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Année 2012, n° 9 Numéro spécial : Elections françaises

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le lundi 7 mai 2012lundi 7 mai 2012lundi 7 mai 2012lundi 7 mai 2012

Année 2012, n° 9

Numéro spécial : Elections françaises

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France

Hollande: socialiste président ou président socialiste ?

« J'ai trois principes : la cohérence -j'ai présenté mes propositions il y a maintenant plusieurs mois, j'ai à dire comment elles se mettraient en œuvre -, la clarté parce que les Français ont le droit de savoir ce qui va se passer dans les premières semaines de l'action du président, la rapidité parce qu'il n'y a pas de temps à perdre », avait déclaré François Hollande le 4 mai.

Evidemment, comme à chaque fois qu’un « Homme de Gôche » accède à tout ou partie du pouvoir, on se pose la question : Hollande sera-t-il un socialiste président ou un président socialiste ? Comme tous les droguistes vous le diront, le rouge, c’est la couleur qui déteint le plus vite !

L’Agence Ecofin (qui est basée en Suisse, preuve de son sérieux et de son engagement résolu du côté de ceux qui, sur la terre, n’ont été damnés que par la malédiction de la richesse), semble le prendre au sérieux puisqu’elle écrit, d’une manière qui sonne un peu comme un cri d’alarme : « François Hollande (57 ans) est devenu hier le deuxième président de gauche de la Ve République. Il obtient 51,67% des suffrages exprimés (17,8 millions), contre 48,33% (16,7 millions) au président sortant Nicolas Sarkozy. Le taux d'abstention s'est établi à 18,97 % alors qu’il était de 16,03 % en 2007. Voici les principales mesures que compte prendre le président Hollande lors de la 1ere année de sa mandature. Ces mesures concrètes vont de réforme fiscale avec tranche d'imposition à 75% pour les revenus dépassant 1 million d'euros, au blocage du prix des carburants en passant par la réforme des retraites ».

Entre le 6 mai et le 29 Juin 2012

. réduction de 30% de la rémunération du chef de l’Etat et des membres du gouvernement . « charte de déontologie et publication des déclarations d’intérêts par les membres du gouvernement » et des cabinets

. augmentation de 25% de l’allocation de rentrée scolaire (décret) . blocage pour 3 mois des prix des carburants (décret)

. caution solidaire pour permettre aux jeunes d’accéder à la location (décret)

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. garantie pour l’épargne défiscalisée (livret A et livret d’épargne industrie, successeur du Livret de développement durable) d’une rémunération supérieure à l’inflation et doublement de leur plafond, pour mieux financer le logement social, développer PME et innovation . mémorandum « proposant un Pacte de responsabilité, de croissance et de gouvernance pour modifier et compléter le Traité de stabilité et réorienter la construction européenne vers la croissance - dès fin mai, en vue du Conseil européen des 28 et 29 juin »

. annonce aux partenaires de l’OTAN du retrait des troupes d’Afghanistan d’ici fin 2012 (G8 à Camp David 18-19 mai, Sommet de l’OTAN à Chicago, 20-21 mai)

. abrogation de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers

. droit de partir en retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler à 18 ans et cotisé 41 annuités (décret)

. fixation d’un éventail de 1 à 20 des rémunérations dans les entreprises publiques (décret) . circulaire sur la lutte contre les « délits de faciès » lors des contrôles

. « gel conservatoire d’une partie des dépenses » dans l’attente du rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques (publié fin juin)

. arrêt de la RGPP et lancement du « Projet de refondation et de modernisation de l’action publique »

Entre le 3 juillet et le 2 août (session extraordinaire du Parlement)

. présentation au Parlement du programme de stabilité et du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, fixant la trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire en 2017

. réforme fiscale (loi de finances rectificative) : plafonnement et suppression de niches fiscales, modulation de l’impôt sur les sociétés au bénéfice des PME et entreprises réinvestissant leurs bénéfices, surtaxe sur les banques et les sociétés pétrolières, retour au barème de l’ISF, suppression de l’exonération sur les grosses successions, taxation des revenus du travail comme ceux du capital, tranche d’imposition à 75% au dessus de 1 million d’euros

. suppression de la « TVA Sarkozy » (loi de financement de la sécurité sociale rectificative).

. loi d’assainissement des activités bancaires : séparation des activités de dépôt et des activités spéculatives, lutte contre les produits toxiques et les paradis fiscaux

. lancement des principaux chantiers sociaux du quinquennat (Conférence nationale pour la croissance et l’emploi de mi-juillet) avec notamment pour priorités : emploi jeunes/seniors, encadrement des licenciements boursiers, sécurisation des parcours, lutte contre la précarité, égalité salariale et professionnelle.

. lancement du débat national sur la transition énergétique préalable à la loi de programmation, avec notamment « plan massif » de rénovation thermique des logements.

. réexamen de la rentrée scolaire, notamment les RASED ; recrutement (dans les 60000 postes prévus) d’assistants d’éducation, de personnels d’encadrement ; mesures d’urgence pour compléter la formation pratique des professeurs néo-titulaires

. commission de préparation de « l’Acte II de l’exception culturelle » Entre août 2012 et juin 2013

. nouvel acte de décentralisation pour donner plus de responsabilités aux régions en supprimant notamment les doublons Etat/Collectivités, le conseiller territorial . loi de développement économique et social : création de la Banque publique d’investissement pour financer les entreprises, notamment TPE et PME dans les quartiers ; lutte contre les licenciements boursiers et les restructurations « sauvages » ; mise en place des

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« contrats de relocalisation » ; participation des salariés aux conseils d’administration et aux comités de rémunération des grandes entreprises ; notation sociale des entreprises . loi d’orientation et de programmation pour l’Education nationale (réforme de la formation des enseignants, des rythmes scolaires, programmation des 60000 postes, création de l’Ecole nationale supérieure de formation pratique des maîtres)

création des emplois d’avenir - 150000, dont 100000 dans l’année qui suit l’entrée en vigueur de la loi - et du contrat de génération (loi pour l’emploi et la cohésion sociale) . création de 1000 postes (sur les 5000 prévus) pour la sécurité et la justice (loi de finances 2013)

. fin de la convergence tarifaire public-privé à l’hôpital (loi de financement de la sécurité

sociale 2013)

. lancement du Plan de lutte contre le cancer 2013-2016

. négociation avec les partenaires sociaux sur la réforme des retraites : âge de départ, pénibilité…

. loi sur l’accès au logement : encadrement des loyers, renforcement des sanctions de la loi SRU, réforme du régime de cession du foncier de l’Etat pour faciliter la construction de logements par les collectivités territoriales

. loi sur la tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz . droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples

. droit de finir sa vie dans la dignité

. constitutionnalisation des principes de la loi de 1905 sur la laïcité, réformes du Conseil supérieur de la magistrature, du statut pénal du chef de l’Etat, suppression de la Cour de Justice de la République, droit de vote (des étrangers), loi électorale, suppression du cumul des mandats.

