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Au-delà des troubles postélectoraux

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le lundi 2 mai 2011

Sommaire

Réflexion

L'illusion démocratique … page 1 Nigéria

Au-delà des troubles postélectoraux … page 4 RDC

Suite du feuilleton électoral … page 10

L’opposition congolaise, les élections et les questions d’actualité… page 16 Je suis perdu, moi l’homme noir ! … page 18

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Réflexion L'illusion démocratique

Par www.syti.net

La démocratie a déjà cessé d'être une réalité.

Les responsables des organisations qui exercent le pouvoir réel ne sont pas élus, et le public n'est pas informé de leurs décisions.

La marge d'action des états est de plus en plus réduite par des accords économiques internationaux pour lesquels les citoyens n'ont été ni consultés, ni informés.

Tous ces traités élaborés ces cinq dernières années (GATT, OMC, AMI, NTM, NAFTA) visent un but unique: le transfert du pouvoir des états vers des organisations non-élues, au moyen d'un processus appelé "mondialisation".

Une suspension proclamée de la démocratie n'aurait pas manqué de provoquer une révolution.

C'est pourquoi il a été décidé de maintenir une démocratie de façade, et de déplacer le pouvoir réel vers de nouveaux centres.

Les citoyens continuent à voter, mais leur vote a été vidé de tout contenu. Ils votent pour des responsables qui n'ont plus de pouvoir réel. Et c'est bien parce qu'il n'y a plus rien à décider que les programmes politiques de "droite" et de "gauche" en sont venus à tant se ressembler dans tous les pays occidentaux.

Pour résumer, nous n'avons pas le choix du plat mais nous avons le choix de la sauce. Le plat s'appelle "nouvel esclavage", avec sauce de droite pimentée ou sauce de gauche aigre-douce Le pouvoir a déjà changé de mains

Les véritables maîtres du monde ne sont plus les gouvernements, mais les dirigeants de groupes multinationaux financiers ou industriels, et d'institutions internationales opaques (FMI, Banque mondiale, OCDE, OMC, banques centrales). Or ces dirigeants ne sont pas élus, malgré l'impact de leurs décisions sur la vie des populations.

Le pouvoir de ces organisations s'exerce sur une dimension planétaire, alors que le pouvoir des états est limité à une dimension nationale.

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Par ailleurs, le poids des sociétés multinationales dans les flux financiers a depuis longtemps dépassé celui des états.

A dimension transnationale, plus riches que les états, mais aussi principales sources de financement des partis politiques de toutes tendances et dans la plupart des pays, ces organisations sont de fait au dessus des lois et du pouvoir politique, au dessus de la démocratie.

Voici une liste des chiffres d'affaires de certaines multinationales1, comparés avec le PIB des états. Elle en dit long sur la puissance planétaire que ces sociétés sont en train d'acquérir.

Une puissance toujours plus démesurée, du fait de l'accélération des fusions entre multinationales.

Chiffres d'affaires ou PIB, en milliards de dollars General Motors 178,2

Singapour 96,3 Danemark 161,1

Toyota 95,2 Thaïlande 157,3

Israel 92 Ford 153,5 General Electric 90,8

Norvège 153,4 Philippines 83,1 Mitsui & Co 142,8

IBM 78,5 Pologne 135,7

NTT 77

Afrique du Sud 129,1 Axa – UAP 76,9 Mitsubishi 129 Egypte 75,2 Royal Dutch Shell 128,1

Chili 74,3 Itoshu 126,7

Irlande 72 Arabie Saoudite 125,3

Daimler-Benz 71,5 Exxon (Esso) 122,4 British Petroleum 71,2

Wall Mart 119,3 Venezuela 67,3

Ford 100,1 Groupe Volkswagen 65,3

Grèce 119,1 Nouvelle Zélande 65

Finlande 116,2

1 Chiffres de 1999, Sources: Banque Mondiale (World Development Report 1998-1999), Forbes, The Nation, Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social (States of Disarray, Genève, 1995), Courrier International, Le Monde Diplomatique

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Unilever 43,7 Marubeni 11,2

Pakistan 41,9 Sumimoto 109,3

Nestle 38,4 Malaisie 97,5

Sony 34,4 Portugal 97,4 Egypte 33,5 Singapour 96,3

Nigeria 29,6

Ensemble des 5 plus grandes firmes 526,1 Proche-Orient et Afrique du Nord 454,5

Asie du Sud 297,4 Afrique Sub-Saharienne 269,9

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Nigéria

Au-delà des troubles postélectoraux

Les dernières élections au Nigéria ont provoqué plus de 500 morts et, au-delà des violences, cette démocratie est le pays africain le plus peuplé, le premier producteur de pétrole du continent et un de ses foyers artistiques, intellectuels et universitaires les plus féconds. Après les élections législatives du 9 et présidentielle du 16, le Nigéria a élu, le 26 avril, toujours sur fond de violence, les gouverneurs de 24 de ses 36 Etats.

La multiplication des élections violentes et contestées en Afrique devrait peut-être pousser à la réflexion quelques uns de nos « exportateurs de démocratie en kit ». Mais leur conscience et leur capacité d’autocritique semblent difficiles à réveiller…

Le Nigeria est connu aussi, négativement cette fois, pour être un pays où il y a beaucoup de corruption, d’insécurité et de pauvreté. Pourtant, ce pays recèle de nombreuses richesses, pas seulement pétrolières.

Au-delà de l'affrontement chrétien-musulman

A première vue, les affrontements semblent religieux : les partisans musulmans, majoritaires dans le Nord, affrontent les supporters chrétiens, présents essentiellement dans le Sud. Eric Guttschuss, chercheur spécialiste du Nigéria à Human Rights Watch (HRW), précise que la

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situation est beaucoup plus complexe : « La frontière entre politique et religion est très floue.

Quand une personne est ciblée, savoir si c'est à cause de sa religion ou de ses opinions politiques est difficile. La religion est souvent un moyen utilisé pour marquer l'opinion d'un individu, rien de plus. »

Depuis l'élection présidentielle, plus de 500 personnes auraient trouvé la mort lors d'affrontements dans le Nord du pays. La victoire de Goodluck Jonathan, vice-président sortant, chrétien et originaire du Sud, est contestée par le camp de Muhammadu Buhari, son rival musulman du Nord du pays.

