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RDC/RSA Année 2016 n° 4

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le dimanche 10 avril 2016

Année 2016 n° 4

Numéro Spécial

RDC/RSA

« Panama Papers », Diamant et Pétrole

Les « Panama Papers » en trois points

1. 109 rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.

2. Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.

3. Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.

Principales sources consultées : « Panama Papers »: des responsables africains cités dans le scandale des paradis fiscaux » Vincent Duhem – Jeune Afrique - 04 avril 2016 ; « RDC : scandale des Panama Papers, le clan Kabila éclaboussé » Adrien Seyes - AfrikNews - mercredi 6 avril 2016; « Panama papers » : Dan Gertler, roi de la RDC et de l’offshore » Joan Tilouine - LE MONDE -07.04.2016 : « Jacob Zuma échappe à la destitution après un débat houleux » RFI 05-04-2016 ; « Nkosazana Dlamini-Zuma pour succéder à Jacob Zuma ? » REUTERS/Tiksa Negeri le 08-04-2016

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Année 2016 n° 4 Numéro Spécial

RDC/RSA

Sommaire

Sommaire…. Page 1

Des responsables africains dans le scandale des paradis fiscaux et du blanchiment d’argent sale… page 2

Congolese connexion … page 5

Afrique du Sud : les Zuma sur le gril … page 8

Dan Gertler, l’homme dont l’argent est trop sale, même pour les paradis fiscaux…

page 12

Conclusion…. page 21 Dessin …. page 22

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Aux îles Vierges…

Des responsables africains dans le scandale des paradis fiscaux et du blanchiment d’argent sale

« La plus grande fuite de l’histoire du journalisme vient de voir le jour, et elle concerne la corruption », a commenté Edward Snowden, principal lanceur d’alerte sur les activités du renseignement américain.

Une enquête planétaire réalisée par une centaine de journaux sur 11,5 millions de documents a révélé des avoirs dans les paradis fiscaux de 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan. Plusieurs responsables africains sont cités, directement ou indirectement.

Soit dit en passant, il y a une délicieuse pudeur européocentrique dans le fait que nos médias, pour parler des Iles Caïman, de Jersey, des Iles Vierges britanniques et de tous ces endroits connus pour abriter l’argent sale sous toutes ses formes, usent de préférence de l’appellation « paradis fiscaux ». Cela tient sans doute au fait que lorsqu’on en parle en Europe, c’est le plus souvent, en effet, à propos de fraude fiscale, activité pour laquelle l’opinion publique a souvent au moins une demi-indulgence. Cela doit tenir aussi à l’illusion que le fraudeur fiscal ne serait pas « vraiment » un criminel « comme les autres », mais un

« respectable homme d’affaires » qui essaie simplement de mettre son épargne à l’abri de la

« rage taxatoire » d’un fisc « vorace ». Par la même occasion, on oublie de se poser des questions parfaitement raisonnables à propos de la nature exacte des activités « économiques » d’’où ces fonds proviennent… Soyons clairs : ces endroits paradisiaques sont tout simplement des « lessiveuses à argent sale » et dans cette saleté, le sang voisine largement avec la boue. La misère tue. Contribuer, même par la simple fraude fiscale, à la misère du monde, c’est tuer…

Les médias regroupés au sein du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dévoilent depuis dimanche 3 avril le résultat d’une enquête de neuf mois. Intitulée

« Panama Papers », elle rend publique l’identité des clients de Mossack Fonseca, une firme panaméenne chargée de créer et domicilier des sociétés basées dans des paradis fiscaux. Ces données proviennent des archives de ce cabinet d’avocats entre 1977 et 2015.

Plus de 214 000 entités offshore sont impliquées dans les opérations financières dans plus de 200 pays et territoires à travers le monde, selon le consortium. Le recours aux sociétés offshore, outils privilégiés de l’évasion fiscale, est une pratique autorisée dans la plupart des pays du monde.

Parmi les personnalités mentionnées dans les millions de documents figurent notamment des associés du président russe Vladimir Poutine, qui auraient détourné jusqu’à 2 milliards de dollars avec l’aide de banques et de sociétés écran, selon l’ICIJ. Le roi d’Arabie Saoudite, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, le président des Émirats arabes unis et émir d’Abou Dabi, Cheikh Khalifa ben Zayed Al Nahyane, l’ancien émir du Qatar, Cheikh Hamad ben Khalifa al- Thani, ainsi que des cousins du président syrien Bachar Al-Assad sont également mentionnés.

Le monde du football, déjà ébranlé ces derniers mois par plusieurs scandales touchant les dirigeants de la Fifa, n’est pas épargné : quatre des 16 dirigeants de la fédération internationale

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auraient ainsi utilisé des sociétés offshore créées par Mossack Fonseca. Les documents du cabinet d’avocats font aussi apparaître les noms d’une vingtaine de joueurs vedettes, évoluant notamment à Barcelone, au Real Madrid ou encore à Manchester United. Parmi eux, le multiple ballon d’or Lionel Messi.

Aucun chef d’État africain en exercice

Des responsables africains sont également cités, même si aucun chef d’État en exercice ne l’est personnellement. Seul l’ancien président soudanais, Amad Ali al-Mirghani, décédé en 2008, détenait des avoirs dans un paradis fiscal.

Des proches de président en exercice le sont en revanche. Parmi eux, on compte Clive Khulubuse Zuma, le neveu du président sud-africain Jacob Zuma, Mamadie Touré, la 4e épouse de l’ancien chef de l’État guinéen Lansana Conté (qui est déjà abondamment citée dans une affaire de corruption minière dans le Simandou), Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi du Maroc, Alaa Moubarak, le fils aîné de l’ancien président égyptien, mais aussi John Addo Kufuor, le fils aîné de l’ancien président ghanéen John Kufuour. Enfin, le banquier ivoirien Jean-Claude N’Da Ametchi, ancien proche du président Laurent Gbagbo et aujourd’hui proche de Charles Konan Banny, détient, selon les documents du ICIJ, des actifs dans une société offshore et un compte à Monaco.

Parmi les responsables politiques africains mentionnés figurent Jaynet Désirée Kabila Kyungu (députée et sœur jumelle du président de la RDC, Joseph Kabila), Abdeslam Bouchouareb (député et ministre algérien de l’Industrie et des Mines), José Maria Botelho de Vasconcelos (ministre angolais du Pétrole), Kalpana Rawal (vice-présidente de la Cour suprême du Kenya), Bruno Jean-Richard Itoua (ancien ministre de l’Energie et de l’Hydraulique et actuel ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technique du Congo-Brazzaville), le général de brigade Emmanuel Ndahiro (directeur de l’agence rwandaise de renseignement de 2004 à 2011), et le Sénégalais Pape Mamadou Pouye. Arrêté en avril 2013 avec Karim Wade, il a été condamné à cinq ans pour complicité d’enrichissement illégal.

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Congolese connexion

La RDC n’est donc pas épargnée, ce qui, sans trahir un secret, n’étonnera sans doute que fort peu de gens !

Au centre du scandale, Jaynet Kabila, la sœur jumelle du chef de l’Etat, Joseph Kabila1, soupçonnée de détenir des participations

dans plusieurs sociétés offshore domiciliées dans des paradis fiscaux. A Kinshasa, comme dans le reste du pays, nombreux sont ceux à réclamer des comptes « au clan Kabila », soupçonné de s’être enrichi sur le dos de l’Etat.

Le clan Kabila éclaboussé

Jaynet Kabila (photo) possède indirectement une partie du capital de la filiale congolaise de la société Vodacom, l’un des principaux opérateurs de téléphonie au Congo, ce qui lui aurait permis d’accumuler une fortune colossale, selon l’agence de presse Bloomberg.

1Il s’agit ici de leurs identités et fonctions officielles reconnues, sans tenir compte des polémiques incessantes sur les limites exactes de la progéniture de feu LD Kabila, ni du fait que tant la « députée » que son « Président » de frère ne doivent ces titres qu’à des tripotages et intimidations succédant à des élections nulles. En effet, les élections de novembre-décembre 2011 ont donné des résultats qu'une personne avisée, réfléchie, d’esprit libre et critique devrait considérer comme nuls, donc sans gagnant. La suite aurait dû être l'annulation pure et simple, des enquêtes sérieuses pour déterminer les causes et origines des irrégularités, qu’on punisse les responsables, qu’on les écarte définitivement de toute responsabilité électorale et qu’on en tire les conséquences quant aux futures élections. Il aurait dû y avoir une protestation générale des démocrates de tous les partis, car un démocrate ne saurait accepter que son candidat gagne par la fraude, la corruption et le mensonge. Au lieu de quoi on n’a assisté qu’à des élucubrations pour défendre la victoire « officielle » de JKK, et à d’autres élucubrations pour défendre celle, tout aussi hypothétique, de Tshisekedi.

