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Ejbmphvf

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le lundi 3 novembre 2008

Numéro spécial

Le « Projet Berlin II » et la guerre à l’Est du Congo

Tragédie en 4 actes et un prologue

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Le « Projet Berlin II » et la guerre à l’Est du Congo Tragédie en 4 actes et un prologue

Prologue

1977/78 :

En 1977 et 1978 ont lieu les « Guerres du Shaba ». Elles révèlent un secret bien caché du Zaïre. Son armée, qui passait jusque là pour performante et fiable, est en réalité prête à se débander à la première attaque. Mobutu ne sera sauvé que par des interventions extérieures : marocaine d’abord, française et belge ensuite. A l’époque, l’on est encore dans une logique de guerre froide : peu importe qu’un régime soit corrompu ou dictatorial, l’Occident volera à son secours, du moment qu’il est anticommuniste.

Néanmoins, l’Opposition congolaise (alors composée pour ainsi dire exclusivement de mouvements de résistance armée presque tous en exil) en retiendra que pour renverser Mobutu, le problème n’est pas de vaincre les FAZ, mais de trouver un moment où l’on puisse compter que les secours extérieurs de l’Occident ne viendront pas le rétablir.

1980/82 :

Des pressions croissantes sont exercées sur Mobutu pour qu’il « démocratise » quelque peu son régime. Ces pressions sont assez peu efficaces dans la mesure où, ses interlocuteurs ne présentant pas un front uni, il est assez facile au dictateur de « jouer la carte française » quand il est en froid avec la Belgique, etc… Les mesures de « libéralisation » prises sont avant tout cosmétiques, comme de présenter dans certaines circonscriptions, plusieurs candidats, tous cependant membres du MPR. Certains des nouveaux élus font à grand bruit des interventions critiques au Parlement. Cette éloquence est bien accueillie tant qu’elle ne touche pas à la personne du Guide, mais celui-ci perd bientôt le contrôle de ses figurants et complices. Il s’ensuit, début 82 des poursuites contre treize parlementaires accusés de complot pour avoir adressé à Mobutu une longue lettre critique, dans laquelle le dictateur feint de voir un complot, dit « de la St Sylvestre ». C’est de là que sortira l’UDPS.

Cette « fronde parlementaire » suscitera le plus grand intérêt en Europe, en particulier chez les partis socialistes. EN effet, il leur apparaît désormais que le choix n’est plus entre le soutien Mobutu ou l’appui à des guérilleros plus ou moins marxistes, mais qu’il existe une forme d’opposition qui emble idéologiquement « fréquentable ».

I. Fin de la Guerre froide.

1° Opération « Monsieur Propre » et Projet « Berlin II. »

1990 :

La Guerre Froide prend fin, par la victoire des Etats-Unis. Ceux-ci n’ont donc plus d’adversaires pour incarner l’Empire du Mal. Celui-ci leur servait de justification idéologique à bien des choses, mais avait aussi un rôle très concret et matériel : la présence de l’adversaire justifiait de considérables dépenses militaires, empochées par le « complexe militaro- industriel ».

La disparition des « blocs » débarrassait aussi la politique américaine d’une lourde hypothèque : l’obligation de ménager les pays européens. L’un de ces « ménagements » avait

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consisté à leur concéder que le rôle de « gendarmes de l’ordre impérialiste en Afrique » serait joué par les anciennes puissances coloniales, et non directement par les Etats-Unis, ni par les pays africains eux-mêmes. Cela représentait certes une économie, mais cela allait à l’encontre des conceptions américaines puisque cela revenait à accepter une certaines prolongation de situations coloniales. Or, les Etats-Unis sont anticolonialistes. Ils le sont depuis toujours, mais d’une manière qui n’a rien d’humanitaire : elle ne repose pas sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais sur le droit des USA à s’emparer de tous les marchés ! Les colonisateurs, au contraire, érigeaient autour de leurs colonies des barrières en tous genres pour favoriser le commerce des métropoles, et essayaient autant que possible de les maintenir après les indépendances africaines. Hérésie aux yeux des Américains, pour qui la seule manière saine de procéder est de laisser partout jouer librement les lois de l’économie de marché, lois d’autant plus saines qu’elles sont truquées en leur faveur.

Spontanément, toute idée de situation privilégiée, de « régime de faveur » les énerve. Leur idéal est réalisé en Amérique centrale, dans les « républiques bananières ». Il y a indépendance puisque le pouvoir est exercé par la bourgeoisie locale. En réalité il y a sujétion totale, non seulement aux Etats-Unis, mais à l’une ou l’autre grande compagnie américaine.

En même temps que la disparition de la menace représentée par « l’ours russe » les dispensait d’un certain nombre de politesses envers leurs alliés européens, les Etats-Unis pouvaient aussi se débarrasser, sur le continent noir, d’un certain nombre d’alliances plus que gênantes avec des dictateurs mis et maintenus en place au nom de leur seule qualité d’anticommunistes.

Tous les régimes africains « musclés » se virent priés énergiquement par les Américains (ainsi que par les Européens, d’accord jusque là avec eux) de procéder, à travers des Conférences Nationales, à une démocratisation qui devait amener au pouvoir des gens propres et présentables (Dans l’esprit des stratèges de Washington : la bourgeoise des futures

« républiques bananières »). Parmi ces dictateurs, l’un des plus beaux spécimens était Mobutu.

Cependant, et du moins jusqu’à la Guerre d’Irak, les Etats-Unis persistèrent à utiliser les services de « sous-traitants », c'est-à-dire à confier le rôle de « gendarmes » à des puissances régionales qui leur étaient très étroitement liées. C’est, par exemple, le rôle que joue Israël au Moyen-Orient.

Leur préférence va, toutefois, à un allié régional, non à des interventions aussi « exotiques » que les expéditions des paras français. Et, durant la période qui va de la Chute du Mur au 11 Septembre 2001, où le besoin de ménager leurs alliés européens se faisait beaucoup moins sentir qu’auparavant, les Américains, en particulier les Démocrates de l’administration Clinton, appuyèrent une « Nouvelle Renaissance Africaine », sorte d’impérialisme

« tropicalisé », appuyé idéologiquement sur un discours inspiré du panafricanisme des années 60, dont la figure de proue était Yoweri Kaguta Museveni. Et, faut-il le rappeler, celui-ci a dû son arrivée au pouvoir à des troupes parmi lesquelles il y avait de nombreux réfugiés rwandais, dont Kagame !

Mascotte de la politique subsaharienne de l’administration Clinton, la « dynamique de la renaissance » englobait notamment les régimes ougandais de Museveni et rwandais du duo Bizimungu-Kagame et ceux de l’Ethiopien Meles Zenawi, de l’Erythréen Issaias Afeworki et du Sud-Africain Nelson Mandela. Les démocrates américains voulaient voir dans le volontarisme pragmatique affiché par ces nouveaux leaders la projection d’une Afrique idéale, alignée harmonieusement dans l’évolution d’un monde globalisé. En fait, cette catégorisation manichéiste reposait sur une perception biaisée de la réalité. Malgré l’existence de structures formelles de bonne gouvernance dont ils avaient été érigés en « modèles », Museveni et Kagame, deux membres en vue de cet aréopage, étaient à la tête de régimes politiquement verrouillés.

