CONGO LE BELGE
DE S. M. LÉOPOLD II, ROI DES BELGES
HISTOIRE DE SA FONDATION
GÉOGRAPHIE, ETHNOGRAPHIE, TRAITE DES NÈGRES, MŒURS ET COUTUMES
DES INDIGÈNES, COMMERCE ET OBJETS D'ÉCHANGE
D'APRÈS
LES DOCUMENTS OFFICIELS ET LES RÉCITS DES EXPLORATEURS
OUVRAGE DE VULGARISATION ENRICHI DE CARTES ET DE GRAVURES
PAR
ALEXIS-M. G.
AUTEUR D'UN COURS COMPLET DE GÉOGRAPHIE,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ROYALE BELGE DE GÉOGRAPHIE DE BRUXELLES, DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIEDE PARIS, ETC.
DIEU ET PATRIE.
LaBelgique est là, partout
où il y a des Belges.
DEUXIÈME ÉDITION
AUGMENTÉE, FORMAT GRAND IN-S.
LIÈGE
H. DESSAIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
RUE TRAPPE, N° 7 1888
LE CONGO BELGE
S.
M. LÉOPOLDII
ROI DES BELGES, FONDATEUR ET SOUVERAIN DE L'ÉTAT INDÉPENDANTDU CONGO.
LE
x
CONGO BELGE
ILLUSTRÉ
ou
GÉOGRAPHIE, ETHNOGRAPHIE, TRAITE DES NEGRES, MŒURS ET COUTUMES DES INDIGÈNES, COMMERCE ET OBJETS D'ÉCHANGE
D'APRÈS
LES DOCUMENTS OFFICIELS ET LES RÉCITS DES EXPLORATEURS
OUVRAGE DE VULGARISATION ENRICHI DE CARTES ET DE GRAVURES
ALEXIS-M.PAR G.
AUTEUR D'UN COURS COMPLET PE GÉOGRAPHIE,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ROYALE BELGE DE GÉOGRAPHIEDE BRUXELLES, DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOQRAPHIEDE PARIS, ETC.
DIEU ET PATRIE.
La Belgique est là, partout
où il y a des Belges.
DEUXIÈME ÉDITION
AUGMENTÉE, FORMAT GRAND IN-8°
LIÈGE
H DESSAIN. IMPRIMEUR-ÉDITEUR
RUE TRAPPE, N° 7 1888
©
Tous droits réservés.
Tout exemplaire non revêtu de la signature abrégée ci-dessous sera
réputé contrefait
Palais
bc^nijcclïco
Cabinet bu LÎRI
LE 28 NOVEMBRE 1887
MONSIEUR,
Le
Roi m'a chargé
de voustransmettre
l'expression
de Sesremercîments
pour le livre:
« LE CONGO BELGE »
dont
vousLui
avezfait
hommage.
Sa
Majesté
en apris connaissance
avec beaucoupd'intérêt.
Cet
ouvrage
nepeut manquer d'avoir
lesuccès
qu'il mérite,
et quelui souhaitent
tousceux qui désirent voir vulgariser l'Œuvre poursuivie au
Congo.Agréez,
etc.Le Secrétaire du Roi,
Cte P. DE BORCHGRAVE D'ALTENA
MONSIEUR ALEXIS-M.
G.
des Ecoles
Chrétiennes
PRÉFACE
AUJOURD'HUI que l'attention publique en Europe est tournée vers les entreprises coloniales, nul Belge ne doit ignorer l'œuvre tentée depuis dix ans par le Roi Léopold II,
pour la civilisation des Nègres de l'Afrique centrale, et pour l'extension de notre commerce, qui cherche les débouchés dont nos produits industriels ont grand besoin.
L'union de la BELGIQUE et du nouvel ETAT INDÉPENDANT DU CONGO sous un même souverain, a fait de l'œuvre du Roi une
« oeuvre belge. » C'est ainsi qu'elle est envisagée même à l'étranger, et il semblerait peu patriotique de rejeter l'honneurqui en revient
à notre pays.