Elu avec 57% des suffrages exprimés, le nouveau leader, qui avait pris les rênes du pays après la mort d'Umaru Yar'Adua en 2010, est accusé de fraudes. Human Rights Watch était sur place pendant l'élection. Leslie Haskell, présente à Oyo, dans le Sud-Ouest du pays, affirme que le scrutin a été beaucoup plus transparent que lors des élections précédentes : « Nous n'avons pas vu de fraudes, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas eu. On a assisté à des irrégularités : des enfants qui votaient, des agents électoraux qui ne respectaient pas la procédure à la lettre. Mais avant, il y avait carrément des vols d'urnes ! »

253 ethnies : des milliers de combinaisons politiques

Avec 253 ethnies pour une population estimée à au moins 152 millions d’âmes, le Nigeria présente un visage qui n’est pas sans rappeler celui de le RDC. La situation linguistique aussi n’est pas sans analogie : au Nigéria, on parle le haoussa, le yoruba, l'igbo et le peul parmi d'innombrables autres langues mais la langue officielle est l'anglais. Les deux pays ont en commun non seulement le grand nombre des ethnies, mais aussi leurs différences de taille (il y en a de fort grandes et de toutes petites), l’influence du tribalisme en politique et le fait d’avoir eu à gérer des questions de relations entre « originaires » et « non-originaires ».

Autre point commun : pour l’un et l’autre pays, toute situation concrète locale résulte toujours d’interactions multiples entre ces divers clivages emboîtés. Il convient donc de résister à la tentation de la facilité, qu’elle soit ethnique, religieuse ou linguistique et de la réduction de cette complexité en un simpliste clivage bipolaire, qu’il soit Est-Ouest ou Chrétiens/Musulmans.

Lors de l'indépendance, en 1960, de ce pays en forme de véritable mosaïque ethnique, le gouvernement a voulu s'assurer que les trois ethnies majoritaires n'allaient pas dominer les 250 plus petites. L'Etat fédéral a établi une représentation « autochtone » dans chaque gouvernement local : les ethnies établies historiquement sur le territoire ont obtenu plus de pouvoir que d'autres, installées plus récemment. Cette organisation a eu une conséquence de taille, comme le précise Eric Guttschuss : « Dans les faits, des ethnies ont été privées de certains postes : emplois publics, accès à l'université par exemple. Encore maintenant, pour y accéder, vous devez être munis d'un certificat prouvant votre indigénéité. »

Selon les Etats, des ethnies chrétiennes ou musulmanes ont été marginalisées politiquement et économiquement, ce qui a créé des tensions. Selon Eric Guttschuss, ce sont ces frustrations qui ont rejailli lors de l'élection : les habitants du Nord qui ne sont pas considérés comme autochtones ont été suspectés d'être du Sud, donc chrétiens et par la même occasion de soutenir Goodluck Jonathan. Bien entendu, dans l’autre « camp », le même raisonnement s’appliquait dans l’autre sens !

Les affrontements trouveraient ainsi leurs racines dans une frustration économique et une opposition politique : le Nord a en effet été marginalisé par rapport au Sud, qui dispose de ressources pétrolières abondantes. HRW tient à préciser que les musulmans ont été victimes d'agressions au même titre que les chrétiens.

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Un des principaux pays producteurs de pétrole

Le Nigéria est le premier producteur de pétrole du continent, et le sixième au monde. 1,9 million de barils sortent quotidiennement de ses raffineries. Cet atout reste malheureusement inexploité : la corruption a dissout toute chance de voir cette manne pétrolière être redistribuée à la population nigériane. Eric Guttschuss explique : « Les dirigeants sont extrêmement riches mais la plupart des Nigérians vivent encore dans une pauvreté abjecte. Il n'y a aucune répartition des richesses. »

Avec une telle production de pétrole, les tensions internes ont une influence sensible sur les cours mondiaux. Les tensions qui secouent le Nigéria depuis un mois inquiètent les experts.

La banque allemande Commerzbank a déclaré que la situation représentait un « risque sérieux pour les cours du brut». Et elle sonne l’alerte : « Si le Nigéria devait lui aussi perdre de sa capacité de production, il en résulterait un problème d'approvisionnement en pétrole de haute qualité. »

On remarquera que cette alerte d’origine nigériane est restée confinée dans le milieu des spécialistes en hydrocarbures et a été fort peu médiatisée, au contraire de la répercussion sur les prix de la guerre civile libyenne. Puisqu’on s’efforçait de faire de Kadhafi le Grand Méchant Loup, l’accuser de porter la responsabilité de la hausse des prix pétroliers était une bonne affaire. Mais il se peut aussi que les médias européens aient réagi davantage à la Libye qu’au Nigéria tout simplement parce que ce dernier pays vend surtout au Etats-Unis.

Ce n'est pas la première fois que le contexte politique nigérian aurait des répercussions hors des frontières du pays.

En 2007, lors des précédentes élections, les groupes rebelles du nord avaient obstrué les exportations du pays en attaquant les infrastructures pétrolières. Avant et pendant les élections, le Parti démocratique du peuple (PDP) alors au pouvoir avait voulu maintenir son contrôle sur les revenus issus du pétrole en finançant ces gangs. En attisant la violence et la fraude électorale, le PDP cherchait à se maintenir au pouvoir.

Il est d’autre part notoire que les groupes pétroliers nt leur propre politique, distincte de celle du gouvernement, bien que les deux sphères communiquent et s’interpénètrent. Il n’est pas interdit de penser que la discrétion du Nigéria dans l’affaire des troubles postélectoraux ivoiriens a été liée à des désaccords entre pétroliers et politiques.

Nollywood : troisième producteur de films au monde

Certes, le Nigéria est tristement célèbre pour sa pauvreté endémique, mais il est aussi l'un des principaux producteurs de films au monde. Environs 1 500 films y sont réalisés chaque année.

Ces productions artisanales sont très peu diffusées dans les salles de cinéma. Leur transmission s'effectue majoritairement via DVD au sein des familles.

Nollywood2 est née dans les rues de Lagos grâce au commerce informel des vendeurs de rue à la fin des années quatre-vingt. Il est probable que les vendeurs de supports vhs ont commencé à enregistrer des vidéos amateurs sur les cassettes vierges avec pour but de différencier leurs stocks de la concurrence. On dénombre chaque mois 200 nouvelles créations (au format vidéo), ce qui place la production cinématographique du Nigeria au troisième rang mondial en termes de films produits.

2Le terme « Nollywood » associe le « N » de Nigéria et le « ollywood » de Hollywood suivant le même modèle que l'expression Bollywood , avec « B » pour Bombay désigne le cinéma indien

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Le pays comptant peu de salles de cinéma, les films sont édités pour le marché de la vidéo. Il est quasiment impossible d'estimer le nombre de DVD vendus chaque année dans le pays, en raison du piratage - qui est une pratique extrêmement répandue. Le quotidien Le Monde avançait l'hypothèse qu'un film, sitôt sorti, pouvait être piraté en seulement quelques jours à une dizaine de milliers d'exemplaires. La copie pirate des films pouvant même s'effectuer, si besoin, en Chine.

