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Année 2015, n° 4SOMMAIRERDCEncore quelques réflexions sur les nouvelles provinces… page 1Mon séjour

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le mardi 21 juillet 2015

Année 2015, n° 4

SOMMAIRE

Encore quelques réflexions sur les nouvelles provinces… page 1RDC Mon séjourẚ Lubumbashi, féliciter Moise ou le blâmer ? … page 14 Du Congo 1964 au Zaïre 1997 - Similitudes et Divergences par Benoit

Verhaeghen … page 19

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RDC

Situé à la limite entre la Province Orientale, le Sud-Kivu et le Nord-Kivu, le territoire de Walikale est enclavé.

Pour y arriver), on embarque dans un avion qui se pose sur une route près d’un village.

© Celcom Caritas Goma

Encore quelques réflexions sur les nouvelles provinces.

Par Guy De Boeck

Dans l’ensemble, le « redécoupage » territorial en RDC fait l’objet de commentaires critiques très négatifs. Cependant, dans leur immense majorité, ceux-ci concernent sa mise en œuvre, jugée absurde, hâtive, intempestive, improvisée et chaotique, et j’en passe...

Arrivé là, le commentateur se lance en général dans un large excursus:

posant rapidement en principe que la création du chaos est le but de l’opération et que ce chaos participe lui-même du grand complot universel pour la balkanisation de la RDC, il nous parle de tout autre chose. Ces choses peuvent être fort intéressantes, passionnantes même, mais elles ont en commun de ne plus avoir grand-chose à voir avec les nouvelles provinces qui, pourtant, figurent dans l’intitulé du texte.

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Les arbres qui cachent la forêt

Les critiques les plus fréquentes, celles qui concernent les improvisations hâtives et les arrière-pensées politiques intéressées, sont fort bien résumées par Hubert Leclercq dans La Libre1

« Jusqu’ici, le pays ne comptait que 11 provinces. Le projet de découpage en 26 entités était sur le marbre depuis un référendum de 2006. "C’est vrai que ces entités sont souvent trop grandes", explique un ministre de la Province orientale (16 fois la Belgique en superficie), désormais démembrée en quatre entités. "Je ne suis donc pas opposé au principe, c’est le timing qui est insupportable."

Tout ce processus de découpage a connu un coup d’accélérateur fin avril sous l’impulsion personnelle du président Kabila. "Cette annonce du découpage est intervenue au lendemain d’un entretien entre le président et le gouverneur du Katanga Moïse Katumbi. Ce dernier a refusé de se ranger derrière le président, du coup Joseph Kabila a fait donner l’artillerie. Sa première cible ? Le Katanga. Il s’agissait de montrer à Katumbi qu’il était dépendant du bon vouloir de Kinshasa", explique un éditorialiste de la capitale congolaise.

Tout est à faire

Pour passer de 11 à 26 provinces, il faut installer les nouveaux parlements - parfois dans des bâtiments très approximatifs - et élire les nouveaux gouverneurs parmi les élus des anciens parlements provinciaux "renvoyés" dans les nouvelles entités. "Au Bandundu, découpé en trois provinces, deux des nouveaux chefs-lieux ne disposent pas de routes asphaltées", explique un élu de la nouvelle province du Maï-Ndombe, en route pour sa "capitale" Inongo.

Pour le PPRD, parti au pouvoir de Joseph Kabila, l’objectif est clair. "Ils veulent décrocher le gouvernorat dans les 26 provinces, histoire d’asseoir leur pouvoir", poursuit notre élu qui voit d’un très mauvais œil la "dernière trouvaille" présidentielle. "Pour rentrer dans nos provinces, nous touchons 1 500 dollars pour le transport et 200 dollars par jour. Sommes qui nous seront payées par… l’Agence nationale de renseignement et plus par le ministère de l’Intérieur, histoire de bien nous faire comprendre qu’on a intérêt à nous tenir à carreau. Pas sûr que ce soit une bonne option, les élus n’aiment pas sentir la pression et quand celle-ci confine à la menace, ce qui est le cas ici, ça peut même pousser à la désobéissance", conclut notre élu ».

Loin de moi l’idée de rejeter comme sans intérêt la question de l’usage qui est fait actuellement du redécoupage. La mise en œuvre soudaine et brutale de textes remontant à 2002, effectuée avec une précipitation inconsidérée ne peut qu’avoir des effets qui seront certainement en majorité négatifs et pourraient en effet aboutir au chaos. Ce n’est pas une raison pour « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Il est tout à fait possible qu’une réforme soit excellente dans son principe, mais connaisse – volontairement ou non – une application tellement maladroite et inhabile, qu’elle se change en catastrophe ; Ce que je me propose ici, c’est d’envisager la mise en place des nouvelles provinces en elle-même, indépendamment de l’usage que certains peuvent en avoir fait.

Une tendance lourde dans l’histoire congolaise

On parle d’une « tendance lourde » lorsque l’on constate une orientation de longue durée d'un phénomène évolutif, qui a tendance à se maintenir envers et contre tout et, en particulier, à persister au travers de régimes politiques successifs et contradictoires. Ainsi, il est aisé de constater que les Congo, à travers deux régimes coloniaux (léopoldien, puis belge) et des expériences politiques diverses après l’indépendance (démocratie bourgeoise, dictature de Mobutu, « multimobutisme » à l’époque de la CNS, etc…) a constamment évolué vers un fractionnement croissant en un nombre plus grand d’entités de plus petite taille. Entre1895 et

1« Scrutin provincial plus que vicié en RDC » - La Libre - 19 juillet 2015

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2015, ces entités appelées à l’origine « districts » et aujourd’hui « provinces » passent de 11 à 26. Les phases de recul ne sont qu’apparentes : elles sont dues à la hiérarchisation à trois niveaux (province, district, territoire) introduite par la colonisation belge dans l’entre-deux guerres2. Le nombre de districts (l’entité qui va survivre sous le nom de « province ») a été invariablement, constamment et lentement croissant.

Pendant 120 ans, donc, les dirigeants du Congo, dont un Roi absolu, une administration coloniale blanche, et une brochette de dirigeants congolais, le plus souvent réactionnaires mais aussi parfois progressistes, ont estimé que le Congo serait plus facilement et mieux gouverné avec des provinces plus petites. Et, quand la population a pu s’exprimer (directement ou par ses élus ou délégués), elle a exprimé un avis qui va dans le même sens, par la Constitution de 1964 (dite de Luluabourg), lors du dialogue intercongolais en 2002, dans la Constitution de 2006 enfin. Le moins que l’on puisse dire, c’est que si l’on se trompe en voulant plus de provinces, il y a vraiment eu beaucoup de gens pour se tromper en même temps !

Bien entendu, le fait que la classe politique et la population s’accordaient sur l’opportunité d’un découpage plus serré des entités politico-administratives, cela ne signifie en rien qu’ils aient donné le même sens aux mots. En gros, à chaque redécoupage, les mêmes raisons sont invoquées : rapprocher l’administration de la population, assurer une meilleure gestion tant des deniers publics que des ressources locales. Dans l’esprit des dirigeants, le

« rapprochement » signifie souvent un meilleur encadrement et une surveillance – donc une répression - plus efficace, alors que la population aurait plutôt tendance à comprendre « plus et de meilleurs services, plus d’écoles, de meilleurs soins de santé, plus de sécurité des biens et des personnes ». Quant à la gestion des fonds publics et des ressources… On sait ce qu’il en est !

Le choix de la méthode

Cette tendance lourde à la complexification constante du découpage et ces raisons qui, pour l’essentiel, sont constamment les mêmes aboutirent cependant à des mises en œuvres très différentes selon les cas3. En 1964 et aujourd’hui, on procédé à un grand « lifting » général. En d’autres occasions, au contraire, on a procédé avec plus de délicatesse et de précautions, et l’on a même pris parfois la précaution de parler de redécoupage « à l’essai », insinuant donc qu’un retour en arrière était possible.

De manière surprenante, le chirurgien au toucher délicat qui fut à l’œuvre dans ces

« découpages en douceur » n’était autre que le Maréchal Mobutu, dont pourtant l’on n’associe pas spontanément l’image à la délicatesse et aux précautions !

Trois « mini-découpages » eurent lieu sous son autorité. Je dis bien trois et non deux, car avant le Kasaï et le Kivu, eut lieu le « bourgeonnement » de la province de Léopoldville.

