’est de justesse qu’elle a échappé à ce qui semble être un guet-apens, mais son collègue Joseph Ntawangundi n’a pas eu cette chance. Il a été passé à tabac, arrêté et accusé d’avoir com- mis des crimes pendant le génocide, alors qu’il

n’était même pas au Rwanda à ce moment-là. La semaine dernière, Mme Ingabire a été interpel- lée à son tour et interrogée par la police rwan- daise. La police l’aurait à nouveau convoquée afin qu’elle se présente au poste de police, mardi, et nous craignons qu’elle soit alors arrêtée », a pour sa part fait valoir la porte-parole du Bloc Qué- bécois sur les questions touchant l’Amérique la- tine, l’Afrique et la coopération internationale et députée de Laurentides – Labelle, Johanne Des- champs.

« Les incidents et les tracasseries auxquels sont confrontés les partis d’opposition pour se faire inscrire en vue du scrutin semblent indiquer, tel que le soulignait hier Human Rights Watch, que le gouvernement de Kagame n’accepte ni l’op- position politique ni la critique publique. Pire, re- lève Human Rights Watch, le gouvernement de Kagame utilise des accusations de participation au génocide ou d’“idéologie du génocide” pour viser et discréditer ses opposants. Ainsi, le parti PS-Imberakuri a été accusé de véhiculer l’“idéo- logie génocidaire” et le Parti vert, qui n’a toujours pas réussi à obtenir son accréditation, d’“ennemi du pays”. Plus troublant encore est le fait que la loi rwandaise sur l’idéologie du génocide, votée en 2008, par son flou permet au gouvernement rwandais d’empêcher toute critique de sa politi- que nationale et de poursuivre les opposants », a ajouté Francine Lalonde.

« Devant ces constats, compte tenu des excellen- tes relations bilatérales qu’entretient depuis fort longtemps le Canada avec le Rwanda et puisque le Canada est encore actuellement un des im- portants bailleurs de fonds de ce pays et qu’il a appuyé sans réserve la candidature du Rwanda au sein du Commonwealth, nous demandons au gouvernement Harper de faire pression sur le gouvernement de Kagame pour que cesse tout acte d’intimidation afin de permettre une campa- gne électorale et des élections libres et démocra- tiques », ont conclu Johanne Deschamps et Fran- cine Lalonde.

La nécessaire réorientation des politiques internationales en Afrique centrale

Élections présidentielles rwandaises

Le Bloc québécois demande au gouvernement Harper de s’assurer

de la tenue d’élections libres et démocratiques

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Le 16 janvier 2010, Mme Victoire Ingabire Umu- hoza, Présidente des FDU-Inkingi (parti d’opposi- tion rwandaise né en exil) et candidate à l’élection présidentielle d’août 2010, arrivait au Rwanda en compagnie d’une petite équipe de campagne de 5 personnes.

Initialement la délégation devait être forte de 10 personnes, mais le gouvernement rwandais avait refusé, pour des raisons obscures, d’octroyer des documents de voyage. En effet, sur 10 demandes de passeports, seuls deux avaient été octroyés, après moult rebondissements. Une curieuse réac- tion d’un gouvernement qui travaille d’arrache pieds pour la fermeture des camps de réfugiés rwandais en Afrique et le retrait du statut de réfugiés aux ré- calcitrants, et qui refuse en même temps des docu- ments de voyage à ceux qui veulent de leur propre gré rentrer au pays !

En choisissant de porter leur combat pour un chan- gement démocratique sur un sol rwandais visible- ment miné, les FDU-Inkingi optaient résolument pour une solution pacifique à l’impasse auquel fait face le peuple rwandais tant meurtri par des an- nées de conflits, de suspicion réciproque, de peur et d’incompréhension.

À son arrivée à Kigali, la Présidente des FDU-In- kingi donna le ton de sa campagne en posant deux gestes majeurs. Le premier fut de se recueillir au mémorial du génocide rwandais de Gisozi pour s’incliner devant la mémoire de tous ces innocents emportés dans une vague de folie collective.

Le second geste fut de déclarer, à l’issue de sa vi- site, qu’il y a d’autres victimes dont la mémoire reste taboue, et qu’il fallait aussi penser à eux.

Les propos de Madame Ingabire Victoire furent déformés par les inconditionnels du régime qui essaient de noyer contre vents et marais, leurs propres responsabilités dans le génocide. Madame Ingabire fut traitée de négationniste et révisionnis- te pour avoir évoqué un secret de Polichinelle, les massacres de Hutu et Tutsi par les troupes du FPR,

avant, pendant et après le génocide de 1994.

Le déchainement médiatique et politique contre Madame Ingabire atteignait son paroxysme le mer- credi 3 février 2010.

Convoquée au bureau de secteur de Kinyinya soit disant pour des formalités administratives relatives à l’enregistrement de son parti, Madame Ingabire et son assistant furent accueillis à l’intérieur du bu- reau de secteur, par une bande d’assaillants qui les attendaient en embuscade. Madame Ingabire réussit à se soustraire de cette bande et à rega- gner son véhicule, laissant son sac aux mains des assaillants.

Son assistant, Joseph Ntawangundi n’eut pas la même chance. Il fut maîtrisé et sauvagement battu par les assaillants au nez et à la barbe du respon- sable de secteur et de 2 policiers présents sur les lieux, qui n’ont pas fait le moindre geste pour le sauver.

Lorsque la police intervint, le premier geste ne fut pas d’arrêter les assaillants, mais de conduire la victime à la station de police voisine, pour inter- rogatoire. Il ne fut libéré qu’après une heure de détention.

À ce jour, la police n’a pas annoncé l’identité des cinq assaillants qu’elle prétend avoir appréhendés et à notre connaissance, aucune procédure pénale n’est en cours à leur encontre.

Le 6 février 2010, à la surprise générale, Joseph Ntawangundi fut arrêté par la police et accusé de génocide. Un tribunal Gacaca (les tribunaux d’ex- ception) de Gitwe à Kibungo l’aurait condamné in absentia à 19 ans de prison pour le meurtre de 2 étudiants pendant le génocide. Or, l’intéressé n’était pas au pays. Ceci démontre toute la perversité de ces tribunaux qui sont financés par certains pays occidentaux en dépit des nombreuses critiques des organisations des droits de l’homme et même de la commission onusienne des droits de l’homme.

Depuis, Monsieur Joseph Ntawangundi reste en

Rétablir la démocratie et aider les populations

Quand il s’agit de l’Afrique centrale, l’Union européenne tourne le dos aux valeurs démocratiques à la base de son développement. Sous le motif de stabiliser une région géo-stratégique sensible, l’Union européenne est prête à financer une justice d’épuration politique comme les « Gacaca » au Rwanda ou à subsidier des élections-bidons comme celles organisées par le régime dictatorial du général Kagame. Non seulement l’Europe décide de ne plus observer les élections faussées du Rwanda en août prochain pour faire des économies, mais elle n’hésite pas à se faire représenter à Kigali par un ambassadeur, Michel Arion, qui fait l’apologie du régime Kagame, en discréditant les forces Démocrtatiques Unifiées et leur candidat aux pro- chaines élections présidentielles, Victoire Ingabire, agressée et menacée depuis son retour au pays.