La vente de ces DVD - originaux ou piratés - est omniprésente à Lagos, la capitale économique du Nigeria. La ville compte de nombreux magasins vidéo et de marchés dédiés à ce commerce. Le plus célèbre d'entre eux, Idumtao Market, est contrôlé par les distributeurs de films eux-mêmes, pour freiner le piratage.

Les maisons de production se sont regroupées dans le quartier de Surelere. Imitant le système des grands studios hollywoodiens, des maisons abritent des bureaux de production, des salles de montage, des entrepôts de matériel - mais pas de plateaux de tournage (le pays n'en compte pas et les films se tournent en décor naturel). Le budget moyen d'un long-métrage est de 12.000 euros et son tournage dure une semaine environ. La grande majorité des films est tournée en vidéo, et non en pellicule (trop chère). La postproduction du film (montage, mixage, étalonnage) a lieu très rapidement après le tournage, pour permettre une sortie rapide.

Les films sont majoritairement tournés en anglais, la langue officielle du Nigéria (il y existe plus de 450 langues). La plupart des films produits véhiculent des thèmes religieux (guérison, miracle, conversion, vie spirituelle, etc.) tentant à la fois de divertir le spectateur et de le convaincre. Certains sont même produits par des églises évangéliques, comme par exemple le Mount Zion Faith Ministries, un des studios les plus connus du pays. Pour contrebalancer cette influence prosélyte, la population musulmane du pays s'est également lancée dans la production de films.

D'autres films produits par Nollywood mettent en scène des histoires d'amours dans un contexte aisé ou de lutte des classes. Comme à Bollywood, la plupart des acteurs/actrices stars ont le teint clair (souvent synonyme de richesse).

Pour la petite histoire, le nom de Igwe qui a été utilisé comme surnom de Jean-Pierre Bemba en 2006 et en fait un surnom honorifique donné à certains chefs nigérians, et c’était celui d’un personnage de feuilleton nigérian alors diffusé à Kinshasa.

Le phénomène Nollywood, qui date des années 70, a été un temps boudé par les universitaires qui ne considéraient pas ces productions comme professionnelles. Mais face aux améliorations techniques des caméras, leur nombre et leur diffusion se sont accrus. Depuis quinze ans, Nollywood connaît un véritable essor.

Comme le souligne Françoise Ugochukwu, professeure de littérature comparée, auteure et spécialiste du géant africain, la notoriété du cinéma nigérian a traversé depuis longtemps les frontières du pays : « Les vidéos ont envahi le Ghana, pays limitrophe, mais ce n'est pas tout : cette production a servi de modèle à toute l'Afrique de l'Est. Nollywood a influencé l'industrie cinématographique en Tanzanie, Zambie ou encore en Afrique du Sud. »

La diaspora nigériane peut sans problème retrouver ces films à l'étranger. D'après Françoise Ugochukwu, il existe à Londres pas moins de 800 magasins qui en proposent. Une chaîne satellitaire en a même fait sa spécialité. Les dernières réalisations sont également disponibles sur Internet.

Une littérature aussi riche que méconnue

Sans doute à cause du barrage linguistique, la littérature nigériane a pendant longtemps été peu diffusée en France. Ancienne colonie britannique, le Nigéria publie en effet l'essentiel de ses œuvres en anglais. Françoise Ugochukwu retrace son émergence : « Les missionnaires arrivés à la fin du XIXe siècle ont soutenu la publication de littérature en langue locale.

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Lorsque les Britanniques ont colonisé le pays au début du XXe, ils ont encouragé la littérature anglophone. »

Des circulaires ont donné l'ordre d'enseigner en anglais, afin de former des cadres intermédiaires. Les Igbos et les Yorubas, deux groupes du Nigéria, ont largement profité de cet enseignement. Françoise Ugochukwu précise : « Jusque dans les années 70, beaucoup de Nigérians n'avaient jamais étudié dans leur langue natale ! »

La littérature est très inspirée de la vie des régions dont les auteurs sont originaires. Un aspect

« reportage et engagé » commun aux œuvres nigérianes, dixit Françoise Ugochukwu, qui a sans doute séduit le prix Nobel de littérature.

En 1986, le Nigérian Wole Soyinka est en effet le premier auteur africain et noir à décrocher le célèbre prix suédois. L'obtention de cette récompense a stimulé la traduction des livres de cet auteur en anglais et aussi en français.

Wole Soyinka n'est pourtant pas le seul auteur nigérian à être mondialement reconnu. Chinua Achebe est le premier écrivain à avoir romancé son pays en anglais. Avec Le Monde s'effondre, il a projeté la culture igbo sur la scène internationale. Plus facile d'accès, il est très apprécié au Nigéria et a influencé d'autres auteurs, parmi lesquels Chimamanda Ngozi Adichie, célèbre pour L'Hibiscus pourpre, ouvrage sur l'adolescence.

Une formation universitaire motrice et prestigieuse

L’aspect de reportage et d’engagement de la littérature et le prestige de la formation universitaire peuvent peut-être s’expliquer en partie par le fait que Benjamin Nnamdi Azikiwe3, père de l’indépendance nigériane, fut un journaliste et nationaliste unitaire de renom en Afrique de l'Ouest dans les années 30. Il colora de sa personaité certaines pages de l’histoire de son pays et, indirectement, de toute l’Afrique car il influença le jeune Kwame Nkrumah, alors à la recherche d'une formation qui lui permette d'échapper au modèle colonisateur/colonisé, loin de la Gold Coast colonisée, mais aussi loin de l'Angleterre colonisatrice. Son départ pour les Etats-Unis, principalement à l'université Lincoln, traduit la volonté de l'étudiant Nkrumah de prendre part à un courant d'idées capable de lui apporter de

3Benjamin Nnamdi Azikiwe, (1904 –1996) d'origine Ibo (ethnie qui domine l'Est du Nigeria), né à Lagos, arrive aux États-Unis en 1925. Il étudie ensuite à l’Université Lincoln en Pennsylvanie, où il obtient en 1929 un doctorat d'anthropologie. Il retourne en Afrique en 1935. Tout d'abord rédacteur dans un journal d'Accra en Gold Coast, il revient en 1937 au Nigeria où il fonde une chaine de journaux dont le West African Pilot, très lu dans toute l'Afrique de l'Ouest.

En 1943, il lance sa première offensive pour l'indépendance du Nigeria et participe en 1944 à la fondation du National Council of Nigeria and Cameroon (NCNC devenu National Council of Nigerian Citizens) dont il devient le président. En 1947, il est membre du Conseil Législatif du Nigeria et entre en 1951 à l'assemblée de la

"Nigeria Occidentale" qu'il dirige comme Premier Ministre l'année suivante. Il y déploie une activité intense (éducation, développement industriel, suffrage universel) non sans louvoyer entre les Britanniques et ses partisans, ni se perdre dans des affaires commerciales obscures, por ne pas dire glauques (affaire de l'African Continental Bank).

