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Les Congolais sous l’emprise des tapages

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Sommaire

Raoul Kienge Kienge : «Les tapages sont à la base du faible rendement des élèves et étudiants congolais»...P. 2

Richard Kubemba : «L’Etat doit s’imposer pour mettre fin aux tapages nocturnes»...P. 3

Sud-Kivu : la maire de Bukavu menace de sanctionner les auteurs de tapage diurne...P. 4

Matadi : les églises respectent la loi, les tenanciers des bars s’entêtent ...P. 4

JDC Journal-école n°11 - Semaine du 26 janvier au 01 février 2009

Les Congolais sous l’emprise des tapages

A Kinshasa, les débits de bois- sons et les églises rivalisent d’ar- deur. Se passant des lois du pays qui interdisent les tapages nocturnes, ils balancent souvent de la musique à haute voix et nuisent ainsi à leurs voisins. Comme dans la capitale, la situation est la même dans certaines villes des provinces (lire reportages ci-dessous et à la page 4).

A

u quartier Kauka, dans la commune de Kalamu, au croisement des ave- nues Mpoko et Victoire, l’église «Mis- sion mondiale» et une terrasse érigée en face se livrent à une compétition à partir de 19 heures. C’est à ce moment précis que démarre le culte, alors que la terrasse accueille ses premiers clients.

Chaque «camp» utilise des baffles pour se faire entendre.

Non loin de là, quatre terrasses et une église de réveil se cotoient. Tous ont comme voisin direct un couvent des sœurs catholiques. «Nous ne savons nous concentrer pour prier à cause des bruits qui proviennent des débits de boisson et de l’église», avoue une reli- gieuse debout devant le couvent.

Les victimes ne sont pas que des religieuses ou des familles voisines.

Même le bourgmestre de la commune de Kalamu est perturbé par des bruits qui proviennent d’une église de réveil implantée derrière son bureau. «Malgré des ultimatums demandant au pasteur responsable et à ses fidèles de vider les lieux, ils continuent à organiser leurs programmes», confesse un agent de la commune qui a requis l’anonymat.

Quartier chaud de Kinshasa, Maton- ge bat le record de débits de boissons.

Sur l’avenue Oshwe, entre le couloir

«Madiakoko» et le rond-point du stade Tata Raphaël, on compte au moins une terrasse dans chaque parcelle. Pour distinguer le son de musique dans ce quartier, il faut avoir une oreille bien ten- due.

«Les étudiants et les élèves sont les premières victimes de ces nuisances sonores», avoue Pascal B., habitant du quartier. «En dépit des plaintes adres- sées aux tenanciers des débits de bois- sons, fait-il remarquer, la situation n’a pas changé».

Les clients des buvettes réclament de la musique à tue-tête Fief des intellectuels depuis l’épo- que coloniale, la commune de Lemba n’échappe pas aux tapages. Les grands carrefours de la municipalité (Terminus, Super Lemba…) sont envahis par des terrasses. «Les clients préfèrent boire dans des buvettes où l’on joue la mu-

sique à tue-tête. Nous sommes obligés de faire leur volonté. Malgré les bruits produits par nos baffles, nous n’avons pas encore reçu des plaintes de la part de nos voisins», explique un gérant d’une terrasse située en face du shop de Vodacom, à Super Lemba.

Pour sa part, Djo K, gérant d’une buvette sur l’avenue By Pass, avoue avoir reçu des plaintes de la part de ses voisins. «Nous faisons la sourde oreille pour satisfaire nos clients», admet-il.

Goma : les églises de réveil dans le collimateur de la population

A

Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, la population se rend justice en s’at- taquant aux églises de réveil accusées de faire du tapage. La nouvelle autorité de la ville étudie encore les pistes de solution avant d’agir.

Perdue au fond du quartier Ma- banga sud, le plus peuplé de la ville, une bicoque en planches, de six mè- tres carrés environs, couverte de tôles, sert de salle de prière. Chaque matin et soir…parfois durant toute la journée, des dizaines d’hommes et de femmes, jeunes et vieux, y viennent pour des séances de prières de guérison et de délivrance. Les chants et les tambours resonnent au-delà du quartier.

Initiative d’un jeune homme d’une vingtaine d’année, cette église n’est pas encore enregistrée à l’adminis- tration. Elle n’a donc pas de recon- naissance officielle, mais fonctionne depuis plus de six mois. «Vraiment, nous en avons assez, je me demande si les autorités prennent conscience de tous ces tapages. Sinon, pourquoi les tolèrent-t-elles ?», se plaint Bizimungu Anny, une habitante du quartier.

