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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le mardi 19 novembre 2013

Année 2013, numéro Année 2013, numéro Année 2013, numéro Année 2013, numéro 20 20 20 20

SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE SOMMAIRE Quelques pièces versées au dossier de la « Quelques pièces versées au dossier de la « Quelques pièces versées au dossier de la «

Quelques pièces versées au dossier de la « Justice Internationale Justice Internationale Justice Internationale »»»» Justice Internationale

Préambule… page 1 Préambule… page 1 Préambule… page 1 Préambule… page 1 Présidents poursuivis

Présidents poursuivisPrésidents poursuivis

Présidents poursuivis - Les défis de la mise en accusation internationale des dirigeants africains… page 2

Petit atlas de poche… page 11

Selon que vous serez puissants ou misérables… page 13 DOCUMENT

DOCUMENT DOCUMENT DOCUMENT ::::

Sixième (14/11/2013) rapport du Procureur de la CPI au Conseil de sécurité de l'ONU à propos de la situation en Libye en application de la résolution (2011) du Conseil de

sécurité

page 18

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Préambule

L’Afrique a récemment été secouée par une nouvelle vague de remises en cause de la CPI.

Certains, probablement, auront tendance à hausser les épaules en voyant l’Union Africaine (surnommée « le groupement professionnel des Présidents Africains ») s’émouvoir à l’idée que l’on puisse arrêter un Président. Il y a matière à ricaner lorsque l’on entend un Paul Kagame prononcer de belles phrases à propos des droits de l’homme. Ils est dès lors facile de dire « Ils protestent parce qu’ils ont peur, il n’y a que la vérité qui blesse et que celui qui se sent morveux, se mouche ».

D’autre part, il n’est pas moins vrai que le Cour Pénale Internationale (surtout si on l’isole des tentatives plus modestes de justice internationale qui ont précédé1) n’a encore mis en accusation, jugé ou condamné que des Africains. Ceux-ci, même quand ils sont très critiques envers les mœurs politiques de leur continent d’origine, et en particulier au recours systématique qui y est fait à la force et à la brutalité, trouvent que la place de l’Afrique est

1 J’entends par là les tribunaux ou cours charges, au cas par cas, de juger les faits survenus dans des pays déterminés durant des laps de temps restreints, comme ce fut la cas pour l’ex-Yougoslavie, le Rwanda ou la Sierra Leone.

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déjà suffisamment importante dans ce domaine et qu’aboutir à une présentation des faits qui semble situer ce genre de crimes là, et uniquement là, est excessive. Beaucoup, soit, mais 100

%, c’est trop, et c’est même beaucoup trop.

Le débat soulevé récemment par la Commission de l'UA à propos de la CPI et des poursuites engagées contre le président kenyan en exercice, a connu de larges prolongements sous forme de discussions sur le sujet sur Internet, en particulier dans le groupes spécialisés.

C’est dans le courant de la discussion sur un site de ce genre2 que le texte de M. Millius Palayiwa a refait surface.

Il s’agit d’une intervention faite par lui en 2009 à Oxford. Son texte est remarquable et prémonitoire puisqu’écrit en mars 2009, fond et style très agréables à lire). Nous en proposons ici une traduction libre en français qui lui donnera une plus large diffusion, car comme il le dit "wee need to share knowledge as knowledge is power".

Bonne lecture !

Présidents poursuivis (devant la CPI)

Les défis de la mise en accusation internationale des dirigeants africains

3

Par Millius Palayiwa4

"Jusqu’alors, l'objectif universel était de voler les Africains de l'Afrique. Aujourd'hui, la détermination de l'Europe est de voler l'Afrique aux Africains ». (Alexander Mackay 1889)

L’anecdote suivante est tirée d’une affaire judiciaire au Pays de Galles. Un cas simple et sans ambiguité. Sur la base des preuves fournies, aucun jury ne peut acquitter l'accusé.

« À la fin du procès, l'avocat de la défense demanda au juge de première instance s'il pouvait s'adresser au jury en langue galloise ! Le juge accepta. L'avocat de la défense prit alors 3 minutes pour faire sa plaidoirie. Puis le jury se retira et, cinq minutes plus tard, il revint avec le verdict «non coupable». Le juge n'eut alors pas d’autre choix que de libérer le prisonnier.

Mais il était tellement surpris qu'il demanda à un huissier qui parlait gallois ce que l'avocat de la défense avait dit dans sa courte plaidoirie. Eh bien, mon Seigneur, lui répondit

2 sur Linkedin, dans le groupe "Conflict transformation, peacebuilding and security"

3 “Prosecuting Presidents: The Challenges of International Indictments of African Leaders”, texte d’une conference du 27 Mars 2009 à “The Royal United Services Institute for Defence and Security Studies”. Le texte publié ici est une traduction libre, mais dont la diffusion a été autorisée par l’auteur.

4 Millius Palayiwa est le directeur de Fellowship of Reconciliation en Angleterre. Etabli à Oxford, Millius Palayiwa est aussi très familier de l’Afrique de l’Ouest, y compris sa partie ,francophone, par exemple la Côte d'Ivoire. Millius Palayiwa y était basé lorsqu’il travaillait sur le conflit Sierra Leonais qui a d’ailleurs abouti à la signature de l'Accord de paix d'Abidjan, le 30 Novembre 1996. Il a travaillé très étroitement avec le ministère des Affaires étrangères (Amara Essy etc). Il a beaucoup voyagé à travers le pays, et a participé et organisé des conférences à Yamoussoukro.

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l'huissier, l'avocat de la défense a dit ceci au jury : "Regardez la situation : le juge est anglais, l'officier de police est anglais, et le procureur est anglais. L'accusé est gallois, vous membres du jury êtes gallois, et moi avocat de la défense je suis gallois. J’ai terminé ma plaidoirie." »

Je rappelle cette histoire parce qu'elle illustre où nous en sommes avec les actes d'accusation internationaux des dirigeants africains.

En abordant la question de ces actes d'accusation, nous devons d'abord regarder qui accuse, qui est inculpé, d’où viennent les réquisitions, quelles sont les charges et quel est le système juridique utilisé. En second lieu, nous devons nous demander pourquoi le procès intervient à ce moment particulier de l'histoire du conflit et, plus important encore, quels sont les motifs de cette intervention ? Et le motif est très important ! C'est Lord Palmer qui a déclaré: « Dans les relations internationales, il n'y a pas d'amis permanents ou d'ennemis permanents, seulement des intérêts permanents. "

Ensuite, il faut se poser la grande question à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui : pourquoi les dirigeants africains et/ou des parties non gouvernementales à un conflit (rebelles) ?

L’Afrique n'a pas le monopole des atrocités. Alors, pourquoi seuls les dirigeants et les rebelles africains ?

La Cour pénale internationale (CPI) est entrée en vigueur le 1er Juillet 2002 et ne peut poursuivre que les crimes commis à partir de cette date. Il y a 193 pays dans le monde.

Jusqu'à présent, 108 Etats sont membres de la Cour. Quarante pays ont signé mais n’ont pas ratifié. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l'Inde sont très critiques vis-à-vis de la CPI et n'ont pas adhéré.

En Octobre 2008, le Procureur avait reçu 2.889 communications sur des crimes de guerre et crimes contre l'humanité dans au moins 139 pays et pourtant en Mars 2009, le Procureur n'avait ouvert d'enquête que sur 15 cas, dans 7 pays : l'Ouganda, la République démocratique du Congo, la République centrafricaine et le Soudan / Darfour, la Libye et il étudie les situations au Kenya et en Côte d'Ivoire. Chacun d'entre eux se trouve donc en Afrique.

Treize mandats d'arrêt internationaux ont été délivrés, tous contre des Africains. Sur les 13 cas poursuivis, seuls 4 sont en détention à La Haye, 7 sont toujours en fuite et 2 sont morts.