En effet, c'est notre Roi qui dirige ce mouvement colonisateur et civilisateur en Afrique
;
ce sont nos compatriotes qu'il emploie de préférence comme agents, bien qu'il accepte le concours des autres nationalités. Sur la liste des agents de l'État du Congo, à côté de l'illustre nom anglo-américainde Stanley, figurent les noms de plus de 200 coopérateurs belges. Plusieurs d'entre eux se sont fait déjà une réputation parmi les explorateurs de l'Afrique cen- trale, et leur exemple excite une noble émulation parmi la jeunesse belge, notamment dans les rangs de l'armée et du commerce. De plus, notre clergé national est désormais chargé de la noble mis- soin d'évangéliser ces contrées. Qui sait si, parmi nos lecteurs, ilne s'en trouvera pas qui, un jour, offriront leurs services à notre Roi, « Souverain du Congo », et voueront deux ou trois années de leur jeunesse à la cause africaine ?
Certes, nous ne voudrions pas les y engager d'une façon irréflé-
chie
;
il ne faut pas leur dissimuler l'insalubrité du climat, les fatigues inhérentes à ces courses lointaines où quelques-uns ont trouvé la fin de leur existence;
mais tous n'y sont pas morts, etau terme de leur engagement de 2 ou 3 ans, plusieurs agents du Congo, après un repos en Europe, sont retournés volontairement
au « Continent noir »
;
des missionnaires catholiques y ont passéquinze ans et plus
;
de nombreux commerçants anglais, hollandais, allemands et autres y séjournent pour leurs affaires pendant un temps plus ou moins long. Pourquoi les Belges n'en feraient-ils pas autant ?On se plaint chez nous, et avec raison, que l'agriculture et l'in- dustrie ne fournissent plus de ressources suffisantes à notre popula- tion surabondante. Pourquoi craindrait-onles tentatives de coloni- sation belge au dehors ? Nous ne ferions en cela que suivre l'exemple de tous nos voisins, qui ne rêvent rien plus que l'expan-
sion de leur patrie au loin et y cherchent le salut de l'avenir ?
Les conquêtes coloniales coûtent énormément cher, en hommes et en argent, à la France, à l'Angleterre et aux autres puissances' tandis que la Belgique a été dotée par son Roi, sans bourse délier' d'un magnifique territoire en Afrique. Pourquoi n'en profiterait-elle
pas, et pourquoi laisserait-elle les étrangers prendre sa place sur un sol qu'elle peut considérer désormais comme un « bien de famille ? »
En somme, on peut dire en ce moment que « tout est belge » dans l'œuvre du Congo
:
son souverain, ses administrateurs, sesagents, ses missionnaires,ses entrepreneursde chemin de fer et de services fluviaux, ses capitaux même sont belges. Stanleylui-même, le grand découvreur et l'initiateurdes premiers temps, s'il ne l'est pas d'origine, l'est par le résultat de ses œuvres, qui lui méritent
bien le titre de « citoyen belge ».
Or, quel Belge ne serait pas fier de tout ce qui relève son nom et sa patrie dans le monde entier ? et quelle œuvre les glorifie plus que celle du Congo aux yeux des nations étrangères, étonnées de voir la Belgique, un pays si petit en Europe, accomplir une chose
si grande en Afrique ?
Bref, persuadé que faire connaître le « Congo belge » à ceux qui l'ignorent encore, le faire apprécier et aimer sont une même chose, nous offrons ce travail de vulgarisation d'abord à la jeunesse, tou- jours avide de récits de voyages, de scènes de mœurs, puis aux
hommes d'étude et d'affaires, aux négociants, aux industriels, que
les questions scientifiques, politiques ou commerciales intéressent particulièrement.
L'ordre chronologique a été suivi de préférence, comme le plus propre à faire juger des progrès de l'œuvre, en partant des décou-
vertes et des causes premières, pour aboutir aux résultats subsé- quents. 4L Quand on est arrivé, dit M. Thiers, à s'emparer des élé-
ments dont un vaste récit doit se composer, l'ordre dans lequel il faut les présenter, on le trouve dans l'enchaînement même des événements
:
c'est là l'ordre de narration le plus beau, parce qu'il est le plus naturel. »1 lâtons-nous d'ajouter ici que l'auteur s'est généralement effacé pour laisser parler et agir les explorateurs, les organisateurs et tous ceux qui ont joué un rôle actif dans les affaires congolaises.
