• No results found

Année 2015, n° 13

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Share "Année 2015, n° 13"

Copied!
30
0
0

Bezig met laden.... (Bekijk nu de volledige tekst)

Hele tekst

(1)

Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le lundi 30 novembre 2015

Année 2015, n° 13

SOMMAIRE Belgique

Réouverture des écoles sous haute surveillance … page 1 Monde

Génie stratégique antiterroriste… page 4 Moyen Orient

La Guerre contre le Daech : Les Etats-Unis et la Russie des alliés objectifs ?... page 5 RDCongo

Joseph Kabila annonce le dialogue politique national… page 8 Communiqué de CIDDHOPE … page 18

DP Culture JCVD. Page 21

DP Arts graphiques Page 22

Erreur monumentale de l'Occident ou Échec monumental de l'Occident ?... page 24 Emmanuel DONGALA, Johnny chien méchant… page 27

Documentaire :

« Capitaine Thomas Sankara », la naissance d’un mythe… page 30

(2)

Belgique

Nous étions en danger.

Nous étions menacès.

Nous étions « en niveau 4 ».

« Le niveau 4 », c’est plus grave que le « niveau 3 ». En quoi ? Divers ministres sont venus nous l’expliquer. Le 4, c’est plus menaçant que le 3, puisque c’est l’Office Central pour l’Analyse de la Menace qui le dit ! Ce fameux OCAM est devenu à nos discours gouvernementaux ce que les augures étaient à la Rome antique les astrologues officiels dans l’Empire du Milieu. « C’est grave puisque l’OCAM dit que c’est le niveau 4, voygez le Parquet ». Le Parquet de son côté était remarquable… par la pointe de vitesse poussées par les Procureurs et Substituts à la vue d’un micro, et pour disparaître en grommelant quelque chose dans le genre de « On y travaille ».

D’aucuns ont dit et répété que notre « commmunication » faisait minable à côté de celle des autorités françaises. En quoi ?

Le Procureur de la République est venu dire des choses commme « Là où on a fait sauter des trucs et sauter des gens, on a retrouvé des traces d’armes, d’explosifs et des débris de cadavres humains ». Qui s’en serait douté ?

(3)

Ou encore : « Là où on a passé la journée à canarder une maison avec tout ce qui peut faire « boum », « pan pan » ou « tacatatacatac », on a constaté en fin de journée que les occupants de la maison étaient criblés de balles ! ». O surprise, vraiment ! Personne ne s’y attendait !

Là-dessus, un allumé du bocal surgit pour préconiser la « destruction de Moolenbeek ».

On l’emmène, vite fait.

Mais revenons à Bruxelles. Les affiches posées sur les colonnes de la Bourse annonçaient que le CHRISTMAS LIGHT, le conte de Noël en 3D devait débuter le jeudi 26 novembre! Les baraques des échoppes du marché restaient inachevées. Mais que faisait donc la police?

Peut-être la police faisait-elle comme tout le monde : elle regardait les soldats en tenue de camouflage et les blindés occuper seuls la place de la Bourse, dont le décor de fête ne brillait pour personne. Du surréalisme tout pur ! Pauvre Magritfte, mort trop tôt ! Quel tableau il en aurait fait !

C'était ce mercredi 25 en fin d'après-midi en face de la Bourse. Photo © JFHanssens

Parlant d’affiches, il faut saluer celles, involontairement de circonstance, du Théâtre de la place des Martyrs, annonçant que du 12 novembre au 12 décembre 2015, on y donne UBU ROI1! Merdre !S’il est un personnage de théâtre qui incarne parfaitement la veulerie, la bêtise

1Écrite en 1896 par Alfred Jarry à partir d’une précédente pochade de collégiens visant un de leurs professeurs

“Ubu Roi” est une horrible farce illustrant la sanglante marche d’un couple d’affreux – Père et Mère Ubu - vers le pouvoir, totalitaire évidemment. Dès sa création par la troupe du Théâtre de l’Oeuvre, “Ubu Roi” présenté comme de l’anti-théâtre suscite le scandale, et partant, la consécration de l’auteur en termes d’empêcheur d’écrire en rond.

Ce faisant Alfred Jarry ouvrait la porte au théâtre moderne. Pièce « anti-théâtre » donc, “Ubu Roi” est une oeuvre très jouée et - ce n’est pas le moindre paradoxe- est inscrite au répertoire de la Comédie-Française. Pour les

(4)

et la méchanceté, c’est le fameux UBU. Alfred Jarry, marginalié et obnubilé par son personnage, n’est-il pas mort à 34 ans, non sans avoir “inventé” la “pataphysique”, soit la

« science des solutions imaginaires » ? .

Si Magritte aurait aimé peindre la scène, Jarry aurait pu inventer l’OCAM.

Mais enfin, ça la foutait mal ! .Le lendemain soir la fête et les commerces devaient pouvoir tourner à plein régime et les militaires étaient toujours présents. Godver… Enfin, Damned ! (restons polis).

Ouf ! le niveau 3 est arrivé.

Ouf! Charles Michel est venu annoncer ce jeudi en fin d'après-midi que nous passons en niveau 3. Pourquoi ? Parce que l’OCAM l’avait dit. (Avouez que vous vous en doutiez un peu, non ?)

Le spectacle pouvait donc commencer ce vendredi 27 et les échoppes allaient sentir bon le vin chaud et libérer leurs volutes entremêlées d'arômes de fricassées multi-goûts dans une ambiance multiculturelle.

Mais il aura été moins une.

C’est l’OCAM qui le dit !

metteurs en scène, cette pièce comporte de nombreux défis. Par exemple il y a un grand nombre de rôles éphémères et l’action est dispersée dans pas mal de lieux différents. Au cœur de la trame de “Ubu Roi” se pose la question de ce qu’il advient quand un monstre prend le pouvoir. On peut tous les jours vérifier ce que les dictateurs psychopathes répartis dans le monde sont capables de sortir de leurs cerveaux malades.

