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Le franc congolais mal conservé à Kinshasa

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Sommaire

Le franc congolais sous les pieds des danseurs ...P. 2

Assana Tshula : «L’Etat doit sensibiliser la population sur la conservation du franc congolais»...P. 3

Sud-Kivu :le dollar supplante le franc congolais dans le commerce...P. 4

A Matadi, les opérateurs économiques préfèrent les dollars US pour leurs transactions...P. 4

JDC Journal-école n°36 - Semaine du 31 août au 06 septembre 2009

Le franc congolais mal conservé à Kinshasa

Le franc congolais est mal conservé. Aussi bien par les Congolais que par certains étrangers. Dans les différentes transactions, vendeurs et con- sommateurs ne prennent tou- jours pas soin de bien garder la monnaie de la RDC, pourtant symbole de la souveraineté na- tionale. Mais, lorsqu’il s’agit des devises étrangères, le détenteur prend toutes les précautions pour mieux les conserver, de peur que ces billets ne perdent leur valeur.

D

ans le jargon des Kinois, on les appelle «blessés de guerre». Il s’agit de petites coupures de francs congolais déchirées, collées, chif- fonnées, salies, vieillies… Bref, des billets en lambeaux, jugés in- désirables dans les transactions quotidiennes. Vendeurs et clients se pressent de s’en débarrasser.

Et celui qui les reçoit ne manque souvent pas de protester ou de les restituer, en exigeant des billets beaucoup plus propres, et moins lacérés.

«A vrai dire, le franc congolais subit le coup de sa mauvaise con- servation», commente M. Tamba, économiste et enseignant dans une institution universitaire de Kinshasa. Confrontée à des déva- luations continues face aux devi- ses étrangères, la monnaie natio- nale n’inspire plus confiance.

Plusieurs Congolais ont pris l’habitude de garder leurs ressour- ces en devises étrangères pour ne pas connaître des surprises désagréables, dues notamment à des dépréciations subites de la

monnaie locale. Ils préfèrent da- vantage conserver le dollar, l’euro, le franc CFA… à domicile comme dans les banques, plutôt que le franc congolais.

Recours aux cambistes Bien souvent, les dirigeants politiques, les hommes d’affaires, les commerçants, voire même les vendeurs ambulants tâchent de convertir rapidement leurs billets de banque en devises étrangères pour se sentir rassurés. Ils recou- rent généralement aux cambistes lorsqu’ils ont besoin de la monnaie locale pour faire des dépenses courantes.

Certains estiment même qu’il est plus facile de se promener avec quelques billets de dollars qu’avec «une masse encombrante de francs congolais de même va- leur».

Sur le marché tout comme dans les véhicules de transport en commun, il est de plus en plus

courant de se retrouver avec des billets déchirés, mouillés, salis par le charbon (makala) ou l’huile de palme.

Il arrive parfois de voir des cou- pures utilisées comme papier hy- giénique ou d’autres sur lesquelles on écrit des adresses, des numé- ros de téléphone, des injures…

Certains utilisateurs se plaisent même à dessiner sur la monnaie nationale. Et pourtant, il est claire- ment mentionné sur chaque billet :

«Le contrefacteur est puni de ser- vitude pénale».

«Nous n’avons jamais vu un contrefacteur sanctionné»

«Nous n’avons jamais vu quel- qu’un poursuivi ou sanctionné pour avoir mal conservé la monnaie, encore moins pour l’avoir déchiré ou sali», déclare Patrick Mboma, un vendeur ambulant, surpris avec son paquet d’œufs aux abords du rond-point Victoire, dans la com- mune de Kalamu.

La vingtaine révolue, résidant dans la commune de Masina, ce jeune Kinois n’a jamais appris à conserver l’argent. Il se réfère car- rément à l’école de la nature. Cha- que jour, Patrick Mboma sillonne les rues de la capitale avec une touffe des billets des francs congo- lais qu’il garde plier en deux entre ses doigts, comme plusieurs ven- deurs ambulants de la ville. Par conséquent, ces billets de banque sont mouillés par la sueur de la transpiration et finissent par être froissés, voire déchirés.

Pour éviter de se faire voler, Patrick Mboma prend toujours le soin de porter une culotte en des- sous de son pantalon. C’est dans cette sorte de gibecière, appelée communément «gondo» à Kinsha- sa, que ce vendeur ambulant glis- se ses recettes journalières. Mais une fois à domicile, il préfère bien classer tous les billets encaissés et les ranger soigneusement au fond d’une valise ou d’une malle.

