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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le vendredi 15 juillet 2011

Numéro spécial RDC

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Loi électorale de 2011: le choix de la continuité

Par Thierry Vircoulon1

Après l’enregistrement des électeurs, la seconde base du processus électoral vient d’être posée : le 15 juin 2011, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, après quasiment trois mois de débats2, la nouvelle loi électorale. Sénateurs (majoritairement acquis à l’opposition) et députés (majoritairement acquis à la coalition au pouvoir) ont voté une loi électorale qui reste in fine très similaire à celle de 2006. Trois mois de débats ont été nécessaires pour contrer les changements que le parti au pouvoir (le PPRD) voulait introduire et reconduire un système électoral familier aux élus de 2006. Ces derniers ont refusé les principales innovations inspirées par le parti au pouvoir et ont fait le choix de la continuité électorale, démontrant ainsi que le pouvoir exécutif ne pouvait pas bousculer leurs intérêts à sa guise.

1. Le projet de loi du gouvernement : de la révision constitutionnelle à la révision électorale

C’est dans un climat de grande suspicion que le projet de nouvelle loi électorale a été introduit à la mi-mars 2011. En effet, depuis le début de l’année et dans le sillage de la révision constitutionnelle3, des rumeurs persistantes faisaient état de modifications réglementaires pernicieuses, c’est-à-dire visant à exclure certains candidats pour des motifs d’âge, de résidence et/ou de fiscalité. Le texte présenté par Tunda Yakasendwe, député national du PPRD, modifiait en profondeur le système électoral, à commencer par l’essentiel : le scrutin.

1ICG :Thierry Vircoulon, On the African Peacebuilding Agenda | 15 juil. 2011

2 Le projet de loi électoral du gouvernement fut introduit au Parlement le jour d’ouverture des sessions plénières de printemps et fut finalement adopté le 15 juin 2011, dernier jour de cette session parlementaire.

3 Le 15 janvier 2011, Joseph Kabila fit voter par les deux chambres réunies en congrès plusieurs réformes constitutionnelles controversées afin de faire passer les élections présidentielles de deux à un tour et de renforcer le pouvoir présidentiel. Pour plus de détails, voir le rapport Afrique N°175 de Crisis Group, « République Démocratique du Congo : le dilemme électoral », 5 mai 2011.

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Outre le passage du scrutin présidentiel de un à deux tours, le projet de loi envisageait de changer aussi le mode d’élection des députés. Alors que ceux-ci sont élus à la proportionnelle4, l’article 119 du projet de loi prévoyait un système mixte : la liste ayant la majorité absolue remportait l’ensemble des sièges d’une circonscription tandis que le scrutin proportionnel continuait à s’appliquer dans les circonscriptions où aucune liste n’atteignait la majorité absolue5.

Favorable aux grands partis politiques, cette modification visait d’évidence à renforcer l’emprise du parti au pouvoir sur l’Assemblée nationale qui compte actuellement 69 partis et où le PPRD n’a que 111 sièges sur 500. Une telle disposition électorale aurait fait barrage aux indépendants (63 élus), aurait permis d’éliminer certains petits partis de la représentation nationale (actuellement, 56 partis ont moins de 5 sièges dont 31 avec un seul siège) et, ce faisant, aurait mis un terme à la « politique d’alliances obligatoires » qui a dominé la vie de l’Assemblée nationale durant cette législature.

Le projet de loi inspiré par le gouvernement comportait d’autres innovations qui, sans être aussi fondamentales que la modification du scrutin législatif, n’en étaient pas moins stratégiques. Parmi celles-ci figuraient la caution pour les candidats, les modalités de cooptation des chefs coutumiers, la définition des circonscriptions de Kinshasa et les contentieux électoraux.

Alors qu’en 2006 les cautions (non-remboursables) pour les candidats aux élections présidentielle et législative atteignaient respectivement 50 000 et 250 dollars, le projet de loi portait ces cautions à 100 000 et 5000 dollars6, rehaussant brutalement la barrière financière de l’éligibilité. Par ailleurs, ce texte transférait la responsabilité de la cooptation des chefs coutumiers (membres de droit des assemblées provinciales) de ces assemblées au ministère de l’Intérieur qui est chargé des affaires coutumières7. A l’instar d’autres pays africains8, cette intervention du ministère de l’Intérieur visait à affirmer le rôle de l’Etat dans les affaires provinciales et coutumières et ainsi permettre d’imposer des chefs coutumiers favorables au pouvoir central en place.

Enfin, le nouveau texte stipulait que les 24 communes de Kinshasa deviendraient des circonscriptions électorales en lieu et place des quatre districts actuels9. Alors qu’en 2011

4Article 118 de la loi 06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales. Selon le mode de scrutin actuel pour les élections législatives, les 500 députés sont élus selon un scrutin proportionnel pur avec des listes ouvertes dans 169 circonscriptions.

Chaque circonscription élit entre 1 et 4 députés en fonction du nombre d’électeurs enregistrés.

5 Article 119 de la proposition de loi etc…, enregistrée le 11 mars sous le N°0856 au secrétariat du cabinet du président de l’Assemblée nationale et à la direction des séances le 14 mars sous le N° 015.

6 Articles 106 et 132 de la proposition etc…, enregistrée le 11 mars sous le N°0856 au secrétariat du cabinet du président de l’Assemblée nationale et à la direction des séances le 14 mars sous le N° 015.

7 Paragraphe 5 : de la cooptation des chefs coutumiers, articles 151, 152, 153 de la proposition etc...

8 De l’Afrique du Sud au Tchad, les tentatives de politisation des chefs traditionnels par le pouvoir politique sont légions. Voir C-H Perrot et F-X Fauvelle Aymar (éd), Le retour des rois. Les autorités traditionnelles et l’Etat en Afrique contemporaine (Paris, 1999) et pour un exemple récent au Tchad, voir le Briefing Afrique de Crisis Group N°78, Le Nord-Ouest du Tchad : la prochaine zone à haut risque ?, 17 février 2011.