Les élections de 2011 avaient été organisées, tout comme celles de 2006, en faisant voter un « corps électoral inconnu », faute de recensement préalable de la population. Ce fait à lui seul suffirait à en « plomber » gravement la crédibilité. Elles ont, par-dessus le marché, été entachées de fraudes et de manipulations à un point tel qu’elles ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais publié les résultats partiels constatés par ses observateurs malgré cette déclaration du Cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa : « Les résultats publiés ne sont conformes ni à la justice ni à la vérité “. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à jamais inconnus. C’est d’autant plus certain que la CENI a fait incinérer tous les documents relatifs aux élections de 2006 et 2013 en octobre 2014, soit, en ce qui concerne les plus récents, après un délai de trois ans seulement, anormalement court pour ce genre d’affaires. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli. En d’autres termes, il y a en RDC un Président, des ministres, des autorités DE FAIT. Il n’y en a plus aucune qui puisse légitimement se dire « autorité de droit ». Le fait que Malumalu, aujourd’hui démissionnaire, principal responsable de cette absurdité d’élections sans recensement préalable de la population, ait été remis un temps à la Présidence de la CENI, était une promesse de beaux jours pour les fraudeurs !

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Elue députée en 2011, elle serait en effet propriétaire de la moitié des parts sociales d’une société dénommée Keratsu Holding Limited qui, selon l’enquête, a été immatriculée à Niue, une petite île du Pacifique, le 19 juin 2001, quelques mois seulement après l’entrée en fonction de son frère au poste de Président du Congo-Kinshasa. Cette société détient indirectement 19,6

% du capital de Vodacom Congo, selon des documents datant de décembre 2011 auxquels Bloomberg a eu accès. « Jaynet Désirée Kabila Kyungu en a été co-administratrice aux côtés de l’homme d’affaires congolais Kalume Nyembwe Feruzi », relèvent les enquêteurs des Panama Papers.

Vodacom Congo ne serait toutefois, selon Bloomberg, que la toute petite partie visible d’un énorme iceberg. Le clan Kabila aurait en effet accumulé une véritable fortune depuis que Laurent-Désiré, le père de l’actuel Président Joseph Kabila, assassiné en 2001, s’est emparé du pouvoir en 1997. « Les parts de Jaynet Kabila dans Vodacom donnent un petit aperçu de ce que beaucoup présument être une série d’actifs diversifiés très importante, détenue par la famille du Président », a déclaré à Bloomberg Jason Stearns, spécialiste du Congo-Kinshasa à l’Université de New York.

« Les membres de la famille Kabila ont accumulé une immense fortune, incluant des parts dans de nombreuses sociétés offshore domiciliées dans des paradis fiscaux », indique pour sa part Martin Fayulu, l’une des figures éminentes de l’UNC, l’un des principaux partis d’opposition au Congo, qui réclame l’ouverture d’une enquête et le rapatriement au Congo des fonds évaporés.

Un permis d’exploitation pétrolier attribué à Clive Zuma, suite à une visite à Joseph Kabila

Au-delà de Jaynet et de Vodacom Congo, le nom de Kabila apparaît dans une autre affaire, en lien cette fois-ci avec la famille Zuma. Selon le quotidien anglais The Guardian, le sulfureux Clive Zuma, neveu de l’actuel Président sud-africain Jacob Zuma, « magnat » du secteur minier, est mis en cause dans l’acquisition frauduleuse d’un gisement pétrolier au Congo.

Des faits qui remontent à 2010 lorsque Caprikat Limited, société basée dans les îles Vierges britanniques et dont il est le représentant, obtient la gestion du site pétrolier précité. Le Guardian n’hésite pas à faire le lien avec l’actuel président sud-africain, son oncle Jacob Zuma, qui avait rendu visite à Joseph Kabila cette même année. Une rencontre qui aurait été décisive dans l’attribution du contrat. Et ce, avec la bénédiction du Président Kabila.

Une affaire qui tombe fort mal

A Kinshasa, comme dans le reste du pays, cette affaire est très mal perçue. D’autant que le pouvoir tire argument de l’impécuniosité de l’Etat pour repousser sine die la date des élections. « L’opposition, à travers Moïse Katumbi, a proposé d’organiser une table-ronde afin d’identifier l’origine de la fortune de tous les décideurs publics congolais. Proposition naturellement refusé par le Président et son clan », constate sous couvert d’anonymat, et non sans ironie, un observateur attentif de la vie politique kinoise. « Moïse Katumbi propose d’ailleurs dans son programme un code de bonne conduite, ainsi que l’obligation d’une déclaration publique de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers détenus par tous les dirigeants congolais (Président, ministres, députés, sénateurs, etc.) ». Une mesure de nature à freiner sensiblement les pulsions prédatrices à l’égard de l’argent public

« Ni Joseph, ni Jaynet, ni Zoé n’ont travaillé de leur vie »

« Ni Joseph, ni Jaynet, ni Zoé (leur frère cadet, devenu riche homme d’affaires) n’ont travaillé de leur vie. Comment ont-ils pu amasser autant d’argent. Ils sont arrivés avec des bottes en plastique, il y a moins de vingt ans, à Kinshasa ! », déclare, amer, un ancien

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compagnon du Mzee Laurent-Désiré Kabila.

« Impossible d’y parvenir à moins de privatiser une partie de l’Etat et du Trésor Public », conclut-il, dépité.

Interrogé sur le scandale mettant en cause Jaynet Kabila, Lambert Mende, a affirmé qu’il s’agissait d’une affaire privée sans lien avec le Gouvernement. Un peu court, pour beaucoup de Congolais.

Le député Juvenal Munubo a répliqué en termes énergiques au porte-parole du Gouvernement congolais, disant notamment : « Une affaire d’évasion fiscale, en l’occurrence les Panama Papers, dans laquelle des personnalités publiques sont citées et qui fait l’actualité, sort absolument du domaine privé. Elle n’est pas à banaliser par le Gouvernement car la moralité publique en dépend ».

Incontestablement, ces révélations interviennent à un très mauvais moment pour Kabila qui cherche, selon l’opposition, à repousser la date de l’élection présidentielle afin de se maintenir au pouvoir en organisant un « Dialogue National »2. Pour des raisons politiques ou économiques ? Au vu des révélations contenues dans les Panama Papers, les Congolais sont en droit de s’interroger.

Ils auront intérêt à s’interroger après avoir ratissé de manière assez large, car Vodacom et Jaynet Kabila ne sont, comme on va le voir, qu’une très petite partie émergée d’un très gros iceberg.

Kinshasa, vue du fleuve…

2La question du dialogue divise la classe politique congolaise. La Majorité et une mince frange de l’opposition sont favorables à ce dialogue, alors que les autres partis de l’Opposition le refusent absolument. Au milieu, l’UDPS et ses alliés, autour d’Etienne Tshisekedi, conditionnent jusqu’à présent leur participation au dialogue à la présence d’un facilitateur nommé par l’ONU, d’un encadrement et de garanties de sécurités fournis également par les Nations Unies, ce à quoi la nomination d’Edem Kodjo par l’UA est loin de correspondre.

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Afrique du Sud : les Zuma sur le gril

On aura noté que, parmi les « vilains petits canards » épinglés à l’occasion des « Paname Papers », Clive Khulubuse Zuma, le neveu du président sud-africain Jacob Zuma, figure dans une affaire pétrolière (il s’agit des gisements du Lac Albert) à côté des Kabila. José Maria Botelho de Vasconcelos (ministre angolais du Pétrole) figure également sur cette liste, et nous verrons sous peu que cela non plus n’est pas indifférent à notre sujet.

Mais nous allons, pour le moment, laisser de côté l’encombrant neveu qui s’occupe de pétrole et, bien sûr, nous n’allons pas répéter ici l’histoire de Caprikat et des « blocs » du Lac Albert, dont le schéma ci-contre explique la réapparition dans les « Panama Papers ».

Ce qui va suivre concerne essentiellement les casseroles que traine derrière lui Tonton Jacob.