«La conservation de l’argent ne s’apprend pas chez nous»

Pour sa part, Josée Kanku, vendeuse du whisky en sachet, a trouvé une manière originale de conserver sa monnaie pour ne pas se faire piquer par les voleurs qui rodent autour d’elle. La vingtaine environ, cette kinoise domiciliée dans la commune de Lemba, gar- de chaque fois ses recettes dans un petit sac qu’elle glisse aussitôt entre ses deux seins.

Pour elle, la conservation de l’argent ne s’apprend pas à l’école, elle vient de soi. «Pour bien proté- ger notre monnaie, assure Josée Kanku, il faut la garder à la banque, parce qu’au moins, on est assuré de la récupérer en bonne et due forme. L’argent revêt une grande importance dans la vie courante.

Il nous permet de payer des fac- tures, d’acheter des habits, de la nourriture…».

Appliquer des sanctions

«Ceux qui déchirent l’argent, si ça leur appartient, cela n’engage qu’eux, poursuit Josée Kanku.

Mais s’il s’agit de l’argent public, ils doivent être sévèrement punis.

Quant à ceux qui écrivent sur l’ar- gent, je pense qu’ils ont plusieurs raisons de le faire. Nous voyons même des inscriptions sur des monnaies étrangères, pour facili- ter la reconnaissance des billets et attester leur validité, ou pour les reconnaître au cas où il y aurait tentatives de falsification».

«Il faut sanctionner sans pitié toute personne qui utilisera avec négligence l’argent de l’Etat», exige Patrick Mboma, visiblement indigné de voir comment le franc congolais est bafoué. Le vendeur d’œufs demande aux dirigeants congolais d’être stricts face aux contrefacteurs de la monnaie na- tionale et de ne pas hésiter à ap- pliquer des sanctions.

Olga NGYANA

E

n République démocratique du Congo, la population a du mal à bien conserver la monnaie locale.

Elle donne plus d’importance à la monnaie étrangère qu’à la sienne.

En manipulant au quotidien les billets des francs congolais, cer- taines personnes les mouillent, les froissent et les déchirent. Ces cas sont fréquents dans les milieux des conducteurs de Kinshasa.

A 7 heures du matin, sur l’avenue By Pass, l’affluence des piétons est considérable. Pressés de se rendre à l’école ou au service, les Kinois de tout âge se bousculent autour des portières des taxis et taxis-bus. A l’arrêt Matadi-Kibala, dans la com- mune de Mont-Ngafula, les passa- gers sont contraints de brandir des billets de francs congolais avant d’être admis dans les véhicules de transport en commun. Pour ne pas se faire piquer l’argent de transport, ils confinent la monnaie entre leurs poignets. Ces billets sont parfois mouillés et d’autres déchirés.

Agrippé à la portière d’un bus qui dessert le tronçon Mama Mobutu –

Rond-point Ngaba, Antoine M., re- ceveur, manipule des tas de billets de banque entre ses mains à lon- gueur de journée. Attentif aux billets verts, il fait peu de cas de francs congolais quand il les conserve.

«Je n’ai pas l’habitude de clas- ser la monnaie locale pendant mes heures de service, avoue-t-il. Je préfère plier entre mes doigts les billets de francs congolais pour me faciliter les échanges. Ca me per- met d’avoir toujours à ma portée de petites coupures que je peux glisser rapidement aux policiers de roulage et aux chargeurs».

De l’argent enfoui dans la petite culotte Accroché au volant de sa voitu- re, Alphonse P. est vigilant lorsqu’un client lui remet des devises étran- gères pendant la course. «Nous avons, avoue-t-il, la facilité de con- server dans de bonnes conditions la monnaie étrangère. Je prends tou- jours le soin de la conserver dans un portefeuille pour la garder con- fortablement, parce qu’on nous fait

croire qu’elle a plus de valeur que notre monnaie locale. Mais quand je perçois les francs congolais, il ar- rive que, par négligence, ces billets se retrouvent éparpillés dans mes petites poches. Mais bien souvent, je garde les petites coupures des francs dans la boîte à gants de ma voiture».

Aux aguets, Jean T. est chargeur dans la commune de Kinshasa.

Aux trousses des taxis et taxi-bus, il n’hésite pas à se fâcher quand les conducteurs, receveurs et passa- gers ne lui remettent pas des sous qu’il conserve d’une manière parti- culière.

