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L’acquisition de la liaison par les apprenants néerlandophones

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LANGUES ET CULTURES ROMANES, FRANÇAIS – UNIVERSITE DE GRONINGUE

L’acquisition de la liaison

par les apprenants

néerlandophones

une étude de cas

Mémoire de mastère – Directeur de mémoire : Julien Eychenne

Deuxième version

(2)

1 Index

0. Introduction p. 2

1. Etat de l’art p. 3

1.1 Les approches descriptivistes : Fouché, Delattre, Ågren p. 3

1.2 L’approche syntaxique : Selkirk p. 8

1.3 L’accent sur la fréquence : Bybee, Verspoor et al. p. 12

2. Méthodologie p. 16

2.1 Le projet IPFC p. 16

2.2 L’obtention du corpus p. 17

3. Analyse des données p. 22

(3)

2 0. Introduction

La liaison est un phénomène unique de la langue française, qui a été largement étudié par des linguistes. Delattre est un des linguistes qui a mis l’accent sur cette particularité du français. Dans son livre Studies in French and comparative phonetics (1966), Delattre propose la définition suivante de la liaison: « La liaison se fait dans la mesure où l’usage a consacré l’extrême étroitesse d’union de deux mots ou classes de mots » (Delattre 1966 : 39), et il la précise : « La liaison consiste à prononcer la consonne finale muette d’un mot au début syllabique d’un mot suivant commençant orthographiquement par une voyelle. (...) Nous notons bien que la liaison ne s’applique qu’à une consonne finale qui serait muette dans le mot isolé, car c’est par là que ce phénomène est unique au français. Dans le cas d’une consonne qui serait prononcée dans le mot isolé, on dit qu’il y a ‘enchaînement’. » (Ibid. : 55).

Compte tenu du fait que la liaison est une particularité de la langue française, qui est donc absente en néerlandais, la maîtrise de la liaison pourrait poser des problèmes aux apprenants néerlandophones. Nous nous proposons alors d’étudier dans ce mémoire l’emploi de la liaison des étudiants néerlandophones qui font des études de français. Notre objectif est de savoir quelle est la maîtrise de la liaison de ces étudiants.

Pour ce faire, nous analyserons des fichiers audio des cinq étudiants qui ont été enregistrés dans le cadre du projet international Interphonologie du Français Contemporain (IPFC). Il s’agit de cinq étudiants qui sont tous dans le département de Langues et Cultures Romanes à l’université de Groningue, ayant comme spécialisation le français. Dans le paragraphe qui concerne la méthodologie, nous parlerons davantage de ce projet et de nos étudiants.

Nous avons adopté une théorie linguistique qui se base sur l’usage, sur laquelle nous insisterons d’ailleurs dans la section consacrée à l’état de l’art. Dans l’analyse nous allons voir si cette théorie est capable d’expliquer l’emploi de la liaison des étudiants. Comme il est question d’une étude de cas, notre but n’est pas de mesurer une certaine tendance, mais nous nous intéressons au processus – l’acquisition de la liaison – ce que nous allons regarder de plus près.

(4)

3 La grammaire d’usage considère que l’apprentissage d’une langue se fait par l’usage, au lieu d’apprendre des règles. Il faut que les structures d’une langue s’émergent, ensuite on parle d’acquisition. C’est dans cette optique que nous essayerons également de prouver que l’input joue un rôle dans l’acquisition de la liaison. De plus, nous allons regarder si l’emploi de la liaison varie selon les tâches. Nous supposons que la liaison est plus souvent réalisée dans le texte lu que dans la conversation guidée, ce qui est selon nous une tâche plus difficile pour les étudiants.

Ceci étant dit, nous traiterons dans la suite d’abord des théories linguistiques de la liaison dans l’état de l’art (1.). Comme nous l’avons annoncé, il existe énormément d’études qui portent sur ce sujet, c’est pour cette raison que nous donnerons un panorama des théories importantes de la liaison. Nous expliquerons dans la section méthodologie (2.) la façon dont nous avons obtenu notre corpus et nous insisterons brièvement sur le projet IPFC, avant de passer à la présentation des résultats dans la section analyse (3.) A la fin de ce mémoire, nous ferons une synthèse et nous espérons répondre à notre question de recherche dans la conclusion (5.).

1. Etat de l’art

L’objectif est, dans cette section, de préciser quel est le statut de la liaison à présent. La liaison a été le sujet principal de nombreuses études parues dans le vingtième et le vingt-et-unième siècle, dont La liaison dans le français de H. Langlard en 1928 était un des premiers grands travaux portant seulement sur la liaison en français.

Nous donnerons dans ce qui suit un bref aperçu de trois approches importantes sur la liaison, afin de pouvoir se faire une idée de ce que c’est la liaison. Pour faire cela, nous avons choisi de traiter d’abord des approches descriptivistes qui étaient majeures dans les années ’50 et ’60. Nous passons ensuite à l’approche syntaxique qui prend son origine dans la linguistique générative des années ’70 et ’80. La grammaire d’usage sera enfin discutée ; dans cette théorie récente qui s’est établie dans les années ’90 et ’00, la fréquence joue un rôle important.

1.1 Les approches descriptivistes : Fouché, Delattre, Ågren.

(5)

4 étrangers désireux de bien connaître la langue française » (Fouché 1956 : avant-propos, I). Ce livre et celui de Delattre ont donc deux fonctions : l’une descriptive et l’autre pédagogique.

Après avoir expliqué les visions des trois linguistes nommés ci-dessus, nous les comparerons et nous les commenterons.

1.1.1 Pierre Fouché

Dans son livre Traité de prononciation française (1956) Fouché a pour but de donner une image de la prononciation française aussi complète que possible. Selon lui, les ouvrages déjà existants « ont été rédigés essentiellement, sinon uniquement en vue des Etrangers » (Ibid. : avant-propos, I).

Pour ce qui est de la liaison, Fouché distingue tout d’abord deux phénomènes phonétiques qui sont entraînés par la liaison (Ibid. : 435):

 Il y a un changement qui concerne la dernière voyelle du premier mot, soit-il orale ou nasale. Comparez premier [pʀəmje] et premier étage [pʀəmjɛʀetaʒ] ou certain [sɛʀtɛ ] et certain auteur [sɛʀtɛnotœʀ.

 Il y a un changement qui concerne la consonne finale du premier mot. Les finales sonores se prononcent sourdes et vice versa.

Ensuite, Fouché consacre plus d’une trentaine de pages à citer des contextes dans lesquels on fait et dans lesquels on ne fait pas la liaison. Il a choisi comme base le français de la lecture à voix basse d’un texte ordinaire, en distinguant, si nécessaire, la conversation courante et le style soutenu.

La liste de cas que propose Fouché est immense et on y retrouve sans doute des choses véridiques, mais le fait de nommer tous les contextes de liaison ne garantit pas forcément que le lecteur comprenne pourquoi exactement on lie ou ne lie pas dans tel ou tel cas. Or, la question que nous nous posons est de savoir que signifie cette classification, et comment elle pourrait être utile pour un apprenant du français. Nous espérons répondre à cette question à la fin de ce paragraphe.

1.1.2 Pierre Delattre

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5 « Par définition donc, les liaisons facultatives comportent un choix. De plus, leur intérêt linguistique vient des variations considérables qu’on trouve dans la fréquence avec laquelle elles se font. Telle liaison facultative se fait souvent : Il est arrivé, Jamais aimable ; telle autre rarement : Mes parents arriveront, Cependant ils refusent. (...) nous avons étudié les raisons pour lesquelles la fréquence variait ainsi d’une liaison facultative à l’autre et nous avons trouvé qu’il existait cinq facteurs principaux pour ces variations : le style, la syntaxe (degré d’étroitesse), la prosodie (longueur, intonation, accent), la phonétique descriptive et la phonétique historique. » (Delattre 1966 : 49) Même si Delattre essaie d’expliquer l’emploi facultatif de la liaison, dans l’ensemble il ne cède pas à la tentation de vouloir tout décrire. Il a établi deux tableaux - une version simplifiée et une détaillée - qui comprennent toutes les occurrences et les non-occurrences possibles de la liaison.