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Or, l’une des thèses qui hantaient les esprits des penseurs politiques de la « Renaissance Africaine » était que l’intangibilité des frontières était une idée dépassée datant des « vieilles lunes » de l’OUA, que ce qu’une première Conférence de Berlin avait fait en 1885, une seconde conférence pourrait le revoir à la fin du XX° siécle et que l’on pourrait, notamment, dépecer le Congo « puys trop vaste pour être dirigé depuis Kinshasa »1

Les Conférences Nationales convoquées un peu partout en Afrique dans le but d’en finir en douceur avec des régimes autoritaires et corrompus donnèrent des résultats divers. En Afrique Centrale et des Grands Lacs, ils furent en général mauvais. Au Congo Brazzaville et en Centrafrique, on ne put éviter la guerre civile Lissouba/Ngueso et Bozizé/Patassé. L’état burundais implosa plus ou moins jusqu’à la quasi-inexistence. Quant au Rwanda, nous aurons à en reparler longuement…

Au Congo, alors encore affublé du nom de Zaïre, ce furent, à partir de 1990, les divers épisodes mouvementés de la Conférence Nationale Souveraine. .Même après la

« libéralisation très relative qui entoura la « consultation nationale », puis les divers avatars de la CNS, il y aura des heurts parfois graves entre l’UDPS et le pouvoir mobutiste. Citons, en avril 1991, la répression sanglante de manifestants à Mbuji Mayi, et en juillet 1993, la répression également sanglante de manifestants à Kinshasa. Le 20 janvier 1994, quant a lieu la fusion HCR + Parlement de Transition (ancien parlement mobutiste), cette manoeuvre qui aboutit à donner la majorité aux mobutistes dans le HCR-PT est dénoncée par l’UDPS.

A peu prés à cette même époque, la CNS avait abouti à un blocage complet.

Dés 1990, l’épisode du « massacre fantôme » de Lubumbashi (On a toujours cherché en vain sinon les cadavres, du moins des proches des victimes, des familles ayant perdu un membre…) ay sujet duquel la Belgique avait bruyamment réclamé une enquête, offre à Mobutu une occasion « en or » de rompre toutes relations avec la Belgique. Certes, la diplomatie de Mobutu a toujours été riche en bouderies et en foucades. Néanmoins, on peut penser que le Maréchal avait discerné dans la classe politique belge, et d’ailleurs chez d’autres européens également, des courants qui tendaient à penser à Tshisekedi comme à « une alternative crédible » (lisez : un homme qui apporterait une démocratie bourgeoise, mais ne prétendrait pas établir une démocratie économique).

En 1994, le dictateur retrouve un instant l’espoir de jouer à nouveau le rôle d’allié indispensable des Occidentaux, lorsque la France demande et obtient de transformer, par son opération Turquoise, l’Est du Congo en « sanctuaire » pour les FAR et les réfugiés Hutu.

C’était jouer le mauvais cheval,, dans la mesure où cela reposait sur l’hypothèse que le jeu des USA était toujours de faire passer leur influence, en Afrique, par les ex-colonisateurs.

1 Vaste, oui, mais le Congo est loin d’être le plus vaste pays du monde. Et il a bien été dirigé depuis… Bruxelles.

D’autre part, s’il est difficile de le diriger « depuis Kinshasa », cela prouve tout au plus qu’il faudrait déplacer la capitale coloniale, située à la sortie du pays, vers un emplacement central qui répondrait mieux à un rôle

« national ».

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2° On massacre au Rwanda

1994.

Le « génocide » rwandais a fini par occuper une telle place dans les esprits qu’on oublie que les massacres de 1994 ont eu lieu alors que le pays était déjà en prie à une guerre civile, elle-même conséquence d’une « opération Monsieur Propre » qui avait dégénéré.

Les termes du problème sont assez simples : depuis son Indépendance, le pays avait eu deux régimes successifs qui, au nom d’une équation simpliste « démocratie = pouvoir de la majorité », avaient établi un pouvoir empreint d’ethnisme, dominé par les seuls Hutu majoritaire, au détriment des Tutsi.

Confronté à la demande de « s’ouvrir à l’opposition », Habyarimana pouvait certes le faire sans trop de peine vis-à vis de partis qui représentaient les « malcontents » de la bourgeoisie Hutu, qui n’étaient demandeurs que sur le plan du fonctionnement des institutions ou la répartition régionales des moyens de l’Etat. Mais il y avait aussi des organisations à dominante Tutsi, d’autant moins maniables qu’elle s’étaient constituées hors du pays, soit au Burundi, longtemps dominé par un régie tutsi non moins marqué d’ethnisme, où leur

« tutsisme » s’était radicalisé, ou en Ouganda, où ils étaient devenu un élément d’élite de l’armée de Museveni. Avec ces derniers, en particulier, dont l’expression politique était le FPR, les choses se gâtèrent et on en vint aux armes.

Les événements qui suivent, en 1994, sont connus, sinon dans leurs causes, du moins dans leur déroulement. Alors que la guerre civile fait déjà rage, l’avion du Président est abattu.

Cela déclenche les massacres qui seront appelés « génocide ». La guerre civile tourne malgré tout à l’avantage du FPR, qui établit son régime politique dont Kagame est, depuis le début

« l’homme fort » et, quelques temps après, le Président.

Y a-t-il eu un génocide au Rwanda ?

Nonobstant les ennuis judiciaires d’auteurs comme Mr. Pierre Péan, nous somees d’avis qu’on peut parfaitement remettre en cause le génocide rwandais de 1994, sans pour autant nier qu’il y a eu dans ce pays des massacres gigantesques et absolument atroces, ayant fait au bas mot 800.000 morts et peut-être plus.

Cela n’établit pas pour autant qu’il y a eu génocide !

Celui-ci ne se définit pas, en effet, par la hauteur du tas de cadavres. Il y a en Amazonie des groupes humains qui ne comptent pas 100 personnes, mais qui sont bel et bien des « peuples » ayant chacun son identité, ses institutions, sa langue et sa culture. En faire disparaître un physiquement est un génocide. L’explosion de la bombe d’Hiroshima, qui a fait des centaines de fois plus de morts, n’en était pas un. En effet, un génocide se définit uniquement comme la volonté de faire disparaître l’entièreté d’un groupe humain, que celui-ci soit grand ou petit. Le nombre n’importe en rien et ne change rien à la chose.

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Or, précisément, Mr. Péan ne niait pas l’existence du massacre. Mieux, il ne niait pas le génocide. Il le niait même si peu qu’il en a trouvé deux !

Ce faisant, il se trouvait coincé entre deux poids lourds : la thèse officielle rwandaise et la non moins officielle thèse française. Que faut-il faire quand non seulement il y a une vérité obligatoire, mais qu’il y a plusieurs vérités officielles contradictoires ?

Kagame et le FPR tiennent beaucoup à proclamer que, dans l’affaire du génocide, ils étaient, comme on dit, « le chevalier blanc ». Leur action militaire est si bien décrite comme dirigée contre le génocide, qu’on en oublierait bien que les massacres ont commencé dans un pays qui était déjà en proie à la guerre civile ! Guerre civile, il faut l’ajouter, qui opposait le FPR à un régime politique dont nul ne peut contester qu’il était établi sur la discrimination ethnique et la violence au détriment des populations cataloguées « tutsi ». Une victoire militaire accompagnée de l’élimination d’un régime politique et de son appareil ne va pas sans l’élimination physique d’un certain nombre de soldats ennemis et de cadres politiques du régime à renverser. Dans le cas du Rwanda, une telle « épuration » faisait des victimes hutu, puisque le régime était établi sur une base ethnique !

La thèse qui a les sympathies de la France et qui sous-tend l’action de personnes comme le juge Bruguière consiste à faire de ces morts hutu les victimes d’un second génocide. Les Tutsi auraient entrepris une sorte de vengeance « grandeur nature » pour le génocide des leurs par les Hutu. Cela présente l’avantage que dès lors l’Opération Turquoise 2 revêt un caractère

« acceptable » d’opération humanitaire pour mettre à l’abri les Hutu menacés par ce second génocide.

Deux remarques s’imposent ici :

- si le nombre des morts est assez nettement établi, car le chiffre de 800.000 victimes semble faire l’unanimité, toute précision sur leur appartenance ethnique est absente. La formule la plus précise que l’on puisse obtenir est « ils ont tué les Tutsi et les opposants politiques hutu modérés ».

