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Le Miracle de Saint-Denis

In document va M: ATUUR (pagina 62-67)

Certain pays érait en proie à l'émotion, à \'inquiérude, au branIe-bas .. " à I'agitation. Vn conflit d'opinion atteigna1t profondémenr rous les « principes fondamentaux » imagina-bles. Les pères haïssaient er déshérit.lient leurs fil , Les femmes quiuaienr leurs maris, les boutiquiers leur comptoir et leur tiroir ... cependant non! I' agitation n' allait pas ju que-Ià, bien qu' He s'étendîr tour de même très loin ...

Parce qu'elle exerçait une influence fiicheuse sur les affaires - comme routes les agirations - on nomma septanre sages -septuaginta, un chiffre de mauvais augure - je disais donc : sepranre sages à cheveux blanc , tous exha1.lnt I'honorabilité, :lfin de tiree au c1air I' affaire qui bouleversait tanr la popula.

rion,

Les sages rHléchirent profondément et parlèrenr beaucoup.

IJs parIèrent beaucoup ct réfléchircnr parfoi profol1démenr.

Quelques-uns parlèrcor Jns réfl'chir i profondémenr que ceb.

Certains aussi parlèrent sans réfléchir du tout,

Et, parmi ceux qui parlèrcnr, on en comprenait quelques-un

d~ tem ps en tem ps.

Mais, parmi les parleurs qu'on comprenait, il n'y en avait pas un eul donr on sai issait la pensée.

Je ne cheeche pasà savoir 'il ne voul ient pa être compris.

ma is il est cerrain qu' après de longues dispu tes et be.\Ucoup J' p;uoles. Ie peuple fut au si avancé qu' avant.

Les pères ne discontinuèrenr pas de déshéritcr leues fils. I..

( mmes de quitter leur m.1ris, les boutiquiers ... non! I'agita-tion n'alla pas aussi loin. m:lis elle oe ces a quand même pas de croÎrrl.' beaucoup.

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Et les eheveux des sages devenaient de plus en plus blanes.

leur bonorabilité personnetIe de plus en plu honorable et personnelle. Et ils parlaient... parlaient...

Mais ragitation persista. Le peuple n'y eomprenait toujours rien. Les pères ... , vous savez Ie re te.

L'honorabilité des septuaginta att ignit un degré de gravité suprême.

Leur gravité devint solennelle.

Et eette solennité pathétique.

Le peuple était, en effet, ému. M:lis c'était de cette désagré:l-bie émotion qu'on appelIe agitation. non point de eelle qu'in pire la reconnaissance d'le à ceu. qui font luirela lumièr dans les ténèbres.

Et les pères ... oui, vous Ie savez déjà.

Avee une désinvolture exécrable, j'ai négligé de VOllS dile en quoi consistait Ie litige. La question qui agitait Ie pupie, déshéritait les fils, éloignait les femme de leur mari. les bouti·

quiers. " non, pas les boutiquiers .... Ia question qui occupait tant les septuaginta et auv gard .t leur honorabilité per onn Ile.

était la suivante :

« Après sa mort, Saint-Denis ·est·il promené .wec sa tite sous Ie bras droit ou sous Ie bras gauche? »

Alors vint dans Ie pays un homme simple qui n'JvJit pa de cheveux blancs. et qu'on n'honorait point du tout. IJ dit u peuple : «Chers ami ,Deni ne s'l' t p.1S P omené aprè SJ mort.

IJ o'a pris sa tite ni ous son bras droit. ni sou son bras ga uche ~.

Le peuple jet:l des ordures àeet homme. C'est é ident! Le fils désbérités aussi en jetèrenr comme Ic autr . lIs n'auraient pas dû faire cela, urtout pa ux. Et. not z bi n ceci : même Ic boutiquiers ne résistèrenc pas au désir de jeter des ordures. Cene

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fois ils quittèrent pour un instant leur tiroir et leur comptoir.

