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Un monde en mutation

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Bulletin interne de liaison des « Rencontres pour la Paix »

Éditeur responsable : Jean Verstappen – 010 84 21 13 Siège : Rue d’Incourt, 3 – 1370 Dongelberg

Périodique bimestriel • Septembre – Octobre 2010 • Nº 25 • Bureau de dépôt : Perwez

Édito :

Un monde en mutation

Défense et sécurité :

Une nécessaire alternative à l’Otan

Afrique centrale :

Rwanda : des élections sans enjeux Rwanda. De la Guerre au Génocide Kagame : du tapis rouge de Kinshasa

au lapin de Zapatero en Espagne ! La stratégie de la terreur et de l’intimidation

menée par le gouvernement rwandais Qui est le vrai président de la RD CONGO ?

Kabila ou Kagame ?

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par des stratégies militari- sées qui ont provoqué plus de cinq millions de victimes rien que dans le Kivu.

En ce qui concerne Israël, les nombreuses résolu- tions de l’Onu ne sont et ne seront jamais appliquées et en ce qui concerne le Rwanda, les nombreuses plaintes de victimes et les actes d’accusation faits par des juridictions en vertu de la compétence universelle sont bloqués par des pres- sions politiques.

Le récent rapport des ex- perts de l’Onu sur les cri- mes commis dans l’Est africain à partir de 1996 par le régime de Kagame confirme toutes les analy- ses faites dans nos publi- cations. Ce rapport qualifie ces crimes de crimes de guerre et contre l’huma- nité et même de génocide.

Mais il a provoqué de vio- lentes réactions de la part de Kagame et Ban Ki-moon fait déjà marche arrière.

On peut douter que des suites seront données à ce rapport...

Pourquoi une telle faillite du droit international et de l’Onu ?

Dans le monde unipolaire sous contrôle US qui a suc- cédé au monde bipolaire de la guerre froide, l’offen- sive de l’ultralibéralisme atlantique a dominé les institutions internationales économiquement, politi- quement et militairement.

Seuls comptaient les in- térêts des groupes finan- ciers, des multinationales et du complexe militaro- industriel. C’était partout Les altermondialistes pro-

clamaient qu’un autre monde est possible. Bien sûr ! Dans l’abstrait et l’utopie, tout est possible.

Mais depuis les procla- mations enthousiastes de Porto Allegre, le monde a effectivement changé. Les déséquilibres sociaux et économiques se sont en- core aggravés et les po- pulations en sont les pre- mières victimes. Sans tenir compte des contradictions fondamentales, le discours des altermondialistes est resté stérile.

De nouveaux rapports de force s’établissent mais il est difficile de prévoir quels seront les nouveaux équili- bres, si toutefois le monde en mutation évolue vers un monde équilibré sociale- ment, économiquement et politiquement. Des contra- dictions profondes sub- sistent et leur disparition n’est pas prévisible. Quel- les sont encore les forces qui réclament un monde meilleur et plus juste ?

Une justice

internationale en faillite Il est devenu courant de proclamer que notre monde est socialement, économi- quement et financièrement déséquilibré. Nombreux sont ceux qui invoquent la fatalité. Très peu sont ceux qui dénoncent une justice internationale qui est to- talement soumise à la loi des plus forts. La légitimité de l’Onu et ses résolutions sont partout bafouées. Il est vrai que le Comité de Sécurité est la fidèle image des contradictions de notre monde actuel. De plus en

Un monde en mutation

Édito

plus souvent les agressés deviennent les agresseurs et les victimes des coupa- bles.

Les actuels déséquilibres mondiaux provoquent partout des guerres et des conflits meurtriers et destructeurs. Négligeant d’analyser les causes réelles de ces guerres et conflits, la « communauté internationale » se conten- te de créer « une galaxie de tribunaux ». Depuis les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, créés après la guerre de 40-45, ceux-ci ont proliféré. Il existe ac- tuellement le tribunal spé- cial pour la Sierra Leone, le tribunal spécial pour le Liban, le tribunal spécial pour le Cambodge, le tri- bunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le tribunal pénal internatio- nal pour le Rwanda. Tous ceux-ci ont été créés sous l’égide de l’Onu en réponse à des graves infractions au droit international suite à des pressions politiques di- verses et souvent contra- dictoires sans analyser les causes réelles.

Remarquons quand même que ces nombreux tribu- naux spéciaux jugent des faits spécifiques sans tenir compte de responsabilités internationales et prati- quent une justice partielle et souvent partisane dé- pendant des rapports de force sur le plan de la poli- tique internationale.

Pour remédier à cette dis- parité, l’Onu a créé en 1998 une institution per- manente, la cour pénale internationale. Après de nombreuses tergiversa- tions, celle-ci s’est instal-

lée en 2002 à La Haye. Elle est compétente pour tous génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis n’importe où dans le monde.

Sur cette évolution, il faut stigmatiser deux pays qui se moquent totalement du droit international parce qu’ils sont tous deux, dans des régions différentes, un bastion de l’offensive amé- ricano-britannique pour tenter de reconstituer un monde unipolaire ultralibé- ral au service des groupes financiers internationaux.

Il s’agit bien sûr d’Israël et du Rwanda. Inutiles d’en- trer dans des détails que tout le monde connaît. Il suffit de rappeler qu’Israël occupe et colonise illégale- ment les territoires palesti- niens, a mené une guerre destructrice et meurtrière dans la bande de Gaza qu’ils isolent par un blo- cus génocidaire et piraté en pleine mer un bateau humanitaire en faisant 11 victimes. Devant cette ac- cumulation de crimes de guerre, la « Communauté internationale » fronce les sourcils et Lady Ashton,

« ministre des Affaires étrangères » de l’Union européenne, lors de sa vi- site à Jérusalem, demande à Israël un « allégement » de son blocus de Gaza ! Au Rwanda, le régime Ka- game est constitué en dic- tature, maintient la popu- lation dans la terreur en emprisonnant ou assas- sinant les opposants, en pillant les ressources du Kivu en RDC et en renfor- çant son influence régiona- le, particulièrement dans les pays des Grands Lacs,

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tan, Ouzbékistan, Kirghi- zstan, Tadjikistan et Armé- nie. En outre, la récente réunion des présidents du Pakistan, de l’Afghanistan et de la Russie montre bien la volonté des dirigeants russes de maintenir une influence en Asie centrale.

Quelles perspectives ? L’option militaire n’est ja- mais une solution à des problèmes socio-économi- ques ou financiers. Mais les industries de guerre sont d’importantes sources de profit pour les banques d’affaires et les fonds spé- culatifs. C’est une vue à très court terme, surtout actuellement que les USA sont surendettés et que les pays membres de l’Otan ont de graves déficits bud- gétaires. Ces options mili- taires ne font qu’aggraver les crises économiques et financières dans la zone atlantique. La Chine est déjà le principal créancier des USA. La seule façon d’éviter un affrontement qui signifierait l’implosion des économies occidenta- les, c’est une refondation de l’Onu et l’établissement de partenariats de sécu- rité et de coopération qui permettraient un équilibre économico-financier dans une perspective pacifiste.

À quand une Union euro- péenne pôle politique de stabilisation et de dévelop- pement durable ?

Jean Verstappen dans le monde le droit du

plus fort.

Cette période unipolaire atlantiste se caractérise aussi par un développe- ment démesuré de l’Otan hors de sa zone géographi- que et un affaiblissement dangereux de l’Union euro- péenne suite à un élargis- sement non structuré.