La compétence de la juridiction couvre quatre groupes de crimes qui sont désignés comme les « crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale dans son ensemble » : ce sont les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes d'agression. (Article 5).

Apparemment l'utilisation des armes de destruction massive n'est pas un crime de guerre. Le terrorisme n'est pas inclus non plus, parce qu'il n'y avait pas d'accord sur la définition du terrorisme. Il y a de bonnes raisons d'exclure ces derniers. Qui est susceptible d'utiliser des armes de destruction massive ? Qui fait la chasse aux terroristes ? La CPI ne prévoit pas la peine de mort or les pays qui chassent les terroristes veulent bien sûr les voir jugés et exécutés !

Juste un mot sur le génocide : le génocide est un terme technique inventé par Raphael Lemkin en 1944. Il provient du grec "genos" (race/tribu/naissance) et du latin "cide" de

"caedere" : (couper/massacrer).

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Le mot génocide est utilisé pour la première fois dans un document international public en 1945 dans l'acte d'accusation devant le Tribunal de Nuremberg.

L'article 2 de la Convention de 1948 définit le génocide comme : «Les actes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux».

La convention adoptée en 1948 déclarait que le génocide était «n'importe lequel des actes suivants commis dans l'intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Ainsi a) tuer des membres de ce groupe ; b) porter atteinte physique ou mentale grave aux membres de ce groupe ; c) infliger délibérément à ce groupe des conditions de vie visant à sa destruction physique en tout ou partie ; d) imposer des politiques de natalité visant à empêcher les naissances dans ce groupe ; enfin e) déplacer par la force les enfants de ce groupe dans d'autre groupes. »

Sous cette définition, il est communément admis que 3 génocides ont été perpétrés au 20ème siècle : celui des arméniens par les turcs en 1915, celui des juifs et des gitans par les nazis de 1939 à 1944 et 50 ans plus tard, au Rwanda en 1994.

Alors pourquoi les leaders africains ? Si vous posez cette question, on vous répondra naturellement que «le fait que nous n'instruisons pas les 2889 plaintes pour crimes de guerre provenant de 139 pays ne veut pas dire que nous ne devrions pas intervenir ailleurs. » Fort bien, mais cet ailleurs doit-il nécessairement être en Afrique ?

La justice internationale serait une bonne idée si elle était appliquée également aux petits pays faibles et aux grandes puissances. Nous avons noté plus haut que les Américains ont refusé de signer (le traité de) la Cour pénale internationale. Dans presque tous les cas ce sont les perdants qui sont traînés devant une telle juridiction internationale. C'est le vaincu qui est jugé par les vainqueurs et/ou leurs alliés. Dans un article paru dans le quotidien The Times le 29 Août 2000, John Laugland écrit : « Oubliez la rhétorique, ce tribunal est juste une autre excuse pour l’intimidation par les super-puissances. » " Il est important de savoir qui fait le jugement, qui est jugé, quelles sont les charges et quel est le système juridique utilisé. "

La perception, à tort ou à raison, de doubles standards organisés et orchestrés interroge sur les motivations d'imposer une Justice internationale aux faibles et aux vaincus. Robin Cook, comme on lui demandait sur Newsnight si l'invasion de l'Irak pourrait devenir un jour l'objet d'une enquête de la CPI, a répondu : « Si je peux me permettre, ce n'est pas un tribunal mis en place pour traduire en justice les Premiers ministres du Royaume-Uni ou les présidents des Etats-Unis ». Dr Laughland a poursuivi dans le même article: « Elle (la CPI) sera un autre exemple, dans le cadre du monde globalisé d’aujourd’hui, d'une institution qui légitime l'intimidation des Etats-nations faibles par les Grandes Puissances ». Et ce n'est pas un Africain qui l’écrit.

Venons-en maintenant, à la Sierra Leone. Il est important de noter que les cas en Sierra Leone ne sont pas traités par la Cour pénale internationale, mais dans le cadre du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, un organe judiciaire indépendant mis en place pour « juger ceux qui portent la plus grande responsabilité dans les crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis » en Sierra Leone entre le 30 Novembre 1996 et le 18 Janvier 2002.

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (SPSL) a été créé le 16 Janvier 2002 par un accord signé entre l'ONU et le Gouvernement de la Sierra Leone. Il comporte 25 articles. Le tribunal a été mis en place « pour poursuivre les personnes qui portent la plus grande responsabilité dans les violations graves du droit international humanitaire et du droit sierra- léonais commis sur le territoire de la Sierra Leone depuis le 30 Novembre 1996, y compris les

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dirigeants qui, en commettant de tels crimes, ont menacé l'établissement et la mise en œuvre du processus de paix en Sierra Leone » (article 1).

L’article 2 mentionne les personnes qui seront poursuivies à savoir les « personnes qui ont commis des crimes ... dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile ». Il énumère ensuite 9 crimes, comme étant des crimes contre l'humanité :

a) assassinat ; b) extermination ;

c) réduction en esclavage ; d) déportation ;

e) emprisonnement ; f) torture ;

g) viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée et toute autre forme de violence sexuelle ;

h) persécutions pour des raisons politiques, raciales, ethniques ou religieuses, et i) autres actes inhumains.

L'article 3 énumère 8 crimes de violation communs aux Conventions de Genève ; l’article 4 liste 3 crimes de violations graves du droit international humanitaire ; l'article 5 énumère 2 crimes au regard du droit sierra-léonais et l'article 6 est relatif à la responsabilité pénale individuelle.

En Mars 2003, le SPSL a porté ses premiers actes d'accusation contre 13 personnes pour « crimes de guerre, crimes contre l'humanité et autres violations du droit international humanitaire.» Trois actes d'accusation ont été abandonnés en raison de la mort des accusés.

Sur les 10 restants 9 sont en détention à Freetown. Les personnes accusées appartiennent à quatre groupes : les Forces de défense civile (CDF) (Kamajors), le Front révolutionnaire uni de Sierra Leone (RUF/ SL), le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC), et un individu dans sa propre catégorie : Charles Taylor ancien président du Libéria.

Les 3 accusés de la CDF étaient Allieu Kondewa, Moinina Fofana et Samuel Hinga Norman, qui est mort en détention le 22 Février 2007.

Pour le RUF, cinq ont été accusés : Foday Sankoh , Sam Bockarie , Issa Hassan Seasay, Morris Kallon et Augustine Gbao. Foday Sankoh et Sam Bockarie sont morts en prison. Le procès des 3 autres a commencé le 5 Juillet 2004 et s’est achevé le 24 Juin 2008.

Une audience de détermination de la peine était prévue pour le 23 Mars 2009.

Il y avait 3 inculpés du Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC ) : Alex Tamba Brima, Brima Kamara et Santigie Kanu. Paul Koroma, qui a organisé le coup d'Etat du 25 mai 1997 a été inculpé mais n'a jamais été capturé. La rumeur veut qu'il soit mort en Juin 2003.

Nous arrivons ensuite au cas de Charles Taylor, un non sierra-léonais et qui n'a jamais mis les pieds en Sierra Leone pendant la période en question du 30 Novembre 1996 au 18 Janvier 2002.

Le 30 novembre 1996 est le jour de la signature de l'Accord de paix d'Abidjan (à laquelle j'ai assisté) et 18 Janvier 2002 est le jour de l’annonce par le président Kabbah de la fin du conflit en Sierra Leone. C’est entre ces deux dates que Charles Taylor a été inculpé en mars 2003 mais il avait alors obtenu l'asile au Nigeria.

C'est quand il a tenté de s'échapper du Nigeria qu'il a été arrêté à la frontière. Puis extradé vers le Tribunal spécial pour la Sierra Leone à la demande, non pas du gouvernement de la Sierra Leone, mais du gouvernement libérien ! C'est très important car c'était ce même

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gouvernement qui l'avait remplacé au Libéria, et qui par conséquent voulait éviter à tout prix son retour au Libéria que ce soit par la voie d'un conflit ou des urnes.