Les « casseroles » de Jacob Zuma

Après une nouvelle victoire nationale de l'ANC le 20 avril 2009, Zuma est élu président de la République le 9 mai 2009 et forme un nouveau gouvernement.

Fin 2013, sa popularité continue à chuter après la révélation de l'utilisation de fonds publics pour rénover sa résidence privée. Les enquêtes d'opinion indiquent qu'une majorité de sympathisants de son propre parti considère qu'il doit démissionner à la suite de ce scandale.

Lors de la cérémonie d'hommage à Nelson Mandela, qui réunit une centaine de chefs d'État étrangers le 10 décembre 2013, il est hué par une partie du public du FNB Stadium.

En 2014, Jacob Zuma et l'ANC remportent les élections législatives du 7 mai 2014 sur fond de désillusion de la population.

L'Assemblée nationale le reconduit sans opposition au poste de président de la République le 21 mai et il est investi le 24.

Dans le cadre de l'affaire Nkandla concernant l'utilisation de quinze millions d'euros de fonds publics pour rénover la résidence privée de Jacob Zuma, la Cour constitutionnelle estime, le 31 mars 2016, que celui-ci n'a pas respecté la Constitution et lui ordonne de rembourser sous 45 jours les frais de sa propriété. Le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique, lance alors une procédure de destitution contre le chef de l'État. Le lendemain, Jacob Zuma reconnait une faute constitutionnelle et promet de rembourser à l'État les frais de rénovation de sa propriété privée, mais refuse de démissionner.

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Comme attendu, l'Assemblée nationale sud-africaine a rejeté ce mardi 5 avril la motion de censure à l'encontre de Jacob Zuma. Elle avait été déposée par l’opposition, suite au verdict de la Cour constitutionnelle qui a estimé, jeudi dernier, que le président sud-africain a enfreint la Constitution en refusant de rembourser une partie de l'argent public utilisé pour rénover sa résidence privée de Nkandla. La procédure de destitution a provoqué un débat houleux au sein de l'hémicycle.

À peine la séance commencée, le chaos a éclaté. Les députés du parti radical de Julius Malema se sont levés pour demander la démission de la présidente de l'Assemblée. Ils accusent Baleka Mbete d'avoir failli à son devoir constitutionnel en soutenant aveuglement le président Jacob Zuma.

« Vous n'avez pas le droit de vous assoir là où vous êtes. Vous êtes assise là illégalement, a lancé Julius Malema. Vous avez violé la Constitution sud-africaine. Nous allons discuter de Zuma, mais nous ne pouvons pas parler de lui alors que vous êtes la présidente de l'Assemblée.

Vous représentez le Parlement, vous êtes responsable de ce chaos. »

Puis, la séance a été levée pendant plus d'une heure, avant que le débat puisse reprendre.

Un échange houleux eut lieu entre le parti au pouvoir, l'ANC, et toute l'opposition qui exige la destitution du chef de l'Etat pour faute grave. Les insultes ont fusé et le vote n’a finalement duré que quelques minutes. L'opposition a tenté d'appeler les députés ANC à voter avec leur conscience, rappelant les idéaux du parti de Nelson Mandela. Pour Mmusi Maimane, leader de l'Alliance démocratique, principal parti d'opposition, le simple verdict de la Cour constitutionnelle aurait dû être suffisant pour lâcher le chef de l'Etat : « Le choix est entre la Constitution de notre république et Jacob Zuma . Le choix est entre respecter le serment que vous avez fait ici dans cette chambre de protéger la Constitution ou de servir Jacob Zuma et ses riches amis les Guptas.»

Julius Malema a accusé les députés ANC d'être des traîtres. « Si vous ne pouvez pas nous écouter parce que nous faisons partie de l'opposition, écoutez au moins des gens comme Ahmed Kathrada, comme Denis Goldberg, comme les généraux de la branche armée de l'ANC, des vrais généraux, pas les imposteurs, vous dire qu'ils ne se sont pas battus pour en arriver là. Je ne sais pas si le vice président Ramaphosa va voter pour protéger la Constitution qu'il a aidé à rédiger. Nous voulons voir Mr Ramaphosa, Mr Pravin, Mr Jonas - le héros de la lutte anti- corruption - nous voulons voir si vous allez voter contre la corruption qui atteint la Constitution sud-africaine. Nous vous implorons, il est préférable de se tenir debout seul pour la vérité.

Arrêtez de penser avec votre estomac. »

Mais sans surprise, la très grande majorité du Parlement, 233 députés sur 400, a voté contre la destitution du chef de l'Etat. L'opposition est sortie en colère, accusant le parti au pouvoir d'avoir trahi le pays.

On peut, au choix, y voir un incident de plus qui pose la question de la discipline de vote et donc du rôle parfois néfaste que jouent les partis politiques, ou une illustration de plus du fait que, si tant de dirigeants africains ont une telle propension à se cramponner au pouvoir dès qu’ils en ont joui quelque temps, c’est avant tout pour s’assurer l’impunité.

Pour John Jeffery, ministre adjoint de la Justice, le président Zuma s'est excusé et a promis de rembourser l'argent. Et cela suffit. « La Cour constitutionnelle a jugé que le président avait failli à ses devoirs de défendre et faire respecter la Constitution, que ses agissements étaient en contradiction avec la Constitution. Mais la cour n'a pas jugé qu'il y avait eu violation grave

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comme requiert la Constitution pour destituer quelqu'un. Il y a une différence entre contradiction et violation sérieuse. »

Impunité assurée ?

En Afrique du Sud, alors que les appels à la démission du président Jacob Zuma se multiplient depuis son revers à la cour

constitutionnelle, il y a des gens pour penser que Nkosazana Dlamini-Zuma – une des ex-épouse de cet impétueux et concupiscent polygame -pourrait succéder à Jacob Zuma et ainsi assurer que pour celui-ci la fin de son mandat ne signifierait pas l’ouverture de multiples poursuites contre lui.

D'autant plus que la présidente de la commission de l'Union africaine (UA) a annoncé la semaine dernière qu'elle ne se représenterait pas pour un

deuxième mandat. Une prise de position qui a relancé les spéculations.Toutefois, pour y arriver, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma devra d'abord convaincre l'ANC, où certaines factions ne cachent pas leur volonté de changement.

Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de l'ANC, le parti au pouvoir... ces spéculations ne sont pas nouvelles. Mais la confirmation qu'elle ne se représenterait pas à son poste à l'Union Africaine, les a relancés. Nkosazana Dlamini-Zuma, 67 ans, cultive une ambition présidentielle.

Elle a d'ailleurs été ministre à plusieurs reprises depuis 1994, dont les Affaires étrangères.

Le mandat de Jacob Zuma à la tête de l'ANC s'achève l'année prochaine, et à la tête du pays en 2019. Mais ses récents déboires judiciaires,

pourrait accélérer sa sortie. Une éventuelle candidature de son ex-femme aurait un avantage. En effet, les deux ont conservé des rapports cordiaux, voire complices. Et les pro Zuma au sein de l'ANC voient en elle une assurance que le chef de l'Etat ne sera pas poursuivi, s'il venait à être rattrapé par la justice. En effet, en 2009, plus de 700 chefs d'inculpations pour fraude et corruption ont été abandonné contre lui pour vice de procédure. Un dossier que l'opposition tente de rouvrir.

Comme on le voit, Clive Khulubuse Zuma, le « neveu pétrolier »(photo), a de qui tenir et sort d’une famille où l’on a le sens de ses intérêts !

Une « unbundling » très imparfait

Tout cela fait un peu tache dans un paysage sud-africain généralement perçu comme plus lisse, moins touché par la corruption que la moyenne du continent et que l’on connaît surtout pour des activités liées à l’or et au diamant.

Ici, un petit détour par les jours qui virent la fin de l’apartheid s’impose. A l’instar de ce qui se passa ailleurs en Afrique, où les indépendances formelles n’empêchèrent pas la poursuite de la mainmise, sur l’économie des ex-colonies, du capitalisme colonial, malgré parfois l’organisation, comme pour le Congo belge, de Tables rondes économiques, le capital sud- africain « blanc » résista avec succès à la « décartellisation » désirée par Mandela.

80% des titres capitalisés à la Bourse de Johannesbourg sont alors contrôlés par cinq groupes: AAC/de Beers, Rembrandt, Old Mutual, Sanlam, Liberty Life. Héritage de l'histoire,

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de l'isolement international sous le régime d'apartheid et de l'importance du secteur minier, ces mastodontes ont grandi, à partir d'une base généralement minière, en absorbant ensuite les activités les plus diverses.