Mais après une dizaine d’années, les rapports de force dans le monde sont en pleine mutation. De nouvelles contradictions surgissent et d’autres dé- séquilibres apparaissent.

L’Onu et les institutions judiciaires internationales sont soumises à des pres- sions diverses et perdent toute efficacité et toute crédibilité.

Le monde unipolaire US a fait naufrage dans ses pro- pres contradictions ultrali- béralistes. La crise finan- cière, l’endettement des États, les échecs socio-éco- nomiques et les aventures militarisées désastreuses ont fait basculer les rap- ports de force.

Dans l’actuel monde poly- centrique, les rapports de force économique évoluent rapidement, entraînant des modifications politiques à tous les niveaux.

À l’Onu, complètement dé- passée, se substituent les G7, G8, G12 et G20. Leur efficacité reste tout aussi problématique. Mais leur nécessaire concertation prouve bien les mutations en cours. Celles-ci ne se- ront certes pas directement favorables aux populations et n’apporteront pas des

« matins qui chantent », mais elles ne peuvent que

conduire à un monde multi- polaire qui pourrait s’équi- librer et se stabiliser dans une perspective de déve- loppement durable dans un environnement stable et pacifique.

Mais une telle perspec- tive ne peut se dévelop- per que dans un monde pacifique dans lequel une Onu restructurée jouerait pleinement son rôle et où les alliances militaires se transformeraient en des partenariats stratégiques de sécurité collective. Et surtout un monde dans lequel une politique in- ternationale volontaire et concertée contrôlerait les groupes financiers pour les astreindre à un dévelop- pement économique équi- libré.

Concurrence ou affrontement

Dans l’actuel monde poly- centrique, la contradiction principale est la concurren- ce entre l’ultralibéralisme atlantique et particulière- ment les pays émergents des groupes de Shanghai et du Bric.

D’une part un libéralisme dirigé par les groupes fi- nanciers anglo-saxons qui s’appuient militairement sur l’Otan et asservissent l’Union européenne.

D’autre part des pays émergents, dans lesquels le pouvoir politique contrôle l’économie, qui pratiquent une multipolarité écono- mique, sociale et politique et se structurent entre eux sur base de partenariat de coopération et de sécurité.

Mais l’actuelle concurrence

entre ces deux groupes de pays à options soci-écono- miques différentes se dur- cit et tourne peu à peu à l’affrontement.

La stratégie atlantique, celle des groupes finan- ciers évidemment, est double. D’une part investir massivement dans les pays émergents pour y favori- ser l’ultralibéralisme dans l’espoir d’unifier à nouveau une économie mondiale ul- tralibérale orientée par les groupes financiers, spécia- lement ceux de Londres et de New York. Et d’autre part mener des politiques militarisées qui maintien- nent les pays occidentaux et leurs «colonies» dans une orientation politique favorable aux groupes fi- nanciers à la recherche de profits en augmentation constante mais aussi créer une zone stratégique qu’ils contrôlent allant du Pakis- tan à l’Afrique du Sud en passant par l’Afghanistan, l’Irak, l’Arabie Saoudite, le Yémen, la Somalie et tout l’Est éthiopien. Et évidem- ment dans cette zone ils s’appuient sur deux bas- tions, Israël et le Rwanda.

Le prochain sommet extra- ordinaire de l’Otan du 19 au 21 novembre prochain sera éclairant à cet égard (voir article Otan). Mais de leur côté, les pays émergents établissent entre eux des partenariats stratégiques de sécurité. Et spéciale- ment la Russie, principale puissance militaire parmi les pays émergents. Une organisation d’un traité de sécurité et de coopération (OTSC) s’est créée regrou- pant les pays suivants : Russie, Belarus, Kazakhs-

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monde.

Les guerres et les conflits se sont multipliés dans le monde, les dettes publiques et les déficits budgétaires des États se creusent dan- gereusement dans les pays occidentaux tandis que les troupes américaines, com- me celles de l’Otan, s’em- bourbent en Asie centrale.

L’Union européenne, entraî- née dans ces échecs et cri- ses divers, se disloque mal- gré les soins palliatifs qui lui sont prodigués.

Il est grand temps et même urgent d’envisager d’autres options économico-politi- ques et d’appliquer rapide- ment des mesures orien- tées non plus en faveur des groupes financiers mais en faveur des populations qui s’appauvrissent de plus en plus partout dans le mon- de.

Dans une telle perspective, le rôle de l’Union européen- ne est capital. Pour sortir de ce fatal cercle vicieux militaro-financier, l’Union européenne doit revenir à ses objectifs fondamentaux et pratiquer une politique internationale de progrès social et pacifiste pour favo- riser l’équilibre mondial des différents pôles économico- financiers qui surgissent de l’actuel monde polycentri- que. Il faut donc en premier lieu sortir d’un atlantisme obsolète, dangereux et des- tructeur.

Une alternative à l’Otan est donc nécessaire. Et celle-ci nécessite de sortir du cercle vicieux de l’ultralibéralisme militaro-politique qui détruit nos structures sociales et notre économie réelle.

L’Union européenne, pre- mière force économique mondiale, doit se donner un Aperçu historique pour

le mouvement de la paix L’Otan, lors de sa constitu- tion, se définissait comme une alliance « défensive » contre la « menace soviéti- que ».

Aujourd’hui que la menace soviétique n’est plus qu’un vague souvenir de la guerre froide, l’Otan est devenue une force militaire interna- tionale non plus défensive mais bien d’intervention hors de sa sphère géogra- phique.

Depuis son sommet en 1999 à Washington, l’Otan est même devenue une force d’intervention en Asie centrale comme au proche Orient sous prétexte de lut- ter contre la « menace de terrorisme international ».

Mais qui peut encore en dou- ter ? L’Otan a pour mission de protéger les intérêts de l’économie anglo-saxonne englobant ceux de l’Union européenne de plus en plus soumise depuis 1989 à la logique ultralibérale.

Aujourd’hui, l’Union euro- péenne est devenue un es- pace ingérable étant donné les multiples contradictions qui l’empêchent d’être une force politique et un pôle économico-politique dans un monde qui n’est plus unipolaire mais polycentri- que.

Le prochain sommet de l’Otan qui se tiendra à Bruxelles le 00 novem- bre prochain doit renforcer cette alliance atlantique mi- litarisée dans son rôle de gendarme du monde écono- mico-financier ultralibéral.

La recherche d’une alternative

Dès 1056 avec la politique

pratiquée par l’URSS de coexistence pacifique en- tre pays à régimes sociaux différents, des initiatives se sont développées pour re- chercher des alternatives à la « paix dans la terreur » (c.-à-d. à la dissuasion nu- cléaire), à l’option militai- re bloc contre bloc et à la course au surarmement qui appauvrissaient les popula- tions mais qui enrichissaient scandaleusement les com- plexes militaro-industriels et financiers.

Dans la ligne de l’Appel de Stockholm de 1950 contre l’arme atomique, les orga- nisations pacifistes récla- maient des zones dénucléa- risées en Europe centrale puis des zones démilitari- sées entre les deux blocs militaires, l’Otan et le Pacte de Varsovie.

En 1969, se constitua à Vienne un comité internatio- nal pour une conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Le siège de ce comité international est fixé à Bruxelles et son président est le chanoine Goor, prési- dent de Pax Christi, mem- bre observateur au Conseil mondial de la Paix et prix Lénine pour la Paix.