Province de Léopoldville

Sur la carte héritée de la colonisation, cette province comprenait ce qui est actuellement le Kongo central (Bas-Congo), la ville-province de Kinshasa et les actuelles provinces du Kwango, du Kwilu et du Maindombe, alors réunies dans la province de Bandundu.

Le changement fut nécessité par le développement considérable et très rapide de Kinshasa dans les premières années de l’Indépendance. Le mot « ville » ne doit d’ailleurs pas tromper, car les

2On trouvera un exposé plus détaillé et des cartes dansDialogue2015/n° 4 du 19 avril.

3Je ne parle plus ici que des redécoupages postérieurs à l’indépendance. Cela ne tient pas seulement à la différence entre colonie et état souverain, mais aussi au fait que trop de choses, en particulier la rapidité et la facilité des communications ont changé entre 1895 ou 1915 et aujourd’hui. Il y a cent ans, une décision, même prise brutalement à Bruxelles, mettait au moins six mois à être appliquée dans les recoins éloignés. Cela donne un sens tout différent à des mots comme « lent » ou « rapide ».

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limites de la ville étant très étendues, plus de 90 % de sa superficie sont des espaces ruraux ou forestiers (notamment dans la commune de Maluku) ; les parties urbanisées se trouvent à l'ouest du territoire.

En 1968, Kinshasa est dotée du statut de région au même titre que les autres régions du pays. La loi du 5 janvier 1975 en fit la huitième Région de la République. (Les provinces étaient alors appelée « régions »). Mais ce nouveau statut a pour conséquence de couper presque entièrement le Bas-Congo du Bandundu. Tant qu’à faire, on décrétera obligatoire et légale une situation de fait, et il y aura désormais trois entités séparées. Cette modification-là, précisément parce qu’elle entérinait un fait, ne suscita ni inquiétude ni problème, et fut même assez peu commentée.

Si l’on met à part Kinshasa, dont le cas est résolument à part, le résultat de l’opération fut de créer un Bas-Congo (Kongo Central depuis la dernière réforme) très viable, du fait de l’activité portuaire qui, par la force des choses, y est entièrement concentrée, mais aussi de renvoyer le Bandundu entier aux travaux agricoles, alors que seul le Kwilu possède (en principe) une voie ferrée, que le Kwango fait ce qu’il peut avec les routes et les voies d’eau et que le Maindombe ne possède pas la moindre route asphaltée. On admettra que ce n’est pas la meilleure manière d’encourager l’écoulement des produits agricoles, alors que l’énorme marché kinois est à deux pas et que la nourriture (en grande partie importée) y est très chère !

En tous cas, dès les premiers balbutiements du premier « redécoupage », apparaît un caractère qui demeurera constant d’un « découpage » à l’autre dans le passé et semble bien être aussi très présent dans le « découpage » actuellement en cours : ils sont effectués avec un mépris superbe pour toute notion relative à la viabilité économique des provinces, leurs infrastructures en tous genre, et le souci de rééquilibrer les avantages et inconvénients qui en résultent par un quelconque mécanisme national de solidarité en est radicalement absent.

Province du Kasaï

Ce redécoupage, effectué pendant les premières années du régime (celles que l’on appelle parfois les « années folles » du mobutisme), est aussi le plus typiquement mobutien. Il a eu lieu alors que l’étoile du Maréchal était à son zénith, alors que pour le troisième

« morcellement », celui du Kivu, elle était au contraire nettement sur son déclin.

Le Kasaï avait déjà subi une sécession, en 1960, œuvre d’Albert Kalonji, qui avait débouché sur les incidents sinistres des « massacres de Bakwanga » (ville rebaptisée Mbuji- Mayi pour en occulter le souvenir). Le redécoupage de 1964 y avait aussi engendré de graves et violents problème dans la Sankuru, cette fois entre Eswe et Ekonda, deux composantes de l’ethnie Tetela.

Bien entendu, le « redécoupage » de la Constitution de Luluabourg avait comme but affirmé – comme toujours - de rapprocher l’administration de la population et d’assurer une meilleure gestion tant des deniers publics que des ressources locales. Il avait aussi des finalités moins ouvertement proclamées, notamment de mettre fin en douceur aux sécessions dont le souvenir était alors tout frais, en les intégrant dans les nouvelles provinces, quitte à admettre quelques absurdités dans le découpage.

Le clivage de la sécession séparait le Nord du Sud. Le découpage de Luluabourg ne ressemblait à aucune forme auparavant connue sur terre. Le clivage de Mobutu séparera le Kasaï oriental et le Kasaï occidental par une ligne verticale Nord/Sud, presque rectiligne.

Ce dessin revenait presque à un aveu du but réel de cette « chirurgie administrative ».

Dans l’ancienne province – que depuis lors on appelle souvent le « Grand Kasaï », - la prépondérance des Luba, qui sont environ 13 millions, était écrasante. En République

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démocratique du Congo, les Luba sont la plus grande ethnie (20 % à 25 %) - environ 6 000 000 dans le Kasaï-Occidental, 7 000 000 dans le Kasaï-Oriental, 8 millions dans le reste du pays4.

Mais leurs territoires se situent essentiellement dans le centre et le Sud du Grand Kasaï.

Une fois coupés en deux par la division de la province, les autres groupes ethniques kasaïens (Lulua, Kuba, Tetela, Songye…) pouvaient y faire contrepoids, ce qui n’aurait pas été possible dans le Grand Kasaï.

Certes, on ne résout pas tous les problèmes pour autant et même, on en fait émerger d’autres, comme les conflits inter-Tetela récurrents dans le Sankuru. Mais il s’agit alors de conflits locaux et, s’ils font des dégâts et même des morts, Mobutu s’en soucie peu. Il peut éviter que les conflits deviennent nationaux et, comme tels, soient connus internationalement.

Le « péril Luba », en tant que phénomène national, est donc écarté.

Quand il faut expliquer en deux mots en quoi consiste le « redécoupage », le plus simple est de dire : « Tous les districts deviennent des provinces ». Mais, fait totalement original, aucun des découpages du Kasaï ne s’est inspiré de cette règle. Ni le découpage de Luluabourg, ni celui de Mobutu, ni le dernier en date (très semblable à celui de 1964) ne s’en sont inspirés. On n’en trouve trace qu’à l’extrémité orientale de la région, où le Sankuru passe tel quel du statut de district à celui de province, opération qui en 1964 n’avait pas donné d’heureux résultats. Cela menait bien à une certaine « pureté ethnique », celle d’un territoire absolument dominé par les Tetela, avec quelques figurants Songye. Mais cela n’a fait que dégager le théâtre, dont la scène a été aussitôt envahie par des disputes internes entre différentes variétés internes de l’ethnie tetela !

Au sujet du découpage territorial, le journal kinois L’Avenir, qui est pourtant l’un des plus favorables au pouvoir, titrait néanmoins, le 21 juillet 2015 « Enjeux et dangers ».

« Le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement a salué l’opération de découpage territorial qu’il qualifie de salutaire et de réussie », rapportait ce journal qui tirait pourtant une sonnette d’alarme. Pour L’Avenir, après le démembrement du Kasaï, il était à craindre des divisions internes et des querelles intestines, même si la tentative vaut pour toutes les provinces.

On ne pohurra pas dire qu’on n’avait pas été prévenu ! Province du Kivu

Le Kivu fut divisée en 1988, une date qui mérite doublement de retenir l’attention.

Certes, Mobutu était toujours président, et le resterait encore pendant neuf ans Mais autant sinon plus que sa marque, la division du Kivu porte celle de la CNS. D’autre part, pour quelques années encore, les « problèmes de l’Est » n’étaient pas encore devenus transfrontaliers.

Entendez par là que se posaient déjà des problèmes liés aux « zaïrwandais », mais qu’il s’agissait toujours de problèmes d’immigration et de nationalité concernant des individus. Ce n’est qu’à partir de la guerre civile rwandaise, en 1990, puis surtout de l’arrivée au pouvoir de Kagame en 1994, que les états limitrophes s’y trouvèrent mêlés.

En 1988, donc, le Kivu fut divisé en trois provinces, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema. Suivant la formule classique : c’étaient trois districts et ils furent érigés en provinces.

Comme toujours on évoqua le nécessaire rapprochement entre l’administration et la population et une meilleure gestion tant des deniers publics que des ressources locales. Il y avait aussi un motif « sur mesure » : « dynamiser » le Maniema, à la traîne par rapport aux deux Kivu, en lui donnant plus d’autonomie.