Après un premier chapitre d'exposition de la situation générale, c'est Livingstone, Nachtigal,Baker, Cameron, qui nous raconteront
les horreurs de la traite des noirs
;
Henry Stanley, qui nous dira son odyssée « à travers le Continent mystérieux », Stanley encoreet
ses collaborateurs Hanssens, Coquilhat, Van de Velde, Van Gèle Storms, Wissmann, E. Dupont, Albert Thys, et avec eux les mis- sionnaires catholiques, qui nous redirontce qu'ils ont vu et fait sur cette terre lointaine. Nous consulterons aussi des écrivains ou des conférenciers tels que MM. Banning, Delgeur, A. J. Wauters, ainsi que les documentsofficiels et autres publiés par le Bulletin officielde
tetat
indépendant, le Bulletin de la Société de Géographie, ceux des Missions Catholiques, et surtout par le Mouvement glographique, journal le mieux renseigné sur les choses congolaises.A la variété des descriptions géographiques et ethnographiques, des renseignements historiques ou commerciaux, nous avons joint l'utilité de plusieurs cartes du Congo, et l'agrément de quelquesgra- vures qui rendent le texte plus intelligible, la lecture plus agréable.
Puissions-nous ainsi avoir contribué pour une part, si petite
soit-elle, à populariser « L'ŒUVRE DU CONGO BELGE » ! PRO DEO ET PATRIA.
Première édition, 24 juin 1887
(Deuxièmeédition, 31 mai 1888.)
LE CONGO BELGE.
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE.
COUP D CEI L GÉNÉRAL
SUR L'ORIGINE ET LA SITUATION ACTUELLE DE
L'ETAT DU CONGO.
Résumé historique.
— Qu'est-ce quel'Etat
du Congo? Comment
s est-il formé ?C'est ce que nous
dirons brièvement dans
cepremier chapitre,
afind'établir
les jalonsqui serviront
àguider
lelecteur
dans
lesdescriptions
deschapitres suivants.
La carte jointe à cet ouvrage facilitera notre tâche, en faisant voir ceque
l'onconnaît
en cemoment
deplus certain sur
la géographie de la
contrée
(1).(i) Notre carte du Congo belge, très sommaire, ne peut avoir la prétention d'indiquer toutes les localités citées dans l'ouvrage, localités dont l'impor- tance disparaît souvent d'ailleurs, avec l'occasion qui les a fait connaître.
Mieux valait s'en tenir aux stations comme aux rivières les plus connues et dont les positions suffisent pour guider le lecteur.
Pour plus amples renseignements,on peut se procurer la Carte de l'Etat
indépendant du Congo, dressée et tenue au courant par M. Wauters, et publiée par l'Institut national de Géographie, rue des Paroissiens, Bruxelles
En septembre
1876,Léopold II,
roi des Belges, avait fondé, avec lesreprésentants
des grandes puissances, uneAssociation internationale
pour la civilisation del'Afrique centrale,
en vuesurtout d'éteindre
la traite des nègres.Des stations scientifiques et hospitalières furent
d'abord
—échelonnées
sur
laroute
deZanzibar
augrand
lacTan-
ganika,
dans
la région orientale.Pendant
ce temps le célèbreexplorateur
anglo-améri- cain,Henry Stanley, parti
deZanzibar, arrivait
à Nyan- goué,sur
lehaut
Congo, et descendait le fleuve qu'ildécouvrait
ainsijusqu'à
sonembouchure sur
la côte occidentale (1876-1877).Léopold II appela Stanley
à Bruxelles, oùun
Comité d'études duHaut-Congo
(quiprit
plustard
le titre d'Asso-ciation internationale
du Congo), chargea l'intrépide ex-plorateur
deretourner
à la côte africaine, avec mission d'yétablir
des stations etd'ouvrir d'abord un
chemin decommunication
versl'intérieur, pour suppléer au
défaut de navigabilitédu
fleuve,qu'interrompent
les cataractes de Viviau Stanley-Pool.
En
six annéesd'héroïques
efforts, etau
prix de grands sacrifices pécuniairessupportés par
la cassette royale, cerésultat
étaitobtenu
en 1884, lorsque laFrance
et lePor-
tugal élevèrent des prétentionspeu
justifiéessur
unepartie
des
territoires découverts par
Stanley.Pour vaincre
ces difficultés politiques,sur
l'invitationdu prince
de Bismarck,une Conférence fut
tenue àBerlin, entre
lesreprésentants
des 14 puissances suivantes:
Alle-magne,
France,
Angleterre,Autriche-Hongrie, Russie,
Italie, Belgique,Hollande, Portugal,
Espagne,Danemark,
Suède,Turquie
etÉtats-Unis
d'Amérique.L'acte général
du 25février
1885, résultat de cette con- férenceinternationale,
consacre la liberté du commerce et de la navigationdans
le bassindu
Congo, etdans
ses pro- longements jusqù aux océans Atlantique et Indien;
laneutralité
des dits territoires en cas de guerre, et la sup- pression de la traite des nègres.En outre,
ellereconnut
comme puissance souverainel'Association
internationale
duCongo, dont
lechef
Léopold II, après avoir
satisfaitaux
convoitises de laFrance
etdu Portugal,
est considérécomme
seulayant droit sur
le restedu
bassindu grand
fleuve,qu'il
érigeaen
État indépendant du
Congo.Le 3o
avril,
lesChambres
belgesl'ayant autorisé
à ceteffet,
Léopold II prit
letitre
de SOUVERAIN de cet État;
mais
cetitre purement personnel
n'engagela
Belgiquedans aucune
responsabilité,tandis qu'il
la faitparticiper
à
l'honneur
de cettefondation africaine.
