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Année 2017, numéro 1

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le lundi 2 janvier 2017

Année 2017, numéro 1

Documents sur la politique en RDC SOMMAIRE

La société civile et les défis de la nouvelle transition congolaise par Michel Luntumbue (GRIP)… page 1 Joseph Kabila. Un Portrait par Marcel Héritier Kapitene (GRIP) … page 5

Accord politique global et inclusif du Centre Interdiocésain de Kinshasa (CENCO) … page 9

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Dossier élections RDC La société civile et les défis de la nouvelle transition congolaise

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Par Michel Luntumbue 2 janvier 2017

Depuis le tournant des années 1990, une société civile plurielle s’est affirmée en RDC, dans le sillage de la libéralisation de l’espace politique.

Succédant aux cycles des mouvements de contestation étudiants des années soixante à quatre-vingt, puis à l’émergence de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), les organisations de la société civile (OSC) ont été aux avant-gardes des luttes pour l’élargissement de l’espace politique et des libertés civiles. L’avènement plus récent de mouvements citoyens animés par la jeunesse et dotés de modes d’organisation et de stratégies d’action moins conventionnels semble cependant bousculer le rôle de garde-fou et de contrepouvoir démocratique, traditionnellement assuré par la société civile institutionnalisée. Dans le contexte de crise de légitimité que traverse actuellement le Congo, les OSC peinent en effet à trouver une visibilité entre les forces de la Majorité présidentielle et celles de l’opposition, en lutte pour la gestion de la transition après l’expiration du mandat du président Kabila, arrivé à échéance le 19 décembre 2016. Dans ce nouveau contexte particulièrement volatile, la question est aussi celle du poids réel de la société civile et sa capacité à influencer l’agenda politique.

Diversité et controverses

La notion de société civile renvoie en réalité à une grande diversité d’initiatives dans des champs d’activité aussi variés que le développement, la défense et la promotion des droits humains, ou encore le secteur des organisations socioprofessionnelles, des organisations de la jeunesse, des organisations des femmes et des confessions religieuses.

En dépit de l’existence d’une multitude de plates-formes et structures faîtières, la représentativité des acteurs de la société civile congolaise est régulièrement mise en débat. Il est reproché à nombre d’OSC d’être

« alignées », c’est-à-dire politisées et dépourvues d’une réelle indépendance1.

1. Cet Éclairage fait partie du projet du GRIP « Dossier élections RDC : portraits et éclairages thématiques ». Il est publié parallèlement au portrait de Joseph Kabila rédigé par Marcel-Héritier Kapitene.

GROUPE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION SUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

467 chaussée de Louvain B – 1030 Bruxelles Tél. : +32 (0)2 241 84 20 Fax : +32 (0)2 245 19 33 Courriel : admi@grip.org Internet : www.grip.org Twitter : @grip_org Facebook : GRIP.1979

Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) est un centre de recherche indépendant fondé à Bruxelles en 1979.

Composé de vingt membres permanents et d’un vaste réseau de chercheurs associés, en Belgique et à l’étranger, le GRIP dispose d’une expertise reconnue sur les questions d’armement et de

désarmement (production, législation, contrôle des transferts, non-prolifération), la prévention et la gestion des conflits (en particulier sur le continent africain), l’intégration européenne en matière de défense et de sécurité, et les enjeux stratégiques asiatiques.

En tant qu’éditeur, ses nombreuses publications renforcent cette démarche de diffusion de l’information. En 1990, le GRIP a été désigné « Messager de la Paix » par le Secrétaire général de l’ONU, Javier Pérez de Cuéllar, en reconnaissance de « Sa contribution précieuse à l’action menée en faveur de la paix ».