Cependant, ce qui est le plus intéressant à notre avis, ce sont les chapitres qui portent sur la liaison facultative. Dans le troisième chapitre, Delattre nomme les cinq facteurs qui déterminent selon lui l’emploi de la liaison. Nous parlerons brièvement de ces facteurs.

Delattre commence par le facteur qu’il juge le plus important : le facteur stylistique. Par cela, il entend de différents contextes dans lesquels on peut se retrouver, comme par exemple la conversation familière, la conversation soignée, la conférence et la récitation de vers. Si le discours devient plus familier, la liaison apparaît moins fréquemment.

Le facteur syntaxique, ensuite, signifie le degré d’étroitesse dans l’union des mots. Quant à Delattre, la possibilité de pause détermine ce degré d’union. Cette idée revient dans le paragraphe 1.2 de ce mémoire, où nous allons discuter l’approche syntaxique de Selkirk.

Le facteur prosodique influence également l’union de mots. Delattre distingue la longueur des éléments, l’intonation de la phrase et l’accent d’insistance.

Les deux derniers facteurs sont le facteur phonétique et le facteur historique. Le premier concerne quelques conditions phonétiques qui représentent des conséquences pour la présence de la liaison. Le facteur historique explique, selon Delattre, quelques cas particulières, telles que la liaison après un nom au singulier, ou avant un mot commençant par h aspiré.

D’après Delattre, ces cinq facteurs expliquent l’emploi facultatif de la liaison. Nous verrons dans la suite la théorie d’Ågren (1973), qui a pris ce chapitre de Delattre « comme point de départ et source d’inspiration » (Ågren 1973 : 14).

1.1.2 John Ågren

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6 « Toujours est-il qu’en parcourant les textes qui intéressent mon sujet, j’ai dû constater que tous les auteurs de manuels de phonétique, Martinon, Grammont, Fouché, Bruneau, Nyrop, Peyrollaz, et j’en passe, se sont occupés de la liaison dans le seul but pratique et normatif. Mais en se limitant à cette seule perspective, ces auteurs ont plus ou moins négligé ou fait passer à l’arrière-plan les facteurs sous-jacents de la liaison et de la non-liaison. » (Ibid. : 14)

Ceci étant dit, Ågren commence à élaborer sa théorie, en expliquant qu’il a dépouillé des enregistrements des programmes de radio qui fonctionnent donc comme source de sa recherche. Ce faisant, il a trouvé sept causes de la liaison ou de la non-liaison, dont les quatre premiers sont vérifiables selon lui, et les trois derniers ne le sont pas.

1) La cohésion ; c’est ce qu’a appelé Delattre le facteur syntaxique, Ågren définit la cohésion comme « le degré d’étroitesse dans l’union des mots (...). Plus l’union des mots est forte, plus les chances sont grandes pour que la L [i.e. la liaison : JJ] se fasse. » (Ibid. : 15). La question cruciale est de savoir comment on peut mesurer la cohésion. Ågren propose trois solutions qui nous semblent tous les trois un peu douteuses. La première solution est celle de Delattre ; la possibilité de pause. Ågren lui-même estime que cette méthode est aussi ingénieuse qu’arbitraire.

Ågren introduit ensuite deux autres indices ; la fréquence des liaisons et les cas terminaux. Ce dernier signifie la non-liaison entre deux groupes rythmiques. Nous avons du mal à suivre ce raisonnement, parce qu’il nous semble que c’est un raisonnement circulaire : si la liaison est causée par le degré d’étroitesse dans l’union des mots, comment peut-on alors mesurer ce degré d’étroitesse en comptant les liaisons ou les non-liaisons ? Une cohésion forte détermine s’il y aura de liaison, et le fait qu’il y ait de liaison signifie que la cohésion est forte. Quant à nous, ce genre de raisonnement n’a pas de sens, et ce n’est donc pas une bonne façon de mesurer le degré de l’union de mots.

2) Le niveau de langue ; que le niveau de la langue affecte la liaison soit incontestable selon Ågren. Il consacre le reste du paragraphe à la méthode de codage de ses données, ce qui n’est pas intéressant dans le cadre de notre recherche.

3) La pause-hésitation ; dans ses données, Ågren trouve qu’ « avec une hésitation la liaison ne se fait que rarement et avec une pause-hésitation la liaison est exceptionnelle » (Ibid. : 25). 4) Le coup de glotte ; ce signifie une sorte d’accent d’insistance, ce qui fait qu’il ne peut pas y

avoir de la liaison.

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7 « Un mot, utilisé fréquemment, conserve mieux sa forme originale qu’un mot dont l’emploi est rare. Ce principe, appliqué aux liaisons signifie ceci : comme les liaisons sont la survivance d’une prononciation ancienne, ce sont les syntagmes les plus employés qui conservent le plus facilement la liaison. » (Ibid. : 28)

Comme Ågren estime que ce facteur est de moindre valeur, il n’y insiste pas. Cependant, on retrouve cette idée plus tard dans la théorie de la grammaire d’usage. Nous en parlerons davantage dans le paragraphe consacré à cette approche.

6) La longueur des termes à lier ; c’est Delattre qui avait cette idée que les adverbes et les prépositions monosyllabiques lient plus souvent que les polysyllabiques. Ågren, par contre, ne rejette pas cette idée, mais il veut établir un rapport entre ce facteur et le facteur de fréquence. En général, les mots courts sont plus fréquents, donc cela peut également influencer l’emploi de la liaison.

7) Le facteur phonétique ; Ågren se base encore une fois sur la théorie de Delattre, mais cette fois-ci il la contredit :

« Le résultat de ces enquêtes [concernant le facteur phonétique : JJ] infirme l’hypothèse de Delattre (...) Par conséquent, le fait qu’un mot, pour l’oreille, se termine par une consonne, fait souvent allégué comme cause, dans l’omission de la liaison, ne semble jouer aucun rôle. Le résultat nous permet aussi de réfuter définitivement la théorie de la peur de l’hiatus. » (Ibid. : 31)

Il nous semble qu’il ne s’agit pas, selon Ågren, d’un facteur vraisemblable, car il critique l’idée de Delattre. Pourtant, Ågren parle de sept facteurs de la liaison ou de la non-liaison, dont les derniers trois ne sont pas contrôlables. Il est donc aussi possible qu’Ågren n’avait pas encore eu l’opportunité d’analyser ce facteur en détail, mais il ne le voulait quand-même pas exclure de l’étude.

Après avoir précisé tous les facteurs, Ågren conclut que la plupart du temps, il est question de plusieurs facteurs qui influencent à la fois la liaison ou la non-liaison. Il serait intéressant de voir s’il existe une théorie qui englobe tous les facteurs ou les tendances conçus par Delattre et Ågren. Mais avant de reprendre la recherche d’une telle théorie, nous récapitulons d’abord ce qui a été important dans ce paragraphe.

(9)

8 Tout d’abord, les linguistes dont nous avons traités ci-dessus ont tous classifié les occurrences de liaison, l’un plus en détail que l’autre. La classification de Fouché est très complète – bien qu’elle soit vieillie – mais ce livre pourrait seulement être utile comme ouvrage de référence, ou peut-être pour ceux qui veulent apprendre toutes les liaisons par cœur. Après avoir lu l’ouvrage, on ne comprend toujours pas pourquoi exactement on lie dans tel ou tel cas. Ce sont Delattre et Ågren qui se sont proposés de trouver des facteurs sous-jacents de la liaison. Mais que signifient ces facteurs ?

A notre avis, les facteurs et les tendances qui devraient influencer l’emploi de la liaison sont une sorte de résumé de ce qu’on observe. Si Ågren observe qu’après une pause-hésitation il n’y a presque jamais la liaison, ceci n’est rien plus qu’une simple constatation. Delattre et Ågren nous fournissent de 12 constatations comparables, mais il nous manque toujours une définition centrale qui chapeaute. Nous allons analyser dans la suite deux autres approches, l’approche syntaxique et la grammaire d’usage, qui, espérons, nous ouvreront les yeux, afin qu’on comprenne mieux ce que c’est la liaison.