Dès l'époque de JC Smuts, l'influence politique des Oppenheimer était suffisantes pour que les caricaturistes politiques représentent Smuts et Oppenheimer avec des légendes du genre

" Twee handen op een buik".("Deux mains sur un seul ventre = "copains comme cochons" ou

"comme cul et chemise").

La famille Oppenheimer contrôle Anglo-American Corp./De Beers par participation croisée. (AAC posséde 40 % de De Beers et De Beers 30 % d'AAC). Parti du diamant, c'est un des conglomérats les plus diversifiés. Les Oppenheimer se distinguent dans la résistance à l'"unbundling" (décartellisation), voulue par l'ANC.

E

n octobre 1993, AAC a transféré tous ses intérêts non sud-africains - sauf le diamant - à une société-écran créé il y a une vingtaine d'années: MINORCO, contrôlée indirectement par les Oppenheimer (75%). Compagnie à portefeuille, Minorco s'est métamorphosée en compagnie exclusivement minière, installée à l'étranger. AAC peut désormais se présenter comme un opérateur africain et expliquer à Mandela que la compagnie investit exclusivement dans le pays ou les pays voisins!

De Beers a éxécuté une manoeuvre du même ordre : de Beers Consolidated Mines a conservé les intérêts purement africains. Une société De Beers Centenary AG, dont le siège est à Zurich, sans doute pour profiter de l'air pur des montagnes suisses, a repris notamment les stocks de diamant de la centrale d'achat Central selling Organisation (Londres), les usines de diamants synthétiques et les participations financières dans certaines holdings. Les deux sociétés sont identiques, ayant le même patron et le même conseil d'administration.

Avec ces gens-là, on touche au monde du diamant. La commercialisation du diamant africain, essentiellement sud-africain et congolais, qu’elle se fasse à Londres, à Anvers, à Zurich ou ailleurs, passe par une filière belgo-israélo-américaine dont la plaque tournante est à Anvers, dont les têtes pensantes sont en Israël dans les milieux ultra sionistes et qui approvisionne en capitaux le colossal lobby pro-sioniste des EtatsUnis, lequel pèse très lourd dans la politique américaine et en particulier dans les campagnes présidentielles.

Depuis peu, ce petit monde s’est mis à s’intéresser aussi à d’autres minéraux, comme le cuivre, et qu’au pétrole. Le personnage-clé de cette évolution s’appelle Dan Gertler.

Johannesbourg

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Dan Gertler, l’homme dont l’argent est trop sale, même pour les paradis fiscaux

La fortune de Dan Gertler est dans les paradis fiscaux, mais ses intérêts sont en République démocratique du Congo, où il a prospéré à l’ombre des Kabila père et fils. Et dire que son argent est trop sale, même pour les paradis fiscaux, n’est pas une image ou une exagération, mais la pire et simple vérité.

Dan Gertler fait partie de ces clients dont même la sulfureuse société de domiciliation fiscale offshore Mossack Fonseca ne veut pas. L’homme d’affaires israélien de 42 ans, à la tête d’un empire minier aussi vaste qu’opaque en République démocratique du Congo (RDC), est dans le viseur du Fonds monétaire international depuis 2012. Des ONG et le think tank de Koffi Annan, Africa Progress Panel, l’accusent de « pillage » et de corruption. Mais si la firme panaméenne tique alors qu’elle compte parmi ses clients des personnalités politiques contestées et des sociétés visées par les sanctions de l’ONU, c’est qu’elle s’est sentie flouée par le milliardaire.

L’ire de Mossack Fonseca remonte à 2010. Un de ses bons clients, avocat à Gibraltar, lui a demandé de créer en urgence deux sociétés aux îles Vierges britanniques. Elle s’y prête de bonne grâce sans réaliser le contrôle habituel. Ce n’est qu’un an plus tard, après des dizaines de relance par courriel restées sans réponse, et à la suite d’une enquête des autorités financières des îles Vierges britanniques, que les Panaméens découvrent l’identité du bénéficiaire effectif de Foxwhelp Ltd et Caprikat Ltd : Dan Gertler. On aura reconnu les deux sociétés pétrolières impliquées dans l’affaire du pétrole des blocs congolais du Lac Albert, où sont impliqués des membres des deux familles présidentielles : les Zuma et les Kabila.

Opacité bien ordonnée commence par soi-même. Les deux sociétés étaient dissimulées derrière un montage étourdissant qui a servi à masquer leur véritable propriétaire. Foxwhelp Ltd et Caprikat Ltd étaient détenues par un fonds d’investissement domicilié aux îles Caïmans, African Ressources Investment Fund, lui-même contrôlé par deux fondations au Liechtenstein, qui sont à leur tour possédées par deux trusts discrétionnaires à Gibraltar. Un système d’écluses presque impossible à remonter sans les documents des Panama papers. Seuls deux noms apparaissaient : l’avocat suisse Marc Bonnant et Clive Khulubuse Zuma, neveu affairiste du président sud-africain Jacob Zuma. Qui n’ont pas voulu commenter ce sujet.

Dan Gertler possède d'importants intérêts dans l'extraction des diamants et du cuivre en RDC. Il est également présent dans le minerai de fer, l'or, le cobalt, l'agriculture, la banque et le pétrole. En 2012, Dan Gertler possédait via ses sociétés 9,6% de la production mondiale de cobalt.Dan Gertler opère à travers sa société Fleurette basée à Gibraltar. Il est soupçonné de créer des sociétés écran dans les Îles Vierges pour opérer des acquisitions en toute discrétion.

Fleurette possède des actifs dans le secteur minier congolais via une soixantaine de sociétés offshore. Fleurette détient un partenariat privilégié avec l'anglo-suisse Glencore. En 2014, les deux sociétés annoncent un investissement de $360 millions dans la rénovation de 2 turbines à Inga II3.

Furieuse, Jennifer Mossack, la fille du fondateur de la société panaméenne, ordonne la fermeture de toute entité liée à Dan Gertler qu’elle qualifie le 2 juin 2011 de « marchand de diamants du sang » dans un message interne consulté par Le Monde. Le 11 juillet à 12 h 08, Marc Bonnant, impavide, transfère ces sociétés chez Morgan & Morgan, le principal concurrent de Mossack Fonseca, également établi à Panama City.

3Ce qui signifie, en clair, que les projets d’investissements dits « sud-africains » dans le barrage d’Inga reposaient en réalité sur de l’argent préalablement gagné en pillant… le Congo. Natura non facit saltus.

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Famille et origine de Dan Gertler

Dan Gertler (parfois désigné comme Daniel Gertner), né en décembre 1973, est un homme d'affaires israélien. A l'âge de 22 ans, il achète des diamants bruts. Il fait la navette entre l'Angola, le Liberia, les Etats-Unis, l'Inde et Israël pour acheter et vendre des diamants.Selon Le Monde, Dan Gertler échangeait des diamants contre des armes lors de la guerre du Liberia dans les années 1990, en violation avec l'embargo de l'ONU. Sa résidence principale est en Israël, à Bnei Brak où il vit avec sa femme Anat et ses neufs enfants. En 2016, Forbes estime sa fortune à $1,26 milliards et le classe 1476e milliardaire sur terre, et 14e d'Israël4.

Dan Gertler est le petit-fils de Moshe Shnitzer, roumain émigré en Israël, co-fondateur en 1947 et premier président de la bourse de diamants en Israël qui porte son nom. Sa mère est la gérante d'une station de radio pop, et son père, après avoir été le gardien de but dans l'équipe professionnelle de Maccabi Tel-Aviv FC, devient vendeur de diamants. Son oncle est Shmuel Schnitzer, président de la fédération mondiale des bourses de diamants de 2002 à 20065.

Son grand-père, Moshe Schnitzer, était appelé «Monsieur Diamant». Arrivé de Roumanie en Israël en 1934, il avait rejoint l’organisation paramilitaire Irgoun, milice sioniste ultranationaliste, qui a commis des actes de terrorisme pour créer l’Etat israélien.

Dans les années 1950, Schnitzer a joué un rôle majeur dans le commerce afro-israélien du diamant avec son entreprise Schnitzer-Greenstein. Il a ensuite fondé la bourse du diamant à Tel-Aviv en 1960, qui est devenue l’une des plus grandes bourses mondiales de diamants ; elle a exporté en 2013 plus de 9 milliards de dollars de pierres brutes et polies.