L'État indépendant du Congo dans l'Afrique. centrait.
L'administration supérieure du nouvel État, que nous pouvons appeler
le « Congo belge»,
estnaturellement
établie à Bruxelles,d'où
ellecorrespond
avec le gouver-neur
général siégeant en Afrique.Le chef-lieu de
l'État libre
estactuellement
Borna. — Sondrapeau
est decouleur
bleue etporte une
étoiled'or au
centre. Sesarmes
sont lesarmes personnelles du
Roi, auxquelles on asimplement
ajouté l'étoilesymbolique.
Bornes.
—
L'Etat du
Congo estborné
conventionnelle-ment
:
Au
nord par
le 4e degré delatitude N., traversant
unerégion inconnue
;
A l'est,
par
le 3oe degré delongitude E.
du méridien deGreenwich
(270 40' de Paris), etpar
les lacsTanganika
etBangouélo (rives occidentales) ;
Au
sud, par
la ligne departage
du bassin, de façon à en-glober
lehaut Congo;
et parle
6e degré delatitude
S.jusqu'au
Koango,excluant
ainsi le S.-O.du
bassin;
A l'ouest,
par
le Congoportugais,
l'Atlantique, le Congofrançais
et le 17e degré de longitudeE. Gr., remplacé
plustard par
lecours inférieur
del'Ubangi.
Il a fallu céder au
Portugal
la rive gauchedu
fleuve,depuis
sonembouchure jusqu'à
Noki (station donnée àl'Allemagne), et à la
France,
le bassin du Kuilou et la rivedroite
du Congo et del'Ubangi,
depuisManyanga jusqu'au delà du
4e degré delatitude nord.
Ainsi confiné,
l'État libre aboutit cependant
à la merpar une bande
deterritoire au nord
del'embouchure
duCongo
jusqu'à
Manyanga;
il possède le fleuvepar
sesdeux rives
entre
Viviet Manyanga,
ainsiqu'en amont du confluent
del'Ubangi.
La superficie
del'État du
Congo est évaluée à près de2,000,000 de
kilomètres carrés,
soitenviron
4 fois celle de laFrance,
ou 66 fois celle de la Belgique.Sa
population
est supposée de 20 à 25 millions d'habi-tants.
Ce sont desnègres plus
ou moins sauvages,nomades
ousédentaires,
ceux-cihabitant
degrands
villages formés de huttessur
lebord
deseaux,
régispar une
foule de chefs ou roitelets, avec lesquels on a eu soin de négocier destraités
de paix. Fétichistes ouidolâtres,
demœurs
simples, fainéants, cruels, parfoisanthropophages,
longtempstra-
quéspar
lestyrans
qui lesréduisaient
en esclavage ou lesvendaient
auxtraitants
Arabes, cespauvres
nègres démo- ralisés sontcependant
susceptibles de progrès;
il s'agitd'abord
de les protéger, deles maintenir
en paix, puis deles civiliser par
le
commerce, letravail
et l'évangélisation.Des
missionnaires catholiques
etprotestants
sont déjà àl'œuvre.
Orographie.
—L'orographie du
Congo est encore peuconnue,
car
jusqu'ici lesexplorateurs
ont suivi de préfé-rence la voie plus commode des rivières.