Le GRIP bénéficie du soutien du Service de l'Éducation permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

ÉCLAIRAGE – 2 janvier 2017

LUNTUMBUE Michel, La société civile et les défis de la nouvelle transition congolaise, Éclairage du GRIP, 2 janvier 2017.

http://www.grip.org/fr/node/2211

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Ainsi, la Nouvelle société civile congolaise (NSCC), animée par Jonas Tshiombela, présente aux rencontres de Gorée, de Genval et au « dialogue » achevé en octobre sous la médiation d’Edem Kodjo, a été tour à tour accusée d’être proche de l’opposition radicale, puis de la Majorité présidentielle2. Maggy Kiala, animatrice de la Société civile forces vives de la RDC (SCFV), et Me Marie-Madeleine Kalala3, signataires de l’accord d’octobre, sont considérées comme proches de la Majorité présidentielle. Me Georges Kapiamba, président de l'Association congolaise pour l'accès à la justice (ACAJ) et Christopher Ngoy Mutamba (Société civile de la RDC), présents au « dialogue inclusif » initié par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), sont eux réputés proches du Rassemblement, regroupant l’UDPS et une partie de l’opposition dite radicale. Enfin, une structure telle que le Cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO), qui regroupe les femmes issues de la Majorité présidentielle, de l’opposition et de la société civile, synthétise à elle seule les ambivalences de cette société civile et l’absence d’une démarcation claire entre certaines structures et l’espace politique.

La société civile congolaise reflète ainsi les clivages sociopolitiques avérés ou supposés qui façonnent le pays. Aussi, au moment où débutaient les travaux du second dialogue politique, sous l’égide de la CENCO, une coalition de la société civile, Droits pour tous, animée par Me Hubert Tshiswaka, directeur de l’Institut de recherche en droits humains (IRDH), basé à Lubum

bashi, interpellait les délégués de la société civile sur leur rôle dans le cadre de ces assises de la dernière chance. Rappelant que la société civile « est l’ensemble d’organisations à base sociale dont l’objet n’est pas de conquérir le pouvoir, mais d’assurer la promotion et protection des intérêts de la population », la coalition invitait ses délégués au sens des responsabilités et à privilégier les questions relatives à l’État de droit et la démocratie. Selon elle, le rôle de ces délégués est « de faire pression, ensemble, sur les acteurs politiques, afin que ceux-ci trouvent un compromis nécessaire à la gestion du pays dans la paix et la cohésion nationale, en respectant le cadre constitutionnel »4.

La rue, l’Église et la « Communauté internationale » comme contrepouvoirs ?

À l’heure où se profile l’espoir d’un compromis sur les contours de la transition politique, il reste difficile de distinguer l’apport spécifique de la société civile dans cette avancée.

Au cours de ces deux processus de « dialogue », la représentation des OSC est restée limitée, respectivement à trois délégués dans le premier dialogue et à cinq dans le second, sur une trentaine de participants. De plus, la polarisation du débat entre les positions initialement inconciliables5 de la majorité et de l’opposition radicale – notamment sur le statut du président Kabila après le 19 décembre et sur le calendrier électoral –, ont rendu inaudibles les positions médianes de certains acteurs de la société civile.

Pour Jonas Tshiombela de la NSCC, la Constitution congolaise n’est pas explicite sur la situation singulière d’absence d’élections : « Elle ne demande pas que le président parte, mais qu’il y ait préalablement des élections »6. Ce qui justifiait, selon la NSCC, la recherche d’un compromis permettant de gérer pacifiquement cette période transitoire.

Le dialogue direct entre les signataires et non-signataires de l’accord du 18 octobre est en partie le résultat de plusieurs facteurs : la mobilisation de l’Église et de certains acteurs régionaux, la pression de la rue, sans négliger les pressions diplomatiques croissantes. Ainsi,

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fin octobre 2016 à Luanda, en marge du sommet des chefs d’État de la région, les présidents Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et José Eduardo dos Santos (Angola) auraient suggéré à Joseph Kabila de « tendre la main au Rassemblement de l’opposition, via la CENCO ». Comme le souligne l’ancien médiateur Edem Kodjo, « tout le monde [était] un peu tétanisé à l’idée qu’il se passe quelque chose le 19 décembre à minuit et (…) chacun cherche à conjurer les risques de dérapages »7. Les événements tragiques des 19 et 20 septembre 2016 restent en mémoire comme un premier coup de semonce. Parallèlement, les nouveaux mouvements citoyens, animés par la jeunesse, se sont imposés dans l’agenda du pouvoir par leur stratégie de « harcèlement pacifique » et de manifestations publiques régulièrement réprimées par les autorités. Si l’apocalypse tant redoutée n’a pas (encore) eu lieu, ni le soulèvement populaire annoncé par certains, pour faire échec au maintien de Joseph Kabila au pouvoir, la nuit du 19 au 20 décembre, à Kinshasa, a été émaillée par un concert de casseroles et de sifflets. Une nouvelle forme de protestation politique pacifique, qui répondait à la proclamation à 23h59, du nouveau gouvernement congolais dirigé par Samy Badibanga, Premier ministre issu du premier processus de dialogue.