En 1953, il est le leader incontesté de l’est du pays, puis, peu de temps après l’indépendance en 1960, devient gouverneur général et enfin président lors de la proclamation de la république en 1963, avec Abubakar Tafawa Balewa pour premier ministre. Il est renversé, avec le reste du gouvernement civil, pendant un voyage à l'étranger, lors du coup d’État militaire du 15 janvier 1966 mené par le général Ironsi.

Au cours de la guerre du Biafra (1967 – 1970), Azikiwe fut le porte-parole de la république sécessionniste et le conseiller de son président, Ojukwu. Il proposera en 1969 un plan de paix en 14 points que les 2 parties rejetteront.

Après la guerre, il devint chancelier de l’Université de Lagos, de 1972 à 1976. Il fonda le Parti populaire du Nigeria en 1979 mais échoue, la même année, à l’élection présidentielle, battu parshehu Shagari. Il se représente en 1983, sans succès, avant de quitter la politique en 1986. Il meurt en 1996. Son portrait figure sur les billets de 500 naira.

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nouvelles perspectives, et Azikiwe y joua certainement un rôle4. Donc « c'est dans la perspective de réussite de son aîné nigérian que Nkrumah veut, à son tour, suivre les cours de l'université Lincoln. »5

Avec une centaine d'universités, le Nigéria est un pays attractif pour les étudiants des pays limitrophes. En plus des universités fédérales et étatiques, beaucoup d'établissements privés ont été fondés par des Eglises ou des grandes compagnies. Majoritairement anglophones, elles sont convoitées par les étudiants des pays alentour, pour la plupart francophones. Mais ce n'est pas la seule raison : à l'échelle régionale, les universités nigérianes ont été pendant longtemps symbole de prestige.

Françoise Ugochukwu, ancienne professeure de littérature à l'université de Nsukka, se souvient :« La fac avait un grand prestige car le niveau d'études était très élevé, beaucoup d'universitaires publiaient à l'étranger, beaucoup de Camerounais voulaient par exemple obtenir un diplôme. »

Cette renommée tend cependant à décliner. Face à la crise économique qui n'en finit pas, les universités ont de moins en moins de moyens matériels. La fuite des cerveaux a pris le dessus.

La langue officielle du Nigeria est l’anglais. Mais tous les pays limitrophes sont francophones (sauf le Cameroun bilingue) et dans l’organisation régionale CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest), les pays anglophones sont très minoritaires. De ce fait, l'apprentissage du français est de plus en plus encouragé par le gouvernement afin de faciliter la communication avec les pays voisins, francophones. Le Nigeria fait du français sa deuxième langue d’enseignement depuis deux ans et serait en train d’effectuer les démarches nécessaires pour rejoindre l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Tournage à « Nollywood »

4 Certains auteurs prétendent que Nkrumah est venu à Lincoln sur la recommandation d'Azikiwe. Nous retenons un passage du livre de Lasiné Kaba : «Le jeune Nkrumah était heureux de recevoir au moment de son départ pour les Etats-Unis ce télégramme d'Azikiwé : « Au revoir. N'oublie pas de faire confiance à Dieu et à toi- même.» Lansiné Kaba, op. cit., p. 15. Nkrumah ne fait pas allusion à cette intervention dans son autobiographie, mais lorsqu'il parle de son désir d'intégrer également l'école de journalisme de l'université de Columbia, on comprend que le parcours et la réussite universitaire d'Azikiwé en Amérique ont fortement influencé le jeune homme venu de Gold Coast.

5 Laronce Cécile, Nkrumah, le panafricanisme et les Etats-Unis, Paris, Editions Karthala, 2000p. 28

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RDC

Suite du feuilleton électoral

Le texte qui suit est repris au site Congo Virtuel6 Après la publication du calendrier électoral,

PLUS RIEN N’ARRETE L’ORGANISATION DES ELECTIONS EN 2011.

Ce 30 avril 2011 est une date historique dans l’histoire de la RDC. La commission Nationale vient de publier le nouveau calendrier électoral tant attendu par les acteurs politiques et autres observateurs de la vie politique de la RDC. Les dates de l’élection présidentielle sujette à de diverses supputations et de la députation nationale sont désormais connues.

Le 28 novembre 2011, les congolais seront appelés aux urnes pour se choisir leur président de la République. C’est la grande nouvelle qu’attendait la communauté tant nationale qu’internationale. A la même occasion, ils devront se choisir de nouveaux députés nationaux.

Les élections seront donc organisées dans le délai constitutionnel, contrairement à ce que déclaraient certains politiciens pyromanes.

Avant cette date ultime, la Convocation de l’électorat et l’inscription des candidats à l’élection présidentielle commencera le 04 aout 2011, soit 90 jours avant la fin du mandat du président en exercice. La publication de la liste provisoire des candidats sélectionnés se fera le 07 décembre 2011. La campagne électorale pour l’élection présidentielle et la députation nationale se déroulera du 28 octobre au 26 novembre. Plus rien ne semble arrêter le train du processus électoral.

Le 28 novembre, la CENI appelle tous les congolais à l’âge de voter d’aller aux urnes pour choisir celui qui présidera aux destins du pays et ceux qui devront constituer la représentation

6 http://www.congovirtuel.net/index.php?option=com_content&view=article&id=179:apres-la-publication-du- calendrier-electoral-plus-rien-narrete-lorganisation-des-elections-en-2011&catid=1:latest-news

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nationale. Et le 06 décembre 2011, le nom du président élu sera connu. Devant l’impérieuse obligation de respecter le délai des jours de recours et de traitements de contentieux, le nouveau président élu prêtera serment le 20 décembre 2011.

La constitution est donc respectée et donc l’heure est à la préparation. Tous ceux qui pariaient sur les élections en dehors du délai constitutionnel, pour tenter une négociation, doivent revoir leurs discours. Ce calendrier a été élaboré sur base d’un consensus et de la contribution des experts tant nationaux qu’internationaux. Il est réaliste et prouve l’indépendance et la neutralité de la CENI.

Le 30 avril est peut-être devenu une date symbole dans le processus électoral en RDC. En fait, Il y a exactement 5 ans, le dimanche 30 avril 2006, l’ex-président de la CEI, l’abbé Apollinaire Malumalu Muholongu, annonçait la date de la tenue du 1er tour de la présidentielle et des législatives RD-congolaises prévues cette année-là. Pour les scrutins programmés en 2011, la CENI a choisi, elle aussi, le 30 avril.

Le calendrier

(d’après AFP et Belga)

L'élection présidentielle à tour unique en République démocratique du Congo a été fixée au 28 novembre, au terme du premier quinquennat du chef de l'Etat Joseph Kabila.

L'élection du président de la République sera couplée avec "celle des députés nationaux le 28 novembre", a déclaré le président de la Ceni, Daniel Ngoy Mulunda, lors d'une cérémonie.