1.2 L’approche syntaxique : Selkirk.

Nous traiterons dans ce paragraphe de la solution proposée par Selkirk, qui devrait nous expliquer le fonctionnement de la liaison. Avant d’aborder son approche, nous présenterons d’abord quelques principes de base de la théorie parmi laquelle on peut compter l’approche de Selkirk : la linguistique générative. Notre but n’est pourtant pas d’entrer dans le détail, parce que nous estimons que tout le monde connaît plus ou moins la linguistique générative, et ce n’est pas non plus dans l’intérêt de la présente étude, qui porte sur la liaison. L’objectif est de résumer brièvement les points de départ de la phonologie générative sur laquelle Selkirk se base, ce qui facilite la compréhension de son approche syntaxique. Pour ce faire, nous nous basons sur l’article Generative phonology de Kenstowicz et Kisseberth parue en 1979.

1.2.1 La phonologie générative dans les grandes lignes

Selon Kenstowicz et Kisseberth l’Ecole Générative de Phonologie voit le jour à la fin des années ’50, ses fondateurs étant Noam Chomsky et Morris Halle. Les deux points principaux de cette Ecole sont :

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9 2) Cette compétence peut être examinée d’une manière tout à fait scientifique (Kenstowicz & Kisseberth 1979 : 1).

Les scientifiques de l’Ecole Générative de Phonologie se concentrent notamment sur les procès qui affectent la langue, comme des changements vocaliques. Kenstowicz et Kisseberth prennent l’exemple du premier grand travail de Chomsky et Halle, the Sound Pattern of English (SPE) :

« Une caractéristique principale [du SPE : JJ] était d’étudier consciencieusement la représentation des sons et la formulation des règles. » (Ibid : 4)

Plus loin, Kenstowicz et Kisseberth parlent davantage de la méthodologie générative, en disant que dans la phonologie générative on explique les changements de sons systématiques par rapport à la forme sous-jacente, qui est dérivée à partir d’une série de règles bien définies. (Ibid. : 6).

D’après les auteurs, le modèle qu’on retrouve dans SPE n’était que le début de la phonologie générative. Dans SPE, Chomsky et Halle mettent l’accent surtout sur les morphèmes, les mots et les jonctions entre deux morphèmes (Ibid. : 7) Plus tard, on prend en considération aussi d’autres composants de la phrase. Par exemple, Elizabeth Selkirk propose en 1982 que la syllabe soit un facteur important dans l’organisation des phonèmes (Ibid. : 10). Ainsi, elle explique des phénomènes tels que l’épenthèse vocalique et l’effacement consonantique en se basant sur les conditions de forme syllabique.

Nous verrons dans ce qui suit que Selkirk ne s’applique pas sur cette méthode plutôt morphologique pour l’analyse du phénomène de la liaison, mais elle explique ce phénomène à l’aide d’une approche syntaxique qui prend son origine dans le SPE.

1.2.2 Elizabeth Selkirk

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10 étudiée profondément dans ce mémoire. Nous nous limiterons donc à traiter de la façon dont Selkirk explique le phénomène de la liaison.

Selkirk suppose que les liaisons se font entre deux mots qui sont séparés seulement par un #, ce qui signifie une frontière. Une telle frontière # s’insère, d’après Selkirk, au début et à la fin de :

a) Chaque catégorie lexicale, comme ‘nom’, ‘verbe’ ‘adjectif’.

b) Chaque catégorie qui domine une catégorie lexicale, comme ‘phrase’, ‘phrase nominale’, ‘phrase verbale’ (Selkirk 1974 : 577).

La phrase ‘Les immigrés envoyaient des lettres à leurs familles’ deviendrait alors :

(1) ## Les # immigrés ## envoyaient ## des # lettres ## à # leurs # familles ## (Ibid. : 580)

Par conséquent, il y a liaison entre les et immigrés, puisque ces mots sont séparés par une #, et il n’y a pas liaison entre immigrés et envoyaient et entre lettres et à, où il se trouve deux #. La règle qui correspond à ce phénomène est la suivante (Ibid : 579):

[ -sonore ] → ø / __ # { [+consonant] }

{ #

}

Cette règle efface la dernière consonne d’un mot, si celui-ci se trouve devant une autre consonne ou devant une double frontière. Quand une consonne finale se trouve devant une frontière simple suivie par une voyelle, la règle ne tient pas. Dans ce cas, la consonne finale se prononce.

Il semble que cette méthode soit assez adéquate, étant donné qu’elle rend compte des frontières entre des catégories lexicales et des ‘phrases’ qui sont observables, et qui ne sont donc pas intuitives, comme c’était le cas chez Delattre. Cependant, cette généralisation ne rend pas compte de l’emploi ‘facultatif’ de la liaison, donc cette méthode ne vaut pas pour tous les cas. Dans le français soigné, il est bien possible de lier immigrés et envoyaient ou lettres et à, tandis que la règle de Selkirk exclut ces liaisons ‘facultatives’. C’est pour cela que Selkirk a inventé une autre règle, ce qu’elle nomme une règle de réajustement. Une telle règle de réajustement peut changer une double frontière ## en une simple # dans des contextes spécifiques (Ibid. : 579) :

« Plus explicitement, pour la conversation soignée en français l’assertion suivante est vraie : Les têtes nominales, verbales, ou adjectivales conjuguées peuvent se trouver dans un contexte de liaison avec le mot qui suit, si celui-ci fait partie du même complément. » (Ibid : 581)

(12)

11 (2)

Si la règle X-comp – la règle de réajustement - n’existerait pas, la liaison entre enfants et en serait impossible, parce qu’il y aurait une frontière double ## entre la phrase nominale des enfants et la et la phrase prépositionnelle en bas âge. Dans l’arbre montré ci-dessus, nous observons qu’enfants et en bas âge se trouvent dans le même complément, le N’. La liaison est donc possible selon les règles de Selkirk.

Nous avons vu dans ce qui précède l’approche syntaxique de Selkirk, qui explique la liaison en se basant sur la structure de surface. En général, son analyse est assez adéquate, notamment pour la liaison dite ‘obligatoire’. Pourtant, il faut que Selkirk invente une règle supplémentaire pour pouvoir expliquer l’emploi de la liaison ‘facultative’. On a donc besoin de deux règles, l’une pour la conversation familière et l’autre pour la conversation soignée. Ceci rend l’analyse de la liaison à l’aide de ces règles plus difficile, parce qu’il faut d’abord déterminer de quel contexte il est question. Bybee, dont nous parlerons dans le paragraphe suivant, estime que l’analyse de Selkirk est même incapable d’être appliquée aussi pour la liaison dite ‘facultative’, surtout pour l’emploi variable de la liaison :

« De plus, des propositions qui se basent sur des suppositions traditionnelles concernant la structure des compléments ne peuvent pas expliquer le fait qu’il y ait liaison dans presque 99% des cas dans la séquence es[t] un ‘is a’+ NOUN, mais seulement dans 50% des cas dans la séquence je suis[z] un ‘I am a’+ NOUN, qui, plausiblement, ont la même structure de compléments (...) (Bybee 2001 : 172).

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12 mais elles n’expliquent toujours rien. Peut-être que cette phonologie est dérivationnelle plutôt que générative, et nous continuons alors notre recherche à une théorie qui explique avec une seule règle ou une seule définition le fonctionnement de la liaison.

1.3 L’accent sur la fréquence : Bybee, Verspoor et al.

La théorie qui est centrale dans ce paragraphe est la grammaire d’usage. Cette théorie-ci est assez récente et elle s’oppose à la phonologie générative et structuraliste, par une différence fondamentale : le rôle que joue le lexique. Dans la grammaire d’usage, le lexique et la grammaire ne sont pas deux objets différents, et le lexique n’est pas une liste statique ; le lexique et les règles grammaticales s’interagissent et ils sont tous les deux affectés par l’usage (Bybee 2001 : 14, 20). Bybee prend comme exemple le fait que les mots très fréquents soient plus faibles à des changements phonologiques (Ibid. : 20) ; un mot anglais très fréquent comme family se prononce souvent famly, tandis que pour un mot peu fréquent tel qu’artillery, les locuteurs n’ont pas tendance à prononcer artilry.

Dans ce paragraphe, nous montrerons d’abord une théorie de fréquence de Bybee, portant spécifiquement sur la liaison, et nous insisterons ensuite sur l’acquisition d’une langue seconde, en nous basant sur la grammaire d’usage. Mais avant de passer à ces sujets assez spécifiques, nous citons d’abord quelques points principaux de la grammaire d’usage.