L’appel d’Étienne Tshisekedi à la résistance pacifique, diffusé par vidéo le 20 décembre ne s’est pas traduit par une mobilisation notable dans l’ensemble du pays, dont les villes étaient quadrillées par un important dispositif sécuritaire, tandis que le gouvernement avait demandé aux opérateurs internet de filtrer ou couper les réseaux sociaux la veille à partir de 23h59. La NSCC avait à cet effet appelé à une journée « ville morte », le lundi 19 décembre, pour protester contre le blocage des réseaux sociaux et l’interdiction de tenir des réunions dans différents endroits de Kinshasa sans l’autorisation des services de renseignement8.

Une situation toujours instable

Selon Human Rights Watch, les forces de sécurité congolaises auraient tué au moins 34 personnes lors de tentatives de manifestations survenues à Kinshasa (19 personnes), à Lubumbashi (5 personnes), à Boma (6 personnes) et à Matadi (4 personnes), et procédé à l’arrestation de plusieurs centaines d’autres, dont des activistes des mouvements citoyens9. Les risques d’un isolement diplomatique et d’une dégradation de la situation générale du pays semblent en partie avoir joué en faveur de l’apaisement. Le compromis qui se profile10 rencontre ainsi nombre d’attentes et signaux d’apaisement préconisés par les représentants de la société civile : adoption d’un calendrier électoral raccourci, prévoyant une transition d'un an seulement ponctuée par des élections en 2017 au lieu d'avril 2018 comme stipulé dans l'accord du 18 octobre ; engagement du président sortant à ne pas briguer de troisième mandat et à ne pas initier un quelconque changement de la Constitution durant la période de transition ; remaniement du gouvernement central et des gouvernements provinciaux pour intégrer les représentants du Rassemblement et du Mouvement de libération du Congo, les deux principaux acteurs politiques d’opposition engagés dans le processus11.

Parmi les obstacles qui restent à surmonter, citons le poste de Premier ministre, revendiqué par l’UDPS, alors que la Majorité présidentielle s’accroche à Badibanga, et la réforme de la commission électorale, dont le Rassemblement exige le remplacement du président, Corneille Nangaa12.

En dépit de ces avancées, qui restent à confirmer dans la durée, certains observateurs soulignent d’emblée la persistance d’un des écueils à l’origine de la crise actuelle : la question

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du financement des élections… Toute nouvelle difficulté à mobiliser des fonds pourrait devenir la cause d’un nouveau « glissement » électoral.

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L’auteur

Michel Luntumbue est chercheur au GRIP dans l’axe « Conflit, sécurité et gouvernance en Afrique ». Ses travaux portent sur l’amélioration de la sécurité humaine, la prévention des conflits et le renforcement de l’État de droit dans les pays d’Afrique centrale et occidentale

1. Jonas Tshiombela, entretien avec le GRIP, 9 décembre 2016.

2. La NSCC s’est retirée de ce dialogue après l’incendie de son siège, lors des journées de violence des 19 et 20 septembre 2016.

3. Marie-Madeleine Kalala est la vice-présidente du Cadre de concertation nationale des organisations de la société civile (CCNOSC) et coordonnatrice nationale de Cause commune. Cette plate-forme d’associations féminines a pour mission de défendre et de promouvoir les droits et la représentation des femmes aux postes de prise de décision.

4. Dialogue II : la société civile interpelle ses cinq délégués, mediacongo.net, 9 décembre 2016.

5. L’opposition qui a boycotté le premier dialogue proposait un régime spécial avec ou sans Kabila, dont les pouvoirs seraient sensiblement réduits, ainsi que la tenue des élections en 2017.