4Dont 5 millions dans le Katanga, 1 million dans le Maniema et au moins 2 000 000 à Kinshasa. Comme au Congo tout, même les élections, se fait sans recensement de la population, il va sans dire qu’il faut prendre ces chiffres comme des indications approximatives !

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En filigrane, on apercevait la volonté des kivutiens « originaires » de se protéger contre les empiètements des « zaïrwandais ». En effet, Mobutu avait repris à la pratique coloniale belge, et singulièrement à la Force Publique, le principe de ne jamais affecter un homme dans son terroir d’origine. Se sentant isolé parmi des « étrangers », un membre de l’administration ne pouvait que considérer celle-ci, et plus généralement l’ordre établi, comme sa seule protection. C’était donc un gage de sa fidélité. Simultanément, le dictateur s’efforçait toutefois de recruter ses serviteurs, au moins en apparence5, dans tout le pays. Pour se donner malgré tout l’air d’avoir dans son entourage et ses proches collaborateurs des « gens de l’Est », il fut fort heureux de recourir aux services des « zaïrwandais ». Il pouvait espérer que le sentiment d’insécurité que ces gens, comme tous réfugiés ou immigrés, ne pouvaient manquer d’avoir, les pousserait encore davantage à chercher leur sécurité dans un attachement accru à sa personne et à son régime. Mobutu eut donc recours à une astuce qui a été utilisée avant lui par bien d’autres détenteurs du pouvoir personnel : recruter parmi des immigrants, des minorités ou des personnes à la nationalité indécise. En offrant massivement des promotions politiques et économiques aux « barons » rwandophones, il leur offrit la possibilité de chercher à « sauver»

l’ensemble des membres de la communauté, y compris les immigrants illégaux. De plus, il les relia au reste de la bourgeoisie qu’il mettait en place (les « privilégiés du régime ») par des liens de solidarité : chacun contribue, par son influence personnelle, à assurer la sécurité de tous les autres. Cela conduisit à la nomination d’un membre de la communauté des immigrants, Barthélémy Bisengimana Rwema, au poste de directeur du Bureau du Président-Fondateur du MPR, Président de la République.

En 1960, la Loi Fondamentale léguée par les Belges fut curieusement muette sur la définition de la nationalité congolaise. Seule la loi relative aux élections législatives du 23 mars 1960 avait précisé « les ressortissants du Ruanda-Urundi, résidant au Congo depuis 10 ans au moins sont admis à voter ». De là, on peut conclure que la Belgique coloniale avait admis le principe suivant lequel la nationalité congolaise était automatiquement acquise aux ressortissants du Ruanda-Urundi installés au Congo depuis 1920 au plus tard. La solution au problème de la nationalité, à l’âge postcolonial, était d’autant plus épineuse, qu’il fallait y intégrer un héritage constitutionnel d’origine coloniale qui compliquait encore davantage la gestion du dossier. En effet, en conformité avec la pratique belge, la nationalité congolaise était, par essence même, « une et exclusive ». Autrement dit : la double nationalité est impossible ! Aucune concession n’était donc envisageable pour faire prévaloir le statut de « zaïrwandais », à cheval entre deux nationalités. D’où, pour se sécuriser, tout allochtone n’avait pas d’autres choix que de se prétendre autochtone et donc, se déclarer congolais « de fait » et « depuis toujours ».

C’est dès le seuil des années 60 qu’on avait noté les premières grandes tensions entre

«originaires » et « non originaires », par suite de la position dominante occupée par ces derniers dans le commerce, la politique et l’administration, tant ils représentaient une quantité importante de la population active. Dans le Masisi, ils étaient même majoritaires. Une véritable bourgeoisie locale émergea dans ces milieux. Elle contrôlait l’administration provinciale, la représentation de la région au niveau des instances de la capitale ainsi que les réseaux des exportations en fraude du café du Nord-Kivu, de l’huile de palme du Maniema et du quinquina du Sud-Kivu vers les pays de l’Afrique de l’Est. De plus, dès la décolonisation, cette communauté « zaïrwandaise » s’était illustrée par des prises de position excentriques par

5« Au moins en apparence », parce que Mobutu se méfiait de certaines régions, en particulier de celles de l’Est. Il se méfiait des Katangais pour leurs tendances « particularistes », d’autres régions orientales parce qu’elles avaient soutenu le gouvernement de Stanleyville ou pris le parti des « Simba » en 63-65. En général il se méfiait de tout ce qui parlait swahili, langue qu’il ne se donna jamais la peine d’apprendre.

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rapport au reste de la population. Si ses membres adhérèrent massivement au CEREA (qui, symptomatiquement, prônait le regroupement « africain »), alors que les « originaires » se ruèrent vers des partis de type tribal, c’est qu’ils craignaient de ne pas y trouver leur compte.

Lors de l’épisode des « provincettes » de la Constitution de Luluabourg, on les vit s’illustrer encore, à l’inverse du reste de la population, par leur opposition au démembrement du Kivu, particulièrement à la constitution d’une province du Nord-Kivu autonome. Cette position apparemment curieuse était justifiée. Fonctionnant déjà comme une diaspora organisée, avec ramifications dans les cabinets ministériels à Kinshasa, dans les entreprises au Katanga, dans le Haut-Congo, son fonctionnement était plus aisé dans un Kivu unifié administrativement que dans trois provinces autonomes. De plus, dans le cadre de la rivalité entre eux et les Nande pour le contrôle de l’espace politique et commercial au Nord-Kivu, ils craignaient que l’autonomie de la partie septentrionale du Kivu ne se transformât en chasse gardée des Nande. Cette obstruction se matérialisa surtout dans la fixation du statut de Rutshuru et de Goma, qui finalement furent promis au référendum.

L’opposition entre partisans du rattachement de ces territoires au Nord-Kivu ou au Kivu central avait fini par donner lieu à des oppositions ouvertes dont la dernière — la révolte Kanyarwanda (fils du Rwanda) — fut déjà interprétée, à l’époque, comme une tentative rwandaise de créer un « Hutuland » On comprend que les rédacteurs de la Constitution de 1964, à Luluabourg, se soient sentis interpellés par ces velléités et qu’ils se soient efforcés d’être aussi précis que possible dans la définition de la nationalité.

La mise en cause, à partir de la CNS, de Mobutu, protecteur et artisan de la promotion des Banyarwanda et son effacement progressif clans les affaires de l’Etat, son déménagement à Gbadolite, encouragèrent les groupes autochtone à hausser de plus en plus le ton, réactivant par là une crise restée en latence pendant trente ans, Ils s’efforcèrent même de renverser la vapeur à leur avantage. Déjà le refus de la CNS d’admettre en son sein les délégués des partis réputés « étrangers» — notamment le CEREA que Rwakabuba avait fait renaître - le quadrillage du Nord-Kivu par des gendarmes essentiellement nande et hunde, avaient contribué à créer un climat particulier au début des années 90. Les débats du Parlement de transition sur la question de nationalité et surtout la constitution en son sein d’une Commission ad hoc chargée de statuer sur cette problématique dans les Kivu (Commission Vangu) finirent par libérer les angoisses des autochtones face à «l’invasion » rwandophone. On ne cessa de dénoncer le pseudo projet tutsi de détacher le Kivu du Congo, en vue de la création d’une « république des Virunga » par la fusion avec l’Ouganda et le Rwanda-Burundi. Cette agitation ne fut efficace que pour rendre les tensions de jour en jour plus acerbe. Elle n’eut aucun autre résultat. Et ceci avant tout parce qu’on s’obstina à faire avancer une bicyclette avec une pagaie, c'est-à-dire à traiter en problème de nationalité ce qui était un problème d’accaparement et de spoliation de biens fonciers. La CNS avait pourtant une Commission des Biens Mal Acquis…

Mais la CNS était avant tout le lieu d’affrontement entre deux fractions de la bourgeoisie : celle qui avait bénéficié des prébendes du mobutisme s’y opposait aux exclus du mobutisme, bien décidés à jouer des coudes pour trouver leur place à la mangeoire au prochain repas. Comme disait une plaisanterie de l’époque, la CNS est le lieu où l’on entend les éloquentes condamnations des mobutistes d’hier par ceux qui n’ont été mobutistes que jusqu’avant-hier. L’on peut dire cela sans mettre tout le monde dans le même sac. Il se peut fort bien que certains partisans du changement aient été sincèrement décidés à mettre en place un régime moins kleptocrate et plus honnête… dans certaines limites.