Quid du Tiers-monde, des rapports Nord-Sud et en particulier de l’Afrique ?

L’élection du nouveau président français qui domine l’actualité mondiale ne fait la manchette que d’un seul journal de RDC : Le Soft qui annonce en gros titre à la Une:

« Séisme en France. Hollande triomphe de Sarkozy ». Les articles proprement dits occupent les quatre dernières pages du journal avec d’autres titres et sous-titrages explicitant les traits saillants du succès électoral du nouveau dirigeant français. En voici quelques uns : « Le socialiste vainqueur avec 51,9 % des suffrages », « Du doute à l’énergie du désespoir en passant par l’espoir revenu », « Tous doutaient de lui », « Le jour d’avant de François Hollande », « Sarkozy quitte la scène ».

Les autres journaux ont tout de même annoncé l’avènement du nouveau président français dans des articles en pages intérieures. Ainsi Le Palmarès titre-t-il : « Présidentielle française 2012. François Hollande élu ! », tandis que Le Potentiel annonce: « Présidentielle française : Hollande, deuxième socialiste à l’Elysée ».

De façon générale, la presse africaine francophone se montre assez attentiste à propos de la victoire socialiste en France. On attend de voir Hollande dans ses œuvres plutôt que de se laisser aller à des espérances folles. Chat échaudé craint l’eau froide : l’Afrique se souvient d’avoir trop attendu autrefois de l’élection de François Mitterrand1. Celui-ci avait un grand crédit lié à l’annonce d’excellentes d’intentions. Il avait, dans un premier temps, confié la responsabilité de la politique africaine à d’excellents conseillers. Hélas ! Au bout de quelques mois, ils furent mis au placard !

L'homme savait séduire ses interlocuteurs et les foules. Avocat de formation et de

1 Voir annexe.

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profession, il savait aussi se rallier au monde dans la défense de causes qu'on croyait parfois perdues. Opposant farouche des années durant, il avait fait rêver en Afrique ces porteurs d'idéaux progressistes et autres frondeurs qui n'avaient de cesse de hanter le sommeil des dictateurs. Aussi son élection en 1981 avait-elle suscité de réels espoirs du côté des opposants africains. Beaucoup attendaient de lui ce changement radical dans la diplomatie africaine de l'Elysée, qui devait permettre l'amorce d'une démocratie véritable assortie de l'amélioration effective des conditions socio-économiques sur le continent, la partie francophone en particulier. La rupture attendue n'eut jamais lieu. Une fois au pouvoir, Mitterrand s'efforcera de rappeler dans la pratique que "la France n'a pas d'amis, mais bien des intérêts", comme on le clamait depuis l'époque du général de Gaulle.

Peu à peu, Mitterrand s'accommoda de certaines situations sur le continent.

Contrairement aux attentes, et sans gêne aucune, il donna plus de force à la Françafrique.

Ouvertement, il s'acoquina avec les vieilles oligarchies qui suçaient le sang des pays africains.

Comme « Messieurs Afrique » on vit ressurgir dinosaures gaullistes, bedolles giscardiennes et affairistes aux doigts crochus. Les anciens comptoirs français et les multinationales de l'Hexagone continuèrent leur pillage. Au niveau des chefs d'Etat, des dinosaures comme Houphouët-Boigny en Côte d'Ivoire, Paul Biya au Cameroun, Omar Bongo au Gabon, Denis Sassou au Congo et Mobutu au Zaïre [RDC depuis 1997] eurent le vent en poupe. En revanche, des intrépides comme feu Thomas Sankara du Burkina Faso, se heurtèrent à un donneur de leçons sans pitié pour tous ceux qui, à ses yeux, avaient des attitudes pleines d'impertinence.

Il fallut attendre 1990 pour voir Mitterrand donner officiellement le ton de la nécessaire démocratisation du continent, sous peine de voir l'aide s'évaporer. Ce rusé

"opposant historique de France" avait deviné à travers les luttes qui s'intensifiaient que les peuples africains marchaient vers une victoire certaine. Il fallait manœuvrer afin de récupérer la situation. D'où les nombreuses conférences nationales souveraines qui devaient aider, par le biais d'un multipartisme de façade, à mieux encadrer la libre expression des peuples en colère.

Encouragés par le silence complice ou la bienveillance de Paris, les gouvernants africains entreprirent alors de conserver ou de reconquérir le pouvoir à la faveur de textes de lois taillés sur mesure. Métamorphosés selon le goût du jour, les partis uniques s'organisèrent donc pour remporter "haut la main" des élections savamment truquées. Ceci, aux dépens de partis d'opposition mal organisés, divisés et dépourvus de ressources, dans un contexte de pauvreté criarde et d'analphabétisme inouï. Avec regret, l'on découvrait alors cet autre visage de Mitterrand : l'occupant socialiste de l'Elysée ne semblait point se soucier des intérêts des larges masses laborieuses d'Afrique. Au gré des intérêts de la France, celui-ci ne se gênait pas de soutenir les dictatures et les régimes impopulaires sur le continent. La plupart de ces gouvernants avaient bien compris que pour avoir la paix, il fallait être dans les bonnes grâces de Paris.

Qu'a donc apporté Mitterrand aux Africains ? Incontestablement, le défunt chef de l'Etat français a servi de référence à de nombreux intellectuels du continent, adeptes de son socialisme à visage humain. N'empêche que le plus souvent, ils auront eu du mal à obtenir son appui quant à l'application véritable, chez eux, des principes élémentaires du socialisme.