9 Article 115 de la proposition etc…, enregistrée le 11 mars sous le N°0856 au secrétariat du cabinet du président de l’Assemblée nationale et à la direction des séances le 14 mars sous le N° 015.

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Kinshasa reste un bastion de l’opposition, ce nouveau découpage électoral aurait permis de créer quelques circonscriptions acquises à la majorité dans la capitale du pays10.

2. La résistance des parlementaires

Conçu au départ comme une formalité de quelques jours, l’examen du projet de loi par le législateur a pris trois mois au cours desquels il a été largement amendé par les parlementaires. Le texte adopté par les deux chambres le 15 juin 2011 écarte plusieurs dispositions innovantes précédemment citées et en conserve d’autres mais, dans l’ensemble, il reconduit le système électoral de 2006.

La proposition de scrutin mixte pour les députés a cristallisé l’opposition au projet. Effrayés par la perspective d’une domination accrue du champ électoral par le PPRD11, les députés ont unanimement rejeté le projet de loi par 236 voix contre, 23 voix pour et 12 abstentions le 11 mai 2011. Le refus a donc coalisé des députés de l’opposition mais également de la majorité, et notamment ceux qui n’appartenaient pas au PPRD mais à ses alliés et qui se voyaient déjà marginalisés dans l’asphyxiante coalition de la Majorité Présidentielle12. La structure même de l’Assemblée nationale – forte représentation de petits partis et des indépendants – laissait présager une coalition des minoritaires contre le projet électoral du PPRD. Sachant le gouvernement pressé par le temps13, les parlementaires n’ont pas hésité à inverser la pression en faisant traîner l’examen du texte et en intégrant leurs indemnités de fin de mandat dans la négociation finale14. In fine, les parlementaires ont décidé d’écarter le scrutin mixte, l’augmentation des cautions (maintenus à un niveau identique), la transformation des 24 communes de Kinshasa en autant de circonscriptions électorales et la mainmise du ministère de l’Intérieur sur la cooptation des chefs coutumiers15. Comme en 2006, les quatre districts de Kinshasa font toujours office de circonscriptions électorales, la diaspora est toujours privée de droit de vote et la parité entre hommes et femmes sur les listes a été récusée à une vaste majorité. Alors que les femmes ne représentent que 10,40% et 4,63% des élus à l’Assemblée nationale et au Sénat, le principe constitutionnel16 de parité homme/femme n’a été inclus par le législateur que comme une condition souhaitable et non comme une condition indispensable pour l’élaboration des listes électorales17.

10 En 2006, à Kinshasa, la majorité présidentielle a obtenu 17 sièges, dont 4 pour le PPRD, sur 58 aux législatives et 8 sièges sur 44 aux élections provinciales. Chiffres extraits de Thierry Coosemans, Radioscopie des urnes congolaises (Paris, 2008).

11 Entretien de Crisis Group, politicien de la majorité présidentielle, Kinshasa, 4 juin 2011.

12 Le 18 mars 2011, sous l’impulsion de Joseph Kabila, l’AMP est devenue la Majorité présidentielle (MP).

Alors que l’AMP était une alliance de partis sur une base plus ou moins égalitaire, la MP est structurée autour du PPRD et seuls les partis politiques ayant une représentation nationale peuvent y adhérer. L’objectif affiché de cette transformation était d’assurer au PPRD une représentation majoritaire au sein de la MP mais aussi d’un futur gouvernement en réduisant le nombre d’alliances avec des partis minoritaires au sein de sa coalition. Sur la transformation de l’AMP en MP, voir le rapport Afrique N°175 de Crisis Group, « République Démocratique du Congo : le dilemme électoral », 5 mai 2011, p6.

13 « RD Congo-Elections 2011: Kabila remet les pendules à l'heure », Le Potentiel, 15 avril 2011.

14 « Boycott des plénières - Les Députés très fâchés ! », La Postérité, 25 mars 2011 ; « Désertion des plénières à l'Assemblée nationale - Des députés revendiquent leurs indemnités de sortie », L’Observateur, 29 mars 2011 ;

« Impayés depuis deux mois : Les élus du peuple refusent de clôturer la session sans argent », Le Forum des As, 15 juin 2011

15 « Loi électorale : le pouvoir recalé », La Libre Belgique, 15 juin 2011.

16 Article 14 de la constitution de la République démocratique du Congo, Journal Officiel, 18 février 2006.

17 « Chaque liste est établie en tenant compte de a représentation paritaire homme-femme et de la promotion de la personne vivant avec handicap. Toutefois la non réalisation de la parité homme-femme et la non présence de

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Bien qu’il ait été conservateur sur l’essentiel, le législateur a, cependant, introduit plusieurs dispositions innovantes qui méritent d’être mentionnées :

– Encadrement de la cooptation des chefs coutumiers et dépolitisation : ceux-ci ne peuvent accomplir deux mandats consécutifs et ne peuvent faire partie des assemblées provinciales s’ils sont membres d’un parti politique18. Par ailleurs, c’est la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui est chargée d’organiser la cooptation des chefs coutumiers dans les assemblées provinciales et non le ministère de l’Intérieur.

– Nouveaux critères d’inéligibilité : les auteurs condamnés en dernier appel pour violences sexuelles ou pour crimes de guerre ne sont pas éligibles19. La question du niveau scolaire des élus s’étant posée durant cette législature, un critère d’études a été introduit pour l’ensemble des candidats aspirants à des fonctions publiques en alternance avec un critère d’expérience.

Par ailleurs, afin de parer au problème récurrent de l’utilisation des moyens publics pour les campagnes électorales, les parlementaires ont maintenu l’inéligibilité pour les mandataires de sociétés publiques et les membres de la fonction publique mais l’ont récusée pour les mandataires des entreprises mixtes20.