Ces limites étaient précisément telles que les revendications des Kivutiens n’y avaient pas leur place. Il fallait passer sous silence que les spoliations commises au profit de la fraction de privilégiés mobutistes, « Zaïrwandais » dans cette partie du pays, n’était pas différente dans

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son principe de ce que d’autres fractions de privilégiés mobutistes, Congolais « pure laine », avaient fait ailleurs. La bourgeoisie ne pouvait pas se permettre de laisser filer une seule maille du tricot, ou elle se défaisait toute. Au temps de la CNS, elle se serra les coudes plus que jamais, car sa position aurait pu être réellement menacée.

Les deux fractions de la bourgeoisie n’avaient aucunement envie de remettre en cause les privilèges qu’elles avaient acquis et d’admettre le fait que le régime foncier privé devait faire à nouveau place à la propriété collective sur d’énormes portions du territoire national. Il était bien plus commode (et juteux !) de conserver ses avantages, et d’utiliser le thème des

« étrangers » pour attiser les passions de leurs partisans ! Bien plus, comme l’ambition des privilégiés serait de se débarrasser de cette propriété collective du sol pour y établir des exploitations, agricoles ou autres, régies par la saine loi du profit privé, leur objectif serait plutôt d’étendre les expropriations à tout le pays, non pas cette fois au profit « d’étrangers », mais de bons bourgeois congolais, tous prêts à devenir les patrons exigeants voire abusifs d’autres Congolais. Avec de telles psychoses et l’effritement des administrations publiques, il était évident que l’évolution de la situation allait désormais échapper à tout contrôle, y compris celui du Parlement de transition et de l’Etat lui-même.

Un tribalisme qui n’est pas dû au hasard

Lors de tous les machins foireux qui se produisirent lors des « redécoupages » du passé, et dont beaucoup seraient carrément des histoires comiques, si, malheureusement, cela n’avait pas coûté du sang, des larmes et des vies humaines, la plupart relèvent du fameux « tribalisme » qui est une des « tartes à la crème » du commentaire « africaniste ».

Lorsque l'ethnie fait la "Une" des journaux, c'est presque toujours pour accompagner des termes comme "haine, querelle, massacre, etc..." et l'on ne peut s'empêcher d'avoir l'impression qu'il faut lire entre les lignes "Ils (ces sauvages!) continuent à se massacrer pour des raisons incompréhensibles". Or, ces "haines tribales héréditaires", lorsqu'on se donne la peine d'en retracer les causes, ne remontent pas à la nuit des temps mais... à la colonisation et à l'introduction même du concept d'ethnies. J'ai mentionné plus haut l'opposition Eswe / Ekonda chez les Tetela, qui a même attendu que l'on soit après l'indépendance pour développer ses aspects ravageurs !

J’ai écrit ailleurs ce que je pense de cette notion utilisée pour expliquer tout et n’importe quoi.6L’ethnologie était devenue entre les mains du colonisateur un instrument de pouvoir, et cela n’avait pas échappé à certains Congolais qui voulurent disposer, eux aussi, de cette

« ingénierie ethnique », pour en faire une arme idéologique de conquête du pouvoir.

A peine le Congo était-il indépendant, qu'en 1962 on s'empressait de publier une nouvelle carte ethnographique "officielle" (d'ailleurs basée pour une bonne part, comme les précédentes, sur des travaux de missionnaires et d'administrateurs coloniaux). Et ceci est à première vue étonnant!

D'une part parce que, en 1962, on n'aurait pas été en peine pour trouver une (longue) liste de choses plus urgentes à faire qu'une telle publication.

D'autre part parce que la classe nouvellement au pouvoir, celle des "hommes politiques congolais", qui sort en droite ligne des "évolués" de la fin de la colonie, est en principe une classe "moderniste", qui regarde de fort haut les "passéistes" et les "sauvages" des milieux coutumiers et sont, en particulier, hostiles à l'autorité des Chefs. Alors ?

C’est que, dans l’esprit des tacticiens politiques, le premier « redécoupage des provinces » était déjà en gestation ! On allait bientôt connaître la constitution de Luluabourg de

6G. De Boeck : "Dis, Bwana... Tu n'aurais pas vu mon ethnie ?" - L'INGENIERIE ETHNIQUE : Libres propos sur une arme idéologique, Bruxelles, Contradictions 2002, n°1

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1964 et ses 21 "provincettes" (obtenues en renchérissant de façon byzantine sur la subdivision en 11 grandes zones culturelles définies par l'ethnologue belge Jan Vansina7). Et il est clair que la chose a une dimension, immédiate et au ras du gazon, de désir des hommes politiques de se tailler des "chasses gardées" où ils puissent dire à la majorité des électeurs (car, hélas! ces

"passéistes coutumiers" de la brousse ont le droit de vote!) "Je suis de votre tribu, votez pour moi", puis "Il vous faut un Ministre (sous-provincial!) de votre tribu, pensez à moi", variante bantoue ad hoc du célèbre "Je vous ai compris!".

Mais il y a plus. "L'indépendance, a écrit Frantz Fanon, ce n'est pour certains que le transfert aux élites locales des passe-droit hérités de la colonisation". Et le paysan Kongo ne croyait pas si bien dire, qui surnommait les politiciens bourgeois "Bamindele ba biso", c'est à dire "Nos Blancs à nous". Parce que ce que la bourgeoisie africaine n'a pas manqué de comprendre, c'est que la manipulation ethnique est un attribut du pouvoir.

"Soumise à la fonction de fournir la main d'oeuvre bon marché au secteur moderne, la société majoritaire au point de vue des hommes qu'elle englobe, dite traditionnelle, ne l'est plus, elle est pseudo-traditionnelle, c'est à dire d'une traditionalité transformée, déformée, soumise"8.

"Parler de l'Afrique traditionnelle en bloc, c'est au fond avaliser la thèse colonialiste de l'absence d'histoire de l'Afrique, comme s'il n'y avait pas en fait des sociétés et des cultures africaines avec leurs structures et leurs conflits intérieurs différents. Ici, au contraire, l'aspect massif de l'affirmation confond dans une nuit grise toute l'Afrique rurale en un magma sans contours nets"9.

Administration et contrôle, surtout dans un esprit européen, impliquent un quadrillage spatial. Une ethnie ou une tribu c'est, d'abord et avant tout, quelque chose qui s'inscrit sur une carte. C'est aussi quelque chose que l'on conçoit comme un ensemble clos, voire hostile aux autres ethnies. "Diviser pour régner" était loin d'être un principe inconnu des colonisateurs.

Au Congo belge, à tort ou à raison, le colonisateur était si bien persuadé du contrôle qu'il exerçait sur ce qui était ethnique ou tribal, que pendant longtemps les associations à base ethnique furent les seules associations indigènes autorisées. On va d'ailleurs en profiter aussi pour manipuler quelque peu les ensembles indigènes, quand ceux-ci semblent trop grands ou trop petits. Des entités trop grandes pourraient être difficiles à maîtriser, et de trop petits, trop difficiles à contrôler. On va donc assister, en même temps qu'à un véritable travail de recherche sur les sociétés indigènes, à un travail de clichage et de classification qui prendra souvent l'allure de grands travaux de remembrement et de ravalement de l'Afrique indigène.

C'est pourquoi j'ai qualifié ce travail d'ingénierie. Et le but de ce travail est moins d'effectuer un "bilan du passé" de l'ethnie, que d'incorporer le groupe dans les structures coloniales.

Incorporation et intégration sociale ont créé des identités, notamment celle de

"Congolais", diverses identités de classe, diverses identités religieuses, et une série d'identités ethniques. Ces identités ne sont pas de même étendue et se rapportent à des domaines différents: elles seront donc "à tiroirs": dans des contextes différents, une même personne pouvait s'identifier en tant que l'une quelconque de ces innombrables identités. L'ethnie à eu ses "bâtisseurs", parmi lesquels des étrangers, surtout missionnaires, ont joué un grand rôle. Précisons même qu'en ce qui concerne le cas précis de la "création culturelle" Tetela, il n'est pas indifférent que ces missionnaires aient de plus été flamands. Ces intervenants Blancs

7cfr VANSINA : "Les Royaumes de la savane", carte hors-texte.

8Samir AMIN: "Sous-développement et dépendance de l'Afrique noire", préface à BOUBACAR BAMY : "Le Royaume du Waalo", Maspero, Paris, 1972

9Yves BENOT, "Indépendances africaines", Paris, Maspero, 1974 page 55

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vont répertorier les Tetela et leurs voisins dans un vaste éventail d'activités, allant des mouvements religieux aux mobilisations politiques en vue d'une guerre.