Le ciel s’assombrit autour des prochaines élections

présidentielles au Rwanda

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prison. Après avoir été détenu à la prison de Kimi- ronko, il serait aujourd’hui à la prison de Mpanga à l’extrême est du pays. Les prisonniers rwandais devant être nourris par leurs familles, il sera ex- trêmement difficile pour sa famille vivant à l’ex- trême sud-ouest, de faire des navettes sur plus de 300 km. Il est à craindre qu’il ne soit torturé pour lui extorquer des aveux contre Madame Ingabire et les FDU.

Quant à Mme Victoire Ingabire Umuhoza, le 9 fé- vrier 2010, elle a été convoquée par le Départe- ment de la police criminelle (CID). Cette convoca- tion est intervenue moins de vingt-quatre heures après les menaces d’arrestation proférées par le Général Paul Kagame, Président de la République du Rwanda, au cours d’une conférence de presse.

Il n’avait pas hésité à affirmer que « la lune de miel était terminée ».

Lors de son audition, Madame Ingabire s’est vue si- gnifier 3 chefs d’accusation très graves au Rwanda, à savoir des crimes de « négationnisme », « d’idéo- logie du génocide » et de « collaboration avec les FDLR ». Des accusations passibles de la plus lourde peine sous l’actuel code pénal si liberticide.

Le 16 février 2010, Mme Victoire Ingabire Umuhoza fut de nouveau convoquée par la police qui l’a audi- tionnée pendant 3 h 30. Elle a été interrogée sur ses prétendus échanges avec les FDLR en 2007 et en 2008. Elle a aussi été accusée d’inviter des gens chez elle et d’y tenir des réunions clandestines.

Quel crime dans un pays sans état d’urgence ! Force est de constater que ces convocations à ré- pétition semblent préparer l’opinion à une arres- tation politique ou du moins à assignation à rési- dence surveillée.

Ces tracasseries judiciaires empêchent pour l’ins- tant Madame Ingabire de faire enregistrer son par- ti, pendant que le pouvoir en place sillonne le pays pour truquer d’avance les élections.

Tétanisés par leur passivité lors du génocide, les pays occidentaux bailleurs de fonds du régime, dont la Belgique, laissent la situation pourrir, sans rien

faire. L’Union européenne hésite encore à prendre une décision sur l’envoi ou pas d’observateurs. Il se murmure dans les coulisses que la présence de ces observateurs ne changerait rien à une élection dont les résultats sont connus d’avance ! Une rai- son de plus justement pour y aller. Il en est de même de la société civile (ONG) européenne, qui veut être présente en RDC et au Burundi, mais qui rechigne à une présence au Rwanda.

Pourtant, tant que le régime rwandais ne se sera pas démocratisé, il restera une menace pour la sta- bilité dans la sous-région. Les chances d’un retour à la paix à l’Est de la RDC en seront d’autant plus il- lusoires et la résurrection tant attendue de la com- munauté des pays des grands lacs sera reportée aux calendes grecques.

Le meilleur investissement qu’on puisse faire au Rwanda n’est pas dans les gratte-ciel et casinos, mais dans la paix. C’est le pari des FDU. Mais elles ne seront pas y arriver seules.

Nous demandons aux pays du Commonwealth qui viennent d’accueillir le Rwanda comme membre, de s’assurer que ce dernier respecte les standards de démocratie auxquels il s’est engagé lors de son adhésion. Les partis politiques FDU et Democratic Green Party doivent être enregistrés sans délais pour pouvoir participer aux prochaines élections présidentielles.

Dans son rapport sur le déroulement des élections législatives de 2008, les observateurs européens avaient relevé des manquements graves, y com- pris de bourrages d’urnes. Il serait contreproductif et illogique que l’UE soit absente du monitoring de l’actuel processus électoral, alors qu’elle est l’un des plus grands bailleurs de fonds.

Enfin, la Belgique a soutenu depuis leurs débuts, les sinistres tribunaux Gacaca. Malgré les nom- breuses critiques, la Belgique continue de les fi- nancer. Il est temps que la raison prévale, et que la Belgique réévalue sa position sur ces tribunaux et sur tout le système judiciaire rwandais. Fermer les yeux sur leur manipulation est une complicité à un déni de justice au peuple rwandais.

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Le 22 juin 2009, The Los Angeles Times publiait sous la plume du journaliste Stephen Kinzer un ar- ticle intitulé « There’s a new pro mise of prosperity.

So why are human rights advocates unhapy ? ».

Cet article résume la perception qu’ont les obser- vateurs non avisés de la situation au Rwanda.

Pourtant, le quotidien du Rwandais est loin de ce cliché simpliste. Cet article va essayer de donner un éclairage beaucoup plus réaliste du Rwanda, en tenant compte du vécu au quotidien de la popula- tion rurale. Les différentes me su res économiques, poli tiques et foncières prises par le gouvernement rwan dais prouvent que l’appau vrissement d’une grande partie de la population fait partie d’une po- litique déli bérée.

Selon le dernier rapport du PNUD sur le dévelop- pement humain portant sur le Rwan da (Turning vision 2020 into reality : From recovery to sustai- nable human deve lopment), 62 % de la popula- tion rurale vit actuellement dans la pauvreté avec moins de 0,44 $US par jour, alors que cette pro- portion n’était que de 50,3 % en 1990. Le rapport mentionne aussi qu’en 2000, la tranche des 20 % les plus riches détenait 51,4 % du produit inté- rieur brut alors que celle des 20 % les plus pau- vres subsistait avec seulement 5,4 % du PIB, ce qui place le Rwanda parmi 15 % des pays les plus inégalitaires au monde. Comparées à la situation d’avant la guerre de 1990, ces proportions étaient respectivement de 48,3 % et de 7,6 %. Le rapport du PNUD fait aussi remarquer que, si les inégalités étaient restées au niveau de 1990 et de 1985, avec le taux de croissance actuel de 5,8 %, le revenu des 20 % les plus pauvres aurait plus que doublé.

Cette évaluation du PNUD est corroborée par le ré- cent rapport de la Banque Africaine de développe- ment (African Economic Outlook 2009), dont on ne peut pas douter de l’impartialité, puisque son pré- sident n’est rien d’autre qu’un ancien ministre du régime de Kigali. Le rapport parle ni plus ni moins de « régression en matière de lutte contre la pauvreté et la faim.