L’année dernière, le Maire de la vil- le avait fermé une trentaine d’églises.

Sans aucun document officiel, elles étaient accusées, en outre, de provo- quer des tapages. Parmi elles, plus de la moitié se trouvaient dans le seul quartier Mabanga Sud.

Soutenue pourtant par la majorité des habitants qui se plaignaient auprès des autorités locales, la mesure de la municipalité n’a pas fait long feu.

Moins de deux mois après, les églises fermées avaient toutes rouvert, après des arrangements auprès de l’autorité

municipale de l’époque. «Nous étions surpris de voir ces églises autorisées à fonctionner à nouveau», s’indigne la population.

Déguerpies, lapidées, elles s’installent ailleurs Pour marquer leur mécontente- ment, certains propriétaires des parcel- les n’hésitent pas à déguerpir de chez eux des églises dont les responsables ne veulent pas réduire le temps de ta- page. Ailleurs, ce sont carrément les jeunes des quartiers qui se font justice.

Les églises n’ayant pas accepté de réduire le tapage sont arrosées de jet de pierres, surtout la nuit et le jour des prières.

«Chaque jour, nos tôles et nos planches subissaient des centaines de pierre lancées par la population voisine. Après des mois d’instabilité, l’église a dû déménager dans un autre quartier», explique John Bauma, adep- te de l’église pentecôte de Jérusalem.

Face à la gravité de la situation, «nous avons résolu d’aller ailleurs pour épar- gner nos biens qui étaient devenus la cible de la population», poursuit-il.

En moins de deux ans, attestent des services étatiques, l’on dénombre plus de 300 nouvelles églises dans la seule ville de Goma. Nombre d’entre elles, sont locataires. Le nouveau maire de la ville, qui n’a pas encore pris des mesu- res jusque-là, dit examiner d’abord les différents dossiers des églises avant de décider. En attendant, la population prend son mal en patience, si elle ne se rend pas carrément justice.

Patient NDOOLE MAMBO InterCongo media/Syfia

Kisangani : les Boyomais déplorent les nuisances sonores

A

Kisangani, chef-lieu de la Province- Orientale, bars, églises, boutiques, ateliers…font du bruit à longueur des journées et pendant la nuit. Des Boyo- mais (habitants de la ville) hésitent à dénoncer leurs auteurs et l’autorité ur- baine a du mal à faire respecter ses mesures.

Il est 9 heures du matin. Dans les bureaux d’une coopérative au centre- ville de Kisangani, des agents s’affai- rent à recevoir les clients assis dans la salle d’attente. Juste en face, de l’autre coté de la rue, la musique ve- nant d’une discothèque balaye tout le voisinage. Le même spectacle est per- ceptible quelques avenues plus loin.

Les terrasses et buvettes côtoient les bureaux des services publics et balan- cent déjà la musique l’avant-midi.

Sur l’avenue de l’Assemblée pro- vinciale de Kisangani, les baffles et haut-parleurs d’une église de réveil annoncent le déroulement du culte.

Les cris et les chants arrosent tous les quartiers environnants. «Je ne com- prends pas. Ces gens prient à tout moment. L’horaire de leur culte ne tient pas compte des autres. Ils déran- gent notre quiétude», se plaint Jean Matondo, habitant du quartier.

A Kisangani, malgré plusieurs arrê- tés pris par le maire et lus chaque jour sur les ondes des medias interdisant de jouer de la musique avec un son élevé, les mentalités ne changent pas.

Pire, dans certaines situations, les clients obligent les barmen à hausser les volumes de la musique. Les égli- ses, elles, avec le volume élevé de leur sonorisation, contraignent leur en- tourage à écouter leurs prédications.

Personne ne veut saisir la justice Nombre de ces églises opèrent sous des hangars mal couverts, ce qui laisse étendre leurs chants et prières plus loin que prévu, de jour comme de nuit. «Pourquoi ne régleraient-elles pas le volume de leur musique comme le fait l’Eglise catholique ?», s’interroge Jean Matondo, un habitant.

Pour l’association des Eglises du réveil, des efforts sont déjà entrepris pour changer. D’ailleurs, «les chré-

tiens chantent et prient pour le pays et tant d’autres choses», affirme l’apôtre Richard Kakoma, vice-président de l’association. «Depuis l’instruction du ministère de la justice, commente-t-il, nous avons entamé une campagne de conscientisation auprès des égli- ses pour réglementer la sonorisation.