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone est basé à Freetown. Mais Charles Taylor n'est pas à Freetown, il est à La Haye. Pourquoi ? Parce qu'il a été dit qu'il jouissait encore d'un soutien considérable au Libéria, que la région n'était pas totalement stable et donc un procès à Freetown a été jugé indésirable pour des raisons de sécurité (façon de dire qu'il pourrait s'échapper avec l’aide de ses partisans. Donc envoyez-le à La Haye, mais jugez le sous les auspices du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

Son procès s'est ouvert à La Haye à 10h30 le 4 Juin 2007 avec la déclaration d'ouverture par le Procureur, M. Stephen Rapp. Charles Taylor n'était pas présent. Son représentant, M. Karim Khan a fait une représentation puis a quitté le tribunal.

Charles Taylor avait écrit à la Cour pour expliquer les raisons de son absence. La lettre a été lue par son avocat M. Khan. Dans cette lettre, M. Taylor a écrit : " Votre honneur, c'est avec grande tristesse et regret que je vous écris pour vous informer que je ne me sens plus capable d'assister et de participer à la procédure contre moi devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Tristesse parce qu'à un moment j'avais espoir et confiance en la capacité du tribunal à rendre la justice de manière équitable et impartiale. Au fil du temps il est devenu évident que cette confiance est mal placée. Tout le monde mérite la justice. Les habitants de la Sierra Leone et le Liberia, qui depuis de trop nombreuses années, ont subi des souffrances tragiques, méritent justice. Les peuples d'Afrique, pour qui la promesse de l'indépendance était seulement à la Pyrrhus, méritent justice. Et je mérite aussi au moins un minimum de justice. J'ai toujours, à mon humble façon, été prêt à faire des sacrifices pour la paix. J'ai renoncé à la présidence du Libéria et accepté l’exil au Nigeria afin de m’assurer que le peuple du Libéria ... "

À ce point, il fut interrompu. Par la suite M. Khan se plaignit du manque de ressources disponibles pour l'équipe de défense de Charles Taylor (il avait 1 avocat, contre 7 pour la poursuite) et de son incapacité à parler en privé avec son principal défenseur.

Les associés et amis de Charles Taylor étaient empêchés de voyager et ses finances mises sous séquestre ! Les échelles seraient inclinées contre Charles Taylor. Des témoins ont été présentés par l'accusation, et ils sembleraient " coachés ". Des incitations et des récompenses auraient été promis aux témoins à charge, y compris la réinstallation, la trésorerie, les voyages, l'aide à l'emploi et les questions personnelles, des références, le logement, les visas, la promesse d'une nouvelle vie pour le témoin et sa famille et l'assurance d'une protection.

Que fait Charles Taylor dans le box des accusés ? Il est accusé d'être «responsable de l'élaboration et de l'exécution d'un plan qui a causé la mort et la destruction de la Sierra Leone. Le plan élaboré par M. Taylor et d'autres, dit-on, était de prendre le contrôle politique et physique de la Sierra Leone dans le but d'exploiter ses ressources naturelles abondantes et d'établir un gouvernement ami ou subordonné là pour faciliter cette exploitation». Je pense qu’il s’agit là d’une insulte à l'intelligence du peuple de Sierra Leone. Il est dit par l'accusation, que « l'implication de Charles Taylor dans les crimes allégués dans l'acte d'accusation a pris diverses formes et actes, et qu’il a planifié, incité, ordonné, aidé et encouragé la commission des crimes allégués, et par ailleurs qu’il a participé à l'exécution d'un plan, dessein ou objectif commun » ... c'est-à-dire « une entreprise criminelle commune ». Il est de plus accusé d'avoir aidé et encouragé le ciblage intentionnel de civils innocents, qu'il a eu connaissance d'un tel ciblage et qu'il n'a rien fait pour l'arrêter. Il est allégué qu'il a donné des armes, de l'argent et refuge à ceux qui ont commis ces atrocités. Pour ces raisons, il est dit qu’il est personnellement responsable selon l'article 6 du Statut. En tout il

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y a 11 crimes relevant du Statut du Tribunal spécial dont Charles Taylor est accusé. Tous les crimes auraient été commis entre le 30 Novembre 1996 et le 18 Janvier 2002.

Les charges ne sont pas très différentes de celles de Nuremberg. A Nuremberg tous les accusés et diverses autres personnes au cours d'une période de quelques années avant mai 1945 ont participé à la planification, la préparation, le lancement et la conduite d'une guerre d'agression qui était aussi une guerre en violation des traités internationaux. C’était censé être des « crimes contre la paix », des « crimes de guerre » et des « crimes contre l'humanité ». L'«

asservissement » a également été inclus. Tous les crimes dont Charles Taylor est accusé.

Dans tous les conflits les rebelles ont toujours été soutenus logistiquement et/ou financièrement soit par un pays voisin soit par d’autres pays. (Voir les rôles de la Zambie, la Tanzanie et le Mozambique dans la lutte pour l'indépendance du Zimbabwe, en Afrique du Sud (fin de l’apartheid ndlr), l'Afrique du Sud elle-même en Angola, en Ouganda, au Rwanda, etc.).

Les puissances occidentales ont également soutenu des mouvements rebelles et des dictatures aussi longtemps qu'ils pensaient que ces mouvements ou dictateurs permettraient de protéger leurs intérêts. Je ne connais pas un dictateur africain qui n'est pas reçu à un moment ou un autre le soutien des Etats-Unis, d'un pays européen, de la Russie ou de la Chine, ces puissances étrangères changeant parfois de bord, lâchant les gouvernements au profit des rebelles et vice versa.

Alors pourquoi faire payer Charles Taylor et s'arrêter là ? Au début, le Tribunal spécial pensait que toutes les parties devraient être poursuivies, d'où la poursuite des membres du CDF et du RUF. Cela a provoqué l’indignation et la colère, parce que le CDF a dit qu'il se battait au côté du gouvernement de la Sierra Leone, pour ramener la démocratie. Et qui a soutenu le CDF ou savait ce qu'il faisait mais n'a pas réussi à l'arrêter - le gouvernement de la Sierra Leone. Si vous jugez Charles Taylor pour «la connaissance et l’incapacité d'y mettre un terme» pourquoi ne pas poursuivre en justice ceux qui ont armé et soutenu le CDF ?

La plupart des gouvernements ont les mains tachées de sang. Comme Lady Macbeth la plupart d'entre eux devraient se laver les mains en répétant « Disparais, maudite tache, disparais te dis-je... Tout de même qui aurait pu penser que le vieil homme avait en lui autant de sang ? Ah ! Ces mains ne seront-elles donc jamais propres ? Encore cette odeur de sang ! Tous les parfums de l'Arabie ne purifieront pas cette petite main... ».

On pourrait ajouter : « Les eaux de tous les océans pourront-elles laver le sang des mains des Etats-Unis, du Royaume Uni et d'Israël ? ». Ici je pense à Guantanamo, à l'Irak, à l'Afghanistan et à Gaza. La communauté internationale va-t-elle poursuivre devant la Justice internationale les auteurs de Guantanamo Bay et leur extradition ? Pour le bombardement impitoyable de l'Irak et de l'Afghanistan ? J'en doute fort.

Ce qui ressort de tout cela, c'est ce que la plupart des Africains considèrent comme une hypocrisie organisée, un double jeu bien orchestré et le refus de la part du monde occidental de considérer et traiter les Africains comme des égaux et responsables.

Elle (la justice internationale – CPI ou SCSL) est perçue comme une tentative d'humilier et de dominer l'Afrique. L'humiliation d'un président africain n'est pas seulement la sienne, c'est une humiliation de sa famille, sa tribu, son pays, sa région et l'ensemble de l'Afrique. Si vous regardez certains des termes utilisés par le procureur dans l'affaire Taylor, ils ne sont rien d'autre qu'une entreprise d'humiliation, de sauvagisation de la situation. Des expressions comme "moustiques", "jungle", "superman" sont utilisés tout au long du réquisitoire ! C'est comme si l'Occident disait : « nous sommes venus "civiliser l'Afrique" et enseigner aux sauvages comment se comporter ».