L'homme sans honorabilité personnelleetsans eheveux blanes inventa un moyen pour mettre fin à la vaine agitation du peuple ct àcette non moins vaine honor.lbilité des septuaginta, ct prononça :

«Ecoutez, citoyens, écoutez les paroles qui vous sont adres.

sées par Denis lui-mime. II m'e t apparu dans un rêve et m'a prié de vous saluer tous. IJ vous fait remereier beaucoup de votre zèle d<1ns Ie différend «droite ou ga uche ». Cependant, I.. bon saint ne veut pas que veus alliez trop loin dans vos aldentcs aspirations à la vérité, que vous deveniez victimes de vorre soif inaltérable de justice. C'est pourquoi. 0nobles pères.

iils déshérités, femmes volages, qui sa is-je enco re, vous devez écouter ce que Ie saint homme m'a dit. et cesser tout de suite vorre agitation ».

«Afin d' éviterlajalousie entresesdeux bras, l'incomparable Denis a pris sa tête entre ses dents et s' est promené ainsi ».

Le peuple apphudit. On couronoa r orateur. Tout Ie monde fut content... tour Ie monde. auf les eptuaginta qui avaient perdu un peu de leur poids, de leur estime et de leur honorabitité personnelle.

(La liberté dela main-d'ceuvre aux lndes Néerlandaises.. )

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Le Bandyir

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_ Fones sont les griffes du seigneur tigre, prononça quel-qu'un.

II y eut beaucoup de réponses :

_ Plu fort est Ie kléban dans la ma in de l'homme. répondit

\(' plus grand nambre.

Mais Sitou. qui attendait la nomination de Kerto Widyoyo.

dit:

_ Plus forte est I' attente de l'beure... de la récolte du riz ».

EHe prononça ces mots à haute voix, mais d'abord elle avait murmuré autre cbose que personne ne comprit.

- Plus forts sont les muscles du cbeval, cbanta Lountar, qui pensait à san voyage à Samarang.

- Plus fon est Ie torrent! s'exclama un vieiHard. qui avait été témoin de beaucoup de b.1ndyir .

Amia, la femme de Kardien, dit :

- Plus fon est I'amour d'um mère. ElIe ongeaità l'enfant qu'elIe attendait. Elle était bien obligée d'y songcr. car elIe entait qu'il viendrait bientot .Ju monde. Mais clIe ne savait pas qu'il viendrait si tot...

Comment se faisait.il que tout à coup personne ne comprÎt plus Ie mots« pantouns :t? Quelque cbose d' étrange planait dan l'air. Le gamlang résonnait ourdemenr, bien que Sapilan lui-même en jouk Par trois fois. Kardien avait crié aux jeu nes filIes. derrière la maison, de se dépêcber un peu, parce que,

(1) 1raduclion dc 1. Roelandl ti JzÎr Heila.

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n'entendant plus Ie bruit. devenu si faible, du mortier àriz, il pensait qu'elles faisaient les paresseuses. IJ y aV.lir du vacarmc

.lUX alentours. Un moment on eût dit ...

- Silence! fit Ie vieillard qui avait estimé que Ie torrent était plus fort que les griffes du tigre. Silence!... écoutez J•••

entendez! i) est làl. .. Ie bandyir! ...

Tous se taisaient, tous écoutaient, l'dfroi s'emparait de tous.

Le bandyirl

Comment re décrirai.je, puissant torrent descendant de 1.l montagne? A quoi te comparerai-je. géant d'eau qui enrraînes ce qui te résiste, qui plies les arbres comme des férus de paille, qui efface des forits entières? Oh! comme ij et naturel que tous les peuples gardenr Ic souvenir d'inondations darant de l'enfance de leur histoire.

D'abord un sifflement arrire I'oreille. Celui qui écoute avec 1'ouie poétique du C(Eur comprend que c'est un c1air appel à son attention. Cer appel, les peuples primirifs I'ont traduit par: «Ecourez commenr Ic Seigneur p.ule! ; de poète ont imaginé pourquoi Ie Seigneur parlair ainsi; des prêrres ont utilisé la crainte du peuple pour érablir un rapport. leur assurant des bénéfices et une autorité, entre les farces naturelles et leur propre impuissance.