Mais, tout le monde ne respecte pas encore le calme des voisins. Voilà pourquoi nous continuons à sensibili- ser nos collègues ».

Les habitants vivant à proximité de la mosquée centrale de Kisangani se plaignent, eux-aussi, des bruits. Dès 4 heure du matin, ils sont réveillés de leur sommeil par l’appel à la prière lan- cé par des muezzins du haut du mina- ret à l’aide de puissants haut-parleurs qui portent très loin.

Mais les églises ne sont pas les seules responsables de cette situa- tion. Les boutiques et magasins, les cabines téléphoniques, les ateliers, les terrasses, les menuiseries instal- lées en plein centre-ville, les rizeries…

participent aussi au brouhaha à Kisan- gani.

Nuisances sonores

Face à cette situation, des Boyo- mais se plaignent de nuisances so- nores qui les empêchent de dormir ou de travailler tranquillement. «Chaque jour, nous attendons minuit pour dor- mir enfin. C’est à cette heure là que les vacarmes tombent», explique, inquiet, Carlos Moto, un élève habitant près d’une buvette.

Cependant, pour diverses raisons les habitants hésitent à saisir la jus- tice. Socialement, beaucoup évoquent la peur d’être considérés comme anti- christ dans une ville à majorité chré- tienne ou d’être taxés de jaloux par les tenanciers des bars.

L’autorité est appelée à faire appli- quer la loi. «Elle prend des mesures, mais sans suite, se désole Jean Ma- tondo, un habitant de Kisangani. Les rares agents qu’elle envoie faire le suivi des mesures se limitent à prodi- guer des conseils ou à négocier des services s’il y a infraction».

Pépé MIKWA

InterCongo media/Syfia Dans les communes de Masina, N’Djili et Kimbanseke, le nombre des terrasses et des églises de réveil n’étonne plus personne. Au quartier III, dans la commune de Masina, certaines églises sont séparées par des murs mi- toyens. «Ici, on ne peut pas dépasser deux parcelles sans retrouver une égli- se», renseigne Regain Kosso, habitant du quartier.

Tout en sachant que les tapages nocturnes sont interdits, la plupart des églises de réveil organisent leurs cultes dans la soirée ou plus tard. Evangéliste à l’église «Piscine de Siloé», antenne de Kingasani ya suka, José E., s’expli- que : «Si nous prions plus la nuit que la journée, c’est parce que notre ennemi, Satan, est actif la nuit. Nous profitons de ce moment, pendant qu’il opère, pour contrecarrer ses actions. Ceux qui affirment que nous perturbons leur sommeil ne comprennent pas la gran- deur de Dieu et les œuvres de Satan».

Jean-René TSHIAMA, Guy ELONGO et Mariette NGELEKWA

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JDC Journal-école n°11 - Semaine du 26 janvier au 01 février 2009

Journal du Citoyen

et 5 heures. Il leur a demandé de se conformer à la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 relative à l’exer- cice de la liberté de religion en Ré- publique Démocratique du Congo.

Respect de la loi

En signant cet arrêté, le ministre de la Justice a affirmé qu’il allait en guerre contre un certain désordre qui a pris racine dans la pratique de la religion en RDC. «Laquelle prati- que, a-t-il soutenu, laisse apparaî- tre un déséquilibre entre les droits et les obligations des associations religieuses». Pour lui, «certaines associations religieuses privilégient la manifestation de la religion, mais se soucient très peu de l’obligation qui leur incombent de respecter la loi et les droits d’autrui».

Pour ce faire, le ministre de la Justice s’est appuyé sur l’article 22 de la Constitution qui stipule Au mois de juillet 2007, Geor-

ges Minsay, alors ministre de la Justice et Garde des Sceaux du gouvernement Gizenga, signait un arrêté portant interdiction des tapages nocturnes et diurnes à Kinshasa et sur le reste du ter- ritoire congolais. L’objectif était probablement de renforcer les sanctions prévues par le Codé pénal. De quoi s’agit-il concrète- ment ?