La majorité et les signataires de l’accord du 18 octobre défendaient eux le renvoi des élections en 2018, ainsi que les termes de l’arrêt de la Cour constitutionnelle selon laquelle le président Kabila restera à son poste aussi longtemps qu’un nouveau chef de l’État ne sera pas élu.

6. Entretien avec le GRIP, 9 décembre.

7. Kabila, Tshisekedi, Katumbi… L’ex-médiateur Edem Kodjo dit tout, Jeune Afrique, 19 décembre 2016.

8. Blocage des réseaux sociaux : la NSCC appelle à la ville morte le 19 décembre, Actualité.CD, 16 décembre 2016.

9. Le bilan des morts en RD Congo s’alourdit, des arrestations massives après les manifestations, HRW, 22 décembre 2016.

10. Après avoir fixé une échéance à la veille de Noël, la CENCO a déclaré, le 24 décembre, espérer que le dialogue se clôture par la signature d’un accord le 30 décembre 2016.

11. Dialogue II : suivez l'évolution des négociations depuis hier vendredi, mediacongo.net, 23 décembre 2016.

12. Suspension du dialogue mais l'accord «à portée de main» selon la CENCO, RFI, 25 décembre 2016.

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Dossier élections RDC Joseph Kabila

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Portrait

Par Marcel Héritier Kapitene 2 janvier 2017

Son deuxième et dernier quinquennat a expiré le 19 décembre 2016. Mais Joseph Kabila, président de la République démocratique du Congo depuis le 26 janvier 2001, ne semble guère disposé à passer la main. En dépit de la pression internationale et des tensions internes suscitées par ses manœuvres, le « Raïs », comme l’appellent affectueusement ses partisans, règne de main de maître sur le Congo.

Taiseux et discret , Joseph Kabila est l’un des hommes les plus riches du continent. D’une origine mal connue, qui suscite encore souvent la controverse, il oscille entre plusieurs zones d’influences linguistiques et géostratégiques. L’homme a bâti sa fortune grâce à un réseau impliquant de puissants milieux d’affaires dont font notamment partie l’Israélien Dan Gertler, le Groupe Blattner Elwyn ou Albert Yuma. À la tête d’un territoire couvrant près de 8 % de l’Afrique et partageant près de 11 000 kilomètres de frontières avec neuf voisins, il a assumé, durant sa quinzaine d’années passée au pouvoir, la présidence d’organisations sous-régionales, dont la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), ainsi que la vice- présidence de l’Union africaine.

D’un passé controversé à un leadership évitant

Né le 4 juin 1971 à Mpiki au Sud-Kivu, en territoire de Fizi, dans un maquis des rebelles zaïrois de l’époque, il est l’un des enfants de Laurent-Désiré Kabila (dont l’identité a également été controversée), maquisard d’inspiration socialiste et marxiste. Joseph Kabila passe donc une bonne partie de sa jeunesse entre les armes et les trafics.

1. Cet Éclairage fait partie du projet du GRIP « Dossier élections RDC : portraits et éclairages thématiques ». Il est publié parallèlement à « La société civile et les défis de la nouvelle transition congolaise » (Michel Luntumbue).

GROUPE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION SUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

467 chaussée de Louvain B – 1030 Bruxelles Tél. : +32 (0)2 241 84 20 Fax : +32 (0)2 245 19 33 Courriel : admi@grip.org Internet : www.grip.org Twitter : @grip_org Facebook : GRIP.1979

Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) est un centre de recherche indépendant fondé à Bruxelles en 1979.

Composé de vingt membres permanents et d’un vaste réseau de chercheurs associés, en Belgique et à l’étranger, le GRIP dispose d’une expertise reconnue sur les questions d’armement et de

désarmement (production, législation, contrôle des transferts, non-prolifération), la prévention et la gestion des conflits (en particulier sur le continent africain), l’intégration européenne en matière de défense et de sécurité, et les enjeux stratégiques asiatiques.

En tant qu’éditeur, ses nombreuses publications renforcent cette démarche de diffusion de l’information. En 1990, le GRIP a été désigné « Messager de la Paix » par le Secrétaire général de l’ONU, Javier Pérez de Cuéllar, en reconnaissance de « Sa contribution précieuse à l’action menée en faveur de la paix ».