(5)

Monde

Génie stratégique antiterroriste !

Par Sebastian Budgen2

Il est peut-être temps de prendre suffisamment de recul pour admirer le génie de la stratégie antiterroriste occidentale, évidemment marquée par sa grande cohérence stratégique et tactique.

1) Combattre les assassinats aveugles et les tirs contre des civils par des assassinats aveugles et des tirs contre des civils

2) Combattre les atteintes aux droits démocratiques et aux libertés publiques par des atteintes aux droits démocratiques et aux libertés publiques ;

3) Combattre les tentatives des djihadistes de promouvoir une vision de deux camps opposés et irréconciliables – l'Islam, d'un côté, et l'Occident, de l'autre – en faisant la promotion d'une vision qui présente deux camps opposés et irréconciliables – en l'occurrence l'Islam et l'Occident ;

4) Combattre le discours des djihadistes sur l'islamophobie maladive de l'Occident en nourrissant l'islamophobie maladive en Occident ;

2Sebastian Budgen est éditeur chez Verso (Londres). Il est également membre fondateur de l'espace de recherche critique marxiste Historical Materialism. Quelques uns de ses articles sont disponibles dans la New Left Review.

Source : http://www.versobooks.com/blogs/2350-the-war-must-go-on-sebastian-budgen-on-the-west-s-strategy- after-paris 23/11/2015 - URL:http://www.contretemps.eu/interventions/va-t-en-guerre

(6)

5) Combattre la propagation d'une forme réactionnaire de l'islam politique en faisant affaire et en établissant des alliances politiques avec les États les plus investis dans la propagation de la forme la plus réactionnaire de l'islam politique ;

6) Combattre l'idée que les pouvoirs occidentaux agissent dans leur seul intérêt et de manière néocoloniale lorsqu'ils soutiennent les États les plus autoritaires et les plus corrompus, en soutenant les États les plus autoritaires et les plus corrompus de manière néocoloniale et dans le seul intérêt des pouvoirs occidentaux ;

7) Combattre le fait que Daesh se présente comme un véritable État en guerre contre les pays occidentaux, en déclarant que les pays occidentaux sont en guerre contre l'État islamique ; 8) Combattre la propagande de Daesh qui veut que l’Occident soit le lieu d’une décadence sans âme et vaine, seulement marqué par son attachement aux pratiques hédonistes, en mettant en avant des pratiques hédonistes en tant que caractéristiques déterminantes pour distinguer l’Occident de Daesh ;

9) Combattre le fait que les djihadistes prétendent que les courants islamistes réformistes sont naïfs de croire qu’ils pourront prendre le pouvoir par le biais des élections, en soutenant un coup d’État contre un président islamiste réformiste arrivé au pouvoir par le biais d’élections démocratiques ;

10) Combattre le prétendu antisionisme des islamistes radicaux qui se nourrit de l’argument qui veut que l’Occident maintiendrait deux poids, deux mesures à l’égard d’Israël, qui se voit doté d’argent et d’armes quel que soit le sort des Palestiniens, en maintenant deux poids, deux mesures à l’égard d’Israël, qui se voit doté d’argent et d’armes quel que soit le sort des Palestiniens.

Les choses ainsi posées, comment pourraient-elles mal tourner ?

Moyen Orient

La Guerre contre le Daech : Les Etats-Unis et la Russie des alliés objectifs ?

Une opinion de Francis BRIQUEMONT, lieutenant Général en retraite3

Le 29 août dernier dans « La Libre Belgique », évoquant quelques « passions » qui agitent aujourd’hui notre monde, nous citions la guerre contre l’Etat Islamique (EI) ou Daech.

Cet Etat artificiel sans aucun avenir aurait pu être facilement annihilé si la communauté internationale et surtout les Etats arabes ou musulmans qui l’encerclent lui avaient

« réellement » déclaré la guerre, ce qui n’a pas été le cas.

3Texte posté par Jean-Marie de CONDÉ Lieutenant-Colonel – Comd2d CC Land (Centre de compétence terrestre)

(7)

Récemment la donne a cependant changé au Moyen-Orient. L’Iran, ayant accepté l’accord de renonciation à l’arme nucléaire proposé par les « 5+1 », retrouve un rôle important dans le jeu stratégique des puissances dans cette région du monde. La Russie a décidé d’intervenir militairement. Les Etats-Unis revoient leur stratégie et viennent d’annoncer la fin de leur programme pour former et armer des rebelles syriens en le remplaçant par un autre,

« moins ambitieux et plus ciblé » comme l’écrit si joliment « La Libre » du 10 octobre. Je me demande si les Etats-Unis et la Russie ne deviennent pas peu à peu des alliés « objectifs » pour tenter de résoudre cette formule politique incantatoire et plutôt ambiguë : « Ni Daech ni Bachar el-Assad. »

Parade militaire islamiste dans la province de Raqqa Nord - 30Juiin, 2014

En fait, aujourd’hui, deux coalitions se font face. Une coalition sunnite regroupe essentiellement l’Arabie saoudite et la Turquie, avec comme objectif principal la suprématie régionale (ce qui postule l’élimination de la Syrie de Bachar el-Assad) et, accessoirement (?), la neutralisation de Daech, Etat terroriste et expression du radicalisme sunnite le plus extrême.

La deuxième coalition, chiite, rassemble l’Iran, l’Irak, la Syrie de Bachar el-Assad, le Hezbollah du Liban. Elle lutte contre l’extension territoriale de Daech, veut sa disparition et le maintien à tout prix d’un arc chiite allant de l’Iran au Liban via la Syrie des Alaouites.