D

es responsables des confes- sions religieuses et les tenan- ciers des débits de boisson étaient les principales cibles du ministre de la Justice. Au cours d’une réunion de concertation avec les respon- sables des églises de réveil et in- dépendantes, le ministre Georges Minsay a informé ses interlocuteurs qu’il leur était interdit de faire des tapages nocturnes entre 22 heures

Code pénal congolais : voici les sanctions prévues contre les auteurs de tapage nocturne

que «toute personne a le droit de manifester sa religion ou ses con- victions, seule ou en groupe, tant en public qu’en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques, l’ac- complissement des rites et l’état de vie religieuse, sous réserve de respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui».

L’arrêté rappelle aussi à l’or- dre les tenanciers des débits de boisson. Ces derniers s’illustrent dans l’utilisation des appareils de sonorisation et autres instruments qui perturbent le repos des popula- tions environnantes.

Des sanctions

Les pénalités prévues contre la pollution sonore sont inscrites dans l’ordonnance du 16 septembre 1925, modifiée le 28 mars 1942.

«Sera puni d’une amende de 10

A l’affiche

2

à 200 zaïres, quiconque se sera rendu coupable de bruits et tapa- ges nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants», ren- seigne l’article 1er du Code pénal congolais, section XXI, relative au tapage nocturne. Le montant n’est pas jusque-là réadapté en franc congolais.

«En cas de récidive dans l’an- née qui suit une condamnation encourue en vertu des présentes dispositions, ajoute l’article 2, l’in- fraction sera punie d’une servitude pénale de deux mois au maximum et d’une amende qui ne dépassera pas 2.000 zaïres ou d’une de ces peines seulement».

D’après l’article 2 bis, «les in- fractions à la présente ordonnance peuvent être jugées par les juridic- tions coutumières dans les limites de leurs compétences».

Nana LISOMA

de réveil : ils chantent, jouent au tambour la nuit sous prétexte de louer Dieu ou d’exercer leur droit à la liberté religieuse. Il y a aussi les exploitants des bars. Les bruits produits par des jeunes qui jouent ou qui chantent peuvent aussi fai- re l’objet d’une action judiciaire.

Les milieux universitaires et scolaires sont-ils aussi victi- mes de ces tapages?

Cela est d’ailleurs à la base du faible rendement académique et scolaire de nos étudiants et élè- ves. Comment voulez-vous qu’un enfant qui étudie à côté d’un bar où l’on joue constamment de la musique le soir puisse assimiler convenablement ses cours ? Si cet enfant n’est pas bien préparé à servir la société, qu’est-ce que nous sommes en train de faire ? Qui va gouverner ce pays dans dix ans, dans vingt ans, si les enfants ne savent pas se préparer correc- tement en étudiant dans des con- ditions de sérénité nécessaire? Il y a là un enjeu qui doit attirer l’at- tention des pouvoirs publics pour prendre au sérieux la question du tapage nocturne.

Que suggérez-vous pour mettre un terme à la recrudescence des tapages au Congo ?

Je commence par la pire des solutions : il faut dépénaliser le tapage nocturne. Mais, faut-il supprimer ces infractions puisque la loi n’est pas appliquée ? Je ne suis pas de cet avis, parce que cela pourrait causer des troubles dans la société. On serait aussi tenté de dire que, puisqu’il y a une loi qui a prévue des sanctions et qu’elle s’en passerait, alors on peut modifier cette loi pour prévoir des sanctions plus sévères qui s’adapteraient aux circonstances actuelles. L’âme de la loi, c’est le sens de justice que les citoyens possèdent.

Interview réalisée par Alidha NZUZI

Raoul Kienge Kienge : «Les tapages sont à la base du faible rendement des élèves et étudiants congolais»

Les tapages diurnes et noc- turnes prennent de plus en plus de l’ampleur en RDC. Pro- fesseur et secrétaire acadé- mique à la faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, Raoul Kienge Kienge soutient que la réglementation en la matière est nécessaire pour résoudre ce problème tant social qu’éco- nomique, mais aussi de santé publique. Avocat au barreau de Kinshasa, il estime qu’il est ur- gent de réagir.

En quoi consistent concrète- ment les tapages ?

Ce sont des bruits de toute nature susceptibles de troubler la tranquillité des habitants : tam- tam, musique jouée pendant que les voisins dorment... Le texte qui qualifie ces bruits de tapage n’a jamais été abrogé. Aujourd’hui, on peut donc poursuivre ceux qui produisent ces bruits. Le parquet peut se saisir d’eux, les poursui- vre et les présenter devant les cours et tribunaux qui, selon leur compétence, vont prononcer les peines prévues.