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Le SCSL et la CPI sont aussi perçus comme un système visant à éliminer les opposants qu’un gouvernement faible n'a pas réussi à vaincre militairement ou un moyen d'éliminer et de réduire au silence les opposants politiques qui risqueraient de revenir ou, pire encore, pour provoquer un changement de régime.

Quelles sont les chances qu’ont les faibles dirigeants vaincus devant les tribunaux, qu'ils soient nationaux ou internationaux ? Les procès politiques par leur nature même, ne sont jamais justes et équitables. Nous sommes ici dans un scénario à la Alice au pays des merveilles lorsque le roi dit « Hérault, lis l'accusation ». Le hérault s'exécute et le roi crie au jury « Rendez votre verdict " et la reine crie : « Non, la peine d'abord, le verdict après ! "

Robert H Jackson, le procureur américain aux procès de Nuremberg, a décrit dans un article La règle de droit parmi les nations : « Si vous êtes déterminé à exécuter un homme quoi qu'il arrive, il n'y a pas de procès : le monde n'accorde aucun respect aux tribunaux principalement organisés pour condamner. »

Nous savons tous que « les lois sont généralement comme ces filets de pêche faits d'une texture telle qu’elle permet au petit poisson de se glisser à travers le filet, au grand et au gros poisson de le déchirer, et que seuls les poissons de taille moyenne y restent empêtrés ».

Dernière forme d'humiliation dans le cas de la Sierra Leone, le fait que les personnes reconnues coupables des crimes purgeront leur peine à l'étranger, loin de leurs familles et amis !

Nous savons que cette justice internationale est présentée comme un outil destiné à se débarrasser de la culture de l'impunité, - il s'agit de droits de l'homme et de crimes de guerre -, et de montrer au monde que nul n'est au dessus des lois. Il s'agirait d'état de droit.

La poursuite des Chefs d’Etat et des responsables rebelles en Afrique a un impact énorme sur la réconciliation, la stabilité de la nation et les implications de paix futures. Le SPSL et la CPI peuvent ne pas être compatibles avec les processus de réconciliation et d'amnistie pour les violations des droits de l'homme dans le cadre des accords de paix.

Pourquoi un dictateur abandonnerait le pouvoir s'il sait qu'il finira à la Haye ? Pourquoi les dirigeants rebelles viendraient autour de la table des pourparlers s'ils pensaient que ce pourrait bien être un piège pour les arrêter et les envoyer à la Haye ?

La menace de la CPI et des tribunaux spéciaux étend les conflits, conforte les dictateurs, déstabilise les communautés et ouvre les plaies au lieu de les panser. Si les membres d'une communauté dans une situation de conflit parviennent à un accord de paix, et après avoir pesé tous les avantages et les inconvénients de leur situation décident que pour le bien de la paix durable de leur pays et de la justice, ils prendront le chemin de la réconciliation et du pardon, ce n'est pas à la communauté internationale d'insister sur la Justice internationale. Parfois les gens qui crient le plus et le plus fort « vengeance » ne sont pas les plus touchés par le conflit, c'est ce qu'on appelle en Afrique « les visiteurs qui pleurent plus fort et plus longtemps que les personnes en deuil ».

Nous savons qu'il s'agit de respecter les droits de l'homme et de briser la culture de l'impunité. Mais les communautés doivent en décider elles-mêmes et, si elles ont besoin de l'aide de la communauté internationale, elles devraient la demander.

Chacun d'entre nous ici aujourd'hui est conscient de terribles situations de violation des droits de l'homme et pourtant, la communauté internationale n'a rien fait. Je pense ici à l'apartheid en Afrique du Sud, la Rhodésie de Ian Smith, le génocide au Rwanda, l'Angola, la Sierra Leone, le Soudan, le Sri Lanka, le Nicaragua et aujourd'hui le Zimbabwe et cetera, et cetera, et cetera. Qui a parlé de droit de l'homme ?

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La société traditionnelle africaine avait l’habitude de résoudre pacifiquement les conflits à travers les Anciens de la communauté. Malheureusement, ce système de règlement des différends n'a pas été intégré dans les systèmes étatiques modernes, à l'exception du Botswana, où l'élite dirigeante a créé à partir de la tradition de la Kgotla, une assemblée communale destinée à consulter et à mobiliser l'opinion publique avant la mise en œuvre des politiques publiques. Le Zimbabwe a une tradition similaire avec le Nhangano. Les Zoulous l’appellent Indaba. Les Grecs l'appelaient «démos» (le peuple) et ont ajouté «kratos» (la règle) à partir de quoi nous obtenons la démocratie.

À l'époque pré-coloniale, les différends étaient résolus par les anciens en raison de leur statut dans la communauté. Les sociétés traditionnelles africaines ont attribué une valeur importante au leadership des chefs et des anciens qui ont dominé l'économie tribale et contrôlé toutes les formes importantes de l'action collective dans la communauté. Ils étaient considérés comme des sages, et suscitaient le respect et la confiance de leurs sociétés respectives. Ils n'ont pas eu recours à des méthodes d'arbitrage, qui sont considérées comme étrangères aux pratiques africaines. Ils ont toujours évité de porter le blâme pour ne pas provoquer les récriminations amères. Leur objectif était d’apaiser les sensibilités et de rechercher le compromis, les différends étant réglés grâce à leur sagesse et leur perspicacité dans un environnement de négociation stable du fait du respect qui leur était accordé en tant qu'anciens.

Il faudrait «respecter» «soutenir» et «s'engager» avec la communauté en se basant sur une connaissance véritable et une bonne compréhension de la société. Que la connaissance et la compréhension véritable proviennent de la participation «existentielle» avec cette communauté.

« Un bon leader, a dit Machiavel, doit poser les bonnes questions mais le plus important, il doit écouter ». C'est ce que les États de la Cité «demos» grecque ont fait, c'est ce que le Zulu Indaba a fait et c'est ce que le kgotla au Botswana fait. «Un gouvernement si bon soit-il ne peut pas faire de bons citoyens, mais de bons citoyens peuvent faire de bons gouvernements», a encore dit Machiavel. On peut en dire autant de la Justice internationale.

Je voudrais citer le président (Sierra-Léonnais) Tejan Kabbah. J'étais à la signature de l'Accord de paix en Sierra Leone, à Abidjan, en Côte d'Ivoire, le 30 Novembre 1996. Il a déclaré alors que la signature de l'accord de paix était la première étape : «Cette étape doit être rapidement suivie d'un dévouement ferme vers une véritable réconciliation nationale ...»

Il a poursuivi en disant «mais je dois rappeler à chaque Sierra-Léonnais que l'un des plus sûrs moyens de rétablir une paix durable dans notre société est, pour ceux d'entre nous qui ont été lésés à cause de cette guerre, d’étendre la main du pardon et de l'amour sur ceux à qui nous attribuons nos souffrances… »

« Cela permettra non seulement de renforcer notre pays face aux nombreux défis auxquels il est confronté, mais aussi de nous renforcer en tant qu'individus dans nos efforts pour réhabiliter nos vies. D'autre part, les envies de vengeance ou de représailles vont sans doute encore affaiblir notre pays et presque certainement intensifier notre douleur en tant qu'individus, et probablement générer un nouveau cycle de violence et de souffrance .... En outre, le gouvernement s'est engagé à créer des postes d'emploi pour les membres du RUF, et je suis sûr que la nation tout entière bénéficiera grandement d'avoir tous ses citoyens qui travaillent ensemble dans le même but… Les ex-combattants n'ont rien à craindre et tout à espérer, que mon gouvernement ne va perdre aucune occasion pour égayer leur avenir par eux et tout le monde dans ce pays donnant la possibilité de réaliser leur plein potentiel. »

La capacité des Africains à pardonner (mais ne pas oublier) est incroyablement énorme. Voyez comment ils ont pardonné et continué à vivre avec les anciens colonisateurs et

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les persécuteurs. Presque tous les «Pères de l'Afrique » ont passé, à une période ou une autre de leur vie, du temps en prison, et encore après l'indépendance ils ont pardonné : voir le Kenya, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud. La Commission de vérité sud-africaine en est un exemple. Même en Sierra Leone, j'ai cru comprendre que quelques-unes des victimes amputées ont présenté une pétition au président Kabbah, au SG des Nations Unies, à la CEDEAO et à l'Union Africaine en indiquant clairement que, comme victimes, ils ont pardonné à leurs auteurs et que leur but était d'utiliser leur sens profond de pardon pour réconcilier et guérir la nation.