«Je n’ai jamais vu une personne punie pour avoir mouillé, froissé, déchiré ou écrit sur l’argent, lâche- t-il. Ce que je perçois au parking, je le garde dans la poche de ma petite culotte portée en dessous de ma tenue de travail. Lorsque le volume d’argent devient important, je le pla- ce soigneusement dans mon petit porte-monnaie».

Nancy INDIKI

Les transporteurs protègent mieux les devises

étrangères que les francs congolais

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JDC Journal-école n°36 - Semaine du 31 août au 06 septembre 2009

Journal du Citoyen A l’affiche

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Le franc congolais sous les pieds des danseurs

La monnaie nationale est de plus en plus mal conservée en République Démocratique du Congo. Dans la rue comme sur la place publique, les billets de francs congolais sont gérés avec une certaine légèreté, con- trairement aux devises étrangè- res. Ces types de scènes sont fréquents dans les milieux des artistes congolais, et particuliè- rement dans le monde de la mu- sique.

A

Kinshasa comme en provinces, il est courant de voir, lors d’un concert ou d’une manifestation publique, des fanatiques assié- ger le podium pour aller déverser de l’argent sur la vedette qui leur plaît par sa prestation sur scène.

Bien souvent, ils lui collent des billets de banque sur le front en sueur ou les glissent dans les po- ches, dans les blouses, autour de reins… D’autres laissent «couler»

la monnaie sur l’artiste au point que la masse d’argent se déverse sur ses pieds.

Généralement, les chanteurs, danseurs, animateurs, instrumen- tistes… qui se distinguent sur scène, appliquent la loi de deux poids, deux mesures. Lorsqu’ils reçoivent des billets de banque en guise d’encouragement, ils font ra- pidement le tri. IIs s’emparent vite

des devises étrangères qu’ils glis- sent soigneusement dans leur ac- coutrement, mais laissent souvent choir les francs congolais, et parti- culièrement les petites coupures.

Ranger les devises, laisser choir la monnaie locale Les artistes musiciens congo- lais évitent, par cette pratique, de dégrader la monnaie étrangère, et bien souvent le dollar qui perd sa valeur une fois déchiré, contraire- ment au franc congolais, consom- mable quel que soit son état.

On voit même certains d’entre eux froisser la monnaie nationale ou marcher dessus, quitte à leurs collaborateurs de venir ramasser les billets éparpillés. Au cas con-

traire, ces artistes les ramassent eux-mêmes et les introduisent en désordre dans leurs poches, au risque de les salir, de les mouiller ou de les déchirer.

Appliquer des sanctions La même scène est perceptible lors des fêtes. Les mariés, les di- plômés, les récipiendaires ou bien d’autres personnes en honneur sont souvent inondés des billets de banque lorsqu’ils ouvrent la piste.

Ils sont talonnés d’autres invités qui, aussi, reçoivent des sommes d’argent pour avoir bien exhibé certains pas de danse. Ici égale- ment, le tri des billets de banque est automatique : la devise est vite enfouie dans le vêtement, tandis

que le franc congolais traîne par- fois longtemps sur le sol.

Sur l’ex-avenue des Huileries, dans la commune de Lingwala, en perpendiculaire du Stade des Martyrs, les «Bayudas du Congo», groupe folklorique très prisé par les Kasaïens, livrent des specta- cles publiques tous les vendredis.

Promoteurs du «mutuashi», célè- bre danse luba, ils sont régulière- ment assiégés des fanatiques qui les comblent des sous, versés en désordre. Eux aussi n’hésitent pas à froisser l’argent qu’on leur tend, hormis bien entendu le billet vert.

Une fois le concert terminé, ils con- sacrent du temps pour classer les billets récoltés.

A la question de savoir pourquoi ces artistes gardent jalousement la monnaie étrangère et négligent le franc congolais, Kadiyoyo, l’un des leaders du groupe, éclaire l’opinion:

«Dans les pays étrangers, les ci- toyens respectent leur monnaie, ce qui n’est pas le cas chez nous où les billets circulent dans n’importe quel état. Nous remarquons une certaine négligence chez nous, les Congolais. Nous déplorons surtout l’impunité dans le chef de nos auto- rités».