Le commerce des bijoux en diamant aux Etats-Unis dépasse les 30 milliards de dollars par an, et 99% de tout ce qui n'est pas synthétique ou artificiel implique les diamants du sang et les syndicats du crime organisé. Israël achète plus de 50% des diamants bruts du monde, et les Etats-Unis acquièrent les deux tiers de ceux-ci. En Israël, les usines de diamant sont situées dans Nethanya, Petah Tikva, Tel-Aviv, Ramat Gan, Jérusalem et d'autres villes à travers le pays, mais la plupart des bureaux sont à Tel-Aviv, dans le quartier financier de Ahad Ha'am Street.

Le père de Dan Gertler, Asher Gertler, et son oncle, Shmuel Schnitzer, géraient l'entreprise familiale d'origine. Shmuel est président de la bourse du diamant d’Israël et co- fondateur du Conseil mondial du diamant, cette dernière organisation consacrant plus d'argent pour promouvoir la fausse image de diamants «sans conflit» qu’elle n’en dépense pour aider les peuples spoliés ou brutalisés par l'industrie diamantifère.

Juif ultra-orthodoxe dans une famille plus libérale sur le plan religieux, Dan Gertler, est réputé comme étant un aventurier brutal, peu sociable et très religieux, effectuant régulièrement des pèlerinages auprès du rabbin David Abuhatzeira de Nahariya, au nord d’Israël, dans le but de le consulter et de recevoir sa bénédiction. Notons que l’ancêtre d’origine marocaine de ce rabbin a été l'un des leaders du transfert de la communauté juive marocaine vers Israël. Père de neuf enfants, Gertler est établi en Israël, mais passe le plus clair de son temps en Afrique où il surveille ses nombreux intérêts.

Il a fondé le groupe d’entreprises Dan Gertler International (DGI) en 1996. Dès 1997, il était déjà impliqué dans un plan d’achat de diamants au Libéria et en Sierra Leone, en échange d’une formation militaire et de livraisons d'armes. A l’heure actuelle, il possède un réseau complexe d’une multitude de sociétés interconnectées, basées dans des paradis fiscaux et implantées en Afrique, en Inde, en Russie, en Belgique et aux Etats-Unis. Elles sont impliquées dans le commerce du diamant, du cuivre, du cobalt, de l’or, du minerai de fer, du pétrole, dans l’immobilier, l’agriculture, l’huile et la banque, avec leurs corollaires inévitables : l’esclavage, le trafic d’armes et de drogue, l’incitation et le financement des guerres en Afrique, des coups d’Etat, des dictatures et le blanchiment d’argent.

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Les premiers pas d’un aventurier

Dan Gertler a bâti sa fortune, estimée à 1,26 milliard de dollars par le magazine Forbes en 2015, sur un coup de poker. Il a débarqué en 1997, à l’âge de 23 ans, à Kinshasa, capitale d’un pays alors en guerre et dirigé pour quelques mois encore par le dictateur Mobutu Sese Seko. Il s'installe en RDC alors en pleine guerre civile, avec un intérêt pour l'industrie locale du diamant et le souhait de briser le monopole de De Beers. Il achète sa première mine en 1997.

Le chef rebelle Laurent Désiré Kabila a besoin d’argent et d’armes pour lancer l’assaut sur la capitale. Il sait aussi que les Américains le laissent faire, en partie à la demande de leur allié rwandais Kagame, mais se méfient de lui du fait de son passé marxiste. Kabila, de plus, se méfie de son allié rwandais et se mettrait volontiers sous une protection plus efficace et il sait combien puissant est, aux Etats-Unis, le lobby sioniste.

Le jeune Israélien lorgne les gisements de diamants congolais, auxquels ses congénères n’ont jamais eu un vraiment plein accès, Mobutu traitant officiellement avec De Beers et magouillant plus volontiers avec des princes arabes. Mettre la main sur le diamant congolais serait un « coup fumant » qui lancerait la carrière et assoirait la réputation de Gertler.

Compte tenu de leurs situations à tous deux, les deux hommes ne pouvaient que s’entendre. « Dan » lève 20 millions de dollars pour financer la rébellion. En échange, il obtient de Laurent Désiré Kabila, devenu président, un quasi-monopole sur les diamants.

Dan Gertler tisse des liens dans le nouveau gouvernement de Laurent Désiré Kabila et se tourne vers l'industrie du cuivre et du cobalt. Il vend ses actifs dans le diamant pour investir dans les ressources du pays.

A la mort du « Vieux », assassiné au janvier 2001 par l’un de ses gardes, c’est son fils, Joseph Kabila, alors âgé de 30 ans, qui prend le pouvoir. Dan Gertler a rencontré Joseph Kabila par l'entremise du rabbin de la communauté Habad-Loubavitch de Kinshasa, il courtise ce jeune président taiseux et inexpérimenté qu’il a croisé sur la ligne de front au Katanga lors de la seconde guerre en RDC (1998-2003). L’homme d’affaire israélien devient son émissaire spécial avec mission de lui négocier le soutien des Etats-Unis. Il aurait aussi mis à sa disposition son jet privé.

De fait, leur amitié semble perdurer au-delà de la rupture brutale du monopole sur le diamant en cette année 2001. Dan Gertler sera même invité au mariage de Joseph Kabila cinq ans plus tard. Il se rapproche surtout du plus proche conseiller du président : Augustin Katumba Mwanke4. L’homme a la haute main sur la gestion des matières premières congolaises. Au début des années 2000, c’est lui qui remet à Dan Gertler les clés du coffre de la RDC.

Mwanke avait convaincu Kabila de nommer l’Israélien en qualité de consul honoraire du Congo-Kinshasa à Tel-Aviv. Ancien gouverneur du Katanga, Mwanke était aussi directeur d'Anvil Mining Australie, détentrice de 90% des actions de Anvil Mining Congo Sarl qui exploite un gisement de cuivre et d’argent à Dikulushi, dans le district du Haut-Katanga, rachetée en 2011 par Minmetals Resources (Chine).

Notons qu’un groupe d'experts de l’ONU réuni en 2002 avait cité Mwanke pour les ventes d'armes illégales et le pillage du Congo : Mwanke négociait l'achat d'armes par des banques belges et la société minière de la RDC, Miba. Mwanke effaçait personnellement 1 000 000 $ par jour à travers ses participations dans Katanga Mining et aurait été à l'origine du retrait au canadien First Quantum de ses actifs de Kolwezi pour les revendre aux sociétés de Dan Gertler.

Les affaires de Gertler en RDC

En 2002, Joseph Kabila renégocie l’accord. Le nouveau « deal », marchandé à $15 millions, autorise la société canadienne Emaxon Finance International appartenant à Dan

4Augustin Katumba Mwanke, est décédé en 2012 dans un accident d’avion, dans des circonstances non encore élucidées.

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Gertler à vendre 88% des diamants produits par l'état sur une période de 4 ans. Cette même année, les deux hommes se rendent ensemble à Washington pour solliciter l'aide des Etats-Unis dans le conflit congolais auprès de Condoleezza Rice5.

En 2009, il met l'une de ses sociétés écran, Emerald Star Enterprises, à profit pour permettre au kazakh ENRC de mettre la main sur l'autre moitié du capital de la Société Minière de Kabolela & Kipese SPRL (SMKK) qui appartenait alors à la Gécamines, propriété de l'état.

Il achète 50% de la SMKK pour $15 millions et la revend 6 mois plus tard à ENRC pour un total de $75 milions.

En 2011, à la veille des élections présidentielles, plusieurs de ses sociétés rachètent des mines appartenant à l'état, sans que ce dernier ne communique sur ces acquisitions.

En 2012, le FMI épingle Dan Gertler et l'opacité autour des mines de Comides, et interrompt son programme de prêts à Kinshasa (soit $532 million).

Le 23 janvier 2013, l'ONG Global Witness dévoile que l'état du Congo a racheté auprès de Nessergy, une société appartenant à Dan Gertler, les droits pétroliers qu'il avait lui-même concédés à cette société en 2006 pour un prix largement inférieur (380 fois moins). Dans un communiqué, Dan Gertler reconnaît les faits, mais insiste sur la légalité de cette cession à forte valeur ajoutée.