– Contentieux électoral : afin de se conformer à la constitution21, les contentieux électoraux relèvent de la juridiction de la Cour constitutionnelle pour les élections présidentielles et législatives, la Cour administrative d’appel pour les élections provinciales, le Tribunal administratif pour les élections urbaines, communales et locales22. Or ces juridictions, bien que prévues dans la constitution, n’ont toujours pas été créées. Comme en 2006, la Cour suprême de justice sera compétente par défaut pour trancher les litiges électoraux. Sur ce point important, les recommandations de l’Union Européenne n’ont pas été suivies par le législateur congolais23.

L’adoption d’une loi électorale épurée des dispositions innovantes du gouvernement s’est accompagnée du rejet par les deux chambres de la demande du gouvernement de légiférer par ordonnances-lois durant la période des vacances parlementaires, conformément à l’article 129 de la constitution24. Là encore les élus congolais ont réaffirmé leur prééminence sur le pouvoir exécutif.

Conclusion

Alors que l’enregistrement des électeurs touche à sa fin, le cadre légal des scrutins à venir reste à finaliser. L’adoption par les deux chambres de la loi électorale ne signifie pas que ce cadre est complètement en place. Les députés ont prévu de se réunir en session extraordinaire

personne vivant avec handicap ne sont pas motif d’irrecevabilité d’une liste ». Article 13 de la loi modifiant et complétant la loi 06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales de juin 2011.

18 Article 154 de la loi etc…

19 Article 10 de la loi etc…

20 Article 10, alinéa 6 de la loi etc… Cette disposition est actuellement controversée puisqu’elle fait l’objet d’une requête pour inconstitutionnalité devant la Cour suprême de justice. « Une requête sur la table du président de la CSJ pour inconstitutionnalité », L’Observateur, 20 juin 2011.

21 Article 161 de la constitution de la République démocratique du Congo, Journal Officiel, 18 février 2006.

22Article 27 de la loi etc…

23 Mission d’observation de l’UE en RDC, Elections 2006, Rapport final, recommandation 30, 31, 32, p. 64.

24« Le gouvernement rate son coup au Sénat », Le Potentiel, 16 juin 2011.

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au mois de juillet et les sénateurs au mois d’août pour finaliser les annexes de la loi électorale, à savoir la définition des circonscriptions électorales. Or selon le calendrier de la CENI, le dépôt des candidatures doit avoir lieu entre le 4 août et le 6 septembre. De ce fait, il est impératif que les annexes à la loi électorale qui définissent les circonscriptions et le nombre de sièges soient adoptées par le Parlement avant l’ouverture des dépôts de candidatures. Un éventuel retard serait problématique d’autant plus que l’enregistrement des électeurs a pris plus de temps que prévu, que les réclamations pour son prolongement émanent de plusieurs provinces et que l’opposition dénonce des irrégularités.

Le 4 juillet 2011, le dépôt par l’UDPS d’un mémorandum sur les irrégularités relatives à l’enregistrement des électeurs a donné lieu au premier heurt depuis le début du processus électoral entre policiers et manifestants à Kinshasa25. La CENI rejette, en effet, toute accusation de fraude alors que l’UDPS dénonce le non-enregistrement des électeurs dans certains territoires des Kasaï et qu’au Katanga et au Maniema, fiefs de la famille Kabila, 103% et 115% des électeurs attendus ont été enregistrés26. Loin d’être uniquement une question technique, l’enregistrement des électeurs influe aussi sur le poids politique des provinces puisque le nombre de sièges par province est déterminé par le nombre d’électeurs27. La transparence du processus d’enregistrement et la vérification de la liste électorale sont donc primordiales pour dissiper les soupçons de manipulation de la répartition du corps électoral.

Paradoxalement, il s’est révélé plus difficile de changer la loi électorale que de changer la constitution. Tant pour les membres de l’opposition que de la majorité, la loi électorale fut l’occasion de s’opposer au train de réformes initiées en janvier car cette fois-ci les modifications voulues par le parti au pouvoir visaient à contrôler l’espace électoral pour la députation. Les parlementaires ont, au contraire, voulu maintenir un espace électoral aussi ouvert qu’en 2006 où environ 10 000 candidats s’étaient présentés à la députation nationale et environ 14 000 à la députation provinciale. Dans un pays de plus de 400 tribus où l’Assemblée nationale compte 70 partis locaux, où les partis ont tous une base régionale28 et où la décentralisation est encore problématique, le scrutin proportionnel est perçu comme la garantie d’une représentation équilibrée des innombrables groupes qui forment la RDC et une des protections contre la domination d’une province ou d’une ethnie sur les autres. Outre le rappel que le parlement n’est pas une simple chambre d’enregistrement, le message adressé au pouvoir est celui du maintien d’un système représentatif capable de refléter l’extrême diversité de la classe politique congolaise.

25 Mémorandum de l’UDPS adressé à la CENI au sujet des mauvaises pratiques constatées dans l’enrôlement des électeurs, 4 juillet 2011. « Le sit-in de l’UDPS dispersé dans la violence », Afrikarabia, 4 juillet 2011.

26 Source CENI.

27 Article 115 de la loi etc…

28 Les deux plus anciens partis du paysage politique congolais (le PALU d’Antoine Gizenga et l’UDPS d’Etienne Tshisekedi) ont leur base électorale au Bandundu pour le premier et dans les Kasaï pour le second.

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Parité des genres : on continue à patauger.

Par Guy De Boeck

A l’Assemblée nationale, la parité mécanique a été rejetée. L’article 13 de la loi a particulièrement suscité des protestations de la part des femmes venus assister à la plénière, qui ont décidé de quitter la salle des congrès. Leur colère était provoquée par le rejet par la plénière des amendements relatifs à la consécration du principe de la parité dans la confection des listes électorales.

Il s’agit de deux amendements faits audit articles, à son alinéa 3 qui stipule : « chaque liste est établie en tenant compte, s’il échet, de la représentation paritaire homme- femme et de la promotion de la personne vivant avec handicap. La non réalisation de la parité homme femme n’est pas un motif d’irrecevabilité d’une liste ».

La rédaction de cet alinéa est doublement discutable.