Le relief général est celui d'un
vaste
plateau oud'une
plaine haute, dont l'altitude moyenneparaît
être de 1000 mètres au sud, vers lesgrands
lacs, de 5oo à 3oo mètressur
le Congo moyen. Des montagnes sont signaléesdans
le pays de Cazembé (Monts Lokinga),
dans
le Kasongaet le Maniéma, ainsi
qu'aux abords
des lacsTanganika
et Albert(Montagnes
Bleues, 3ooo m.). Deschaînes
de mon- tagnesenserrent
legrand-fleuve
aux chutes deStanley,
comme aux chutes Livingstone (entre Léopoldville et Vivi).De Vivi à la
mer
leterritoire
formeune
plaine ondulée, variée de collines, d'unenature
moins richeque
celle des plaines duhaut
Congo. Lesplateaux
del'intérieur
ont aussi un climat plussalubre
que celui des régions in-férieures du fleuve.
On
comprend
que laligne
departage
deseaux
soitencore indéterminée,
entre
le bassin du Congo, situé au centre, et ceuxdu
Niger etdu
lacTchad au nord,
duNil
à l'est, du Zambèze au sud, du Coanza et de l'Ogooué, àl'ouest. Elle
paraît
formée de plateaux ou de montagnes médiocresplutôt
que de hautes chaînesqui seraient
diffi- cilement franchissables.Hydrographie.
— Sauf peut-êtrequelques
districts du nord-est, tout leterritoire
del'Etat
libre estcontenu
dans un seul bassin fluvial, maisd'un
fleuve géant, le Congo,auquel
Stanleyaurait
vouluappliquer
le nom de « Li- vingstone. »Le
fleuve
Congo estun
des plus grands du monde, tantpar
sa longueur qui doit dépasser 4000 kilomètres, quepar
l'étendue de son bassin et le volume de ses eaux. Son courssupérieur
découvertpar
Livingstone, quiparvint
àNyan-
goué en 1869, n'est pas
complètement
connu;
mais ilparaît
sortir du lac Bangouélo sous le nom de
Louapoula
et recevoir le trop-pleindu
lacTanganika par
laLoukouga.
Des environs de Nyangoué
jusqu'à
la mer, il a étéparcouru
pour
la première fois en canotpar Henry
Stanley dans uneexploration mémorable.
Sousl'Équateur,
il présente unepremière
série de septcataractes
ou chutes dites Stanley-Falls.
De là, iltourne
auN.-O.
enformant une
courbeimmense qui
leramène
denouveau
sous la ligne équa-toriale,
etcontinue
vers le S.-O.jusqu'au Stanley-
Pool,
sorte de lac formépar un
élargissementdu
fleuve.Dans
cettepartie
moyenne de son cours, entre les deux séries decataractes, sur
unelongueur
deplus
de 1700 km,le
Congotraverse une
immense plaine horizontale, où sonlit s'élargit
jusqu'à atteindre
deioà3o
kilomètresd'une
rive
à l'autre;
il renfermealors d'innombrables
îles boisées,souvent
habitées. Il y reçoitdu N.
etsurtout du
S.d'énormes
affluents,dont
lesembouchures
sont parfois larges deplusieurs
kilomètres.Entre
leStanley-Pool
et Vivi, ilfranchit
une seconde série de 32cataractes
dites de Livingstone, échelonnéessur une longueur
de 3oo kilomètres, avecune
pente totale de 280 mètres.En
aval de Vivijusqu'à
lamer, sur
une longueur de 180 kilomètres, le fleuve s'élargit de nouveau, se rem-plit d'îles
nombreuses
et se jette dans le golfe de Guinéepar une
seuleembouchure,
large de 11 kilomètresentre
lapointe
ditefrançaise
ouBanana,
au nord, et lapointe
duRequin
(Shark Point),sur
la rive portugaiseau sud.
Sauf dans
les cataractes, le Congo estpartout
navigable.Les bâtiments de
mer
leremontent jusqu'à
Borna et Vivi,et des
vapeurs
font le serviceentre
les chutes inférieures etsur
lehaut
Congo,jusqu'aux
chutes de Stanley.Voici
maintenant
quelques détailssur
lesprincipaux
affluentsdu
Congo et les lacs de son bassin, avec l'indica- tion desexplorateurs qui
nous les ont fait connaître.Toutes
les
parties
tracées en pointillésur
notre carte, sont incer- taines ousimplement
supposées.Le Haut Fleuve.
— Le lac Bangouélo, découvertpar
Livingstone en 1866 et
sur
les bordsduquel
ilmourut
en1873, est situé
sur
leplateau du S.-E
ài,3oo mètres
d'alti-tude;
ilreçoit par
l'estune rivière du nom
de Tchambési,qui paraît
être lecours supérieur du
Congo, etqui
secontinue
àla
sortiedu
lac sous lenom
deLouapoula.