En effet, le contraste est saisissant entre le luxe af- fiché par Kigali où vivent les dignitaires du pays et la campagne où vit plus de 90 % de la population.

Dans les années 80 et 90, la politique économique et sociale était centrée sur le développement rural, avec sans doute le réseau routier le plus dense et le mieux entretenu de la région, des infrastructu- res sanitaires (centre de santé) dans pratiquement chaque commune, des inves tisse ments importants au niveau agricole. Des régions qui jadis étaient des gre niers du pays telles que le Buge sera et le Gisaka, sont actuellement en proie à la famine.

Après des années de silence, le gouvernement ac- tuel rwandais a dû reconnaître officiellement que des gens mouraient de faim dans ces régions Aujourd’hui la priorité est donnée au développe- ment de la ville de Kigali où vivent les dignitaires du régime et à des investissements de prestige, justement destinés à montrer aux visiteurs une image flatteuse de Kigali. Des fonds importants qui

proviennent des bail leurs étrangers ont été mas- sivement investis dans les nombreuses structu- res policières qui contrôlent la population, dans la guerre au Congo et dans une armée, la plus plé- thorique d’Afrique.

Qu’est-ce qui explique ce contraste entre un prétendu taux de crois sance avoisinant les deux chiffres et une pauvreté rampante ? Le Rwanda est un pays à vocation agricole. En 2004, l’agriculture contribuait à 40 % du PIB.

83,3 % de la population vit en milieu rural et en moyenne 11,5 % de la population rwandaise vivent sans terre. 28,29 % exploitent individuellement une superficie inférieure à 0,2 hectare et environ 70 % des familles rurales, vivant de l’agriculture disposent d’une exploitation inférieure à un hec- tare et ne peuvent gagner leur vie.

Dans ces conditions, la situation actuelle du Rwan- da ne peut être que la conséquence d’un mauvais choix des priorités. La Banque africaine de déve- loppement parle d’investissement in suf fisant dans le secteur agri cole. Pour être exact, il faudrait constater que le secteur rural est purement et sim- plement le parent pauvre de la politique économi- que du régime.

En effet, alors que 80 % de la population vit de l’agriculture, ce secteur ne reçoit que 3 % du bud- get du gouvernement, soit très loin des 10 % re- commandés par la FAO. De même, les dépenses pour la santé sont de 10 $US par habitant, soit trois fois moins que la moyenne des pays en voie de dé- veloppement (34 $US) et même en dessous de celle des pays africains au sud du Sahara (12 $US).

Par ailleurs, selon le CIA-World Factbook, en 2006, le Rwanda a consacré 13 % de son PIB aux dépen- ses militaires. L’aide au déve loppement accordée au Rwanda est ponctionnée à concurrence de 10 % pour financer l’armée et les organes de sécurité, soit le double de la part réservée à l’agriculture.

Les marais qui jadis per mettaient des cultures de soudure en été sont aujour d’hui réservés à des ri- ches industriels, notamment pour les plantations de cannes à sucre, de riz, et de fourrages pour le bétail d’une classe d’hommes d’affaires liés au pou- voir. Le gouvernement envisagerait même de raser toutes les plantations de bananiers qui constituent parfois la seule ressource des ménages ruraux.

L’obligation de vendre les récoltes agricoles à des gros sis tes prive les producteurs d’une marge qu’ils percevaient en ven dant directement leurs produits au marché. En effet, une politique de licen ce prohi- bitive a été mise sur pied : Les paysans, s’ils amè- nent leurs produits au marché, doivent passer par des intermédiaires et payer une taxe pouvant aller jusqu’à 50 % du prix estimé.

L’interdiction de certaines activités économiques en milieu rural aggrave une économie rurale déjà faible ment monétisée. Ainsi sont visées les activi- tés de fabri cation de briques et tuiles, de charbon de bois, ainsi que de vins de bananes. L’activité

Rwanda, un développement à deux vitesses

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d’élevage est aussi fortement balisée car le gou- vernement exige un élevage intensif qui n’est pas à la portée de tous.

Il sied aussi d’ajouter que la carence de main- d’œuvre agricole est une autre réa lité mal perçue.

En effet, la politique carcérale du régime fait que la plupart des personnes actives se trouve soit en prison, soit soumise aux fameuses peines al- ternatives, obliga toires pour le compte de l’État, baptisées ‘travaux d’intérêt général’- TIG. Ce sont autant des efforts qui ne sont pas investis dans l’agriculture et dans des activités de lutte contre la pauvreté.

Le développement urbain de Kigali, dont s’enor- gueillit tant le régime, n’a pas eu d’effet d’entraî- nement sur le reste du pays et profite donc à une élite vivant dans une sorte de bulle. En effet, les investissements profitent à une forte popu lation immigrée qui ne s’in vestit pas en milieu rural, les anciens habitants sont expropriés sans une suffi- sante indemnisation qui permettrait de reconstrui- re au moins l’équivalent des maisons détruites. Les nou vel les exigences urba nis ti ques sont taillées sur me sure pour exclure les gens à faible revenu et les repousser le plus loin possible dans des ghettos.

Les mesures d’expropriation, de destruction des maisons et d’urbanisation visent à chasser les an- ciens habitants de la ville de Kigali.

Une catégorisation officielle de la population qui exclut

Selon le document « Évalua tion Participative de la Pau vre té (EPP) (2001-2003) », le gouvernement rwan dais a identifié et classi fié pour chaque colline (umudugugu), six catégories correspondant à la richesse de chaque individu. Cette catégorisation, selon le gou vernement, devrait permet tre d’initier des actions de développement en visant les caté- gories supérieures et intermédiaires. Dans les faits, elle est considérée comme dévalorisant pour la po- pulation et montre la volonté du gouvernement de mieux contrôler la population.

Umukire (abakire) :

Riches en termes de reve nus, possèdent des ter- res, des animaux, des revenus monétaires (pro- venant d’em plois payés comme fonction naires ou du commerce), ont des économies dans des ban- ques officielles, leur prospérité les pousse souvent à émigrer vers les centres urbains.

Mukungu (abakungu) :

Riches en termes de sécurité alimentaire, grandes fermes (souvent des plantations de bananes ou de café et/ou des forêts), des terres fertiles, quel- ques animaux, nourriture en suffisance, emploient d’autres gens dans leurs propres fermes, ont de temps à autre accès à des emplois payés (travaux plus qualifiés), ont des épargnes.

Umukene wifashije (aba kene bifashije) : Pauvres avec une certaine quantité de terres, quel- ques animaux, en plus de leur production de subs- tance ils disposent d’un petit revenu pour satisfaire quelques autres besoins (par exemple minerval de l’école pour les enfants).

Umukene/abakene :

Pauvres disposent de quel ques terres pour produi-

re de la nourriture pour leur famille mais n’ont pas de surplus pour le marché, souvent travaillent pour les autres, n’ont pas d’épargnes.