C’est une réussite puisqu’en 1972, les pays membres des deux blocs militaires se réu- nissent à Helsinki et abou- tissent en 1975 aux Accords d’Helsinki qui instaurent un organisme permanent, la Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE).

Ces accords prévoyaient la dissolution des blocs mili- taires et une sécurité euro- péenne basée sur une coo- pération paneuropéenne.

Mais malheureusement, ces accords ne seront jamais

appliqués. Dès 1980, les nouveaux dirigeants britan- niques et américains, avec Tatcher et Reagan en pointe, lancent une vaste offensive économico-politique ultra- libérale. Celle-ci comprend d’ailleurs un volet militaire conçu par le complexe mi- litaro-industriel et financier US, avec l’implantation de nouveaux missiles et la pré- paration d’une « guerre des étoiles ».

Cette nouvelle course au su- rarmement provoqua d’im- portantes manifestations dans toutes les capitales européennes (à Bruxelles, 500 000 manifestants).

Mais l’offensive de l’ultra- libéralisme anglo-saxon contamina aussi la Commu- nauté européenne qui déri- va loin de son projet initial.

L’implosion du socialisme réel, l’instauration du capi- talisme sauvage en Russie et l’avènement d’un monde unipolaire sous contrôle US ont permis aux atlantistes de développer l’Otan dans toutes les directions, tan- dis que le Pacte de Varsovie était dissous.

Dès lors, l’Otan est devenu le fer de lance de l’offensive de l’ultralibéralisme atlanti- que.

Mais, aveuglés par leurs succès apparents, les diri- geants atlantiques n’ont pas compris ou voulu compren- dre que les contradictions de leur système économico- politique ultralibéral provo- quaient des changements profonds dans l’équilibre du monde unipolaire US. Et les groupes financiers et le complexe militaro-industriel US s’entêtaient dans leur recherche du profit maxi- mum au détriment des po- pulations partout dans le

Une nécessaire alternative à l’Otan

Quelle défense européenne, quelle sécurité et coopération paneuropéenne ?

Défense et sécurité

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dans le décompte des voix, qui auraient pu être évitées avec une loi électorale plus consensuelle qui donne les mêmes chances à tous les candidats.

Dès l’annonce de la tenue des élections, le régime avait promis de changer cette loi. Certes quelques améliorations auraient été faites, notamment à pro- pos du décompte des voix qui, désormais devaient se faire aux bureaux de vote, avec des représentants des partis, mais l’absence justement d’opposition a rendu caduque ces maigres changements. L’opacité qui a entouré le processus de promulgation de cette loi ne laisse d’ailleurs l’ombre d’aucun doute sur les vraies intentions du régime.

La répression de l’opposition

Certes le Rwanda n’a jamais connu, aujourd’hui comme avant le coup de force du FPR de 1994, de véritable démocratie. Mais jamais on avait assisté à autant de violence et de répression étatique au cours d’une campagne électorale.

Les médias

Le régime a tout fait pour étouffer dans l’œuf toute opposition durant les élec- tions. Lors d’une conférence de presse au Village Uru- gwiro, le président Kagame avait donné le ton en dé- clarant qu’il allait utiliser le

«mur juridique» à sa dispo- sition contre le plus virulent des opposants, la présiden- te des FDU actuellement en résidence surveillée.

La première mesure fut l’in- terdiction pour 6 mois (le statut politique et une po-

litique de sécurité commu- ne réellement européenne pour former un pôle stable et durable dans le monde multipolaire en formation.

Dans cette perspective, une défense européenne est indispensable. L’Eurocorp, regroupant la France, l’Al- lemagne, la Belgique, et l’Espagne, peut devenir le noyau d’une armée euro- péenne comme préconisé récemment par le ministre allemand des Affaires étran- gères lors de la Conférence de Munich sur la sécurité.

Des accords de sécurité et de coopération avec la Rus- sie, les pays méditerranéens et l’Amérique du Nord rem- placeront avantageusement une Otan belliqueuse et ga- rante d’un ultralibéralisme prédateur.

Le prochain sommet de l’Otan en novembre 2010 doit être l’occasion de refu- ser les nouveaux plans de développement militaire.

Ce sommet doit être pour l’Union européenne l’occa- sion d’affirmer sa vision de sécurité et de coopération dans un monde recherchant un équilibre multipolaire.

Jean Verstappen

« Nous sommes très heureux de travailler avec les forces de défense rwandaises comme partenaire clé alors qu’elles cherchent à améliorer leur capacité à effectuer diverses missions de maintien

de la paix et à contribuer par d’autres moyens à apporter la paix dans cette région.

Et dans le cadre de cette visite, nous démontrons à nos amis rwandais que nous sommes un partenaire déterminé… et qu’ainsi, la stabilité se fait sentir dans le monde entier… »

Général William E. Ward, commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM)

Ce 9 août 2010, les rwan- dais se sont rendus, aux urnes pour des élections présidentielles dont le ré- sultat était connu d’avance.

L’entrée en scène d’une nouvelle génération d’oppo- sants politiques au général Kagame avait suscité un es- poir de changement, mais c’était sans compter avec la machine répressive du ré- gime.

La préparation des élections

La commission électorale qui avait présidé aux pré- cédentes élections de 2003 (présidentielles) et de 2008 (législatives) a été sans sur- prise quasiment reconduite avec à sa tête un membre du comité exécutif du parti au pouvoir le FPR en la per- sonne du professeur Karan- gwa Chrysologue. Suite aux nombreuses dénonciations de supercherie émanant autant de l’intérieur que de l’extérieur, il décida de dé- missionner de son poste au sein du FPR. Ce n’était que pour la forme, car il restait membre du FPR et partant, sous la coupe de son parti.

L’entrée au sein de cette commission d’un représen- tant des bailleurs de fonds (le représentant des Pays Bas à Kigali) n’a servi qu’à donner un chèque en blanc à un jeu dont les dés étaient pipés d’avance.

D’autre part, lors des élec- tions précédentes, les ob- servateurs avaient dénoncé une loi électorale taillée sur mesure pour consolider l’actuel parti au pouvoir. En effet, les observateurs de l’Union européenne avaient relevé un certain nombre d’irrégularités, notamment

Rwanda: des élections

sans enjeux

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fonctionnaires du parquet général sous les ordres du très zélé procureur général Martin Ngoga, qui ont dé- boursé chacun l’équivalent de 60$.

Des hommes d’affaires ont été invités à verser des co- tisations faute de quoi ils ne seraient plus éligibles aux marchés publics. D’autres ont cédé leurs automobiles pour acheminer les gens aux meetings du parti au pouvoir.

Pendant la campagne, des sociétés écran de l’armée avaient le monopole de la vente des produits de mar- chandising aux insignes du parti, jusqu’aux bouteilles d’eau minérale. Des pay- sans ont été forcés d’ache- ter des Tee shirts du parti pour ne pas être mal vus aux meetings présidentiels.

Sans parler de la note que l’Etat a réglé pour la venue du chanteur congolais Kofi Olomide, venu spécialement pour agrémenter les sorties du président Kagame.

Une manipulation des statistiques

L’image que le régime a réussi à projeter à l’exté- rieur est celle d’un pays qui a réussi à émerger du fond d’un abysse économique, vers un miracle économique, avec un taux de croissance de 6% en moyenne pen- dant les 16 ans du régime1. Et pour preuve, les centres d’affaires et constructions qui poussent partout en vil- le de KIGALI.