Le GRIP bénéficie du soutien du Service de l'Éducation permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

ÉCLAIRAGE – 2 janvier 2017

KAPITENE Marcel-Héritier, Portrait : Joseph Kabila, Éclairage du GRIP, 2 janvier 2017.

http://www.grip.org/fr/node/2213

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Originaire de l’actuelle province du Tanganyika, Laurent-Désiré Kabila rencontre plusieurs femmes dans son parcours de maquisard et trafiquant, dont Sifa Mahanya, originaire du Maniema. De leur union sont nés Joseph, sa jumelle Jaynet et son frère cadet Zoé, ces deux derniers siégeant comme députés au Parlement congolais. Joseph n’est pas le seul prénom connu de l’actuel Président. Pour des raisons de sécurité1, il en portait d’autres : Mtwale, Christopher, Hyppolite, etc. C’est plus tard que le patronyme de « Kabange » – porté par le second des jumeaux chez les Baluba du Katanga – lui a été adjoint par des hommes politiques katangais, qui avaient pour mission d’asseoir l’image politique de Joseph Kabila au Katanga2. Celui à qui on attribue – à tort ou à raison – des nationalités de pays voisins a passé une partie de son enfance en Tanzanie, dans les pêcheries clandestines de son père sur le lac Tanganyika, ainsi qu’en Ouganda où il fit un bref passage à la faculté de droit de l’Université de Makerere, avant de rejoindre le Rwanda en 1996, où il a été confié à James Kabarebe – futur chef d’état-major congolais et ministre rwandais de la Défense – qui l’initie brièvement aux armes et au commandement militaire. « Afande Hyppo », comme l’appelaient ses compagnons d’armes, rentre en RDC à la suite des troupes de l’AFDL à la mi-1996.

Sa vision politique n’est pas claire. Lorsqu’il prend le pouvoir, Joseph Kabila promet de poursuivre l’agenda politique de son père. Mais, très vite, ce n’est pas le jeune bercé de marxisme qui apparaît : il lève le monopole d’État sur l’exploitation minière et ramène le franc congolais au régime de change flottant. En mars 2002, il crée un parti se définissant social-démocrate, mais son enracinement dans la classe laborieuse chancèle suite à sa vision inconstante et à ses liens privilégiés avec l’élite du pays. Par ailleurs, ses liens économiques poussés avec la Chine n’ont pas plu aux partenaires traditionnels de la RDC.

Diplomatiquement, Joseph Kabila maintient une coopération étroite avec l’Angola, qui trouve bien des avantages à être le garant d’une RDC faible mais stable, tandis que le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi trouvent en Joseph Kabila un bon atout quant au maintien de l’instabilité à la frontière orientale de la RDC.

D’une transition instable à deux élections chahutées

Entre 1998 et 2002, après l’éclatement de la « deuxième guerre du Congo », le pays est morcelé en zones administrées par plusieurs rébellions et des troupes étrangères. En novembre 2000, Joseph Kabila, alors commandant des forces terrestres, supervise avec John Numbi, alors son adjoint chargé du Katanga, la bataille de Pweto contre les forces du RCD-Goma, une rébellion soutenue par le Rwanda. La bataille se déroule à la frontière zambienne près du lac Moero. Les forces gouvernementales subissent une cuisante défaite, menaçant Lubumbashi3, deuxième ville du pays. Kabila et Numbi s’échappent en hélicoptère via la Zambie4. Pour Laurent-Désiré Kabila, son fils est coupable de trahison et, pour le punir, il l’envoie parfaire son cursus militaire à Pékin.

Lorsque, deux mois plus tard, Laurent-Désiré est assassiné, Joseph rentre de Chine et est désigné Président de la République par l’entourage de son père, soutenu par le président du Zimbabwe, Robert Mugabe5. Une nouvelle phase s’ouvre dans l’histoire de la RDC. Un homme de 29 ans, sans expérience politique, est confronté au défi de pacifier, réunifier et reconstruire un pays dont les autorités légitimes ne contrôlent même pas la moitié du territoire.