Umutindi (abatindi) :

Très pauvres, vivent de leur travail sur les terres d’autres personnes, ont très peu de terre avec de faibles récoltes, pas d’animaux, pas d’accès aux soins de santé ou à la scolarisation.

Umutindi nyakujya (aba tindi nyakujya) : Dépossédés, mendient pour leur subsistance, pas de terre, pas d’animaux, vivent de leur travail sur les terres des autres gens, mais peu de capacité physique, igno rants, non respectés, discriminés…

Cette catégorisation, officia lisée est considérée comme dévalorisante et est très mal vécue par la population, surtout qu’elle s’ajoute à d’autres for- mes d’exclusion, telle l’obligation de porter des chaussures pour par exemple aller au marché.

Se basant sur cette clas sification, le gouverne- ment prétend qu’en ciblant les catégories « supé- rieures », il y aurait un effet d’en traînement sur les couches les plus pauvres, la population « d’en bas ». Or, ceci est de loin d’être le cas car au lieu d’assister à une redistribution des efforts pour la lutte contre la pauvreté, nous assistons à une accu- mulation en faveur des populations les plus aisées et à une paupérisation et une clochardisation d’une partie de plus en plus élevée de la population.

L’épuration dans la fonction publique et dans l’enseignement

Au Rwanda, l’État est de loin le plus grand em- ployeur. Être chassé de la fonction publique est souvent synonyme de précarité et de descente aux enfers. Or, depuis son avènement, le gouverne- ment procède régulièrement à des purges pour des motifs divers. Ce fut le cas dans l’appareil judiciai- re, dans le secteur sanitaire et très récemment ce fut le tour de l’enseignement. Plusieurs personnes ont été radiées de l’enseignement au motif qu’elles ne répondaient pas aux nouvelles exigences no- tamment la maîtrise de l’anglais.

Les personnes licenciées se retrouvent au chôma- ge, sans aucune ressource. Avec eux, c’est toute la famille élargie qui souffre étant donné les nom- breuses personnes à charge et les effets multipli- cateurs des revenus salariés, surtout au Rwanda.

Loin d’être une mesure d’assainissement comme le prétendent les autorités, ces purges sont une façon déguisée de s’assurer un contrôle de tous les roua- ges de l’État par des re cru tements dont une com- mis sion nationale des droits de l’homme (CNDH) n’hésite pas à dénoncer le caractère discrimina- toire. La présidente parle de « manigances dans l’embauche des agents de l’État et du personnel dans différents établissements publics ».

Conclusion

Le développement urbain affi ché par la capitale Ki- gali cache d’énormes disparités économiques en- tre une bour geoisie proche du pouvoir (les fameux

« returnees «) rentrés au Rwanda à la faveur de la prise du pouvoir par le FPR, et une majorité écra- sante de Rwandais soumise à une paupérisation croissante.

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Ceci est le résultat d’une politique d’investissement sé lectif dans des secteurs à faible effet multipli- cateur, au mépris de l’agriculture qui occupe près de 90 % des Rwandais. Des mesures successives d’éloignement d’anciens fonctionnaires de l’État fragilisent davantage les exclus du régime et plon- ge la campagne dans la misère et le dénouement.

Des mesures taxatives, des restrictions d’accès aux terres les plus fertiles et la nouvelle réglementation du commerce des produits vivriers appauvrissent encore plus la population. Jamais l’écart n’a été aussi criant.

La réalité économique du Rwanda est que le taux

de croissance élevé observé depuis 1994 est le fruit d’une assistance étrangère massive. En effet, selon le PNUD, le Rwanda continue de dépendre de l’aide étran gère, avec presque 50 % de son budget financé par l’assistance étrangère (Rwanda conti- nues to depend on aid flows, with almost 50 per cent of its national budget financed by Official De- velopment Assistance (ODA). Jamais dans l’histoi- re du Rwanda, le pays n’a été aussi dépendant de la manne étrangère. Cette aide et cette croissance n’empêchent pas la paupérisation et l’exclusion de la population rurale.

Joseph Bukeye

C’est un minerai essentiel dans notre vie quotidienne. Il entre dans la fabrication des téléphones portables, des consoles vidéo et des ordinateurs. Le coltan, cependant, est à l’origine de l’une des guerres les plus cruelles des dernières années, qui a fait plusieurs millions de morts. Le contrôle des mines dans lesquelles il se trouve, à l’est de la République démocratique du Congo, est derrière des rébellions et interventions militaires directes organisées ou appuyées par des pays limitrophes comme le Rwanda ou l’Ouganda dans la région frontalière des Kivus (nord et sud).

La dernière en date a été l’offensive lancée par le général Laurent N’Kunda, dirigeant du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), soutenu par le Rwanda. N’Kunda a été arrêté le 22 janvier dernier.

Le juge de l’Audience nationale Fernando Andreu a élargi le champ de l’enquête menée sur l’extermination systématique de l’ethnie hutu par le Gouvernement tutsi du Rwanda (postérieure au génocide perpétré par les Hutus contre les Tutsis au printemps 1994) à l’extraction illégale de ce minerai dans l’est du Congo, selon l’avocat Jordi Palou-Loverdos, auteur de la plainte. Le magistrat s’est adressé à M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, pour lui demander les preuves ayant servi de base aux trois rapports de l’ONU qui attribuent l’exploitation illégale de ressources naturelles congolaises (dont le coltan) au président rwandais Paul Kagame, poursuivi pour génocide, et à des membres de son entourage. Toutes ces personnes, d’après le récit des auteurs des rapports, se seraient servi des guérillas voisines pour perpétuer la spoliation.

Par sa décision, le juge espagnol tente d’obtenir les éléments de preuve sur lesquels s’est fondé le Groupe d’experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique

du Congo pour affirmer, en 2001, que trois des sociétés qui acheminaient le coltan de ce pays vers Kigali (la capitale rwandaise), à savoir Air Navette, Jambo Safari et News Gomair, appartenaient à des proches de Kagame, comme l’épouse de son ministre des Finances ou des dirigeants d’entreprise appartenant aux cercles les plus proches du pouvoir. Les rapports assuraient, en outre, que la plupart des sociétés profitant de l’extraction illégale appartenaient au gouvernement de Kagame ou à des personnalités du parti dirigé par ce dernier, le Front patriotique rwandais (FPR).

Parmi les entreprises engagées dans cette activité se trouve Tristar Investment. Son principal actionnaire, le conseiller de Kagame Tribert Rujigiro, est membre du FPR et est considéré comme l’un de ses principaux contributeurs. Il a maintenu des liens avec des trafiquants d’armes tels que l’ancien espion du KGB Victor Bout – à propos duquel le juge a également demandé des informations –, qui a collaboré avec des dirigeants de l’armée rwandaise en louant des avions pour assurer le transport du coltan vers Kigali. Il a joué un rôle clé dans le financement de la dernière révolte appuyée par le Rwanda, celle du général N’Kunda, qui a provoqué le déplacement de 250 00 personnes.