En effet, comme l’a dit Fi- lip Reyntjens dans une émission de la RTBF du

1 Rwanda has gone from literally the bottom of the heap to become the beacon for Africa in 15 years,”

says Joe Ritchie, a Chicago finan- cier, now one of Mr Kagame’s senior advisers.

temps que les élections pas- sent) des journaux indépen- dants UMUSESO et UMU- VUGIZI pour le désormais célèbre chef d’accusation de divisionnisme dont person- ne ne sait vraiment ce que ça recouvre. Quelques jours plus tard, ce fut le tour d’un autre journal UMURABYO dont tous les journalistes furent écroués, ainsi qu’une trentaine d’autres médias dont le Haut Conseil des medias rejeta l’accrédita- tion. Ce qui revient de facto à une interdiction.

La voie royale était donc tracée pour les chantres du régime comme le journal New Times, d’inonder le pu- blic avec de la propagande.

Le régime ne s’arrêta pas.

Une expédition punitive fut lancée aux trousses du ré- dacteur en chef du journal suspendu Umuseso qui a fui en Ouganda suite aux me- naces de mort. Il échappa bel. Son collège, Jean Ru- gambage, resté au pays fut froidement assassiné après de veines tentatives de fuite du pays, devant son domicile à Nyamirambo. Le gouvernement s’empressa d’accuser des rescapés du génocide, alors qu’aucun soupçon de génocide n’a ja- mais pesé sur Rugambage.

Un autre ancien journaliste, Dominique Makeri, qui a passé plus de 13 ans en pri- son sans chef d’accusation puis libéré sans condition, fut enlevé en Ouganda où il avait trouvé refuge. Il fut retrouvé ligoté et abandon- né sur la route.

L’opposition politique Rentrée d’exil le 16 janvier 2010 avec la ferme intention de participer aux élections

présidentielles, madame Victoire Ingabire UMUHO- ZA, présidente des FDU, fut la première victime, après avoir été attaquée par une bande bien organisée au bureau de secteur de Kinyi- nya sous les yeux des auto- rités, elle fut purement et simplement arrêtée, accu- sée d’idéologie génocidaire (un autre chef d’accusations aux contours politiques), de divisionnisme et de terroris- me. Elle fut ensuite assignée à résidence et les autorités refusèrent d’enregistrer son parti. Elle était donc hors de course.

Le parti des Verts, qui re- crute principalement au sein des mécontents du parti au pouvoir, le FPR, se vit refu- ser l’autorisation de tenir un congrès constitutif. Motif:

raison de sécurité. En effet, une première tentative de tenue de ce congrès avait été interrompue par la po- lice suite à l’irruption dans la salle d’une bande de jeu- nes qui ont semé la bagarre dans la salle et qui étaient visiblement «en mission».

Après une tentative de dés- tabilisation de son président par le débauchage de mem- bres de son comité provi- soire, dont le vice président et ancien président du FPR, Charles Kabanda, le nou- veau vice-président, André Kagwa Rwisereka, fut as- sassiné sauvagement. Son corps fut retrouvé quasi dé- capité, ce qui déclencha des condamnations tout azimut, y compris chez les alliés du régime.

Quand au parti social Imbe- rakuli, le seul parti de l’op- position enregistré, il n’a pas résisté longtemps aux manœuvres de déstabilisa- tion du régime.

Une dissidence soutenue par le régime écarta le pré- sident fondateur, maître Bernard Ntaganda. Alors que le régime garde jalou- sement l’accès aux média publics, les dissidents du parti PS Imberakuli furent généreusement accueillis à la radio et à la télévision na- tionale pour dire tout le mal qu’ils avaient contre maître Bernard Ntaganda.

Maître Ntaganda sera par la suite arrêté le 24 juin 2010 lors de la manifestation manquée de l’opposition et écroué. Il est accusé comme Victoire Ingabire, d’idéologie du génocide, de divisionnis- me et de terrorisme.

Toutes ces actions visaient, comme le dit bien Amnes- ty International, dans son communiqué du 06 août 2010, à «créer un climat de répression destiné à in- hiber la liberté d’expression à l’approche de l’élection», et à renforcer un climat de peur. Et on s’étonne que les meetings du parti au pou- voir aient été massivement suivis par la population!

Avait-elle le choix?

Pour tromper un temps soit peu l’opinion et accrédi- ter la thèse d’une élection multipartite, le régime alla convaincre ses alliés des partis frères PSD et PL au pouvoir avec le FPR, d’ali- gner des candidats fantô- mes.

Le racketing des citoyens

Pour financer sa campagne, le régime a imposé un pré- lèvement spécial sur les sa- laires des fonctionnaires de l’Etat, allant jusqu’à 30%, voire plus. C’est le cas des Afrique centrale

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confection des listes élec- torales à l’utilisation des moyens de l’Etat, en pas- sant par la loi électorale.

Deuxièmement, quelle in- dépendance? Des observa- teurs du Commonwealth?

L’organisation n’a-t-elle pas superbement ignoré les recommandations de son

«bras» chargé des droits de l’homme, le Commonwealth Human Rights Initiative et accueilli le Rwanda dans son giron, gommant par là des siècles de civilisation française?

Par ailleurs, le choix du porte parole de la délégation est loin d’être le fruit du hasard.

En effet, le tanzanien Salim Ahmed Salim, est depuis longtemps un sympathisant du FPR. C’est lui qui était secrétaire général de l’OUA en octobre 1990 au moment de l’invasion du Rwanda par les rebelles du FPR. C’est lui, avec le président Muse- veni, à l’époque président en exercice de l’OUA, qui a bloqué toutes les initiati- ves du Rwanda pour faire condamner l’invasion. C’est lui qui a saboté la mission du GOMN (groupe d’obser- vateurs militaires neutres) dont la mise sur pied avait été réclamée par un som- met de l’OUA. C’est lui qui avait facilité l’accréditation d’une représentation des rebelles du FPR au siège de l’OUA. C’est lui qui avait accordé le siège du Rwan- da aux rebelles du FPR au sommet de Tunis de 1994, avant même que le gouver- nement en place tombe, ce qui avait déclenché la colère de certaines délégations of- ficielles et poussé l’OUA à reconsidérer sa position..

Sans parler de ses liens avec l’ancien président tan- 08/08/2010, cette croissan-

ce est «en partie en trompe l’œil», car limitée à la vitrine que constitue le centre ville de Kigali.

Contrairement aux affirma- tions du lobby au service du régime, la paupérisa- tion de la campagne sous le régime actuel n’a jamais été aussi criante durant les 30 dernières années. La fa- mine fait rage dans des ré- gions de Kibungo, qui jadis, étaient le grenier du pays.

L’ONG ActionAid Hunger- FREE, affirme que parmi les pays voisins, le Rwanda fait uniquement mieux que la RDC et le Burundi, ce qui est très révélateur2. Sur 30 districts, seul un seul est

«food secure», selon l’ONG.

Et d’ajouter que 40% de la population est perpétuelle- ment sous le risque de fa- mine.

Selon un rapport du PNUD (2008) sur le développe- ment humain portant sur le Rwanda (Turning vision 2020 into reality : From recovery to sustainable hu- man development), 62% de la population rurale vit ac- tuellement dans la pauvreté avec moins de 0,44$us par jour, alors que cette propor- tion n’était que de 47.5%

en 1990. Le rapport men- tionne aussi qu’en 2000, la tranche des 20% les plus riches détenait 51,4% du produit intérieur brut alors que celle des 20% les plus pauvres subsistait avec seulement 5,4% du PIB, ce qui place le Rwanda parmi 15% des pays les plus iné- galitaires au monde. Com- parée à la situation d’avant la guerre de 1990, ces pro- portions étaient respective-

2 Compared to its regional neigh- bours, Rwanda only fares well against DR Congo and Burundi

ment de 48,3% et de 7,6%.