Certes, avec le discours de La Baule2, Mitterrand a su courageusement prôner la

2 Mais doit-on tenir Mitterrand pour responsable de ce qu'il est advenu des tentatives de démocratisation en Afrique francophone ? Assurément pas. Il n'aura fait que son devoir : défendre vaille que vaille les intérêts de la France. Comme au Rwanda, pour soutenir le président Habyarimana et faire échec à ceux qui mettaient en danger l'influence française dans la région des Grands Lacs. Toujours est-il qu'aujourd'hui, dans la majeure partie

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démocratisation et inciter de nombreux chefs d'Etat à s'engager dans cette voie périlleuse pour la survie de leurs régimes. Mais des conseillers français étaient toujours là pour les aider à ne jamais partir, au nom des intérêts... français ! Une vraie politique de droite pour un leader classé à gauche ! Autant les prises de position du président Obama aux Etats-Unis tranchent par leur clarté, autant celles de Mitterrand ont bien souvent paru ambiguës. Une ambiguïté qui a profité à nombre de chefs d'Etat africains de l'époque, lesquels étaient peu enthousiastes à l'idée de voir la démocratie s'installer dans leurs pays respectifs. Quelques-uns ont néanmoins joué le jeu. Au Bénin et au Mali, entre autres, le parcours semble prometteur. De quoi se demander ce que serait devenue l'Afrique sans le discours de La Baule. « On ne nous aura pas deux fois », semble se dire le continent noir.

Une des échéances qui attendent Hollande est en tous cas déjà connue. Désigné pour analyser douze ans de la politique d’aide de la France, le cabinet d’audit Ernst & Young doit remettre ses conclusions en septembre. Le nouveau locataire de l’Elysée disposera, dès l’automne, d’un instrument de travail et d’analyse exhaustif sur l’état de l’APD (Aide publique au développement).

Chargée en octobre 2011 par Alain Juppé de dresser le bilan de douze ans de politique dans ce domaine (1998-2010), la députée (UMP) Henriette Martinez a pris la tête d’un comité composé de 20 personnalités pour piloter ce travail. Cette étude, engagement récurrent des ministres de la coopération depuis 2000, doit déterminer les faiblesses du dispositif d’aide (allocations des ressources, orientation politique, dispositif institutionnel...) pour mieux optimiser ses résultats. Bon courage...

Le cabinet Ernst & Young a été retenu aux dépens de deux de ses concurrents Nomadels et Mazars. Le chef du projet chez E&Y, Arnaud Bertrand, devra rendre ses conclusions en septembre, avant l’examen de la loi de finances 2013 et le rapport que l’OCDE doit publier sur l’aide française.

Outre la députée UMP des Hautes-Alpes, se côtoient au sein du comité de pilotage des profils aussi divers que le socialiste Henri Emmanuelli (commission des finances de l’Assemblée), les sénateurs Christian Cambon et Yvon Collin, Rémy Rioux et Emile-Robert Perrin (Trésor), Rémi Genevey et Robert Peccoud (AFD), Bertrand Gallet, DG de Cités unies France, et Jean-Louis Vielajus, président de l’association Coordination Sud. De leur côté, Stéphane Gallet et Hervé Jonathan représentent le ministère de l’intérieur. L’ancien ambassadeur de France au Burkina Faso, François Goldblatt, a été désigné par le Quai d’Orsay, où il officie désormais comme directeur de l’économie globale et des stratégies de développement. Initialement retenu, le DGA de la mondialisation, Georges Serre, qui rejoint l’ambassade d’Abidjan, est remplacé par Jean-Marc Châtaigner. Ce bilan intervient au

des cas, la démocratisation laisse toujours à désirer en Afrique francophone. Trente ans après l'avènement de Mitterrand au pouvoir en France, vingt et un ans après le discours de La Baule et quinze ans après la mort de l'ancien président français, le bilan reste assurément mitigé.

Le 20 juin 1990, huit mois après la chute du mur de Berlin, François Mitterrand accueille à La Baule, sur la côte Atlantique, la XVIe Conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France. Le discours qu'il prononce à cette occasion marque un tournant dans les relations entre l'ancienne puissance coloniale et son pré-carré africain.

"Nous ne voulons pas intervenir dans les affaires intérieures. Pour nous, cette forme subtile de colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux Etats africains et à ceux qui les dirigent, c'est une forme de colonialisme aussi perverse que tout autre", affirme le président français, avant d'annoncer que l'aide de la France sera désormais subordonnée à l'avancée du processus de démocratisation. Dans la conférence de presse qui suit ce discours, Mitterrand établit ainsi une distinction entre "une aide tiède", destinée aux régimes autoritaires refusant toute évolution démocratique, et "une aide enthousiaste" réservée à "ceux qui franchiront le pas avec courage".

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moment où la Cour des comptes s’apprête à publier un rapport au vitriol sur la gestion des quelque 10 milliards € d’APD française.

Le 3 mai, La Lettre du Continent faisait la synthèse suivante sous le titre « Elysée : ces Africains qui votent Hollande »

« Favori du second tour de la présidentielle en France, François Hollande n’a pas fait de l’Afrique sa priorité. En cas de victoire le 6 mai. Il devra pourtant traiter d’urgence le dossier malien et celui des otages au Sahel. Par ailleurs, les chefs d’Etat africains incontournables dans le jeu politique hexagonal, tel Omar Bongo ne sont plus la. De quoi créer un espace dans lequel s’engouffrent de nombreux opposants et dirigeants du continent, notamment ceux membres de l’Internationale socialiste (15). Ces derniers ont multiplié les initiatives auprès de leurs camarades socialistes. D’autres, ancrés à droite de l’échiquier politique français, s’inquiètent. Tour d’horizon.

Chefs d’Etat fréquentables.

Plusieurs présidents africains attendent de retirer les dividendes d’une alternance élyséenne. Membre de l’IS et proche de Stéphane Fouks patron d’Euro RSCG Alpha Condé mise sur ce scénario pour obtenir davantage de mansuétude de Paris à son égard. Mais le président guinéen, qui a installé le groupe Bolloré sur le port de Conakry dans des conditions contestées, devra apporter en contrepartie de vrais gages démocratiques en organisant rapidement les prochaines législatives. Le Nigérien Mahamadou Issoufou, ami du député Arnaud Montebourg et de Guy Labertit. ex-responsable Afrique du PS, approché par de nombreux d’Africains malgré ses positions pro-Gbagbo, demeure un allié naturel des socialistes. Ceci ne l’empêche pas de réaffirmer l’enjeu vital que représente Areva pour son pays. Intérêt loin d’être remis en cause par François Hollande lors de leur entretien à Paris le 15 mars. Disposant d’un quasi monopole sur l’uranium nigérien, le groupe nucléaire est pourtant la cible privilégiée des pourfendeurs de la politique africaine de la France....