Mais des naturalistes onr cherché comment er pourquoi ces nuages s'ama sent autour des ommers de montagnes et tom-bent avec violence, pour changer Ie perir ruisseau en rivière, b rivière en fleuve, Ie fleuve en mer ... , une mer qui enrraîne lont, détruit tout,

Le bandyirl La rerre trembie, I'air se comprime, la respira-tion devienr difficile, les oreilles bourdonnenr, comme i tau Ie bruits fusionnaient en un seul. que I'on pouruit rendre par un Rrrr ... gigantesque. si la description en érait po ible.

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On ne domine pas I'eau du regard;celui-ci s'y heurte comme à un mur qui semble glisser sur la plaine. On ne peut calculer ou la vie sera épargnée d'après «autant d'alritude ». mais d'après

«autant d'heures de distance». Er que I'on ne croie pas qu'une heure ou deux de dislJnce assurent IJ sécurité; en quelques minutes l'espJcc est franchi. Disparues les plantations de caféiers qui, il y J quelques heures à peine. trönaient sur la haureur d'ou, semblant hors de danger, clIes regardaient Ie petit ruisseau d'argent dans la vallée ... ce petit ruis eau devenu fort er furieux. Disparue la mai on de campagne à la façade blanchp, qui émergeait si gracieusement des piJntations environ-nantes : ralcitude ou elle était juch'e ne 1'3 pas sauvée; Ie bandyir bondit etglis~" .1Ll-deSSll~de la Vollléeet des profondeurs qu'il remplir et nivelIe. mais ij garde assez d'ean et assez de force pour être toujours plus haut et plus fort que ce qui l'entoure. Disparu Ic petir village sur la colline: regardez, ce qui est itué plus bas est déjà englouti, mais Ie bandyir est plus haut que la bauteur qui bientöt n'émergera plus de la surface de l'eau et era comme UD banc de sable au fond d'une mer, Disparu tout ce qui résiste ... disparu tout ce qui fuit. Aucunc force ne tient contre ceUe force, aucune vitesse ne peut vaincre ceUe vites e. Disparu vaches, chevaux et hamme ... , disparu plantes, jardins, forêts ... Tout e t détruit, emporté. faucbé, rasé.

Mais eetre fureur est trop violente pour durer longtemp<:.

Bientot, dans Ie dépör de boue, on trouvera les débris de ee qui a été anéanti, ct les cadavres de ce qui a été rué,

On essaiera de reconstruire c~qui a été détruit. Le cultivateur cherchera l'endroit ou il asemr. Hélasl Ie bandyir a emporré la récolte et la terre en même temps. La colline qui bornait les champs e t devenue un lac qui cache dans son sein les fruits de rant de travail. IJ y a de l'hypocrisie dans les rides gracieuses de

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eau, tout comme dans Ie sourire d'un méchant,

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Cependanr... oui, là ou iJ y avait de la terre, il y a de I'eau;

plus loin, au contraire, une bande de terrain, qui n'existait pas, a surgi, Oh! I'ennemi, qui se comporte comme s'il voulait rendre là-bas ce qu'il a dérobé ici, semble généreux, car cette nouvelle glèbe est fertile.

Au travai!! Au travaiI! 11 faut du riz pour apaiser la faim ....

du café pour calmer cette autre faim. qui, en Europe, s' appelIe

« Ie commerce ». 11 faut travailIer pour que les enfants ...

TravailIer? Avec quoi? Ou est IJ bêche? Entrainée par reau.

TravailIer pour la femme et les enfants? N'ont-ils pas été emportés comme les outils? Emportés comme les maisons. les jardins, la récolte?

Heureux l'ouvrier qui ne fut pas appelé pour bêcher Ie limon qui sera fertile, car...