En 2015, Son nom apparaît dans les listings de l'affaire Swissleaks liée à la banque HSBC, où il apparaît qu'il détient pour sa société Concordia Marketing Group un compte commun avec Daniel Steinmetz (frère de Beny Steinmetz).

Un constat effarant

Les activités congolaises de Gertler ont été pilotées par le Belge Pieter Deboutte, entouré de Piyush Shukla et des Congolais Yves Kabongo et Robert Mampuya. Associé avec un autre Israélien controversé, Beny Steinmetz, comme lui fils d'une grande famille diamantaire, Dan Gertler a racheté en 2006 des exploitations de cuivre de Kananga et Tilwezembe, au Katanga, rassemblées au sein de la société Nikanor, qu'ils ont introduite sur le marché alternatif londonien. Les deux hommes d'affaires ont également repris la Banque internationale de crédit (BIC, cinquième établissement de la RDC), avant de la revendre au nigérian First Bank en 2011.

Via une autre société immatriculée aux îles Vierges britanniques, Dan Gertler a aussi fait une incursion dans le secteur pétrolier en acquérant les licences d'exploration de deux blocs sur le lac Albert, associé cette fois avec le Sud-Africain Khulubuse Zuma, neveu du président Jacob Zuma.

Naturalisé congolais, Gertler, dont la fortune est estimée à 2,2 milliards de dollars selon Forbes, est propriétaire d’une villa luxueuse à Lubumbashi, la capitale du Katanga, grande province du sud du Congo, et offre des repas casher à ses invités. Chaque repas arrive par avion privé de Kinshasa. Le jet d'affaires spécial qui transporte les repas sur quelques centaines de miles coûte au Congo quelque 23 000 dollars par voyage. Or, le revenu moyen des citoyens congolais – quand ils survivent – est d’environ 139 euros (chiffres 2010), 70% de la population souffrant de malnutrition, tandis que de vastes étendues du pays sont toujours sans électricité ni eau courante.

Le constat est effarant. Rien qu’au Congo, 1 500 personnes sont tuées et 1 000 femmes sont violées chaque jour, on compte 2 millions de déplacés, et 5 à 8 millions de personnes ont été massacrées depuis 1996, selon les chiffres de l’IRC (International Rescue Committee) et de l’ONU. Alors que les Africains sont les victimes d’un génocide perpétuel, les massacreurs se cachent derrière l'Histoire et se plaignent d’être les persécutés, prétendant qu'ils sont les sauveurs.

Dan Gertler se plaît d’ailleurs à déclarer qu’il mérite le prix Nobel pour ses œuvres caritatives et continue à offrir des repas casher ramenés de Kinshasa à ses invités, avec la bénédiction du rabbin Chlomo Bentolila, grand prêtre du Chabad de l'Afrique centrale. Rabbi

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Chlomo Bentolila est le rabbin de Kinshasa depuis 1991 et il a survécu au terrorisme de Mobutu Sese Seko grâce à sa collaboration avec lui. Il est membre de la Chabad Lubavitch, et émissaire du réseau mondial basé à Brooklyn, sa femme Miriam étant la sœur de rabbi Mena'hem Hadad, de Bruxelles.

Dan Gertler invite souvent des gens au Congo pour des rituels sacrés juifs, comme pour le bar-mitsva en juin 2005 du fils du rabbin Bentolila, et dont les invités sont venus sur des vols spéciaux d'Israël, de New York et de Bruxelles. La réception a eu lieu dans le luxueux hôtel Memling. Joseph Kabila a envoyé une délégation importante, mais n'y a pas assisté, chargeant ses plus proches conseillers de lui adresser une bénédiction en son nom.

Les intérêts israéliens sont préservés en partie grâce à l'appui du Comité de la communauté juive de Kinshasa, étroitement liée avec la structure du pouvoir à Kinshasa en vue d’exercer une influence et d’assurer le contrôle de la paix israélo-anglo-américano-belge et leurs intérêts sur la scène géopolitique. En juin 2007, la communauté israélite de Kinshasa a reçu la visite de l'ambassadeur israélien Yaakov Revah, directeur du département Afrique du ministère israélien des Affaires étrangères. Revah a également voyagé à Lubumbashi pour des réunions avec Dan Gertler et ses agents, y compris Moïse Katumbi Chapwe, le gouverneur du Katanga, où ils ont bénéficié d'une belle réception avec, toujours, le repas casher de 23 000 dollars envoyé de Kinshasa.

La communauté israélite de Kinshasa entretient des relations politiques très intimes avec le parti PPRD de Joseph Kabila. Le 1er mars 2006, lors d'une cérémonie officielle, le président de la communauté israélite de Kinshasa, Ashlan Piha, a reçu la médaille du Mérite civil du Congo. Dan Gertler est proche de politiciens israéliens, notamment Avigdor Lieberman, chef du parti d’extrême droite Israël Beytenou, et son comparse diamantaire Beny Steinmetz est, quant à lui, un ami d’Ehud Olmert. Ami inséparable de Gertler, Chaim Leibovitz est également très proche de Lieberman, et est un visiteur régulier dans les bureaux du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Steinmetz est considéré comme l'un des milliardaires les plus importants en Israël et est impliqué dans de sombres affaires de corruption et de versements de pots-de-vin notamment en Guinée qui lui valent une enquête extérieure du FBI. Le groupe Steinmetz, qu’il contrôle avec son frère Daniel, est l'un des plus gros clients du syndicat du diamant De Beers.

Steinmetz est également impliqué dans un conglomérat israélien de l'immobilier dont les investisseurs sont les milliardaires israéliens David et Simon Reuben, ainsi qu’Olayan Group, une société d'investissement d’Arabie Saoudite très liée à Bechtel Corporation, cette dernière ayant obtenu de manière douteuse les contrats pour la reconstruction de l'infrastructure civile de l'Irak après l’invasion américaine. Parmi les partenaires internationaux du groupe saoudien, on trouve AlphaGraphics, BP Solar, Crédit Suisse, Carrefour, HSBC, JP Morgan, Chase Manhattan, Coca-Cola, Bechtel, Morgan Stanley, Goldman Sachs, Kimberly-Clark, Sama Airlines, Colgate-Palmolive, CS First Boston, Toshiba, Xerox, Burger King, Kraft Foods, Baxter International, Occidental Petroleum, Cardinal Health, Scania AB, etc.

Mines et pétrole

Selon les Nations unies, le pays recèle dans son sous-sol de ressources inexploitées estimées entre 18 000 milliards et 24 000 milliards de dollars. Au-delà du diamant, l’homme d’affaires israélien va se lancer dans le cobalt, le fer, l’or, le manganèse et surtout le cuivre. Il profite du démembrement de la Gécamines, la société publique d’exploitation minière et vache à lait du régime.

Il convient cependant de remarquer que, contrairement à ce qui se passe pour le secteur du diamant, pour lequel on peut effectivement faire état d’une production des entreprises Gertler, son activité tentaculaire de vente et d’achat d’entreprises en tous genres son activité sera essentiellement spéculative. Spéculer signifie rechercher un profit, non pas dans la vente d’un bien nouveau produit par le travail, mais dans le changement de la valeur d’un bien –ne

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subissant donc aucune transformation, aucun changement - qui surgit sur le marché par le jeu de l’offre et de la demande. On en a un exemple ci-dessus avec l’entreprise Nessergy, revendue pour 380 fois son prix initial. Cela permet, comme on le voit, des profits considérables, sans que rien se soit passé au niveau de « l’économie réelle ».

A l’époque de sa brouille avec la firme panaméenne Mossack Fonseca, Dan Gertler franchit un nouveau cap en obtenant des permis d’exploitation pétrolière. Et non des moindres : après l’éviction des britanniques de Tullow Oil, le pouvoir lui octroie les blocs I et II de la partie congolaise du Lac Albert. Ses sociétés Foxwhelp Ltd et Caprikat Ltd sont intégrées dans Oil of DR Congo, une filiale de son groupe Fleurette constitué à Gibraltar et imposable aux Pays-Bas.

La région est instable. A la lisière du parc naturel des Virunga rodent des groupes armés.

Dan Gertler n’en a cure. Cowboy rodé par ses aventures minières, il finance les forces de l’ordre et multiplie les investissements sociaux dans les villages. Après avoir claironné en 2014 la découverte d’une réserve de trois milliards de barils, il annonce le démarrage de l’exploitation de ces gisements pour 2016.

