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Aan Hans Willem van Aylva, 10 oktober

Arnhem, Gelders Archief, Collectie Waardenburg en Neerijnen, nr. 224/6-8. – Zie tevens verwijzing bij brief 12.2.

La Haye, ce 10 d’oct. 1769 Mon très cher Aylva, je vous aurai de l’obligation si vous voulez bien porter vous même mes pacquets à Mr. de Plettenberg, et vous m’en aurez apres, de ce

que je vous ai recommandé de la façon la plus forte à un homme très excellent, dans toute la force du terme, et qui pourroit un jour vous rendre de très grands services par ses conseils. Faites lui votre cour aussi souvent que cela se peut avec decênce, et comptez, mon cher, que le premier pas qu’un jeune homme bien né puisse faire vers la reputation, est de ne s’attacher avec ardeur qu’aux seules personnes dont la reputation est etablie chez les gens de bien.

L’elôge que Mr. du Tour a bien voulu faire de ma Lettre sur la Sculpture est

fort flatteur, car il est juge! Ce qu’il a dit par rapport à sa | fille m’a beaucoup diverti, et ce n’est pas si mal. S’il avoit lu ma Lettre sur les Desirs il auroit pu dire avec verité que ma belle y avoit beaucoup de part; car c’est bien elle et vous qui m’avez plus appris dans cette belle metaphysique qui roule sur la

connoissance de l’homme, que tous les professeurs ensemble si j’en excepte un seul. Ainsi si jamais mes talents et mes loisirs pussent me faire donner à cette sçience une façe toute nouvelle, je serois obligé en consçience de dedier mon ouvrage à vous deux, par une dedicace fort originale.

Vous me demandez mon conseil sur l’affaire de Baarderadeel. En general je vous dirai que je serois charmé, qu’en ne vojageant pas comme il faut, vous fussiez encore un ou deux ans à quelque academie. Il ne peut pas vous manquer de paroitre avec un certain eclat dans le monde, mais il s’agit d’y paroitre avec honneur, et d’y bien debuter. Supposons que vous fussiez | grietman et par consequent dans les affaires: je connois assez les affaires, et j’ai trop bonne opinion de vous pour ne pas vous predire du chagrin. Votre premier desir seroit d’être quelque chose, et en vojant de près les affaires, vous comprendriez trop târd que vous n’êtes pas assez preparé et cette idée vous meneroit naturellement à l’abandon et au mepris des affaires, et vous seriez reduit à vegéter comme tout d’autres pour qui le maniement des affaires est si facile. Cela me rappelle un de mes parants qui devint regent fort jeune. Il écrivit à son père qu’il n’y avoit rien de si aise que d’être regent, et il avoit raison car de sa vie on ne lui a confié que du papier blanc pour y barbouiller un nom qui designoit un fort sôt personnage.

Raiez cette consideration generale car selon toutes les apparences j’ai mal jugé des affaires et plus mal encore de vos lumières.

D’ailleurs je suis trop peu instruit de la situation actuelle des affaires de la Frise pour vous dire s’il est convenable ou non de profiter de la confusion | presente. En verité c’est une triste proprieté de la Frise qu’on y doit ordinairement plus à la confusion qu’à l’ordre.

Je crois que vous avez bien fait de vous addresser à Messieurs d’Aylva et de Twikkel, et je vous conseille de vous régler exactement sur ce que le premier vous dictera. Lorsqu’il s’agira d’effectuer quelque chose je vous conseille d’en parler à Eberstein. Il est habile et intriguant autant qu’on peut l’être. Il garde un secret inviolablement, et il est votre ami par interet et par choix. Je voudrois que vous fussiez deja assez bien avec Mr. de Plettenberg, c’est à lui que je vous adresserois. Il est tout aussi habile que l’autre, mais, ce qui est bien respectable, il est d’une delicatesse extrême dans le choix des moiens.

Je suis extrèmement charmé, mon très cher ami, de ce que vous vous ressouvenez si efficacieusement de nos discours de l’hermitage. Cela repare largement les plujes et les orages que nous eûmes à essuier.

Je vous remerçie de la lettre de Van der Bildt. Allez chez cet homme quand vos

etudes vous le permettent afin que je sçâche ou en est la machine, car il ne m’en dit rien dans sa lettre.

Mes ducats sont les vôtres, mon cher, comptez la dessus. J’irai voir vos parants à coup seur. Mais dites qu’est ce qu’ils s’imagineroient si je n’allois pas chez eux? J’ai lu et relu avec beaucoup de plaisir le cannevas de votre dissertation. Il me paroit très bien choisi, très bien pensé et très bien distribué. Je vous reponderai la dessus un peu plus en détail et je crois que le mieux sera de vous disputer tout autant que possible. C’est la seule façon qui nous fait voir les objets de façes très differentes. Quand j’aurai du loisir je vous donnerai quelques peu de passages d’auteurs. Je dis peu, parce qu’il ne vous en faut pas beaucoup. On doit être sçavant sans jamais affecter de l’être. Dans ce siècle eclairé l’érudition est

absolument necessaire, mais celui qui paje en erudition ce qu’il doit en genie est regarde comme insolvent. Apres une telle lettre dites que je ne vous aime pas si vous l’osez. Adieu cher Aylva.

Hemsterhuis

[Couvert:] Monsieur, Monsieur H.W. Aylva, ten huize van de weduwe Adol op

het Noord, Fraeneker