Il s'agit de la deuxième date rendue publique pour ce scrutin, après celle du 27 novembre annoncée en août 2010 par l'ancienne CEI.

Le nouveau président prêtera serment le 20 décembre, deux semaines après la fin constitutionnelle du mandat de M. Kabila, probable candidat à sa propre succession.

Suivront ensuite, jusqu'à l'été 2012, l'élection des députés provinciaux le 25 mars, des sénateurs le 13 juin, puis celle des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces le 21 juillet par les assemblées provinciales, selon le calendrier publié par la Ceni.

Les conseillers municipaux, les conseillers des secteurs et des chefferies seront élus le 5 février 2013, suivi le 1er mai de l'élection des chefs de secteurs, des bourgmestres et conseillers urbains.

Ce long processus électoral s'achèvera le 24 mai 2013 avec l'élection des maires et leurs adjoints.

De l’art d’interpréter les textes

Lorsque l’abbé Malumalu a été remplacé par le pasteur Ngoy Mulunda, on ne savait pas encore que la chose démontrerait que les Protestants peuvent être plus jésuites que les Catholiques.

On a déjà eu largement l’occasion de remarquer que les polémiques congolaises sur les élections ont pour caractéristique de confondre discussion sur les élections et discussions sur le seul calendrier électoral et discussion sur ce calendrier avec la seule discussion des dates d’élection et d’entrée en fonction du nouveau Président.

Il est d’ores et déjà certain que l’on va pousser des cris d’orfraie à propos d’une violation de la Constitution. Or, il n’y en a pas… à condition d’être suffisamment Byzantin dans l’interprétation des textes.

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La Constitution de la RDC dit en son Article 73 : « Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission nationale des élections, quatre vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du président en exercice. »

L’interprétation sur laquelle se basent la plupart des commentaires est que cet article veut dire

« le nouveau président est élu au plus tard 90 jours avant la fin du mandat de l’ancien », chose qui eût été mieux exprimée par « Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission nationale des élections, et se tient au plus tard quatre vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du président en exercice. »

Dans la rédaction qui a été retenue par les Constituants, il est possible d’interpréter le verbe

« convoquer » au sens restreint de « appeler » et le délai se trouve respecté, puisque la CENI se propose de convoquer en août (donc « avant la date ») les électeurs à voter… en novembre.

Qu’en est-il du « vide juridique » agité par l’Opposition, notamment par Tshisekedi, si la passation de pouvoir n’a pas lieu le 6 décembre ?

Il est à remarquer que pour parler de chaos, de vide institutionnel ou de néant juridique, il faut supposer que la Présidence de la République est tellement essentielle qu’un état serait inexistant sans Président.

Or, la Constitution de la RDC dit en son Article 70 : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu. »

La thèse du « vide » repose sur la première phrase de cet article et néglige la seconde. Elle confond également l’astronomie avec le droit et la politique. Comme il ne s’agit pas de mesurer les mouvements des astres, mais de gérer une société humaine, « cinq ans » ne doit pas forcément s’interpréter comme allant, à la seconde près, du 6 décembre 2006 au 6 décembre 2011. La preuve, c’est que les Constituants ont cru nécessaire préciser que le Président sortant « reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu. » On ne prévoit pas un intérim si l’on ne prévoit pas le « vide » qu’il devra remplir ! Force est donc d’admettre que la Constitution a bien admis un possible « battement » qui, en l’occurrence, ne serait d’ailleurs que de quatorze jours.

Le jasmin peut-il fleurir au Congo ?

Faut-il dès lors ranger la possibilité d’une réaction populaire à la date du 6 décembre au rang des utopies ? Et faut-il, dès lors, considérer Tshisekedi et son entourage comme une bande de lunatiques ?

L’histoire de l’UDPS et de son leader comporte une longue suite de « rendez-vous manqués ».

En 1992, la pression de la « marche (réprimée dans le sang) des Chrétiens » n’a pas suffi à lui assurer la Primature. En 1997, il a préféré la poursuite de son parcours personnel au ralliement à LD Kabila. Lors de la Transition, il a préféré ne pas prendre part à des élections qu’il aurait pu gagner. Et ce parcours est jalonné de « dates fétiches ». Avant le 6 décembre 2011, il y a eu le 30 juin 2005, censé lui aussi être une sorte de « fin du monde ».

Le raisonnement implicite contenu dans son discours du 24 avril se réfère à la « révolution du Jasmin » en Tunisie. Or, le renversement de Ben Ali par la rue n’a aucunement été lié à une

« date fétiche » inscrite à l’avance au calendrier. Il s’est agi d’un profond malaise social dû à une misère sans exutoire… sauf la mort, ce qui a été manifesté « au naturel » par le suicide de Mohammed Bouazizi. Les gens descendent parfois dans la rue à la suite d’une mort qui les touche, pas à cause d’un point de droit constitutionnel.

Il n’est nul besoin de se livrer à de longues démonstrations pour affirmer que le sort matériel, donc le malaise social de la masse des Congolais est au moins aussi profondément

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malheureux et aussi désespéré que celui des Tunisiens et des Egyptiens. Il est même probablement pire. La présence des tonneaux de poudre ne fait donc aucun doute. La question qui reste pendante est de savoir si la date du 6 décembre serait un « détonateur » suffisant pour y mettre le feu.

La réponse est négative, si l’on se place dans l’hypothèse où le dépassement de cette date ne serait qu’un point de droit. Elle pourrait être différente si la date avait un autre sens.

La politique congolaise est, comme partout en Afrique, très « personnalisée ». Et cette personnalisation est renforcée et intensifiée par la propagande électorale, d’autant plus que, l’élection-phare étant la présidentielle, la propagande y est, très naturellement, faite pour des individus. Le camp joséphiste a démarré sa propagande très tôt et matraque les gens, depuis près d’un an avec des discours sur le thème « Tout ce qui va bien, c’est grâce à JKK ! ». Cette propagande a son revers, c’est qu’à force d’entendre attribuer tout le bien au Président, on se persuade surtout de ce qu’il est responsable de tout ce qui va mal. Et « ce qui va mal » l’emporte largement sur ce qui va bien. Ce sont la misère, la précarité, la vie chère, l’insécurité, l’impunité qui sont étiquetée « Kabila ». Ce qui ne peut mener qu’à l’idée que le départ de Kaila permettrait aux choses d’aller mieux. Ou, en d’autres termes, que si, le 6 décembre, Kabila « remet ça » pour cinq ans, la misère, la précarité, la vie chère, l’insécurité, l’impunité vont aussi rempiler pour cinq ans. Et que cela puisse « mettre le feu aux poudres » n’est pas forcément une hypothèse vaine.