Nécessité de troupes au sol

Les Occidentaux (surtout les USA et la France) se sont lancés dans cette querelle entre musulmans avec une stratégie politique peu claire (voir ci-dessus) et une stratégie militaire vouée à l’échec car elle n’a jamais réussi c’est-à-dire : gagner une guerre terrestre avec les seules forces aériennes. A part peut-être certains généraux aviateurs américains qui ont cru naguère que c’était possible et dont le général Colin Powell se moquait gentiment dans ses mémoires4, je n’ai jamais rencontré ou lu un général qui n’affirmait pas avec conviction qu’une guerre terrestre ne pouvait se gagner qu’avec des troupes au sol. C’est même de plus en plus évident depuis que la plupart des conflits sont devenus des guerres intraétatiques et asymétriques.

Nous n’allons pas refaire l’histoire des dernières années mais aujourd’hui les responsables politiques occidentaux (sauf en France peut-être) semblent paralysés à l’idée d’encore engager des troupes au sol pour une raison très simple : il suffit de comparer les pertes (tués et blessés) des forces terrestres avec celles des forces aériennes et des marines depuis vingt-cinq ans pour comprendre pourquoi les politiques répugnent à prendre une telle décision, peu populaire au sein des opinions publiques de nos démocraties. C’est dans ce cadre qu’il faut placer l’action de Vladimir Poutine au Moyen-Orient.

4C. Powell : « Un enfant du Bronx » aux Editions Odile Jacob 1995. 9-6321-24934

(8)

Un rappel tout d’abord : la stratégie d’un Etat est le résultat d’une appréciation (au plus haut niveau) rationnelle, sans état d’âme voire cynique des intérêts de l’Etat. L’éthique ou la morale, le droit international, l’histoire, ne servent souvent que d’ »emballage cadeau » pour justifier celle-ci. Il faut donc, et c’est parfois difficile, faire la distinction entre la stratégie réelle suivie par un Etat et les discours plus ou moins spectaculaires prononcés par ses responsables dans des enceintes comme l’Onu, l’Otan, l’UE ou lors de conférences de presse.

Certains parlent de « coup de poker » de Vladimir Poutine et désapprouvent son intervention en Syrie. N’a-t-il pas plutôt tiré des conclusions logiques de « son » appréciation ? Pour détruire Daech et autres groupes terroristes, il pense comme… tout le monde !, qu’il faut disposer de troupes au sol. La Russie n’étant pas beaucoup plus enthousiaste que les Occidentaux pour une intervention extérieure significative de ses unités terrestres opérationnelles, Poutine a conclu que les seules unités encore cohérentes pour affronter Daech et les nombreux petits clans rebelles syriens sont celles de Bachar el-Assad. En les appuyant massivement, il aide à sanctuariser la Syrie occidentale – celle des Alaouites, le fief de Bachar el-Assad – ce qui correspond parfaitement aux intérêts stratégiques de la Russie (présence en Méditerranée orientale, base militaire navale de Tartous, facilités d’appui logistique). Donc, pour Poutine, il faut d’abord soutenir ce qu’il reste d’Etat syrien plus ou moins cohérent (ce qui ne signifie pas maintenir Bachar el-Assad coûte que coûte au pouvoir) et ensuite « liquider » Daech en soutenant aussi à l’Est les peshmergas kurdes et la nouvelle (?) armée irakienne (à prédominance chiite), le tout soutenu par l’Iran. La stratégie russe apparaît donc assez logique : tout en défendant ses intérêts elle participe à la lutte contre le terrorisme.

Participation par des discours

La stratégie des Occidentaux et particulièrement des Etats-Unis et de la France est plus ambiguë. Le slogan « Ni Daech ni Bachar el-Assad » ne signifie pas grand-chose sur le terrain car, à plus ou moins court terme, par qui remplacer le président syrien actuel ? En revoyant leur stratégie d’aide aux multiples clans rebelles syriens, les Américains se demandent sans doute eux-mêmes où ils pourront trouver de nouveaux dirigeants syriens… fiables. On peut aussi se poser beaucoup de questions sur la solidité et la cohésion de cette coalition internationale menée par les Etats-Unis. En fait, au sein de celle-ci, qui soutient « à fond » la lutte contre Daech ? Quels pays arabes ou musulmans participent efficacement à l’élimination de Daech, autrement que par des discours et un… minimum d’actions sur le terrain ? De quel(s) pays Daech reçoit- il un appui financier, matériel ou logistique ?

De toute façon, pour vaincre Daech et ce quel que soit l’appui aérien fourni par les Américains, les Russes et quelques autres, il faudra pour gagner au sol plus que les restes de l’armée syrienne, le Hezbollah libanais ou les quelques unités kurdes et irakiennes disponibles.

Dans l’immédiat, Américains et Russes ont donc tout avantage à coordonner au mieux leurs actions plutôt que de se chamailler comme au temps de la guerre froide. Peut-être le font-ils déjà. Au sein de l’Otan et de l’UE, il serait quand même utile de se pencher sérieusement sur le rôle exact de la Turquie dans ce « jeu » des puissances au Moyen-Orient. Mais bien au-delà de l’élimination de Daech et du nécessaire abandon du pouvoir par Bachar el-Assad, n’allons-nous pas assister, progressivement et à long terme, à un inéluctable redécoupage du Moyen-Orient avec une Syrie occidentale alaouite, beaucoup plus tolérante à l’égard de toutes les minorités religieuses; un Etat kurde, quoi qu’en pense la Turquie; un Etat irakien du nord-ouest à majorité sunnite et un Etat irakien du sud à majorité chiite ? Cela impliquerait bien sûr que soit abandonné le principe de l’intangibilité des frontières à propos de frontières définies, au début du XXe siècle, par les responsables des empires coloniaux français et britanniques en fonction

(9)

de leurs « seuls » intérêts. Les Occidentaux, souvent donneurs de leçons dans tous les domaines, devraient peut-être s’en souvenir…

RDCongo

Joseph Kabila annonce le dialogue politique national

Dans un message radiotélévisé, Joseph Kabila a annoncé samedi 28 novembre 2015 la convocation d’un «dialogue politique national inclusif », sans précision de date ni de lieu. Il a lancé un « appel ultime» à ceux qui hésitent encore à rejoindre cette voie des négociations pour donner sa chance à la «relance du processus électoral.»