Pouvez-vous nous éclairer sur la réglementation en la matiè- re?Bien sûr. Une réglementation existe à ce sujet : l’ordonnance du 16 septembre 1925, modifiée le 28 mars 1942, interdit le tapa- ge. Ce texte ne parle pas de ta- page diurne. Il ne réprime que le tapage nocturne. Ce texte prévoit que tout celui qui sera coupable des bruits et de tapage nocturne de nature à troubler la tranquil- lité des habitants peut être puni de peine d’amende. Une peine d’emprisonnement de deux mois au maximum est prévue en cas de récidive. Aujourd’hui toutefois, plusieurs compatriotes se plai- gnent de tapages nocturnes, mais personne ne saisit les autorités judiciaires compétentes.

Que prévoit la loi pour sanction- ner les auteurs des tapages?

Il y a des sanctions qui sont prévues pour le tapage noctur- ne dans l’ancienne formulation.

La mise à jour de 1983 de notre Code pénal a prévu des amendes allant de 10 à 200 Zaïres. Actuel- lement, elles doivent être réajus- tées par le tribunal qui prononce la peine. En cas de récidive dans l’année qui suit la condamnation de la peine d’amende, le tribunal peut demander l’emprisonnement qui ne devra pas dépasser deux mois. Ce n’est que l’aspect pénal du tapage nocturne, mais il y a aussi un aspect civil. C’est celui de la responsabilité civile. Ici, il s’agit du bruit produit la journée ou la nuit. S’il y a un voisin ou un habitant qui subit un quelconque préjudice du fait de ce bruit, il a le droit d’aller devant le tribunal pour introduire une action en justice devant un juge civil contre cette personne en vertu de l’article 258

«L’article 258 du Code civil prévoit des sanctions contre les auteurs des tapages nocturnes», indique le professeur Raoul Kienge Kienge de l’Unikin.

(Photo JDC)

du Code civil. Le producteur du bruit peut être assigné en justice devant le juge civil et peut être condamné dans ce cas-là uni- quement. Le payement des dom- mages et intérêts dépendront de l’importance du préjudice. Ce der- nier peut être d’ordre sanitaire, du fait qu’on ait pas le temps de se reposer suffisamment et que l’on soit hypertendu, par exemple. Si on arrive à établir le lien de cau- salité entre le bruit qu’on a subi et la maladie que l’on a développée, le juge peut valablement condam- ner le producteur du bruit à des dommages et intérêts en faveur de la victime.

Qui, d’après vous, sont les prin- cipaux auteurs de ces bruits ?

Les travaux que nous avons dirigés l’année passée à l’Uni- versité de Kinshasa sur le tapage nocturne ont démontré que les grands producteurs des bruits sont les responsables des églises

Focus

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JDC Journal-école n°11 - Semaine du 26 janvier au 01 février 2009

Journal du Citoyen

nous ne pouvons pas organiser des cultes pendant la journée, parce qu’à ce moment-là, la plupart de nos fidèles sont à leurs lieux de tra- vail. En plus, c’est difficile de nous demander de n’organiser les cul- tes que le dimanche. Ce sera une décision dure pour nous. Parce qu’elle va en l’encontre de la Bible qui nous demande de prier chaque jour. Aussi, les autorités devraient comprendre qu’à travers nos priè- res quotidiennes, nous contribuons au maintien de la paix dans notre pays. Tous ces compatriotes qui ne travaillent pas ou qui sont impayés vont se consoler dans leurs églises respectives. Il faut dire que bon nombre de mes collègues pasteurs et moi-même étions un peu étonnés par ce texte.

Que suggérez-vous pour mettre un terme aux tapages diurne et nocturne ?

Pour atteindre cet objectif à Kins- hasa, je crois qu’il faut fermer tous les débits de boissons qui diffusent de la musique la journée et la nuit. Il y a aussi ces véhicules qui font des bruits assourdissants. La seule so- lution dans ce dossier ne peut venir que du côté de l’Etat. Celui-ci doit s’imposer, en utilisant les instru- ments juridiques en sa possession, pour mettre fin aux tapages diurne et nocturne.

Interview réalisée par Bybysh LUBUYA

Que faire pour arrêter les tapages diurne et nocturne ? Richard Kubemba : «L’Etat doit s’imposer

pour mettre fin aux tapages nocturnes»

Pasteur de l’église charismati- que Emmanuel, située au quartier Debonhomme, dans la commune de Matete, Richard Kubemba est préoccupé par le problème des tapages nocturnes à Kinshasa. A la tête de ce mouvement de prière créé en 1982, avant sa mutation en ministère en 1990, il interpelle aujourd’hui l’Etat pour résoudre ce problème.