«Pour lutter contre la mauvaise conservation de la monnaie locale, estiment les artistes du Grand Ka- saï, il faudrait que nos dirigeants prennent les choses en mains : qu’ils sanctionnent les contrefac- teurs de notre monnaie».

Yvette MBUYI

Focus

Zoom sur le franc congolais

Le franc congolais est la de- vise officielle de la République Démocratique du Congo de- puis 1998, en remplacement des nouveaux zaïres. Divisé en cent centimes, il est, comme l’indique l’article 170 de la Constitution, l’unité monétaire de la RDC. Par ce fait, il a cour légale sur tout le territoire national.

L

a monnaie est un attribut de la nation qui doit absolument être respecté par les citoyens et toute personne en relation avec cette nation. Le Petit Larousse Illustré la définit comme «un ensemble des pièces ou des coupures de faible valeur que l’on porte sur soi».

Le législateur congolais n’a pas défini la monnaie. Le juriste se ré- fère à la définition de l’économie politique qui explique la monnaie comme un billet de banque ou une pièce qui permet l’échange d’un bien. L’idée fondamentale est que l’un a le billet de banque et l’autre a la marchandise.

Une unité de compte

«La monnaie est une unité de compte, souligne M. Tamba, pro- fesseur d’Economie à l’Institut facultaire des sciences de l’in- formation et de la communication (IFASIC). Elle permet de mesurer la valeur de chose. Toute mar- chandise a un prix qui représente la quantité d’argent nécessaire à son achat».

«La monnaie, poursuit l’ensei- gnant, est un moyen d’échange qui permet de dépasser l’économie de troc (un échange direct d’une

marchandise contre une autre).

Elle est un instrument de réserve qui n’est pas toujours destinée à être dépensée immédiatement.

On peut préférer l’épargner en vue des dépenses futures et importan- tes».

Mission de la Banque centrale du Congo

L’Etat congolais a confié à la Banque centrale la charge premiè- re d’assurer la protection de cet attribut. Il l’a autorisé à frapper et à émettre la monnaie.

Le droit intervient quand celui qui n’a pas la compétence de frapper l’argent le fait, c’est-à-dire quand il falsifie la monnaie. Les infractions de contrefaçon sont sanctionnées par les articles 116,117, et 118 bis du Code pénal congolais, livre 2.

Selon le professeur Tamba, l’Etat congolais a la mission d’aider la Banque centrale du Congo à remplir les trois fonctions princi- pales de la monnaie : servir d’in- termédiaire des échanges, d’unité de compte et de conservation de la valeur.

Cours de change

Lors de son lancement en juin 1998, le franc congolais valait 0,72 dollar américain.

Au 25 septembre 2008,il fallait 561,320 francs pour obtenir 1 dol- lar américain. Au 24 juillet 2009,il fallait 771,0750 francs pour obtenir 1 dollar américain.

Depuis début septembre 2009, il faut 830 francs congolais pour obtenir 1 dollar américain.

Nickel WALO

«Il faut apprendre aux citoyens comment garder la monnaie de son pays», recommande Assana Tshula.

A

gé d’une cinquantaine d’années, Jean Mihigo, est charbonnier dans la brousse de Mingadi, à quelques kilomètres du territoire de Kasangulu, dans la province de Bas-Congo. L’argent qu’il perçoit auprès de ses clients, il le met aussitôt dans un sachet avant de l’en- fouir rapidement dans un trou sous terre. «Si je ramène cette somme au village, raconte-t-il, je serai visité par des voleurs».

Souvent, ce sont des hommes qui recourent à cette pratique dans les milieux ruraux. Ils pensent ainsi échapper à la vigilance des ro- deurs qui pourraient leur ravir le butin journalier. Par contre, les fem- mes gardent leur argent dans un noeud au bout de leurs pagnes, bien attaché autour des reins. Ces pratiques, affirme une marchande des charbons, sont courantes dans leurs milieux.

Grossiste, Mampuya livre du charbon de bois au marché du rond- point Ngaba, dans la commune de Makala. Les recettes qu’il per- çoit, il les garde en vrac dans sa gibécière. «Cet argent, raconte-t-il, est enfoui en désordre dans mon sac à cause du grand nombre des clients qui m’entourent».

Des francs congolais entassés dans un sachet

Odile Mawete, vendeuse de charbon en détail au «wenze ya bi- tula», aux abords du marché central de Kinshasa, abonde dans le même sens : «Je garde mon argent dans un sachet, parce que, vers 17 heures, je n’ai pas le temps de classer mes billets en ordre à cause de l’affluence des clients».

