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Congo Actualité

n° 78

12 février 2008

News RDC

SOMMAIRE

ÉDITORIAL

LA CONFÉRENCE SUR LA PAIX AU KIVU L’ouverture

Les exposés des Communautés ethniques Les exposés des groupes armés

Les ateliers

Vers une conclusion difficile La conclusion

ÉDITORIAL

La conférence pour la paix, la sécurité et le développement au Nord et Sud Kivu s'est terminée à Goma avec la signature d'un "acte d'engagement" par les groupes armés, en vue d'une cessation immédiate des hostilités. Autorités politiques et militaires, Société Civile et Communauté Internationale, tous sont d'accord pour affirmer qu'un pas très important a été franchi vers la pacification des deux provinces martyres. Le document conclusif marque les étapes principales d'un chemin de paix: proclamation d'un cessez-le-feu, amnistie pour faits de guerre et d'insurrection, retrait progressif des troupes, création de zones tampon, désarmement des groupes armés, intégration dans l'armée nationale ou retour à la vie civile, désarmement et rapatriement des groupes armés étrangers encore présents sur le territoire congolais, retour des déplacés à leurs villages, rapatriement des réfugiés congolais de l'étranger…. Ces résolutions rallument encore une fois l'espoir des populations qui veulent vivre en paix dans leurs maisons, cultiver leurs champs et fêter la fin de la guerre. Pour que ceci devienne réalité, ce n'est pas suffisant faire des déclarations ou signer un document, il est nécessaire l'engagement de tous et, surtout, la fidélité à la parole donnée et aux engagements pris. Ce sera un chemin long et difficile qui requerra que l'on se penche sérieusement sur les grands problèmes restés ouverts et qui ont été confiés à une commission de suivi pour leur résolution.

Probablement, cette commission rencontrera certaines difficultés, dont des possibles requêtes de nouvelles nominations politiques et militaires et de changements dans la réforme de l'armée, mais elle ne pourra jamais renoncer à ces valeurs et principes exposés dans le message du Président Kabila, lu par le ministre de l'intérieur, Denis Kalume, lors de l'ouverture de la conférence. Si elle voudra être fidèle à l'esprit de la conférence et aux dispositions énoncées dans la résolution n. 001 et dans l' "acte d'engagement", la commission devra refuser tout compromis ou cafouillage qui puisse prolonger la strumentalisation ethnique, l'impunité et la recherche du pouvoir politique et économique par les armes, la violence et la guerre.

La conférence a certainement eu le grand mérite d'avoir été un moment de rencontre et de dialogue où tous les participants ont pu s'exprimer librement et être écoutés avec respect. Les déclarations des différentes communautés ethniques ont souligné des détails qui méritent d'être pris en considération sérieusement.

Comme l'ensemble de la population congolaise, la société du Kivu aussi apparaît multiethnique et il est donc normal de constater parfois certaines difficultés au sein des relations entre l'un et l'autre groupe ethnique, comme il arrive souvent dans n'importe quel pays du monde. Pour les représentants des communautés ethniques, chaque ethnie est minoritaire en rapport aux autres, mais Rés. PAIX POUR LE CONGO

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43056 San Polo – Torrile (PR) tel : 0521/314263

fax : 0521/314269

E-mail : muungano@libero.it

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aucune ethnie ne peut se déclarer exclue, marginalisée, discriminée ou en danger. Par conséquent, les chefs traditionnels du Kivu appellent à laisser de côté toute attitude de victimisme et toute tentative de manipulation de la réalité, de l'histoire et de l'information. C'est dans ce contexte que l'on doit traiter le problème de la présence de groupes d'immigrés et de réfugiés provenant des pays voisins au cours de différentes périodes depuis la fin des années 1950. Le recours à la loi sur la nationalité devrait aider à résoudre leur problème.

Les participants à la conférence ont aussi clairement affirmé que les causes de la guerre et de l'insécurité au Kivu sont surtout de nature exogène et qu'il faut les rechercher dans les événements qui ont ensanglanté le Rwanda en 1994. La violence qui tourmente le Kivu a ses racines dans le conflit rwandais qui, pas encore résolu à l'intérieur du pays, il a franchi les frontières et il a été exporté en RDCongo. La présence de réfugiés et de groupes rebelles étrangers représente, certes, une grande menace à la sécurité de toute la population du Kivu et pas seulement d'un groupe déterminé de personnes ou d'un pays limitrophe, cependant elle est devenue le prétexte pour une guerre orchestrée par des pays voisins ayant des visées expansionnistes et entretenue par des multinationales et sociétés minières en vue de l'exploitation illégale des ressources naturelles de la zone.

Si l'on sait que Laurent Nkunda est soutenu par le Rwanda et qu'il combat contre la présence des rebelles hutu rwandais au Kivu et si l'on veut mettre rapidement fin à la guerre du Kivu, il ne suffira pas un accord de cessez-le-feu entre Congolais, mais il faudra aussi traiter les implications étrangères de la question. Il suffira d'enlever à Nkunda et au Rwanda le prétexte pour leur guerre: il faudra trouver une solution radicale et définitive au problème des réfugiés et rebelles rwandais encore présents au Kivu. Leur rapatriement au Rwanda a déjà fait l’objet des accords de Rome avec la médiation de la communauté catholique de Sant'Egidio et des accords récents de Nairobi, mais il sera possible seulement à certaines conditions: la démocratisation de la vie politique rwandaise, la tenue d'un dialogue inter rwandais et l'institution d'une commission internationale de suivi capable de garantir leur retour dans la dignité et dans la sécurité et d’assurer une justice équitable et impartiale vis-à-vis de ceux qui seront recherchés pour des crimes commis dans le passé.