Le rapport du PNUD fait aussi remarquer que, si les inégalités étaient restées au niveau de 1990 et de 1985, avec le taux de croissance actuel de 5,8%, le revenu des 20% les plus pauvres aurait plus que doublé.

Ces inégalités sont confir- mées aussi par l’UNICEF qui affirme dans son rapport de 2009, qu’un rwandais riche dépense en 3 jours, ce que dépense un rwandais pau- vre en une année !

Alors que la population ru- rale qui vit exclusivement de l’agriculture avoine les 85% de la population rwan- daise, le Rwanda est classé par le rapport de la Ban- que Africaine de Dévelop- pement (BAD), dont on ne peut soupçonner de partia- lité (son président actuel est un membre du parti FPR et ancien ministre des finan- ces sous le régime actuel), parmi les tout derniers pays au monde à faire le moins d’investissement dans ce secteur. Pendant ce temps, des sociétés étrangères ex- proprient des paysans à Ki- bungo et dans la vallée de la Nyabarongo pour des projets futuristes de bio carburant qui ont été recalés au Mo- zambique et dans d’autres pays d’Afrique australe.

S’agissant de la bonne gou- vernance dont les propa- gandistes du régime ont fait un cheval de bataille, elle n’est qu’apparente.

En effet, quand le régime s’enorgueillit d’être le pays le moins corrompu de l’Afri- que de l’Est, il oubli que le Rwanda pointe à la 167ème position de l’indice établi par Transparancy Interna- tional. Ce qui est confirmé par le dernier rapport de la

fondation Bo Ibrahim sur la gouvernance en Afrique.

L’autre face de la médaille qu’il faut bien souligner est que la croissance économi- que observée au Rwanda sous l’actuel régime est très exogène. En effet, elle est le résultat du pillage des ressources naturelles du Congo voisin. En dépit des annonces de retrait des troupes de Kagame du ter- ritoire de la RDC, le Rwanda reste un important exporta- teur de minerais qu’on ne retrouve pas dans son sous sol. On peut deviner leur provenance.

Cette croissance est aussi le fait d’une aide étrangère massive. La Grande Breta- gne à elle seule donne cha- que année un soutien bud- gétaire de £50 millions.

L’implication de la commission internationale

Selon la Commission élec- torale rwandaise, 1.394 observateurs ont été ac- crédités pour suivre la pré- sidentielle, dont 214 inter- nationaux représentant no- tamment l’Union africaine (UA), le Commonwealth, la Francophonie et des diplo- mates en poste au Rwanda.

Deux questions s’imposent.

Premièrement, des obser- vateurs pour quoi faire dans une élection que l’Union Européenne qualifiait il y a peu de «sans enjeux» pour justifier son refus d’y dé- pêcher des observateurs.

Quand bien même ils devai- ent y aller, doivent-ils ob- server le déroulement des élections le jour du vote ou tout le processus condui- sant à ces élections. De la

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contradictoire. L’opposition démocratique saisira sûre- ment la perche.

Quant à la communauté in- ternationale, le pays dépend à plus de 70%, de l’aide étrangère, dont une impor- tante aide budgétaire.

Ceci donne aux bailleurs de fonds une position privilé- giée pour faire infléchir la position du régime dans le sens du compromis.

Le régime est de facto une junte militaire. Il doit être traité comme tel. Les princi- paux bailleurs de fonds, les USA, la Grande Bretagne et l’Union Européenne ont une très lourde responsabilité dans ce que fera ou ne fera pas le régime de Kagame, pour évoluer vers plus de liberté, de démocratie.

Source: Daily Nation, August 9th 2010 zanien Julius Nyerere, dont

il a été longtemps premier ministre, et qui a reçu, à ti- tre posthume, une décora- tion du régime du FPR pour services rendus. Et j’en passe.

Et sans surprise, si sa dé- légation reconnaît l’absen- ce d’opposition, elle réfute toute idée d’intimidation des électeurs et félicité le régime.

Les mêmes remarques s’imposent pour les obser- vateurs américains du Na- tional Democratic Institute, qui a toujours défendu le bilan du FPR. Quant aux ob- servateurs locaux, de loin les plus nombreux, ils n’ont aucun poids contre l’infil- tration des agents du parti au pouvoir. L’expérience de 2003 et 2008 l’a prouvé.

L’après élection

Les élections remportées par Kagame avec un vote stalinien de plus de 93% ne règlent absolument rien, ni aux dissensions internes au sein du régime, ni au lan- cinent problème de réconci- liation nationale.

Le jour même de la procla- mation des résultats, une attaque à la grenade a eu lieu près de la gare routière de Kigali, faisant, selon le prote parole de la police, 7 blessés graves. Des té- moins oculaires ont évoqué jusqu’à 20 blessés graves.

Pendant ce temps, des dis- sidents du parti au pouvoir actuellement en exil, ont appelé la population à la lutte armée, ce à quoi le président Kagame a réagi par des menaces de guerre totale, allant jusqu’à regret- ter le temps de son maquis de 1990 à 1994.

De leur côté, les partis d’op- positions exclus du proces- sus électoral, dont les FDU, ont rejeté la légitimité des élections, estimant qu’elles n’ont de valeur que pour le pouvoir en place, et regret- tant au passage le manque de réaction ferme de la com- munauté internationale.

Dans ces conditions, même le risque d’un coup d’Etat militaire n’est pas à écarter dans la mesure où il y a des militaires qui ne sont plus d’accord avec la stratégie du régime de se débarras- ser dans le sang de tous ces opposants. Ce qui déclen- cherait une nouvelle vague de violence aux conséquen- ces incalculables.

Que faire pour écarter le risque de violence et assurer une transition en douceur?

Personne au Rwanda com-

me à l’extérieur, n’a intérêt à ce que le pays sombre dans le chaos.

Il incombe tout d’abord au régime en place auréolé d’une victoire électorale sans coup férir, de prendre des initiatives.

L’histoire a prouvé que les grands hommes politiques sont ceux qui ont su coha- biter avec leurs opposants.

Kagame doit avaler son or- gueil et reconnaître qu’il ne fait plus l’unanimité. Com- me le lui a demandé Cathe- rine Ashton, Commissaire européenne chargé de la diplomatie et de la sécurité, dans son message de félici- tation, il doit non seulement diligenter une enquête cré- dible au sujet des assas- sinats politiques et autres violences qui ont émaillé la campagne électorale, mais aussi ouvrir l’espace poli- tique et renforcer le débat Afrique centrale

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Guichaoua était présent à Kigali pour le compte de la Coopération suisse lors de l’attentat du 6 avril 1994 et sur la base de ce qu’il a personnellement vécu, il est devenu une sorte de porte- parole des critiques de la politique française. Après la victoire du FPR, il fit de longs séjours au Rwanda.

Sa contribution, en coopé- ration avec Claudine Vidal, à la publication du livre de Abdul Ruzibiza en 20059 mettant à nu les métho- des de Paul Kagame fut un choc pour les partisans de la « lecture officielle » du génocide et Guichaoua de- vint persona non grata à Ki- gali. Son livre, Rwanda. De la Guerre au Génocide. Les Politiques Criminelles au Rwanda (1990-1994), Pa- ris 2010, est une tentative d’auto-justification venant après les désaveux infligés à sa thèse du génocide pro- grammé par les juges du TPIR.