«Après avoir recueilli vos avis directement et à travers ceux qui ont porté vos voix aux consultations, mes chers compatriotes, j’ai décidé ce jour de la convocation d’un dialogue politique national inclusif et de la mise en place subséquente d’un comité préparatoire pouvant régler tous les aspects liés à son organisation», a-t-il déclaré.

Selon lui, «la tâche de la co-modération de ces assises pourra bénéficier de l’accompagnement d’une facilitation internationale qui aura à offrir ses bons offices en cas de difficultés majeures.».

Il a annoncé également son intention de prendre des mesures de grâce individuelles en faveur de certains prisonniers

L’ordre du jour

Dans son message, Joseph Kabila a évoqué des points qui devraient être débattus au cours de ce dialogue. Il s’agit de sujets sur lesquels des «divergences profondes d’opinions apparaissent sur la scène nationale au point de menacer l’unité et la stabilité du pays»:

Le fichier électoral

Le calendrier électoral

La sécurisation des élections

(10)

Le financement des élections

Le rôle des partenaires extérieurs dans ce processus

«Au-delà de la sécurisation physique et matérielle des candidats et électeurs, le problème de se pose à ce niveau est celui du rôle que devait jouer la classe politique, et chacun de nous, dans la promotion d’un environnement favorable à un processus électoral apaisé», a- t-il indiqué. « Dans quel état d’esprit doit-on aller aux élections ? Doit-on brûler le pays parce qu’on a perdu une élection ou l’exposer à des revendications violentes ? », s’est interrogé Joseph Kabila.

Pour lui, l’apport des partenaires de la RDC au processus électoral ne doit pas ouvrir la porte à l’ingérence extérieure dans les affaires intérieures du pays.

Le projet d’ordre du jour comporte uniquement des points techniques. Il n’y est nulle part question de la NULLITE des élections de 2011, d’où il découle que la RDC n’a plus d’autorités légitimes depuis quatre ans.

La question des prisonniers politiques reste pendante (sans doute afin de maintenir une pression, pour ne pas dire un chantage) alors que ce devrait être un geste de bonne volonté préalable.

Enfin, Kabila est une fois de plus resté « boutonné » sur ses intentions quant à un 3°

mandat. Alors qu’il en avait l’occasion, il n’a rassuré ni l’Eglise catholique, ni le G7 ni l’UNC de Vital Kamerhe, ni la société civile, encore moins la communauté internationale, qui attendent de lui en engagement solennel sur le respect de la constitution qui lui interdit un 3ème mandat.

Une démarche dans ce sens aurait certainement décrispé l’atmosphère politique au pays et aurait détendu ses rapports avec la communauté internationale.

Cependant, JKK reconnait que des divergences d’opinion aussi bien sur le processus électoral que sur l’organisation de la territoriale (ses Commissaires spéciaux hyper partisans et sans contre-pouvoir) divisent le pays au point de menacer sa stabilité et son unité. C’est pourquoi il a fait lui-même un plaidoyer pro-Dialogue pour trouver un consensus sur ces sujets qui fâchent. Sur le processus électoral, le consensus doit être trouvé sur le fichier- qui doit être fiable et inclusif (allusion aux nouveaux majeurs), la sécurisation- pour éviter les affrontements sanglants de 2006, 2007 et 2011, sur le budget- les 500 millions USD prévus dans le budget 2016 étant hypothétiques-, le calendrier (absence d’un calendrier à ce jour), l’environnement psychologique des élections (qui doit être apaisé), et même le type de scrutins. Sur ce dernier aspect, Joseph Kabila veut des élections moins coûteuses comme cela existe dans certains pays (préférence des scrutins indirects sur les directs). « Comment allier deux impératifs majeurs : démocratie et développement. Et faire en sorte que processus électoral ne soit pas en conflit avec le développement ? » s’interroge -t-il. Seul le Dialogue pourra se prononcer à ce sujet, répond-il lui-même. Le dialogue, qui a décidemment toutes les vertus, « peut permettre à la nation de prévenir une crise ». Le Dialogue, souligne-t-il pourra aboutir à un « consensus responsable » qui débouchera sur des élections crédibles, inclusives et apaisées ». Il n’a pas dit que grâce au Dialogue, demain, on rasera gratis. Il doit s’être retenu !

Joseph Kabila vient donc de convoquer le Dialogue, à deux jours de l’expiration de l’ultimatum lancé par l’UDPS d’Etienne Tshisekedi. Le timing de l’annonce est une concession aux ukases de l’UDPS qui menaçait de ne plus prendre part au Dialogue passé le mois de novembre. Ce qui aurait été un coup dur car plusieurs acteurs politiques majeurs se sont déjà prononcés pour son boycott. N’en déplaise au ministre de la communication Lambert Mende, qui affirmait il y a peu encore que les ultimatums de l’UDPS ne servaient à rien, ils servent à quelque chose. Kabila vient donc de désavouer son ministre le plus zélé.

(11)

Le Fantôme du Modérateur

Il convient d’être extrêmement prudent dans les commentaires, car le message est rédigé en termes volontairement flous de façon à pouvoir se prêter à de multiples interprétations.