Principal opposant au Centrafricain François Bozizé. Martin Ziguélé, présent à Paris jusqu’à début juin, fait de son côté le siege du PS. où ii a notamment rencontré Michel Braud. chargé des relations internationales rue de Solférino. Autre membre de l’IS Ibrahim Boubacar Keita, donné favori pour la présidentielle malienne avant le putsch du 22 mars, est un proche de Martine Aubry.

L’Afrique centrale sur liste rouge.

La cote des régimes d’Afrique centrale risque, inversement, de dévisser si le candidat socialiste accède à l’Elysèe, nonobstant la présence remarquée de Laurent Fabius à Libreville, en février. Après avoir étrillé Joseph Kabila lors de sa conférence de presse du 25 avril, François Hollande charge régulièrement les trois chefs d’Etat visés dans l’affaire des Biens mai acquis (BMA). Des interventions directement téléguidées par l’avocat William Bourdon, son conseiller chargé des droits de l’homme. Mais rien n’indique que la tonalité sera La même au lendemain du 6 mai. Du côté togolais, c’est peu dire que la présence de Kofi Yamgnane dans le staff de campagne du candidat socialiste irrite le palais de Lomé II. Quant aux inoxydables Paul Biya et ldriss Deby, ils sont en zone rouge, le second en raison de la disparition de l’opposant Mohamed Maharnat Saleh.. Ce dossier, suivi par les sénateurs PS Jean-Pierre Sueur et Gaètan Gorce, est aussi entre les mains d’Hugo Sada au sein de 1’OIF que dirige Abdou Diouf, autre socialiste. Par le passé, Hugo Sada a piloté la communication de Jean-Pierre Cot… »

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La Francophonie :

Occasion d’un geste fort ou souci dont se serait bien passé ?

Hollande voudra-t-il démarrer en fanfare une nouvelle politique africaine par un coup d’éclat ? Ou estime-t-il que les grosses caisses et les cymbales sont des instruments estimables en campagne électorale, mais que les relations internationales demandent un style plus diplomatiquement feutré ? En fonction de ce choix, le prochain Sommet de la Francophonie, qui devrait se tenir Kinshasa, lui apparaîtra comme une occasion en or ou au contraire comme une épine dans le pied.

Ce Sommet pourrait en effet apparaître comme un moment idéal pour poser ce que nos médias friands de ce genre de chose appelleraient « un Geste Fort ». Pendant la campagne présidentielle, si François Hollande et Nicolas Sarkozy se sont opposés sur à peu près tout, ils sont d’accord sur un point : ni l’un ni l’autre n’est partant pour aller au 14e Sommet de la francophonie, prévu du 12 au 14 octobre à Kinshasa.

Car ces élections du 28/11/11 ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats partiels constatés par ses observateurs. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à jamais inconnus. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli.

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Depuis les élections calamiteuses du 28 novembre en RDC, les photos de la visite officielle de Sarkozy à Kinshasa, en mars 2009, ont subitement disparu du site officiel de l’Élysée. Si le président sortant avait été réélu le 6 mai, « il ne garantissait pas d’aller à Kinshasa, confiait alors l’un de ses conseillers. Cela dépendra des avancées en matière de démocratie et de droits de l’homme de la part du président Kabila ». Comme Hollande a gagné, la menace est encore plus sérieuse, vu les prises de position du candidat socialiste sur la démocratie en Afrique. Bref, à ce sommet, la France pourrait n’être représentée que par un second couteau.

Si Hollande boycotte Kinshasa, le Premier ministre canadien, Stephen Harper, risque également de bouder le sommet. L’histoire va-t-elle se répéter ? En novembre 1991, à la suite d’un massacre d’étudiants prétendument commis par le régime Mobutu, François Mitterrand avait fait déplacer le 4e Sommet de la francophonie de Kinshasa au Palais de Chaillot, à Paris.

À l’époque, le message de Mitterrand à Mobutu avait été transmis… par le président sénégalais Abdou Diouf, l’actuel secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie.

Le geste serait sans équivoque possible pour les présidents « mal réélus » qui sont nombreux en Afrique francophone. Et il présenterait aussi l’avantage d’infliger ce camouflet à un pays qui, malgré tout, n’est pas aussi étroitement imbriqué dans la « Françafrique » que le sont, disons, le Niger ou le Mali. En effet, sur le plan intérieur, Hollande a prévu des mesures allégeant les prix de l’énergie. Or, la part du nucléaire est importante dans l’électricité française qui consomme avant tout de l’uranium africain, provenant des ex-colonies. Il lui faut donc rester prudent car les magnats du business françafricain, dont beaucoup sont des amis de Sarkozy, ne demanderaient pas mieux que de voir une balourdise de Hollande lui créer des difficultés avec ces fournisseurs, ce qui leur offrirait des occasions de freiner les réformes, de favoriser la Droite dont ils espèrent le retour dès les législatives et, autant que possible, de pousser le nouveau président à imiter la dérive droitière qui fut, dans le passé, celle de Mitterrand.

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P. MARCHESIN

Mitterrand l‘Africain*

L est d’usage de dresser un bilan après une période d’activité.

Ceci apparaît d‘autant plus légitime pour ce qui est des rela-

I

tions entre F. Mitterrand et l’Afrique. De fait, le quatrième pré- sident de la Ve République a doublement fait preuve de longévité.

Non seulemept il a été le seul à accomplir deux septennats au sommet de 1’Etat depuis 1958, mais encore il achève un long com- pagnonnage de près d’un demi-siècle avec l’Afrique. I1 est, de par son itinéraire, le dernier (( Africain )) de la classe politique française.

A tel point que l’on a pu évoquer à propos de sa personne le regain de vitalité du (( lien charnel )) qui unissait le général de Gaulle au continent noir. Bref, ayant perdu avec Ch. de Gaulle un (( papa )), les Africains ont trouvé en F. Mitterrand un B tonton D.