À l’issue d’un accord conclu en Afrique du Sud, les troupes étrangères quittent le Congo, la

« deuxième guerre » prend fin et un gouvernement de transition présidé par Joseph Kabila et incluant les principaux chefs rebelles est mis en place en 2003. Cependant, la paix est loin d’être rétablie, en particulier au Kivu, en proie à divers groupes armés, dont certains sont téléguidés par le Rwanda et l’Ouganda voisins.

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Malgré de multiples tiraillements, la transition aboutit à l’adoption, en février 2006, de la Constitution de la 3e République. Ceci ouvre la voie aux premières élections présidentielles et législatives libres de l’histoire congolaise. Présenté comme l’homme de la rupture par ses supporters, Joseph Kabila arrive en tête du premier tour des présidentielles avec 44,81 % des voix, précédant l’ancien chef rebelle, Jean-Pierre Bemba, qui en obtient 20,03 %. Le second tour se joue dans un climat de balkanisation sociologique de la RDC. Kabila, en tête dans les provinces swahiliphones de l’Est, remporte les élections avec 58,05 % des voix, alors que son challenger est plébiscité dans l’Ouest, sauf au Bandundu, grâce à l’alliance du camp de Kabila avec Antoine Gizenga, l’un des derniers lieutenants de Lumumba encore actif sur la scène politique congolaise. Mais Bemba refuse de reconnaître l’élection de Kabila et Kinshasa sombre dans la confusion. Les gardes rapprochées de deux candidats se combattent férocement, entraînant la mort de nombreux civils et des dégâts matériels importants6. En avril 2007, Bemba s’exile au Portugal, puis est arrêté en mai 2008 à Bruxelles et extradé à la Cour pénale internationale.

Antoine Gizenga devient alors Premier ministre. L’aura dont dispose le compagnon de Lumumba n’empêche pas un discrédit grandissant du pouvoir au sein de la population. En 2010, après plusieurs scandales de corruption7, les affaires Chebeya et Bundu Dia Kongo, une insécurité persistante dans l’Est et l’entrée en lice de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi, qui avaient boycotté les élections de 2006, la cote de popularité de Kabila est en chute libre. Afin d’augmenter ses chances de remporter les élections suivantes et malgré la propagation de la contestation jusque dans les rangs de sa majorité8, il fait modifier la Constitution, ramenant l’élection du Président de la République à un seul tour.

Les élections de 2011 se tiennent dans un climat tout sauf apaisé. Le jour du scrutin, le 28 novembre, de nombreux cas de fraude sont signalés9. Quelques jours plus tard, la Commission électorale proclame Joseph Kabila vainqueur avec 48,95 % des voix. Étienne Tshisekedi en aurait obtenu 32,33 %, mais s’autoproclame président élu10.

Le maintien au pouvoir à tout prix ?

Dégagé du vieil opposant, Kabila explore de nouveaux moyens de se maintenir au pouvoir.

En 2013 et 2014, sa majorité propose une révision de la Constitution incluant notamment la fin de la limitation du nombre de mandats du Président de la République. Mais, très vite, le régime doit faire face à la société civile qui essaie de lui barrer la route. Lors qu’en janvier 2015, la majorité présidentielle tente un forcing à l’Assemblée nationale avec une loi électorale modifiée disposant que la liste des électeurs « doit être actualisée en tenant compte de l’évolution des données démographiques et de l’identification de la population »11, consacrant ainsi un probable report des élections12, la grogne politique se mue en insurrection populaire qui aboutit au retrait de la disposition contestée, mais aussi à de nombreux morts et à des arrestations d’opposants et d’activistes.

Ces événements coïncident avec la parution d’un article de Forbes Afrique qui estime à 15 milliards la fortune personnelle connue de Joseph Kabila13. Tout ceci fragilise sa majorité qui enregistre d’abord une fronde, puis la perte d’un allié majeur, Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga, qui quitte le parti présidentiel.