Un fil rouge relie la pensée de Guichaoua : l’attentat du 6 avril 1994 qui, selon lui est indubitablement l’œuvre du FPR, n’est pas l’acte consti- tutif du déclenchement du génocide. La phrase-clé de sa réflexion est contenue dans une interview parue dans Le Monde du 23 no- vembre 2006 : « Le débat sur l’attentat tourne autour d’une question faussée, à savoir qui en est l’auteur ? Ceci désignerait celui qui porte la responsabilité des événements qui l’ont suivi.

Ceux qui ont mis en œuvre le génocide ne l’ont pas fait parce qu’il y a eu un atten-

9 Ruzibiza, Abdul Joshua. 2005.

Rwanda. L’histoire secrète. Préface, notes et chronologie par Claudine Vi- dal. Postface par André Guichaoua.

Paris : Éditions du Panama.

À propos de l’ouvrage d’André

Guichaoua1 Rwanda. De la Guerre au Génocide.

Les Politiques Criminelles au Rwanda

(1990-1994).

Par Helmut Strizek chercheur et expert auprès

du TPIR2

L’histoire du TPIR a été mar- quée par l’existence d’un groupe de chercheurs qui a contribué à l’écriture de la

« vérité officielle » concer- nant la tragédie rwandaise de 1994. Ce groupe de chercheurs a, jusqu’à ces dernières années, pu faire prévaloir ses points de vue.

Jouant en réalité un rôle de

« chercheurs-procureurs ».

Ses membres ont d’abord confectionné la liste des soi-disant « grands coupa- bles » du génocide, puis ils ont aidé à confectionner les premiers actes d’accusa- tion. Ceux-ci reposaient sur leur « vérité officielle », à savoir d’une part l’existence d’un génocide contre la po- pulation tutsi « programmé par des extrémistes hutu », et d’autre part la conviction que le gouvernement inté- rimaire rwandais constitué après l’attentat du 6 avril 1994, était l’émanation du système « akazu », lequel avait exécuté avec les For- ces armées rwandaises ce génocide programmé.

Au centre de ce groupe ini- tial se trouvaient les univer- sitaires Alison Des Forges, William Schabas et René

1 Guichaoua, André 2010. Rwanda.

De la guerre au génocide. Les politi- ques criminelles au Rwanda (1990- 1994). Préface de René Degni-Ségui Paris : Editions La Découverte.

2 Tribunal pénal international pour le Rwanda

Degni-Ségui3, tous trois à l’origine, en janvier 1993, de la « Commission Inter- nationale d’Enquête » qui accusa, déjà à l’époque, le président Habyarimana de préparer un génocide.

Les chercheurs Filip Reyn- tjens et André Guichaoua4 rejoignirent ce groupe de

« chercheurs-procureurs » dès la création du TPIR par le Conseil de Sécurité des Nations Unies en novem- bre 1994. Ils furent tous, ensuite, les experts du Procureur avec Alison Des Forges5 comme « chef de file ».

Le système a fonctionné jusqu’au moment où Carla Del Ponte, nommée Procu- reur du TPIR en 1999, com- mença à comprendre que la réalité de ce qui s’était passé au Rwanda était plus complexe que les certitu- des carrées de ces « cher- cheurs-procureurs ». Sous la pression de Kigali et de ses « sponsors » améri- cains et britanniques, elle fut alors remplacée comme

3 René Degni-Ségui est devenu en 1994 le Rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies.

4 Guichaoua, André. 1995. Les crises politiques au Burundi et au Rwanda, 1993-1994. Analyses, faits et documents. Villeneuve d’Ascq et Paris : Université de Lille et Editions Karthala.

Guichaoua, André. 2005. Rwanda 1994 : les politiques du génocide à Butare. Paris : Karthala.

5 Des Forges, Alison. 1999a. Leave None to Tell the Story. Genocide in Rwanda. (Written by Alison Des For- ges based on research by Alison Des Forges, Timothy Longman, Michel Wagner, Kirsti Lattu, Eric Gillet, Ca- therine Choquet, Trish Huddlestone and Jemera Rone). New York/Paris Human Rights Watch/International Federation of Human Rights.

Des Forges, Alison. 1999b. Aucun témoin ne doit survivre : le géno- cide au Rwanda. Paris : Editions Karthala.

Procureur du TPIR par un personnage plus « docile », le Gambien Hassan Jal- low qui fut mis en place en 2003.

William Schabas continua à « rouler pour le FPR6 », Alison Des Forges persista à défendre la « lecture offi- cielle » du génocide devant le TPIR, mais Filip Reyntjens rompit avec le nouveau Pro- cureur en même temps qu’il commença à lutter ouver- tement contre le régime de Paul Kagame. De son côté, André Guichaoua arrêta également sa collaboration avec Hassan Jallow, mais tout en maintenant l’es- sentiel de sa thèse concer- nant la programmation du génocide, la culpabilité du gouvernement intérimaire et celle des Forces armées rwandaises.

André Guichaoua a fait des recherches en milieu rural au Rwanda à partir de 1979 en qualité de sociologue.

Il fut chargé de mission, notamment par le Bureau International du Travail, la Banque Mondiale, le PNUD7 et la Coopération suisse. Il devint ensuite professeur à l’université de Lille avant d’être nommé à l’université Paris 1-Sorbonne. A partir de 1990, il milita en faveur de l’opposition au président Habyarimana car, pour lui, le MRND8 représentait le

« racisme hutu » – vision adoptée probablement sous l’influence de son mentor,

« l’historien militant » Jean- Pierre Chrétien, lui-même très lié aux extrémistes tut- si du Burundi.

6 Front patriotique rwandais.

7 Programme des Nations unies pour le développement.

8 Mouvement républicain national pour la démocratie, parti du prési- dent Habyarimana.

Rwanda. De la Guerre au Génocide

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contre la poussée du FPR.

Toutefois l’environnement international, y compris le gouvernement Balladur, a, de fait, interdit toute ré- sistance contre le FPR. La stratégie des Etats-Unis était même d’encourager la prise de pouvoir par ce dernier. Le gouvernement intérimaire n’a jamais perçu cette réalité et cela explique son illusion d’avoir pu croire être en mesure de stopper en dernière minute la prise du pouvoir par les hommes du général Kagame.

Le livre d’André Guichaoua est le fruit d’une obsession, celle de voir le TPIR réduire à néant la thèse officielle dont il est l’un des princi- paux auteurs. Pour lui, la condamnation des membres du gouvernement intéri- maire et d’autres dignitaires du MRND semble être une question d’honneur person- nel vu les efforts énormes qu’il a déployés pour attein- dre ce but.

tat. Les dirigeants du FPR ont pris le risque du génoci- de, sans doute en connais- sance de cause. Les extré- mistes hutus ont eu besoin d’une semaine pour concré- tiser leur projet génocidaire et en mettre en place les structures qui l’ont rendu possible. Mais l’attentat en tant que tel ne peut pas être considéré comme la cause du génocide. Le génocide est l’aboutissement d’une stratégie politique, mise en œuvre par des groupes ex- trémistes hutus qui ont uti- lisé l’attentat pour déclen- cher cette apocalypse. » La thèse du génocide pro- grammé avant l’attentat n’ayant été ni démontrée, ni établie devant le TPIR, Guichaoua qui est ainsi dé- savoué met donc en avant une nouvelle hypothèse qu’il présente comme une nouvelle certitude, celle du génocide programmé après l’attentat. Ainsi, l’assassinat du président Habyarimana par le FPR permit aux « ex- trémistes hutu » et à l’aka- zu la mise en œuvre de la politique génocidaire à tra- vers la création du gouver- nement intérimaire.