Comme pour tout exercice similaire, la lecture des appréciations - déjà nombreuses - du parcours africain de F. Mitterrand laisse apparaître des zones d’ombre et de lumière. Au total tout de même, les quelques jugements positifs ont du mal à dissiper le sentiment beaucoup plus général- d’échec. Au crédit de la politique africaine de l’ancien chef de l’Etat, les commentateurs inscrivent générale- ment, et le plus souvent ponctuellement, des actions telles que la défense du tiers monde dans les instances internationales, la lutte contre l’apartheid ou la contribution au processus de démocratisa- tion. La liste n’est bien sûr pas exhaustive (1). Les critiques sont, elles, plus systématiques. Qu’elles viennent d’observateurs avisés

( e Le bilan est accablant )) (2)), d’anciens compagnons de lutte (a Les tendances lourdes et conservatrices de la politique africaine l’ont emporté )) (3)) ou

-

en privé

-

des murs même du Château ((( Même à l’Élysée, on considère l’Afrique comme son plus grand échec )) (4)).

Nous avons fait le choix de ne pas retenir une telle approche en termes de bilan qui nous paraît à bien des égards fastidieuse

* Nous tenons à remercier le CERI (Centre d’Ctudes et de relations internationales) pour sa contribution à la préparation de cet article.

5

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M I T T E R R A N D L’A FRICA IN

et superfétatoire. On préfèrera ici tenter de comprendre la logique, les sous-basements de la politique africaine de F. Mitterrand. Etant donné son passé (( africain D, notamment son passage au ministère de la France d’Outre-mer en 1950-1951, quelle image avait-il du continent noir dans les années 80 ? Quelles ont été les implications de sa représentation de l’Afrique sur la politique qu’il a menée?

Notre hypothèse principale est la résurgence d’une vision archaï- que, exprimant une continuitéedu Mitterrand des années 50 à celui des années 80. I1 serait certes abusif de prétendre qu’il n’a pas pro- cédé ça et là à quelque aggiornameizto, notamment sur la question coloniale. Mais, globalement, on retrouve dans la politique conduite depuis 1981 la marque profonde du passé. Nous rejoignons en cela les conclusions de J.-F. Bayart : <( On s’est gaussé de ce que M. M i t - terrand se soit placé dans-la continuité de ses gridicesseurs. I l serait plus juste de dire que ceux-ci ont assumé la vaie que M. Mitterrand avait ouverte en 1951, en obtenant la rupture avec le Rassemblement &mo- cratique africaine et le P a r t i communiste français, et que M. Defferre avait entérinée en présentaiit sa loi-cadre de 1956. L a vraie continuité est plus amienne que ne le dit la droite, elle va de M. Mitter- rand au général de Gaulle et ses successeurs )) (5). Ce lien structurel avec le passé n’est certainement pas étranger au fait que la politique africaine de F. Mitterrand ait été qualifiée de conservatrice (6).

Pour comprendre cette politique, il faut en présenter les acteurs, leurs idées et leurs méthodes. Nous tenterons ensuite d’en esquis- ser une synthèse.

L’homme : l’empreinte du passé

Hormis quelques (< contacts D mineurs ou fortuits (manifestation contre le professeur Jèze.en 1936 ; deux ans plùs- tard, incorpora- tion au 23‘ régiment d‘infanterie coloniale, au fort d’Ivry, qu’il quit- tera avec le grade de secgent (7)), la première véritable rencontre, à notre connaissance, de F. Mitterrand avec l’Afrique, consiste en un voyage effectué en 1946. I1 y retournera régulièrement par la.

(1) Ce qui n’empêche pas que, même dans ces rubriques, les avis soient partagés.

(2) J.-F. Bayart, (( Un rituel funéraire I), L’Express, 10 novembre. 1994.

(3) Pour une redéfinition de la politique africaine de la France, Contributions géné- rales, Congrès de Liévin, Vendredi, L’hebdo- madaire des socialistes, 237, 2 septembre 1994, p. 167.

Tonton grimpe à recu- lons vers le sommet africain )), L e Canard endainé, 20 juin 1990.

(5) L a politique afncaine de F. Mitremand, Paris, Karthala, 1984, p. 52.

(6) Cf. note 3 : March$ trqicaux et médi- (4) C1. Roire,

temanéem, 19 mars 1993, p. 731 et entretiens.

Le constat a été établi tout particulièrement pour-l’Afrique francophone. On a pu obser- ver ailleurs (notamment en Angola, au Mozambique. eb..en Afiique du Sud) des avan- cées I parfois plus progressistes.

(7) G. Jèze, professeur de droit fikal, a accepté de conseiller le Négus après l’aggres- sion italienne en Ethiopie; quant à l’incor- poration dams la coloniale (en région parisienne), elle a en fait été motivée par la présence à Paris de la U divine U Béatrice que F. Mitterrand voit souvent, avec ou sans autorisation.

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suite. Les années 50 sont celles de l’approfondissement de la rela- tion, que ce soit en tant que ministre ou écrivain. F. Mitterrand est en charge du ministère de la France d’outre-mer du 13 juillet 1950 au 11 juillet 1951. Malgré la faible durée, cette année est, pour lui, capitale. I1 peut agir en homme d’État. ((Mon passage au niinistère de la France d’outre-mer est l’expérience majeure de ma vie politique dont elle a commandé I’évolution D, écrit-il en 1969 (8).

Quelques années après, il publie deux ouvrages où il présente ses réflexions sur l’Indochine et l’Afrique (9). On peut certainement avancer que les idées exprimées dans ces livres ont gardé leur part d‘actualité. Dans la présentation qu’il fait de ces textes, en 1977, il affirme : (( Ce à quoi je croyais à vingt ans, j’y crois eqcore 1) (10)

...

a fortiori quatre ans plus tard, lorsqu’il s’installe à 1’Elysée. Qui plus est, change-t-on d’idées à 65 ans ? Nous nous attacherons pour commencer à présenter ces idées qui sont à la source de l’imaginaire africain du nouveau président. L’hypothèse de la continuité historique est ici confortée par le principe pasca- lien du (( point fme )) que F. Mitterrand a souvent rappelé dans ses écrits ou discours (il est d’ailleurs parti pour la guerre avec deux livres : les Pensées de Pascal et l’Imitation de Jésus-Christ ...) : ( ( J e suis toujours resté fidèle à ce principe trouvé dans les pensées de Blaise Pascal qu’il f a u t avoir un point fixe pour juger. Après y avoir quelque temps réfléchi j’ai choisi quelques points fixes en petit nom- bre )) (11); (( (...) En toute circonstance, il f a u t rester au point que l’on a choisi D (12) ; (( (...) On porte en soi un idéal qu’il est difficile de mettre en œuvre, l‘essentiel étant cependant de poursuivre sa route sans perdre sa direction B (13). Quelle est cette direction, quels sont ces (( points fEes D qui ont traversé les ans et se sont incarnés en politique après le 10 mai 1981 ? Quatre pistes s’offrent à l’analyse.