LA CONFÉRENCE SUR LA PAIX AU KIVU L’ouverture

Le 6 janvier, la conférence sur la paix au Nord et Sud Kivu s'est ouverte à Goma avec la participation des représentants du gouvernement de Kinshasa, des autorités locales, de la Communauté Internationale, des chefs coutumiers, de la société civile, des différentes communautés ethniques et des groupes armés, notamment ceux du mouvement du général dissident Laurent Nkunda, le Congrès national pour la défense du peuple (Cndp). Organisée à l'initiative du président Joseph Kabila, cette conférence vise à mettre fin aux conflits dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, frontalières du Rwanda et du Burundi, et à jeter les bases d'une paix durable et d'un développement intégral dans la région.

Pour permettre la tenue de ce forum dans "les meilleures conditions", le gouvernement a décidé de suspendre ses opérations militaires au Nord-Kivu. Le porte-parole militaire du CNDP de Nkunda, le major Séraphin Mirindi, a salué la tenue de ces assises qui, a-t-il dit, n'apporteraient la paix que "si l'on tenait compte des leurs revendications". Ignace Murwanashyaka, président des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), n'a pas été invité. "D'après nos informations, il s'agit d'un dialogue intercongolais et on ne nous a pas demandé d'y participer", a-t-il déclaré.1 Lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence, Denis Kalume Numbi, ministre d’État chargé de l’Intérieur représentait le président Joseph Kabila absent pour des raisons d’Etat. Il a donc lu le

1 Cf AFP – Goma, 06.01.’08 et Radio Okapi, 06.01.’08.

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message du président de la République adressé aux participants à la conférence. Il a réaffirmé que

«cette Conférence n’a pas pour objet de partager le pouvoir, le peuple ayant à ce sujet exprimé haut et fort sa volonté il y a à peine un an à la suite des élections. Elle ne vise pas non plus à revisiter pour amendements éventuels la Constitution et les lois de la République, encore moins à faire le procès d’une personne ou d’une composante de la Nation, n’ayant pas elle-même le pouvoir ni de légiférer ni de gouverner ou celui de dire le droit».

Il a rappelé quelques principes afin de permettre à tous de prendre conscience aussi bien des véritables enjeux, que des conditions à réunir pour la bonne fin du processus de pacification, de stabilisation et de développement des deux provinces martyres.

Premier principe: la République Démocratique du Congo est un Etat moderne, un Etat de droit. À ce titre, elle ne peut s’accommoder de la loi de la force, mais doit plutôt en tous temps et en toutes circonstances, faire prévaloir la force de la loi. Bien plus, la responsabilité d’assurer la sécurité des citoyens et de ceux qui ont choisi la RDCongo comme seconde patrie incombe exclusivement aux détenteurs légitimes de la puissance publique, à savoir: le Gouvernement et ses auxiliaires attitrés, la Justice , la Police et les Forces Armées. La seule politique compatible avec le mandat reçu du peuple est celle d’une armée unique pour un pays uni. Il en résulte l’obligation pour tous les groupes armés nationaux de déposer les armes et d’opter, soit pour l’intégration dans la force publique – armée ou police – par le biais du brassage, soit pour la participation au programme de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion, Réhabilitation et reconstruction (DDRRR). A chacun est ainsi laissé la latitude de choisir entre l’une et l’autre option.

Aux groupes armés étrangers, on leur rappèle l’obligation qui leur incombe de se conformer au plan élaboré par la RDCongo dans le cadre du communiqué conjoint de Nairobi signé le 9 novembre 2007, afin d’obtenir leur désarmement et rapatriement volontaire, sous la haute protection de la Communauté internationale.

Deuxième principe: la richesse de la Nation congolaise réside dans la diversité des peuples et des communautés qui la composent et sa force dans l’unité librement consentie de ses composantes.

Nous avons donc l’obligation d’accepter notre diversité et de cultiver notre unité.

Troisième principe: notre pays regorge de ressources dont les puissances mondiales, traditionnelles et émergentes, ont besoin pour la croissance de leurs économies et le bien-être de leurs populations.

Cela suscite des convoitises et des appétits, voire parfois des projets immoraux et insensés. Sachons protéger ces richesses et en faire profiter notre peuple.

Quatrième principe: notre pays est situé au centre de l’Afrique et partage une frontière commune avec neuf autres. A nous, comme à nos voisins cette donnée immuable impose des obligations, dont celle de la coexistence pacifique. Cette dernière postule l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et la non ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats.

Ces principes ne sont pas négociables.

C’est le lieu de rappeler à ceux, nationaux et étrangers, qui se croient tout permis, y compris d’ignorer la Constitution de leur pays, ou de traiter le droit international avec mépris, que comme Nation et comme Etat, la République Démocratique du Congo peut être régulièrement agressée, voire durablement assiégée. Mais elle ne sera jamais vaincue.2

Le 8 janvier, le porte-parole de la conférence, Vital Kamerhe, par ailleurs président de la Chambre des députés à Kinshasa, a annoncé que l'inscription des délégués serait prolongée de 24 heures, en raison d'un nombre plus élevé de délégués que prévu. "Nous attendions 300 délégués en tout. On a déjà enregistré environ 800 inscriptions, sans compter les 200 à 300 participants pas encore enregistrés à ce jour", a-t-il expliqué.3

Le 9 janvier, après un report dû aux problèmes logistiques, la conférence a tenu sa première plénière, au cours de laquelle les participants ont adopté le règlement d’ordre intérieur et procédé à la validation des mandats des délégués. On a procédé ensuite à la présentation du programme de la

