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Il estvrai aussique depuis quelquesannées déjà il n existait plus de lieux de connaissance sus- ceptibles d accueillir les travaux de la jeune 1

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Cécile Vast

Toutregardest unpoint de vue etunedistance.

La proposition faite par Nico Wouters de jeter un regard sur le cas belge depuis la longuehistorio- graphiefrançaisedelaSecondeGuerre mondiale m a surprise et un peu déconcertée. Le CegeSoma fêteses50ansetlarecherchescienti quesurle dernier con it mondial en Belgique et en Europe ses 75 ans. Comment une historienne formée au tour- nant des XX

ème

et XXI

ème

siècles peut-ellelégitime- ment etsanspérils engager dansuntel exercice ? Unpasdecôtédevraitpeut-êtreaideràaffronter cette étrange sensation de vertige temporel Unefois n est pascoutume, c est par l anecdote subjectiveet letémoignagepersonnelquej aime- rais discuter l analyse suggérée par Nico Wouters.

Il y a un peu moins d une dizaine d années, alors que nous tentions avec quelques jeunes docteurs etdoctorants spécialistes de laRésistance etde larépression,decréer unestructured échanges, de discussion et de partage

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, un chercheur con rmé que l initiative intriguait nous taquinait ainsi :

en somme,vous êtesun peu lespetits-enfants d Henri Michel ! Ilestvrai que notre première publication collective avait été accueilliepar la revue Guerres mondiales et con its contempo- rains,fondée en1950 parHenriMichelsous le nom de Revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale, et que l historien qui l avait facilitée n était autre que François Marcot, dont le pre- mier ouvrage, La Résistance dans le Jura, avait été préfacéeen1985parlemêmeHenriMichel

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. Il estvrai aussique depuis quelquesannées déjà il n existait plus de lieux de connaissance sus- ceptibles d accueillir les travaux de la jeune

1. Les principaux résultats des travaux de ce groupe de recherches que nous avions ap pelé Cent re d histoire et de re cherche sur la Résistance (CH2R) ont été regro upés dans deux publications : Histoire de la résistance : nouveaux chercheurs, nouveaux apport s in Guerres mondiales et con it s contempo rains nr. 242, avril 2011 et Jul ie n Blance T cécile VaST(ed s.), Chercheurs en Résistance. Pistes et out ils à l’usage des historiens, Rennes , Presse s universitaires de Rennes, 2014.

2. Fr anço iS Marco T, La Résistance dans le Jura, Besançon, Cêtre, 1985.

3. Pie rre laB or ie, Penser l’événement. 1940-1945, Gallimard, 2019.

recherche surlapériode.Nosaînéspartaienten retraite et leurspostesuniversitairesn étaientpas renouvelés. Derrièrelaboutade Henri Michel représentait alors une historiographie classique et trèsdatée,pournepasdiredépassée l obser- vationmalicieusefaisaitmouche.Ilexistebelet bien une généalogie de chercheurs de la Seconde Guerre mondiale qui relie dans le temps long (75ans) troisgénérationssuccessives. Petits-en- fants d Henri Michel, secrétaire général du Comité d histoire de laDeuxième Guerre mon- diale (CHDGM) jusqu en 1978, nous serions donc aussi, en toute logique, les enfants de quelques correspondants départementaux du CHDGM absorbé en 1980 par l Institut d histoire du temps présent (IHTP) ?

Jeme garderais bien d af rmer pour ma propre générationcequi, aufond, nerelèvesansdoute qued uneexpériencetrèspersonnelle.Étudiante en histoire à l université de Besançon au début des années 1990, j ai commencé mes recherches sur la Résistance dans un contexte de profond renouvellement historiographique que portaient alors, outre mon professeur François Marcot, Pierre Laborie dontj aisuivileséminairesur La construction de l événement. Une histoire sociale de la réception, XX

ème

siècle à l École des hautes étudesen sciences sociales

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,Jean-Ma- rie Guillon, Jacqueline Sainclivier, Christian Bougeard, Robert Frank, Claire Andrieu, Denis Peschanski, José Gotovitch, Laurent Douzou, etc.