Rujigiro est détenu à Londres après avoir été réclamé par l’Afrique du Sud pour fraude fiscale.

L’avocat Palou-Loverdos envisage désormais de demander à Andreu un mandat d’arrêt européen afin de le faire comparaître devant un tribunal espagnol pour crimes de guerre.

MANUEL ALTOZANO Madrid EL PAÍS, 15 mars 2009

Coltan, sang et armes au Congo

L’Audience nationale espagnole enquête sur le réseau qui pille les ressources du pays

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Ine ROOX est journaliste et correspondante du journal néerlandophone « De Standaard ». Avec un courage certain, elle est allée à la rencontre du quotidien des habitants de la région de Lubero, si- tuée dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Dans un article ré- cent, intitulé « Des loups dans la forêt «, elle té- moigne d’une situation sur le terrain bien différente de celle que tentent de nous faire croire les com- muniqués de presse officiels congolais et rwandais, de même que ceux de la MONUC (Mission des Na- tions Unies au Congo).

Concrètement, le compte-rendu de ses pérégrina- tions dans la province du Nord-Kivu ne laisse pla- ner aucun doute : non seulement le martyre des populations locales se poursuit tout en s’amplifiant mais en outre, la pseudo-intégration des factions rebelles au sein des FARDC (Forces armées congo- laises) est une grossière supercherie organisée aux dépens des Congolais eux-mêmes. Pareille constatation nous force à nous interroger sur ce qui ressemble à s’y méprendre à une collusion en- tre les présidents Kabila du Congo et Kagame du Rwanda.

Flash back sur la subite entente entre les ennemis d’hier

Suite à la guerre d’agression menée, en avril 1994, par le Front patriotique rwandais (FPR) à partir de l’Ouganda (N.D.L.R. : ce libellé pourrait interpel- ler certains lecteurs, il est cependant tout à fait conforme au jugement rendu par les juges du Tri- bunal pénal international pour le Rwanda dans le procès dit « Militaires I »), ce sont des centaines de milliers de Rwandais, Hutus pour la plupart, qui af- fluèrent dans l’est du Congo cherchant refuge dans les zones situées autour des villes de Bukavu et de Goma. Une partie de ces réfugiés avait pris part de façon active au génocide qui, sur une période de cent jours à peine, avait emporté plus d’un demi- million de Rwandais, principalement Tutsis.

La présence de cette masse de réfugiés à proxi- mité de la frontière rwandaise fournit au nouveau régime de Kigali le prétexte pour, par deux fois, at- taquer militairement le Congo-Zaïre voisin. Même après cette double invasion, le régime du président Kagame maintint une présence militaire active dans l’est du Congo et ce, par milices interposées.

La justification officielle de cette mainmise rwan- daise fut, et reste toujours du reste, la présence des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice armée composée de Hutus qui suite à la guerre de 1994 s’est implantée dans la partie orientale de la RDC.

À la surprise générale, après plusieurs années d’agression rwandaise, les ennemis d’hier conclu- rent, début 2009, un accord dont l’objectif n’est rien moins que l’éradication des milices du FDLR.

Pour le Congo, il est surtout question de mettre un terme (en partie) à l’exploitation illégale de ses

ressources minières et pour le Rwanda le moment est enfin venu de régler une fois pour toutes la question de ce mouvement rebelle à proximité de sa frontière occidentale.

Une première opération conjointe, baptisée « Umo- ja Wetu », donna peu de résultat. Elle fut suivie d’une seconde opération, « Kimia II », menée par les Forces armées congolaises « intégrées » et ap- puyée sur le plan logistique par la MONUC. Celle-ci reconnaît cependant que les résultats obtenus par les FARDC sont loin d’être à la hauteur des atten- tes.

Les détails concrets de cet accord, négocié au plus haut niveau et sans consultation des organes constitutionnels respectifs, ne sont en fait guère connus. Seules les conséquences le sont. Le Rwan- da arrêta début de cette année son « homme à tout faire » : Laurent Nkundabatware ; le Congo intégra dans ses forces armées, sans réelle phase de tran- sition, les anciennes milices rebelles de l’ex-chef de guerre ; l’interminable calvaire des populations locales reprit de plus belle, tandis que l’intérêt des médias pour cette guerre larvée s’est considéra- blement amenuisé. En d’autres mots, cela signifie que les ennemis d’hier sont supposés combattre à présent dans les mêmes rangs. Ceci pour la théo- rie, car en pratique il n’y a pas de véritable inté- gration entre les forces régulières congolaises et les ex-rebelles. Ceux-ci agissent dans des zones qui leur sont propres et sous le commandement de leurs anciens chefs. En outre, dans la quasi-totalité de la province du Nord-Kivu, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Nkundaba- tware maintient toujours un contrôle administratif parallèle.

L’intégration des FARDC : un écran de fumée Les témoignages recueillis par Inne ROOX sont concordants. Ils démontrent que le Rwanda exer- ce toujours au Nord-Kivu une main mise dans les domaines militaire, économique et administratif.

Le régime de Kigali n’est pas prêt de relâcher les brides tant que les Tutsis qui sont supposés avoir fui la région ne l’auront pas réintégrée. Par consé- quent, les éléments Tutsis des FARDC constituent l’outil idéal pour dégager le terrain de sa popula- tion locale et permettre l’annexion de facto de la région du Kivu par le Rwanda. L’objectif étant d’y installer son surplus de population et de poursuivre en toute impunité l’exploitation des richesses du sous-sol congolais. La visite récente de Paul Ka- game au Stock Exchange de Londres n’avait pour autre raison que d’écouler très officiellement l’or, le coltan, le diamant et autres matières premières extorqués à la RDC.

Sur le terrain, la réalité quotidienne démontre que les nouveaux alliés ont délibérément opté pour une stratégie de la terreur et de la terre brûlée. Ceci ressort très clairement des témoignages exprimés par les populations locales vivant aux environs de

La guerre pourrie du Kivu

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Lubero. Pour elles, les choses sont dramatique- ment simples : l’insécurité est bien plus grande de- puis que les éléments « intégrés » des FARDC ont investi leur région que lorsque les forces des FDLR y étaient seules. Le phénomène de destruction de villages par le feu est apparu avec « Kimia II ». Il se double d’une recrudescence des viols, comme le démontrent les cas répertoriés depuis le début des offensives des FARDC. Rien que dans la région de Lubero pas moins de 3 000 maisons ont été in- cendiées forçant les villageois à fuir cette zone et à venir grossir les camps de personnes déplacées.

Ceux qui disposent encore d’un toit sont obligés de le quitter à la nuit tombante afin de chercher une sécurité plus que précaire à l’abri de la forêt.