Comment se présente les horai- res des cultes au niveau de votre église ?

Nous organisons nos cultes le mardi et le jeudi entre 17 heures et 19 heures. Le dimanche, nous tenons un culte d’adoration de 08 heures 30’ à 12 heures. D’autres activités sont organisées le lundi et le mercredi (intercession et dé- livrance).

Avez-vous déjà été victime de ta- pages diurne et nocturne ?

Oui. Nous sommes dérangés par des bruits des véhicules. Située sur le boulevard Lumumba (non loin du pont Matete), notre église est grande. Lorsque tous les fidè- les prient ou chantent, des bruits se font entendre dans le temple.

Comment org anisez-vous vos veillées de prière pour éviter le

tapage nocturne ?

Pendant les veillées nocturnes, nous n’utilisons pas des baffles pour ne pas déranger nos voisins.

Car il faut respecter le sommeil des autres. Nous avons, à ce propos, déjà reçu des plaintes de la part de certains de nos voisins. Ils ne nous ont pas menacés. Ils sont juste ve- nus nous demander de diminuer le volume de la musique. Pour répon-

Micro baladeur

Libre expression

A coeur ouvert

«C’est un problème de mentalité»

Les propriétaires des terrasses, bars et églises doivent prendre cons- cience qu’autour d’eux, il existe des habitations, des écoles, des bureaux, des hôpitaux... Par conséquent, ils doivent prendre des précautions pour ne pas déranger les autres. C’est un problème de mentalité. Je proposerai aux tenanciers des débits de boissons

outre, user de leurs prérogatives léga- les pour faire cesser les tapages

«Les autorités doivent prendre des mesures qui s’imposent»

Au mois de juillet 2007, le ministre de la Justice et Garde des Sceaux avait signé un arrêté interdissant les tapages diurne et nocturne. Une année et six mois après, la situation est restée la même. Que faut-il faire alors pour mettre un terme aux ta- pages dans la capitale congolaise?

Réactions des Kinois.

Pour le pasteur Richard Kubemba, les églises contribuent au maintien de la paix en organisant des prières en pleine nuit et dans la journée.

(Photo JDC)

3

Je crois qu’il est un peu difficile d’y remédier, parce que cette culture ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonte à plusieurs années. Le vrai problème demeure le grand nombre de terrasses à travers la ville de Kinshasa. Même si leur présence provoque des désagré- ments, certains jeunes passent le clair de leur temps à écouter la musique qu’elles diffusent ou à s’attabler pour boire au lieu de s’adonner à des acti- vités saines. Pourtant, ces bruits sont nocifs. Les autorités communales, ur- baines et nationales devraient prendre des mesures qui s’imposent pour met- tre fin aux tapages 

«Il faut sensibiliser la population sur les méfaits des tapages»

Il faut d’abord sensibiliser la popu- lation sur les méfaits des tapages. En effet, les personnes vivant aux alen- tours des églises, des terrasses, des lieux de deuil ou de fête trouvent dif- ficilement le sommeil. Il faudrait donc attirer l’attention notamment des res- ponsables des églises, des propriétai- res des terrasses à propos du malaise qu’ils suscitent chez leurs voisins en les indisposant par les bruits que pro- voquent leurs activités. Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent appliquer les dispositions légales relatives au tapage. La loi doit être respectée par tous 

Propos recueillis à Kinshasa par Clarisse SANA de jouer la musique pour satisfaire uni-

quement leurs clients. Quant aux res- ponsables des églises, surtout celles dites de réveil, je leur rappellerai que la prière nécessite le calme, car il s’agit de dialoguer avec Dieu

«Les bourgmestres doivent dialo- guer avec les auteurs des tapages»

Cette question relève de la com- pétence des autorités civiles. Il faut, par exemple, que les bourgmestres des communes dialoguent avec les auteurs des tapages et leur démon- trent que ces bruits déconcentrent les personnes qui travaillent, les malades qui ont besoin du repos, les élèves qui suivent les cours, les étudiants qui ont besoin du calme pour bien étudier. Les responsables communaux doivent, en

Aurélie Kingudi , 25 ans, étudiante, Gombe Albert Mukendi,

directeur d’école, Kintambo

Jeanne Ngiay, 53 ans, membre d’une ONG, Ngaba

Papy Konde, 28 ans, financier, Ngaliema

dre à leurs plaintes, nous sommes allés au-delà de leur demande en organisant des veillées sans utiliser des baffles. Certes, nous savons que c’est la nuit que les gens se re- posent, mais la Bible nous deman- de de veiller et de prier pendant toute la nuit.