Ils ne voient pas la nécessité d'un Tribunal spécial et sont d’avis que les ressources ainsi dépensées seraient mieux utilisées pour aider les victimes et le redressement de la nation.

C'est le pardon des victimes qui contribue à la paix et à la stabilité en Sierra Leone.

Alors, que faudrait-il faire au lieu de poursuivre les Présidents ? La communauté internationale pourrait réellement et sérieusement commencer à investir dans des mesures de prévention et de résolution des conflits et de consolidation de la paix post-conflit. S'attaquer aux causes systémiques de conflit relève du rôle véritable de la communauté internationale.

Le renforcement des capacités pour l'Afrique est primordiale. Les 40 États qui ont mis de l'argent dans le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, auraient pu donner cet argent au renforcement et à la mise en œuvre de l'Accord de paix d'Abidjan. L'ONU, l'OUA et le Commonwealth auraient pu être des garants de la paix plus efficaces. Ce qui s’est passé entre le 30 Novembre 1996 et le 16 Janvier 2002 n’aurait jamais dû se produire. Si cela ne s'était pas produit, alors nous ne serions pas dans la situation d'avoir besoin d'un Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

Pour finir, si la justice doit être rendue, ce doit être en Afrique par des Africains. À cette fin, je voudrais appeler à la création d’une Cour suprême d'Afrique et à l’Union Africaine de prendre en charge la compétence de la CPI, et de toutes les juridictions ad hoc en Afrique, tels que les tribunaux spéciaux pour le Rwanda et la Sierra Leone. Que justice soit faite en Afrique et par les Africains.

Nous devons trouver des solutions africaines aux problèmes africains.

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Petit Atlas de la CPI

Lorsque Millius Palayiwa écrivait le texte que l’on vent de lire, il y avait 193 pays dans le monde, dont 108 Etats membres de la Cour. Quarante pays avaient signé mais non ratifié e Statut de Rme. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l'Inde étaient (et sont toujours) très critiques vis-à-vis de la CPI et n'ont pas adhéré. Les Etats-Unis, pour être précis, ont adhéré, Clinton ayant signé le dernier jour de sa Présidence, mais se sont retirés le premier jour de la Présidence de GW Bush. Curieusement, ce curieux fait juridique n’a guère suscité de commentaires, alors que l’on s’attendrait à ce que cela passionne des escadrons entiers de constitutionnalistes…

En portant ces faits sur une carte, l’on s’aperçoit d’une répartition très inégale de ces différentes situations.

La CPI semble avoir soulevé un grand enthousiasme en Europe occidentale, en Amérique latine et en Afrique subsaharienne. Ailleurs, l’accueil a été beaucoup plus froid et, pour l’Europe de l’Est et l’Asie, l’on peut même parler d’un froid polaire.

Il va de soi que, si vous êtes citoyen d’un pays signataire et que vous vous trouvez sur le territoire d’un pays signataire, vos chances de vous retrouver à La Haye augmentent de façon considérable par rapport à la situation qui prévaut dans es pays n’ayant adhéré en aucune façon à la CPI.

L’Afrique noire ne serait-elle pas AUSSI (je veux dre en sus des rasons développées par Millius Palayiwa) victime de sa propension à se précipiter sans critique ni considération

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suffisantes pour signer des instruments juridiques qui n’ont pour sel avantage que de « faire moderne » et de se présenter sous des affûtiaux de « justice » souvent trompeurs ?

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« Selon que vous serez puissants ou misérables… »

Je reprends volontiers la conclusion du texte « Nous devons trouver des solutions africaines aux problèmes africains ». Seulement voilà ! Y a-t-il beaucoup de problèmes qui soient, entièrement et de bout en bout, des problèmes africains et qui ne soient que cela ?

Examinons le cas des premiers prévenus de la CPI proprement dite. Ce sont deux petits chefs de guerre congolais. Les Congolais ont aussitôt fait remarquer qu’ils n’étaient que des sous-fifres de Bosco Ntaganda, à l’époque « chouchouté » par Kinshasa. Depuis lors, Natganda lui-même est en prison à La Haye, mais il n’est lui-même qu’un exécutant au service du régime de Kagame et accessoirement de Museveni, qui tous deux ne sont que les

« petites mains noires » des responsables premiers, lesquels ne sont pas africains, mais principalement américains et européens. Peut-on attribuer une « nationalité » à une affaire criminelle, uniquement d’après celle des exécutants ?

L’idée généreuse, qui était sous-jacente à la création de la CPI – mais il pouvait y avoir à côté d’autres idées bien moins angéliques –, était de mettre en place une instance judiciaire pour éviter que les conflits se terminassent soit par d’insupportables immunités appuyées sur de larges amnisties, soit par des vagues des répression, des « chasses aux sorcières », des massacres, voire des génocides plus ou moins discrets. C’est le rôle classique des tribunaux : substituer la justice à la vengeance et dissuader les criminels par la menace du châtiment.

En vue de cette dissuasion, il est indispensable que la justice fasse preuve d’efficacité.

Or, en octobre 2008, comme l’écrit M. Millius Palayiwa, le Procureur avait reçu 2.889 communications sur des crimes de guerre et crimes contre l'humanité dans au moins 139 pays et pourtant en Mars 2009, le Procureur n'avait ouvert d'enquête que sur 15 cas, dans 7 pays.

La Cour a jusqu’ici poursuivi moins de dix personnes, et en a condamné encore moins. Il est difficile d’y voir la démonstration d’une grande efficacité.

Or, cette inefficacité est dès le départ inscrite dans les gênes de la CPI, elle lui est consubstantielle et cela ne tient pas au Procureur, bien qu’il soit la personne la plus en vue de la CPI (Depuis le départ de Moreno Ocampo, haut en couleur jusque dans sa vie la plus intime, la CPI ne fait, à tout le moins, plus la Une de la presse à scandale. Fatou Bensouda semble au moins savoir se tenir !).

Le Procureur de la CPI est un étrange magistrat qui n’a sous ses ordres ni juges d’instruction, ni policiers ni gendarmes. L’exécution de sa mission dépend entièrement de la bonne volonté de tiers. En ce qui concerne les enquêtes, ces tiers sont d’abord les gouvernements locaux. Cela veut dire que ce sont les vainqueurs du conflit pendant lequel les crimes ont eu lieu. Viennent ensuite les organisations humanitaires. Le monde des ONG ne mérite pas toujours son auréole de dévouement idéaliste. Elles sont parfois l’outil d’infiltration de leur état d’origine. Elles sont toujours dépendantes de leurs mandants ou bailleurs de fonds. Elles ne peuvent éviter d’avoir sur les choses un regard « exotique ». Il va sans dire, en effet, que si bien sûr il y a des ONG locales, si même toutes ne sont pas forcément « alimentaires », elle ne pèsent rien face aux moyens des grandes organisations humanitaires internationales.