Les vendeuses d’épices ont aussi le même refrain sur leurs lèvres.

«Lorsque je perçois l’argent auprès de mes clients, je jette tous les billets de franc congolais en vrac dans un tiroir de mon étagère avant de les mettre en ordre après la vente de la journée, explique Nelly Mbuyi, vendeuse grossiste des épices, au marché Somba Zingida, dans la commune de Barumbu. Les gros billets sont placés d’un coté et les petits billets de l’autre».

Cacher l’argent dans un sac sale pour dérouter les voleurs «Moi, j’ai l’habitude de mettre l’argent que je gagne en dessous de la nappe. Le classement s’opère au moment de la comptabilité, avoue, pour sa part, Christelle Mango, 18 ans, vendeuse de «ndem- bi», céleri, oignon, tomate et aubergine au petit marché de la cité Pumbu, dans la commune de Mont-Ngafula.

Elisabeth Malinga, vendeuse au marché de Kintambo, reconnaît que la monnaie locale n’est pas toujours bien conservée parce qu’el- le n’a pas de valeur par rapport à la monnaie étrangère.

«Tout s’achète en dollars, déclare-t-elle. Je garde mon argent dans un petit sac très sale pour tromper la vigilance des «shégués»

(enfants de la rue).

Odette CHIRAGA

Des billets de banque enfouis sous terre

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Journal du Citoyen

Libre expression

JDC Journal-école n°36 - Semaine du 31 août au 06 septembre 2009

Micro baladeur

A coeur ouvert

Assana Tshula : «L’Etat doit sensibiliser la population sur la conservation du franc congolais»

Cambiste depuis quatre ans, Assana Tshula exerce son mé- tier à Kinshasa où il a installé sa table en face de l’Institut fa- cultaire des sciences de l’infor- mation et de la communication (IFASIC). En plus des opérations de change, il vend des cartes prépayées. Dans cet entretien, il donne sa lecture de la conserva- tion de la monnaie nationale par rapport aux devises étrangères.

Depuis combien de temps êtes- vous cambiste ?

Je suis dans ce métier depuis quatre ans et j’opère au même en- droit. Avant de devenir cambiste,

(Photo JDC)

3

Comment conservez-vous le franc congolais ?

«Je protége plus le dollar américain que le franc congolais»

Je protége avec un soin particu- lier les devises étrangères qui tom- bent dans mes mains, notamment le dollar américain dont la valeur sur le marché de change n’est plus à démontrer. Ce qui n’est pas le cas avec le franc congolais qui se dépré- cie chaque jour. En plus, la Banque centrale ne met pas régulièrement

en circulation des billets neufs. Ce ne sont que des vieilles qui circulent.

Bon nombre de Kinois accorde plus d’importance à la monnaie étrangère qu’au franc local 

«Il est difficile de conserver une monnaie instable»

Notre monnaie locale n’est pas valorisée par rapport à la monnaie étrangère, du fait de sa dépréciation continue. Il est difficile de la conser- ver, d’autant plus que les prix aug- mentent chaque jour au gré du taux de change. Celui, qui détient un gros montant en franc congolais est sou- vent contraint de le dépenser au ris- que de le voir dévalorisé 

«Je garde le franc congolais dans un bon endroit»

La conservation de la monnaie lo- cale ne peut pas être différente des devises étrangères, étant donné que le franc congolais est notre propre devise nationale. Personnellement, je garde le franc congolais dans un bon endroit de même que le dollar américain, par exemple. J’ai le devoir civique de valoriser notre monnaie nationale pour que les étrangers sui- vent l’exemple, et prennent en consi- dération notre monnaie 

«Nous protégeons plus la monnaie étrangère que la nôtre»

Nous protégeons beaucoup plus la monnaie étrangère, car si elle se déchire, elle perd sa valeur. Ce qui n’est pas le cas du franc congolais qui, quel que soit son état, est tou- jours accepté dans les transactions.

Les cambistes augmentent la valeur de la monnaie étrangère quand ils re- fusent un billet qui porte des fissures.