Prenons par exemple l’affirmation que « l’apport des partenaires de la RDC au processus électoral ne doit pas ouvrir la porte à l’ingérence extérieure dans les affaires intérieures du pays ». Il est bien évident que tout le monde sera d’accord ! Même les états les plus interventionnistes condamnent néanmoins l’ingérence avec la dernière sévérité ! Même les hommes politiques congolais qui se répandent partout en voyages à l’étranger pour quémander des soutiens jouent tous, une fois rentrés chez eux, à « Plus nationaliste que moi, tu meurs ! »

Evidemment, le moment où les Romains s’empoignent, c’est quand il s’agit de définir la limite qui sépare « l’apport (acceptable) des partenaires » de « l’ingérence extérieure (inacceptable) dans les affaires intérieures du pays ».

Mais ce que l’on voit se dessiner vaguement dans ce brouillard ressemble beaucoup à ce que les anti-dialogue ont craint dès le départ : un deuxième tome des « Concertations ». Le terme de « co-modération » y renvoie clairement. Au cours de celles-ci, la « Modération » avait été assurée par les Présidents des deux Chambres : Léon Kengo wa Dondo et Aubin Minaku et, sur la fin et pour que la chose ait tout de même un petit air « international », Sassou Ngueso avait traversé le beech Ngobila pour réciter un petit couplet de félicitations. Faire appel à Sassou, quand on connaît le personnage et s’agissant d’élections « démocratiques », c’est carrément se foutre du monde.

Dans le projet de « dialogue » débité par JKK, la « facilitation internationale » n’a aucun rôle essentiel et se verrait plutôt réduite à la luxueuse inutilité d’un consultant honoraire «qui aura à offrir ses bons offices en cas de difficultés majeures ».

Il est à noter que « offrir ses bons offices », c’est tout au plus servir de conciliateur, voire de messager, presque de garçon de course et que limiter son rôle au « cas de difficultés majeures » permet toujours de l’envoyer coucher, sous prétexte qu’il y a une difficulté, oui, mais qu’elle n’est pas majeure !

A moins que sa demande de « facilitation internationale » n’ait jamais concerné qu’une telle présence d’un « fantoche international » - auquel cas sa complicité avec le pouvoir deviendrait patente – l’UDPS ne devrait réagir à une telle proposition que par un « non » court et sec. Toute autre réponse manquerait d’honneur et de dignité.

L’ombre d’Addis-Abeba

La « feuille de route » signée à Bruxelles, le l4 février 2015, par Etienne Tshisekedi wa Mulumba5se termine par un paragraphe sur « La responsabilité historique de la Communauté internationale » qui dit ceci :

« Pour toutes les raisons sus-évoquées, il y a urgence de convoquer un dialogue politique dans l’esprit de la résolution 2147 et de l’Accord-cadre (d’Addis-Abeba), particulièrement en ce moment où le peuple congolais, ayant dépassé le seuil du tolérable, pourrait être tenté par d’autres solutions qui risquent de réduire à néant les efforts déployés par la Communauté Internationale dans le cheminement de la République Démocratique du Congo vers un Etat de droit ».

La question : « Est-ce bien un dialogue qui s’inscrit dans le cadre de l’accord-cadre signé par Kabila à Addis-Abeba ? » surgit toujours lorsqu’il s’agit de circonscrire le cadre du dialogue et son ordre du jour. En effet, l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et les résolutions 2098

5 Sauf avis contraire, c’est de ce document que proviennent toutes les citations données ici comme textuelles (italiques) de ce que dit l’UDPS.

(12)

et/ou 21476du Conseil de sécurité des Nations unies sont les textes invariablement brandis par les partisans d’un dialogue convoqué et modéré (en fait quasiment présidé) par les Nations Unies et que les plus exigeants voudraient même convoqué en dehors du territoire de la RDC.

Cette exigence, qui n’est pas exclusivement le fait de l’UDPS, s’explique aisément par le désir de ne pas mettre sur pied un conclave entouré de toutes parts par la police de Kabila, présidé par ses hommes, noyauté par ses partisans et, éventuellement, chahuté de l’extérieur par des « manifestants spontanés et musclés » dont il fait un large usage et qui se recrutent pour une bouchée de pain dans les bas-fonds de Kinshasa. L’idée qu’il faudrait que les travaux soient dirigés par un homme neutre, peu impressionnable, sûr d’être protégé par le drapeau de l’ONU et éventuellement pas ses troupes, est assez raisonnable. On se surprend à penser que ce rôle semblait aller comme un gant à Martin Köbler et que l’on a attendu son départ pour annoncer le « dialogue ».

Tout le problème, c’est que cette thèse du « dialogue convoqué et présidé par l’ONU », ne ressort pas des textes eux-mêmes, ce qui la rendrait presque obligatoire, mais d’un raisonnement qui les enchaîne. Et un raisonnement, si bon soit-il, ce n’est pas un article de loi ! Pour rappel, dans le cadre de l’Accord d’Addis-Abeba, le gouvernement congolais a dû consentir à une ouverture politique et se soumettre à une évaluation nationale et internationale dans les domaines suivants :

1. Poursuivre et approfondir la réforme du secteur de la sécurité, en particulier s’agissant de l’ARMÉE et de la police ;

2. Consolider l’AUTORITÉ de l’ÉTAT, en particulier dans l’Est de la République démocratique du Congo, notamment pour empêcher les groupes armés de déstabiliser les pays voisins

3. Progresser sur la voie de la décentralisation ;

4. Aller de l’avant en matière de développement économique, s’agissant notamment du développement des infrastructures et de la prestation de services sociaux de base ;

5. Poursuivre la réforme structurelle des institutions de l’État, notamment la réforme financière et

6. Promouvoir la réconciliation, la tolérance et la démocratisation.

Partant de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, la résolution 2098 impute quant à elle au Gouvernement congolais, entre autres, la responsabilité « au premier chef (…) de la réconciliation nationale et de la consolidation de la paix… ». Elle insiste également pour que le Gouvernement s’engage « instamment à demeurer pleinement attaché à la mise en œuvre de l’Accord-cadre et à la protection des civils en se dotant de forces de sécurité professionnelles, responsables et durables… ».