La première est prédominante dans la vision mitterrandienne de l’Afrique. I1 s’agit de la dimension géopolitique, consistant à mettre l’accent sur le rayonnement international de la France. Pour conserver son statut de puissance mondiale, la France doit déployer une politique active en direction du continent africain, :auquel la rattachent de nombreux liens. Dressons un rapide florilège des pen- sées de F. Mitterrand à partir de ses deux (( classiques )) : <( Paris est la nécessaire capitale de l‘Union fraquise. Le moiide africain n’aura pas de centre de gravité s’il se borne à ses frontières géographiques

...

Du Congo au Rhin, la troisième nation-continent s ’équilibrera autour

(8) F. Mitterrand, Politique, Paris, Fayard, Mitterrand, ,président de la République fran- 1977, p. 53. çaise, à‘l’Assemblée nationale )), Abidjan, 22

(9) Aux frontières de l’Union fra?zçaise. mai ‘1982, pp. 1 et 2.

Indochine. Tunisie. Lettre-préface de P. Men- (12) F. Mitterrand, Poliiique 2, 1977-1981, dès France, Paris, Julliard, 1953 ; Présence Paris, Fayard, p. 12.

française et abandon, Paris, Plon, 1957. (13) La lettre du Continent, 223, 24 (IO) Politique, op. cit., présentation. novembre 1994, p. 2.

(11) a Discours prononcé par M. François

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(13)

MITTERRAND LYFRIGAIN

de notre métropole N (14). a (...)La sécurit4 Ia protection, Ia dqense de l’Afrique nous créent des obligations; Ia p a i x civique et Ia paix sociale ne sont pas les moindres conditions de Ia présence française.

Dire à nos alliés que Ià est notre domaine réservé et dire aux popula- tions d’Afrique que ce domaine est aussi et surtout le leur, c’est, je le crois, commencer par le commencement )) (15). (( (...) Un pouvoir cen- tral jortement structuré à Paris, des États et territoires autonomes fédé- rés au sein d’une communauté égalitaire et fraternelle dont les frontiè- res iront des plaines des Flandres aux forêts de I‘équateur, telle est Ia perspective qu’il nous appartient de préciser et de proposer, car sans l’Afrique il n’Y aura pas d’Histoire de France au XXIe siècle

...

Com- ment en effet Ia France

...

irait-elle vers le N o r d ? ou vers l’Est? ou vers l’Ouest ? Seule Ia route du Sud est disponible, large, bordée d’innombrables peuples en même temps que d’espaces inoccupés

... Deà

Ia France sait combien l’Afrique lui est nécessaire )) (16). << (...) L’appel de Bamako a retenti conime u n défi ci I’abandon. Mais s’il était moqué ozi trahi, Ia présence française que des millions et des millions d’hom- mes identifient à leur raison de vivre se mêlerait au long cortège des esphances mortes )) (17). a (...)Je dis que le premier devoir de la France, c’est de tout faire pour que les liens ne soient pas coupés, de tout faire pour que nos frères africains restent unis ci notre destin

...

L a France reste celle qui conduit, celle dont on a besoin, celle à laquelle on se rattache. II ne pourra y avoir d’histoire authentique de I‘Afrique si Ia France en est absente )) (18). <( (...) Ceci dit, essayons de voir les faits tels qu’ils sont : sous l’affreux aspect de l’utilitarisme, nos colonies nous sont nécessaires. Les abandonner serait s’abandonner )) (19). Bien que partisan d‘une évolution (cf. infra), F. Mitterrand reste dans le cadre colonial. I1 est assimilationniste, comme la SFIO d’alors (il refuse le statut d‘État associé à Madagascar). Comme beaucoup d’autres, il rate le rendez-vous avec la décolonisation.

Le discours des années 80 est certes plus tempéré que celui des années 50. Mais si les mots ont changé, le raisonnement est resté le même. L‘ambition africaine de la France est intacte. Elle participe directement de son statut de puissance moyenne ou petite grande puissance capable de mobiliser rapidement un stock de voix fidèles à l’ONU. Parce qu’il peut se faire photographier chaque année au milieu de ses (( amis africains )), F. Mitterrand est à même de revendiquer une position diplomatique privilégiée, <( nous qui représentons ensemble, sur Ia scène internationale, un front de quelque

(14) Aux frontières de l’Union française, op. cia., pp. 34, 35.

(15) Ibid., p. 37.

(16) Préjence fraipise et abandoi6 @. Cit., (17) Ibid., p. 240.

(18) Politique, op. cit., pp. 84, 85, 86.

(19) Libres, journal des anciens prison- niers de guerre, 24 juin 1945, cité par C . Nay dans Le noir et le rouge ou l’histoire d’me ambition, Paris, Grasset, 1984, p. 182.

p. 237.

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(14)

P.MARCHESIN

30, 35 pays )> (20). Poursuivons par quelques morceaux choisis puisés dans les discours et interventions des années 80 et 90 : ( ( I l n’Y a pas de hiatus dans la politique africaine de la France avant m a i 1981 - - -

et après. Si la méthode a Chang4 l’objectif est resté. II consiste à pré- server le rôle et les intérêts de la France en Afrique )) (21).

(( (...)L’audience de la France en Afrique, c’est ce qu’elle a de meil- leur dans sa continuité )) (22). {< (...)Je suis porteur de plus qu’une tra- dition, d’intér2ts légitimes, de grands intérêts. J e ne peux pas signer

-

je

m y

refuserai

-

la disparition de la France de la surface du globe, en dehors de son pré carré )) (23). U (...)Je le dis solennellement devant vous: la France doit maintenir sa route et refuser de réduire son ambition africaine

...

L a France ne serait plus tout à f a i t elle-mike aux yeux du monde si elle renonçait à être présente en Afrique )) (24).