Toutefois, nous avons intérêt à bien conserver notre devise nationale  Propos recueillis par Lorris KAZADI Fatou Safi, 22 ans,

coiffeuse, Gombe Anny Akele, 41 ans,

ménagère, Kasa-Vubu

Jimmy Tondo, 32 ans, maçon, Lingwala

Salomon Nsumbu , 42 ans, vendeur des mitrailles, Kinshasa Lancé avec pompe en juin 1998, le

franc congolais se déprécie du jour au jour. Sensés le protéger, les ci- toyens congolais n’arrivent pas tou- jours à bien le conserver. Les Kinois délient leurs langues.

je travaillais dans une pharmacie comme chargé d’achat et d’appro- visionnements, mais mes revenus étaient maigres. Ainsi, pour couvrir les besoins de ma famille, j’ai choisi d’embrasser le métier de cambiste.

Jusque-là, je me retrouve.

Que représente pour vous le franc congolais?

Cette monnaie représente, pour moi, la nation congolaise. Elle est la fierté de mon pays et le symbole de ma patrie.

Comment conservez-vous la masse d’argent que vous mani- pulez chaque jour ?

Je ne suis pas un cambiste comme les autres. J’ai un compte bancaire. L’argent que je gère au quotidien est gardé jalousement dans mon sac à dos, tous les billets confondus. Car, je mélange pres- que toutes les coupures (devise étrangère ou franc congolais) que je reçois de mes clients.

Pourquoi dans la conservation de la monnaie, les cambistes ex- posent le franc congolais et gar- dent soigneusement les devises étrangères ?

Tous les cambistes n’agissent pas de la même manière. Person- nellement, je n’expose pas l’argent sur ma table. Mais, au Couloir du marché central de Kinshasa, notre lieu d’approvisionnement, des bot- tes d’argent sont exposées. Cela se fait pour attirer toute personne

qui veut changer de l’argent. Je re- connais que la monnaie nationale est désacralisée dans notre pays.

Tout le monde la dévalorise. Je m’oppose à cette pratique, car elle n’honore pas notre pays.

Comment doit-on conserver la monnaie nationale ?

C’est un problème d’éducation et de responsabilité, car cette si- tuation ne concerne pas seulement les cambistes, mais tous les Con-

«Il faut apprendre aux citoyens comment garder la monnaie de son pays», recommande Assana Tshula.

golais. Il faut que l’Etat s’implique et sensibilise la population sur la protection des symboles nationaux, dont la monnaie nationale. En plus, il faut apprendre aux citoyens com- ment garder la monnaie de son pays, et lui expliquer pourquoi il doit bien la protéger. Cette tâche revient aussi aux enseignants et aux parents qui doivent l’apprendre aux enfants dès le bas âge.

Interview réalisée par Pinto KWALE

A

Kinshasa comme en province, les gens ont du mal à conserver le franc congolais. Travailleurs, débrouillards et autres citoyens pré- fèrent garder jalousement les devises étrangères, jugées plus stables.

Mais pour des dépenses courantes, ils se servent de la monnaie natio- nale qu’ils tiennent avec négligence.

Au petit marché Sola, dans la commune de Ngaliema, une vendeu- se de vivres frais explique comment elle garde sa masse monétaire :

«Après la vente, je répartis l’argent. Je classe les grosses coupures, celles de 200 et 500 FC à part. Les billets de 50 et 100 FC, qualifiés des ‘‘blessés de guerre’’ du fait qu’ils sont souvent déchirés ou en lam- beaux, je les garde dans ma boîte pour usage courant. Quant aux dollars américains, je les conserve jalousement dans mon agenda».

«Notre monnaie n’a pas de valeur, mais ce n’est pas une raison pour la désacraliser», déplore Mme Julienne, vendeuse des légumes, sur l’avenue de l’OUA, à Kintambo.

Jugé stable, le dollar est devenu une monnaie de référence en RDC.

Les prix de plusieurs denrées et services sont indexés en dollar. «Voilà pourquoi je garde jalousement le billet vert sous mon oreiller», fait re- marquer Mme Julienne qui se dit, toutefois, hostile à la dollarisation de l’économie congolaise.

«Garder soigneusement son argent après vente, relève d’un acte patriotique, recommande Mme Beya, vendeuse des épices, au petit marché de Barré, un quartier de Ngaliema. Chaque fois que je vois la monnaie nationale traînée dans la boue, j’ai mal au coeur».