2 Cf digitalcongo, - Kinshasa, 07.01.’08.

3 Cf Reuters – Goma, 08.01.’08.

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conférence, des délégations étrangères et des organisations internationales. La journée a été consacrée aux déclarations de politique générale de quelques membres du gouvernement, à savoir du ministre de l’Intérieur et Représentant du chef de l’Etat dans ces assises, Denis Kalume, du Ministre des Affaires sociales, Affaires humanitaires et Solidarité nationale, Jean Claude Muyambo, du Ministre de l’Energie, Salomon Banamuhere et du Secrétaire général au Ministère du Plan, représentant du Ministre du Plan, empêché. Ils ont exposé la vision de l'exécutif du pays sur les thèmes de la paix, de la sécurité et du développement dans les deux provinces. Le Ministre de l’Intérieur, Denis Kalume, a rappelé la vision du Chef de l’Etat par rapport à ces assises, qui ne sont pas un forum pour un nouveau partage du pouvoir ni de revisitation des Institutions nationales démocratiquement mises en place par la volonté populaire, mais un cadre de réflexion autour des questions de paix et de sécurité pour la reconstruction des deux provinces qui demeurent le théâtre de conflits récurrents. Il a proposé aussi, au nom du chef de l’Etat, la création de deux organes à l’issue des travaux, l’un chargé de mettre en oeuvre les résolutions qui en sortiront, et l’autre chargé de prévenir et de gérer les conflits dans les deux Kivu. Le ministre des Affaires humanitaires, Jean Claude Muyambo, a pour sa part dressé le bilan de la situation humanitaire au Kivu. Le ministre de l’Energie, Salomon Banamuhere, a présenté un plan d’électrification et de desserte en eau potable pour les deux provinces. Enfin, le secrétaire général au ministère du Plan a donné les grands axes d’investissement du gouvernement congolais pour les mêmes provinces.4

Selon une ordonnance présidentielle, la clôture de la conférence initialement prévue le 14 janvier est repoussée au 21 janvier, à cause du retard pris dans le démarrage effectif des travaux, dû aux problèmes de la logistique et de la validation des mandats.5

Le 10 janvier, Vital Kamhere, président de l’Assemblée et porte-parole de la conférence et Azarias Ruberwa, président national du RCD, ont chacun proposé quelques pistes de solution pour mettre fin à l’insécurité au Nord et Sud Kivu.

L’exposé d’Azarias Ruberwa était basé sur «La problématique de la sécurité au Nord et au Sud Kivu, les causes et le plaidoyer en faveur de la paix». Comme solution à ce problème d’insécurité, Me Azarias Ruberwa a suggéré la prévention et la réconciliation. En marge des débats de la conférence, M. Ruberwa a déclaré à la presse que "il faut examiner les revendications des groupes armés" et qu’il "préfère l'amnistie au profit des groupes armés, pour que la guerre (...) s'arrête dans les deux provinces (du Nord et Sud-Kivu)", sans préciser qui et à quelles conditions devrait, selon lui, bénéficier de mesures d'amnistie. Ce schéma de Ruberwa pour la pacification des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu a aussitôt provoqué un tollé de réactions.

Si le porte-parole du chef de l’Etat congolais, Kudura Kasongo, s’est limité à indiquer qu’"il appartient aux institutions saisies de décider et qu’il serait prématuré d’aborder cette question à Goma", le professeur de droit constitutionnel à l’Université de Liège, M. Bob Kabamba est catégorique. Pour ce dernier, "les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles et il ne suffit pas de se réconcilier sans l’accord et l’indemnisation des victimes".

Pour sa part, après avoir fait un aperçu historique sur les guerres qui se sont succédées récemment en RDC, Vital Kamerhe en a donné les causes et a proposé quelques pistes de solution. Il faut d’abord écouter sans peur ceux qui sont impliqués dans l’insécurité dans la région, notamment les groupes armés, afin qu’ils donnent les raisons qui les poussent à recourir aux armes, a-t-il suggéré.

Le président de l’Assemblée Nationale a par ailleurs demandé aux groupes armés de présenter un plan de désengagement de leurs troupes, de décréter un cessez-le-feu et de s’impliquer dans le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion. Selon lui, c’est seulement dans la paix que l’on pourra résoudre les problèmes qui se posent, quels qu’ils soient.

En ce qui concerne la question des ex Far-Interahamwe, Vital Kamerhe a rappelé que cette question a fait l'objet d'un Accord entre le Gouvernement du Rwanda et celui de la République Démocratique du Congo. En ce qui concerne la question du retour au Congo des réfugiés tutsi vivant au Rwanda,

4 Cf AFP – Goma, 09.0.’08 ; Radio Okapi, 09.01.’08 et Amanileo, 10.01.’08.

5 Cf APA-Kinshasa, 10.01.’08.

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il a rappelé qu’il y a aussi d’autres réfugiés congolais, toutes ethnies confondues, qui ont le même droit. Il a ajouté que le retour de ces réfugiés au Congo implique un dialogue entre le gouvernement congolais, les gouvernements des Pays qui les accueillent et le Haut Conseil pour les Réfugiés (Hcr) des Nations Unies.6

Les exposés des Communautés ethniques

Le 11 janvier, la plénière de la conférence a été essentiellement consacrée aux exposés de différentes communautés ethniques du Nord-Kivu. Pour les Hunde, leur identité est hypothéquée par l’envahissement de leur espace vital par les populations d’expression Kinyarwanda, les Hutu et les Tutsi. Les Hutu, de leur côté, se disent écartés de la gestion des institutions publiques provinciales par les Nande, tandis que ces derniers font le même reproche aux Hutu, précisément pour la période allant de 1985 à 2006. Pour leur part, les Tutsi congolais disent vivre dans une insécurité permanente imposée par les différents régimes qui se sont succédés à la tête de la RDCongo depuis plusieurs années. Toutefois, dans l’ensemble des exposés, il a été démontré que cette ethnie, au moins, a placé ses cadres tant dans les institutions politiques que dans la haute hiérarchie militaire. Pour leur part, les ethnies du territoire de Walikale, comme les Bakano, les Nyanga, ou les Kumu, qui ont moins de conflits entre eux, fustigent l’absence de l’autorité de l’Etat, ce qui occasionne l’exploitation illégale des ressources du sol et du sous sol, les viols des femmes et la destruction de l’environnement.