1.3.1 La grammaire d’usage dans les grandes lignes

Dans la grammaire d’usage, comme l’indique son nom, l’usage joue un rôle très important, en particulier la fréquence d’usage. Bybee commence son ouvrage en nommant l’objectif de son étude : l’exploration de la relation entre l’usage de la langue et le stockage et le traitement de cela. (Ibid : 1) Ceci étant le but principal de la grammaire d’usage, nous citons ensuite les six principes de base que Bybee nous fournit (Ibid : 6-8):

1. L’usage des formes et des structures d’une façon productive ou perceptive affecte la représentation de celles-ci dans le mémoire. C’est-à-dire que les formes fréquentes sont facilement accessibles, et les formes peu fréquentes sont difficilement accessibles, elles courent même le risque d’être oublié.

(14)

13 3. La catégorisation des formes et des structures dans le mémoire se base sur l’identité de ces

formes et structures ou sur la similarité.

4. Les généralisations des formes sont des relations parmi des formes qui sont phonétiquement ou sémantiquement similaires.

5. L’organisation lexicale engendre des généralisations et de la segmentation à de différents niveaux d’abstraction ou de généralité.

6. La connaissance grammaticale c´est la connaissance procédurale.

Les six principes ci-dessus montrent au fond que la grammaire d’usage nie l’existence d’un organe linguistique spécialisé, mais il s’agit au contraire d’une théorie d’émergence. Ceci signifie que la grammaire d’usage part du principe que c’est l’usage qui engendre la structure d’une langue. Nous montrerons dans ce qui suit comment Bybee explique le phénomène de la liaison en se basant sur les principes susnommés.

1.3.2 Joan Bybee

Dans son ouvrage, Bybee prend l’exemple de la liaison en français afin d’illustrer son hypothèse : c’est la construction ou la fréquence d’une phrase qui cause le développement d’alternances dans les variantes d’un mot spécifique, et que la fréquence rend ces variantes résistantes à la régularisation, une fois les alternances établies (Ibid. : 167).

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14 Bybee suppose que la liaison est en voie de disparition, étant donné qu’au 16e et 17e siècle la dernière consonne était toujours prononcée si elle était suivie par une voyelle. A présent, on observe ce phénomène seulement dans des contextes limités. Selon Bybee, ce n’est que dans les contextes les plus fréquents que la liaison se maintient (Ibid. : 168). Il s’agit de contextes très variés, tels que les suffixes de pluriel, des catégories lexicales, des prépositions ou des constructions spécifiques, comme par exemple c’est-à-dire. Bybee en tire la conclusion que :

1) Tous les contextes nommés ci-dessus sont relativement fréquents. 2) Ce sont des contextes assez spécifiques.

Ceci confirme son hypothèse que la liaison ne se fait que dans les contextes les plus fréquents :

« La fréquence d’une construction stimule la productivité. Les alternances non productives se généralisent et se régularisent graduellement ; les formes peu fréquentes se généralisant d’abord, et les tokens très fréquents étant résistants à la généralisation. » (Ibid. : 178)

Après avoir étudié cette théorie de Bybee qu’on peut compter parmi la grammaire d’usage, nous nous concentrons sur une autre théorie de ce courant linguistique, qui met l’accent sur l’acquisition d’une langue étrangère. Comme nous analyserons dans ce mémoire l’emploi de la liaison des étudiants néerlandais apprenant le français, ceci nous semble très utile.

1.3.3 M. Verspoor, C. de Bot, W. Lowie

Dans leur ouvrage A dynamic approach to second language acquisition: Methods & techniques (2011), Verspoor et al. discutent de plusieurs théories récentes telles que la théorie de systèmes dynamiques et la grammaire d’usage. Les idées qu’on retrouve dans le chapitre qui porte sur la grammaire d’usage rejoignent l’idée principale de Bybee :

« Plus fréquemment une personne entend une certaine occurrence, plus facilement cette occurrence est activée ; plus fréquemment la personne utilise l’occurrence et plus facilement l’occurrence est acquise. » (Verspoor et al. 2011 : 43)

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15 d’interaction dans la langue étrangère, celui-ci commence à utiliser de différents mots et constructions, mais, comme le supposent Verspoor et al., l’apprentissage d’une langue seconde n’est pas un procès linéaire. Ceci veut dire qu’il faut qu’un apprenant se débrouille avec une connaissance limitée de la langue pour émettre des idées complexes. Il se passe souvent qu’un apprenant utilise trop souvent des constructions simples afin d’exprimer une idée complexe.

Nous citons également l’Hypothèse d’ Input de Krashen (1985) qui soutient cette idée de Verspoor et al. que l’input joue un rôle dans l’acquisition d’une langue. Krashen suppose que c’est la réception d’input compréhensible qui nous permet de développer nos connaissances et nos aptitudes d’une langue (Mitchel & Myles 2004 : 47). Par input compréhensible, Krashen entend de l’input d’un niveau un peu plus élevé que le niveau de l’apprenant, ce qu’il nomme i + 1. Cependant, il est difficile de définir exactement quel niveau correspond à i + 1, ce qui rend l’hypothèse un peu vague (Ibid. : 48).

Comme nous venons de dire, quant à Verspoor et al., une langue s’apprend par l’emploi au lieu des règles. La grammaire d’une langue est simplement un nom qui réfère à des catégories de répétitions observées dans le discours (Verspoor et al. 2011 : 42). Ceci porte des conséquences pour la terminologie dont nous nous servirons dans la suite. Traditionnellement, on distingue la liaison obligatoire, facultative et interdite, mais si nous suivons l’idée de Verspoor et al. que c’est la fréquence de l’input qui est un facteur important dans l’acquisition d’une langue, il faut adapter la terminologie. C’est pour cette raison nous avons opté pour les termes suivantes : la liaison catégorique, variable et inattendu.

Dans ce paragraphe, nous avons étudié la grammaire d’usage, dans laquelle la fréquence d’usage joue un rôle majeur. En se basant sur cette fréquence d’usage, Bybee (2001) réussit à expliquer le phénomène qui s’appelle la liaison. L’explication de Bybee (2001) embrasse en plus tous les facteurs que Delattre (1966) et Ågren (1973) ont proposés. Nous avons déjà parlé de la cohésion syntaxique, ce qui est, d’après Bybee (2001), plutôt une fréquence de cooccurrence. Le style nous semble aussi une question de fréquence. Quand une occurrence est peu fréquente pendant une longue période, celle-ci risque de devenir archaïque. Comme la liaison est une survivance de la prononciation française du 16e siècle, quelques occurrences de la liaison peuvent donc être démodées. Un langage peu utilisé ou archaïque est très formel, et c’est ainsi que la fréquence d’emploi explique aussi le facteur de style d’ Ågren (1973) et de Delattre (1966).

La longueur des mots est aussi un facteur de la liaison selon Ågren (1973), qui estime que ce sont surtout les mots courts qui ont tendance à lier. Cependant, les mots cours sont en général plus fréquents, donc ceci est aussi un facteur de fréquence.

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16 suivant la théorie de Bybee (2001), on considère ces quelques cas spécifiques également en référant à la fréquence de cooccurrence.

Ågren (1973) parle aussi de la liaison après une pause ou un coup de glotte, ce qui n’est à notre avis pas vraiment un facteur qui détermine la liaison, mais surtout un contexte de langage. C’est pour cela que nous n’y insisterons pas.

Nous avons expliqué avec succès, dans le précédent, les facteurs importants d’Ågren (1973) et de Delattre (1966) pour la liaison en référant à la fréquence d’usage. C’est pour cela que nous estimons que cette théorie de fréquence apporte une très bonne solution au problème de la liaison.

2. Méthodologie

Avant de passer à l’analyse des données, il nous paraît d’abord important d’expliquer notre méthode de travail. Dans cette section, nous insisterons sur le projet Interphonologie de Français Contemporain (IPFC) parmi lequel notre étude a eu lieu. Nous parlerons ensuite de la manière dont nous avons obtenu notre corpus. Ce paragraphe comprend deux parties, premièrement une présentation des étudiants et deuxièmement une description de la méthode de travail.