Le
Louapoula,
qui couledu sud au nord dans
leroyaume
de Cazembé,
paraît former
outraverser
le lacMoéro, à85o
mètresd'altitude, puis
le lacLandji,
où se jettentégalement
la
Loualaba
et laLoukouga.
La
Loualaba, venant du
sud-ouest,traverse un chapelet
de lacs signalés
particulièrement par
Livingstone,puis par
Cameron
(1875), maisdont
les positions et les formessont
encore incertaines,comme
l'estdu
restetoute l'hydrogra-
phie de cette régionméridionale.
Ce n'estqu'en amont
deNyangoué, par
3 degrés et demi delatitude sud, que
laLoualaba,
sortie du lacLandji, devient évidemment
le fleuve Congo.Affluents de droite.—
Le Congo reçoitpar
sa rivedroite
la Loukouga, la
Louama,
laLowa,
larivière Léopold,
l'Arouhimi, la Loïka,la Mongala, l'Ubangi,
etsur
leterri- toire français,
la Bounga, laLicona,
l'Alima et le Léfini.La
Loukouga,
signalée en 1875par Cameron,
sert de-déversoir au
lacTanganika
qui s'écouledans
le Congopar
le lac
Landji.
Le lac
Tanganika
estremarquable par
salongueur
deplus
de 600 kilomètres, etpar
saforme
allongée sensible-ment du N. au S.;
il est situé à 814mètres d'altitude dans une
dépressionentourée
de montagnes.Découvert
en 1858par Burton
et Speke,exploré
ensuitepar Cameron,
Stan-ley et autres, ce lac
appartient par
sa riveoccidentale à l'État du
Congo, avecla station
deM'pala, tandis
quesa
rive orientale, ainsi
que
la villed'Oudjidji
etl'ancienne
station belge deKaréma sont aujourd'hui
dévolues à l'em- pireallemand.
Après la Loukouga, vient la
Louama, puis, au nord
deNyangoué, un grand nombre
d'affluentsdont
lesembou-
chures seules sont signalées,notamment
laRivière Léo-
pold, en
amont
desStanley-Falls.
Au nord de
l'équateur,
YArouhimi (Arouhouimi(1)
ouByéré), au confluent
duquel Stanley
a soutenuun
grandcombat contre
lescannibales
en 1877, et qu'ilremonta
en1883, a été choisi
par
lui (1887)comme
voie d'accès vers leHaut-Nil dans
son expéditionau
secoursd'Emin-Pacha.
Peut-être l'Arouhimi
est-il le déversoir duMouta-N^igé,
vaste lac entrevu
par
Stanley en 1876, et situé à 1000mètres d'altitude sur
la frontière del'État
libre, à l'ouestdu grand
lacVictoria. Peut-être
aussi ce lac se déverse-t-ilpar une rivière
dans le lacAlbert,
et fait-il comme lui etle
grand
lac Victoria,partie
du bassindu Nil.
Ultimbiri
ouLoïka
(l'Oukéré de Stanley) vient du nord;
elle a été
remontée par Hanssensen
1884 etpar
Grenfellen 1885,
sur une longueur
navigable de 25o kilomètres,jusqu'aux
chutes deLoubi.
La Mongala,
qui a étéremontée par
Grenfell, et en1886
par
lelieutenant
belgeCoquilhat,
estrelativement
peuimportante.
L'Ubangi,
signalé à Stanley sous le nom de «Grande
Rivière, » est en effetun
affluentd'importance
considé-rable, dont l'embouchure
a 10kilomètres
de largeur.Hanssens
et Van Gèle laremontèrent
lespremiers
en 1884 ; plustard
Grenfell, VonFrançois
etCoquilhat furent arrêtés par
les chutes de Zongo,un
peuau nord
du4e degré de latitude septentrionale, et à l'est
du
19e degré longitude E. de Greenwich. Elle reçoit à droite leLobay
et
l'Ibanga, sur
leterritoire
devenu français, et à gauche(1) Il ne faut pas s'étonner des variations orthographiques que l'on remarque dans les noms propres. Chaque explorateur ou auteur peut avoir sa manière de transcrire un nom, avant que l'usage n'ait consacré une forme quelconque. En Europe même, on n'est pas toujours d'accord sur l'ortho- graphe géographique
;
à plus forte raison pour les pays sauvages où il i';y a pas de langage écrit. — Notons que généralement Vu se prononce ou :Lukuga, Loukouga
;
Ubangi, Oubangi (Oubangui). — Le c et le g sonttoujours durs.