Les différentes communautés ont fait savoir que le «phénomène des guerres exportées par le Rwanda au Congo» ne date pas d’aujourd’hui. Elles considèrent que la présence des groupes armés étrangers sur leur sol devient un prétexte pour une guerre interminable qui continue à prendre en otage les populations du Nord et du Sud-Kivu, aujourd’hui sinistrées. Elles recommandent par conséquent à la communauté internationale de mettre sur pied tous les mécanismes devant permettre le rapatriement sans délai de toutes les forces négatives étrangères qui sèment la terreur et la désolation dans cette partie du territoire national. En particulier, les communautés ont demandé avec empressement à la communauté internationale de susciter une politique d’ouverture et de réconciliation nationale au Rwanda pour favoriser un dialogue inter – rwandais et de prendre, sans délai, toutes les dispositions qui s’imposent pour le retour des rebelles rwandais dans leur pays.

Parallèlement, tous les groupes armés congolais doivent déposer les armes, intégrer l’armée nationale en passant par le brassage. C’est la voie obligée pour accélérer la cohabitation pacifique tant sur le plan interne, en RDC et au Rwanda, et au niveau régional, entre les pays de l’Afrique des Grands Lacs. En ce qui concerne le retour des réfugiés tutsi congolais qui sont au Rwanda, ils doivent être recensés par les services compétents et leurs villages identifiés, avant de les ramener au Kivu. L’on éviterait ainsi des «infiltrations ou des transplantations subtiles». Les différentes communautés demandent aussi que soit à jamais banni dans la mentalité des communautés tutsi du Congo cet esprit de discrimination qu’elles cultivent en elles avec cette tendance à la

«victimisation», comme si elles cherchaient un «traitement particulier», alors qu’elles doivent se considérer «intégrées» dans la société congolaise.

Les communautés ont notamment réclamé la création d’un Tribunal pénal international en République démocratique du Congo, dans le but de poursuivre les seigneurs de guerre qui sèment l’insécurité à l’Est. Pour ne pas tomber dans les erreurs du passé dans la gestion des agents de l’Etat, les Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc) comprises, les communautés du Nord-Kivu proposent au gouvernement central d’affecter tous ceux qui sont issus du Rassemblement congolais pour la démocratie (Rcd) dans des territoires autres que ceux gérés par ce mouvement pendant sa rébellion de 1998 à 2003.

La communauté Mbuti (pygmées) a souligné que l’on ne peut pas tolérer que les terres et forêts que Dieu a données pour cultiver des champs et élever des vaches soient transformées en champ de bataille.7

6 Cf Radio Okapi, 10.01.’08 ; AFP – Goma, 10.01.’08 et L’Avenir – Kinshasa, 11.01.’08.

7 Cf Radio Okapi, 12.01.’08 ; Le Potentiel – Kinshasa, 12.01.’08 et L’Avenir – Kinshasa, 12.01.’08.

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Le 12 janvier, la journée a été marquée par la poursuite des déclarations générales sans débat des communautés ethniques du Sud Kivu. Parmi elles, les Bembe, les Shi, les Fulero, Rega, Buyu, Banyamulenge…

La première communauté à prendre la parole c’est la tribu Bembe. Celle-ci a commencé par dénoncer les actes de vandalisme perpétrés par les forces négatives dites groupe des 47 dans le haut plateau de Fizi. Dans la foulée, les Bembe ainsi que d’autres autochtones du Sud Kivu sont montés au créneau pour faire un bref aperçu historique sur l’existence des différentes ethnies au Sud Kivu.

Leurs renseignements attestent que certains membres des communautés rwandophones sont des réfugiés ou des immigrés rwandais et, donc, sans terres ni villages en RDCongo. On les a vu venir.

Ces rwandophones sont souvent accusés d’être à la base de l’insécurité, de nourrir des velléités expansionnistes et de s’employer à vouloir supplanter les populations autochtones pour imposer leur hégémonie. «La question de discrimination des minorités dans le Sud Kivu n’a jamais existé. Ce sont des revendications des politiques en mal de positionnement», a déclaré le porte-parole de la communauté Bembe.

Les populations originaires du Sud Kivu disent ne pas comprendre pourquoi les banyamulenge ont refusé le brassage de leurs troupes après les élections, à l’instar de l’ex général Laurent Nkunda.

Selon ces mêmes populations, l’absence totale de la paix au Nord et au Sud Kivu est causée par la présence de militaires venus des pays voisins lourdement armés. Souvent, ces forces négatives se sont substituées à la place de l’Etat et perçoivent des taxes. Cette situation a des conséquences sur tous les plans: 180. 000 réfugiés qui croupissent en Tanzanie, Zambie et dans d’autres pays, la falsification de l’histoire sociologique, la modification de l’étendue géographique, l’infiltration des militaires rwandais, la multiplication des troupes armées, les populations civiles surarmées, la destruction de l’écosystème…

En termes des recommandations, les populations autochtones refusent catégoriquement l’érection de Minembwe en territoire, car c’est cette prétention qui est à l’origine de la guerre. Elles demandent aussi de rétablir la vérité historique sans laquelle il n’y a pas de paix; renoncer à l’expression banyamulenge qui n’existe nulle part au monde; abandonner les ambitions hégémoniques et expansionnistes prônées par les Banyamulenge; solliciter les rwandophones à vivre en paix avec les autres communautés comme par le passé; renoncer à l’idée de découpage ou de décentralisation des territoires; respecter scrupuleusement l’institution traditionnelle conformément à la Constitution; rétablir les chefs coutumiers déchus; démilitariser les populations qui détiennent des armes illégalement; recenser systématiquement les groupes armés étrangers et les rapatrier chez eux; organiser un recensement au Sud et au Nord Kivu pour identifier tous les infiltrés et les expulser; mettre fin à l’impunité et traduire tous les coupables de différents massacres, notamment ceux de Makobola, Mwenga et Kasika devant les cours et tribunaux…

D’autre part, Alexis Gisaro, porte-parole de la communauté Banyamulenge, a fustigé la discrimination, l’exclusion et la marginalisation dont sa communauté est victime et il a déclaré que la lutte pour l’érection de Minembwe en territoire s’explique pour des raisons politiques, afin de permettre à ses frères Banyamulenge de participer à la gestion de la chose publique.