Nous sommes, une fois de plus, devant un nouveau postulat qui marque un recul par rapport à l’état des connaissances, puisqu’il ne tient pas compte de l’ac- quittement en appel, en date du 16 novembre 2009, de Protais Zigiranyirazo10 par le TPIR. Or, ce jugement pulvérise littéralement la thèse de l’établissement du gouvernement intérimaire vu comme un coup d’État de l’akazu11.

10 Beau-frère du président Habya- rimana.

11 Le plus insolite est que, ne te- nant aucun compte de ce jugement,

Protais Zigiranyirazo et le colonel Bagosora ayant été acquittés du chef de prémé- ditation du génocide, il faut donc trouver de nouveaux coupables et, poursuivant dans sa tâche de « cher- cheur-procureur », Gui- chaoua lance maintenant en pâture le nom d’Augus- tin Ngirabatware, gendre de Félicien Kabuga12, comme nouveau grand responsable du génocide (page 293) et une fois encore sans que la moindre preuve soit avan- cée.

Le livre de Guichaoua est un réquisitoire contre le gouvernement intérimaire et les preuves qu’il avance de sa responsabilité dans le génocide sont d’une part, les carnets de notes de quelques ministres – no- tamment ceux de Pauline Nyiramasuhuko, d’Edouard Karemera et d’Augustin Ngi- rabatware – et d’autre part, l’engagement d’Edouard Karemera13 en faveur de la défense civile en sa fonction de ministre de l’intérieur à partir du 25 mai 1994.

Guichaoua présente, com- me étant révélatrices, les notes contenues dans ces carnets et qui furent pour l’essentiel rédigées lors des réunions du Conseil du gou- vernement intérimaire. A la lecture de ces documents, je n’ai pourtant pas trouvé une seule indication prou- vant que ce gouvernement a pris des initiatives pour in-

Guichaoua écrit contre tout ce qui a été démontré devant le TPIR que :

« Le 6 avril au soir, seules deux per- sonnes étaient en mesure de lui [la garde présidentielle] donner des ordres à savoir Agathe Kanziga et Protais Zigiranyirazo ».

12 Suspecté d’être le financier du génocide.

13 Edouard Karemera a publié éga- lement son point de vue : Karemera 2006.

tensifier les massacres anti- tutsi. Bien au contraire.

En ce qui concerne la défen- se civile, Bernard Lugan a tout dit à ce propos dans ses expertises devant le TPIR et dans son livre Contre- Enquête sur le génocide (Paris, 2007). Cette forme de résistance populaire n’a en effet jamais été conçue comme un instrument de génocide. Lugan a expliqué qu’il s’agit d’une stratégie normale contre une guerre de guérilla.14 Quant aux di- rectives du Premier minis- tre Kambanda, sur proposi- tion du ministre Karemera, concernant la défense ci- vile, elles ne peuvent en aucun cas être interprétées comme un appel au meur- tre des Tutsi. Elles étaient un dernier essai pour tenter de coordonner la résistance

14 Qu’il me soit permis de rappe- ler que la Révolution Française n’a pu survivre en 1793 que grâce à la « levée en masse » de plus de 300 000 hommes contre l’agression des forces extérieures.

RencontRes pouR la paix

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Afrique centrale

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En cédant aux critiques de la classe politique espa- gnole, Zapatero reconnaît, implicitement, les conclu- sions de l’enquête du juge Fernando Andreu Merelles.

Il sait qu’une fois l’immuni- té présidentielle de Kagame levée, il sera poursuivi par la justice espagnole, comme ce fut le cas pour Augusto Pinochet. Par contre, le même Kagame dont les mi- liciens sont responsables de l’assassinat de millions de Congolais et de Congolaises n’a été traduit devant aucun tribunal par les gouvernants congolais. Ceux-ci préfèrent sans doute donner des le- çons de souveraineté à la Belgique ! Est-ce vraiment avec ces traîtres à la nation qu’il faut aller aux élections en 2011 ?

En cédant aux critiques de la classe politique espa- gnole et des ONG, Zapa- tero constitue dorénavant une exception (rarissime) en Occident où Kagame est adulé malgré le sang qu’il ne cesse de verser. Ceci étant, nous souhaiterions comprendre comment cet Occident qui dit être por- teur des valeurs de justice, de paix, de droit, de liberté et d’égalité, en est-il venu à soutenir certains dictateurs à travers le monde en gé- néral et plus spécialement en Afrique ? Cette question, apparemment anodine, de- vrait inciter les Africains à avoir, de façon permanente, leurs occidentologues : des femmes et des hommes de notre continent qui étudient, au quotidien, cette autre partie du monde. Comment l’Occident moderne, adepte des Lumières, donne-t-il de plus en plus l’impression de se laisser dominer par les Ténèbres de la mort au Le vendredi 16 juillet 2010,

dans une dépêche intitulée

«Zapatero cède aux criti- ques et renonce à s’afficher avec Kagame à Madrid», l’AFP rendait compte du la- pin posé par Zapatero au président rwandais Paul Ka- game, invité de l’ONU en Es- pagne pour une réunion sur la pauvreté dans le monde.

La dépêche rappelle que :

«La levée de boucliers en Espagne trouve son origine dans les mandats d’arrêt pour «génocide» lancés par un juge espagnol en février 2008 contre 40 militaires du régime de M. Kagame, accusés d’avoir fomenté des affrontements ethni- ques, dans les années 90, pour s’emparer du pouvoir.

Ces militaires sont accusés d’avoir sciemment désta- bilisé le régime extrémiste hutu de Juvénal Habyari- mana en place à l’époque, en commettant des actes terroristes avant de prendre le pouvoir. Le juge Fernando Andreu Merelles avait lancé des accusations détaillées contre M. Kagame, sans le poursuivre en raison de son immunité de chef d’Etat.»

et «la réunion, initialement prévue au siège du gouver- nement, a eu lieu à l’hôtel Ritz.»

Quels sont les ressortis- sants espagnols concernés par l’enquête du juge Me- relles ? La dépêche répond à cette question : «Le juge espagnol enquête notam- ment sur les assassinats présumés, perpétrés par les milices tutsies du Front patriotique rwandais (FPR) dirigées alors par M. Ka- game, de neuf missionnai- res et coopérants espagnols témoins de crimes commis par ces milices.»

Quelle a été la réaction im- médiate des responsables rwandais face au geste hautement symbolique de Zapatero ? «Ce n’est pas un grave problème pour nous», a minimisé la minis- tre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushi- kiwabo, qui a évoqué de- vant la presse une décision de «politique intérieure es- pagnole».

La lecture de cette dépê- che suscite le commentaire suivant. Zapatero est, sans aucun doute, un Premier ministre à l’écoute des cri- tiques de la classe politique espagnole. Cette dernière existe et veille à la protec- tion et à la sécurité des ci- toyens espagnols où qu’ils se trouvent à travers le monde. La justice espagnole est indépendante et respec- tée par la classe politique.

Zapatero n’a pas accepté que l’assassin présumé de ses compatriotes participe à une réunion «au siège du gouvernement», l’un des lieux hautement symboli- ques de la souveraineté du peuple espagnol.