-
Souvent le k remplace le c et le q : Kuilu, Kouilou, Quillou. — Le w anglais tient lieu de ou : Mwata, Mouata. — Le b se change en v : Yambo, Yamvo. — L'n sonne comme deux n. Nyangwé, Nyanngoué.le
Nghirri,
dans l'étroite et bassepresqu'île
resserréeentre
l'Ubangi et le Congo.Les
probabilités
fontaujourd'hui
de l'Ubangi lecours inférieur
de l'Ouellé.Celle-ci, découverte par Schwein-
furth en 1870,
prend
sasource
dans les Montagnes Bleues,à l'ouest du lac Albert et du
haut Nil, par
plus de 1000 mètres d'altitude;
elletraverse
le pays desMombouttou
et des NyamNyam,
reçoit denombreux
affluents exploréspar
Junker (1883-86) ; puis, sous lenom
deMacoua,
ellecoupe le parallèle de 40 de
latitude nord,
reçoit leMbomo, tributaire important venant
duN.-E.,
et vaprobablement rejoindre l'Ubangi aux
chutes de Zongo.Par
un protocole signé le 2 mai 1887,l'Ubangi
estdevenue limitrophe
entrel'État
libre et le Congo français.Celui-ci
s'agrandit
detout
leterritoire
situé entre cette rivière et le 17e degré de longitude,qui avait
étéadopté
comme limite en 1885.La rive française du Congo reçoit successivement la
Bounga,
qui futremontée par
Grenfell,avant d'être
explo-rée en 1885
par Jacques
de Brazza;
— laLicona
et YAli-ma,
dont Pierre
de Brazzatraversa
les valléessupérieures
en 1878,
- et
le Léfini(le Lawson
de Stanley), dansle pays duroiMakoko, dont
deBrazza
se servit avectant d'habi-
leté
pour soutenir
sesprétentions.
Du
Stanley-Pool
à lamer,
le fleuve ne reçoitque
destorrents
de peud'importance.
Affluents
degauche.
—Tandis que, par
l'effet de lacourbure
du fleuve, les affluents dedroite viennent
de tousles points
cardinaux
etrayonnent comme
lesbranches d'un
éventail, ceux de la rive gauche sontrassemblés
enfaisceau et coulent
généralement
enconvergeant du sud-est
vers le
nord-ouest.
Outre
laLoualaba, dont nous avons parlé,
et sesnom- breux
affluents, le Congo reçoitpar
sa rive gauche leLoulami,
le Loulongo,l'Ikélembo,
le Rouki ouTchouapa, l'Irebou
et le Kassaï.Le
Loulami,
exploré en 1885, coule du sud aunord
et setermine
en aval desStanlev-Falls.
Le
Loulongo, remonté par
Grenfell en i885, etson
affluent le
Lopori,
explorépar
Van Gèle en 1887,coulent
de
l'E.
à l'O. etdrainent
leterritoire
jusquesur
la rive duCongo, ce qui explique l'absence d'affluents directs depuis
le confluent
du Loulami.
Le Rouki, appelé
Tchouapa
dans son courssupérieur,
fut exploré
par
Grenfell et vonFrançois,
en 1885, etpar
Van Gèle, l'année suivante;
il longe presque l'équateur, reçoit à gauche la Boussera, et finit à Equateurville,presque
au même pointqu'un autre
affluent du nom (Xlkélemba.YJIrebou sert de déversoir au lac
Matumba,
explorépar
Stanley, et se jette dans le Congo en face de l'Ubangi.Le
Kassaï
est le pluspuissant
affluent du sud, commel'Ubangi
l'est du nord;
son bassin embrasse lequart
decelui
du
Congo.Reconnu par
Livingstone en 1860 etpar Cameron
en 1875 vers sa sourcedans
le Mouata-Yambo,il fut
remonté
en 1882par
Stanley dans son cours inférieur désigné sous le nom deKwa
; son cours central ne fut exploréqu'en
1885,par
Wissmann,qui
descendit de Loua- labourgsur
laLouloua,
àKwamouth
au confluent du Congo. Il reçoit à droite leSankourou,
lequel, grossi duLomami, l'un
etl'autre
découvertspar
Wolf,paraît
venirdu sud et forme sous le nom de Loubilach la frontière de
l'État
libreau
S.-O.Le
Kassaï-Sankourou-Lomami
constitue une précieusevoie navigable directe de Léopoldville
par Kwamouth vers
Nyangoué et le lacTanganika.