Juveline OWUNA

La «dollarisation» de l’économie

nuit à la monnaie nationale

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JDC Journal-école n°36 - Semaine du 31 août au 06 septembre 2009

Journal du Citoyen Congo profond

4

Congo profond

Sud-Kivu

Pigistes (provinces) Correspondants d’InterCongo média

Dessin Patou BOMENGA Lay-out et mise en page

ASIMBA BATHY Diffusion Jean KIALA Hebdomadaire indépendant

d’éducation civique Avenue Colonel Ebeya n°101

Kinshasa/Gombe e-mail : journalducitoyen@yahoo.fr

Tél. (00243) 815991860 (00243) 991671541 http://www.jdconline.net

Réalisé avec l’appui financier du Projet franco- britannique d’appui aux médias, en partenariat avec l’Institut Panos Paris

et l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC)

Le «JDC» est envoyé en provinces avec l’appui logistique de la MONUC

Directeur de rédaction Yves KALIKAT Secrétaire de rédaction Rombaut KASONGO Gestion et Comptabilité Sylvie KOKOKANI Délégué de l’IFASIC Georges WAWA MOZANIMU

Rédaction (Kinshasa) Annie TATY (IFASIC) Awa SAMABI (IFASIC) Amira FUTAMINA (IFASIC)

Juveline OWUNA (IFASIC) Regis AMBUNGA(IFASIC) Lorris-Francia KAZADI(IFASIC)

Vicky BOLINGOLA (IFASIC) Olga NGYANA (IFASIC) SEBE NDUNGA (IFASIC)

Nancy INDIKI (IFASIC) Pinto KWALE (IFASIC) Lysie LIWANGA (IFASIC)

Nickel WALO (IFASIC) Odette CHIRAGA (IFASIC)

Yvette MBUYI (IFASIC)

Pour être compétitifs avec les habitants des pays voisins et ne pas avoir à manipuler beaucoup de billets de francs congolais pendant les transac- tions commerciales, les Sud- kivutiens préfèrent le dollar à la monnaie locale. Une situa- tion qui perdure depuis belle lurette.

Q

uand je n’ai qu’un billet de 20 dollars, j’échange d’abord 10 $ en francs congolais pour les achats immédiats et conserve le reste en devise», affirme Pablo Rwanza, économiste en forma- tion à l’Université officielle de Bukavu. «Les Sud-Kivutiens se comportent ainsi, affirme-t-il, pour être prêts à tout moment face aux exigences des commerçants qui préfèrent taxer leurs produits en devises étrangères».

Obligés d’importer leurs mar- chandises de pays voisins, ces opérateurs économiques n’ont pas de choix, car ils doivent tou- jours convertir les francs congo- lais en monnaies étrangères avant toute transaction. Ce reflexe est largement développé par la majo- rité des Sud-Kivutiens.

En ville comme au village, c’est pareil. Pour Lungele Itebo, secrétaire de la Société civile de Mwenga, «on est valorisé par les commerçants quand on paie en dollar. Même si vous avez déjà convenu le prix d’un article en monnaie locale, quand quelqu’un accepte de le payer en dollar, il est servi en priorité».

«Plusieurs commerçants, dé- clare de son côté un gérant d’une coopérative d’épargne et de cré- dit, tiennent leurs comptes en dollars, trop peu le font en francs congolais».

Faciliter le commerce

«Nous devons réunir assez de dollars pour pouvoir payer des articles à Kampala (Ouganda), à Nairobi (Kenya) ou à Dar-es- Salam (Tanzanie)», réagit, Alfred Ntashuhwa, un commerçant de Bukavu qui s’approvisionne dans les pays de l’Afrique de l’Est.

Au Sud-Kivu, les commer- çants se précipitent plus sur les clients qui paient en dollars que sur les autres. Ainsi, les uns et les autres sont attentifs au dollar.

«Pour ne pas perdre mon pou- voir d’achat, chaque fois que je tombe sur un billet vert (dollar), je le garde minutieusement dans mon porte-monnaie et je mets les francs congolais dans n’importe quelle poche, car ils vont être dé- pensés en premier lieu», raconte P. Rwanza. C’est parce que le dollar est une monnaie dont la valeur est stable par rapport aux francs congolais qui dévaluent à tout moment».

Pour ce commerçant qui a l’habitude de beaucoup voyager, le dollar l’épargne des encombre- ments de transport, mais aussi de diverses tracasseries. Il peut ainsi passer discrètement même avec de grosses sommes d’ar- gent sans attirer l’attention.

Avec le dollar, «je peux payer des services à Bujumbura ou à Kigoma et dans les pays limitro- phes», déclare fièrement Mapen-

do, un commerçant d’Uvira. Fini donc le transport de plusieurs ki- los des billets de banque lors des transactions.