Cette stratégie de maillage du territoire des deux provinces du Kivu par les anciens rebelles du CNPD est corroborée par la divulgation récente des or- ganigrammes des unités intégrées des FARDC dé- ployées dans l’est du Congo. L’analyse de ces docu- ments révèle que 80 % des secteurs opérationnels de « Kimia II » sont placés sous le commandement d’ex-rebelles du CNPD. En outre, si l’objectif réel était bien une intégration des anciens éléments re- belles au sein des Forces armées congolaises, pour quelle raison ceux-ci n’ont-ils pas été intégrés à l’ensemble des FARDC et répartis sur la totalité du territoire national ? La réalité nous montre qu’ils sont bel et bien concentrés dans les deux Kivu, constituant ainsi une structure d’occupation per- mettant d’atteindre de façon « tout à fait légale » l’objectif que s’était vu fixer Laurent Nkundabatwa- re par ses commanditaires rwandais. Le but de la manœuvre n’est rien moins que la création d’un vaste « Tutsiland » englobant l’Ituri et les deux Kivu.

Peut-on un seul instant imaginer que le président Kabila ait été dupé à ce point lors de ses négocia- tions privées avec l’homme fort du Rwanda ? Quelles sont les véritables raisons qui le poussent à accep- ter d’aliéner ainsi une partie du territoire de la RDC ? Quelle(s) puissance(s) étrangère(s) cautionne(nt) cette partition de fait de la souveraineté congolai- se ? Qu’en pensent les sponsors européens qui à coup de millions d’Euros ont favorisé l’élection du

président Kabila ? Ce qui se passe aujourd’hui à la frontière entre le Congo, le Rwanda et l’Ouganda est-il le résultat d’un concours de circonstances ou bien celui d’une stratégie globale dont l’origine re- monte à la présidence de Bill Clinton ?

Il y a près de vingt ans que la région des Grands Lacs est à feu et à sang. Force est de constater que cette tragique situation est loin d’aller vers une stabilisation. En tout cas, la communauté interna- tionale ne pourra plus prétexter demain, comme elle l’a fait pour le Rwanda en 1994, qu’elle ignorait les ingrédients du drame en devenir. Trop de men- songes, trop de félonies, trop de massacres ont été perpétrés pour que les tensions s’apaisent d’elles- mêmes. Il ne faut pas être grand devin pour savoir que ce seront, une fois de plus, les populations lo- cales qui paieront le prix fort à cause du manque de courage d’une communauté internationale fort peu critique à l’égard des lobbies industriels et fi- nanciers exclusivement préoccupés par leurs seuls intérêts.

Considération finale

Nous avons eu à différentes reprises, dans les co- lonnes de Rencontre pour la Paix, une position as- sez critique à l’égard de la journaliste belge Colette Braeckman. Soulignons, cette fois, la pertinence de la vision qu’elle exprimait dans son livre « Congo : les nouveaux prédateurs », paru chez Fayard début 2003, à propos de la situation qui prédomine dans la région des Grands Lacs.

Dans cet ouvrage nous trouvons une formulation qui nous semble pouvoir être une réponse tout à fait acceptable à la succession sans fin des luttes fratricides qui frappent cette région : Depuis que l’économie s’est mondialisée, il n’y a plus de tabous.

Les frontières ne sont plus inviolables, l’autorité des États n’est plus souveraine, le droit internatio- nal lui-même est sujet à distorsions (…). Quant aux ressources, elles sont désormais à prendre, par le plus rapide, le mieux armé, le plus proche.

Luc Marchal

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Sur les événements survenus au Rwanda en 1994, les informations des médias belges et leurs ana- lyses concernant la situation générale en Afrique centrale ont toujours été soit tronqués soit orien- tés. Actuellement encore, la Libre Belgique et le Soir s’obstinent à décrédibiliser l’acte d’accusation du juge français Bruguière contre des dirigeants du régime Kagame. Mais curieusement, ces jour- naux n’écrivent rien sur l’acte d’accusation contre les mêmes dirigeants suite à l’instruction menée par la justice espagnole en vertu de compétence universelle.

Ces deux actes d’accusation sont solidement éta- blis à partir de documents et des diverses preuves irréfutables corroborés par de multiples témoi- gnages.

À l’occasion du 15e anniversaire de la tragédie rwandaise d’avril 1994, la VRT a interviewé Willy Claes, à l’époque ministre des Affaires étrangères, qui y a fait son autocritique. Comme McNamara a dû le faire 20 ans après le désastre américain au Vietnam.

Dans ses réponses, Willy Claes confirme les ana- lyses et informations de notre commission Afrique centrale. Vous trouverez ci-après le texte de l’in- terview traduit littéralement afin de conserver tou- tes les nuances de ses propos.

Curieusement, aucun média francophone n’a parlé de cette interview !

***

Peter Verlinden : Très récemment, vous avez dé- claré que la responsabilité pour la violence et la tension, aussi avant le 6 avril, n’était pas unique- ment attribuable au régime, mais que le FPR, les gens qui sont actuellement au pouvoir au Rwanda, est aussi responsable pour cette détérioration.

Willy Claes : Je le confirme. Très certainement. Je ne le dis pas pour minimaliser la responsabilité de la majorité Hutu (tout ce qui s’est passé avec Radio Mille Collines et ainsi de suite, cela ne peut pas être nié), mais que du côté du soit disant Front Patrio- tique d’un certain Kagame, il n’y avait jamais la volonté nécessaire de coopérer avec ceux qui vou- laient le bien au Rwanda en général et aussi pour la minorité Tutsi, cela ne fait douter personne ! Si je puis y revenir… au cours de ma visite en février [1994], j’avais demandé avec insistance qu’ils de- vraient venir à l’Ambassade de Belgique et qu’ils devraient participer à un dialogue avec leurs collè- gues Hutu pour voir comment Arusha pourrait être traduit en pratique. Ils ont tout simplement refusé

(NB : ils ont tout simplement envoyé un chat, zij hebben gewoon een kat gezonden). Hmm ! Quel- ques jours plus tard, quand j’ai fait un saut dans un pays voisin, Kagame a alors envoyé une déléga- tion, mais là aussi apparaissait une mauvaise vo- lonté (moedwil), une résistance (tegenwerking)…

Il n’y avait aussi là aucun indice que l’on souhaite traduire en réalité les Accords d’Arusha.

Peter Verlinden : Est-ce que vous aviez en vous- même l’idée que Kagame ne voulait pas la paix mais prendre le pouvoir ?