- comme il est presque de règle en matière de troubles « ethniques » ou « raciaux », il n’y a aucune définition claire et univoque de qui est Tutsi et qui est Hutu. La question a fait l’objet de polémiques interminables entre ethnologues, sans qu’on y voie plus clair dans la bouteille à encre. En effet, l’appartenance « ethnique » est déterminée par le seul père. Outre le fait qu’il est quand même aventureux de supposer que le mari de la mère est toujours le géniteur, les puissants ont toujours, comme partout, abusé de leur pouvoir pour collectionner les femmes.

Si l’on est donc, suivant la coutume, à 100% de l’ethnie de son père, il est probable, et c’est même une quasi-certitude, que dans la réalité génétique il n’y a qu’une infime minorité de Tusi et de Hutu « purs », et que l’écrasante majorité de la population est issue de croisements répétés entre les deux groupes qui, rappelons-le, cohabitent depuis environ mille ans.

2 Elle consistait à faciliter l’évacuation des FAR, Interahamwe et autres en direction de « sanctuaires » établis, avec la bénédiction de Mobutu, en territoire zaïrois. Pour cela, il fallait entraver l’avance du FPR, d’où l’accusation envers les Français de « complicité dans le génocide » dont ils auraient augmenté la durée en retardant les « sauveurs » du FPR.

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Nous avons donc la certitude que :

- plusieurs centaines de milliers de personnes ont péri de mort violente en un temps très court.

- parmi ces personnes il y avait des membres des deux ethnies et il est pratiquement impossible de déterminer dans quelles proportions.

Un amoncellement de cadavres hutu et tutsi, cela fait un massacre rwandais, non un génocide.

Il y a certes un point commun : il est manifeste que le régime rwandais, après le meurtre d’Habyarimana, a déclenché un plan d’élimination3 de toute opposition et a dressé ses listes en fonction de l’idée que si les Hutu devaient être tués en fonction de leurs opinions politiques, les Tutsi, eux, seraient d’office considérés comme « opposants ». Ce la n’a malheureusement rien d’un fait exceptionnel. Il est hélas courant en Afrique, quand les haines politiques s’enveniment jusqu’à en venir aux meurtres et aux lynchages, qu’un certain nombre de personnes subissent des avanies diverses, allant du passage à tabac jusqu’au meurtre, simplement parce qu’ils sont de l’ethnie ou de la région d’origine de tel ou tel dirigeant. On en a vu de nombreux exemples durant les diverses guerres civiles qu’a connu le Congo.

Ce dont nous avons des traces et des preuves, à propos du Rwanda, c’est d’une élimination féroce et impitoyable de tous ceux qui n’étaient pas de fermes et fanatiques soutiens du régime Habyarimana, avec, pour les Tutsi, le présupposé qu’ils étaient du nombre de par leur appartenance même à cette ethnie4. C’est féroce, monstrueux et inadmissible. C’est un crime contre l’humanité. C’est Dachau5 ! … Mais ce n’est pas Auschwitz ! Ce n’est pas un génocide.

Et l’on ne comprend pas pourquoi quelqu’un qui dirait cela, sans remettre aucunement en cause l’existence du massacre, devrait être taxé de « révisionnisme » ou de « négationnisme ».

On ne comprend pas pourquoi… à moins d’accepter la réponse suivante : parce que le génocide est le « fonds de commerce » politique de Kagame et de son FPR6. C’est

3 Plan à propos duquel se pose le « mystère de l’Akazu ». Massacre ou génocide, le meurtre de 800.000 personnes en peu de temps suppose une organisation et un « centre nerveux ». C’est si logique et si évident qu’on en a conclu à l’existence d’un tel « cerveau » et qu’on lui a même donné un nom : Akazu. On en a même précisé l’organigramme : la famille et la belle-famille d’Habyarimana. Mais on n’a jamais pu apporter aucun témoignage ou document de nature à établir son existence matérielle. Tant que ‘l’Akazu restera une chose dont on ne peut que supposer l’existence, sans avoir une ombre de preuve, tout enquêteur, qu’il soit historien ou policier, sera en droit d’émettre à son propos toutes les hypothèses. Celles qui concernent l’entourage Habyarimana, bien sûr ; Mais aussi celles qui peuvent viser d’autres personnalités, y compris des Tutsi, et, pourquoi pas, Kagame lui-même !

4 Et comme (voir plus haut) il est impossible de savoir exactement à quelle ethnie appartient une personne, sauf ses proches voisins, il y a beaucoup à parier que bien des meurtres ont en fait eu lieu au hasard !

5 Dachau est une localité de Bavière où l’on a installé, dès 1933, le camp de concentration où ont été placés les opposants allemands (communistes, socialistes), accompagnés déjà de quelques détenus « ethniques » : juifs ou tziganes.

6 Les vrais « négationnistes », dans le genre de Faurisson, nient carrément tout massacre des Juifs durant le seconde guerre mondiale. C’est tout différent de ce que faisait Péan, qui voulait évoquer un « double génocide »

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essentiellement à des fins politiques que Kagame tient à l’utilisation du mot « génocide ». Il lui permet de reprendre l’argumentation israélienne : « J’ai été génocidé, donc je puis me permettre n’importe quoi ».

A l’été 2008, le Rwanda a une nouvelle fois accusé la France d'avoir activement "participé" à l'exécution du génocide de 1994, laissant entendre pour la première fois la possibilité de poursuites judiciaires contre d'anciens dirigeants politiques et responsables militaires français.

En effet, le ministre de la Justice rwandais, Tharcisse Karugarama, a présenté à la presse les conclusions du rapport de 500 pages de la commission d'enquête rwandaise sur le rôle supposé de la France dans le génocide, qui avait entamé ses travaux en avril 2006 et dont la France a depuis rejeté toute légitimité.

Selon ce rapport la France était "au courant des préparatifs" du génocide, a "participé aux principales initiatives" de sa mise en place et "à sa mise en exécution".

"La persistance, la détermination, le caractère massif du soutien français à la politique rwandaise des massacres (...) montrent la complicité des responsables politiques et militaires français dans la préparation et l'exécution du génocide des Tutsis de 1994", indique le communiqué du ministère de la Justice reprenant les principales conclusions du rapport.

Au rang des 13 dirigeants français incriminés par le rapport, figurent notamment le président français à l'époque des faits François Mitterrand, le Premier ministre Edouard Balladur, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, son directeur de cabinet Dominique de Villepin ou encore le secrétaire général de l'Elysée Hubert Védrine. Incontestablement, comme on dit

« du beau linge » !

Derrière l’affrontement entre Rwandais se profilait la concurrence entre deux lignes politiques à l’échelle du continent africain : celle, traditionnelle, des Européens, avec le maintien des frontières coloniales, des « amitiés particulières » des pays avec leur ancienne métropole et le maintien, donc, du Rwanda dans une orbite francophone et « européophile », et celle de la

« renaissance africaine » de Museveni et consorts, qui avait la sympathie des Etats-Unis, et qui pouvait aller jusqu’à impliquer un « nouveau Berlin » et un remodelage de l’Afrique. Le Rwanda et le Burundi, qui sont objectivement en Afrique de l’Est, y étaient perçus plutôt comme devant rejoindre l’Afrique orientale, majoritairement anglophone7.

Cela menait bien sûr les Européens à pencher plutôt vers le maintien du régime Habyarimana, les Français, par sollicitude envers tout ce qui est francophone, et la Belgique, ou plus exactement le Roi Baudouin8, parce que ce régime laissait pratiquement les Missions catholiques faire la pluie et le beau temps. Les Belges se trouvèrent dés le début des

ou de ce que peuvent faire ceux qui, reconnaissant l’existence de massacres, estiment simplement que ceux-ci ne rentrent pas dans la catégorie des génocides.

7 Ces vues sont loin d’être déraisonnables. Le Rwanda est beaucoup plus proche de l’Océan Indien que de l’Atlantique. D’autre part, n’ayant qu’une seule langue nationale, il n’a jamais besoin de recourir au français pour son usage intérieur. Le choix de la langue est donc simplement le choix de la seconde langue (européenne) dans l’enseignement. Pourquoi pas l’anglais ?