Ce que Millius Palayiwa dit de l'équipe de défense de Charles Taylor (1 avocat, contre 7 pour la poursuite) pourrait aussi se dire de la Procureure. Incapable d’enquêter et d’instruire avec ses moyens propres, celle-ci est bien forcée, quelle que soit son envie personnelle de requérir dans telle ou telle affaire, de ne faire que ce dont elle a les moyens, c’est à dire d’accepter que ne viennent au tribunal que les affaires pour lesquelles on a bien voulu lui

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fournir de jolis paquets bien ficelés. « Timeo Danaos et dona ferentes 5», disait Virgile. Pour rappel, le cadeau, c’était le Cheval de Troie.

Peut-être par un louable désir de ne parler que de ce qu’il connaissait bien, M. Millius Palayiwa n’a évoqué, parmi les ancêtres et précédents de la CPI, que Nuremberg et le procès de Charles Taylor devant la SCSL. Or il y a trois tribunaux spéciaux avant la CPI : la SCSL, le TPIR et le TPIY et chacun d’eux a apporté ses raisons d’être sceptique et critique vis-à-vis de la « Justice Internationale.

Je n’attarderai pas ici sur la SCSL dont il a été largement question plus haut dans le texte de M. Millius Palayiwa.

Le TPIR, siégeant à Arusha (Tanzanie) et donc seule de ces institutions à ne pas avoir été « délocalisé » en Europe devait s’occuper du « génocide rwandais » de 1994. Le génocide des Tutsis au Rwanda, décrit comme commis par des milices hutues extrémistes créées par le régime Habyarimana, a été reconnu par l'ONU, dans le rapport de sa Commission des droits de l'homme le 28 juin 1994, puis lors de la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda (résolution 955 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 8 novembre 1994. Cette résolution confirme la résolution 935 de la même année). C’est incontestablement le cas le plus bizarre si l’on se place du point de vue du bon sens et de la saine raison, ou le cas le plus transparent si l’on considère que la dénonciation d’un génocide est toujours beaucoup plus un acte politique que moral ou judiciaire ! On en arrive en effet à considérer que le massacre de 800.000 personnes environ (qui n’est contesté par personne) aurait constitué un génocide, alors que :

- il s’agissait de Tutsi et de Hutu « modérés », nous dit-on. La définition même des Tutsi et des Hutu n’a pas cessé d’être objet de controverse parmi les ethnologues (rwandais compris). Les Tutsi auraient été supprimés parce que soupçonnés d’office de pactiser avec le FPR, les Hutu pour leur modération qui en faisaient des « alliés objectifs » de ce même FPR. Le motif de leur exécution aurait donc été politique, ce qui sort de la définition du génocide.

- un massacre de grande envergure, perpétré sur peu de temps, requiert un « centre nerveux » qui l’organise et prenne les décisions. On en a supposé l’existence sous le nom d’Akazu. Mais il n’existe aucun embryon de preuve, pas le plus infime témoignage qui en confirme l’existence. La préméditation n’est donc pas établie.

- Mieux, tous les prévenus du TPIR accusés d’avoir « participé à l’organisation du génocide » ont dû être acquittés. On a donc affaire à une « préméditation sans personne pour préméditer » !!!

- en l’absence d’Akazu, « centre neveux de la conspiration génocidaire », la subordination6 des milices à l’Etat rwandais d’Habyarimana n’est pas davantage établie.

- Le génocide au Rwanda est censé avoir eu lieu du 6 avril au 4 juillet 1994. Le rapport de la Commission des droits de l'homme de l’ONU date du 28 juin 1994 et le TPIR est créé en novembre de la même année. Cela décèle à tout le moins une hâte suspecte.

Parmi les plaignants, il en est toujours dont les intentions sont moins pures. C’est le cas notamment lorsque des groupes d’intérêts ou des Etats se mêlent de représenter les

5 Je me méfie des Grecs, même quand ils apportent des cadeaux.

6 « Subordination » signifie que l’on reçoit des consignes et des ordres pour l’action et qu’on y obéit. Il ne suffit donc pas, par exemple, d’établir que les miliciens étaient de chauds partisans du « Hutu Power » ou qu’ils abominaient le FPR, qu’ils étaient sur la même « longueur d’onde politique » que le gouvernement. Il faut

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victimes. Israël, qui depuis plus d’un demi-siècle s’est fait un fond de commerce politique de la mémoire de la Shoah, en est le modèle achevé. Et le Rwanda de Kagame marche sur ses traces en digne continuateur.

Ressasser interminablement, année après année, que l’on a été une victime… D’abord, c’est inexact, puisque les victimes, les vraies, sont mortes… Ensuite, ce n’est pas une attitude très équilibrée, mais cela nous entraînerait trop loin dans la psychopathologie collective et nous nous en abstiendrons… Cela devient vraiment sordide et hideux quand on s’en sert pour revendiquer un droit à l’impunité, à se placer au-dessus de tout soupçon et au-dessus des lois.

“A l’occasion de ce massacre (de Kibeho), on a pu observer, comme on continuera de le faire par la suite, à quel point le gouvernement rwandais bénéficiait auprès d’États, d’ONG et de médias occidentaux d’une sorte de privilège d’impunité. En effet, la bataille politique menée pour la reconnaissance du génocide des Rwandais tutsis n’a pas eu pour seule finalité l’établissement de la vérité, la mise en œuvre des mesures judiciaires entraînées par cette reconnaissance.

“ Cette bataille a eu aussi pour enjeu de rendre l’actuel État rwandais intouchable, quoiqu’il fasse ou ne fasse pas : c’est « le privilège de l’impunité », justifié par la dette morale de la communauté internationale. Le gouvernement rwandais invoque constamment la passivité coupable dont celle-ci a fait preuve, entre avril et juin 1994, face au génocide.”

Cette idée de culpabilité internationale ne cesse d’être exploitée à des fins politiques.

Ian Martin qui fut, au Rwanda, chef de l’opération de terrain du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en donne un exemple : l’enquête effectuée par une équipe du HCR en septembre 1994 et qui « faisait état d’atrocités systématiques commises contre la population hutue » fut enterrée par le secrétaire général de l’ONU ; c’était un effet de « la culpabilité de la communauté internationale, qui n’avait pu stopper le génocide ».

Alison Desforges, dans Aucun témoin ne doit survivre , donne des preuves de la gêne suscitée par cette enquête du HCR, elle fait le récit des démarches qu’effectuèrent les diplomaties américaines, rwandaises et onusiennes pour que le silence soit gardé sur les informations recueillies - ce qui ne fut pas absolument possible, grâce à des fuites vers les médias. On observera les effets de ce privilège d’impunité au moment des massacres commis au Congo pendant la guerre de 1996-1997, dont il n’a été question qu’en 2010 avec le

« Rapport Mapping ».

Voici ce qu’écrivait « L’Express » du Vendredi 27 août 2010, sous le titre « Le Rwanda dénonce le rapport de l'Onu sur la RDC »

"Il est immoral et inacceptable que l'Onu, une organisation qui a échoué à prévenir un génocide au Rwanda (...) accuse maintenant l'armée qui a arrêté le génocide d'avoir commis des atrocités au Congo", a déclaré vendredi Ben Rutsiga, porte-parole du gouvernement rwandais. « Le Rwanda affirme dans un communiqué que le moment choisi pour ce rapport

"malveillant, offensant et ridicule" vise à détourner l'attention des viols collectifs que la Monusco, actuellement déployée au Congo, n'a pas réussi à faire cesser en août dans des villages. Le Rwanda accuse aussi les enquêteurs de l'Onu de n'avoir pas consulté Kigali pendant leurs investigations fondées, selon le gouvernement rwandais, sur une méthodologie et des sources douteuses et sur des preuves peu solides ».

On admettra que la musique n’a guère changé ! Et, si le Rwanda répète volontiers les mêmes arguments de manière textuelle, il est de ce point de vue en plein accord avec son modèle israélien, qui, de même, ne voit qu’antisémitisme et volonté génocidaire dans toute critique contre le sionisme.