Plusieurs identités ethniques (ou tribales ou sous-ethniques) ont reçu une empreinte idéologique. Certaines s'appliquent à l'ensemble des gens dont la langue maternelle est la même. D'autres identités sont plus larges o u plus restreintes. C'est typique du Congo, où lesdénominations, ethniques et autres, ont tendance à être multiples et conjoncturelles;

l'ennemi dans un tel contexte est un frère dans tel autre. Catégories et appellations ethniques sont ainsi des instruments, voire des armes, dont on peut se servir pour susciter un conflit ou pour en favoriser l'apaisement. L'ingénierie ethnique est donc aussi, par certains aspects, fabrication d'armes...

L'utilisation politique des ethnies va conduire à quelques situations qui seraient du plus haut comique, si, malheureusement, tout cela n'avait pas coûté des centaines et des centaines de vies humaines... Par la conjonction d'une carte ethnique très compliquée (près de trois cents groupes), d'importants mouvements de population en direction des centres industriels imposés par le colonisateur, d'affrontements politiques très durs entre des positions extrêmes et... d'un goût national pour une certaine éloquence politique riche en hyperboles et formules amphigouriques le Congo ex-belge fut, à ce point de vue, l'un des endroits où, suivant l'expression populaire, on pédala le plus allègrement dans la choucroute. A force de proclamer que tout adversaire était un épouvantable "tribaliste" (c'est un défaut, quand il s'agit d'aimer la tribu des autres) tout en se disant soi-même "profondément attaché aux valeurs traditionnelles"... (Lesquelles? ... Celles de la tribu? .. Oui, mais alors... Mais non, celle-là, c'est la mienne, enfin, celle de mes électeurs... Chut!) on ne tarda pas à atteindre l'état de confusion intégrale que le bon peuple qualifie de "potopoto", terme qui a l'origine désigne une boue argileuse, à base de latérite, qui vous enlise la plus puissante roue de camion en moins de deux et jusqu'au moyeux.

On n'organisera pas forcément partout un cirque aussi dément. Mais ce sera, au moins dans le principe, la situation habituelle des régimes néo-coloniaux. On voudra bien, j'espère, me pardonner de me citer moi-même:

"Les chefs d'état africains passent tous facilement, quand cela fait leur affaire, des vues les plus jacobines sur l'union nationale au respect scrupuleux des plus infimes particularismes.

La société "moderne" opaque pour le petit peuple et les structures traditionnelles inadaptées et souvent dominées par des dignitaires acquis au régime sont des lieux où ils se sentent à l'aise:

il y a longtemps que les dés y sont pipés en leur faveur. L'intégration des traditions dans une société modernisée, démocratique tout en restant authentiquement africaine, voilà ce qui leur donne vraiment froid dans le dos!"10.

Or, sur le plan des dangers du « tribalisme », le Congo, qui peut paraître désavantagé par sa grande bigarrure ethnique, possède pourtant en celle-ci un immense avantage. On peut le résumer ainsi « Au Congo, pris dans son ensemble, il n’y a que des minorités ».

Lorsque je parlais plus haut des Luba, j’ai dit qu’ils étaient l’ethnie la plus nombreuse du pays, mais aussi qu’ils représentaient au plus un quart de sa population. L’ethnie Kongo, bonne deuxième qui les suit de près, est pratiquement logé à la même enseigne : ils sont environ 20% de la population. Et le reste à l’avenant, jusqu’à ce qu’on atteint le plus minuscule groupement de pygmées représentant moins de 1 %.

Il s’ensuit qu’aucun groupe ethnique, fût-il dévoré de la pire ambition et bouffi du plus affreux orgueil, ne peut songer à posséder à lui seul le monopole du pouvoir. Au contraire, même quand des tendances de ce genre le travaillent, il lui faut s’efforcer de donner au moins

10Guy DE BOECK , Langues et démocratie en Afrique noire”, Bruxelles, DP, 1984, page 53.

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l’illusion, l’apparence du pluralisme ethnico-régional. C’est ce que la presse congolaise appelle, lors de la formation d’un gouvernement « les dosages géopolitiques ».

Malheureusement, cette affirmation n’est vraie que pour le Congo dans son ensemble ! Dès que l’on se hasarde sur le terrain régional, des prédominances se font jour. Les Kongo peuvent, sur base simplement de leur nombre, aspirer au contrôle total du Kongo Central, les Luba peuvent penser qu’ils seraient les maîtres absolus dans le Grand Kasai si on le recréait. Et surgit aussi, bien sûr, la tentation des découpages territoriaux « sur mesure » visant à avantager tell groupe ou à handicaper tel autre.

Le fait que « le pouvoir » au Congo a toujours désigné un pouvoir centralisé a fait aussi que les Congolais, habitués à réfléchir dans un contexte où, même nombreux, ils étaient toujours minoritaire, ont fort intériorisé une mentalité de « minorité menacée et revendicatrice » et fort peu médité sur les devoirs qui incombent aux majorités pour, précisément, ne pas écraser les plus faibles !

Un objectif oublié en cours de route

A côté des fameux objectifs sans cesse cités : rapprocher l’administration de la population, assurer une meilleure gestion tant des deniers publics que des ressources locales, il y en avait un autre, dont on fait beaucoup moins mention, bien qu’il figure dans le titre du ministre compétent : la Décentralisation.

Il est courant de dire que la Congo a pratiquement la taille d’un continent, et qui dit grande étendue dit diversité. C’est de plus un pays où les communications ne sont pas aisées.

Bref, la RDC se présente sous l’aspect d’un pays dont la gestion gagnerait beaucoup à être décentralisée. Sans même parler des différences de populations, de traditions et de cultures (de peur de faire ressortir du placard le spectre du « tribalisme »), la géographie à elle seule y invite nettement.

A l’époque coloniale déjà, le caractère trop centralisé de la colonie avait été évoqué à plusieurs reprises, sans, il est vrai, qu’aucun remède y soit apporté. Il aurait fallu transformer le Gouvernement général en une sorte de vice-royauté, et Bruxelles ne le désirait pas.

Au moment de la Table Ronde, on parla de fédéralisme, mais à mots couverts, car on se doutait bien que des projets sécessionnistes mûrissaient dans certaines têtes. L’on adopta, pour l’organisation du nouvel état, un schéma qui n’était plus celui des états unitaires (le gouverneur ou préfet désigné par l’autorité nationale), mais bien celui des fédérations (gouverneur élu), sans toutefois utiliser le terme. C’est sans doute ce que Justin Nguvulu avait en tête lorsqu’il déclarait à l’INR : « Nous avons le fédéralisme sans le nommer ».

Ensuite, Tshombe et Kalonji discréditèrent complètement le mot comme la chose.

La période Mobutu fut d’un centralisme plus qu’intransigeant, toutes les décisions étant prises par le Chef de l’Etat, Président-Fondateur du MPR, Père de la Nation, etc…

En réaction, la revendication du fédéralisme figura maintes fois, non seulement dans les écrits individuels des opposants, mais même dans les multiples chartes de non moins multiples plateformes de l’opposition, signées au fil des ans par Mungul-Diaka, Nguza Karl-i-Bond, Bumba, Kabila, etc… Mais il s’agissait de documents aussi vite oubliés que signés.

Le dialogue intercongolais, et la Constitution de 2006 à sa suite, se contenta de parler de « décentralisation ».

Le mot importe peu. Quel que soit le vocable choisi, il renvoie toujours à de considérables transferts de compétences en direction des entités, disons, rassemblées, pour

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éviter nous aussi le mot « fédérées ». Cela suppose qu’elles aient les mains libres, le droit de déployer une certaine créativité, d’avoir une certaine imagination… Cela suppose que les provinces aient des moyens… Cela suppose que l’on tolère l’éclosion simultanée de cent fleurs différentes… Cela suppose qu’on soit plus que tolérant vis-à-vis des différences, qu’on les recherche, qu’on les cultive… Cela suppose qu’on ne confonde pas unité et égalité avec uniformité, monotonie, frilosité intellectuelle, pensée unique… Cela suppose…

Autant s’arrêter tout de suite avant d’âtre étouffé par des larmes de dépit, car on est fort loin du compte.