Pour les représentants des chefs coutumiers du Nord et Sud-Kivu, toute création de nouvelles entités territoriales remettrait en cause leur autorité sur leur terre. Ils ont souhaité que les groupes armés étrangers soient désarmés et rapatriés dans leurs pays d’origines. Ils souhaitent que les groupes armés congolais, adhérent au processus de brassage au sein de l’armée nationale.

En ce qui concerne les réfugiés congolais, se trouvant dans les pays voisins, l’autorité coutumière souhaite être associés à leur identification avant leur rapatriement par le HCR. Evoquant l'épineux problème des litiges fonciers, les chefs coutumiers ont dénoncé de nombreuses tentatives de

"falsification de l'histoire", rappelant que l'autorité coutumière était la seule à même de désigner

"qui occupait la terre" avant et après les conflits successifs ayant secoué les Kivu.8

8 Cf Médard Muyaya – Le Potentiel – Kinshasa, 14.01.’08.

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Les exposés des groupes armés

Le 13 janvier, la Conférence a été marquée par la déclaration faite par le délégué du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda.

Le Cndp a présenté les motifs qui l’ont poussé à prendre les armes en parlant d’une «menace mortelle qu’une milice criminelle étrangère fait peser en permanence depuis plus de 15 ans sur l’ensemble des communautés congolaises vivant à l’Est de la RDCongo et particulièrement sur une composante de la communauté nationale» et a dit combattre «afin que l’on entende les cris de détresse et de souffrance d’une partie du peuple qu’une politique irrationnelle et discriminatoire laisse au bord de la route, sans aucun espoir à l’horizon».

Le Cndp demande au Président Kabila «de s’investir totalement dans la promotion (…) de la culture de réconciliation nationale et interethnique, de paix, de tolérance et d’acceptation mutuelle» et il sollicite le rétablissement de la Commission Vérité et Réconciliation (Cvr).

Le CNDP demande au gouvernement de "reconnaître la menace (que constituent) les ex-FAR (forces armées rwandaises)/Interahamwe (miliciens extrémistes hutus) pour les populations du Nord et Sud-Kivu et de les rapatrier au Rwanda".

Le CNDP demande au Gouvernement de cesser toute collaboration avec les milices Mai-Mai et du PARECO et de former une armée nationale et républicaine capable de rassurer et de protéger tous les Congolais, sans discrimination aucune. Selon le Cndp, une telle armée ne peut sortir que d’un processus de brassage complètement revisité, parce que la formule actuelle a plus que montré ses limites et a manifestement échoué.

Le CNDP demande au gouvernement de permettre le rapatriement et la réinsertion des compatriotes réfugiés dans les pays voisins et de retirer les mandats d’arrêt qui auraient été émis contre certains de ses chefs militaires, car jugés sans fondements.

Enfin, le CNDP demande aux conférenciers de prendre toutes leurs responsabilités en recommandant au Gouvernement des négociations directes entre belligérants par le biais d’une médiation neutre et selon des modalités acceptables par tous, afin que les requêtes exprimées trouvent des réponses adéquates.9

Selon Kambasu Ngeze, chef de la délégation du Cnpd à la Conférence de Goma, le Cndp entend obtenir du «dialogue avec le Gouvernement» son nouveau statut de parti politique et, naturellement, la rentrée de Laurent Nkunda dans l’armée. D’où les revendications du Cndp pour un nouveau brassage pour l’armée et contre les mandats d’arrêt nationaux et internationaux émis à l’encontre de certains compatriotes et certains chefs militaires. C’est ce qu’il a déclaré à l’envoyé spécial d’une radio diffusant à Kinshasa.10

Le 14 janvier, les Maï-Maï du Sud-Kivu ont présenté leur lutte comme un moyen de légitime défense en vue de défendre l’intégrité du territoire national. Ils ont dénoncé ce qu ils ont qualifié de volonté expansionniste des pays voisins qui instrumentalisent, selon eux, les populations tutsi congolaises. Certains groupes Maï-Maï, comme les Yakutumba, se sont dit opposés à la tentative des Tutsi du Sud-Kivu d’ériger Minembwe en territoire. Pour eux, cela constitue une violation de la constitution.

Les Maï-Maï de Fizi (territoire du Sud-Kivu) ont remis en cause la nationalité des Hutus et des Tutsis immigrés du Rwanda depuis la fin des années 1950 et ils ont demandé "le retour (au Rwanda) de tous les réfugiés hutus et tutsis qui sont venus du Rwanda en 1959 et 1962". Ils se sont par ailleurs farouchement opposés à la transformation de l'entité de Minembwe (située dans le territoire de Fizi) en territoire administratif, prévenant qu'une telle décision "créerait des conflits énormes entre les ethnies au Sud-Kivu". Toutefois, ils affirment être prêts à cohabiter pacifiquement avec toutes les tribus, à condition qu’elles respectent les lois du pays.

9 Cf L’Avenir – Kinshasa, 14.01.’08.

10 Cf Omer Nsongo die Lema - L'Avenir – Kinshasa, 15.01.08.

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Les Maï Maï des territoires de Mwenga et Shabunda (Sud-Kivu) ont demandé le rapatriement dans leur pays des groupes de rebelles hutus rwandais, accusés de semer la terreur dans les zones rurales, où pillages et viols sont presque quotidiens. Les groupes Maï-Maï exigent le changement de certains responsables militaires à la tête de différentes brigades de la 8e région militaire. Ils demandent également à la communauté internationale d’exercer des pressions sur le Rwanda pour le rapatriement des réfugiés hutu rwandais se trouvant en RDCongo.

