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1 Faits et chiffres

1.1 Mobilité des travailleurs

Il ressort des recherches de l’OCDE1 : 1) qu’une mobilité géographique insuffisante de la main-d’œuvre peut contribuer à la persistance d’une coexistence de régions connaissant un taux de chômage élevé et de régions proches du plein emploi ; 2) que les travailleurs dont la position est la plus faible sur le marché du travail les femmes, les jeunes, les plus de 55 ans et, plus généralement, les peu qualifiés sont les moins mobiles et donc les plus tributaires des possibilités d’emploi locales.

En général, on postule que la mobilité géographique de la main-d’œuvre contribue à réduire les inadéquations géographiques sur le marché du travail, puisque les postes vacants localement peuvent être pourvus par des personnes qui disposent des compétences requises mais habitent ailleurs. Ces personnes peuvent ainsi faire un travail correspondant mieux à leurs capacités, alors qu’elles resteraient sans emploi dans leur région d’origine ou devraient y exercer une fonction moins appropriée à leurs qualifications2.

Les groupes à potentiel qui sont proportionnellement plus présents dans les statistiques du chômage (les femmes, les jeunes, les plus de 55 ans et, plus généralement, les peu qualifiés) sont moins mobiles. Cette situation est en partie due au coût associé à la mobilité. Pour les moins qualifiés, dont le niveau de rémunération est peu élevé, il est vraisemblable que l'espérance de revenu supplémentaire ne suffise pas à compenser ce coût3.

En ce qui concerne la mobilité géographique de la main-d’œuvre, il convient d’établir une distinction entre la mobilité résidentielle (ou migration définitive) et la mobilité quotidienne (ou migration alternante).

1.1.1 Mobilité résidentielle

Un déménagement pour raisons professionnelles (mobilité résidentielle) est, au même titre que la navette, une réponse aux inadéquations entre la demande et l’offre d’emploi sur le marché du travail4. Le déménagement semble être le propre des personnes ayant un niveau de qualification élevé5. Le fait que davantage de hauts qualifiés déménagent est imputable aux coûts associés à cette forme de mobilité, qui seront d'autant plus facilement compensés que le niveau de salaire est élevé.

Le nombre de déménagements de la Flandre vers la Wallonie et inversement reste relativement restreint, ce qui indique que la frontière linguistique constitue réellement une barrière à la mobilité dans notre pays6.

Comme il y a une forte corrélation entre le niveau des prix de l'immobilier et la santé économique de la région, déménager vers une région plus prospère implique un coût du logement plus élevé. Ce coût est à soupeser, en tenant compte de la situation familiale (p. ex. la présence d'enfants en âge scolaire et/ou

1Source : Chapitre 2 « Les disparités régionales d’emploi sont-elles persistantes ? Le rôle de la mobilité géographique » des Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2005

2 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 98

3 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 30

4 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 27

5 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 126

6 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 128

l’emploi du partenaire éventuel), du coût de la navette et du revenu supplémentaire éventuellement offert par un emploi dans cette région7.

Deux facteurs qui peuvent avoir freiné les déménagements ces dernières décennies sont les prix de l’immobilier et l’augmentation du nombre de ménages où les deux conjoints travaillent8.

1.1.2 Mobilité quotidienne

La comparaison du taux de navette avec les taux d’emploi et de chômage moyens montre qu’une navette plus importante va généralement de pair avec un marché du travail plus performant, caractérisé par un taux d’emploi plus élevé et un taux de chômage plus faible9.

Un Belge sur dix (11,2 %, soit 466 500 travailleurs) travaille en dehors de sa région de résidence et a, dès lors, un trajet assez important à effectuer vers son lieu de travail10.

Sur la base des résultats de l’enquête sur les forces de travail de l'année 2004, la Belgique est caractérisée par la plus forte mobilité quotidienne des pays de l'UE-15 pour lesquels on dispose d'une information correspondante11 (Tableau 1-1 et Graphique 1-1).

Tableau 1-1 : Navette en Belgique et dans les autres pays de l’UE-15 e12

Taux de navett Taux de chômage Taux d’emploi

12,6 8,4 60,3

Belgique

R.U. 11,3 4,7 71,8

8,3 4,6 73,1

Pays-Bas

8,3 5,0 67,8

Autriche

5,8 10,8 64,3

Allemagne

3,6 9,2 63,2

France

1,7 7,3 67,9

Portugal

1,6 7,2 59,2

Italie

1,5 8,9 67,6

Finlande

1,0 11,0 61,3

Espagne

Source : Banque nationale de Belgique, Département Etudes

7 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 28

8 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 129-130

9 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 104

10 Source : Communiqué de presse « La navette entre Régions et provinces » du 19 juillet 2007 de la Direction générale Statistique et Information économique du SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie

11 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 25

Remarque : les chiffres belges pourraient être biaisés dans une perspective internationale en raison de la taille limitée de la Région de Bruxelles-Capitale, où se concentre un grand nombre d’emplois occupés dans une mesure considérable par des navetteurs en provenance des autres entités NUTS 2 (c.-à-d. des 10 provinces).