J ailittéralementbaignédanscetteeffervescence intellectuelle et j en ai été très profondément nourrie, imprégnée, marquée. Jeune témoin de cette dynamique scienti que, j ai beaucoup appris en allant écouter les interventions ou en lisant les pré-actes et les actes des colloques La Résis - tance et les Français organisés entre 1993 et 1997 àToulouse, Rennes, Bruxelles, Besançon,

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Cachan, Aix-en-Provence

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. J ai participé, tou- jours commetémoinetobservatrice,àtoutesles réunionsdetravailduDictionnaire historique de la Résistance publiéen 2006

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.LaurentDouzou, Jean-Marie Guillon, Harry Roderick Kedward, Pierre Laborie et François Marcot ont été membres de monjuryde thèse

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.Généalogierevendiquée donc, conditions d apprentissage idéales, héri - tagefort,mais aussiposte d observationprivilé - giépour saisir et parfois lesvivre quelques évolutions majeures dans l écriture de l histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Jen enretiendrais qu une avantde revenir plus précisément sur les remarques formulées par Nico Wouters à propos de l historiographie de laSecondeGuerremondialeenBelgiquedepuis 75 ans. Je me souviens d un repas partagé à Besan- çon, un soir de janvier 2010, autour de Raymond Aubrac, avec François Marcot et quelques ami (e) s. Lesbanalités de la conversation ordinaire ont très vite cédélaplace, au cours delasoirée, aux réminiscences encore vives de la table-ronde organisée dans les locauxdu journal Libération le 19 mai 1997. Ce jour-là, Lucie et Raymond Aubrac ont été, à leur demande, interrogés par deshistoriens surleuraction danslaRésistance etsur les écarts entre leurs récitset ce que les documentsrévélaient.J en avaisalorsbeaucoup entenduparler. Deux ans avant sa mort survenue le10 avril 2012, RaymondAubrac continuaità l évoquer très longuement. Je ne sais s il existe un épisode équivalent dans l historiographie belge.

Les conditions éprouvantes dans lesquelles s était déroulée cette table-ronde ont sans conteste marqué unerupture historiographiqueetinstitu-

4. La Résistance et le s Français. Nouvelles ap proche s , in Les Cahi ers de l’IHTP, nr. 37, décembre 1997.

5. Fr anço iS Marco T(ed.), Dictionnaire historiqu e de la Résistance, Rober t Laf font, 2006.

6. L’ident ité de la Résistance. Être résistant de l’Occupati on à l’après-guerre, Payot, 2010.

7. Voir : laurenT Douzou, La Résistance française : une histoire périlleuse, Seuil, 2005 et Pie rre laB or ie, Le chagrin et le venin.

Occupat ion. Résist ance. Idées reçues, Gallimard, 2014.

8. Libératio n, 25 juillet 1997. Tribune de : clair e anDrieu, chr iST ian Bou Gear D, laurenT Douzou, roBer T Fr ank, Jean-Marie Guillon, Pierre laBor ie, Fr ançoi S MarcoT, roBer T Menc herini, Deni S PeS chanSki, Jacqueline SaincliVier, Ser Ge WolikoW, Cette table ronde est tout le contraire d une leçon d histoire . Si elle en était une, elle serait détestable bien au- delà du cas des Aubrac .

9. Libérati on, 25 juillet 1997

10. Phil iPPe ar T iè reS, arle T T e Far Ge, Pie rre laBor ie, Tém oignage et récit historique in Sociétés & Représentations, nr. 13, 20 02, p. 199-206.

tionnelle

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.Le petitgroupede chercheurs àl ini- tiativedes colloques La Résistance etlesFran- çais avaient alors cosigné une tribune collective quienappelaitàquelquesprincipesde basedu métier d historien

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. Il y a une certaine naïveté de la part des historiens, écrivaient-ils— naïveté feinte à n’en point douter — à découvrir qu’un témoin n’est qu’un témoin, avec les défaillances et les reconstructions de sa mémoire, avec l’usage du faux pensé comme vrai, avec les variations dans son jeu de vérité »

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. Au-delàdesévidences répétées sur la nécessaire distinction entre histoire et mémoire ou entre vérité et délité, cette table- rondea constituéunvéritable événementépisté- mologique. La mise en perspective de ses écueils méthodologiquesapermisen retourdedévelop- per un travail de ré exion sur les logiques propres du témoignage ouvert aux apports d autres sciencessociales.Ainsi,lalittératureoul ethno- logie peuventpar exempleaider à appréhender letémoignage comme unrécitconstruitavec ses structures narratives spéci ques. « Nous savons aujourd’hui que son intérêt se trouve ailleurs. Les choses se compliquent encore du fait que l’intérêt n’est pas de savoir si le vrai est vrai, mais de com- prendre pourquoi ce ‘vrai’-là, qui est parfois faux, est ressenti comme vrai par celui qui veut le faire passer comme tel »

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.