2.1 Le projet IPFC

Le projet PFC - Phonologie du Français Contemporain – usage, variétés et structure - (Côté, Durand, Laks, Lyche) existe depuis une dizaine d’années, ce projet a été un des premiers grands travaux de la phonologie du corpus pour le français. Dans ce projet, des enregistrements de locuteurs natifs ont été effectués dans 33 zones géographiques – où le français est la langue maternelle bien entendu. L’objectif était de constituer un corpus très riche du français parlé contemporain.

Le projet Interphonologie du Français Contemporain (IPFC) (Detey, Racine, Kawaguchi, Durand) est en majeure partie basé sur les mêmes principes que le PFC nommé ci-dessus. Cependant, l’IPFC se concentre sur les locuteurs du français comme langue étrangère, et c’est pour cette raison qu’on parle d’interphonologie ; le fait qu’un locuteur se trouve entre deux systèmes phonético-phonologiques : celui de sa langue maternelle et celui du français.

(18)

17 adaptées aux apprenants ». (p.2)Ceci devrait permettre à 1) documenter et étudier l’apprentissage du système phonologique, à 2) documenter et étudier la variation francophone, à 3) proposer des activités autour de la prononciation et de l’apprentissage, et à 4) promouvoir l’image du français langue internationale. (Racine et al. 2009)

Pour ce qui est des locuteurs néerlandophones, D. Nouveau et J. Berns (Université Radboud de Nimègue) et J. Eychenne (Université de Groningue) ont commencé de récolter des données de leurs étudiants. Pour la présente recherche, nous nous servirons des données qui ont été fournies par Julien Eychenne.

Les séances d’IPFC se déroulent toujours selon une procédure standard. Cette procédure comprend six tâches, qui sont exécutées par l’étudiant dans une ou plusieurs séances. La première tâche est la répétition d’une liste de mots. Ensuite, l’étudiant est demandé de lire deux listes de mots. Cette première liste s’appelle également la liste générique, cette liste a aussi été utilisée dans le projet PFC, présentant des difficultés de la langue française pour toutes les populations. La lecture de la liste générique est suivie par la lecture d’une liste spécifique. La liste spécifique contient des difficultés spécifiques des apprenants néerlandais. Après la lecture des mots, il y a encore un texte qui doit être lu par l’étudiant. Dans ce texte, qui se trouve d’ailleurs en annexe 1, il se trouve quelques mots qui figurent aussi dans les listes.

Les deux dernières tâches sont une conversation guidée et une conversation libre. Dans la conversation guidée, l’enquêteur pose des questions à l’étudiant, le résultat en est une conversation d’environ dix minutes. La conversation libre signifie une conversation entre des apprenants. Cette dernière tâche n’avait pas encore été effectuée au moment que nous avons commencé notre travail, c’est pour cela que nous n’avons pas pu nous concentrer sur cette tâche malheureusement. Comme nous nous intéressons à la liaison, nous avons exclu de notre corpus également toutes les listes de mots, parce que l’analyse de ces listes de mots n’attribuerait pas à notre étude. Ce que nous allons alors analyser dans ce mémoire, c’est le texte lu et la conversation guidée.

2.2 Obtention du corpus

(19)

18 2.2.1 Les étudiants

Dans notre étude, nous avons étudié des fichiers audio du texte lu et de la conversation guidée de cinq étudiants. Ce nombre nous permet d’avoir assez de données pour faire une étude de cas. Il s’agit des étudiants de la première et deuxième année de licence qui sont dans le département des Langues et Cultures Romanes, ayant comme spécialisation le français. Parmi les étudiants, deux sont masculins et trois féminins, l’âge varie entre 20 ans et 22 ans.

Dans le tableau (1), nous avons incorporé les informations essentielles sur les étudiants. Nous avons obtenu ces informations en écoutant bien les conversations guidées, dans lesquelles les étudiants racontent notamment leur formation professionnelle et leurs séjours en France. De plus, nous avons distribué un questionnaire, dans lequel nous demandons des informations supplémentaires sur les formations, les séjours et la motivation de l’étudiant. Notre objectif était de comprendre combien d’input l’étudiant a reçu, quel était le niveau de cet input, et quelle était la motivation des étudiants. Nous avons demandé par exemple s’ils ont souvent parlé le français lors de leurs séjours en France, et s’ils ont des amis français aux Pays-Bas avec lesquels ils parlent le français régulièrement. Notre questionnaire se trouve en annexe 1.

Nous avons intégré les réponses des étudiants à nos questions dans le tableau suivant :

(1) Le profil des étudiants

Nlgrgh

Nlgrlv

Nlgrer

Nlgrms

Nlgrek

Age (ans) 22 21 21 22 20

Apprentissage du français depuis :

(ans) 8,5 7,5 7,5 8,5 6,5

Les cours donnés en français depuis : (ans)

3,5 1,5 1 2,5 0,5

Vécu en France (plus d’un an): Non Non Oui, 1 an

et demi, Taizé

Non Non

Séjour(s) en France (plus d’un mois) : Oui, 8 mois, campings Oui, 10 mois, campings et Lyon

Non Non Non

Vacances en France : Oui,

plusieurs étés pendant 3 semaines Oui, tous les étés, une fois pour 2 mois Oui, 3 semaines tous les étés Oui, 10 jours en total Oui, 4 jours en total

Ecouter la radio/regarder la télé : Oui, chaque jour Oui, 1 fois par semaine Oui, 1 fois par semaine Oui, chaque jour Oui, 1 fois par semaine Parler le français hors des cours : Oui,

chaque

Oui, régulièrem

Non Oui, avec des amis

(20)

19

jour ent français,

chaque semaine

Francoph one 2 fois par mois

Dans le tableau (1), nous avons essayé de définir les participants. Ce schéma jouera un rôle en 3.3, quand nous allons insister sur les différences entre les étudiants en ce qui concerne l’emploi de la liaison. Quant à nous, l’émergence des structures de la liaison se fait plus facilement quand une personne reçoit beaucoup d’input. En d’autres mots : quand une personne entend souvent la séquence [les [z] X], où X est un nom commençant phonétiquement par une voyelle, cette personne va utiliser cette structure également. Cette structure a alors émergée. Or, nous allons voir en 3.3 si les étudiants qui ont reçu beaucoup d’input réalisent plus souvent la liaison effectivement.

2.2.2 La méthode de travail

(21)

20 Figure (1) Transcription et codage d’un texte lu dans Praat

(22)

21 Dans la figure (1), nous voyons dans la tire la plus haute les ondes sonores. La tire 1, que nous appelons ortho effective, est une transcription de ce que l’étudiant a dit. La tire 2 représente l’ortho cible, c’est ce que l’étudiant aurait dû dire selon le texte. Il s’agit du texte ‘Le premier ministre ira-t-il à Beaulieu’, qui se trouve en annexe 1. Dans la tire 3, qui se trouve tout en bas, nous avons codé la liaison. Nous y insisterons plus tard.

Pour ce qui est de la transcription de la conversation guidée en figure (2), nous remarquons qu’il y a seulement deux tires : ortho, dans laquelle nous avons transcrit les mots de l’étudiant (GH dans ce cas) et de l’enquêteur (E), et codage liaison, qui indique les occurrences de la liaison. La durée de la conversation guidée est un quart d’heure au minimum, nous avons transcrit environ dix minutes.

Nous avons rencontré quelques petits problèmes lors de la transcription des fichiers audio. Tout d’abord, il était parfois difficile de distinguer les cas de liaison et de l’enchaînement. Considérons les deux modes de prononciation pour chemises en soie : [ʃəmiz swa] et [ʃəmizəz swa], dont le premier est un exemple d’enchaînement, et le deuxième est une occurrence de la liaison. Il est important de ne pas confondre ces deux formes.

Bien entendu, nous n’avons pas pu comprendre tout ce que les locuteurs ont dit. Parfois il y avait un bruit, ou les locuteurs ont parlé trop vite, et pour cette raison nous n’étions pas capables de tout transcrire. Comme il s’agit des locuteurs non natifs, les étudiants ont également fait des fautes de prononciation – telle que la différence entre des consonnes sourdes et sonores - et des fautes grammaticales, de genre par exemple. Cependant, nous avons choisi de ne pas insister sur les fautes qui ne sont pas importantes pour notre recherche, par exemple premier ministre qui était prononcé première ministre.