D’abord, parce que mettre sur le même pied les femmes et les handicapés n’est pas très galant- ce qui est un détail – mais surtout pas très logique. Sauf le respect dû à tous les sourds,

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aveugles, muets, estropiés, bancroches et cul-de-jatte du Congo, ils représentent une minorité de la population, alors que la sous-représentation des femmes concerne sa majorité.

Ensuite, parce que dire, en pratique, qu’il faudra tenir compte de quelque chose, mais que ce n’est pas obligatoire, revient à ne rien faire du tout. Le « s’il échet » a paru particulièrement indigeste aux Congolaises.

Cette étrange rédaction s’explique par les circonstances qui ont entouré la rédaction de la loi électorale en vue des élections de 2006. Il s’agit donc des travaux du Parlement de Transition en 2005.

Celui-ci se montra très soucieux, sinon d’être à la point du progrès, du moins d’en avoir l’air.

La Constitution de la Troisième République consacre la parité homme/femme. Voici ce qu’elle en dit, dans son préambule:« Réaffirmant notre adhésion et notre attachement à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, aux Conventions des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant et sur les Droits de la Femme, particulièrement à l’objectif de la parité de représentation homme- femme au sein des institutions du pays ainsi qu’aux instruments internationaux relatifs à la protection et à la promotion des droits humains ; (p.11) » Et plus loin, à l’article 14, on peut lire : « Les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et d’assurer la protection et la promotion de ses droits. –Ils prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation---La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales—l’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans les dites institutions.---La loi fixe les modalités d’application de ces droits. »

On assista alors à la répétition de ce qu’on avait déjà vu dans d’autres domaines. Tout comme les fameux « sapeurs » ont montré que les Congolais peuvent aller fort loin, jusqu’à l’invraisemblance, quand il s’agit de la mode vestimentaire, le Parlement de Transition se montra fort disposé à empiler dans la Constitution de la RDC tous les droits humains possibles et imaginables, pour la raison suffisante que c’était à la mode. L’ennui, c’est que les

« sapeurs » ne sortent leurs fringues de luxe que pour les soirs de gala et les concours, alors que la Constitution est censée définir des vêtements de tous les jours, des droits qui sont, en permanence, d’application.

Une chose aurait dû mettre la puce à l’oreille des observateurs – surtout des observatrices : le Parlement de Transition était lui-même fort peu « paritaire ». Or, sa particularité était de n’avoir pas été élu, mais bien composé de membres désignés directement par les partis (ce que l’on désignait pendant la transition comme « les composantes et entités »). La raison habituellement invoquée pour se défendre contre les accusations de sexisme, c’est que la situation résulte du choix des électeurs. Dans le cas du Parlement de Transition, il n’en était rien : la forte prédominance masculine y venait tout droit des partis. Mais dans a situation actuelle aussi, ces partis ont la haute main sur la désignation, non plus des Parlementaires comme tels, mais des candidats. Et, bien sûr, on ne peut être élu si l’on n’est pas candidat d’abord !

En outre, la rédaction bizarre de l’art 13, alinéa 3 de la loi électorale se fit à propos des femmes et des handicapés, mais dans le cadre d’une manœuvre qui avait d’autres buts. Les Congolaises se virent alors, tout à coup, au centre d’une sollicitude internationale universelle et inattendue, mais non désintéressée. Il s’agissait de faire adopter par les Congolais le principe des listes dites « zébrées et bloquées ».

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« Zébrées » parce qu’elles auraient alterné systématiquement les hommes et les femmes.

« Bloquées » parce que le choix des électeurs n’aurait pu modifier l’ordre de présentation décidé par les partis. Exprimé en termes « belges », cela veut dire qu’en pratique on supprimait le vote de préférence pour ne retenir que la case de tête. Les partis auraient bien des élus dans la proportion des votes émis en leur faveur, mais dans l’ordre 1, 2, 3…

déterminé par le parti. Il n’était plus question de voir le n° 21 dépasser tout le monde à la faveur de sa popularité. Cela réduisait donc le poids du vote et augmentait le poids des appareils de parti dans la désignation des élus.

En outre, tout cela servait de rideau de fumée pour une manœuvre qui ne concernait ni les femmes ni les handicapés, mais bien les Banyamulenge. Le « blocage » des listes aurait en effet permis d’empêcher les électeurs de « contourner », par le vote de préférence, un candidat

« ethniquement indésirable ».

Certains « parrains » occidentaux du processus se montèrent vraiment trop peu discrets.

« Le président rwandais Paul Kagame a fait une surprenante déclaration en prenant à rebrousse-poil les donneurs de leçons occidentaux, dont le Commissaire européen belge Louis Michel, qui, selon l’homme fort du Rwanda, n’ont eu de cesse ces dernières semaines en mettant la pression sur les parlementaires congolais dans leur effort d’élaboration de la loi électorale. L’occasion de cette prise de position était l’audience accordée le 4 janvier à Kigali à la présidente du Sénat belge Anne Marie Lizin, qui venait de plaider à Kinshasa un peu plus diplomatiquement que Michel, pour des efforts d’inclusion de la « minorité » banyamulenge dans les futures institutions de la Rdc, grâce à un système électoral quasi sur mesure, le fameux scrutin proportionnel avec listes bloquées. M. Kagame a surpris la patronne de la chambre haute du parlement belge qui croyait lui faire plaisir en signalant l’engagement des Occidentaux pour aider certaines personnalités issues des groupes minoritaires à se faire élire malgré les réticences des législateurs congolais. « Qu’on laisse les Congolais décider, seuls et par eux-mêmes, du système qui leur convient. Ce n’est pas à la communauté internationale qu’il appartient de leur dicter ce qu’il faut faire ! », a martelé le chef de l’Etat rwandais, battant en brèche une solide réputation de défenseur envers et contre tout des intérêts des Tutsi où qu’ils soient »29.