8 On l’a su depuis par des ministres qui ont « découvert la couronne », le gâchis militaire qui devait entraîner la mort des paras belges n’a été engagé que sur les instances du Palais. Le gouvernement Maertens n’y était pas favorable.

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événements mis « hors-jeu » par l’affaire des paras et la France se trouva donc seule à intervenir militairement sur place.

Précisément, la commission d'enquête porte également des accusations très lourdes contre des soldats français de l'opération militaro-humanitaire Turquoise (fin juin-fin août 1994). Celle- ci fut officiellement humanitaire. Il paraît difficile de ne pas voir dans cet « humanitaire » une velléité de soutenir le régime « hutiste » ou de s’assurer que celui-ci pourrait évacuer suffisamment de forces intactes pour préparer sa revanche.

Evacuer un nombre important de personnes vers le Zaïre voisin et y établir pour eux un

« sanctuaire », cela impliquait l’accord de Mobutu et nous savons9 que celui-ci fut acquis par un coup de téléphone direct des Mitterrand à son homologue zaïrois. Mobutu sauta sur l’occasion. Il avait réussi à bloquer la Conférence Nationale Souveraine, mais n’avait pas reconquis un soutien international. Faire plaisir aux Français lui en offrait l’occasion !

Du point de vue congolais, il est tout de même utile de relever que c’est donc une intervention diplomatique française qui allait créer un gigantesque problème à ce jour non résolu ! Avant cela, il y avait au Congo des Congolais de langue et de culture rwandaise, comme les Banyamulenge et Banyabwisha, plus un certain nombre de réfugiés, souvent des Tutsi chassés par les « quota ethnique » qui les privaient de toute possibilité d’emploi au Rwanda. C’est à partir de 1994 que leur nombre va gonfler démesurément et comprendre des hommes organisés et en armes !

La thèse de Kigali va plus loin : elle est qu’en plus de ce soutien difficilement niable, la France a été complice du massacre lui-même.

"Des militaires français ont commis eux-mêmes directement des assassinats de Tutsis et de Hutus accusés de cacher des Tutsis (...) Des militaires français ont commis de nombreux viols sur des rescapées tutsies", accuse le communiqué rwandais. Les militaires français, selon le texte, "ont laissé en place les infrastructures du génocide, à savoir les barrières tenues par les Interahamwe (extrémistes hutus). Ils ont demandé de façon expresse que les Interahamwe continuent à contrôler ces barrières et à tuer les Tutsis qui tenteraient de circuler". "Vu la gravité des faits allégués, le gouvernement rwandais a enjoint les instances habilitées à entreprendre les actions requises afin d'amener les responsables politiques et militaires français incriminés à répondre de leurs actes devant la justice", selon le document.

A Paris, le ministère de la Défense a renvoyé à sa position exprimée dès le 9 février 2007 dans un communiqué, déniant "impartialité" et "légitimité" à la commission d'enquête rwandaise.

"La France assume pleinement son action au Rwanda en 1994 et notamment celle de ses forces armées. Elle soutient sans réserve l'action de la justice pénale internationale et s'en remet à son appréciation conformément aux exigences légitimes de l'État de droit", déclarait ce communiqué de la Défense française.

9 Témoignage, jamais contredit, de Kengo wa Dondo, alors Premier Ministre.

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Lors de la présentation de ce rapport, diffusée par la télévision rwandaise, le ministre de la Justice a déclaré que "ce rapport n'est pas un dossier criminel (...) C'est une bonne base pour d'éventuelles procédures légales".

Lsquelles ?

Le 18 juin, Kigali avait fait savoir qu'il souhaitait recourir à la compétence universelle prévue dans ses textes de loi en vue de poursuivre devant ses juridictions des non-Rwandais accusés d'être impliqués dans le génocide. Kigali a rompu fin novembre 2006 ses relations diplomatiques avec Paris après que le juge français Jean-Louis Bruguière eut réclamé des poursuites contre M. Kagame pour sa "participation présumée" à l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, un des éléments déclencheurs du génocide.

Début juillet, le président rwandais Paul Kagame a menacé de faire inculper des ressortissants français pour le génocide de 1994 si les tribunaux européens n'annulaient pas les mandats d'arrêt émis contre des responsables rwandais. Ce faisant, il laisse passer un assez grand bout d’une longue oreille : beaucoup plus que le souci de la justice, ce qui l’anime pourrait bien être une envie de marchander…

Marchandage qui pourrait ne pas être seulement judiciaire. Au-delà de la question de ce que les Français ont ou n’ont pas fait en 1994, le torchon qui brule entre Paris et Kigali concerne aussi le fait que les Français ont été pratiquement les seuls à donner quelque appui aux FDLR.

Or, ils jouent un rôle fondamental en matière de sécurité dans l’Est du Congo, qui s’est encore accru avec la fermeture du consulat belge de Bukavu (fermeture qui pourrait avoir été le but réel des « maladresses » du ministre De Gucht).

Les Français pourraient donc être les principaux « empêcheurs de danser en rond » - et donc des gens qu’il convient de mettre dans une position aussi inconfortable que possible – au cas où Kagame aurait l’intention de reprendre ouvertement les opérations offensives contre l’Est du Congo, qui n’ont jamais cessé depuis 1998 mais se sont quelques temps dissimulées sous le « faux nez » de Nkunda et de son CNDP.

3 : Libération intéressée du Congo

1996 :

Une fois le Rwanda entièrement contrôlé par le FPR, le projet de Nouvelle Conférence de Berlin refit surface, à l’occasion précisément de la présence, dans l’Est du Congo, de nombreux réfugiés rwandais, parmi lesquels bientôt certains furent organisés dans le FDLR.

Sur le plan des grands principes, l’idée que l’on pourrait cesser de considérer comme intangibles les frontières héritées de la colonisation n’a rien de condamnable. Mais bien sûr à la condition absolue que cela soit fait par les Africains seuls, que cela se passe sans aucun recours à la force et que les populations concernées soient consultées. A ces conditions (et alors seulement), l’on pourrait se débarrasser d’un certain nombre d’absurdités cartographiques héritées du « scramble » des années 1880.

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Chez Museveni, Kagame et les autres disciples du Penseur ougandais, ces hautes considérations de géopolitique dissimulaient mal de grands appétits de l’Ouganda pour les gisements congolais proches de ses frontières, et des motivations rwandaises encore plus impératives. Là aussi, la faim de matières précieuses n’était pas négligeable, mais on voyait aussi les Kivu comme un espace où l’on pourrait envoyer en « colonisateurs » les surplus de population d’un Rwanda fort à l’étroit dans ses frontières, ainsi qu’un champs de bataille où un certain nombre de « cow-boys » de l’APR pourraient aller exercer leurs talents et peut-être trouver une fin glorieuse, plutôt que de rester oisifs à Kigali, où l’inaction pourrait leur donner l’idée de conspirer… Enfin, il faut tenir compte dans le chef de Kagame qu’il partage avec Hitler d’avoir une politique raciste, mais aussi d’y croire. Les FDLR sont pour lui une obsession, de même que l’établissement d’un Tutsiland, seul capable à ses yeux de garantir la survie de son ethnie…

Les Etats-Unis n’étaient pas forcément enthousiasmés par les plans de leurs alliés, mais ils pouvaient raisonnablement penser qu’une « balkanisation » du Congo pourrait les favoriser, une partie allant à leurs alliés, cependant que le reste du Congo pourrait s’avérer un interlocuteur plus souple. Une république bananière doit de préférence être un état d’assez petite taille… Sans être donc particulièrement partisans d’aventures militaires conquérantes, ils n’en étaient cependant pas des adversaires acharnés.

Les Européens, de leur côté, tout en souhaitant aussi le remplacement du dictateur par les

« messieurs propres » d’une démocratie bourgeoise, tablaient davantage sur le maintien de l’intégrité des territoriale des états et sur l’opposition présente à l’intérieur de la CNS. Mobutu avait, en 1990, coupé tous les ponts avec la Belgique, y compris la coopération. Et il est sans doute symptomatique que l’un des actes posés par Tshisekedi10 dans sa tentative pour exercer ses pouvoirs d’éphémère Premier Ministre, fut de vouloir les rétablir.