Tout se passe comme si le fait d’être survivant d’un génocide ouvrait des droits, ou plus exactement des privilèges, puisqu’il s’agit de droits particuliers à ces personnes, que les autres hommes n’auraient pas. Et c’est tout de même extrêmement paradoxal. En effet, le meurtre, dans un génocide, est commis du fait même de l'appartenance par la naissance à la

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population des personnes visées. Un génocidé, par définition, on ne lui reproche rien… si ce n’est d’être né. Très littéralement, « il n’a rien fait pour mériter ça ». Mais lui accorder de ce fait le « privilège d’impunité », « il n’a rien fait pour mériter ça non plus !!!».

Invoquer le fait qu’on a fait partie d’un groupe génocidé, c’est invoquer sa naissance.

Et prétendre qu’en vertu de sa naissance, on a droit à un traitement exorbitant, c’est prétendre à des privilèges de naissance, autrement dit, c’est une prétention aristocratique. Non seulement c’est un peu passé de mode depuis 1789, mais, de plus, toute prétention aristocratique est de par sa nature même raciste. Et le racisme est le terreau par excellence d’autres génocides…

La mission du TPIR apparaît comme étant quelque chose qui n’a avec la justice qu’un rapport fort lointain être un lieu de confirmation, de renforcement judiciaire de l’affirmation qu’il y a eu en 1994 un génocide des Tutsi. Il a largement échoué dans cette mission7.

Mais pourquoi les Occidentaux auraient-ils voulu prouver la réalité de ce génocide ? Il y a un fait que l’on perd trop souvent de vue : en 1994, le Rwanda était en proie à une guerre civile depuis près de quatre ans.

L’on se trouvait alors dans cette période, au début des années 90, où l’Afrique voyait fleurir partout des « transitions ». Le but avoué était de mettre fin aux dictatures, aux coups d’Etat et aux guérillas révolutionnaires. Avec la fin de la « menace rouge », l’on n’avait plus besoin des dictateurs pro-occidentaux. Il fallait installer des démocraties parlementaires où les différentes factions bourgeoises alterneraient au pouvoir à la faveur d’élections. De ce fait, l’on entendait aussi mettre hors-la-loi tout changement révolutionnaire. Or, le mouvement de Kagame, ethniquement minoritaire, ne pouvait espérer arriver au pouvoir que par la force.

Ce que voulaient le FPR et ses alliés, dont les USA, c’était priver le gouvernement légal de sa légitimité (et quoi de mieux pour cela que d’en faire un gouvernement génocidaire ?), revêtir le FPR, à l’opposé, d’une légitimité de « chevalier blanc » au-dessus de tout reproche et continuer la guerre jusqu’à la victoire totale et la prise de pouvoir de ceux

« qui ont arrêté le génocide ». Cet « arrêt par le FPR du génocide commis par ses ennemis » était indispensable parce que, durant cette même période, le discours dominant de la

« communauté internationale » à destination de l’Afrique prônait systématiquement le dialogue et l’accès au pouvoir, non par la violence, mais par les élections, seules admises comme conférant la légitimité. A rebours de ce discours dominant, le FPR a rompu le dialogue et pris le pouvoir par la force, donc de manière illégitime. Pour faire oublier son illégitimité, il a mis en avant qu’il ne se battait pas pour défaire ses ennemis mais pour arrêter un génocide. Il convenait donc que le génocide soit hautement et énergiquement affirmé !

Le TPIY a mis également en évidence un mécanisme fort particulier destiné à servir un objectif plus politique que judiciaire : diaboliser le régime serbe comme criminel et d’ailleurs lui aussi « génocidaire »8. La Serbie, en effet, ne manifestait ni honte, ni repentir de son passé communiste, alors qu’elle aurait dû, semble-t-il, faire pénitence sous le sac et la cendre9.

On assista, au TPIY, à un usage très particulier d’une pratique anglo-saxonne bien connue la négociation. Le principe en est simple, et on le rencontre dans tous les contextes d’enquête, aussi loin que l’on puisse remonter : l’on échange les aveux et le témoignage d’un

7 Aucune preuve, commencement de preuve ou indice que l’Akazu ait jamais existé. Aucune condamnation pour génocide ou organisation du génocide à l’échelle nationale.

8 À propos des événements de Srebrenica. Ici toutefois, ce furent plutôt les médias que les institutions internationales qui crièrent les premiers au génocide.

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suspect contre la promesse de l’indulgence du tribunal lors de la fixation de la peine. Tout au long de la littérature policière, d’innombrables flics disent à d’innombrables truands « Mets- toi à table, Nénesse, le juge en tiendra compte ».

Si la formule existe donc aussi dans la procédure inspirée du code Napoléon, il y a cependant une différence de taille c’est précisément ce « juge » qui « en tiendra compte ».

Même si l’on accorde au délateur une certaine impunité pour le remercier de ses renseignements, les faits sont néanmoins connus, plaidés et jugés comme le reste, en public et tout le mode en a eu connaissance.

La négociation à l’américaine, au contraire, élimine jusqu’au procès, y compris la publicité qui l’accompagne. On en est arrivé ainsi à utiliser contre les accusés de différents procès au TPIY des aveux de Milan Babić sans aucune possibilité de vérifier si Babić a bien tenu ces propos. Mais il est quand même curiex que les textes des interrogatoires de Babić n’existent pus qu’en verso anglaise, les enregistrements en serbe ayant disparu.

L’image qji ressort de tout cela est bien plutôt celle d’un instrument judiciaire au service de l’impérialisme que celle d’une justice indépendante et libre.

La même impression de servilité envers les intérêts dominants ressort des premiers paragraphes du discours de Mme. Fatou Bensouda, prononcé 4/11/2013devant le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies à propos de la situation en Libye en application de la résolution (2011) du Conseil de sécurité

« Monsieur le President,

« Mon Bureau présente son sixième rapport devant le Conseil de sécurité depuis qu’il a adopté la résolution 1970 par laquelle, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, il a déféré la situation en Libye à la Cour pénale internationale. Mon Bureau se félicite de l’occasion qui lui est à nouveau donnée de présenter l’évolution de la situation en Libye et des procédures y afférentes engagées devant la Cour.

« La Libye a parcouru un long chemin depuis le soulèvement de 2011 qui a ouvert la voie au peuple libyen pour bâtir de nouvelles fondations et se tourner vers un avenir plus prometteur. La nouvelle Libye a ainsi connu des succès notables, y compris la tenue des premières élections démocratiques depuis un demi-siècle ; cependant, le pays demeure confronté à des défis de taille, cmme en témoignent les attentats à la voiture piégée, ainsi que les enlèvements et les assassinats de responsables publics et des services de sécurité. Cette situation fort regrettable a bien évidemment empêché mon Bureau de mener ses activités d’enquêtes dans le pays. Nous espérons que les conditions s’amélioreront et nous permettront de poursuivre véritablement nos enquêtes et de les intensifier. Mon Bureau se félicite des initiatives prises en vue d’aider à la reconstruction de l’armée libyenne et des services de police et des services judiciaires du pays en vue de renforcer la sécurité de ce dernier et de l’ensemble du peuple libyen. Nous demandons à tous les États de soutenir la Libye dans ses efforts entrepris pour devenir une société véritablement démocratique où règne la sécurité et où les normes les plus élevées en matière de justice sont observées. Les Libyens ne méritent pas moins.»

Réduire les événements qui ont amené la chute de Khaddafi à un « soulèvement populaire », c’est un joli cas de myope, non ?

Ce discours accompagnait le rapport annuel qui figure dans les pages suivantes.

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SIXIÈME RAPPORT DU PROCUREUR DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU EN APPLICATION DE LA RÉSOLUTION 1970 (2011)

INTRODUCTION

1. Le 26 février 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité la résolution 1970, par laquelle il a déféré au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) la situation en Libye depuis le 15 février 2011 et a invité ce dernier à l’informer tous les six mois de la suite donnée à celle-ci.