Le
Kwa
ou Kassaï inférieur se grossit encoredu
Mfini,par
lequel Stanleypénétra
en 1882 dans legrand
lac LéopoldII,
et dont Je cours supérieur,l'Ikata,
fut exploréen 1886
par Kund
et Tappenbeck.Le
Koango,
déjà connu de Livingstone, explorépar
von Mechow et Massari, est une grande rivière qui, après
avoir
formé la frontière portugaise de l'Angola, se dirige vers le bas Kassaï.En
aval deKwamouth,
le Congo ne reçoit plus que destributaires
peu étendus, d'un caractère torrentueux, notam-ment l'Inkissi, le Kouilou, le Mposo, qui
débouchent dans
la région des cataractes.
Lacs.--
En résumé, le bassin du Congo belgecomprend
les lacs cBangouélo,
Moéro,
une dizaine de lacs duLoua- laba,
le grand lacTanganika,
peut-être leMouta-N\igé,
et, dans la
partie
occidentale leMatumba,
le LéopoldII,
et enfin 1 e Stanley-^ool, sans
parler
desnombreux
renfle- ments du Congo, qui ont souvent la largeur et lescaractères
de véritables lacs.
Si, à cette
énumération
déjà longue, on ajoute les lacs Victoria etAlbert
du bassin duNil,
et le lacNyassa
dubassin du Zambèze, on voit que l'Afrique
centrale,
réputéesi longtemps un désert aride, est au
contraire
riche en lacset eaux courantes, ce qui s'explique
par
unegrande abon-
dance de pluies:
celles-ci, jointes à unechaleur
tropicale,provoquent
uneexubérance
de végétation et de vieanimale,
qui ne le cède en rien à celle desIndes
ou del'Amérique
du sud.Le
climat, résultant
de cet ensemble decirconstances,
est
naturellement chaud, humide,
fiévreux;
très bien sup- portépar
unenombreuse population
de nègres, il est insa- lubrepour
la race blancheeuropéenne,
sans qu'il failletoutefois en exagérer les conséquences, car,
moyennant
des précautions de sobriété et d'hygiène, il n'est pas plus redou- table que le climat des contrées tropicales où notre races'est néanmoins
répandue. Il
est àremarquer
en outre queles parties les moins saines sont celles des Chutes qu'il faut
traverser pour parvenir sur
le plateau central:
raison deplus de
hâter
l'exécution du chemin de fer quirappro- chera
Léopoldville de la côte.Stations.
— Actuellement (janvier 1888) les principales stations administratives, commerciales, hospitalières ou depropagande
religieuse, sont:
10
Sur
le bas Congo: Banana, Nemlao, Ponta
daLenha,
Borna et Matadi, accessibles
pour
les bâtiments de mer;
20 Dans la région des Chutes
:
Vivi, Isanghila, Many- anga, Loukoungou, Loutété ;3°
Sur
lehaut
Congo:
Léopoldville, Kinchassa, Kim- poko (rivesdu
Stanley-Pool),Kwamouth,
Bolobo, Luko- léla,Equateurville,
Bangala,Oupoto, Arouhimi
et Stan- ley-Falls;
enoutre, Nyangoué
et Kassongo, bourgadesarabes.
4°
En dehors
du fleuve,Loualabourg
et Louébodans
lebassin du Kassaï ; Mpala et
Karéma,
sur leTanganika.
Voici
quelques
renseignementssommaires sur
ces loca-lités.
Banana
est bâtiesur
une langue de terre basse et limo- neuse, longue detrois
kilomètres et située àl'embouchure
Stations européennes et villages nègres du bas Congo, en 1887.
du
Congo, rive droite. Sonport
maritime, vaste et com- mode, est enarrière
de cette pointe et s'avance de 3ooo mètres,du sud
aunord, dans
les terres.Banana
est le siège desadministrations
des postes; elle aun tribunal
de, re ins-tance
et cinq factoreries dont deux hollandaises, les autres, anglaise,française
et portugaise. La population deBanana, comme
celle de Boma et de Léopoldville, dépasse unmillier d'habitants.
Nemiao, un
peu enamont,
est le sièged'une
mission desPères
duSaint-Esprit.
Tonta
daLenha
(Pointe des Bois), dans une île à 5oVue de Banana.