Malheureusement, le sabotage et le blocage des institutions par Mobutu à partir de 1993 et sa décision d’admettre, pour courtiser la France, que l’Est du Congo devienne une base d’opération pour les rebelles rwandais allaient avoir pour résultat de rendre légitime le recours à la force pour se débarrasser de la dictature et de donner à Kagame une raison auréolée de quelque vraisemblance pour intervenir violemment en territoire congolais et dans les affaires congolaises. Cela ouvrait les portes à un possible dépeçage du Congo.

Laurent Kabila., fort longtemps avant 1996, était littéralement obsédé par une idée dont nous avons vu qu’elle date des « Guerres du Shaba ». Depuis lors, on connaissait la vulnérabilité militaire de Mobutu, dont les FAZ n’excellaient que dans la retraite précipitée. Mais on savait aussi qu’il serait toujours sauvé par des interventions occidentales. La question était donc de trouver l’ouverture, la circonstance où, par exception, le « parapluie » impérialiste ne serait pas déployé au-dessus du dictateur. C’était, disait-il, la seule possibilité imaginable pour

10 Rappelons aussi que durant cette période, l’UDPS fut hébergée dans des locaux appartenant au PS belge.

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qu’une révolution puisse être victorieuse au Congo. Cette considération l’emportait à ses yeux sur tout le reste.11

Et il est manifeste qu’il n’a cherché dans l’alliance rwandaise qu’un « passeport » permettant de bénéficier de la bienveillance américaine. Qu’il ait décidé de faire sortir une vraie guerre de libération d’une entreprise conquérante rwandaise, cependant que les rwandais s’efforçaient d’utiliser la volonté de libération des Congolais au profit de visées impérialistes, chacun cherchant plus ou moins à entuber l’autre, ce sont là de ces coups fourrés entre alliés comme il s’en donne dans bien des guerres. C’est courant en politique, même si ce n’en est pas le plus beau côté.

Quoi qu’il en soit, la guerre qui commença en 1996 était bien, dans l’esprit de Kabila et de l’AFDL, une « guerre de libération » et elle mérite d’ailleurs ce nom puisque, entreprise pour mettre fin à une dictature vieille de 40 ans, elle en amena effectivement la chute. L’intention de Kabila était donc conforme au « plan européen » c'est-à-dire au maintien du Congo dans ses limites de 1960. Il ne l’était malheureusement pas quant à la façon de penser de son leader, résolument à l’opposé des politiciens de la CNS.

D’autre part, les intentions rwandaises ne faisaient aucun doute. Plus que tout autre membre de l’alliance hétéroclite qui avait soutenu la marche de 1’AFDL vers Kinshasa, le Rwanda tenait à contrôler de près le nouveau régime congolais. Il eut, dans ce but, une structure spéciale, le Congo desk, une structure de coordination composée de stratèges du Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir. Celui-ci serait la fosse aux serpents d’où seraient dirigées plus tard toutes les opérations rwandaises (ouvertes ou masquées en opérations de

« rebelles ») lors des guerres ultérieures. Il avait été constitué à cette fin dès le premier trimestre 1996 par le général Paul Kagamé. Placée sous la tutelle de l’Externat security organization12, une branche des services spéciaux du Rwanda, cette officine a incontestablement inspiré toutes les décisions sur la conduite de la guerre, l’administration des territoires occupés et la gestion des biens ramenés du Congo par le corps expéditionnaire rwandais. Ses membres étaient exclusivement Tutsi, majoritairement officiers de l’Armée patriotique rwandaise (APR), et anglophones Kayumba Nyamwasa, James Kabarebe, Karenzi Karake, Jack Nzinza, Charles Kayonga, Patrick Karegeya, Dan Muhuzi, Emmanuel Ndahiro, Emmanuel Rudasingwa, Rose Kanyange Kabuye, Charles Murigande, Patrick Mazimpaka, Tito Rutemera et Emmanuel Kayitana. 13

Les vraies raisons de la rupture entre les régimes rwandais et ougandais d’une part et les vainqueurs de Mobutu d’autre part restent aujourd’hui encore sujettes à controverse, mais cela importe assez peu ici. Il est certain que Laurent Kabila donna des signes d’indépendance dès que la marche victorieuse14 de l’AFDL l’eut amenée au Katanga et au Kasai. Le premier

11 Il n’est pas exclu non plus qu’il ait gardé de sa jeunesse lumumbiste une certaine confiance naïve dans le panafricanisme qui peut l’avoir poussé à ne pas tenir suffisamment compte des arrière-pensées rwandaises .

12 On remarquera que ces institutions rwandaises portent des noms anglais, mais même des noms rédigés en anglais d’Amérique ! Les Britanniques écrivent « Organisation ».

13 D’après Lambert MENDE, « Dans l’œil du cyclone, Paris, L’Harmattan, 2008, page 53.

14 Lorsque l’AFDL et ses alliés prirent le contrôle de l’Est du Congo, un certain nombre de massacres furent commis. Certains n’hésitent pas à en faire peser la responsabilité sur l’AFDL et en particulier sur les Kabila, tant Laurent, entant que Chef de l’AFDL, que Joseph, alors officier subalterne. Or, au sujet de l’AFDL, deux thèses s’affrontent : du côté AFDL/PPRD/Kabila on présente l’AFDL comme le mouvement libérateur qui a débarrassé le Congo de la dictature. Chez leurs adversaires, la même guerre a été menée uniquement par le Rwanda et l’Ouganda, l’AFDL arrivant comme gouvernement-fantoche dans les fourgons de l’envahisseur. Néanmoins, on

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incident sérieux remontait déjà au 17 mai 1997, lorsque Laurent-Désiré Kabila, dont les troupes, encadrées par la coalition régionale anti-Mobutu, venaient de capturer Kinshasa, s’était proclamé chef de 1’Etat sans l’aval de Kigali.

L’UDPS (éclatée en deux tendances Tshisekedi <> Kibasa), se montre relativement favorable à Kabila pendant les opérations militaires qui ménent à la libération du pays, mais prend presque aussitôt une attitude oppositionnelle dès qu’il s’avère que l’AFDL ne compte pas laisser des partis ayant collaboré avec le mobutisme tirer les marrons du feu. Tshisekedi, en particulier, se cramponne à sa prétention à être le seul Premier Ministre possible, parce qu’élu par la CNS.

Le parti est en fait déchiré entre des tendances multiples. Tshisekedi a l’attitude que l’on sait.

L’autre co-président, Bwankiem, pencherait davantage pour une collaboration sans condition avec l’FDL. Enfin, Justine Kasa-Vubu, Paul Bandoma et Sondji sont carrément au gouvernement. Cela leur vaut les foudres de Tshisekedi, mais ils semblent par contre être appuyés par la puissante interfédérale de « Léopoldville » (au sens colonial: la province comprenait Kin, le Bas Kongo et le Kwilu, c’est à dire en pratique les territoires habités en majorité par des Bakongo.)

On a sans doute sous-estimé un fait, dans la genèse des maladresses de LK et de l’AFDL : extrêmement méfiants (avant de devenir ensuite trop « coulants ») envers tous ceux qui, étant restés au Congo, leur semblaient plus ou moins suspects de « mobutisme », ils amenèrent au pouvoir des Congolais revenant de l’exil, des Congolais de la diaspora, plus un certain nombre de Congolais d’origine incertaine qui avaient plutôt l’air d’être Rwandais. Ceux qui allaient être censés exercer le pouvoir ne se doutaient pas de l’état de délabrement du pays et de sa machine administrative.