Le problème, c’est que les « Révolutions du Jasmin » avaient un second élément. En plus de la mobilisation populaire, qui pourrait très bien se produire aussi au Congo, il y avait la complicité plus ou moins active de l’armée et de la police. A ce jour, on n’a aucune raison de supposer que les militaires et policiers congolais feraient de même. (Entendons par là qu’ils le feraient dans leur ensemble).

Il y a même des signaux en sens contraire. Pourquoi s’acharne-t-on, au-delà des limites de la vraisemblance, à poursuivre le général Munene ? Pourquoi protège-t-on, au-delà des limites de la vraisemblance, dans l’affaire Chebeya, le général Numbi ? Pourquoi sinon par ce que le premier se rattache à la tradition de Mulele et de Laurent Kabila, c’est-à-dire à la résistance et au pouvoir populaire, le second à celle de la répression, des œuvres de basse police et de l’ingérence rwandaise.

Si l’élément militaire faisait défaut, on n’aurait pas une copie, adaptée à l’Afrique centrale, de Tunis ou du Caire, mais un équivalent de la Libye. Or, dans le cas de ce dernier pays, il n’a fait de doute pour personne que Kadhafi n’aurait aucunement l’intention de quitter le pouvoir et qu’il se défendrait avec bec et ongles. Il aurait même probablement déjà gagné si désormais la guerre ne l’opposait bien davantage à l’OTAN qu’à un soulèvement populaire. A ce que nous en savons, il n’y a aucune raison de supposer que l’Opposition congolaise puisse compter sur un appui extérieur de ce genre. Cela déboucherait donc sur tant de morts qu’il faudrait parler de chrysanthèmes bien plus que de jasmin…

Le Fonds du Problème

Si l’on garde le nez sur les péripéties et anecdotes de cette « saga du calendrier », on peut avoir l’impression qu’il s’agit d’un numéro de cirque, où chacun s’ingénie à inventer des

« entrées de clowns » plus désopilantes les unes que les autres.

Il est toujours permis de rire. Mais à condition que ce rire ne fasse pas oublier les choses séreuses. Car il y a derrière tous ces tiraillements concernant la manière d’organiser les élections des enjeux sérieux et même, compte tenu de la misère, de la précarité, de la vie chère, de l’insécurité, de l’impunité, mortellement sérieux.

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Derrière toutes choses qui regardent apparemment la technique électorale, il y a, sous-jacente, la question qe se posent, avec une acuité et une anxiété égales, tous les acteurs présents sur le théâtre politique congolais. Comment, étant donnée la situation, peuvent-ils trouver une formule qui permette, cette situation une fois traduite en votes, d’en tirer le résultat le plus favorable pour eux.

La situation à laquelle je fais allusion, c’est celle dont il a déjà été fait mention plus haut, au sujet de l’hypothèse d’une « révolte à la tunisienne », c'est-à-dire le moment où la lassitude devant la misère, l’insécurité, l’impunité la précarité, la vie chère, se change en ras-le-bol, en colère, voire en haine. Il va sans dire que, si cela peut parfois amener les gens à prendre des risques en descendant dans la rue, cela peut aussi les mener, et bien plus facilement, à exprimer un vote, ce qui représente un risque beaucoup moindre.

Je dis bien « moindre » et non « nul ». Certains observateurs, en voyant le Pouvoir congolais démarrer sa « pas campagne électorale, mais… » un an et demi avant le scrutin, se sont étonnés de ce qui leur semblait être un démarrage prématuré. Ils oubliaient de tenir compte de cet élément typiquement africain qu’est le « vote de précaution ». Répéter jour après jour des slogans, éventuellement déguisés en « informations » qui reviennent à dire « Joseph sera réélu » revient à dire aux électeurs « si vous ne votiez pas Joseph, vous pourriez être sanctionnés ». En Europe, nous n’imaginons pas qu’une localité puisse être privée d’eau, d’électricité ou de soins médicaux pour avoir « mal » voté. En Afrique c’est possible et c’est d’ailleurs monnaie courante. On peut toujours trouver des « raisons techniques » pour décréter qu’un village sera le dernier servi… D’où la nécessité d’ancrer dans la tête du bon peuple que le meilleur moyen de ne pas avoir d’ennuis, c’est de voter pour l’élu probable. Le « vote de précaution » transforme le vote en une sorte de loterie. On « parie » sur un candidat dans l’espoir qu’on n’aura donc rien à redouter de lui et peut-être même qu’on en recevra une récompense quelconque.

Toutes les supputations que l’on peut faire sur l’évolution de l’électorat congolais par rapport à 2006 mènent à penser que la popularité de JKK a baissé très notablement. Or, il n’avait remporté le second tour contre JP Bemba qu’avec 54 % des voix. Quel que soit le bruit que font, du côté présidentiel, les vuvuzelas de la renommée, on est bien forcé de constater que, arithmétiquement, un peu moins de 54 peut vouloir dire 49, donc la défaite.

Il en résulte, du côté de la Majorité, une recherche forcenée de toutes les techniques existantes en matière d’interprétation des résultats électoraux, pour transformer une défaite en victoire.

En ce qui concerne l’élection présidentielle, le « truc » est de ramener l’élection à un tour. La majorité n’est donc plus nécessaire, il suffit d’avoir, parmi les voix exprimées, la minorité la plus importante7.

On s’est en effet aperçu que JKK serait désavantagé par toute situation qui permettrait à l’effet «Tout Sauf Kabila » de jouer et transformerait l’élection présidentielle en un référendum de fait sur le Président actuel. L’effet mécanique de l’élection à deux tours était en effet de dispenser l’opposition de la tâche difficile de surmonter ses divisions (c'est-à-dire, en grande partie, de surmonter les « ego » surdimensionnés de ses présidents). Cet effet était même plus efficace que la mythique « candidature unique » car, pour arriver à un duel (JKK contre un seul candidat d’Opposition) en un seul tour il faudrait non seulement arriver à unifier l’opposition actuelle, mais aussi qu’il n’y ait pas de « faux opposants » ou

7 On invoque souvent le fait qu’il y a d’autres pays qui élisent leur Président à la majorité simple. On n’a garde de dire que ces Présidents ont parfois un rôle purement décoratif, qu’il peut y avoir des élections primaires, comme aux USA, qui sont en pratique un premier tour, et que la « majorité simple » est souvent assortie d’autres conditions, par exemple, avoir la majorité dans un certain nombre d’états (Nigeria) ou avoir la majorité simple + un vote favorable a Parlement (ce fut le cas de l’élection d’Allende au Chili).

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d’opportunistes pour être candidats uniquement dans le but de faire baisser le score de l’opposant « réel ».