Cette évolution renvoie à l une des principales remarques conclusives de Nico Wouters. la dif- férence des historiens belges José Gotovitch ou AlbertDe Jonghe,quiontmenéune bonnepar- tie de leurs recherches sur l Occupation dans une position d outsiders , les historiens français ont béné cié depuis les années 1950 du soutien logis -

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tiqueetformeld institutionstellesqueleCentre de documentation juive contemporaine (CDJC), le Comité d histoire de la Seconde guerre mondiale puisl Institutd histoiredutempsprésent(IHTP).

Cettegénérationdechercheursapuparailleurs trouver un prolongement scienti que solide grâce à un recrutement massif dans de nombreuses uni- versités. Tout en conservant une certaine délité à desinstitutionsquileurontbiensouventfacilité l accès à des archives encore muselées, ils ont su renouveler les questionnements et ouvrir la compréhension des phénomènes dela Seconde Guerre mondiale à l histoire des mentalités et desreprésentationsouauxapproches sociales et culturelles.Maisdesrupturesetdesdivergences interprétatives de fond révélées notamment par la table-ronde autour des époux Aubrac, le choix de recentrerl étudesur Vichyenlaissantàlamarge lesphénomènesderésistance,oul intérêtscien- ti queportéàd autresthèmesderecherche,ont changé la donne et ont ni par faire disparaitre le cadre institutionnel. C est là sans doute l une des principales dissemblances avec la situation belge.

Par ailleurs, à la différence d unehistoire de la GrandeGuerreaniméecesdernièresannéespar des débatsscienti ques relayés dans les revues universitaires spécialisées, l histoire de l Occupa- tion etdela Résistancene parvient pas àbéné - cier d une lisibilité comparable.

La situation est plus que paradoxale. Soixante- quinze ans après, le souvenir et les commé-

morations du dernier con it mondial semblent témoigner d une forte présence de son histoire.

On pourrait se réjouir de la place importante que ces événements occupent encore aujourd hui dans la production éditoriale ou dans les médias.

Mais cette présence, qui n échappe ni aux simpli- cations ni aux tentatives d instrumentalisations politiques, est une présence en trompe-l il.

Elle cachemalla trèsgrandediscrétion decette histoire dans les perspectives de recherche uni - versitaires, autant en termes de transmission des connaissances qu en termes de reconnaissance scienti que et institutionnelle. Les mêmes juge- ments convenus et souvent schématiques sur le rôle de la Résistance ou sur les comportements des Français sous l occupation allemande persistent, en dépit du renouvellement épistémologique et des efforts entrepris depuis plus de trente ans pour repenser des discours installés. En Belgique comme en France, l écart croissant entre les avancées de la recherchehistoriqueetlalonguepersistancedes idéesreçues sur la période de la Seconde Guerre mondiale ne cesse de questionner le rôle de l his- torien dans laconstructiondu rapportau passé.

Cette tension, qui perdure depuis la n des années 1970, bouscule les frontières ordinaires de ladis- cipline. Elle amène à redé nir en permanence les contours du métier d historien. Place des témoins, usageset enjeuxde mémoire, ctions et vecteurs de la transmission sont autant de phénomènes qui portent sur un passé toujours aussi présent des dis- cours parfois très éloignés du savoir.

Cécil e Vas t es t do cteur en histoire, chercheur associé au Laboratoire de recherches histori ques Rhône-Al pes (LARHRA – UM R CNRS 5190). Elle est l’au teur de L’identité de la Résistan ce. Être résistant d e l’Occupatio n à l’après-gu erre (Payot, 2010), et de La Résistance en Fran ce (1940-1944) (Milan , 2013). Elle a co dirigé avec Julien Blanc l’ouvrage co llectif Chercheurs en Résistance. Pistes et outils à l’usage d es historiens (Rennes, Pres ses universitai res de Rennes , 2014) et éd ité le livre posthume de Pierre Laborie, Penser l’évén em ent. 1940-1945 (Gall imard, Folio-histoire, 201 9).

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