Après la transcription des sons pour tous nos cinq étudiants, nous avons commencé le codage de la liaison. Pour ce faire, nous avons aussi suivi les procédures d’IPFC. Nous avons codé tous les cas où il peut y avoir liaison. Le codage a eu lieu de la manière suivante :

(23)

22 e. Liaison épenthétique : 4

3. La consonne qui est liaisonnée.

Ainsi, on peut obtenir un code tel que 11z, qui signifie qu’il y a liaison enchaînée après un mot monosyllabique, la consonne en question étant [z], par exemple les enfants. Le code 20 désigne qu’il n’y a pas eu liaison après un mot polysyllabique, par exemple dans la séquence pendant une semaine.

Pour la conversation guidée, nous n’avons codé – logiquement – que les mots de l’étudiant, parce que c’est cela ce qui nous intéresse. Les codes ont été insérés après le premier mot dans la tire 3, comme nous voyons dans les figures (1) et (2). Cela donne par exemple les11z enfants et pendant20 une semaine. En principe, nous n’avons pas codé la non liaison après et, après une virgule, après une pause et avant euh, seulement quand la liaison était réalisée. C’est que dans ces cas la liaison est inattendue.

Dans notre analyse, la liaison non enchaînée et la liaison épenthétique ne figurent pas. Ce sont des formes de la liaison un peu particulières. Quand un locuteur réalise la liaison non enchaînée, il fait une pause entre le premier et le deuxième mot, prononçant pourtant la consonne de la liaison. C’est une forme de liaison très rare et très formelle (Encrevé 1988). La liaison épenthétique est une réalisation de liaison erronée, c’est-à-dire la prononciation d’une consonne qui ne figure pas dans la séquence. Un exemple en est [quatre + [z] enfants].

Le codage de la liaison nous a également posé problème. Il est arrivé que nous ayons eu du mal à entendre s’il était question de la liaison. Surtout des séquences telles qu’un autre, on en a vu, et on a ont été difficile à évaluer. La liaison après [n] peut être réalisée d’une manière très subtile ce qui rend le codage très difficile.

Après le codage de liaison, nous avons commencé à intégrer tous les résultats dans un fichier Excel. Ceci constitue notre corpus.

3. Analyse

(24)

23 L’emploi de la liaison variable est moins conséquent, et c’est alors plus difficile à apprendre pour une personne étrangère. Nous estimons donc que les étudiants maîtrisent mieux les formes de la liaison catégorique que les formes de la liaison variable.

Comme nous avons dit dans l’introduction, le rôle de l’input peut aussi être important. Par input nous entendons tout le français parlé qu’une personne a entendu dans sa vie. Nous allons voir en 3.3 si ce facteur joue un rôle dans l’emploi de la liaison des différents étudiants.

Cependant, c’est non seulement la quantité de l’input qui compte, mais aussi sa qualité. Or, si un étudiant néerlandais a entendu dans sa vie beaucoup de français parlé d’un niveau avancé, il est plus probable que cet étudiant fasse plus souvent la liaison que les autres étudiants. (Verspoor et. al. 2011 ; Chevrot et. al. 2007).

Nous présenterons d’abord en 3.1 les résultats de la première tâche, le texte lu. Les résultats de la conversation guidée seront ensuite analysés en 3.2. Ensuite, nous allons voir en 3.3 s’il y a une corrélation entre les résultats des tâches et l’input des étudiants. A la fin, nous récapitulerons, et nous verrons si notre hypothèse est valable.

3.1 Le texte lu

(25)

24 conversation guidée, mais que la différence n’est pas énorme à cause de la difficulté du texte et du stress.

Avant de passer à l’analyse, nous montrons dans le tableau (2) un premier résultat qui concerne les consonnes de liaison. Nous avons compté la fréquence des différentes consonnes de la liaison, et nous avons constaté que [z] est la consonne préférée par excellence. Cette consonne s’utilise notamment dans des séquences déterminant + nom, où les étudiants réalisent presque toujours la liaison. La consonne [z] est suivi par [t] et [n] ; [p], [d] et [s] sont les consonnes les moins fréquentes. Quant à nous, la réalisation de cette dernière consonne [s] est due à un lapsus, [lεselεksj ] au lieu de [lεzelεksj ] ; le locuteur l’a corrigé immédiatement.

Ce qui est intéressant, c’est l’absence des consonnes [ʀ], [g] et [v]. Ceci étant des consonnes de la liaison variable qui sont alors moins fréquentes, nous estimons que cela indique déjà que les étudiants acquièrent d’abord les occurrences de la liaison catégorique, qui sont donc les plus fréquentes, comme par exemple [z] dans les élections, [n] dans on est et [t] dans c’est un.

(2) Les consonnes de liaison

Consonnes

Fréquence

%

[z] 91 41,6% [t] 62 28,3% [n] 61 27,9% [p] 2 0,9% [d] 2 0,9% [s] 1 0,4% Total 219 100%

(26)

25 tableau (3), le premier chiffre réfère au nombre de liaisons réalisées, le deuxième étant le total des liaisons possibles que l’étudiant a pu réaliser. Le sigle ‘h’ signifie qu’il est question d’une hésitation, par conséquent, la réalisation de la liaison n’est pas évidente. Considérons d’abord les résultats du texte lu :

(3) Les résultats du texte lu12

Nlgrek Nlgrer Nlgrgh Nlgrlv Nlgrms Total Liaison catégorique

Déterminant + nom

Les élections, son usine, vingt ans 6/6 (100% 5/6 (83%) 7/7 (100%) 5+1h/6 (83%) 6+1h/7 (86%) 29/32 (90%) Adjectif qualificatif + nom

Grand émoi, dernières années

2/2 0/2 2/2 0/2 1/2 5/10

(50%) Pronom clitique + verbe

On est, nous avons

2+1h/3 4/4 (100%) 5/5 (100%) 5/5 (100%) 3/3 19/20 (95%) Verbe + pronom clitique

Est-on, vient-il - - - -

Après « c’est » ou « il est »

C’est un, c’est évident, il est important - - - -

Après adverbe monosyllabique

Très inquiet, quand elle vient 2/2 2/2 2/2 1/2 2/2 9/10 (90%)

Après préposition monosyllabique

Dans une, en anglais

1/1 1/1 1/1 2/2 1/1 6/6

(100%) Groupes figés

En effet, tout à fait, de temps en temps

1/1 1/1 1/1 1/1 1/1 5/5

(100%) Liaison variable

Après être

Je suis allé, c’était en

2/3 2/3 3/4

(74%)

2/3 2/3 11/16

(69%) Après avoir

Ont eu, il y avait un 1/1 0/1 1/1 0/1 0/1 2/5 (40%)

Après aller, devoir, falloir, pouvoir, vouloir il faut aller, je veux aller

- - - -

Après autre verbe

Provoquer une, pensais à

0/3 0/3 0/3 0/3 0/3 0/15

Après adverbe polysyllabique

Beaucoup appris, vraiment une

0/2 0/2 0/2 0/2 0/2 0/10

Après préposition polysyllabique

Pendant une, après avoir

- - - -

Après nom pluriel

Jeux olympiques, chemises en soie 0/6 0/6 1/6 (17%) 0/6 0/6 1/30 (3%)

Après « mais » - - - -

1

Les pourcentages ne sont pas calculés pour les cas où il y avait moins de 4 occurrences, pour la raison évidente que cela ne signifierait rien.