Que savez-vous de l’arrêté minis- tériel signé en 2007 interdisant les tapages diurne et nocturne?

Presque tous les pasteurs de Kinshasa en sont informés. Mais,

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JDC Journal-école n°11 - Semaine du 26 janvier au 01 février 2009

Journal du Citoyen

A Matadi, chef-lieu de la pro- vince du Bas-Congo, si la crain- te de la sanction a poussé les églises à réduire les nuisances sonores, les tenanciers de bars, eux, traînent les pieds et conti- nuent à jouer très fort la musique malgré les mesures de la mairie.

I

l est 23 heures. Tout est calme à Kitomesa, un des quartiers de la commune populeuse de Nzanza, à Matadi. Avant, on ne pouvait pas observer un silence de ce genre à pareilles heures. C’est devenu une réalité depuis qu’au mois de juin 2008, Jean-Marc Nzeyidio, le mai- re de la ville, a pris une circulaire recommandant aux responsables des églises et aux tenanciers des bars de baisser le volume de leur musique pour éviter de déranger le sommeil des autres.

Lue tous les jours dans les médias de la ville, cette circulaire invite la population à dénoncer auprès de l’autorité la plus proche toute personne qui entretiendrait ou causerait des tapages noctur- nes ou diurnes. Pour faire respec- ter cette mesure, la circulaire est assortie des sanctions. «Sera puni d’une amende de 10 Fc à 20 Fc, quiconque se sera rendu coupa- ble de bruit et tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité

des habitants», rappelle-t-on. La décision de l’autorité s’appuie sur une ordonnance très ancienne datant de l’époque coloniale prise pour protéger les citoyens contre les nuisances sonores. L’une des clauses de cette ordonnance dis- suade les auteurs des tapages :

«En cas de récidive dans l’année qui suit une condamnation encou- rue..., l’infraction (NDLR : des ta- pages) sera punie d’une servitude pénale de deux mois au maximum et d’une amende qui ne dépassera pas 2000 Fc ou d’une de ces pei- nes seulement».

Les victimes se plaignent Parmi les catégories des per- sonnes ou groupes visés principa-

Matadi : les églises respectent la loi, les tenanciers des bars s’entêtent

lement par la mesure de la maire de Matadi, viennent en tête les tenanciers des bars et les respon- sables des églises de réveil. Si ces derniers se sont mis au pas et s’efforcent à respecter les prescrits de la loi, les bars eux, continuent à jouer la musique à tue-tête. «Nous ne pouvions pas être en marge de la loi. Voilà pourquoi depuis la mesure du maire de la ville, nous évoluons de sorte à respecter la quiétude des autres», fait savoir Damien Lukoki, pasteur de l’œuvre missionnaire pour l’évangélisation du monde (Omem). Il explique que son église, située à côté d’un com- plexe scolaire au quartier Coca, ne démarre ses cultes qu’à 17h30, après la fermeture des classes.

«Les églises de réveil sont res- pectueuses de la circulaire du mai- re, se targue le pasteur Néhémie, pointant un doigt accusateur vers les gérants des bistrots. Ce sont les bars, au contraire, qui conti- nuent de s’illustrer dans des pollu- tions sonores».

A Matadi, le soleil se lève, en ef- fet, avec les bruits de la musique.

Dès les petites heures du matin, la ville est enveloppée par un vacar- me infernal des bars. «Je ne pense pas que ce soit vraiment du bruit ce que nous faisons. La population s’est déjà habitué à cela», déclare, sérieux, le tenancier d’un bar au centre-ville.

La décision de la mairie, pour- tant lue quotidiennement à la radio, a du mal à être suivie des faits. La police se plaint de ne pas avoir le soutien qu’elle désire auprès des autorités politico-administratives dont certaines, propriétaires des bars aussi, semblent être juges et parties. «Il nous est difficile de bien travailler sans leur appui», se plaint un policier à Matadi.

Malgré le trafic d’influence dé- crié par la population, quelques victimes sont parvenues à ester en justice et à avoir gain de cause.