Sauf qu’à Kinshasa, nul n’y croit vraiment. Car Dan Gertler a la réputation d’acquérir les permis miniers et pétroliers mais de ne pas les exploiter. « Nous avons investi 100 millions de dollars dans ses projets sur le lac Albert depuis 2010, et 1,8 milliard de dollars pour exploiter des mines de cuivre dans le Katanga avec Glencore [le géant helvético-britannique du négoce de matières premières] », se défend un représentant de son groupe Fleurette.

Fraude au fisc congolais

Le nom de Dan Gertler est apparu sur des comptes en Suisse chez HSBC. Les domiciliations exotiques de ses sociétés, elles, lui permettent de ne payer qu’un minimum d’impôts au Congo, où les experts estiment que l’homme d’affaires israélien a fait perdre des milliards de dollars de revenus à l’Etat. En 2014, il a revendu au gouvernement les droits pétroliers détenus à travers une obscure société offshore, Nessergy, trois cent fois plus cher que leur prix d’achat.

« Dan Gertler fait partie des gens qui paralysent l’économie congolaise », constate un diplomate occidental à Kinshasa. « Les autorités congolaises n’ont pas la capacité d’enquêter sur les circuits financiers offshore, déplore de son côté le député congolais Samy Badibanga.

La RDC est devenue une plateforme importante de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et d’évasion illégale de capitaux ». Une fois encore, le groupe Fleurette conteste. « Nous employons 30 000 personnes (en RDC) nous sommes la plus grande source privée de recettes fiscales pour le gouvernement congolais », martèle Pieter Deboutte, le bras-droit de Dan Gertler à Kinshasa.

Pour la plupart des Congolais, Dan Gertler, notoirement proche de Joseph Kabila et du riche entrepreneur et ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, reste une énigme. La RDC, pourtant, est sa « seconde patrie », dit-il. Naturalisé en 2003, il y débarque chaque semaine ou presque en jet privé, rend visite au rabbin de Kinshasa et reçoit ses interlocuteurs dans sa fastueuse villa du centre-ville, ou, plus rarement, dans celle qu’il loue au cœur des mines du Katanga.

Il a « tout compris à la politique des négros »

En plus des hôpitaux et des dispensaires, Dan Gertler le philanthrope a rénové le zoo de Lubumbashi mais aussi l’école française de cette ville, au plus grand embarras de Paris qui ne sait que penser de lui. Le vendredi, en général, il repart en Israël pour passer le shabat en famille dans sa demeure de Bnei Brak, cité connue pour abriter une communauté juive ultra-orthodoxe dans la banlieue de Tel-Aviv. Celui que ses partenaires décrivent comme « un joueur de poker

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agressif et prêt à tout pour gagner » se vante aussi d’avoir « tout compris à la politique des négros », selon un de ses anciens collaborateurs interrogé par la justice israélienne en 2010.

L’Israélien sait aussi se jouer de ses détracteurs. Chassé de Mossack Fonseca en 2011, il est réapparu quatre ans plus tard dans les fichiers de la firme panaméenne à travers un contrat passé avec la société Callery Ressources Ltd, domiciliée au Panama, qui fait valoir des prestations de conseil à hauteur de 10 millions de dollars sur le site minier de Mutanda. Ce gisement, situé non loin de Kolwezi, au Katanga, est opéré par Glencore en partenariat avec Dan Gertler. Là encore, les actifs et les revenus de la mine irriguent des sociétés établies dans des paradis fiscaux.

Des circuits offshore qui commencent à inquiéter Kinshasa. Pour des raisons politiques.

Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, a rallié la principale coalition de l’opposition qui l’a désigné, le 30 mars 2016, comme candidat à la présidence. Il apparaît comme la menace la plus sérieuse pour le chef de l’Etat, Joseph Kabila, qui se méfie désormais de son « ami » Dan Gertler. « Le président n’a pas d’amis, tranche un de ses conseillers. Dan [Gertler] est beaucoup trop proche de Moïse [Katumbi]. Le président sait bien qu’il peut trahir et le tient à distance. » Ce qui fait sourire l’entourage de M. Katumbi, qui nie tout lien financier avec Dan Gertler : « Dan doit tout à Kabila, qui lui doit une bonne partie de sa fortune ».

De fait, le chef de l’Etat redoute désormais que la fortune qu’il a autorisé Dan Gertler à accumuler s’en aille financer la campagne d’un adversaire pour l’élection présidentielle, prévue fin 2016.

Dan Gertler en Angola

Tout dernièrement, Dan Gertler a de nouveau défrayé la chronique, sur le chapitre pétrolier cette fois-ci.

Sa société Nessergy qui avait acquis des droits pétroliers sur le bassin côtier pour 500 000 dollars, vient de conclure un accord avec le gouvernement qui lui rapporterait un montant des centaines de fois supérieur à sa mise de départ. Que ce soient les mines ou le pétrole, les conséquences sur la saignée des finances publiques est la même, et l’Etat congolais refuse de publier l’accord pétrolier déficitaire conclu avec la société offshore de Dan Gertler.

Cette affaire présente de nombreuses caractéristiques communes avec toute une série d’accords secrets passés dans le secteur minier congolais, en vertu desquels des droits miniers ont été achetés par des compagnies offshore pour un prix dérisoire, pour ensuite être rapidement revendus à de grandes sociétés internationales moyennant un profit immense. L’Africa Progress Panel de Kofi Annan estime que cinq de ces accords impliquant Gertler entre 2010 et 2012 auraient coûté à l’Etat congolais au moins 1,36 milliard de dollars. Cela représente près du double des dépenses annuelles du Congo dans les secteurs conjugués de la santé et de l’éducation.

Les droits pétroliers potentiellement lucratifs ont été obtenus par Nessergy en 2006 sans appel d’offres public. Bien que les termes de ce contrat soient secrets, des éléments de preuve émergent cependant d’un contrat de 2008 signé par des représentants de Nessergy et de H Oil, société établie par Jacques Hachuel, l’un des fondateurs du géant des matières premières, Glencore. Selon le contrat de H Oil, Nessergy devait être achetée pour la somme initiale de 194 millions de dollars, avec potentiellement un montant supplémentaire. Bien que cet accord n’ait finalement pas abouti en raison de tensions entre la RDC et l’Angola, ce prix – convenu alors que le prix du pétrole était bas – donne une bonne indication de la valeur minimale de la vente effectuée en 2012.

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Un prix alternatif de 150 millions de dollars pour le contrat 2012 a été publié dans une revue congolaise – cette somme est certes inférieure aux 194 millions de dollars du contrat H Oil, mais elle représente toutefois 300 fois le prix payé par Nessergy en 2006.

En vertu de l’accord Nessergy de 2012, les compagnies pétrolières d’Etat congolaise et angolaise ont acheté la société et, avec elle, les droits qu’elle détient dans des eaux riches en pétrole que se partagent les deux pays. Cela a ouvert la voie à la création d’une zone pétrolière détenue à parts égales par chaque pays, dans laquelle les grandes compagnies pétrolières mondiales pourraient se voir attribuer des droits.

La Sonangol, compagnie pétrolière d’Etat angolaise, a convenu de payer les droits de Nessergy dans un premier temps. Cependant, la RDC finira par rembourser la Sonangol à partir des recettes dégagées de la future production du bloc. Nessergy est elle-même immatriculée à Gibraltar, et est détenue à 75% par des sociétés immatriculées dans les îles Vierges britanniques, paradis fiscal également connu pour son secret bancaire, et Fleurette a confirmé qu’il en était le propriétaire majeur.

Bien que ces sociétés soient toutes liées à Gertler, la liste complète des actionnaires est tenue secrète, ce qui fait qu’il est difficile de connaître l’identité des personnes qui ont effectivement bénéficié de cet accord. Il n’était pas clair alors qu’il y avait tant de pétrole dans la région et jusqu’à ce que Gertler ait été impliqué, les eaux et les gisements de pétrole ont été entièrement détenus par l’Angola. C’est seulement après que Gertler ait employé des experts que les Congolais ont réussi à négocier un accord avec l’Angola pour partager les dépouilles du pétrole de la région. Fleurette confirme par ailleurs la cession des droits de Nessergy aux sociétés d’Etat congolaise (Cohydro) et angolaise (Sonangol), tout en refusant d’indiquer le montant versé.