Oui, car sa bêche sc hcurtcrait à des squelertes. Et lorsque Ie paysan cherchera et réf1échira, la bêche tombe ra de ses mains ...

il reconnaÎtra Ie cadavre ... , il reconnaÎtra beaucoup de cadavres ...

De qui peut bien être celui-ci? 11 a Ie bras gauche enveloppé.

C'est Ie corps de Kardicn qui lurta si courageusemenr contre Ic tigre, ct qui fut si heureux de pouvoir dégager la robe de sa femme avec la récompense de sa bravoure.

Et çà? C' est Pa-Simah aHC son jeune fih dam les bras. c' petit enfafit quïl aimait tant. Et Simah lui·même. qui 'tait si fier parce que Ie nom de son père scrait toujours prononcé quand on raconterait

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acte h' roïque de Kardien.

Là gisenr. à cóté du mortier à riz. Ic cadavres de trois jeune filles ... , elles chantaient si doucemenr. ce soir-là ... héla ! ...

U n peu plus loin. les restes du vieil1ard qui avait dit avec raison que Ic bandyir est plus fort que les griffe du tigre ...

Mai Ie corps de Lountar ne e trouve pas là. Apprenant I'.1larmante nouvelle il cournt à la mai on de son seigneur, il

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sortit un cbeval des écuries - lui qui montait si bienl - et, en avant! en avant! Mais Ie bandyir Ie rattrappa. Car Lountar avait tort de croire que les muscles d'un chev,)1 sont plus forts que Ie torrent.

Voyez là·bas les restes de Saléman et de Daoud. les deux enfants au nom royal ct Kromo. qui écbappa aux balies et aux klébans des Balinoi .... eux aussi, Ie bandyir les atteignit.

Plus loin gisent dans Ja boue deux cadavres enlacés. Les éparer serait difficile. même après la mort! 11 faudra les enterrer en emble. Cc sont Kerto Widyoyo qui devait être nommé au bureau du sous-collecteur. et Sitou, agée de quatorze ans. qui attendait si impatiemment celte nomination, pour devenir Ja femme de Widyoyo ...

Pendant son agonie. Ic jaloux Dayik couvrit de sa main la jolie AïsSJ. comme pour la protéger contre les regards des hommes qui trouveraient son cadavre nu. après Ie recul de I'eau.

Et Amia? Faut-il chercher une épouse ou une mère? Serait-cc e1le qui est couchée là-ba , Ic vi age douloureux, comme si elle avait ollffert Ic affres d'une double mort? Serait-ce sonenfant, cette petite masse informc née sous I'eau?

Mon Dieu. Mon Dieu! Détournons les

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ux de cette destruc.

tion. Nous entendons les suprêmes gémissements. no us voyom les dernières convulsions, nous comprenons les ultime prière ...

rt notre C<Eur se serre. Car, lecteur, ces Javanais étaient de êtres humains! Le cadavee qui gisent là et menacent d' amener la peste, sont ceux d'êtres bumains! lis sentOlient. espéraient. crai-gnaient. comme nous. Ijs avaient droit au bonheur, comme nous.

Lecteur, Hollandais, c' étJient des êtres hu ma ins. ces Javanals!

Et Ie rescapé qui regarde fixement Ie paysage détruit ct herche en vain I'endroit ou il asem', c'e t un être humain.

Pend, nt qu' il cherche les cad.wres de ses proches, de sa mère,

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de sa femme, de son enfant, son c<rur se serre et redoute :lUtaot de oe pas trollver que de vair ce qu'il cherche. Et si ~es doulou-reux eHons sant couronnés de succès, Ie désespoir lui déchirera I'ame, tout comme ce serait Ie cas pour vous, lecteur, si vous aperceviez les restes de votre enbot, de votre femme. de votre mère ...

Cc JavanJis est un être humain, leueur!

(Montrez-moi l'endroit ou j'ai semé.)

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