Comment voulez-vous trouver tout cela dans un pays où même le Premier Ministre a dû se justifier… De quoi ? … Il a dû se laver d’une accusation très grave. On avait été raconter à JKK que Matata Ponyo, à la TV, disait du bien de l’action de son gouvernement mais – attention, vous allez voir comme le crime est grave ! – le faisait sans dire toutes les trois minutes que tout le mérite en revenait au Président de la République dont la Vision pour le Congo inspire toute son action. Ne craignez cependant rien pour l’ami Augustin ! Ce petit malin avait amené ses cassettes et a démontré, vidéo à l’appui, qu’il s’était bien prosterné dans les règles, pour passer la brosse à reluire à « l’Autorité morale ». Ouf !

Comment voulez-vous trouver tout cela dans un pays où le PPRD non seulement n’a pas toléré en 2006 que reste en place UN SEUL gouverneur de provin ce qui ne fût pas sorti de ses rangs, mais prétend même imposer à ses adhérents de provinces, au moment d’élire leur gouverneur, de voter non pas seulement pour un candidat PPRD, ce qui pourrait se comprendre, mais pour un candidat PPRD désigné par les apparatchiks kinois du Parti ?

Et comment voulez-vous le faire sans argent, l’Etat central n’ayant jamais rempli son obligation constitutionnelle de rétrocéder aux provinces 40 % de leurs rentrées ?

Il faut ajouter que, si les provinces étaient encouragées à avoir des développements originaux il restera encore à compenser le fait que la nature les a inégalement dotées. Au nom de l’égalité, il faudrait qu’un mécanisme de solidarité et de péréquation permette aux provinces riches d’aider les provinces pauvres. >Et pourtant, les petits Congolais apprennent dès l’école primaire que l’un des atouts de leur grand pays est qu’étant à cheval sur l’Equateur, on peut pendant toute l’année y ravitailler toutes les régions.

Faute de tout cela, le redécoupage des provinces risque de ne mener une fois de plus qu’à un bricolage életoralistico-tribaliste sans lendemain qui, comme les précédents, ne fera que des morts et des dégâts.

«Six provinces s’effacent… qui va payer les dettes ?11»

Au moment où des originaires d’une nouvelle province telle que l’Ituri se frottent les mains, à l’idée de tirer grand profit de leurs ressources minières et forestières, c’est l’attente angoissante de l’avenir dans d’autres. Tel est le cas de trois nouvelles provinces issues de l’éclatement du Bandundu, à savoir le Kwango, le Kwilu et le Maindombe. L’on a en effet appris, de la bouche du gouverneur sortant en personne, Jean Kamisendu, que l’ancienne entité qu’il dirigeait doit plusieurs mois d’arriérés de salaires à ses ministres et députés encore en fonction. Il y a aussi des arriérés salariaux et indemnités de sortie des ministres de plusieurs anciennes équipes gouvernementales ainsi que des membres de leurs cabinets d’appoint. En somme, l’ex-Bandundu est redevable de plusieurs centaines de milliers de dollars à l’égard des fils et filles du pays qui l’ont servi et le servent depuis 2006.

11Article de Jacques Kimpozo, repris au journal Le Phare du 21-07-15

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La situation est pareille pour l’ex-province de l’Equateur, où des ministres et députés provinciaux impayés depuis des années s’interrogent sur le sort qui va être réservé aux « droits

» et « avantages » liés à leurs fonctions. C’est la même chanson des salaires et émoluments non payés voici plusieurs années dans l’ex- Province Orientale, ainsi que dans l’ex-Kasaï Oriental et l’ex-Kasaï Occidental.

La question que les ayants-droit (ministres provinciaux, députés provinciaux, personnels politiques d’appoint, fonctionnaires provinciaux) se posent est de savoir qui va hériter du contentieux de leurs rémunérations non liquidées après l’éclatement, voici quelques jours, de leurs anciennes provinces en nouvelles entités territoriales décentralisées. Elle est d’autant préoccupante qu’à l’époque des onze provinces, certaines, notamment le Bandundu, l’Equateur, le Kasaï Occidental et le Kasaï Oriental, voire la Provinciale Orientale, étaient constamment à l’affût de la rétrocession de 40%, souvent plafonnés à moins de 10 %, en provenance du gouvernement central, à Kinshasa.

Et dès que cette manne tombait entre les mains des chefs des exécutifs provinciaux, c’était la gué-guerre avec les chefs des assemblées provinciales pour le partage du gâteau. Que de motions de méfiance n’a-t-on pas enregistrées contre des gouverneurs de province à l’Equateur, au Bandundu, au Kasaï Occidental, au Kasaï Oriental et en Province Orientale, à cause de la mauvaise utilisation supposée du modique appui financier de Kinshasa !

Des « fournisseurs » malades

En plus des ministres et députés provinciaux ainsi que de leurs personnels d’appoint plus que jamais certains de voir leurs arriérés de salaires et émoluments jetés dans les oubliettes de la République, on note une vive inquiétude dans le monde des « fournisseurs » des services et biens divers aux anciennes provinces aujourd’hui effacées de la carte géographique nationale. A quelle porte vont-ils devoir frapper pour recouvrer les factures des matériels et intrants des bureaux livrés aux administrations provinciales il y a cinq ans ou six mois et dont le paiement, jusque-là hypothétique, parait aujourd’hui impossible ?

A qui devraient s’adresser les formations médicales, les pharmacies, les fermes agricoles, les hôtels, les restaurants, les compagnies aériennes, les sociétés de téléphonie cellulaire, les banques, les transporteurs terrestres… ayant fourni des services, à crédit, au nom des administrations provinciales, aux ministres et députés provinciaux, aux membres de leurs familles, aux personnels politiques d’appoint ?

Dettes de la République ou des provinces ?

Les dettes contractées par les anciennes provinces actuellement disparues, vont-elles être versées dans le fourre-tout de la dette intérieure ou dans celui des actifs et passifs de nouvelles entités provinciales décentralisées ? On a entendu un ancien de la territoriale affirmer que chaque dette devrait être canalisée vers la nouvelle entité pour le compte de laquelle elle avait été contractée. Mais, au nom de quel principe la nouvelle province de l’Equateur, du Kwango, du Lomami ou de l’Ituri serait obligée de prendre en charge les factures des travaux d’infrastructures, des soins médicaux, des services traiteurs, des voyages, de logement dans des hôtels, libellées au nom des provinces qui n’existent plus ?

Ce serait peut-être le lieu d’évoquer la fameuse caisse de péréquation pour le règlement, par le gouvernement central, de l’héritage des dettes que viennent de lui léguer ses anciennes entités territoriales. Mais si les personnes physiques et morales ayant presté pour le compte des anciennes administrations ne rentrent pas dans leurs droits, ce serait un mauvais signal pour les nouvelles provinces, auxquelles personne ne pourrait plus faire confiance pour des services ou biens à livrer à crédit. Or, la pratique la plus courante chez nous veut que les services publics, nationaux ou provinciaux, pallient les urgences en recourant aux emprunts »

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Dernière note humoristique, au parfum doux-amer. Le 20 juillet, presque en même temps que commençait le découpage et donc la « décentralisation », JKK inaugurait, à Kinshasa, le pharaonique nouvel Hôtel du Gouvernement.

Est-ce vraiment de nature à faire bien augurer de la Décentralisation ?

Kinshasa : le nouvel Hôtel du Gouvernement © FdA

Mon séjour ẚ Lubumbashi, féliciter Moise ou le blâmer ?

par Mundi Nyunyi12

Parmi tous les provinces et gouverneurs appekés à disparaître, les plus célèbres sont certes le Katanga et Moïse Katumbi. D’où l’in térêt, pour nous, de publier dans ce même numéro l’article de Mundi Nyunyi, qui excplique lui-même : « Mon séjour ẚ Lubumbashi m’a paru intéressant dans la mesure où je rentrai dans ce bercail où je suis né et grandi . Apres une absence de plus de 25 ans , bien sûr que je m’y suis retrouvé en un illustre inconnu » .

Place Moise Tshombe - Lubumbashi

Lubumbashi a beaucoup changé et surtout s’est agrandie. Tout le monde loue les efforts de Moise. Les artères sont bien asphaltées surtout dans tous ces nouveaux quartiers où se dressent beaucoup des belles villas . Le quartier Golf est devenu si grand qu’on doit en faire

12publié le Vendredi 17 juillet 2015 sur le blog

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une nouvelle commune . Il en va de même pour les quartiers de la route de l’aéroport et la Ruashi ainsi que de Kampemba ( vers Kipushi ) Beaucoup d’activités commerciales . Un charroi automobile immense et up-to-date . Il est plus intéressant de vivre a L’shi qu’a Kin. La misère est plus palpable ẚ Kin qu’ẚ L’shi. Je n’ai pas pu comparer le prix du panier de la ménagère dans les 2 villes , faute de temps.