Willy Claes : Absolument certain (zeer zeer ze- ker). Cela ne fait aucun doute, Kagame voulait le pouvoir. Cela ne fait aucun doute, et cela a même été confirmé plus tard, lorsque les graves événe- ments se sont déroulés et lorsque nous avons en- voyé des troupes pour mettre en sécurité non seu- lement des compatriotes et des Européens, mais aussi des Africains. Et c’est ce même Kagame qui m’a envoyé un ultimatum, disant : « Je vous donne 24 ou 48 heures pour que vos troupes disparais- sent, sans quoi nous n’hésiterons pas de tirer aussi sur les militaires belges ». Donc cet homme…

Peter Verlinden : Kagame voulait que les Belges partent ?

Willy Claes : Il le voulait absolument ! Je pense qu’il ne voulait aucun témoin ! C’est ainsi. Il voulait absolument y jouer le chef, et donc les militaires belges auraient pu être des témoins gênants ! Donc maintenant, il bat la mesure. Mais cela, je ne l’ai appris qu’ultérieurement. Mais auparavant, j’étais persuadé que de chaque côté il y avait un man- que de bonne volonté, qu’il y avait des ambitions malsaines des deux côtés. Et pour moi, il n’y avait aucun doute que qu’il était alors évident que Ka- game voulait devenir le seul leader.

Willy Claes : Laissez-moi dire ceci. J’ai beaucoup de compassion pour et je n’ai absolument rien contre, que la communauté internationale, et dans ce cas, le gouvernement belge par la voix de Mon- sieur Veroofstadt, présente ses excuses au peuple rwandais pour le gâchis énorme qui a été subi, mais présenter ses excuses à ce que j’appelle des mal- faiteurs comme Kagame, je trouve cela déplacé. Je ne puis pas l’accepter.

Willy Claes : Mais présenter ses excuses à quelqu’un qui, à tout le moins, est co-responsable (co-verantwoordlijk) de ce drame… Hmm… Hmm…

Non ! Je ne suis pas d’accord.

Kigali : avril 1994

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Nous avons été interpellés par un article traitant du thème du négationnisme appliqué au génocide de 1994 au Rwanda (La Revue Nouvelle N° 4). Le sujet est plus que sensible et n’est sans doute pas encore suffisamment mûr pour être abordé avec toute la sérénité indispensable. Une des causes de cette absence de sérénité est très certainement la propension compulsive de certains à traiter de révisionniste et/ou de négationniste tout qui ose contester un tant soit peu la version, soi-disant of- ficielle, de ces terribles événements.

Ce n’est pas en jetant l’anathème sur ceux qui ex- priment, en toute honnêteté, une autre façon de voir les choses que le sujet gagnera en clarté et en objectivité. Mais peut-être est-ce, précisément, cette confusion malsaine que d’aucuns souhaitent entretenir, dans l’espoir de voir pareille stratégie leur éviter de se retrouver face à leurs propres contradictions ?

Depuis 1994, nous nous interrogeons sur le phéno- mène du génocide proprement dit. Il ne suffit pas de se contenter d’acter que plusieurs centaines de milliers d’êtres humains ont été exterminées sur une période de cent jours et, ce constat une fois établi, de considérer la chose comme définitive- ment entérinée. L’horreur de la tragédie humaine vécue par les Rwandais justifie à elle seule que tout soit mis en œuvre afin que la dernière parcelle du dernier doute soit levée. Non seulement sur l’en- semble des éléments qui ont rendu le génocide, sa rapidité et son ampleur possibles, mais également sur l’origine ethnique exacte de ceux qui en ont été les véritables victimes.

Un des éléments qui caractérise le dialogue de sourds entre les adeptes de la « version officielle » et les autres est le refus catégorique des premiers de tolérer toute confrontation d’idées. Pour eux, il n’est en aucun cas question que la moindre vir- gule de ce qu’ils considèrent comme la vérité his- torique soit remise en cause. Cet acharnement à vouloir considérer les choses comme coulées dans l’immuabilité est, sur le plan intellectuel, pour le moins sujet à caution. Si, quelques mois avant sa mort, Alison Des Forges, la spécialiste du génocide rwandais, a exhorté le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à poursuivre les crimes commis par des éléments du Front pa- triotique rwandais (FPR) au cours de la période du génocide et des mois qui le suivirent, on peut logi- quement se demander si le refus de transparence du FPR et de ses relais n’est pas avant tout dicté par la crainte de voir un autre scénario supplanter celui qu’ils assènent depuis des années à la com- munauté internationale et ce, de façon quasi in- cantatoire ?

Nous disions avoir été interpellés par l’article paru dans « La Revue Nouvelle N° 4 ». En effet, la rhétorique utilisée nous semble plutôt artificielle.

Comme si, entre 1994 et 2009, rien de bien parti-

culier n’était venu alimenter la réflexion générale.

Comme si, quinze ans après les faits, les percep- tions qui pouvaient être les nôtres à l’origine res- taient identiques à elles-mêmes, malgré l’ensem- ble des éléments objectifs mis à notre disposition au fil des années.

D’autre part, bien que nous ne mettions nullement en doute les intérêts de certains à minimiser la réalité des faits, voire à la nier, nous estimons ce- pendant que mettre dans le même sac, tout qui exprime une opinion différente de celle prônée par l’actuel régime rwandais, est un raccourci un peu facile.

Voyons plus en détail certains des éléments qui suscitent notre réaction.

À propos de l’attentat

Au lieu d’ergoter sur l’utilisation pernicieuse faite par les révisionnistes de l’attentat du 6 avril 1994, ne serait-il pas plus productif d’œuvrer pour qu’une commission d’enquête internationale se penche, enfin, sur cet acte terroriste ? Ne serait-ce pas là, précisément, une manière de couper l’herbe sous le pied des contestataires de tous bords ? Si tous les experts de l’Afrique centrale reconnaissent de façon unanime que cet attentat fut bien le facteur déclenchant du génocide, il serait dès lors impéra- tif que l’on tente de déterminer les responsabilités en la matière. Non dans le but d’excuser qui que ce soit de ce qui s’est passé à la suite de cet at- tentat, mais bien parce que ce dernier est une des facettes essentielles de cette vérité historique qui doit encore être établie. Carla Del Ponte, ancienne procureur du TPIR, ne dit pas autre chose : S’il s’avère que le FPR est responsable de l’attentat, alors c’est toute l’histoire du génocide qui doit être réécrite.

Pareille assertion venant d’une ancienne procureur du TPIR mérite attention. Surtout, si on se sou- vient que Carla Del Ponte fut limogée de sa fonc- tion, précisément parce qu’elle avait exprimé son intention de poursuivre des membres du FPR. Les faits entourant l’attentat sont plus qu’interpellants.

Comment expliquer que, dans les premières heu- res qui suivirent l’attentat contre l’avion présiden- tiel, le FPR ait été en mesure de lancer une offen- sive militaire d’envergure mettant en œuvre plus de trente mille combattants ? Qui oserait prétendre que pareille simultanéité est fortuite ?

Dans ce domaine particulier, il est impossible de mettre à profit une opportunité qui se présente.