Les combattants pro-Tutsis du Sud-Kivu, le Groupe des 47 - groupe initialement composé de 47 soldats déserteurs banyamulenge suspectés d'avoir participé en juin 2004 à la prise de Bukavu (capitale du Sud-Kivu) aux côté de Jules Mutebutsi et de Laurent Nkunda - ont fustigé l'absence de garanties sécuritaires pour les Tutsis. Leur porte-parole, Zébédé Gasore, a dénoncé l'insécurité chronique dans laquelle vivent les Banyamulenge, pris à partie à la fois par les Maï Maï et les rebelles hutus rwandais, a exigé le rapatriement des rebelles hutus rwandais basés au Kivu et revendiqué la création d'un "territoire de Minembwe".11

Les ateliers

Le 15 janvier, après la première phase de la conférence consacrée aux déclarations des différents groupes, deux ateliers comprenant, l’un les délégués du Nord-Kivu, et l’autre, ceux du Sud-Kivu, ont démarré leurs travaux. Chaque atelier comprendra quatre commissions en rapport avec les thèmes de la paix, la sécurité, le développement et les questions humanitaires. Dans chaque commission, les travaux seront éclatés en quatre sous commissions où seront débattus des sujets précis, notamment des questions de groupes armés, d’identité communautaire, de discrimination basée sur l’ethnie, d’amnistie, de gestion des conflits et de la réconciliation nationale.

Les travaux en atelier consistent pour les participants, à amender ou apporter des ajouts à un cahier proposé par le secrétariat technique de la conférence. Ce cahier comporte plusieurs rubriques dont l’état des lieux, les forces en présence, les acteurs concernés et les pistes de solution.

Kudura Kasongo, le porte-parole du président, a affirmé que "Après les exposés des différentes communautés et des groupes armés, commencent les travaux en ateliers. C'est là qu'on va pouvoir proposer des solutions concrètes en faveur de la paix au Kivu. C'est la partie la plus importante de la conférence". Selon un observateur international, "si chacun a pu s'exprimer en plénière, ce qui est déjà un progrès, le plus dur reste à faire: s'entendre sur des recommandations et parvenir au désengagement" des troupes belligérantes encore positionnées sur plusieurs fronts, au Nord comme au Sud-Kivu. Cela "ne va pas être facile", selon cet observateur, car les Tutsis se sentent toujours

"marginalisés et menacés", les Maï Maï "floués par le pouvoir" et les communautés restent hostiles à tout compromis (amnistie, retour sans contrôle des réfugiés).

Le président de la République Joseph Kabila, est arrivé à Goma. Kudura Kasongo, son porte- parole, a affirmé que le Chef de l'Etat voulait être présent afin de s’assurer du bon déroulement de la conférence et recueillir les propositions qui seront faites par les uns et les autres, pour régler différents problèmes qui se posent dans les deux provinces.12

Le chef de l'Etat a fait savoir que Laurent Nkunda ne serait pas invité à Goma. "Personne ne va inviter Nkunda ici parce qu'il a des problèmes avec la justice", a-t-il déclaré. Le gouvernement a d'ailleurs transmis à Interpol, l'organisation internationale de police, un mandat d'arrêt congolais visant Nkunda qui s'était pourtant déclaré prêt à se rendre lui aussi à la conférence, s'il était invité.

Réclamant des discussions directes avec le gouvernement, les représentants de Nkunda à la conférence de Goma ont affirmé que la déclaration de Kabila "ne va pas dans le sens de la paix".13 Selon plusieurs analystes, la déclaration du chef de l’Etat était une réponse indirecte à l’exigence formulée par le CNDP une semaine auparavant, de négociations directes avec le pouvoir. La fin de non recevoir réservée à cette demande par Joseph Kabila signifie ainsi, de manière claire, que

11 Cf AFP – Goma,14.01.’08 et Radio Okapi, 14.01.’08.

12 Cf AFP - Goma, 15.01.’08 et Radio Okapi, 15.01.’08.

13 Cf Reuters - Goma, 16 et 17.01.’08.

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Kinshasa n’entend nullement se laisser enfermer dans un face à face mortel avec le CNDP, ni cautionner ouvertement des négociations politiques, le partage du pouvoir, ainsi que la remise en question des institutions issues des élections. D’où cette insistance pour que les résolutions et recommandations issues des travaux soient soumises au gouvernement et à la représentation nationale.14

Le 16 janvier, les délégués des réfugiés congolais de Tanzanie, Ouganda, Burundi et du Rwanda ont affirmé d’être prêts à rentrer au Congo, mais leur premier souci est de trouver des conditions d’accueil favorables et ils ont souhaité que la conférence examine les conditions de leur retour au pays. Il y a 31.000 congolais réfugiés en Ouganda, 28.945 au Burundi, 95.000 en Tanzanie et 47.700 au Rwanda. Ces derniers souhaitent que les ex-FAR, les interahamwe et les FDLR quittent le sol congolais pour que leur retour se passe en toute sécurité.15

Le 17 janvier, la question qui divise les conférenciers dans la sous-commission des groupes armés du Nord Kivu, est celle relative au sort qu’il faut réserver à Laurent Nkunda, chef du groupe armé CNDP: l’amnistie, pour les membres de sa délégation, l’arrestation où l’exil pour les autres. Pour certains délégués accorder l’amnistie à Nkunda, serait se moquer des institutions nationales.