Le point 14 b) de la résolution 2098 « demande au Représentant spécial pour la République démocratique du Congo de s’acquitter, au moyen de ses bons offices à promouvoir un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes congolaises en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation et encourager l’organisation d’élections provinciales et locales crédibles et transparentes ».

Selon l’article 69 de la Constitution de la RDC :« Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale,

6La résolution 2147 (2014) prolongeait et redéfinissait les mandats de la Monusco et, à titre exceptionnel, de la Brigade internationale d’intervention et rappelait ses résolutions antérieures sur la RDC 2086 (2013) 2136 (2014), 2098 (2013), 2078 (2012), 2076 (2012) et 2053 (2012)

(13)

de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux. »

En apposant sa signature sur l’accord-cadre, Kabila devrait naturellement se conformer au prescrit de l’article 69 de la constitution qui l’invite au « respect des traités et accords internationaux ».

En effet, l’article 215 de la Constitution dispose : « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois… ».

Cet article 215 de la Constitution confère effectivement à l’Accord-cadre une valeur normative supérieure aux lois congolaises. Par conséquent, en sa qualité de garant du bon fonctionnement de l’Etat (Article 69), Kabila n’avait pas d’autre option que de se conformer au respect de l’Accord-cadre et donc au respect de la constitution.

On le voit, il est possible de relier, par une chaîne de raisonnements logiques, l’accord- cadre d’Addis-Abeba à la convocation par l’ONU d’un dialogue encadré et protégé par elle.

C’est là un raisonnement qui tient. Malheureusement, ce n’est pas le seul raisonnement possible et nulle part on ne tient compte du fait que quelqu’un peut fort bien ne pas se conformer à une obligation, même inscrite dans la loi !

Et, en tout état de cause, adopter l’attitude de l’UDPS, qui parle et agit comme si l’accord-cadre contenait en toutes lettres, noir sur blanc, l’obligation pour l’ONU d’imposer aux parties congolaises un dialogue sous son égide, c’est solliciter grandement les textes et s’exposer à bien des déboires. Tshisekedi et consorts ont parfaitement raison de n’avoir pas voulu d’une réédition des « Concertations », formatées à l’avance et tellement encadrées par le pouvoir qu’elles ont été tout au plus un Congrès du PPRD avec quelques invités. Mais ils ont tout aussi parfaitement tort de prétendre tirer d’Addis-Abeba la position qui est la leur. Cela n’y est pas !

Fight and talk

Théodore Roosevelt disait qu’en politique « il faut parler d’une voix douce, mais tenir ostensiblement un gros bâton à la main ». Et, dans ce domaine, Kabila aurait tendance à en faire un peu trop.

Rappelons qu’il a dit « Après avoir recueilli vos avis directement et à travers ceux qui ont porté vos voix aux consultations », faisant ainsi allusion à ses activités depuis le mois de mai. Parlons-en !

Le 13 mai 2015, Kabila a réuni dans sa ferme présidentielle de Kingakati-Buene ses sociétaires du Bureau Politique de la Majorité Présidentielle pour préciser son agenda du dialogue. Devant ses troupes, il a déclaré qu’il va « organiser le dialogue pour préserver la paix et la sécurité, pérenniser la stabilité économique et créer des conditions de normalisation du processus électoral ». Pour ce faire, il n’a rien trouvé de mieux que de choisir un flic, au sens le plus antipathique du terme, le redouté Kalev Mutond, patron de l’ANR (les renseignements civils congolais), fonctionnaire de l’Etat et, de surcroit, bête noire de tous les contestataires, pour conduire les consultations auprès des opposants, des responsables de la Société civile et d’autres. Quoi de plus normal que la méfiance suscitée chez ses interlocuteurs par un tel visiteur. Quand un tel personnage sonne à votre porte, vous faites dire que vous n’êtes pas là et vous filez par la fenêtre !

La démarche a fait long feu. Le manque de volonté politique de Kabila et de son régime pour permettre une transition politique démocratique apaisée en RDC, est manifeste. Il a bien mené des consultations, et elles ont même duré longtemps. Mais, pour ce faire, les partis politiques - du moins ceux qui ont une certaine surface - lui ayant assez rapidement répondu

(14)

« non7», il a fait défiler dans sa salle d’attente le patronat, les syndicats, les églises… On s’attendait à le voir consulter la FECOFA, les associations de mamans maraîchères et les membres des fanfares.

Jusque-là, rien que du comique, mais il ne faut pas oublier que Kabila navigue toujours entre le talking and le fighting. Lorsqu’il échoue dans la répression des populations, il tente de négocier pour poursuivre sa politique autrement.

Il faut se rappeler qu’au lendemain des élections de novembre-décembre 2011, JKK s’est trouvé un moment en mauvaise posture, assez secoué parce que ces élections avaient donné des résultats qu'une personne avisée, réfléchie, d’esprit libre et critique devrait considérer comme nuls, donc sans gagnant.