L’opération ratée, on jeta le bébé avec l’eau du bain et les Congolaises, étonnées, s’aperçurent que l’intérêt pour leur sort s’éteignait aussi subitement qu’il s’était allumé. Comme on avait voté de fort beaux textes de principe dans la Constitution, il fallut expliquer dans la loi électorale que « tout ça, c’est bien beau, mais qu’on s’en occupera plus tard… », d’où l’étrangle libellé (s’il échet ) de l’article 13, alinéa 3.

Nous l’avons déjà dit, le sexisme, au Congo, ne réside pas chez les électeurs. En 2006, les femmes étaient 10% parmi les candidats et elles ont représenté 9% des élus. Le problème se situe essentiellement dans les états-majors des partis, où siègent des politiciens mâles qui ne sont pas prêts à abandonner leur bifteck à une représentante du beau sexe. Ils ont bien trop peur de ce que diraient leurs femmes !

La manœuvre des « listes zébrées bloquées » servait donc un but inavouable, mais avait permis d’identifier correctement la cible : toute question de discrimination, en RDC, dépend fondamentalement du rapport de force entre l’influence de l’électeur et les appareils de parti

29 Site Burundi bwacu, article « Loi électorale avec listes bloquées : Kagame prend ses distances vis-à-vis des maîtres chanteurs du Rcd-Goma et leurs mentors occidentaux », du samedi 14 janvier 2006 http://www.burundibwacu.info/archives/spip.php?article261

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qui dressent les listes de candidats. Tentative antidémocratique, les « listes zébrées bloquées » tendaient à augmenter l’influence de ces derniers.

Le journal L’Observateur du 26 mai 2011 a consacré à l’aspect « genre » du débat parlementaire son éditorial, intitulé « La parité ne se décrétera pas, Mesdames ».

Il écrit : « Pour exprimer leur mécontentement face à la tournure que prenaient les choses au Palais du Peuple lors de la discussion de la loi électorale, les femmes députés sont sorties de la salle. Cette sortie des mamans du reste très médiatisée, qualifiée de bravade par certains "

députés macho " n'a pas pour autant changer le cours des choses. L'article à la base de cette montée d'adrénaline chez les mamans députés n'a pas pour autant été modifiée. En clair donc, la parité mécanique souhaitée par les mamans a été tout simplement rejetée. Pour bien de nos compatriotes ; c'est le contraire qui aurait surpris. Car dans la situation qui est la nôtre, même si la parité a été affirmée et réaffirmée maintes fois, les mamans doivent savoir qu'elle ne sera pas un cadeau offert gracieusement sur un plateau en or, mais plutôt le fruit d'une lutte épique, une lutte de tous les instants.

L'affirmer ne veut nullement dire prendre position en faveur des " machos " mais réaffirmer plutôt une évidence qui se vit du reste dans les pays avancés. La parité ne se décrétera pas.

Car si tel est le cas, elle sera porteuse de médiocrité. Dans un monde majoritairement masculin à bien d'égards, les dames qui ont su s'affirmer partout ailleurs ont été en réalité des femmes d'exception. Tel est le cas de Golda Meir, Simone Veil, de Margaret Tatcher, de Bandara Nayiké et j'en passe. Et pourquoi pas de Sophie Kanza, de Marie Ange Lukiana chez nous…

Pour que les Congolaises parviennent à faire entendre leur voix, elles devront résolument se jeter dans la bataille. Aujourd'hui au vu des statistiques, le nombre de filles et de garçons s'équivalent dans les écoles. Ce qui est une très bonne chose. Mais cela ne suffit pas. Ce qui reste à faire, c'est transformer réellement le mental de nos filles qui devront refuser de se considérer comme le sexe faible. Ce qui sous entend travailler durement pour au final s'imposer par la force du poignet. Car une dame qui a une tête, une vraie alors on la respecte.

N'attendez donc rien des hommes, pas de faveur, d'ascenseur… C'est de cette seule façon que la parité que vous appeler de tous vos vœux se matérialisera et que vous finirez par égaler "

les machos "… Foi de Philippe Mbayi Wete »

Il serait bien sûr hautement souhaitable que l’on se documente correctement sur les exemples qu’il se propose de citer. Prendre Margaret Thatcher comme exemple de ce que peut donner l’éligibilité des femmes mènerait plutôt à la rejeter !

Il serait souhaitable, tout aussi hautement, qu’un auteur qui veut appuyer son argumentation sur des exemples étrangers – adjectif bien préférable à « avancé » - prenne la peine de se documenter sur les pays qu’il va donner en exemple. Car les pays avancés ont recouru pour assurer la représentation des femmes précisément à l’instauration de quotas de genre similaires à ceux que le Parlement congolais vient de rejeter.

Mais – et ceci est d’un grand intérêt – ils l’ont fait, là où cela s’est avéré nécessaire, en désespoir de cause. Car, au départ, beaucoup de partisans d’une meilleure représentation des femmes – y compris des féministes – pensaient, comme le journaliste de L’Observateur, que cela se ferait tout naturellement, au fur et à mesure que, les femmes étant progressivement délivrées de tout un carcan de limitations, celles d’entre elles qui avaient des dons remarquables et des personnalités fortes (les femmes d’exception, pour reprendre les termes de Philippe Mbayi Wete) « y arriveraient » sans l’appui d’une législation.

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Légiférer, imposer des quotas, c’est d’abord une attitude de pion ou de gendarme. Elle ne montre guère d’estime pour la maturité de l’électorat30. Mais il faut bien admettre que les gendarmes sont parfois nécessaires… On peut penser que la mise en place de quotas se justifierait au Congo, dans la mesure où la principale résistance à la présence des femmes en politique n’est pas le fait du grand public qui élit les députés, mais des appareils de partis qui dressent les listes !

Le 15 juillet 2011 à Kinshasa : clôture des inscriptions.

La presse parle de « morosité ».