Ce qui importe davantage, c’est le singulier manque de souplesse et d’imagination des Européens (qui suivaient la Belgique, « spécialiste » comme ex-colonisatrice). Ils resteront braqués sur la même ligne politique qui était la leur avant 1997 : maintien du Congo dans ses frontières, certes, mais aussi exigence de l’arrivée au pouvoir des politiciens de la « Transition mobutienne », sans admettre qu’un changement fondamental a eu lieu et que la démocratisation c’est d’abord, bien plus que des élections et des palabres, l’élimination de la dictature.

Bien sûr, les Européens n’étaient pas les maîtres du jeu international, et il leur fallait compter avec les Etats-Unis. C’est sans doute là l’origine de la politique « d’équidistance » qui empoisonne le terrain politique congolais depuis lors.

II . La Guerre Africaine

1° Mortelle équidistance

veut également lui faire porter la principale responsabilité dans ces massacres. C’est illogique ! Ou bien l’AFDL est le principal auteur ET de la libération ET des massacres, ou bien, n’ayant été dans la libération que le « petit boy » des Rwandais, il en a été de même des atrocités. A ce jour, la question reste pendante…

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1998

Jamais sans doute dans l’histoire un homme qui avait incontestablement été le catalyseur d’un mouvement libérant son de 40 ans de la pire des dictatures, n’aura été récompensé par un barrage de haine tel que celui qui s’éleva contre Laurent Désiré Kabila.

Haine des privilégiés du régime défunt, ce qui était naturel. Ils n’iraient plus à la soupe. Haine d’un certain nombre de carriéristes et de phraseurs, prêts à se faire un marchepied de leurs propres militants. L’efficacité de Kabila leur faisait de l’ombre. Haine de ses alliés d’hier. Ils trouvaient un allié

ayant son indépendance, là où ils auraient voulu un pantin servile. Haine de ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale », ce qui est tout de même un grand nom pour un homme seul, dans le bureau ovale de la Maison Blanche. Le Congo a des richesses naturelles et du pétrole et donc, comme dirait Lucas « L’Empire contre-attaque ». Haine enfin, et là nous touchons au scandale, de la Belgique. Il ne fut pas, un seul instant, question de manifester à Laurent Kabila l’ombre de la moitié du quart de la patience et de l’esprit de compréhension qu’on avait prodigué pendant trente-cinq ans au pitre sanglant de Gbadolite.

Le soutien du gouvernement belge est réservé, exclusivement, à ses anciens indicateurs. Si c’était méconnaissance des réalités congolaises, jamais on n’est descendu aussi bas dans l’ordre de l’ignorance. Si c’était du machiavélisme de comptoir, jamais on n’est descendu de manière aussi déshonorante dans l’ordre de la malhonnêteté. Mais il est vrai que la Belgique fait partie de la « communauté internationale »...

Aussi, quand le Congo fut attaqué par des armées étrangères, appuyées par des supplétifs congolais recrutés parmi la lie des serviteurs du régime défunt, ou tout simplement parmi la Pègre, s’empressa-t-on de proclamer que certes, cette attaque n’était pas quelque chose de vraiment bien... Mais enfin, les vilains attaquaient quand même Kabila, ce pelé, ce galeux, qui lui était un « pas beau ». Quant aux auxiliaires de l’envahisseur, on s’empressa de voir en eux des « opposants armés », un peu violents, certes, mais animés de belles motivations patriotiques15 . Kabila assassiné, on adopta un ton plus modéré envers le petit jeune homme légèrement ahuri qui lui succéda. On ne revint toutefois pas sur l’équidistance . De ce fait, l’opinion publique belge ou européenne n’a jamais pu se déterminer en fonction du tableau véritable de la situation, qui était :

Il y avait à Kinshasa un gouvernement parfaitement légitime, tirant son droit à exercer le pouvoir du mouvement populaire qui avait renversé le dictateur. Le seul tort des Kabila, en particulier de Laurent, fut de n’avoir jamais revendiqué ce pouvoir en tant que gouvernement provisoire. Il faut tout de même remarquer que Laurent Kabila, dès le 30 juin 1997, avait annoncé des élections, une constituante, etc, agissant donc de fait comme le chef d’un gouvernement provisoire. La guerre a empêché ces choses de se faire, et, au vu des difficultés pratiques que rencontra ensuite la CEI, le calendrier alors promulgué par Kabila apparaît tout à fait irréaliste. La levée de bouclier contre le gouvernement provisoire ne fut toutefois pas motivée par cet irréalisme, mais par le fait que Kabila ne souhaitait pas reprendre à son compte le dernier épisode du mobutisme, à savoir la CNS et le HCR/PT (Ce qui revient pourtant, à dire que son avis sur la question était le même que celui de Mr. Swing, de l’ONU : au Congo, depuis la mort de Lumumba, c’est le vide juridique).

15R. Bokoro, avocat congolais, dit que « Amnesty International et Human Rights Watch (...) et des enquêtes de l’ONU ont mis en évidence que nombre de gens ... ont été victimes de crimes contre l’humanité. La question est de savoir si, dans certains cas, le crime ne devrait pas être carrément qualifié de génocide ». Compte rendu d’une conférence à la Ligue des Familles Congolaise, à Anvers, le 19/09/05 par Denis Bouwen, sur www.congoforum.be.

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Il n’était d’ailleurs pas question de jeter au feu tout ce qu’avait fait la CNS, mais d’en faire un bilan en retenant, par exemple, les résultats des commissions qui avaient fonctionné sur les homicides, les spoliations et les biens mal acquis. Ceci jette un jour singulier sur les hauts cris

« démocratiques » poussés à propos de la CNS. Kabila annonçait, en effet, que l’on tiendrait compte des résultats des commissions d’enquête, mais qu’il n’y aurait plus de mandats HCR/PT derrière lesquels abriter son impunité. Les spoliateurs les plus inquiets, bien sûr, crièrent le plus fort, et ceci, bien entendu, par simple conviction démocratique, qu’on se le dise...

Ce gouvernement légitime a subi une agression étrangère dépourvue de tout prétexte crédible.

Une guerre, qu’on a pu qualifier de « troisième guerre mondiale », s’est déroulée au Congo, faisant tant de victimes qu’Amnesty International a pu dire « Au Congo, c’est tous les jours le 11 septembre... », dans le silence général de la « communauté internationale », Belgique comprise.

L’équidistance a consisté à gérer une situation de pure science-fiction. On contraignit les Congolais à se comporter comme si leurs agresseurs étaient des personnes honorables avec lesquelles on peut discuter, comme s’il y avait une « opposition armée » là où il n’y a que des auxiliaires de l’agresseur, des nostalgiques de la dictature déchue et des bandits de grand chemin. Puis à imposer que ces gens de sac et de corde puissent participer à des élections comme d’honorables partis politiques !

Or, que demandait-on aux Congolais avec le « dialogue intercongolais » avec ses divers épisodes de Lusaka, Sun City entrecoupés d’épisodes bruxellois ? Ni plus ni moins que de passer l’éponge sur des actes qui, chez tous les peuples du monde, valent à leurs auteurs de se retrouver devant le peloton d’exécution ! En effet, parmi les « composantes et entités » du

« 1+4 » figuraient des gens qui avaient pris les armes contre leur patrie en guerre et pactisé avec l’ennemi. Cela s’appelle de la Haute Trahison en temps de guerre ! Partout… sauf au Congo, où ces gens se voyaient considérés comme de respectables politiciens et associés au pouvoir ! Et l’on s’étonne après cela que d’autres aient eu envie de répéter à leur profit une aussi profitable opération !

A côté de traîtres et de criminels de guerre, les Européens (gouvernement belge en tête) remirent aussi en piste une « composante » dite « opposition non-armée » qui, dans leur esprit, devait être le tremplin sur lequel Tshisekedi, leur favori, allait rebondir vers de plus glorieuses destinées. Cela n’eut pas lieu à la suite de grenouillages où jouent un rôle d’une part des manœuvres et coups fourrés relevant de l’art de poignarder ses copains dans le dos, d’autre part des prétentions du personnage lui-même : le Sphinx de Limete ne prétend pas descendre de la plus haute marche qu’il ait gravie, c'est-à-dire sa désignation comme Premier Ministre par la CNS en 1992, et il prétend occuper la première place de droit, sans se soumettre à aucune espèce de négociation ou de désignation.