C’est la brusque reprise de la guerre à l’Est, avec l’attaque du M23 sur Goma qui a le plus contribué à lui sauver la mise. D’abord, parce qu’une guerre – surtout venant du Rwanda ! – provoque quasi-automatiquement un regroupement autour du drapeau, ensuite parce que les discussions de Kampala ont traîné en longueur. Ce fut une course de fonds chez les escargots, mâtinée de quelques épisodes inspirés de la procession d’Echternach. Il n’a pas été donné suffisamment d’attention au fait que cette attaque « providentielle » a été déclenchée par l’annonce de poursuites qu’on se proposait d’exercer à l’encontre de Bosco Ntaganda, jusque- là proclamé « intouchable » par Kinshasa « dans l’intérêt de la paix ». Cette guerre a donc bien eu lieu à l’Est, mais c’est à Kinshsa que l’on avait appuyé sur le bouton du détonateur !

Avec le temps qui passait, la distraction fournie par la guerre, puis par les pourparlers, la contestation des « résultats » électoraux perdit de son mordant et resta pour finir sans suite.

La suite aurait dû être l'annulation pure et simple, des enquêtes sérieuses pour déterminer les causes et origines des irrégularités, qu’on punisse les responsables, qu’on les écarte définitivement de toute responsabilité électorale et qu’on en tire les conséquences quant aux futures élections. Il aurait dû y avoir une protestation générale des démocrates de tous les partis, car un démocrate ne saurait accepter que son candidat gagne par la fraude, la corruption et le mensonge.

Au lieu de quoi on n’a assisté qu’à des élucubrations pour défendre la victoire « officielle » de JKK, et à d’autres élucubrations pour défendre celle, tout aussi hypothétique, de Tshisekedi.

Cette situation peut fort bien se répéter. Conscient de ne plus disposer d’une marge de manœuvre, politique et diplomatique, suffisante, et après l’échec de la répression militaire de janvier face à la résistance d’une population qui n’a pas reculé, de plus en plus isolé même dans son propre camp politique à la suite des récentes défections de hauts cadres de sa plateforme politique (G7, Katumbi,…), Kabila semble recourir au dialogue pour tenter un tant soit peu de récupérer le jeu politique en sa faveur. Mais au fond et en réalité, les mobiles, la finalité ainsi que les tenants et les aboutissants de sa démarche semblent demeurer invariablement les mêmes: rester aux commandes de la RDC au-delà de son dernier mandat présidentiel en 2016.

Car, le 23 octobre dernier, le M23 qui semblait avoir fait son deuil de la rébellion menée au sortir des élections générales de 2011 et avait même manifesté l’intention de devenir un parti politique, a subitement retrouvé des muscles, des moustaches et des dents.

Dans un communiqué rendu public à cette date, il se rappelait au souvenir de tous les Congolais. L’ancien mouvement rebelle menaçait de se désengager des déclarations de Nairobi.

Ni plus ni moins. Or, ces accords font partie des soubassements du trop fameux Accord-cadre d’Addis-Abeba.

7L’UDPS a répondu « oui, mais… » et avancé un certain nombre de conditions, dont notamment celle de la facilitation internationale, puis a négocié en Espagne et en Italie.

(15)

Le moment choisi pour exiger la réévaluation de l’accord et des engagements souscrits par tous les signataires n’est certes pas anodin.

Respect d’un ultimatum, et après ?

L’allocution de JKK a donc eu lieu deux jours avant le terme fixé par l’ultimatum de l’UDPS, et deux jours après le message des évêques, dont il va être question plus loin. La tentation est dès lors forte de la commenter comme constituant une « réponse » aux uns ou aux autres. Voyons ce qu’il en est.

Contourner l’ultimatum de l’UDPS était impossible. C’était un risque à ne pas prendre.

Tout simplement parce que ce parti était la seule « grosse pointure » de l’Opposition à ne pas avoir répondu d’emblée par la négative. Sans la participation du parti de Tshisekedi, JKK se serait retrouvé dans la même situation que lors des Concertations. Les participants auraient été le PPRD, ses alliés (mais diminués des 7 partis du G7) et des partis de semi-opposition qui peuvent tenir leur congrès plénier dans une cabine de téléphone, y compris le parti de Kengo, dénommé l’OR, ce qui prouve au moins qu’il n’a pas peur des jeux de mots ! Le respect de l’ultimatum reflète donc bien une crainte, mais il s’agit bien plus de la peur du vide que de la peur de l’UDPS.

Ce parti peut –il se targuer d’avoir obtenu quelque chose, en dehors du respect de son ultimatum et de la présence d’un « fantoche international » qui pourrait « offrir ses bons offices », c’est tout au plus servir de conciliateur, voire de messager, presque de garçon de course, et encore, uniquement « en cas de difficultés majeures », en guise de réponse à sa demande de « facilitation internationale » ?

Si l’on se réfère à la fameuse « feuille de route », Tshisekedi avait bien prévu qu’au Dialogue, il n’y aurait que deux groupes d’interlocuteurs, définis comme « Le président Etienne Tshisekedi et ses alliés pour le camp du changement » et « Monsieur Joseph Kabila et les siens pour le camp du statu quo ». Ils devaient être numériquement à égalité : 20 délégués partout.

Mais il va de soi que dans l’imaginaire tshisékédien, cela signifiait simplement qu’il serait enfin reconnu comme le seul véritable opposant qu’il y ait jamais eu et comme le vrai vainqueur des élections de 2011. Voyez ci-dessus qui est « Président » et qui est « Monsieur » !

Ce n’est pas exactement cela qui risque de se produire.

L’UDPS reconnaissait aussi que « le contentieux électoral de 2011 se trouve être la cause essentielle de la crise politique actuelle en République Démocratique du Congo » et préconisait donc de s’y attaquer. Mais il ressortait assez vite du contexte que ce contentieux, à ses yeux, était avant tout que l’on avait « volé » la victoire de Tshisekedi à la Présidentielle. Or, le problème est beaucoup plus grave et plus profond.