2. Dans le premier rapport qu’il a présenté au Conseil de sécurité le 4 mai 2011, le Bureau avait annoncé que « [d]ans les prochaines semaines, [il] priera[it] la Chambre préliminaire I de délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre des personnes qui porte[raient] la responsabilité la plus lourde pour les crimes contre l’humanité commis sur le territoire de la Libye depuis le 15 février 2011 ».

3. Dans son deuxième rapport, présenté le 2 novembre 2011, le Bureau a signalé que le 16 mai 2011, il avait demandé que des mandats d’arrêt soient délivrés à l’encontre de trois personnes qui, d’après les éléments de preuve recueillis, portaient la responsabilité la plus lourde dans les attaques lancées contre des civils non armés dans la rue et dans leur foyer à Benghazi, à Tripoli et à d’autres endroits au cours du mois de février 2011.

Les juges de la Chambre préliminaire I ont délivré, le 27 juin 2011, des mandats d’arrêt à l’encontre de Muammar Qadhafi, Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi pour meurtre, en tant que crime contre l’humanité visé par l’article 7-1-a du Statut de Rome, et persécution, en tant que crime contre l’humanité visé par l’article 7-1-h.

4. Dans son troisième rapport, présenté le 16 mai 2012, le Bureau a relevé la clôture de l’affaire contre Muammar Qadhafi ordonnée le 22 novembre 2011 par la Chambre préliminaire I et l’arrestation de Saïf Al-Islam Qadhafi en Libye, le 19 novembre 2011, et d’Abdullah Al-Senussi en Mauritanie, le 17 mars 2012. Il a par ailleurs fait observer qu’une exception d’irrecevabilité avait été soulevée par le Gouvernement libyen le 1ermai 2012, dans l’affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi.

5. Dans son quatrième rapport, le Bureau a fourni des informations sur l’évolution de la procédure relative à la recevabilité de l’affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi, de l’extradition d’Abdullah Al-Senussi vers la Libye et des enquêtes en cours.

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6. Dans son cinquième rapport, le Bureau a rendu compte de l’évolution de la procédure relative à la recevabilité de l’affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al- Senussi et des enquêtes en cours.

7. Ce sixième rapport porte sur : a. La coopération ;

b. L’affaire Le Procureur c. Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi, notamment la question de sa recevabilité ;

c. L’enquête en cours ; et

d. Les crimes qui auraient été commis par les différents protagonistes en Libye depuis le 15 février 2011.

1. COOPÉRATION

8. Au paragraphe 5 de sa résolution 1970, le Conseil de sécurité de l’ONU « demande instamment à tous les États et à toutes les organisations régionales et internationales concernées de coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur ». Les obligations des États parties au Statut de Rome sont définies au chapitre IX de celui-ci.

9. Le Bureau se félicite de la coopération que continuent de lui apporter les États parties et les autres dans le cadre de la situation en Libye et se réjouit à l’idée de rechercher et de trouver avec un certain nombre de ces partenaires clés des solutions novatrices et résultant d’initiatives face aux problèmes de sécurité qui se posent dans le cadre des enquêtes en cours et de l’instauration de la primauté du droit en Libye.

1.1 Le Gouvernement libyen

10. Dans sa résolution 1970, le Conseil de sécurité a « [d]écid[é] que les autorités libyennes d[e]v[ai]ent coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute l’assistance voulue, en application de [cette] résolution ».

11. Le 29 août, le Procureur adjoint a rencontré, à La Haye, le Ministre libyen de la justice, Salah Al-Marghani, le Procureur général Abdul Qader Juma Radwan et leur délégation, pour discuter de la conclusion du mémorandum d’accord entre le Bureau du Procureur et le Gouvernement libyen sur le partage des responsabilités dans les enquêtes et les poursuites à venir. Au cours de la première semaine de novembre, le Procureur et le Procureur général libyen ont signé ce mémorandum et des membres du Bureau ont rencontré le chargé de liaison libyen afin de commencer à discuter des aspects pratiques de sa mise en œuvre.

12. Le Bureau considère que ce mémorandum d’accord traduit un engagement du Gouvernement libyen en vue de rendre justice aux victimes de ce pays et de coopérer avec la CPI dans le cadre d’enquêtes et de poursuites menées dans d’autres affaires

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contre les principaux responsables des crimes les plus graves relevant de la compétence de la Cour perpétrés en Libye. Ce document ne traite pas de l’état d’avancement de l’affaire contre Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi et n’a aucune incidence à ce sujet. Comme il a été souligné dans les quatrième et cinquième rapports, le Bureau poursuit ses enquêtes, en s’intéressant en particulier aux qadhafistes de premier plan qui se trouvent en dehors de la Libye, lesquels, selon le Bureau, sont responsables de crimes graves et dont l’activité pourrait encore constituer une menace pour les civils de ce pays. Le Bureau se réjouit à la perspective de collaborer étroitement avec ses partenaires libyens pour faire avancer ces affaires et celles à venir.

2. AFFAIRE PORTEE CONTRE SAÏF AL-ISLAM QADHAFI ET ABDULLAH AL- SENUSSI

13. Le Bureau rappelle que le Gouvernement libyen a, conformément à la procédure prévue par les dispositions du Statut de Rome, contesté la recevabilité de l’affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi. L’évaluation de la recevabilité suppose l’évaluation de l’existence d’une véritable procédure nationale appropriée, ainsi qu’il est prévu aux alinéas a à c de l’article 17-1 du Statut de Rome. Il s’agit d’une question d’ordre judiciaire que les chambres de la Cour doivent trancher en dernier ressort.

14. Comme le Bureau l’a souligné dans son rapport en mai 2012, l’exception d’irrecevabilité soulevée dans l’affaire engagée contre Saïf Al‐Islam Qadhafi a, en application des dispositions de l’article 19-7 du Statut de Rome, entraîné la suspension de l’enquête du Bureau dans cette affaire jusqu’à ce que l’exception soit tranchée. Le 2 avril 2013, l’enquête menée dans l’affaire Abdullah Al-Senussi a également été suspendue à la suite du dépôt par les autorités libyennes de l’exception d’irrecevabilité y afférente. Depuis son transfèrement de Mauritanie en Libye le 5 septembre 2012, Abdallah Al-Senussi est resté en détention à Tripoli. Saïf Al-Islam Qadhafi a quant à lui été maintenu en détention à Zintan.

15. Le 31 mai, la Chambre préliminaire s’est prononcée sur la recevabilité de l’affaire Saïf Al-Islam Qadhafi. Elle a estimé que celle-ci était recevable devant la CPI au motif qu’elle n’avait pas reçu assez d’éléments suffisamment précis et fiables pour démontrer que l’enquête des autorités libyennes et celle menée par la Cour portaient sur la même affaire et, en outre, que la Libye était dans l’incapacité de mener véritablement à bien la procédure engagée contre M. Qadhafi. La Chambre a également rappelé que sa décision reposait sur les faits constatés au moment de la procédure relative à l’exception d’irrecevabilité, et qu’elle était par conséquent rendue sans préjudice de toute autre exception susceptible d’être soulevée devant elle à condition toutefois que les conditions posées par l’article 19-4 du Statut de Rome soient réunies. La Chambre a également rappelé que les autorités libyennes étaient tenues de procéder à la remise de M. Qadhafi à la Cour.

16. Le 7 juin, le Gouvernement libyen a déposé son acte d’appel contre la décision de la Chambre préliminaire et demandé l’effet suspensif de ce dernier. Le 24 juin, il a déposé le document présenté à l’appui de son appel.

17. Le 18 juillet, la Chambre d’appel a rejeté la demande de suspension de la décision de la Chambre préliminaire présentée par les autorités libyennes et rappelé que celles-ci

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