L‘accent mis sur la dimension géopolitique ne doit toutefois pas conduire à ignorer les intérêts économiques, le noyau dur de l‘ensemble francophone étant pour la France la seconde zone de commerce extérieur après l’Union européenne. C’est ce que fait de façon fort pudique le Président, à l’occasion d’une conférence de presse : ((J’ajoute que nous ne serions pas en mesure, à I’égard de tous nos amis africains, d’assurer la lourdeur d’une charge qui serait uniquement franco-africaine. II y a de la place pour d’autres. Nous pensons simplement préserver une place dans le cœur, dans I‘esprit, et,

le cas échéant, dans les affaires, qui y soit la première et on y tra- vaille comme on peut D (25). Citons enfin l’axe culturel, principale- ment à travers la francophonie, que l’on peut rattacher à un second point fme.

Ce second point fEe se situe dans le prolongement direct du premier : il s’agit de protéger la zone d’influence, voire de l’accroître.

Pendant longtemps, cela a consisté à tout faire pour empêcher l’intervention des deux Grands. La priorité était alors de ne pas laisser les conflits s’enliser, de peur d’une internationalisation (cela s’est vérifié par exemple à travers la politique de baisse de la ten- sion dans la Corne ou les pressions au sein du groupe de contact pour l’indépendance de la Namibie). Lorsque la menace, qui plus est sur un membre du pré carré, a été trop forte, Paris est inter-

(20) (( Allocution prononcée par M. le président de la République à l’occasion de la séance solennelle d‘oyerture de la 16‘

conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique I), La Baule, 20 juin 1990, p. 5.

(21) Cité par P. Favier, M. Martin- Roland dans La décennie Mitterrand 1. Les ruptures, Paris, Seuil, 1990, p. 339.

(22) N Allocution prononcée par M. Fran- çois Mitterrand, président de la République française, au cours du déjeuner offert par le Président du Rwanda I), Kigali, 7 octobre 1982, p. 4.

(23) (( F. Mitterrand à l’heure de vérité >>,

Le Monde, 18 novembre 1983.

(24) u Discours de M. François Mitter- rand, président de la République, lors de la séance solennelle d’ouver-ture de la XVIIIe conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique, Biarritz, 8 novembre 1994, p. 8.

Conférence de presse de M. Fran- çois Mitterrand, président de la République fiançaise n, Brazzaville, 11 octobre 1982, p. 5.

(25).

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M I T T E R R A N D L’AFRICAIN

venu militairement. Les diverses opérations militaires au Tchad déci- dées par F. Mitterrand ont consisté à réaffirmer la position de la France dans son pré carré. Au lendemain de la prise de Faya Lar- geau par G. Wedeye avec l’aide des Libyens le 24 juin 1983, le Président confie : (( Dans cette affaire compliquée, il f a u t avoir une idée simple. Si le Niger et le Carneroun craquent, c’en est f i n i de l’influence f r a q a i s e en Afrique D (26).

Depuis l’effondrement de l’URSS et le retrait de la Libye, on assiste à une recrudescence de la méfiance vis-à-vis de toute influence anglo-saxonne. Le (( syndrome de Fachoda )) ne vise pas tant la Grande-Bretagne que les États-Unis soupçonnés d’une offensive mul- tiforme en Afrique : ils s’intéressent au pétrole africain, notamment au Coago et au Gabon ; prêtent l’oreille aux opposants de certains régimes francophones ; mettent en doute les résultats des élections présidentielles camerounaise et togolaise ; affichent leur sympathie pour l’Ouganda anglophone, base de départ du FPR rwandais actuel- lement au pouvoir à Kigali

...

Autant d’occasions d’une (( sourde concurrence )) avec Paris (27). Dernière en date, l’affaire du Rwanda a particulièrement marqué les esprits. C’est la première fois qu’en Afrique francophone une force hostile est parvenue au pouvoir. Le 18‘ sommet franco-africajn de Biarritz a été, de ce point de vue, exemplaire : les chefs d’Etat invités appartenaient presque tous au monde africain francophone. Parmi les absences les plus remarquées, on a pu noter celles du Rwanda et de l’Ouganda.

La défense de la zone d’influence francophone s’illustre enfin sur le terrain culturel. F. Mitterrand s’est exprimé très clairement à ce sujet : N II est des domaines non négligeables, un pré carré dont j e revendique, lorsqu’il est empiété, qu’il soit reconquis et rendu à Ia France. Dans ce pré caw4 j e distingue en premier notre langue, notre industrie et notre sécurit4 qui sont autant de fronts oil garder nos &fen- ses sans les quitter des yeux. Que l’une cède et lu citadelle tom- bera )) (28). La francophonie est, de fait, devenue une réelle préoc- cupation du Président qui est à l’origine de l’institution des som- mets de la francophonie en alternance avec les sommets France- Afrique. Le sommet de Maurice, en octobre 1993, a été l’occasion pour les pays francophones de demander <( l’exception culturelle 1) dans les négociations alors en cours au GATT, répondant ainsi à l’appel à la mobilisation contre (( l’hégémonisme culturel )) anglo- saxon lancé par le Président français (29).

L’attitude de méfiance voire de rivalité par rapport aux anglo-

(26) Cité par P. Favier, M. Martin- Roland,, op. cit., p. 349.

(27) Cf. C1. Wauthier, R Afrique : appé- tits américains et compromissions françaises )), Le Monde diplomatique, octobre 1994.

(28) Réflexions stir la politique extérieure

de la Frunce. Introduction à 25 discours (1.981-1985), Paris, Fayard, 1986, p. 14.

(29) S. Smith, (I L’exception culturelle mobilise la francophonie n, Libérarion, 18 octobre 1993.

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(16)

phones est bien une constante dans la vision africaine de F. Mit- terrand. Laissons-lui la parole à 37 ans d’intervalle : (( E n dfrique, l’Angleterre se comporte souvent comme si la dispute stérile de la fiTi du XIXc siècle avait conservé son actualité. Elle envoie encore Kitche- ner à Fachoda pour en chasser Marchand. O n la rencontre à l’origine de nos difficultés togolaises et elle anime la concurrence qui mainte- nant oppose l’Afrique occidentale de fomnation anglaise à l’Afrique occi- dentale de formation française

...