2° Elections, trucs et ficelles

Du côté des Congolais mécontents des résultats des élections, on a tant parlé d’élections truquées, de fraude électorale, d’élections truquées, que l’on ne peut évoquer cette partie de l’histoire congolaise sans aborder la question : « Les élections ont-elles été trafiquées » ? Oui et non !

Si l’accusation sous-jacente est que les « parrains des élections », et en particulier Louis Michel, auraient faussé les résultats du scrutin et imposé Joseph Kabila, faux vainqueur, contre Jean-Pierre Bemba, vainqueur réel, la réponse est non. La préférence européenne a

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toujours été pour Tshisekedi si possible ou, à son défaut pour tout candidat « acceptable », c'est-à-dire ne remettant pas en cause la domination de la bourgeoisie, et, par là, du capital international.

Louis Michel a eu tort, investi des responsabilités qui étaient les siennes, de montrer trop ouvertement sa sympathie personnelle pour « le petit Jo ». Il s’exposait ainsi à tous les soupçons. Toutefois, avoir des sympathies est une chose, pousser ces sympathies jusqu’au crime en est une autre. Et il y a entre les deux une telle marge qu’on ne profère pas de telles accusations sans preuves !

On a insuffisant remarqué que, pendant la Transition, Louis Michel s’est à une seule reprise écarté du protocole. C’est lorsque, bien qu’étant Commissaire européen, et ayant donc rang de Ministre, il s’est déplacé pour rendre visite, chez lui, à un simple particulier. Il s’agissait, comme par hasard, de Tshisekedi. Les Européens essayaient alors encore de le convaincre de revenir sur ses exigences de « requalifications » et de prendre part aux élections. L’UA fit de même, mais Alpha Oumar Konaré exigea, lui, que Tshisekedi fasse le déplacement…

On a par contre fort peu remarqué que, quand Bemba déposa ses réclamations, au lendemain du second tour, le nombre des résultats contestés qu’il apportait faisait le tiers à peine de la distance qui le séparait de Kabila, et ceci dans l’hypothèse où toutes les réclamations auraient été fondées. Or, le travail de la Cour Suprême n’est pas d’établir si des élections ont été parfaites (démocratiques, transparentes, libres, et tout ce que l’on voudra…) , mais si la réclamation introduite est de nature à changer le résultat des élections…

D’autre part et d’un autre point de vue, ces élections ont bien sûr été truquées, et elles l’ont été dans le même but que sont truquées les élections européennes ou américaines. Elles ont été truquées dans le but de garantir que nul ne pourrait y participer avec un projet qui serait d’étendre la démocratie au domaine économique.

Ce que l’on a « vendu » aux Congolais, sous le nom de « démocratie », c’est une « démocratie bourgeoise » à la manière de l’Europe occidentale. C'est-à-dire un régime politique qui, en aucun cas, ne remettra en cause la domination absolue des possédants, ou ne permettra à l’Etat d’empêcher ces possédants de courir derrière le profit maximum. Ce faisant, Louis Michel n’était nullement truqueur ou de mauvaise foi : étant libéral, i prend sincèrement ce système , en fait oligarchique, pour une démocratie véritable et verrait dans toute volonté d’empêcher le règne de l’argent une tentative liberticide, totalitaire et, en un mot, communiste.

Voici, en quelque ligne, le raisonnement Libéral :

« Que voulons-nous, au fond ? Nous voulons de l’ordre, la protection de la propriété, le maintien de tous les privilèges de la richesse. Tout cela s’accommode fort bien de la démocratie ! Qu’est-ce que la Démocratie? Le régime qui repose sur la volonté du peuple et où l’autorité tire son pouvoir contraignant du fait qu’elle émane de cette « volonté nationale », la représente, et commande en son nom. Mesurez, en conséquence l’incomparable avantage, quant à son ampleur et à sa légitimité, dont dispose l’autorité démocratique par rapport à l’autorité absolue. Dans la réalité des choses, ce que l’on baptise volonté du peuple, c’est ce que préfère la majorité des citoyens.

« Et n’a-t-on pas vu, maintes fois déjà, à quel point cette majorité peut nous être propice, et tout ce qu’il nous est loisible, à nous « gens de bien », à nous les possédants, d’obtenir de ceux qui ne possèdent pas? Ils nous ont plébiscités, ils nous ont délégués par centaines au pouvoir ; et nous avons été dotés par eux de cette toute-puissance que confère le système démocratique à ceux qu’a désignés la « volonté nationale » pour gérer les affaires de l’Etat.

Sous un régime démocratique, c’est la liberté elle-même qui règne, et toute rébellion est un attentat à la démocratie. Soyons donc démocrates, messieurs, mais d’une démocratie, cela va de soi, socialement et économiquement conservatrice (« La République sera conservatrice ou ne sera pas » comme disait Mr. Thiers, en 1872), cette qualification n’étant pas autre chose

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que sa raison d’être; une démocratie nominale, qui sera, en effet, la démocratie puisque le pouvoir y prendra sa source dans le suffrage universel, mais sans contenu, où la démocratie apparente et proclamée couvrira, au vrai, la perpétuation de l’ordre si bien défini par Voltaire, cet ordre naturel où ‘ le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne’ ».

Du fin raisonnement; et l’on est persuadé que le jour est loin où le suffrage universel deviendrait indocile. On veillera du reste - les moyens d’action peuvent varier - à la mise en condition, permanente, des électeurs.

Voyez, d’ailleurs, dans les lois électorales congolaises, le nombre de dispositions qui ne peuvent avoir d’autre sens que de favoriser les possédants :

- caution élevée réclamée aux candidats. Pour les Présidentielles, on a fait remarquer, à juste titre, qu’être candidat au Congo était infiniment plus cher qu’aux Etats-Unis.

- absence de législation sur les dépenses électorales, de sorte que les avantages que procure la fortune : possession de chaînes de journaux, radios ou télévisions, facilités de déplacement, capacité de faire des « cadeaux », etc… jouent à plein.

- timidité absolue de la HAM, qui n’a ni sanctionné quand il l’eût fallu, ni empêché les propriétaires de média d’abuser de leur pouvoir, ni empêché que l’on contourne la loi (journaux suspendus paraissant sous un autre titre, par exemple)

- ne mentionnons que pour mémoire le projet avorté d’exiger des candidats un diplôme universitaire, privilège qui dans le Tiers-monde, va rarement sans une certaine fortune

- absences de mesures visant à empêcher ceux qui étaient au pouvoir durant la Transition d’en user pour gêner (le mot est faible) la campagne des autres

Résultat : le second tour a opposé les deux seuls candidats qui avaient pu, à la fois par leur fortune personnelle et par leur place dans les autorités de la Transition, faire campagne sur l’ensemble du territoire.

Mais l’Occident, même s’il n’avait pu faire passer son Favori, parce que l’idée même d’une compétition paraissait insultante à Tshisekedi, aurait pu s’arranger parfaitement de n’importe lequel des 33 candidats du premier tour. Aucun d’eux n’avait l’intention de toucher aux inégalités et au pouvoir prépondérant de l’argent.

L’ensemble du processus électoral a peut-être couté 450 millions à l’UE, comme le dit Mr.