En ce qui concerne les élections législatives, on reste dans une certaine expectative puisque cela dépend pour partie de dispositions de la loi électorale qui doivent encore être discutées et votées au Parlement. Les législatives sont beaucoup moins simples que les présidentielles où il n’y a qu’à compter les voix, tout le pays n’étant qu’une seule circonscription et les candidatures étant toujours individuelles. Pour les législatives et les provinciales, on a au contraire affaire à des scrutins de liste par circonscription et entre un résultat en voix et sa traduction en sièges, des calculs prennent nécessairement place, qui peuvent avoir un effet déformant. Comme la RDC a employé en 2006 la proportionnelle, qui est le système le meilleur que l’on puisse utiliser si l’on se propose de faire des assemblée le reflet le plus fidèle possible des votes émis, toute modification aura pour effet de diminuer cette qualité, et à accorder des « primes » aux partis les plus forts… y compris à l’opposition là où elle est en position de force. Mais ici, encore une fois, le « vote de précaution » peut jouer en faveur de l’actuelle Majorité.

Retour au calendrier

Sur un point, on est un peu étonné, c’est de voir la CENI, après que Ngoy Mulunda ait fait de grands effets d’annonce à propos du « respect des délais constitutionnels », annoncer un calendrier électoral qui ne diffère finalement guère de celui de la CEI.

Le curé et le pasteur se trouvaient placés devant une même donnée incontournable : la révision du fichier électoral. De toutes les conditions nécessaires pour la tenue des élections, c’est la seule qui soit incompressible, puisqu’elle tient à l’étendue même du pays, aux difficultés énormes des communications, à l’insécurité dans certaines régions…C’est aussi l’une de celles qui requiert le plus de moyens matériels.

Ngoy Mulunda s’en rend parfaitement compte. Dès son entrée en fonction, il a insisté sur sa volonté de respecter les délais constitutionnels mais aussi sur le fait que, pour cela, il lui fallait obtenir les moyens nécessaires. Disons le sans pudeur : « des moyens », à part des expédients comme d’aller emprunter des kits électoraux au Togo, cela veut dire « de l’argent ».

Or, la situation du pasteur est bien moins favorable que celle du curé, il y a quelques années.

Lors de la Transition, il y avait eu un certain enthousiasme international, lié à l’impression d’aider à la renaissance d’un pays et d’une démocratie, pour aider le Congo. Aujourd’hui, le sentiment qui prédomine, depuis la révision constitutionnelle, est que La RDC demande des moyens pour organiser des élections dont les résultats est connu d’avance. Il faut bien reconnaître que c’est moins exaltant et que cela n’attire pas les bailleurs de fonds.

Avec les mêmes moyens que la CEI, la CENI arrive à un calendrier qui ressemble fort au sien.

Il semblerait qu’on ait assisté, au sein de la CENI, à une certaine redistribution des rôles.

Ngoy Mulunda a commencé par se mettre très en avant en faisant de multiples déclarations.

Puis il a manifestement fait un pas en arrière et laissé les autres membres, en particulier le vice-président Jacques Ndjoli, se placer sous les projecteurs.

Il peut n’y avoir là que le désir de ne pas renouveler les erreurs des autres. L’abbé Malumalu s’était fortement mis en vedette jusqu’à devenir un peu « Monsieur Elections » ou « Monsieur CEI ». Si bien que, pour finir, tout le monde n’aspirait plus qu’au départ de Malumalu parce que, à force de ne voir que lui, on le rendait responsable de tous les dysfonctionnements de la CEI. On comprend que ce rôle de « Tête de Turc » ne paraisse guère attirant.

A côté de cette première explication purement individuelle, une autre se base sur la composition de la CENI, qui, au contraire de la CEI, est purement politique. Ngoy Mulunda

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(PPRD) est issu de la Majorité, tandis que Jacques Ndjoli (MLC) vient de l’Opposition.

Lorsque le Pasteur, en se rendant au Togo pour emprunter des kits électoraux, a été aussi chargé d’un message de Kabila pour le président togolais, il y a eu de sévères critiques contre ce rôle de « porte parole présidentiel» joué par le président d’une commission

« indépendante ». Il est donc envisageable aussi que Ngoy Mulunda ait préféré laissé Ndjoli, l’opposant, se mouiller dans l’annonce du calendrier, trop proche de clui de Malumalu pour susciter un grand enthousiasme.

Questions oubliées

Le débat autour des élections congolaises est d’autre part consternant par l’absence d’attention donnée à des choses importantes.

De façon non exhaustive, citons :

- La poursuite des bricolages à l’aide du procédé RAPTA, donc de l’élaboration de listes d’électeurs à la fiabilité douteuse. A court terme, cela risque d’aggraver des tensions postélectorales très probables. JKK s’est donné une possibilité de l’emporter sans avoir à conquérir la majorité des voix, ce qui l’affaiblira de toute façon en faisant de lui le « président de la minorité des Congolais ». Mais que se passera-t-il si, de plus, sa victoire est courte, c'est- à-dire s’il gagne avec 20 % contre un deuxième compétiteur qui en a fait 18 ? Dans une élection où tous les congolais votent, il sera impossible à la CENI de prétendre que ces 2% ne se composaient pas de « faux électeurs », le RAPTA étant un « filtrage » beaucoup trop perméable.

- Ce même bricolage montre que personne, donc, ne se soucie de profiter de cette opportunité pour mettre en place un système permanent de mise à jour de ces listes et de recensement de la population, instrument très utile et même indispensable à la gestion du pays, en dehors des questions électorales.

- L’absence de toute attention pour la problématique du genre. C’est d’autant plus étonnant que les Congolais sont en général assez déçus par leur personnel politique. Ne se rend-t-on pas comte qu’une manière simple de le renouveler et d’y amener de l’air frais serait d’élire plus de femmes, celles-ci ayant été jusqu’ici trop peu nombreuses pour jouer un rôle décisif dans les débats.

- L’absence de réaction suffisamment forte aux dangers potentiels contenus dans les modifications de la loi électorale si on s’écarte de la proportionnelle.

L’opposition congolaise, les élections et les questions d’actualité

Par J.-P. Mbelu

L’écoute de certains discours des partis politiques congolais de l’opposition provoque de l’inquiétude. Ces discours souvent cohérents, suffisamment mobilisateurs et beaux présentent des limites du point de vue de l’analyse du système contre lequel cette « opposition »est censée se battre. En écoutant ses discours, il devient difficile de dire si elle prône l’alternance dans le même système (critiqué) ou l’alternative à ce système. Surtout au cours de cette année qui se veut électorale.

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Quelques partis politiques congolais (dits) de l’opposition ont choisi d’aller aux élections au cours de cette année 2011. Pour eux, les élections au suffrage universel constituent la voie légale et légitime pour assurer une alternative crédible au système mis en place au Congo depuis plus de trois décennies. Lequel de ce système l’aurait été perverti davantage par « les libérateurs de 1996 » et leurs alliés.