D’autres estiment, par contre, que la guerre ayant démontré ses limites, il faut faire la paix par tous les moyens. Selon un membre de la sous-Commission “Groupes armés”, la question aurait été versée à l’arbitrage du panel des sages, pour ne pas retarder les travaux.16

Le 18 janvier, les groupes armés du Nord et du Sud-Kivu, le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), les Patriotes Résistants Congolais (PARECO), les Forces Républicaines Fédéralistes (FRF), les différentes factions Maï-Maï, réunis en présence des membres du panel des modérateurs et des membres du comité des sages, ont affirmé leur adhésion à la paix et déclaré leur volonté de procéder immédiatement à un cessez-le-feu, pourvu que les conditions de sécurité leur soient garanties, tout en mettant un accent particulier sur le respect des exigences contenues dans leurs cahiers des charges.17

Le 19 janvier, le grand atelier Nord-Kivu a adopté les rapports des 4 commissions. Il s’agit des commissions paix, sécurité, développement et questions humanitaires. La commission développement a proposé une résolution déclarant les provinces du Nord et du Sud-Kivu, provinces sinistrées. Elle a par ailleurs appelé le gouvernement congolais à élaborer un plan de reconstruction de ces 2 provinces. Concernant les problèmes entre communautés ethniques, la commission a proposé des sanctions contre quiconque tiendrait des propos divisionnistes entre communautés. Elle propose en outre à la majorité au pouvoir de protéger les minorités et de les associer à l’exercice du pouvoir. La commission sécurité recommande le renforcement de la sécurité aux frontières, la reforme des services de sécurité (armée, police) et le re-équilibrage ethnique au sein de l’armée, selon des quotas, sachant qu'aucun groupe ethnique ne représente plus de 5% de la population en RDC, mais que d'importantes disparités sont observées au sein des provinces. On a aussi exigé le rapatriement forcé des combattants étrangers, notamment des rebelles hutus rwandais, si ces derniers refusaient de retourner volontairement dans leur pays à l'issue d'une période de

"sensibilisation". Quant au retour des déplacés et des réfugiés congolais, les délégués du Nord-Kivu souhaitent la réhabilitation et l’installation à court terme des déplacés internes et l’accélération du processus de rapatriement des réfugiés de l’extérieur en RDC, dans des conditions acceptables.18

14 Cf Kenge Mukengeshayi - Le Phare 18.01.’08.

15 Cf Radio Okapi, 16.01.’08.

16 Cf Radio Okapi, 18.01.’08.

17 Cf Radio Okapi, 19.01.’08 ; Médard Muyaya – Le Potentiel – Kinshasa, 19.01.’08 et Daniel Nzuzi/MMC – digitalcongo – Goma, 19.01.’08.

18 Cf Radio Okapi, 19.01.’08 et AFP – Goma, 19.01.’08.

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Vers une conclusion difficile

Le 19 janvier, les délégués de la sous- commission "Groupes armés du Nord Kivu" ont discuté de l'opportunité d'accorder une amnistie à certains belligérants, notamment le général dissident Laurent Nkunda, sous un mandat d'arrêt pour crimes de guerre. Cette question a divisé les participants à la conférence. "Au nom de la réconciliation nationale M. Nkunda peut être amnistié, pour éviter à toute la province déjà meurtrie une nouvelle guerre", a estimé une partie des participants. Le CNDP tient à cette proposition et a dit clairement que c’est le prix à payer pour la paix.

D’autres participants ont rétorqué que "le mandat d'arrêt pour crimes de guerre lancé contre Laurent Nkunda doit être exécuté, ceci en conformité à la Constitution de la République et aux lois du pays.

L'impunité ne doit plus élire domicile dans la justice congolaise".

Le désengagement des groupes armés constitue aussi une autre pierre d’achoppement. Le comité de sages a proposé un plan de désengagement, c’est-à-dire le désarmement de groupes et leur cantonnement dans des sites à partir desquels leurs troupes seront acheminées vers les centres de brassage. Cependant, le CNDP qui craint que les FDLR occupent l’espace qu’il contrôle une fois qu’il désengage ses troupes, pense plutôt à la mise sur pied d’un comité technique qui examinera cette question en profondeur.19

Le 21 janvier, les groupes armés du Nord-Kivu ont affirmé leur volonté de signer un "acte d'engagement" pour l'"arrêt total et immédiat des hostilités" dans les deux provinces et un désengagement progressif des troupes des "mouvements politico-militaires" (et non plus "groupes armés") sur le terrain. L'"ordre formel" de "cessez-le-feu" sera communiqué par les groupes armés à leurs "troupes respectives par écrit, avec copie à la Mission de l'ONU en RDC (Monuc)". Tous devront s'abstenir de "poser des actes nuisibles à la paix", incluant toute "provocation",

"mouvement de forces", "tentative d'occupation de nouvelle position", "approvisionnement en armes et munitions".

Une "commission technique" sera instituée "sous la facilitation de la communauté internationale"

pour déterminer "les zones de désengagement" des troupes belligérantes, ainsi que des zones

"tampon" où seront déployés des Casques bleus pour veiller au respect du cessez-le-feu et à la sécurisation des populations civiles. De sa part, le gouvernement congolais s'engage à présenter "un projet de loi d'amnistie pour +faits de guerre et insurrectionnels + excluant les crimes de guerre, contre l'humanité et de génocide". On prévoit aussi "le début de mise en oeuvre" du désarmement et rapatriement des combattants étrangers présents sur le sol congolais - en premier lieu des rebelles hutus rwandais.20

Le 22 janvier, la clôture de la conférence initialement prévue dans la journée a été repoussée du fait que le Cndp a posé de nouvelles conditions à son adhésion à l’ "acte d'engagement".

Le major Mirindi, porte-parole militaire du CNDP a affirmé que le CNDP était en conflit avec le gouvernement et que c'était donc avec ce dernier qu'il devait "s'engager" et non pas avec d'autres belligérants. Pour le CNDP, le gouvernement doit apparaître clairement dans le titre du document comme belligérant au même titre que le CNDP et les autres groupes armés et au niveau du corps du texte, lui aussi doit s’engager à respecter le cessez le feu et s’interdire de tout mouvement des troupes et de renfort militaire pendant la période de cessez le feu. Le CNDP voudrait que l'acte d'engagement soit passé "entre" groupes armés et gouvernement -- et pas uniquement "en présence du gouvernement" --, que le Cndp soit associé à la direction d’un comité technique CNDP- gouvernement pour assurer le suivi des recommandations de la conférence, que l'acte englobe non seulement les questions militaires mais aussi humanitaires, et que l’amnistie soit totale, englobant aussi les "crimes de guerre". Nkunda est en effet visé par un mandat pour crime de guerre en RDC.