Louis Michel. Mais ce processus a été IMPOSE au Congo, qui pouvait parfaitement s’en passer ! De même que l’on a imposé au Congo de se doter de lois minières et forestières extrêmement « libérales », et d’une législation électorale qui garantissait que le résultat du scrutin serait aussi bourgeois que possible : cautions en argent réclamées aux candidats, absence de limitation des dépenses électorales ou de la monopolisation des média par certains candidats. Imposé, encore, le gaspillage qui a été le signe distinctif de tout le processus de transition, et dont la cause principale réside dans le partage entre les « composantes et entités », à qui la « récréation » a servi à se servir. Transition et partage faisaient encore que le Congo ne s’est pas doté, durant la transition, d’une armée intégrée et efficace. Les différents éléments du « 1+4 » tenaient trop à conserver chacun une puissance militaire pour accepter vraiment tous les « brassages « ou « mixages » proposés. Les Congolais conscients des réalités l’avouent : l’armée congolaise n’est pas à réformer, mais à créer de toute pièces, à partir de zéro. Faut-il dés lors s’étonner si, pour sa défense aussi, le Congo est sans cesse contraint de compter sur l’aide extérieure.

En n’appuyant pas dés le départ la démarche libératrice de Kabila, en n’agissant pas contre les agresseurs du Congo, en imposant les conséquences absurdes et cauchemaresques de son équidistance, l’UE est bien l’une des principales sources des problèmes du Congo. Pourquoi dés lors se dispenserait-elle de participer à leur solution ?

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III. La Guerre qui ne dit pas son nom…

1° La guerre des uns et la guerre des autres

Depuis 2006, comme on sait, la guerre a cessé d’être le fait des voisins du Congo et toute l’attention s’est concentrée sur Laurent Nkunda. ET une partie importante du débat est

consacrée à la question sans cesse renaissante : Nkunda est-il oui ou non l’homme de paille du Rwanda ?

Les informations que nous recevons, pour ainsi dire quotidiennement, de l’Est du Congo illustrent de manière remarquable que l’une des manières de pratiquer la désinformation, est de noyer les gens sous une abondance apparente de nouvelles. Celles qui occupent le devant de la scène sont contradictoires, et celles qui devraient retenir l’attention par leur importance sont noyées dans la masse. C’est l’histoire de « La Lettre Volée » d’E.A. Poe : où cacher mieux un document que dans amas de documents de rebut ?

Human Rights Watch vient de publier un rapport. Et, franchement, on se demande quel numéro donner à un rapport sur les atrocités commises dans l’Est du Congo, tant il y en a déjà eu, de toutes provenances : organisations internationales, organisations non-gouvernementales humanitaires, société civile congolaise, autorités provinciales, locales, municipales et

jusqu’aux chefs coutumiers…

Tous ces rapports disent la même chose : les meurtres, les pillages et les viols continuent, et ils n’ont jamais cessé, ni jamais diminué d’intensité.

D’autre part, différentes instances, un peu partout dans le monde, et en particulier, très récemment, la Chambre belge des Représentants, ont voté des motions condamnant ces faits et appelant à y mettre un terme de toute urgence. Le vote des parlementaires belges revêt même un intérêt particulier, non seulement parce que le texte, proposé par le député MR Daniel Ducarme, a été voté à l’unanimité, mais aussi parce qu’il souligne que, dans le contexte qui est depuis une quinzaine d’années celui du Congo oriental, il faut considérer ce que l’on appelle très pudiquement des « viols » ou des « violences sexuelles » et qu’il serait plus approprié de nommer des tortures stérilisantes, sont elles-mêmes des actes de guerre et font donc partie intégrante des opérations militaires.

Nous croyons même qu’il faut aller plus loin et les considérer comme l’acte de guerre par excellence dans cette guerre-là !

Or, l’on continue imperturbablement à considérer ces actes de la même manière qu’on l’aurait fait pour des actes commis, disons, en Europe en 1940/45. Alors, il était logique de considérer que « la guerre » désignait les échanges de tirs et bombardements divers entre les militaires, et que les pillages et les viols, comme toute autre violence exercée contre les civils16, étaient le plus souvent des actes individuels commis en marge de la guerre proprement dite.

Autrement dit, dans ce contexte-là, l’intensité de la guerre se mesurait à l’intensité de la canonnade, et les exactions étaient un épiphénomène. En outre, les viols étaient des viols au sens classique du mot : des rapports sexuels obtenus sous la contrainte. Ils visaient donc à

16 Il y a bien sûr les massacres, comme celui d’Oradour sur Glanes. Il faut toutefois remarquer qu’ils ont souvent été l’œuvre d’unités SS, c'est-à-dire d’unités qui étaient des milices politiques du parti nazi, et que d’autre part ils avaient en général un caractère de représailles, ce qui les liait d’une certaine façon, aux opérations militaires proprement dites.

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l’utilisation de la femme comme partenaire sexuelle, non à sa stérilisation, a sa destruction physique, morale ou sociale17.

Dans le contexte de la guerre congolaise, au contraire, il s’agit moins de jouir de la femme sans lui demander son avis, que de la détruire par des actes qui, d’ailleurs, n’ont plus qu’un lointain rapport avec la sexualité. Forcer un pénis dans un vagin non-consentant peut encore passer pour de la sexualité. Quand on se met à y planter des piquets, des baïonnettes, des grenades et Dieu seul sait quoi encore, on est dans la torture pure et simple et si un mot vient spontanément à l’esprit, c’est celui de sadisme, et non de sexualité.

Et, pour peu que l’on considère la guerre de l’Est du Congo comme ce qu’elle est et ce qu’elle a toujours été dès l’origine : non pas une « guerre civile congolaise18 » mais une guerre

d’agression visant à conquérir de l’espace vital au détriment du Congo (et dans une partie riche du Congo, ce qui ne gâte rien), il est logique qu’il en soit ainsi puisqu’il s’agit de faire de la place en se débarrassant des populations qui encombrent les territoires convoités. La torture stérilisante est donc une sorte de « génocide à retardement ». On se débarrasse des encombrants moins par le massacre direct qu’en compromettant définitivement leurs chances de se reproduire.

Il faut donc apprécier la guerre à l’Est du Congo avec des critères et, si l’on veut, une échelle de mesure à l’inverse de celle qui était relevante pour les guerres du passé : l’intensité d’une guerre, désormais, se mesure à l’intensité des tortures stérilisante (et accessoirement à celle des meurtres, pillages et exactions au détriment des populations civiles) et ce sont les coups de canon et autres composantes classiques des affrontements entre soldats qui ne sont qu’une écume secondaire…

2° Signatures et trac es

Quelques faits, à propos de ces tortures stérilisantes, devraient être de nature à orienter les réflexions.

1) Des tortures ayant pour but non de profiter sexuellement des femmes ou de corser le sexe par le sadisme, mais de les rendre définitivement incapables d’enfanter ont fait leur apparition historique durant le génocide de 1994 au Rwanda.

2) Les témoignages font également état d’autres méthodes de torture et de meurtre, comme le « shampooing à la rwandaise » qui elles ont agrémenté les luttes ethniques au Rwanda depuis 1959.

3) Un certain nombre de viols (cette fois au sens sexuel du terme) ont concerné des hommes. Il est évident que cela renvoie à des sociétés où l’homosexualité est chose courante. Or, elle est rarissime au Congo. Elle est par contre bien tolérée, dés avant la colonisation, dans les civilisations des Grands Lacs, notamment au Rwanda et encore

17 Les organisations de femmes congolaises ont publié suffisamment de faits, d’explications et de documents à ce sujet pour qu’une description détaillée soit superflue ici.

18 La « guerre civile congolaise », supposée opposer des camps présentés comme « de valeur (ou non-valeur) égale » a servi à justifier l’attitude d’équidistance adoptée par la communauté internationale en général et la Belgique en particulier. Et, dans le cas de la Belgique, cela eut lieu malgré la prise de position, en 2003, des ONG qui d’ailleurs, par la suite, ne furent pas conséquentes avec ce qu’elles avaient adopté. Les meilleurs historiens sont d’avis que le régime de Léopold II a coûté au Congo entre 4 et 8 millions de vies. Comme il y a déjà eu au bas mot 5 millions de morts dans l’Est du Congo, notre performance actuelle se situe donc dans la même « fourchette » ; Léopold II peut être fier de ses héritiers. Pouvons-nous être fiers de nous-mêmes ? C’est une autre question !

Referenties

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