2

(27)

26

Mais en fait, mais elle

Après « pas » ou « plus »

Pas encore, pas un

0/1 0/1 0/1 0/1 0/1 0/5

Après adjectif pluriel

Tranquilles et

- - - -

Pour ce qui est de la liaison catégorique, nous remarquons que cette liaison est presque toujours réalisée dans les syntagmes déterminant + nom et pronom clitique + verbe, après un adverbe ou une préposition monosyllabique et dans des groupes figés. Nous avons classé sous les groupes figés la séquence en effet. Parmi les liaisons catégoriques, la seule exception est l’adjectif qualificatif suivi par un nom. La liaison n’est réalisée que dans 50 pour cent des cas, tandis que la réalisation des autres cas de liaison catégorique est presque 100 pour cent. Dans le texte il s’agit deux fois de l’adjectif qualificatif grand suivi d’un nom commençant phonétiquement par une voyelle. La question est alors de savoir pourquoi il y a une telle différence dans les pourcentages. Afin de pouvoir donner une réponse, il faut d’abord que nous nous référions à Chevrot et al. (2007), qui ont étudié l’acquisition de la liaison chez les petits enfants français apprenant leur langue maternelle. Selon Chevrot et al. (2007), « La cause de cet apprentissage [du système des relations, JJ] serait l’exposition aux séquences mot 1-mot 2 bien formées rencontrées dans l’environnement langagier » (Ibid : 107). Quant à nous, cette idée pourrait aussi s’appliquer à l’acquisition de la liaison des étudiants néerlandophones, étant donné que le phénomène de la liaison n’existe pas en néerlandais. Il s’agit donc de l’acquisition d’un phénomène tout à fait nouveau pour les étudiants. Nous estimons que l’émergence d’une structure abstraite de la liaison s’est déjà faite pour quelques liaisons catégoriques comme le déterminant + nom, le pronom clitique + verbe et après la plupart des adverbes et des prépositions monosyllabiques. L’adjectif se trouve le plus souvent après le nom, la liaison n’est donc pas possible dans ce cas. De plus, cette structure est rare en français courant, on observe par exemple que cette construction n’apparaît qu’une fois dans les conversations guidées. Il nous semble que certains étudiants n’ont pas eu assez d’exposition à ces séquences adjectif + nom, à cause du fait que l’emploi de cette construction est rare. Par conséquent, cette structure n’a pas encore émergée et la liaison n’est alors pas réalisée.

(28)

27 la réalisation de la liaison n’est pas de 100%. L’apprenant entend ces structures, parfois avec liaison et parfois sans liaison. Il faut que l’apprenant entende souvent la variante avec liaison afin que celle-ci soit mémorisée. Cecelle-ci se voit dans les résultats de notre enquête ; les étudiants réalisent la liaison variable dans 17,3% des cas, contre 88,0% dans des contextes de la liaison catégorique.

Nous remarquons qu’il y a seulement liaison après le verbe être, après le verbe avoir et une seule fois après le nom pluriel jeux suivi par olympiques. Ceci est un mot composé, et c’est pour cette raison qu’en français de France la liaison est catégorique. Pour ce qui est de la liaison après être, il nous semble que ceci est un sujet très intéressant. Comme il y a dans le texte lu seulement les structures avec la forme est, est en grand émoi, est en revanche et s’est en désespoir de cause, nous allons étudier en 3.2 toutes les liaisons après le verbe être du texte lu et de la conversation guidée ensemble. La liaison après le verbe avoir est moins fréquente qu’après le verbe être ; évidemment, le fait que quelques formes du présent de ce verbe se terminent par une voyelle - ai, a - joue un rôle. Pour le texte lu, il s’agit de la construction ont eu tendance, la forme ont [t] eu apparaît deux fois. Nous n’insisterons pas là-dessus, puisqu’il n’y a pas assez d’occurrences.

Dans des contextes où la liaison est catégorique, les étudiants font presque toujours la liaison, il n’y a pas beaucoup de variation dans les résultats des différents étudiants. Ceci ne vaut pas pour la liaison dans des contextes variables, où on observe bien des différences dans les résultats des cinq étudiants. Il nous semble très intéressant de voir s’il y a une corrélation entre l’input et cet emploi variable de la liaison. Nous le ferons en 3.3, mais nous présenterons tout d’abord les résultats de la conversation guidée.

3.2 La conversation guidée

La conversation guidée, dont nous traiterons dans ce paragraphe, est la deuxième tâche qui nous intéresse. Dans cette conversation, l’enquêteur pose des questions à l’étudiant, qui, à son tour, donne une réponse. Les questions concernent principalement les études de français, les séjours (linguistiques) en France et les racines de l’étudiant. Ces réponses nous fournissent beaucoup d’informations sur l’apprentissage de la langue française des étudiants. De plus, nous allons voir si les étudiants réalisent plus ou moins souvent la liaison quand ils parlent librement que pendant la lecture du texte. Nous y reviendrons en 3.3.

Nous analyserons dans ce qui suit nos données, que nous avons mis dans un tableau, comme nous l’avons fait pour le texte lu. De plus, nous étudierons l’emploi de la liaison après le verbe être.

(29)

28 (4) Les résultats de la conversation guidée3

Nlgrek Nlgrer Nlgrgh Nlgrlv Nlgrms Total Liaison catégorique

Déterminant + nom

Les élections, son usine, vingt ans 7/7 (100%) 7/7 (100%) 8/8 (100%) 14/14 (100%) 11/11 (100%) 47/47 (100%) Adjectif qualificatif + nom

Grand émoi, dernières années - 1/1 - - - 1/1

Pronom clitique + verbe

On est, nous avons

12/12 (100%) 4/4 (100%) 4/4 (100%) 2/2 3/3 25/25 (100%) Verbe + pronom clitique

Est-on, vient-il

- - - -

Après « c’est » ou « il est »

C’est un, c’est évident, il est important

8/8 (100%) 1/2 - 2/3 3/4 (75%) 14/17 (82%) Après adverbe monosyllabique

Très inquiet, quand elle vient 8/10 (80%) 2/2 - 1/1 0/2 11/15 (73%)

Après préposition monosyllabique

Dans une, en anglais 4/4 (100%) 4/4 (100%) 1/1 2/2 1/1 12/12 (100%)

Groupes figés

En effet, tout à fait, de temps en temps

- - 1/1 - 2/2 3/3

Liaison variable Après être

Je suis allé, c’était en

3/8 (37,5%) 1/5 (20%) 2/4 (50%) 0/2 3/7 (42%) 9/26 (35%) Après avoir

Ont eu, il y avait un - 1/1 1/1 - 0/4 2/6 (33%)

Après aller, devoir, falloir, pouvoir, vouloir il faut aller, je veux aller

0/2 - - 0/4 2/5

(40%) 2/11 (18%) Après autre verbe

Provoquer une, pensais à

0/10 0/8 0/7 0/5 0/3 0/33

Après adverbe polysyllabique

Beaucoup appris, vraiment une

1/7 (14%) 0/1 1/10 (10%) 0/9 1/8 (12,5%) 3/35 (9%) Après préposition polysyllabique

Pendant une, après avoir - 0/1 2/2 - 0/1 2/4 (50%)

Après nom pluriel

Jeux olympiques, chemises en soie 0/7 0/6 0/3 0/3 0/3 0/22

Après « mais »

Mais en fait, mais elle 0/6 0/2 0/1 0/2 0/6 0/17

Après « pas » ou « plus »

Pas encore, pas un 1/7 (14%) - 0/4 0/2 1/1 2/14 (14%)

Après adjectif pluriel

Tranquilles et

- - - 0/1 - 0/1

Nous remarquons d’abord que la liaison catégorique est presque toujours réalisée, comme c’était aussi le cas pour le texte lu. Les seules exceptions sont la liaison après c’est ou il est (82%) et après un adverbe monosyllabique (73%). Ces adverbes monosyllabiques dont il s’agit sont bien suivi par

3

(30)

29 apprendre et par l’article un, très suivi par utile, et mieux dans le contexte je parle mieux anglais que français. Notons que dans cette dernière phrase il est question d’une omission de l’article l’ devant anglais. Ceci pourrait influencer la non-liaison dans cette séquence. Comme cette séquence ne figure qu’une fois dans notre corpus, il est difficile d’expliquer pourquoi exactement la locutrice ne réalise pas la liaison. Il est possible que d’autres facteurs jouent un rôle, tels que le facteur de fréquence, ou peut-être que la liaison après la consonne <x> est moins évidente pour l’étudiante. La non-réalisation de la liaison après l’adverbe très est intéressante, parce que la plupart des autres étudiants font la liaison dans un contexte comparable. La locutrice en question réalise la liaison dans l’autre tâche dans une séquence semblable, à savoir très inquiet. Quant à nous, la locutrice est au courant du fait qu’il faut lier après très, mais elle ne fait pas la liaison d’une manière conséquente, puisque la structure n’a pas encore été mémorisée.