Docteur Celé Lubenzo, a ainsi por- té plainte contre le tenancier d’un bar qui provoquait trop de bruits dans son quartier. Il a obtenu que son voisin ne joue plus la musique à tue-tête. «C’est grâce au Procu- reur que l’action a abouti», affirme- t-il. Alphonse NEKWA MAKALA InterCongo media/Syfia

Congo profond

4

Bas-Congo

Pigistes (provinces)

Correspondants de Syfia/InterCongo média et de Panos Paris

Dessin Patou BOMENGA Lay-out et mise en page

ASIMBA BATHY Diffusion Jean KIALA Fabrice RUGAMIKA Hebdomadaire indépendant

d’éducation civique 1er niveau, Immeuble SOMIP

Avenue du Commerce n°34 Kinshasa/Gombe e-mail : journalducitoyen@yahoo.fr

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A

Bukavu, les tapages pertur- bent la vie des citadins tant la journée que la nuit. Excédée, la maire de la ville, Zita Kavun- girwa, menace de frapper les auteurs de cette nuisance quoti- dienne. Mais la pollution sonore a la peau dure.

Dans cette ville, il est difficile de se promener dans les rues sans que ne survienne un bruit gênant : musique à tue-tête ba- lancée par des débits de boissons concurrents, bruits des camions de gros tonnage en provenance du Kenya, de l’Ouganda ou de la Tanzanie, des coups de mar- teaux intempestifs, sonorités as- sourdissantes émanant des ate- liers de soudure installés le long des artères…

Le tapage diurne existe. Il est le lot quotidien des habitants qui s’en plaignent. «La commune d’Ibanda, où il faisait jadis beau vivre, est devenue un endroit invivable à cause des bruits», regrette Julienne Mushagalusa, responsable de l’Association des femmes juristes congolais.

Pour assurer la tranquillité de ses concitoyens, la maire de la ville, Zita Kavungirwa, menaçant de sanctionner les récalcitrants, a rappelé, lors de la réunion du conseil de sécurité du 20 janvier

La maire de Bukavu menace de sanctionner les auteurs de tapage diurne

2008, l’arrêté pris par son prédé- cesseur, Prosper Mushobekwa.

Ce texte limitait les bruits. «Nous allons sévir et faire appliquer la loi», a tranché Zita Kavungirwa.

Les menaces de l’autorité ur- baine ne semblent émouvoir per- sonne. Au rond-point Nyawera, à la place dite Sinelac et la place Mulamba, des prêches relayées par de puissants baffles bou- chent les oreilles des voisins.

Pareil au quartier Essence, à la place Major Vangu, où les bruits provenant d’appareils hi-fi qu’uti- lisent les débits de boissons sont tout aussi agressifs.

Dans la commune mère de Kadutu, dès 8 heures, à la place dite chez «Kibongé», les coups de marteaux des tôliers qui fa- briquent des braseros, des cas- seroles, et autres bassins mé- talliques à partir des couvercles des fûts fusent et empoisonnent l’atmosphère.

Ignorance de la loi

Ici et là, la population ne croit plus que les autorités réussi- ront à limiter ces bruits gênants.

«On a trop attendu sans que les sanctions suivent. Ces différents bars sont les leurs», fulmine un habitant, voisin d’un grand bar bruyant au quartier Nyamugo.

Tout porte à croire que les auteurs de ces bruits excessifs n’ont pas conscience de violer la loi. «Qu’avons-nous fait de mal en cherchant à égayer la popula- tion qui est déjà noyée dans des soucis interminables?», s’exprime Balola, propriétaire d’un kiosque où il vend des disques compacts.

Pour attirer la clientèle, Balola joue à fond la musique, visible- ment sans souci pour ses voisins.

«Il ne s’agit plus seulement de dif- fuser les nouveautés musicales, mais également de dominer son concurrent en décibels déversés dans le coin», constate Mungu Akonkwa, responsable des jeu- nes dans ce quartier.

«Qu’on commence à nous donner autre chose à faire avant de nous interdire nos activités», rétorque Aristide Balaga à qui on a tenté de faire comprendre que la loi punit les auteurs des tapa- ges diurne et nocturne.

Curieusement, tous s’en plai- gnent, mais presque personne n’a encore saisi la justice. Ce qui fait dire à Crispin Matabaro, étudiant à l’Université Officielle de Bukavu, que «nul n’est censé ignorer la loi est un slogan creux.

Car,à Bukavu rares sont ceux qui connaissent les prescrits de la loi en matière de tapages nocturne et diurne».

Baudry ALUMA InterCongo media/Syfia

Sud-Kivu

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