Extrait de la Revue de presse de CongoForum

«Révision du fichier électoral : les Kinois se sont fait enrôler sans grand enthousiasme», a constaté le journal Les Dépêches de Brazzaville. «Le contraste est frappant entre la ferveur de 2006 et la tiédeur actuelle, fait remarquer le journal. Les vaines promesses des élus du peuple en seraient la cause principale». L’auteur de l’article rapporte

«qu’après dix jours de prolongation des opérations d'enrôlement dans la ville de Kinshasa sur décision de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) afin d'aider les retardataires à se rattraper, tous les centres d'inscription disséminés dans la capitale ferment officiellement leurs portes aujourd'hui». «Nous n'allons pas voter. Cette fois-ci, ils ne nous aurons pas dans leur piège», peut-on entendre un peu partout dans une ville déjà chauffée à blanc par une opposition radicale dénonçant, à tout bout de champ, les irrégularités de la révision du fichier électoral. De nombreux Kinois détenteurs de la carte

30De plus, cela expose à la tentation de faire « du féminisme à la rwandaise », à l’exemple de Kagame : remplir le Parlement de députés à plus de 50% féminins, mais qui, venus d’élections truquées, sont plutôt nommés par le dictateur qu’élus par le peuple.

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d'électeur pensent s'en servir juste comme pièce d'identité afin de bénéficier de ses avantages et rien de plus. D'où le taux élevé d'abstentions redouté dans la ville de Kinshasa où l'opposition espère réaliser ses meilleurs scores en s'appuyant sur l'élan contestataire des Kinois.

«Révision et après ?» s’interroge l’éditorialiste du journal Le Potentiel. «Après une prolongation de dix jours, l’opération de révision du fichier électoral se clôture ce vendredi 15 juillet, pour la ville de Kinshasa, rappelle le journal. A l’issue de cette opération débutée le 7 mai à Kinshasa, trois millions d’enrôlés ont été enregistrés dans la capitale sur plus de trente millions de personnes enregistrées sur toute l’étendue du territoire national». Toutefois, renseigne le quotidien kinois, «même si, dans l’ensemble, les chiffres sont conformes aux projections de la CENI, malgré quelques difficultés techniques et logistiques, tel que l’a déclaré Jacques Djoli, certaines familles politiques dont celles de l’Opposition, ne sont toujours pas satisfaites du déroulement de l’opération». En attendant, souligne Le Potentiel, «d’aucuns estiment que l’étape décisive et déterminante reste sans doute celle de l’après révision du fichier électoral».

Citant le vice-président de la CENI, Le Potentiel indique qu’il s’agit du nettoyage des listes pour enlever les irrégularités qu’on peut rencontrer, faire le «maching» pour avoir des listes consolidées à envoyer au Parlement. «Cette étape nous permettra de déterminer les sièges par circonscription et déterminer le quotient électoral», a expliqué le professeur Jacques Ndjoli. «Tous les regards sont maintenant tournés vers le bureau de la CENI, conclut l’éditorialiste. Seule sa maîtrise de la matière pourra rassurer les acteurs politiques ainsi que l’ensemble des partenaires». Il invite, par ailleurs, la CENI à prendre en considération toutes les contestations déjà émises avant même la fin de l’opération.

Sur ce chapitre de la révision du fichier électoral à Kinshasa qui prend fin ce vendredi 15 juillet à Kinshasa, où l’on n’atteindra pas les 3.500.000 électeurs, contrairement aux prévisions de la Ceni. Le Climat Tempéré a cherché à savoir pourquoi les Kinois ne veulent pas s’enrôler massivement. Ceci l’amène, sans le dire, à publier ce que des journaux moins modestes auraient appelé un « numéro spécial » ou un « dossier ».

LE BILLET s’intitule « Défaut de système ! ». C’est ce vendredi 15 juillet à 17H qu’intervient la fermeture définitive au public de tous les centres d’inscription de Kinshasa. Cette clôture boucle ainsi l’opération de révision du fichier électoral sur l’ensemble du pays. Commencée en mars par les provinces du Bas-Congo, Katanga et Maniema, la révision du fichier s’est ensuite étendue, début avril, aux provinces de Bandundu, Equateur, Nord et Sud Kivu, Kasaï Occidental et Oriental, Province Orientale, se terminant donc par Kinshasa. Toutes les provinces ont bénéficié de délais de

prolongation pour compenser les retards causés par les difficultés de déploiement ou les accrocs techniques enregistrés dans les centres d’inscription. La CENI a misé sur

l’enregistrement de 31 millions d’électeurs. En attendant les tout derniers chiffres d’inscrits pour Kinshasa, elle peut d’ores et déjà dire : touché ! Objectif atteint ! Pour autant, l’opération de révision du fichier s’est déroulée dans une atmosphère de suspicion très marquée. La CENI a été placée sous les feux de rampe de l’opposition et des Organisations de la société civile. Les uns et les autres se sont montrés vigilants pour être sûrs que les opérations de révision se déroulaient dans la régularité ; que la CENI n’allait pas user de manipulations, pour privilégier le camp au pouvoir, ou de

stratagèmes, pour piéger l’opposition. Dans cette ambiance, les provinces du Katanga et des Kivus, réputées acquises au pouvoir, d’une part, et celles de Kinshasa et du Kasaï Oriental, d’autre part, censées être favorables à l’opposition, ont été placées sous haute surveillance. Voilà qui explique notamment cette fixation sur la question de l’enrôlement de mineurs et de policiers et militaires dans le Katanga. L’on sait qu’il a circulé sur Internet une photo montrant un gamin pris en faute, exhibant honteusement, avec son air de chien battu, sa carte d’électeur (CI 12010, NN : 109852101, délivrée le 28 mai 2011). L’on sait que la CENI a diligenté dans le Nord Katanga une mission mixte CENI- MONUSCO-PNC-UNICEF pour vérifier les allégations d’enrôlement de mineurs. Le rapport

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d’enquête a infirmé les faits. Et répondant à un mémorandum de l’UDPS sur certaines irrégularités constatées, la CENI s’est estimée fondée à rappeler que les listes des électeurs sont affichées au jour le jour au centre d’inscription pour permettre à tout requérant et à toute autre personne intéressée de formuler des observations. La CENI a déploré que les partis politiques n’aient pas exploité cette opportunité de contrôle. Cela dit, la CENI aurait été mieux inspirée d’indiquer si, oui ou non, la fameuse carte délivrée à ce gamin par le CI 12010 était un faux. D’autant que pour appuyer sa revendication, c’est la même photo tirée d’Internet qu’a brandie l’UDPS à la CENI. La vigilance ne s’exerçait pas seulement pour traquer la fraude en faveur du pouvoir en place. Elle portait aussi sur toute fraude visant à pénaliser l’opposition. Notamment, le fait que Kinshasa ait bénéficié de moins de temps d’enrôlement que les autres provinces.