La nébuleuse Gertler

Cinquante-neuf sociétés fictives ont acquis des biens de la RDC au cours des cinq dernières années. Cette liste fait mention de 22 sociétés qui peuvent être directement reliées à Dan Gertler. Parmi les 37 autres sociétés, 30 sont enregistrées par l’agent principal des sociétés fictives de Dan Gertler. Toutes ces sociétés ont été constituées récemment. Certaines d’entre elles ont vu le jour quelques semaines seulement avant qu’on leur octroie des biens miniers de la RDC valant plusieurs milliards de dollars, souvent à des prix nettement inférieurs à leur valeur marchande.

Gertler a été récemment mis en cause dans le rapport publié par Africa Progress Panel dirigé par l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, au sujet de la spoliation du Congo-Kinshasa d’un montant de 560 millions d’euros en trois ans.

C’est en 2003 que Condoleeza Rice, alors conseillère à la Sécurité nationale du président Bush, a présenté Dan Gertler et Chaim Leibovitch à la directrice principale aux Affaires africaines, Jendayi Frazer, de la Harvard Kennedy School.

En novembre 2003, sous l’ère Bush, la visite du président Joseph Kabila à la Maison- Blanche avait été qualifiée par Africa Confidential de «coup d’Etat» des magnats israéliens du diamant Dan Gertler et Beny Steinmetz. Le 6 décembre 2006, Frazer, alors secrétaire d’Etat adjoint aux affaires africaines, était l’un des sept délégués spéciaux envoyés par Bush à l’investiture du président Joseph Kabila à Kinshasa.

Depuis sa jeunesse, Gertler a toujours été l’émule admiratif de celui qu’il considère comme son maître à penser, le rabbin Haïm Yaacov Leibovitch de Brooklyn, un ami personnel de Condoleeza Rice. En 2001, Gertler et Leibovitch se sont associés pour devenir les principaux dirigeants d’une société d’extraction de diamants en République démocratique du Congo (RDC), Emaxon Finance Corporation, et ont acquis les droits sur la majorité des diamants de la Société minière de Bakwange (MIBA), principale exploitation du Kasaï-Oriental, près de la

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ville de Mbuji-Mayi, capitale mondiale du diamant brut, contrôlée par le gouvernement congolais.

MIBA et les champs de Mbuji-Mayi ont une longue histoire d’effusion de sang soutenue par Israël et les puissances occidentales. Pas un seul agent de l’Etat n’a été poursuivi pour les exécutions extrajudiciaires de mineurs suspectés «illégaux» à Mbuji-Mayi. Après un siècle d’exploitation et d’esclavage, la MIBA retient constamment le paiement des salaires des ouvriers congolais affamés et des cadres intermédiaires pendant plusieurs mois.

Avril et mai 2007 ont vu des grèves et des manifestations conduisant à des arrestations arbitraires, la détention et la torture d’organisateurs syndicaux comme Léon Ngoy Bululu par le gouvernement Kabila. La police a également abattu des manifestants, des travailleurs congolais soi-disant illégaux, privés de leurs droits et contraints à des activités «criminelles»

pour survivre. Ils ont été sommairement exécutés sur les concessions de la MIBA à Mbuji- Mayi. Les gardes de sécurité de la MIBA ont également abattu des mineurs chômeurs.

Emaxon Finance International de Dan Gertler est une véritable pieuvre qui dirige l’exploitation minière, de mèche avec toutes les entreprises et filiales occultes basées dans des paradis fiscaux offshore qui travaillent à protéger des personnes responsables de blanchiment d’argent, de trafic d’armes et des opérations de la drogue, d’assassinats et autres faits de terrorisme. Gertler a manœuvré contre ses concurrents, en particulier ses grands rivaux Energem et De Beers.

Energem, basée au Canada et anciennement appelée Diamond Works, appartenait au multimillionnaire – et non moins mercenaire – britannique, Tony Buckingham, actuel PDG et actionnaire majoritaire de Heritage Oil Corporation, ancien partenaire de Executive Outcomes, société militaire privée d’Afrique du Sud. Les administrateurs-actionnaires de Energem étaient les plus que douteux frères Mario et Tony Teixeira, JP Morgan, et le partenaire de Gertler, Beny Steinmetz, qui détenait 50% des parts, mais la société a été finalement déclarée en faillite en février 2011 après avoir entretenu la guerre dans onze pays africains.

La guerre implacable que se sont livrés les deux rivaux congolais Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila en mars 2007 comportait un enjeu de taille, la désignation du vainqueur en tant que portier noir pour les cartels miniers exploités par les dynasties familiales occidentales, dont voici quelques échantillons :

Maurice Tempelsman, originaire d’Anvers en Belgique, a émigré avec sa famille aux Etats-Unis en 1940. Il est le président du conseil d’administration de Lazare Kaplan International Inc., la plus grande entreprise de diamants aux Etats-Unis, et membre de Léon Tempelsman & Fils, une société d’investissement spécialisée dans l’immobilier et le capital à risque. Grand ami de Madeleine Albright, il est la «poche profonde» du Parti démocrate, partisan régulier des campagnes de John Kerry et autres démocrates, et a financé la campagne de Bill Clinton à raison de 500 000 dollars. Nul doute qu’il en fera de même avec la future présidente Hillary qui a commencé sa propre campagne et qu’il soutient.

Il a joué un rôle clé en Afrique du Sud dans les négociations entre le gouvernement et les entreprises impliquées dans l’exploration diamantifère. Tempelsman a été le conseiller de Mobutu Sese Seko, ancien dictateur du Zaïre, et l’a aidé dans son commerce avec De Beers. Il a été nommé président de la Corporate Council on Africa (CCA) de 1999 à 2002 et de 2007 à 2008, et en est depuis président honoraire.

Le CCA est une organisation américaine consacrée aux relations d’affaires entre les Etats- Unis et l’Afrique qui comprend plus de 180 entreprises membres, et représentant près de 85%

du total des investissements américains dans le secteur privé en Afrique. Tempelsman a dirigé le trafic de diamants en RDC, Angola, Botswana, Namibie et Sierra Leone. Sa capacité

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d’influencer les gouvernements et les marchés est incontournable, et il a été utilisé par la CIA pour déstabiliser plusieurs pays africains au profit de De Beers.

En 2002, Tempelsman a offert au président Sam Nujoma de la Namibie un prêt de 80 millions de dollars afin de combler le déficit budgétaire du pays, en échange d’un intérêt sur les ventes des pierres précieuses namibiennes.

Les Oppenheimer, deuxième fortune d’Afrique avec 5 milliards de dollars, ont fondé la holding britannique Anglo American qui est l’un des principaux actionnaires de la De Beers Diamond, implantée au Botswana, en Namibie, en Afrique du sud, et dont «Nicky», Nicolas Oppenheimer, est président ainsi que de sa filiale, la Diamond Trading Company. La société De Beers est à la source, entre autres, de l’expropriation des terres appartenant aux Bochimans du Botswana, en ayant exercé des pressions sur le gouvernement. Elle est également à l’origine de la guerre civile en Sierra Leone favorisée par un vaste trafic de diamants.

Les Menell par l’intermédiaire de Kemet Group, un groupe de sociétés privées impliquées dans les mines de diamant, métaux, huiles et biocarburants.

Les Forrest (groupe Forrest International GFI, conglomérat qui détient des pans entiers de l’économie du Katanga, spécialisé dans le BTP, ciment, élevage, transport aérien, contrôle également la plus grande banque de la RDC, la BCDC, via EGMF, entreprise générale Malta Forest), dont le chef de clan, Georges Forrest, très proche de Mobutu, était surnommé le «vice- roi du Katanga». Par ailleurs, George Forrest a recruté Olivier Alsteens, ex-directeur de la communication externe des Premiers ministres belges en 2002 et 2003, et ancien porte-parole de Louis Michel, ex-ministre des Affaires étrangères belge et député européen, lequel est très écouté par Joseph Kabila ; il a d’ailleurs joué un rôle dans la relance des relations belgo- congolaises.

Les Blattner : le groupe Blattner détient la majorité des parts de la Banque internationale pour l’Afrique au Congo BIAC, mais aussi le transport, maritime, aviation civile FlyCAA, pneumatique Cobra, télécommunications, agriculture, exploitation forestière, construction Safricas, et GAP, plus de 10 000 ha en exploitation directe d’huile de palme.

Et enfin les Lévi (secteur minier et bancaire avec la Trust Merchant Bank TMB), les Herzov, les Gertler et les Steinmetz.

Dan Gertler, sur fond de paysage minier…

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