Contrairement à la virulen- ce habituelle de leurs réac- tions face aux Français, aux Belges ou aux Congolais les gouvernants rwandais ont, à Madrid, fait profil bas et respecté «une décision de politique intérieure espa- gnole». Les petites mains médiatiques occidentales luttant contre la diaboli- sation de l’homme fort de Kigali traînent à réagir à ce lapin posé à leur client…

D’autre part, n’y a-t-il pas matière à questionnement sur notre devenir en tant que peuple congolais quand on sait que, deux semaines

auparavant, le tapis rouge a été déroulé pour ce même Kagame à Kinshasa ? Pré- cisément dans la capitale du pays où certains des témoins espagnols de ses massacres ont été assassi- nés, là où des millions de Congolaises et Congolais ont été victimes de la bar- barie des miliciens du FPR.

Que penser, en outre, de l’arrivée avec deux heures de retard de Kagame pour le défilé de la fête de l’ac- cession du Congo à sa sou- veraineté nationale et inter- nationale, sans que cela ne provoque la moindre pro- testation officielle ni de la classe politique ni des ONG des droits de l’homme ou de quelque magistrat épris d’un certain sens de la jus- tice ? Faut-il que la guerre d’agression à laquelle nous résistons depuis plus de dix ans ait détruit en nous tout sens de protestation et de révolte ? Ou alors, som- mes-nous toujours en at- tente d’une classe politique sur laquelle nos populations peuvent compter ? Ou peut- être, avons-nous fini, dans notre immense majorité, par accepter notre état de sous humanisation depuis la guerre de l’AFDL1 …?

Comment se fait-il que ces mêmes gouvernants, capa- bles d’organiser une réunion pour rédiger une lettre de protestation à l’égard des politiques et des journalis- tes belges ayant critiqué le cadeau fait à la reine Pa- ola, peuvent sans la moin- dre honte dérouler le tapis rouge devant Kagame et Museveni, les assassins des populations congolaises ?

1 Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo. Alliance soutenue par le Rwanda et l’Ougan- da qui renversa le président Mobutu

au lapin de Zapatero en Espagne !

Par Jean-Pierre MBELU

Analyste politique congolais et membre du Groupe Epiphanie

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ble. Son soutien à « l’Inter- nationale de la terreur » ris- que de conduire notre mon- de à sa perte… Sa rhétorique hypocrite sur la défense des valeurs et de la démocratie est copiée servilement par les élites compradores et les autres nègres de service ayant déroulé, chez nous, le tapis rouge devant Ka- game le 30 juin 2010. Les instruments financiers de son expansion (le FMI et la Banque mondiale) leur dic- tent la politique économi- que qu’ils appliquent dans nos pays pour le triomphe des réseaux de la prédation et de la mort.

liance entre les démocraties occidentales et le totalita- risme soviétique contre le nazisme.

Plus d’une trentaine d’an- nées après, dans son essai intitulé Le dérèglement du monde, (Paris, Grasset, 2009) Amin Maalouf aboutit à un constat plus ou moins semblable. Il écrit : «Que le triomphe de l’Europe lui ait fait perdre ses repères n’est pas le seul paradoxe de no- tre époque. On pourrait sou- tenir, de la même manière, que la victoire stratégique de l’Occident, qui aurait dû conforter sa supréma- tie, a accéléré son déclin ; que le triomphe du capita- lisme l’a précipité dans la pire crise de son histoire ; que la fin de « l’équilibre de la terreur » a fait naître un monde obsédé par « la terreur » ; et aussi que la défaite du système soviéti- que notoirement répressif et antidémocratique a fait reculer le débat démocrati- que sur toute l’étendue de la planète5.» La propension de l’Occident à transformer sa conscience morale en instrument de domination justifie, en partie, ses al- liances contre-nature avec les pires dictateurs de no- tre monde. Ajoutons que le triomphe du capitalisme a exacerbé le triomphe de la cupidité dans la mesure où le marché a modelé la façon de vivre et de penser d’une immense majorité d’Occi- dentaux. Joseph Stieglitz le souligne sans ambages quand il écrit : «Nous avons laissé les marchés modeler aveuglément ( ?) notre éco- nomie et, ce faisant, ils ont aussi contribué à nous mo- deler, nous et notre socié-

5 Amin Maalouf, p. 22

6. » La crise financière est venue témoigner de cet état des choses : sur le marché financier, les gens s’exploi- tent mutuellement et vivent des gains de cette exploita- tion. Et «si l’inlassable quête des profits et l’exaltation de l’intérêt personnel n’ont pas créé la prospérité espérée, elles ont contribué à créer le déficit moral7.» Il y a eu effritement du sens de la responsabilité individuelle et collective et perte de la confiance mutuelle.

Dans cet Occident souffrant majoritairement du déficit moral, où la lâcheté et la servilité ne cessent de ga- gner du terrain parmi les fonctionnaires politiques et les intellectuels, le Premier ministre espagnol, en refu- sant de s’afficher avec Ka- game, pose la question de l’existence des minorités agissantes ; celle de « pe- tits restes » Occidentaux avec lesquels les autres

« petits restes » du monde devraient apprendre à tra- vailler davantage en syner- gie. A travers le geste de Zapatero, l’autre Occident, indispensable à la re-créa- tion du monde métissé de demain, fait signe. Il doit être constamment identifié et localisé par les minorités d’acteurs-créateurs d’un autre Congo et d’une autre Afrique. Dans cet autre Oc- cident, le triomphe du capi- talisme démasqué n’a pas réussi son exploit : manger les cœurs et les esprits. Le comble est qu’il n’est pas tellement aux commandes des affaires du monde. C’est l’autre, le lâche et le servile, fait des « petites mains du capital » qui est le plus visi-

6 J. STIGLITZ, Le triomphe de la cupidité, Paris, Les Liens qui libè- rent, p. 438

7 Ibidem, p. 440

point que « les Zapatero » deviennent une exception

« rarissime » ?

En 1978, Alexandre Soljenit- syne, s’adressant aux étu- diants américains de Har- vard, accusait l’Occident de manifester des signes trop visibles de lassitude morale exprimée à travers le déclin du courage. Il disait : «Le déclin du courage est peut- être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occi- dent d’aujourd’hui. Le cou- rage civique a déserté non seulement le monde occi- dental dans son ensemble, mais chacun des pays qui le composent, chacun de ses gouvernements, chacun de ses partis, ainsi que, bien entendu, l’Organisation des Nations Unies.2» A son avis,

«ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellec- tuelle dominante, d’où l’im- pression que le courage a déserté la société tout en- tière3.» A ses yeux, «les fonctionnaires politiques et les intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, dans leurs discours, et plus encore dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complai- samment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hau- teur intellectuelle et même morale qu’on se place4

Alexandre Soljenitsyne par- lait du déclin du courage en remettant en question l’al-

2 A. SOLJENITSYNE, Le déclin du courage. Discours de Harvard, juin 1978, Paris, Seuil, 1978, p. 14-15 3 ibidem, p.15

4 ibidem, p. 15-16

Afrique centrale

Referenties

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1 En conformité avec Pearson Education ©:  Utiliser les termes ‘monde majoritaire’ (pour le monde en développement) et ‘monde minoritaire’ (pour le monde développé)

Dans ce cadre, nous parlerons d'abord des systèmes résidentiels ayant comme objectif le maintien de la solidarité familiale ; ensuite, nous aborderons les différents modes

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