Le phénomène Mining

Je me suis rendu dans la ville de Likasi pour quelques heures pour voir les biens que j’y avais laissés . C’est alors que j’ai réalisé ce qu’on appelle ‘’ small scale mining’’ . On creuse partout où l’on soupçonne le moindre grain du cuivre. Je pensais qu’on concentrait le minerai avant de l’exporter . Nenni ! Certaines compagnies expédient le minerai brut sans concentration.

Quel gâchis ! Cela coûte cher de transporter aussi la partie stérile . Rares sont les compagnies qui produisent du cuivre métal : Gecamines , Tenke-Fungurume …. Le reste , plus de 200 compagnies , exporte soit après avoir fait une concentration , soit le minerai brut . La production de cuivre métal se fait alors en Zambie ( Tshambishi , Mufulira , .. ) , en Chine , en Inde ou en RSA créant là-bas des emplois qui auraient pu aider le social des Congolais. Un ami, Mbaka Kawaya , a tenté de monter une petite raffinerie , mais faute des moyens il n’a pu rien faire. Voilà qu’il vient même de mourir ..

Le transport de minerai par camions provoque l’apparition d’une poussière qu’on retrouve partout.

L’shi n’échappe pas non plus ẚ la loi du délestage . Ici c’est plus fort , car il manque 600 GW pour faire fonctionner les usines. Une usine pimpante neuve , située au pied du terril-symbole de L’shi a décidé de délocaliser vers la Zambie . Un jour le délestage s’est effectué lorsqu’ils étaient en pleine opération de coulée : Environ 4 tonnes de minerai fondu ont été refroidies et il a fallu plusieurs jours pour récupérer le four.

300 ouvriers congolais vont donc perdre leur emploi au profit des ouvriers zambiens . Sur la route de Likasi , j’ai remarqué ceci :

- La poussière est partout , alors que la route est asphaltée. Le paysage devient apocalyptique.

- Les champs n’existent plus : Tout le monde est dans le mining .

- Le marché de Kapolowe n’existe plus. Les villageois consomment DES TOMATES IMPORTEES DE LA ZAMBIE.

J’ai vu cela de mes propres yeux !

- Nous avons croise plus des 200 camions remorques sur ce tronçon de 120 km. Tout ce charroi appartient a Moise.

- Malgré les allers et retours de ces engins lourds, la route est impeccablement bonne . Je comprendrai cela quand on m’expliquera que la société qui construit les routes, entretient l’asphalte, même à L’shi appartient ẚ Moise. Il veuille ẚ la maintenance de son charroi, mais aux frais de la province. Il gagne doublement. Il asphalte beaucoup des routes de L’shi de

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manière intéressée. Qu’importe.... pourvu qu’on ait l’asphalte.

- Les arbres de part et d’autre de cette artère L’shi-Likasi sont coupés pour fabriquer du charbon que Moise exporte en RSA.

- Likasi par contre m’a déçu : Le quartier huppé de la ville ( quartier CLP ) est envahi par des inciviques . On construit dans tout sens . Le CLP lui-même (cercle récréatif de la Gecamines ) est habité ???? Ceci m’a dépassé ! J’ai vu femmes , enfants et tous les biloko …. Les espaces verts du quartier CLP n’existent plus. Derrière ma maison , il existait un petit bois qui a disparu…

Likasi , qui fut la plus belle- propre ville du Congo en 1959 , a perdu sa robe d’antan.

De retour a L’shi , j’ai cherché le peu d’amis qui me restaient . Que font-ils ? Ils travaillent dans les Mining . Ceux qui ont eu un peu plus de chance , se sont lancés dans l’hôtellerie . L’un d’eux m’a amené dans un restaurant de luxe dans le quartier du Golf . Quelle surprise j’ai eue en constatant que TOUT LE PERSONNEL ETAIT SUD-AFRICAIN . Why ? Cela appartient ẚ Moise ….

Un jour , nous sommes allés visiter le quartier de la Luano ( aéroport ) Brusquement la route s’arrête puisque elle tombe dans une parcelle. Comment cela ? Zoe Kabila a confisqué un parterre de 6 parcelles et se trouvant toujours a l’étroit , l’homme a pris carrément la route avec.

L’histoire est connue dans ce quartier .

J’ai visité le stade Mazembe . Mazembe fut mon équipe chérie a l’époque de Kalala alias Yaounde. Quel bijou ! Le seul stade congolais répondant aux normes Fifa . En sortant du stade , je tombe nez-ẚ-nez avec une réalité poignante : Le Collège Kitumaini ( St Boniface ) où j’ai commencé mes études secondaires.. était devant moi. MAIS …MAIS QUE VOIS-JE SEIGNEUR ???? QUELQUES CLASSES SANS PORTE … Je n’ai pas pu empêcher mes larmes de couler …. Et Moise qui passe tous les jours là-bas ne voit pas cela ???

Moise passerait ẚ côté d’un éléphant sans le voir…

Même le College St Francois de Salle (photo ẚ gauche) ne présente plus son aspect d’antan. Et pourtant cet établissement , d’où a été faite la 1’émission de TV au Katanga ,si pas au Congo en 1961 , était un vrai bijou.

Je suis allé ẚ Kasumbalesa ẚ la frontière avec la Zambie. C’est devenu une grosse ville ! Tout Mbujimayi est lẚ .

Il y avait quelque temps , Matata était venu changer a la douane l’équipe des fonctionnaires de Moise par celle de Zoe et Janet. Blanc bonnet , bonnet blanc.

Beaucoup d’activités . Pourquoi ? Parce que tout ce qui se consomme a L’shi , Likasa et Kolwezi vient du Sud : Zambie , Zimbabwe et RSA .

Ces 3 pays font des affaires en or sur le dos du Congo. J’ai vu des tomates zambiennes ẚ Kapolowe ( un village ) . La ferme de Nazim est incapable de nourrir L’shi . Il n’y a pas que le Rwanda qui profite de nous. Des remorques de Moise sortent avec le minerai et rentrent avec des vivres. Même des bananes , des oranges et des boissons sucrées viennent du Sud.

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Moise gagne doublement , triplement … Des colonnes de remorques entrent et sortent … Ce jour-lẚ était un vendredi et comme il était 16 heures , je m’apprêtai ẚ rentrer ẚ L’shi quand j’ai remarqué qu’en

dehors des remorques sortant , il y avait une très longue file des voitures personnelles qui se dirigeaient vers la Zambie . Why ? On me dira que tous les jeudis et vendredis , c’était le même manège : La plupart des expatriés ( Americains , Canadiens , Juifs , etc ) travaillant dans le mining ont élu résidence en Zambie où habitent leurs familles . Ils partent vendredi et rentrent lundi. Ils habitent Ndola , Kitwe , etc où le prix du loyer est même légèrement monté , car ces gens-lẚ n’ont pris que des villas. . La Zambie profite a fonds de notre cuivre comme le Rwanda avec le coltan.

A L’shi , j’ai pose la question pourquoi la SNCC (le chemin de fer) ne profite pas du transport des minerais

pour se relever comme dans le temps. On me répondra ceci : Moise combat la SNCC et profite du temps où il est aux commandes pour son transport. C’est triste !

Moise asphalte beaucoup des routes a L’shi . Enquête faite , je découvre que c’est son entreprise qui fait les routes , bien sûr aux frais de la province .

Le soir venu , la poussière s’abat sur la ville . Elle se mélange aux gaz dégagés par des multiples groupes électrogènes qui ronronnent dans tous les bons quartiers et qui rivalisent de puissance et de bruit. J’ai fui le quartier du Golf , car le bruit me semblait insoutenable et je n’arrivais pas ẚ respirer convenablement. Au robinet , l’eau est jaunâtre .. quand elle est lẚ .

Dans quelques années , une bonne fraction de la population lushoise attrapera des maladies pulmonaires suite ẚ l’aspiration de la poussière , mais on ne saura pas que tout cela était arrivé parce qu’un certain Moise tenait ẚ faire transporter des minerais par camions plutôt que par train .

Le Congo n’est pas seulement un scandale géologique , mais aussi environnemental Que retenir de mon séjour ẚ L’shi ? Il se déroule beaucoup de business ẚ L’shi . Mais un vrai businessman doit avoir une certaine éthique : Il poursuit son élévation qui doit nécessairement se répercuter sur l’élévation de la communauté . Sans cela , c’est du mercantilisme , du brigandage que nous allons vivre et qui nous perdra tous.