Le Cndp demande même que l’amnistie soit étendue à des militaires emprisonnés et condamnés à

19 Cf Xinhuanet- Kinshasa, 21.01.’08 et Radio Okapi, 21.01.’08.

20 Cf AFP – Goma, 21.01.’08.

(11)

mort pour avoir participé à l’assassinat de Laurent Désiré Kabila et exige aussi que le gouvernement s’engage à ne jamais extrader des rebelles qui pourraient être poursuivis par la justice internationale.21

La conclusion

Le 23 janvier, Vital Kamerhe, président du comité des sages et porte-parole de la conférence a déclaré que "l"acte d'engagement sera signé dans la journée (mercredi), que le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple de l'ex-général tutsi congolais Nkunda) signe ou pas".

Selon la journaliste belge Colette Braeckman, les trois facilitateurs Roeland van de Geer, envoyé spécial de l’Union européenne, Alan Doss, représentant spécial des Nations Unies et l’Américain Tim Shortley, ont eu, dans la matinée, une communication directe avec Laurent Nkunda pendant plus de 45 minutes, pour lever le dernier blocage.

Vers midi, l’Assemblée plénière a adopté la résolution n. 001 selon laquelle les participants à la conférence exigent:

L’instauration du cessez-le-feu par tous les groupes armés et mouvements politico-militaires ainsi que la cessation des hostilités et la restauration de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue des deux provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Le démantèlement de tous les groupes armés et mouvements politico-militaires nationaux et étrangers soit par l’intégration des éléments dans les Forces armées de la République démocratique du Congo soit par leur enrôlement dans le programme national de désarmement, mobilisation et réinsertion (PDDR) pour les nationaux soit, enfin, par le rapatriement, dans leurs pays d’origine, des éléments groupes armés étrangers.

La mise en place, dans le cadre du comité de suivi de la conférence, d’une commission technique mixte sur la paix et la sécurité, chargée de finaliser le plan du désengagement des forces en présence ainsi que les modalités pratiques du brassage, de la démobilisation et de la réinsertion sociale des éléments et cadres militaires et civils des groupes armés et mouvements politico-militaires.

Enfin, les participants demandent aux Nations Unies le déploiement d’observateurs et Forces armées de la Monuc pour surveiller le cessez-le-feu et en assurer le respect et sécuriser le retour des déplacés internes et des réfugiés.

Plus tard dans l’après midi, les groupes armés congolais actifs au Nord et au Sud-Kivu, y compris le Cndp, ont signé l’ "acte d'engagement" pour une cessation immédiate des hostilités. Deux "Actes d'engagement" (un pour le Nord-Kivu, un pour le Sud-Kivu) fixent l'arrêt des hostilités et "l'ordre formel" du Cessez le feu. Cette étape sera suivie par le désengagement des groupes armés de leurs positions militaires, où ils seront remplacés par des casques bleus. Une commission technique mixte, formée par les membres des groupes armés et coprésidée par le gouvernement congolais et des représentants de la facilitation (ONU, Union européenne, Union africaine, Etats-Unis) sera instituée par Kinshasa pour finaliser les modalités du désengagement: zones de désengagement des belligérants où seront déployés des Casques bleus de la Monuc pour veiller au respect du cessez-le- feu et à la sécurisation des populations civiles, itinéraires des groupes armés vers les centres de brassage (formation commune d'unités de la nouvelle armée congolaise à partir d'anciens groupes armés ennemis) et démobilisation, rétablissement de l'autorité de l'Etat, etc.

Le gouvernement s'engage à présenter au parlement un projet de loi d'amnistie pour faits de guerre et insurrectionnels couvrant la période de juin 2003 à la date de la promulgation de la Loi (exclus les crimes imprescriptibles de guerre, contre l’humanité et de génocide) et à s'abstenir de tout appui ou soutien militaire et logistique aux groupes armés nationaux et étrangers ou d'en requérir un appui quelconque à l'armée. Le désarmement et le rapatriement des combattants étrangers présents sur le

21 AFP – Goma, 22 et 23.01.’08 ; Radio Okapi, 23.01.’08.

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sol congolais dont les Ex Far/Interhamwe/Fdlr, la reinstallation des déplacés internes et le retour des réfugiés congolais de l’extérieur sont aussi recommandés.22

Le 24 janvier, conformément à l'"acte d'engagement" pour la paix signé la veille, le ministre congolais de la Défense, Chikez Diemu, a décrété un "cessez-le-feu" ainsi que la cessation des hostilités sur toute l'étendue des (deux) provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu". Selon un communiqué du ministère de la Défense nationale, un ordre formel a été donné aux commandants des régions militaires du Nord et du Sud-Kivu pour l’application de cette mesure.23

La presse de Kinshasa a salué prudemment l'acte d'engagement signé la veille par les groupes armés du Nord et du Sud-Kivu. Saluant le "succès" de la conférence, Le Potentiel (indépendant) souligne toutefois "qu'une chose est de signer des engagements, une autre est de les appliquer fidèlement". Ce quotidien craint que "des parrains politiques des groupes armés, évoluant dans les institutions de la République, ou ceux de l'extérieur, continuent à manipuler leurs pions sur le terrain". Le Forum des As qui considère le Rwandais Paul Kagame être en partie responsable de l'instabilité dans l'est congolais, estime que "l'acte de Goma sera loin d'apporter la véritable paix à l'Est de la RDCongo, si Kigali, ne s'implique pas".24

22 Cf AFP – Goma, 23.01.’08; L’Observateur – Kinshasa, 25.01.’08 et Marie-France Cros - La Libre 24.01.’08.

23 Cf AFP - Kinshasa, 24.01.’08.

24 Cf AFP – Goma, 24.01.’08.

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