Nous n’avons pas d‘ami oume-mer mais des concurrents subtils et des ennemis opiniâtres B (30). (( (...) Cer- taines campagnes anglo-saxonnes s’inscrivent dans une continuité Ais- torique vieillissante. Ce qui reste du Colonial Office n’a jamais cessé d’adopter à I‘égard de la politique française en Afrique et au Levant une attitude d’extrême méfiance et de conzpétition )> (31).

Le troisième point fme permettant ,d’expliquer la vision afri- caine de F. Mitterrand fait (une fois de plus) la part belle à l’his- toire. Elle s’appuie en partie sur une dimension culturaliste, quel- que peu figée, du continent noir. L‘épisode de l’histoire africaine qu’a contribué à écrire le ministre de la France d’outre-mer du début des années 50 compte assurément beaucoup pour lui.

Alors qu’à son arrivée au ministère, tout est prêt pour répri- mer les nationalistes africains réunis au sein du RDA (Rassemble- ment démocratique africain), F. Mitterrand, suivant les instructions du président du Conseil, R. Pleven, prend contact avec le chef du parti interafricain, F. Houphouët-Boigny. I1 négocie avec lui un pro- tocole prévoyant diverses formes libérales moyennant une déclara- tion d’allégeance à l’Union française. Ce qu’Houphouët accepte.

F. Mitterrand (( institutionnalise )) alors le RDA et fait libérer plu- sieurs de ses membres. En engageant une politique ,de négociation avec ceux qui luttent contre le vieux système colonial, en s’oppo- sant courageusement aux Européens (( profiteurs de l’Union fran- çaise )) (32) et à leurs correspondants à Paris, F. Mitterrand désa- morce les tensions et préserve l’Afrique de la guerre, à quelques années de son émancipation. Ce mérite lui sera généralement reconnu plus tard. Moins que l’exposé détaillé de cet épisode, c’est son appréciation par F. Mitterrand lui-même qui nous intéresse ici.

Lors d’un dîner officiel en 1982, s’adressant à F. Houphouët- Boigny : (( Nous avons vécu ensemble une période que l’on quali- fiera d’historique )) (33). Quelques jours après, en réponse à la ques- tion d’un journaliste ayant trait à son passé : ( ( J e peux mesurer à

(30) P r h m franpke et abandon, G$L cit., (33) (i Discours prononcé par M. François pp. 225 et 227. Mitterrand, président de la République fran- (31) Interview de F. Mitterrand, Le çaise, 1 l’occasion du dîner offert en l’hon- Figaro, 9 septembre 1994. neur de M. le président de la République (32) Cité par F.-O. Giesberg dans Fran- française n, Abidjan, 21 mai 1982, p. 7.

çois Mitterrand ou Ia tentalion de l’Histoire, Paris, S e d , 1977, p. 111.

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(17)

MITTERRAND L’AFRICAIN

travers votre question la formidable histoire qui a été faite et vécue par nous tous, par ceux qui ont mon ige. Ceux qui sont un peu phis jeunes ont naturellement derrière ce passé, cette formidable transfor- mation, cette réussite finale )) (34). A l’entendre, et sans minimiser un comportement souvent exemplaire - notamment lorsqu’il imposa la présence des élus noirs lors de l’inauguration du canal de Vridi en 1951 malgré les protestations et railleries des colons

-,

F. Mit- terrand donne l’impression, trente ans plus tard, de rester furé à maints égards sur l’image de cette époque. Comme si, en raison des services rendus, il se sentait quasiment dédouané pour la suite.

De toute façon, que peut-il advenir après une (( réussite finale )) ? L’arrêt sur image d’un moment où il est auréolé de progressisme ne le conduit-il pas à se parer de la légitimité définitive de l’ancien combattant ?

Cette vision quelque peu figée peut expliquer une attitude de relatif retrait par rapport à la scène contemporaine (on a fait l’essen- tiel, qu’ils se débrouillent pour le reste) et l’accommodation des régimes jugés d’ordinaire peu fréquentables. On a ainsi reproché à F. Mitterrand ses relations avec des dirigeants corrompus ou auto- ritaires (35). Ce à quoi son entourage rétorque en général qu’il faut bien dialoguer avec l’interlocuteur en place et met en avant, de toute façon, la carence des oppositions. On peut ajouter, concer- nant F. Mitterrand, une conception de l’Afrique (I compliquée, fra- gile )), qui lui aurait fait admettre facilement les régimes de parti unique comme autant de péripéties dans la phase délicate de cons- truction des Etats (36), un certain manque d’attention aux affaires internes des États, préférant accorder davantage d’intérêt aux hom- mes (37), mais aussi un authentique compocement anticolonial : ((Je n’ai pas cherché la disparition des chefs de I’Etat, je n’ai pas le réflexe colonial )) (38).

Nous venons de souligner l’importance que F. Mitterrand accorde aux relations humaines. (( Les sentiments jouent un grand rôle )), a-t-il confié à plusieurs reprises à P. Péan (39). En quoi ce

(34) Confërence de presse de M. Fran- çois Mitterrand, président de la République française n, Yamoussoukro, 23 mai 1982, p. 8.

(35) L’ancien président burundais, J.-B.

Bagaza, a pu confesser qu’il n’avait connu que cinq chefs #Etat africains intègres : MM. Kaunda, Mugabe, Museveni, Nyerere et Sankara. Le seul francophone a été assas- siné ... (cf. V. Chesnault, E( Que faire de I’&- que noire ? x, Le Monde, 28 Evrier 1990).

(36) Source : entretien.

(37) Source : entretien.

(381 Cité par M.P. Subtil, U F. Mitter- rand n a pas le sentiment d’un échec en Afri-

que n, Le Monde, 11 novembre 1994. Dans un écrit de 1945, F. Mitterrand fait preuve, à ce sujet, d’une réelle lucidité : (t Sans doute, est-il fort ambitieux de prétendre apporter à &s peuples dits arri2rés ce que l’on persiste à appe-

ler notre civilisation ... On ne donne que ce que l’on a... Les Français adorent l’universel, mais ils ont oublié de demander aux intéressés leur avis. Et pourquoi échangeraient-ils leurs dat- tes et leurs bourricots contre la fumée des usi- nes ? A chacuit son plaisir >> (cité par C. Nay, Le tioir et le rouge, op. cit., p. 182).

(39) P. Péan, Une jeunesse française, Fran- çois Mitterrand 1934-1947, Paris, Fayard,

1994, p. 552.

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