Pas de billet à valeur faciale élevée

Cette situation est encouragée par l’absence de grosses coupu- res de francs congolais. Le plus grand billet est celui de 500 FC qui vaut moins d’un dollar alors que les transactions se font en milliers de francs.

«Pour acheter un article qui équivaut à 200 $ en monnaie lo- cale, il faut payer 160 mille francs congolais, soit 320 billets de 500 FC. C’est difficile à transporter.

Pourtant, beaucoup d’autres dé- penses vont au-delà de cette somme», regrette un commer- çant. Conséquence, les commer- çants qui disent éprouver des difficultés dans leurs transac- tions utilisent de moins en moins

A Matadi, les opérateurs économiques préfèrent les dollars US pour leurs transactions

A

Matadi, chef-lieu de la pro- vince du Bas-Congo, les opé- rateurs économiques ont perdu confiance aux banques. Cette situation a pris corps après les pillages des années 90 qui ont vu les banques saccagées et pillées de fond en comble. Nombreux de ceux qui gardent encore les sé- quelles de ces années sombres ont juré de ne plus confier leurs fonds aux banques.

«Plus jamais je ne logerai en- core mon argent dans une ban- que au vu de la faillite que j’avais connue en 1993», vocifère un vieux commerçant jadis très cé- lèbre à Matadi. Ce dernier dont la reprise d’activités commercia- les connaît à peine une certaine ampleur dit avoir opté pour «la politique de la banque-maison», c’est-à-dire, la thésaurisation.

Il n’est pas seul à se compor- ter ainsi. A Matadi, beaucoup de gens préfèrent garder leur mon- naie. L’argent de la multitude de petits commerçants échappe aux autorités financières de la

évite, dit-elle, de trimballer des sachets d’argent en plein cen- tre-ville lorsqu’elle effectue ses achats.

«Ceux qui circulent avec des sachets des francs congolais sont souvent victimes de vol de la part des enfants de la rue com- munément appelés «shégués», avoue-t-elle. Mais ce n’est pas la seule raison qui les pousse à chercher le dollar. La monnaie locale connaît régulièrement des fluctuations et paraît peu sûre pour faire les transactions com- merciales. Les habitants la négli- gent, la conservent mal par rap- port au dollar.

Ils sont visibles dans les mar- chés, taxi ou taxi-bus. Les ven- deurs, receveurs ou taximen plient en désordre les billets des francs congolais auxquels ils n’apportent pas grand soin. Jau- nis, salis, déchiquetés, ces billets font figure de parent pauvre face au roi dollar bien conservé et bien traité.

Dieudonné MUAKA DIMBI

Le dollar supplante le franc congolais dans le commerce

place. On compte parmi eux les restaurateurs, les boulangers, les vendeurs des cigarettes et autres produits manufacturés.

De leur côté, les exploitants des «Nganda» et buvettes con- servent, eux-aussi, leur argent à domicile. «La thésaurisation des billets de banque est une prati- que illicite qui est punissable par la loi. Elle tue l’économie», rap- pellent les économistes. En dépit de ce rappel, les gens sont loin de changer.

Recourir aux cambistes Au lieu de loger leurs fonds dans les banques, ils préfèrent recourir aux cambistes qui leur changent les francs congolais en devise forte. «D’habitude quand je fais mes transactions commer- ciales, il suffit seulement que je réunisse au moins 50.000 Fc, je cours vite auprès des cambistes qui me les convertissent en dol- lars», se réjouit une matadienne, détentrice d’un ligablo dans la commune de Nzanza. Cela lui

la monnaie locale. Ils ont, à leur tour, contaminé les clients.

Les dépenses en franc con- golais sont toujours plus chères, parce que «le taux de change est négocié entre les deux parties (l’acheteur et le vendeur)», rap- pelle un cambiste de Bukavu.

Pour diminuer les problèmes autour de la dollarisation, «l’Etat congolais doit mettre en circu- lation des coupures à valeur fa- ciale élevée, en vue de diminuer le poids, ensuite exiger que tou- tes les dépenses en cash soient effectuées en monnaie locale, comme cela est de mise autour de nous, et les choses marchent bien», suggère Michel Bisim- wa, un économiste de Bukavu.

Thaddée HYAWE-HINYI Correspondant d’InterCongo Media

Bas-Congo

Referenties

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