Comme dans un dessein bien affiché de faire en sorte que la capitale, bastion de l’opposition, s’enrôle le moins possible, pour assécher son escarcelle de suffrages favorables à priori. La réponse de la CENI n’a pas convaincu qui a prétendu que Kinshasa, déjà soumise en 2009 à une révision du fichier électoral, bénéficiait de

facilités et d’un gain de temps lors de la reprise de l’opération en 2011. Si tel est le cas, il eût fallu appliquer la même logique pour le Bas Congo qui, lui aussi avait déjà connu une opération, finalement annulée, de révision du fichier électoral. La vérité est que tout n’était pas explicable. Comme aussi le fait pour la CENI de considérer que

l’absence de l’empreinte digitale ne touche pas la validité de la carte d’électeur, encore moins le droit de voter, l’important, selon elle, étant d’être dans la base des données et de figurer sur la liste électorale affichée au centre. Que non ! Ouvrir une telle brèche c’est nettement donner la voie à la tricherie. Les éléments biométriques du requérant sont une condition sine qua non de validité de sa carte d’électeur. C’est bien pour cela qu’est exigée la présence physique du requérant au centre d’inscription. Autrement, Jean Pierre Bemba, bloqué en prison à la Haye, n’aurait pas à se faire du mauvais sang.

Cela dit, il est des irrégularités dont l’on ne peut pas dire qu’elles aient pu être commises à l’avantage de la majorité au pouvoir et au désavantage de l’opposition. Dans la mesure où tous les électeurs potentiels, d’un camp comme de l’autre, ont été pareillement

frappés. Ainsi des défauts touchant à l’éloignement de bureaux d’enrôlement, ou aux défectuosités techniques.

Mais, voilà donc la révision du fichier électoral achevée. Au-delà de l’identification des électeurs et d’un certain fétichisme des statistiques, l’enjeu des opérations d’enrôlement, c’était surtout pour la CENI de faire qu’aucun Congolais ne soit privé de son droit de vote par suite de ses insuffisances organisationnelles. Y est-elle arrivée ? Pour sûr, Non ! Mais a-t-elle fait le maximum pour permettre au plus grand nombre de Congolais en âge de voter d’être en mesure de le faire ? Honnêtement, il n’est pas possible, quand on est de bonne foi, de ne pas créditer la CENI de bonne volonté. Et aujourd’hui, nul ne peut dire qu’il y ait eu dans le chef de la CENI des irrégularités si massives et des mauvaises intentions si évidentes au point d’invalider l’opération de révision du fichier électoral. La plupart de déficiences à épingler sont liées au système même dans lequel nous

fonctionnons : l’absence d’un recensement scientifique de la population. A partir de là, tenir des élections n’est pas une sinécure. Mais, l’on ne peut que faire avec. Si c’est le moindre mal !

Toujours dans Le Climat Tempéré, un autre article paraît sus le titre : « Révision du fichier électoral :Kinshasa dernier ! ». A quelques heures de la clôture des opérations de révision du fichier électoral, l’on peut dire que sauf miracle, la ville de Kinshasa

n’atteindra pas les 3.500 000 électeurs que les prévisions que la CENI avait fixées. Alors que plusieurs provinces sont même allées au-delà des estimations de la CENI en nombre d’électeurs. Dans cette ville de quelque 10 millions d’habitants, le président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda, estimait pourtant que Kinshasa, mobilisée comme il se devait, pouvait même crever le plafond de 5 millions d’électeurs. Mais non, il n’en sera pas ainsi. En termes de pourcentage, Kinshasa se retrouve au bas de peloton.

Dès lors les questions assaillent les esprits. Pourquoi les Kinoises et Kinois ont-ils manifesté si peu d’empressement à se faire enrôler ?

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Pourquoi les Kinoises et Kinois ne veulent pas s’enrôler ?

Par RECIC, in Le Climat Tempéré du 15/07/11

« Faisant sienne cette question fondamentale, le RECIC a réuni ses sensibilisateurs pour obtenir les réactions de la population recueillies sur terrain. Il sied de rappeler que le RECIC a déployé depuis trois semaines près de 300 sensibilisateurs bénévoles qui travaillent à l’information et la mobilisation de population à la révision du fichier électoral.

Ceux-ci ont adopté une approche de proximité consistant à animer dans des points chauds et à faire le porte-à-porte.

Il ressort de cette rencontre de suivi avec les sensibilisateurs, des nombreux constats et considérations techniques, psychologiques, sociales et politico-juridiques, dont l’essentiel se résume en ce qui suit :

1. Sur le plan technique ou logistique

- L’éloignement des Bureaux d’inscription dans certaines communes : les habitants de Gombe Lutendele, par exemple, doivent effectuer une distance de 15 kilomètre à pied pour atteindre le centre d’inscription le plus proche situé à Mbudi (il reste un préalable important à prendre en compte : c’est que les Kinois vivent au jour le jour et que le temps leur est une contrainte importante pour le gagne pain) ;

- La lenteur du service offert par les agents électoraux au niveau des bureaux due à des problèmes techniques des machines ; ceci décourage les foules qui attendent nombreuses à longueur des journées et s’en désintéressent définitivement ;

- Désordre dans la distribution des jetons par les agents des Bureaux d’inscription : l’ordre d’arrivée des requérants non-suivi (conduit au découragement) ;

- Certains Bureaux ont été délocalisés à cause du fait que les locaux qu’ils occupaient initialement devaient être utilisés pour la passation des épreuves d’Etat du 20 au 23 Juin dernier (ce qui a été difficile pour les requérants surtout les femmes à passer des temps pour les retrouver) ;

- Des nombreuses cartes d’électeurs émises sont porteuses d’erreurs : absence d’empreintes digitales et autres données, différence de signature (Il en existe plus de

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200 cas dénombrés dans les centres d’Inscription de ITC MUKALI et PERE DAMIEN, à titre d’exemple),

- Faible suivi contrôle de la part des autorités de la CENI, etc.