Graphique 1-1 : Navette en Belgique et dans les autres pays de l’UE-15

Taux de navette (échelle de gauche) p.m. Taux de chômage2 (échelle de gauche) p.m. Taux d’emploi3 (échelle de droite)

Source : Conseil supérieur de l’emploi (2007), Rapport 2006, p. 103

La proportion élevée de navetteurs en Belgique contribue à mieux apparier offre et demande de travail12. Sans cette forte mobilité quotidienne, les déséquilibres sur le marché du travail seraient plus importants encore en Belgique.

Les plus importants flux de mobilité s’effectuent au départ de la Flandre et de la Wallonie en direction de Bruxelles. Les Bruxellois se déplacent davantage vers la Flandre que vers la Wallonie pour raisons professionnelles.

Le nombre de navetteurs de Flandre qui vont travailler en Wallonie et inversement reste assez limité. Il est à constater que les navetteurs de Flandre vers la Wallonie sont moins nombreux que les navetteurs de Wallonie vers la Flandre : 36 000 travailleurs wallons se rendent en Région flamande pour 21 500 Flamands qui effectuent la navette inverse13. En tout état de cause, les nombres relativement faibles des deux Régions indiquent que la frontière linguistique constitue une barrière à la mobilité quotidienne dans notre pays. Une connaissance suffisante de l’autre langue nationale reste donc un facteur important pour un fonctionnement plus efficace du marché du travail14.

Les groupes à potentiel sous-représentés dans l’emploi (les femmes, les jeunes, les plus âgés et les peu qualifiés) sont relativement moins nombreux parmi les navetteurs. La sous-représentation des femmes dans la navette pourrait découler de leurs responsabilités familiales, qui sont difficiles à concilier avec des absences de longue durée - liées au déplacement - du domicile15.

31 % des personnes qui sont au travail déclarent passer 15 minutes ou moins entre leur domicile et leur lieu de travail, 38 % entre 15 minutes et une demi-heure, 21% entre une demi-heure et une heure et 9%

plus d’une heure. Bruxelles compte le plus grand nombre de personnes actives qui sont plus d’une demi-heure ou plus d’une heure sur la route entre leur domicile et leur lieu de travail16.

12 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 26

13 Source : Communiqué de presse « La navette entre Régions et provinces » du 19 juillet 2007 de la Direction générale Statistique et information économique du SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie

14 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 114

15 Source : Rapport 2006 du Conseil supérieur de l’emploi, p. 110-111

16 Source : p. 35 du rapport final de l’étude intitulée « Evaluation du nouveau système de suivi des demandeurs d'emploi » réalisée en avril 2008 par IDEA Consult à la demande du SPF ETCS

En Flandre, la part de salariés qui travaillent à proximité de leur domicile est plus grande qu’en Wallonie. Cette différence s’explique par les offres d’emploi moins nombreuses et l’habitat plus dispersé en Wallonie, qui obligent les Wallons à parcourir de plus longs trajets17.

On obtient le taux d’attraction en divisant le nombre de personnes au travail dans une région par le nombre d’habitants qui travaillent. Une région au taux d’attraction supérieur à 100 est une région où le nombre de personnes qui y travaillent est supérieur au nombre de personnes qui y habitent et qui font partie de la population active en emploi. Pour la période 1991-2001, on observe une baisse du taux d’attraction en Région flamande et en Région wallonne (de respectivement 89,6 à 87,5 et de 87,6 à 85,8) et une hausse dans la Région de Bruxelles-Capitale (de 203,3 à 206,6)18. Cela signifie que la Région de Bruxelles-Capitale, contrairement aux autres Régions, a pris de l’importance en tant que centre d’emploi (pôle d’attraction pour l’emploi).

Les plus grands soldes des navettes19 sont enregistrés à Bruxelles, où l’on retrouve principalement le secteur tertiaire. Dans la périphérie, où le secteur secondaire est prédominant, on observe que les soldes des navettes sont inférieurs et qu’en s’éloignant davantage du centre, les soldes deviennent négatifs20.

La part des déplacements domicile-travail de courte distance (moins de 10 km) a diminué tandis que celle des déplacements domicile-travail de plus longue distance a augmenté21. Le sud du pays (Wallonie) connaît les plus fortes augmentations des distances parcourues entre le domicile et le lieu de travail. Cette évolution découle de la situation économique et de la pénurie d’emplois dans cette partie du pays, ce qui augmente les distances à parcourir pour trouver du travail22.