Pour ce qui est de la liaison après c’est, - la construction impersonnelle avec il est n’apparaît malheureusement pas dans notre corpus – il y a des tendances intéressantes. Quand c’est est suivi par l’article indéfini un ou une, la liaison est effectuée neuf fois, soit 90%. Il n’arrive qu’une seule fois que la liaison ne soit pas réalisée, c’est dans la phrase à communiquer, c’est - c’est un peu difficile. La locutrice hésite après c’est, et elle répète ce mot. Nous spéculons que c’est à cause de cette hésitation qu’elle se déconcentre, par conséquent elle omet la liaison. Quelques phrases plus loin, la locutrice réalise la liaison dans la séquence c’est une belle ville, ceci prouve donc qu’elle sait bien qu’on fait normalement la liaison dans ce cas. Nous considérons que son emploi de la liaison entre c’est et un/une de cette étudiante est dû au fait que cette structure [c’est + [t] ] n’a pas encore assez émergée.

La liaison est effectuée moins fréquemment dans les séquences c’est + adjectif, trois fois sur cinq, les adjectifs étant obligatoire et évident. On retrouve aussi les séquences c’est aussi et c’est à, où la liaison est réalisée ; les deux séquences n’apparaissent qu’une fois dans le corpus. La structure c’est + déterminant + nom est plus fréquente que les autres structures, c’est pour cela que nous sommes d’avis que l’émergence de cette structure se fait plus facilement que les structures moins fréquentes. Cette idée se reflète dans les résultats.

(31)

30 liaison après avoir afin d’expliquer l’emploi de la liaison. Pour les semi-auxiliaires, ensuite, nous insisterons sur le semi-auxiliaire falloir, qui apparaît six fois, dont deux fois avec liaison. Le locuteur en question fait la liaison après faut avoir, un peu plus tard il prononce faut aller sans liaison, se corrigeant tout de suite. A la fin de la conversation, le locuteur prononce faut éviter sans liaison. Selon nous, le locuteur connaît bien le phénomène de la liaison, et il essaie de mettre les ‘règles’ en pratique. Ceci n’est pas encore automatique, il lui faut peut-être un peu plus d’exposition à la langue française. Cependant, d’après Ågren (1973), les Français réalisent la liaison dans la séquence faut + infinitif dans 58% des cas seulement, ce qui rend l’acquisition de ce type de liaison plus complexe. L’adverbe pas apparaît plusieurs fois dans le corpus, suivi le plus souvent par un article indéfini. La liaison est réalisée une fois dans la séquence pas encore. Pour expliquer cela, nous nous référons à la fréquence de cooccurrence de Bybee (2001), puisqu’il s’agit d’un type de négation. Nous observons également la liaison entre pas et une, dans la phrase on va parler [le ; JJ] français, et pas une autre langue. Nous comparons cette phrase à une phrase dans notre corpus, où la liaison est omise ; (…) si vous avez pas un autre camping. Nous remarquons que dans cette dernière phrase que l’adverbe ne est absent, et nous estimons qu’après pas qui est utilisé isolément, la liaison est très rare (Ågren 1973 : 102). Dans l’autre phrase, il n’est pas question d’une omission de l’adverbe ne, et l’adverbe pas porte un accent d’insistance très fort. Dans une telle séquence, où ne n’est pas omis, la liaison est moins rare. Nous nous contentons de dire que ce sont deux structures différentes, de là l’emploi divers de la liaison.

Après les prépositions et les adverbes polysyllabiques, (ces derniers apparaissant 35 fois), l’emploi de la liaison des étudiants est difficile à évaluer. On rencontre seulement quatre prépositions polysyllabiques dans le corpus, la liaison est effectuée après depuis et après, et elle est omise après pendant. C’est le même locuteur qui réalise ces liaisons, l’une étant dans une séquence un peu rare : depuis hier. Les adverbes polysyllabiques sont nombreux, mais la liaison n’est effectuée que dans les séquences beaucoup à améliorer, beaucoup appris, et comment elle s’appelle. Comme ce sont trois étudiants qui font tous une fois la liaison, et comme il y énormément d’adverbes différents, il nous semble que nous n’avons pas assez de données pour construire des hypothèses.

(32)

31 Pour terminer ce paragraphe qui concerne la liaison dans la conversation guidée, nous allons étudier la liaison après le verbe être. Nous montrons d’abord le tableau (5), dans lequel nous avons mis toutes les occurrences de ce verbe, du texte lu et de la conversation guidée ensemble.

(5) La liaison après le verbe être

Forme + Liaison Non-liaison Total

Est Adjectif Adverbe Euh Préposition 1 1 11 1 5 12/19 (63,2%) Suis Adjectif Adverbe Participe passé Préposition 2 1 1 1 2 3/7 (42,9%) Etait Adjectif Adverbe Article Nom Préposition 2 1 1 1 1 0/6 Etais Préposition 1 5 1/5 (20%) Sont Préposition 2 2/2 (100%) Serait Article 1 0/1

Sommes Participe passé 1 1/1

Total 20 22 20/42

(47,6 %)

La liaison après une forme du verbe être est réalisée dans 47,6% des cas ; ce qui nous intéresse est de savoir quelles formes sont plus susceptibles de provoquer la liaison. Pour ce faire, nous distinguons les formes monosyllabiques (est, suis, sont et sommes) et les formes polysyllabiques (était, étais et serait), la liaison apparaît respectivement dans 65,5% et dans 8,3% des cas. Notons que les formes monosyllabiques correspondent aux formes du présent, et que les formes polysyllabiques sont à l’imparfait ou au conditionnel présent, ce sont donc des temps plus complexes que le présent. De plus, il nous paraît que le présent est le temps qui est utilisé le plus fréquemment, les mots courts sont en général très fréquents. La fréquence de cooccurrence joue donc également un rôle. Nous remarquons que dans la séquence il s’est, en désespoir de cause, (…), aucun des étudiants n’a fait la liaison. A notre avis, c’est parce que le verbe est suivi par une virgule et une incise, il y a donc normalement une pause à l’oral. Il se peut aussi que les étudiants considèrent la forme s’est comme une forme complexe et différente qu’est, et qu’ils ne lient pas pour cette raison.

(33)

32 3.3 Le rôle de l’input

Comme nous l’avons signalé ci-dessus, dans ce dernier paragraphe de cette section nous allons étudier la corrélation entre l’input des étudiants et leurs résultats. La liaison étant un phénomène tout à fait nouveau pour les apprenants néerlandophones, nous estimons qu’il est important d’avoir assez d’input afin de pouvoir maîtriser la liaison. Nous allons voir dans ce paragraphe si ce facteur est vraiment déterminant, ou s’il y a peut-être aussi d’autres facteurs importants.

En 2.2, nous avons donné le schéma (1) qui comprend toutes les informations essentielles des étudiants. Nous avons classé les étudiants selon leur exposition à la langue française, en distinguant la quantité d’exposition, le niveau de cette exposition et la motivation de l’étudiant. Ce schéma (1) nous servira de base dans ce paragraphe.

Dans le tableau (6), nous montrons comment nous avons établi cette classification des étudiants. Par quantité, nous entendons le nombre d’années que les étudiants apprennent le français au collège, au lycée et à l’université. Nous avons également compté les périodes qu’ils ont passées en France. La personne qui avait en totalité le plus grand nombre d’années a reçu cinq points, le second a reçu quatre points et ainsi de suite. Nous avons fait la même chose pour le deuxième facteur, la qualité de l’input. Cette qualité de l’input comprend le niveau des cours du français selon les étudiants, la mesure dans laquelle les étudiants ont parlé le français et le type de séjours en France. Par exemple, un des étudiants a passé une longue période dans une communauté internationale, mais le français parlé par des étrangers est évidemment d’un niveau tout à fait différent que le français parlé par un locuteur natif. Enfin, nous avons demandé aux étudiants s’ils écoutent régulièrement la radio ou la télévision française, s’ils ont des amis francophones avec lesquels ils parlent le français et quel est leur but en ce qui concerne l’acquisition du français. Ceci constitue la partie motivation. Considérons les résultats dans le tableau (6) ci-dessous :

(6) L’input des étudiants

Nlgrek Nlgrer Nlgrgh Nlgrlv Nlgrms

Quantité 1 4 5 3 2

Qualité 1 3 4 5 2

Motivation 2 1 5 3 4

Total 4 8 14 11 8

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