Sans nier les efforts que ces partis politiques déploient pour sortir le pays du bourbier, certains de leurs discours inquiètent ; ils donnent à penser. Au lieu de l’alternative, ils donnent l’impression de travailler à l’alternance au sein d’un système dont « les maîtres » et « les faiseurs des rois » seraient toujours les mêmes. Prenons un exemple. Comment expliquer le fait qu’un « parti politique congolais de l’opposition », organisant sa tournée en Europe, recoure aux textes (« discours des bonnes intentions ») d’un président d’un pays qui, depuis 1996 jusqu’à ce jour, mène une guerre de basse intensité contre Congo de Lumumba ? Ce parti a fait comme s’il n’a pas encore saisi comment fonctionne le système auquel il voudrait assurer l’alternative. (Il est fondé sur une rhétorique mensongère, sur des doctrines des bonnes intentions que les guerres entretenues à travers le monde trahissent !)

De ce point de vue, il ne semble pas que nos partis politiques dits de l’opposition soient très avancés. Dans l’imaginaire de la plupart d’entre eux, c’est le Nord qui donne le pouvoir au Sud. Or, le système auquel ils veulent assurer l’alternative est entretenu par le Nord et ses quelques marionnettes du Sud ! La crise économique provoqué par le Nord et qui est fondamentalement une crise systémique est en train de conforter les néolibéraux et les néocolons dans leur entreprise de fabrication des marionnettes au Sud ; quitte à opposer « les nègres de service » d’hier à ceux d’aujourd’hui et de demain !

A ce niveau de notre lecture d’un certain discours de « l’opposition congolaise », nous ne voyons pas poindre à l’horizon, l’espoir d’un projet de refondation d’un véritable Etat souverain chez nous. Quand a-t-elle par exemple pris position dans les tragédies que l’Afrique est en train de connaître ? Dans la guerre en Libye ? En Côte d’Ivoire ? C’est comme si cette opposition en tant que corps n’arrivait pas à se situer face aux grandes questions de l’heure engageant l’avenir de l’Afrique et du monde !

Au pays, aller aux élections semble constituer un objectif en soi. Tout en louant le courage que « cette opposition » a ramassé pour s’exprimer sur le probable calendrier de la CENI , l’insécurité généralisée, la confiscation de l’espace public par « la majorité au pouvoir », elle a de la peine à s’attaquer efficacement aux véritables questions d’actualité : l’afflux massif des retournés du Rwanda à l’est, les confidences de Manda Sharif (interpellé par la CPI ), la privatisation des entreprises publiques, le récent voyage de Daniel Ngoy Mulunda au Togo, la carte d’identité congolaise, l’enrôlement de la diaspora, le contrôle des kits électoraux, etc.

Et si nous ajoutons à ces questions d’actualité le fait que « l’opposition congolaise » n’a pas pu obtenir que les élections locales se tiennent dans les délais constitutionnels, que ces élections soient précédées du recensement des Congolais(es), nous n’arrivons pas à comprendre son obsession pour elles. C’est comme si pour « l’opposition congolaise », les élections produiront des fruits escomptés pour l’alternative quelles que soient les conditions dans lesquelles elles pourront être organisées. Là, nous tombons purement et simplement dans une fétichisation inutile de ces scrutins !

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La négligence affichée par « l’opposition congolaise » face aux questions d’actualité d’hier et d’aujourd’hui est un signe à interpréter : ou elle a peur, ou elle est tétanisée par la pesanteur du système qu’elle critique ou elle a encore du travail à faire sur elle-même ; des engagements à prendre avec toutes les autres forces de changement congolaises pour une fabrication concertée de l’alternative.

Dans ce cas, elle doit défaire le piège de du repli sur elle-même et de « la bipolarisation » pour un travail en synergie avec toutes les forces progressistes congolaises et africaines prônant la rupture avec le marionnettisme. Le plus grand défi qu’elle a à relever est celui de l’échange permanent avec nos populations (à la base) afin qu’elles aussi comprennent et sentent la nécessité de l’alternative. Là, le véritable go sera donné.

Je suis perdu, moi l’homme noir !

par Berry Muekatone

Moi qui me forçait à croire en la liberté de l’homme noir, à ma liberté, à la fin du colonialisme, à l’émancipation, etc.… Me revoilà rappeler à la triste réalité de mon sort avec les évènements de la Côte-D’Ivoire. Hier encore je souriais des tripatouilles au Gabon, du Burkina, du Togo et des dictateurs africains …

Fils et petit fils du colonisé mais arrière, arrière petit-aïeul de l’homme libre, de l’homme premier africain, de l’homme noir. Nous sommes condamnés à entretenir l’espoir de la liberté, la vraie liberté de l’homme noir. Si nos aïeux ont brisé les chaînes qui entravaient leurs corps, si nos parents et grands-parents ont eu l’illusion des indépendances, nous avons toujours des chaînes dans nos têtes et c’est un combat beaucoup plus difficile, mais l’espoir est là, l’homme noir n’est pas sur la terre pour servir de faire valoir et d’esclave aux autres.

Que nos dirigeants puissent se lever pendant qu’il est encore temps, il n’est pas trop tard, réagissons. Ils ne sont pas plus intelligents que nous, nous pouvons y arriver. Les Asiatiques l’ont fait, pourquoi pas nous. Nous avons les mêmes capacités et aujourd’hui les mêmes compétences qu’eux, utilisons-les !

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Le néocolonianisme est une réalité d’hier et d’aujourd’hui. Ils nous faut combien d’années et combien de morts pour réagir et ainsi s’apercevoir de la triste réalité du mépris des autres envers l’homme noir. La démocratie est un luxe pour les Africains comme disait l’autre voleur de la république. Ne lui donnons pas raison, transcendons--nous, inventons d’autres mécanismes pour un système politique innovant et cohérent pour nos pays. Toutes les guerres en Afrique post indépendances sont l’œuvre des occidentaux, ils n’ont jamais voulu ni accepter que l’homme noir prenne son destin et sa destiné en mains. Ils ont inventé le néocolonialisme, l’esclavage moderne, mais ils n’ont pas changé leurs méthodes, toujours un CAPITA pour diriger à leur place, tuer à leur place, emprisonner, torturer, etc.… Pendant ce temps, ils se servent allégrement comme au bon vieux temps de l’esclavage, rien n’a changé… La pauvreté, la misère, l’humiliation, les génocides, c’est pour l’homme noir.

Je suis noir, mais pas spécialement fier aujourd’hui où l’humiliation, l’opprobre est en moi.

L’homme noir, pourquoi m’a-tu abandonné ! J’ai honte et je suis en colère contre toi, l’homme noir ! Aidez-moi, aidons-nous ! Au secours ! Je suis perdu, moi l’homme noir !

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