Néanmoins, en mai 2016, un arrêt de la Cour constitutionnelle autorise Joseph Kabila à rester au pouvoir au-delà de son mandat, au cas où les élections ne sont pas organisées dans les délais prévus14. En septembre 2016, après le retour de Tshisekedi à Kinshasa, des manifestations massives appellent Kabila à démissionner à la fin de son mandat15. Cependant, dix jours plus tard, la Commission électorale annonce que l'élection ne pourra se

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tenir avant 201816. Les États-Unis et l’Union européenne prennent alors des sanctions contre des membres de l’entourage de Kabila impliqués dans la répression de l’opposition.

À l’issue d’un accord politique conclu le 18 octobre avec une frange de l’opposition, la majorité présidentielle tente d’avaliser le report des élections, mais sans modifier la Constitution. Cependant, le 12 novembre, recevant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies, Kabila évoque un éventuel amendement à la Constitution, laissant entrevoir qu’il briguera un troisième mandat17. Bien qu’un nouvel accord semble à portée de main à la suite du nouveau dialogue initié par la CENCO, il est prématuré de croire que les négociations réussiront à résoudre la crise née de la non-tenue des élections. Reste à voir si les rues de RDC permettront à Kabila de transformer son désir de se maintenir au pouvoir en réalité…

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L’auteur

Marcel-Héritier Kapitene, titulaire d’une licence en sciences économiques et financières, est chercheur associé au GRIP.

1. BRAECKMAN Colette, « On ne connaît pas le président Kabila », Le Soir, 6 décembre 2006.

2. KIBANGULA Trésor, « RDC : une vidéo refait surface et met le ministre des Hydrocarbures dans l’embarras vis-à-vis de Kabila », Jeune Afrique, 7 décembre 2015.

3. BRAECKMAN Colette, « La chute de Pweto relance la guerre et menace Lumumbashi Congo: le président Kabila monte au front », Le Soir, 6 décembre 2000.

4. MULONGO Freddy, En toute liberté, Tome II : Citoyenneté, Droits et Libertés, Paris, éd. Edilivre, Coll.

Classique, 2012.

5. BRAECKMAN Colette, « La mort de Kabila : nouvelle donne dans la guerre en RDC », Politique africaine, 2/2001 (N° 82), p. 151-159.

6. VAN WOUDENBERG Anneke, « Diary: Congo », London Review of Book, vol. 28, n°20, 19 octobre 2006.

7. Jacquemot Pierre, « La résistance à la " bonne gouvernance " dans un État africain. Réflexions autour du cas congolais (RDC) », Revue Tiers Monde, 4/2010 (n°204), p. 129-146.

8. En 2010, plusieurs anciens alliés de Kabila ont tenté de créer un nouveau courant politique, le Centre libéral et patriotique. Cf. Wondo Jean-Jacques, « La Majorité présidentielle : Dire non à un troisième mandat de Kabila », DESC, 30 septembre 2014.

9. DIUMI SHUTSHA Dieudonné, « La question de la fraude électorale en République démocratique du Congo », Analyses et Études – Monde et Droits de l’homme, SIREAS, 2011/16.

10. « RDCongo/ présidentielle: Kabila vainqueur officiel, Tshisekedi "président élu" », La Libre Belgique, 10 décembre 2011.

11. « RDC : Déjà 42 morts dans les manifestations contre la loi électorale », FIDH, 21 janvier2015.

12. « Le gouvernement congolais n’exclut pas un report de la présidentielle », France24, 16 janvier 2015.

13. Hakim Arif, « Joseph Kabila: un dictateur qui vaut 15 milliards de dollars », Le Huffington Post, 2 septembre 2014.

14. « RD Congo : la Cour constitutionnelle estime que Kabila peut rester en fonction après la fin de son mandat », Jeune Afrique/AFP, 11 mai 2016.

15. « DR Congo election: 17 dead in anti-Kabila protests », BBC News, 19 septembre 2016.

16. Wilson Thomas et Mbatha Amogelgang, « Congo Election Body Proposes Two-Year Wait for Presidential Vote », Bloomberg BusinessWeek, 29 septembre 2016.

17. Carole KOUASSI, « Devant le Conseil de sécurité de l'ONU, Joseph Kabila évoque un possible amendement de la Constitution », Africanews, 12 novembre 2016.

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