Le déroulement des opérations militaires indique, en effet, que celles-ci ont été minutieusement pré- parées et que l’élimination du président Habyari- mana, mais aussi du chef d’état-major de l’armée rwandaise, constituait le point de départ indispen- sable à la conquête du pouvoir par les armes.

Génocide rwandais, génocide des Tutsis

ou génocide des Grands Lacs ?

(13)

À propos de la planification du génocide Comme beaucoup d’autres, nous avons partagé cette thèse durant plusieurs années. Simplement parce qu’elle nous paraissait, à l’origine, la seule explication plausible à la folie autodestructrice qui s’est emparée des Rwandais en 1994. Au fil du temps, suite à l’accumulation des témoignages, les certitudes initiales se sont peu à peu fissurées et ont laissé la place à une remise en question fonda- mentale de ce qui semblait être, a priori, si évident et aussi incontestable.

Il ne suffit pas de marteler à en perdre la voix que la planification du génocide est un fait qui ne né- cessite aucune démonstration. En saine justice, on ne condamne pas quelqu’un à la réclusion à vie sur base d’un axiome, mais bien en fonction de preu- ves irréfutables. Dès lors, puisque le TPIR a été instauré par la communauté internationale pour déterminer les responsabilités de ceux qui sont ac- cusés d’être les planificateurs du génocide, il nous semble logique d’en référer à cette juridiction in- ternationale qui depuis plus de dix ans traite du sujet.

Que cela plaise ou non aux adeptes du système de pensée unique, force est de constater que depuis la création du TPIR, fin 1994, aucun des procu- reurs de ce tribunal n’a été en mesure d’apporter la moindre preuve relative à la matérialité de la pla- nification du génocide. De façon plus précise, dans le procès du colonel Bagosora, celui qui depuis des années est désigné comme le « cerveau du gé- nocide », les juges l’ont, ainsi que ses co-inculpés, acquitté du chef d’entente en vue de commettre un génocide. Un des accusés de ce procès, le gé- néral Gratien Kabiligi, a été définitivement acquitté de tous les chefs d’inculpation qui pesaient contre lui. Quant aux trois autres, ils ont été condamnés uniquement pour des crimes de guerre commis par leurs subordonnés ou supposés tels. Soulignons que si une telle culpabilité est retenue à l’égard de responsables hutus, il y a lieu de se demander pour quelle raison la même démarche n’a pas été suivie à l’encontre de Paul Kagame pour, entre autres, le massacre avéré de plusieurs dizaines d’ecclé- siastiques perpétré par ses troupes entre avril et juin 1994.

Précisons qu’au moment où l’article de « La Revue Nouvelle N° 4 » paraissait, le jugement dans le procès Bagosora avait été rendu depuis plusieurs mois déjà. À aucun endroit de cet article il n’est fait ne fût-ce qu’allusion à ce jugement, alors qu’à six reprises il est fait référence à la planification du génocide. Nous ne partageons pas pareille vi- sion unilatérale, pas plus que nous ne suivons ceux qui à présent tiennent le raisonnement suivant : puisqu’il n’y a pas eu planification du génocide, peut-on encore qualifier la tragédie rwandaise de 1994 de « génocide » ? Des positions aussi oppo- sées plaident de facto pour un véritable débat de fond qui seul pourra neutraliser les dérives extré- mistes et surtout rendre justice à la mémoire des millions de victimes qui, depuis 1990, ont été mas- sacrées dans la région des Grands Lacs.

En tout cas, le jugement rendu en décembre 2008 dans le procès dit « Militaires I » est une réalité

qui ne peut être ignorée. Il est la conclusion de 410 jours d’audience étalés sur une période de cinq ans. Il constitue la synthèse de 30 000 pages d’audiences, de 1 600 pièces à conviction et de 4 500 pages de conclusions. Ces documents, ainsi que les milliers et milliers d’autres accumulés par le TPIR, contribueront immanquablement à clarifier l’Histoire.

Pour clore (provisoirement) ce thème de la planifi- cation du génocide, ajoutons encore que dans leur jugement, les juges soulignent que les dispositions prises par les autorités militaires rwandaises, tant avant qu’après l’assassinat du président Habyari- mana, s’inscrivaient logiquement dans un climat de guerre et de chaos généralisé provoqués par la guerre d’invasion opérée à partir de l’Ouganda par l’armée du FPR. Cette explication de la part des juges est suffisamment explicite pour se passer de tout commentaire.

À propos de l’assimilation du génocide rwandais à la Shoah

C’est à dessein que nous utilisons l’expression

« génocide rwandais », encore que l’appellation

« génocide des Grands Lacs » nous semble plus appropriée au regard des 6 à 8 millions de victi- mes immolées, au Rwanda, au Burundi et en RDC, par une bande de fanatiques assoiffés de pouvoir absolu.

Mais, la Shoah et le génocide rwandais constituent- ils vraiment deux événements comparables ? Du moins en l’état actuel des choses. Si les conditions dans lesquelles la Shoah a été planifiée, organisée et exécutée sont connues dans leurs plus infimes détails, c’est loin d’être le cas du génocide rwan- dais. Même si certains épisodes ont fait l’objet de narrations circonstanciées, il nous manque toujours cette vision globale des choses qui seule pourra nous permettre d’appréhender la réelle dimension historique de cette tragédie humaine. Tant que ce n’est pas le cas, toute tentative d’assimilation nous paraît hautement suspecte.

En effet, pour avoir été directement impliqué dans les événements d’avril 1994, nous témoignons que le sort des Tutsis de l’intérieur n’a jamais fait par- tie des préoccupations des responsables du FPR.

Au contraire, il a servi d’alibi à d’autres objectifs que l’imagination a, de fait, beaucoup de peine à concevoir. Pour rappel, la justification donnée par le FPR pour reprendre les hostilités à Kigali, le 7 avril 1994, fut précisément l’incapacité ou le manque de volonté des autorités gouvernementales à mettre un terme aux crimes dont les Tutsis étaient les vic- times. Or, que faut-il constater :

• à aucun moment le FPR n’a tenté, malgré les ef- fectifs significatifs dont il disposait sur place, de sécuriser des zones pour permettre aux Tutsis de s’y réfugier ;

• à aucun moment le FPR n’a accepté les proposi- tions de cessez-le-feu présentées par la MINUAR et par les forces gouvernementales afin d’unir les moyens respectifs pour mettre un terme à la si- tuation de non droit qui se développait dans le pays ;

Referenties

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S’agissant par exemple du rotin qui est le PFNL d’illus- tration de la présente étude, les travaux antérieurs qui ont été consacrés à son exploitation 1 (Hedin 1929; Shiembou

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Par ailleurs, cette sous-direction est animée par moins d’une demi- douzaine de fonctionnaires pour la plupart non initiés dans le domaine des PFNL (entre autres parce qu’ayant

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