2. Sur le plan social : observations inhérentes au comportement des agents électoraux

- Le non payement des émoluments des agents électoraux et de ceux commis à la sécurité des Bureaux d’Inscription. Ceci est à la base des nombreuses conséquences notamment :

- La corruption : la vente des jetons d’entrée moyennant 1000 à 1500 Fracs Congolais par les agents électoraux, les requérants payent 500 à 1000 Fc pour être servis à temps, exigence d’une contribution par les agents électoraux à titre de collation du jour aux requérants avant de se disponibiliser à leur service et ne sont servis au plus vite que ceux qui obtempèrent, vente des attestations de perte de pièce par les policiers de la sécurité à l’entrée, exigence de 1000 FC également aux sans identités, etc. (Cette corruption se fait en connivence entre policiers et agents électoraux dont les recettes constituent une cagnotte qui sert de collation de l’équipe à la fin de la journée),

- Les Agents électoraux débutent l’opération souvent en retard vers 10h et parfois avec des pauses de 12H à 16H ;

- Certains Présidents des Centres d’Inscription ne sont pas très disponibles, parce que partagés entre leurs responsabilités scolaires et tâches du bureau, etc.

3. Sur le plan politico-juridique

- Refus de certaines identités des requérants par les Agents électoraux : carte d’élève, d’étudiant, etc.

- Refus d’accepter les cinq témoins présentés par les requérants sans identités ;

-Certains bureaux font remplir les fiches d’identité des requérants par les policiers à partir de l’entrée, souvent moyennant des frais (voir par exemple, centres ITC Mokali et Père Damien) ;

- Insuffisance d’information sur les procédures dans le chef des agents électoraux ; - On assiste à une déportation temporaire massive par bus des populations vers les provinces où elles vont obtenir des cartes d’électeurs pour le compte de leurs parrains, députés et ministres, au prix de 50$US par personne. Ceci s’observe surtout dans le territoire de Masimanimba31 dont les bureaux ont reçu des Kinois à s’enrôler massivement pour soutenir un candidat de cette circonscription.

- Dans quelques quartiers des communes de Kimbanseke (Sakombi, Mfumu Nkento, Mokali, Kibunda, etc.) et Ngaba (Bulambemba, Mateba et Luyi), les femmes regroupées au sein de « Conseil Local de la Femme » sous l’égide d’un membre du gouvernement actuel, circulent dans les ménages pour récupérer les numéros des cartes des personnes enrôlées au profit de ce dernier qui envisage de poser sa candidature à la députation. Le même membre du gouvernement a facilité l’enrôlement massif des habitants de Mpasa dans la commune de N’sele dans le centre d’inscription de Ngwanza (commune de Kimbanseke) en leur accordant comme adresse physique « Maison Blue » (située sur le boulevard Lumumba après l’entrée N’djoko en allant vers l’aéroport), afin de constituer un électorat garanti à son profit, etc.

Tous ces abus persuadent les Kinois et Kinoises que le processus électoral est déjà entaché de fraude, tricherie ; bref, pas de transparence ni de crédibilité. Car, pour nombre de personnes, le vote sera encombré de tant de fraudes perpétrées par les politiciens au pouvoir dont les jalons sont déjà posés pendant l’opération de la révision du fichier électoral. Les tracasseries sus évoquées ont des répercussions sur l’enrôlement des femmes dont le taux, il faut se rassurer, pourrait être très faible.

31 Nous avons déjà eu l’occasion de dire que les élections vont être âprement disputées dans le Bandundu et, particulièrement, à Masimanimba où, dans cette province traditionnellement acquise au PALU, vont s’affronter notamment un paton de prese, Tryphon Kin-Key Mulumba, député indépendant sortant et Olivier Kamitatu.

Comme on le voit, c’est parti ! (Note de Dialogue)

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4. Sur le plan Psychologique

- La population est déçue de la prestation des élus de 2006 qui n’a pas tenu à ses promesses. Cela constitue un motif de démotivation à devoir voter de nouveau des dirigeants qui ne feront nullement attention à sa misère ;

- La population Kinoise conteste les résultats des élections de 2006. Pour elle, ceux qui étaient effectivement votés n’ont pas été proclamés élus. Il y a donc eu tricherie.

- La modification de la constitution en termes de « Election à un seul tour » présage la fraude et un arrangement pour que les mêmes dirigeants reviennent au pouvoir. Il est ainsi inutile de voter parce qu’il n’y aura pas de changement.

- L’identité politique attachée au Bureau de la CENI n’inspire pas confiance à la population quant à la transparence des élections. D’où autant ne pas voter, car le résultat du vote est déjà connu.

- Les populations intellectuelles touchées par la sensibilisation manifestent un profond désintéressement aux élections parce qu’elles sont persuadées qu’il n’y aura pas de transparence, ni crédibilité.

- Les cartes d’électeurs obtenues ne garantissent pas la participation au vote.

- Pour d’autres, les cartes d’électeurs obtenues en 2005 et 2009 sont encore valides.

On le voit, la démobilisation des Kinoises et Kinois ne relèverait donc pas d’une cause unique. Il s’agit d’un état d’esprit qui aurait découlé de la conjonction de plusieurs facteurs notamment ceux évoqués ci-haut.

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