Tout ce qui se passe ẚ L’shi me semble précaire , artificiel , provisoire . Tout le monde semble pressé parce qu’on semble attendre un coup de sifflet ….

Pourquoi les expatriés viennent-ils en jean et sac-ẚ-dos , la famille attendant de l’autre coté de la frontière , en Zambie ?

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Pourquoi les compagnies de mining amènent –elles du matériel rudimentaire , juste pour creuser et sortir du minerai et non pas des installations normales durables d’exploitation du cuivre ?

Ces mêmes compagnies s’empressent de sortir vite le minerai du sol et du Congo car il n’existe pas de stock lẚ où elles travaillent ? Les stock se font en Zambie . Why?

Pourquoi Matata ne s’interesse-t-il pas de connaitre la genèse de cette production du cuivre dont il brandit seulement le taux de croissance , sans s’occuper de savoir si cette production sera durable dans le temps ?

Pourquoi Matata tolère-t-il que la répercussion fiscale de cette production du cuivre soit si faible ? Tout porte ẚ croire que l’essentiel est d’afficher ces chiffres ( pour plaire aux Occidentaux ) jusque en 2016….

Pourquoi Moise qui clamait haut il y a 4 ans que la production du cuivre métal devait se faire au Katanga , ne le fait plus ?

Pourquoi Moise n’exige pas le transport des minerais par la compagnie nationale SNCC de chemin de fer, en faillite ? Ceci donnerait plus d’emploi aux congolais et d’argent a une compagnie nationale en faillite ??

Pourquoi cette présence plus manifeste des soldats rwandais qu’on reconnait non seulement ẚ leur faciès , mais par leur uniforme impeccable , leurs véhicules pimpant neufs et LEUR GACHETTE FACILE . Ils font des ravages ẚ L’shi et ne rendent des comptes qu’ ẚ dieu- le-père uniquement .

Il règne ẚ L’shi une ambiance apocalyptique . Tout le monde est pressé et attend le coup de sifflet … Les lendemains ne semblent pas si sûrs…

Dans l’avion qui m’amène ẚ Mbujimayi , je me demandais s’il fallait féliciter Moise le bâtisseur ou blâmer Moise le prédateur et son maitre.

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DU CONGO 1964 AU ZAÏRE 1997:

SIMILITUDES ET DIVERGENCES. par Benoît Verhaegen

La rébellion de 1964-1965 dans l’Est du Congo constitue l’essentiel de ce texte. La mise en parallèle avec les événements de 1996-1997 est suggérée; mais aucune réponse systématique n’est fournie. Ces événements sont en cours. Il est trop tôt pour identifier clairement les acteurs, leurs pratiques et les enjeux.

Avant d’aborder le sujet, il est utile de le situer rapidement dans le contexte plus général des changements qui affectent le monde actuel et l’Afrique en particulier.1

1. CHANGEMENTS DANS LE MONDE

L’effondrement de l’empire soviétique et du communisme mondial, l’entrée de la Chine dans l’économie de marché et son abandon d’une stratégie révolutionnaire ont eu plusieurs conséquences sur l’évolution de la situation au Zaïre. Si il n’y a plus de soutients internationaux actifs aux mouvements révolutionnaires comme en 1964-1965, il n’y a plus non plus de croisade anti-communiste et de possibilités de chantage à l’aide pour lutter contre le communisme. Ce qu’un régime comme celui de Mobutu a gagné dans la disparition de la menace révolutionnaire externe, il le perd d’un autre côté en ne mouvant plus tabler sur une aide occidentale inconditionnelle.

Le monde bi-polaire de 1964 a laissé place à une hégémonie américaine incontestée qui paralyse même la politique étrangère de ses alliés occidentaux. Au Koweit, en Somalie, en Yougoslavie, au Rwanda ou dans le commandement de l’OTAN en Europe on peut mesurer les dérives totalitaires de cet impérialisme cynique et sans partage.

Même les interventions de organisations internationales sont réduites à la portion congrue ou ne s’exercent que sous la tutelle des Etats unis et à leur profit.

Jamais depuis l’échec de la Société des nations avant 1940 on a assisté à un tel triomphe du laissez-faire, laissez la violence s’installer, laissez les peuples se massacrer et le droit du plus fort s’imposer. En parallèle et en compensation dérisoire s’est développée l’action humanitaire.

On comprend dès lors pourquoi les protecteurs traditionnels du régime Mobutu l’ont abandonné: non parce qu’il est corrompu, prédateur, générateur de violences et de pauvreté, mais parce qu’il est devenu économiquement stérile.

1 Conférence prononcée à l’Institut de politique et de gestion du développement, RUCA, Anvers, 27 février 1997.

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L’instabilité et le chaos au Zaire ne sont pas l’exception en Afrique: de l’Algérie à l’Angola en passant par la Somali, le Rwanda et le Burundi on rencontre la violence et le meurtre collectif et des situations dramatiques de famine et de pauvreté. Tous sont des pays qui ont fait partie d’empires coloniaux. Il faut en tirer la conclusion qu’une réflexion sur l’Etat, le pouvoir, l’économie au Zaire doit s’ouvrir à une dimension africaine et mondiale. Il ne faut pas faire de la spécificité zaïroise actuelle une malédiction ou une exception.

Ma troisième observation préliminaire porte sur la corruption croissante et l’incompétence des médias, alors que les progrès technologiques devraient pouvoir nous faire assister aux événement en temps réel et nous donner les informations nécessaires pour les comprendre.

La puissance des médias sur l’opinion et sur les décisions politiques s’accroît alors que les contenus sont de moins et moins fiables. Voici deux exemples de cette incompétence et de cette corruption: (1) Le montage de toute pièce des soi-disants massacres de Timisoara en Roumanie destiné seulement à détourner l’attention du massacre bien réel des époux Ceaucescu. Parmi les massacreurs il y avait des proches du pouvoir des dictateurs qui entendaient leur succéder après avoir supprimé leur complice gènant. Ce sont eux qui ont manipulé les journalistes occidentaux, pourtant bien informés que rien ne se passait à Timisoara; (2) La photo récente des trois guerriers nus dans les forêts de l’Est du Zaire. Cette photo a fait le tour du monde mais avec des légendes différentes voire contradictoires: pour Le Soir il s’agissait de Hutus, pour Le Courier International de Banyamulenge donc de Tutsi et pour un journal anglais des célèbres guerriers MaiMai, qui sont, ont le sait depuis, des

“jeunesses” Bahunde et Banyanga. La photo est probablement truquée. En 1964-65 il n’y a jamais eu des Simba paradant tout nus, le sexe à l’air. En choisissant de focaliser l’information sur ces troix personnages ridicules, les auteurs du montage et les journalises qui leur ont emboîté le pas, entendaient disqualifier un camp et démobiliser l’opinion internationale. Quels que soient la cause que ces journalistes prétendaient défendre, le procédé est de toute manière répugnant et témoigne d’un racisme larvé.

2. PRÉCAUTIONS DE VOCABULAIRE

Nous utilisons deux termes ambigus et controversés: celui de rébellion et celui d’ethnie.

Pourquoi rébellion et non révolution? Ce choix est discutable. Il est rejeté aujourd’hui encore par l’ancien dirigeant de la rébellion de 1964-65, Gaston Soumialot qui revendique la qualité de Révolution pour son mouvement malgré son échec, mais il était accepté par Che Guevara pour qui les “Rebelles” sont les initiateurs de la révolution. Le terme n’a chez lui aucune connotation péjorative. Un point est clair cependant: l’étiquette d’une organisation ou les déclarations de ses dirigeants ne suffisent pas pour en faire un mouvement révolutionnaire.

Le terme ethnie est plus ambigu et sujet à controverses de fond. Nous pensons qu’il n’y a pas de fondement racial, génétique à l’ethnie pas plus qu’a la nation. Il n’y a fondamentalement qu’une seule race, la race humaine. L’ethnie certes existe - bien que le nom “peuple” puisse lui être subsitué - mais elle est le fruit d’une histoire culturelle, sociale, économique, politique souvent, mais pas nécessairement et toujours complexe. Le phénomène d’ethnicité est également réel: un groupe découvre une appartenance ethnique à l’occasion d’un changement de ses conditions de vie (migration en ville, compétition electorale, guerre civile, etc...). Ce sentiment peut être plus ou moins durable et intense et varier selon les

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

En conclusion, mesdames et messieurs les journalistes, et pour parler génériquement de ces incidents, je vous demande de dire et même de crier sans cesse, à vos lecteurs et à

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