Les élections de 2011 avaient été organisées, tout comme celles de 2006, en faisant voter un « corps électoral inconnu », faute de recensement préalable de la population. Ce fait à lui seul suffirait à en « plomber » gravement la crédibilité. Elles ont, par-dessus le marché, été entachées de fraudes et de manipulations à un point tel qu’elles ont donné des résultats qui, en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la « vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote, dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. On n’a donc que des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de la présidentielle, sinon pires. Mais la CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à jamais inconnus.

C’est d’autant plus certain que la CENI a fait incinérer tous les documents relatifs aux élections

(16)

de 2006 et 2013 en octobre 2014, soit, en ce qui concerne les plus récents, après un délai de trois ans seulement, anormalement court pour ce genre d’affaires. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait accompli. Le fait que Malumalu, aujourd’hui démissionnaire, principal responsable de cette absurdité d’élections sans recensement préalable de la population, ait été remis un temps à la Présidence de la CENI, était une promesse de beaux jours pour les fraudeurs !

Il suffit de lire l’étendue des dégâts et de se rendre compte que leur principale origine réside dans l’absence de recensement de la population pour se rendre compte que la première chose à faire, la plus urgente, est de procéder à ce recensement8. Curieusement, ce point essentiel du recensement n’est évoqué par personne !

Le document veut ensuite, dans un «

Moralité : en pratique, l’UDPS n’a rien obtenu, sinon de faire bonne impression parce que Kabila a dit quelque chose (mais fort peu de choses) avant le 1° décembre.

CencoLa RDC vient de faire un pas de plus en direction d’un règlement de ces comptes dans la rue.

8C’était d’ailleurs la position de l’UDPS au moment du « dialogue intercongolais » !

9

(17)

CIDDHOPE

CERCLE INTERNATIONAL POUR LA DEFENSE DESDROITS DE L’HOMME, LA PAIX

ET L’ENVIRONNEMENT/asbl Secrétariat Exécutif

Programme Accès à la Justice et Lutte Contre l’Impunité

Pour Diffusion immédiate

Lubero, 26 novembre 2015 COMMUNIQUE DE PRESSE : N/Réf. :

059

/CIDDHOPE/PAJLCI/

15

«Usage excessif de la force par la Police Nationale Congolaise et l’armée pour disperser les jeunes étudiants transportant la dépouille mortelle de l’honorable KENDAKENDA à Goma fait la mort, des enquêtes sérieuses

s’imposent »

Le CIDDHOPE invite l’Auditeur Supérieur près la Cour Militaire du Nord-Kivu à diligenter sans délai des enquêtes sérieuses afin de dénicher l’auteur des tirs ainsi que la chaine de commandement ayant autorisé l’usage des balles réelles qui a causé la mort de la fille KAHAMBU Juliette âgée de 9 ans, l’infortunée était écolière à l’EP MABANGA habitant au Quartier Mabanga-Nord, Avenue Kindu II, n°495 en Commune de Karisimbi, Ville de Goma.

Les informations recueillies par le CIDDHOPE suggèrent que des policiers mêlés aux militaires tentaient de disperser les jeunes étudiants et membres de famille qui transportaient le corps sans vie de l’honorable député Provincial KENDAKENDA Valérien décédé en état de détention.

Tout en condamnant ce manque de professionnalisme dans le chef des certains agents de sécurité, le CIDDHOPE note avec amertume que chaque fois que la population civile et non armée voudrait manifester publiquement son mécontentement elle fait face à une police qui agit avec brutalité en utilisant de manière disproportionnée la force létale et qui souvent donne lieu à des pertes en vies humaines, blessures graves, pertes des biens et parfois la paralysie des toutes les activités.

Le CIDDHOPE croit qu’il y a lieu d’envisager la remise à niveau des policiers sur les techniques d’encadrement des manifestations civiles et le respect strict des droits de l’homme.

Force est aussi de faire noter que conformément à la loi régissant la police nationale congolaise les éléments des forces armées n’interviennent dans les activités de

(18)

maintien de l’ordre que sur réquisition très spéciale de l’autorité administrative civile, et ce, à la seule condition que la police soit déjà débordée par la situation.

Dans le cas sous examen, l’intervention arbitraire de l’armée transparait dans toute sa splendeur. Rien ne justifiait son intervention.

Ainsi, le CIDDHOPE est convaincu que si des enquêtes sérieuses doivent être menées et aboutir à des sanctions contre les auteurs présumés de cette mort inopinée afin de décourager pareils agissement au sein des forces de sécurité œuvrant en Ville de Goma, cela fera honneur à la famille de la victime.

Au regard de la situation décriée et décrite ci-haut, le CIDDHOPE recommande : A l’Auditeur Supérieur près la Cour Militaire du Nord-Kivu de :

- Procéder aux enquêtes pour retrouver l’auteur matériel du décès de la victime ; - Retracer la chaine de commandement pour que les responsables répondent de leurs actes devant la justice afin que la famille de l’illustre disparue trouve réparation des préjudices subis ;

- Ordonner le retrait du corps à la morgue après la fin des procédures légales prévues pour cette fin.

A Monsieur le Maire de la Ville de Goma de :

- Organiser et prendre en charge aux frais de l’Etat les obsèques de la victime ou rembourser les frais consentis par la famille de la défunte.

A la famille de la victime de :

- Daigner recevoir les condoléances les plus attristées du CIDDHOPE ; - Se constituer pour porter plainte à la Justice Militaire afin obtenir réparation.

Pour le CIDDHOPE,

Me Espérance ISAMBIRO Me Dellyco Mbambu

NYAMWAMI

Chargée de Programme Secrétaire Exécutif

(19)

D P Culture

avec la participation (tout à fait involontaire) de Jean Claude Van Damme

(cerveau choc)

dont voici une pensée particulièrement profonde

et c’est pourquoi,

avec le même sens de la pensée profonde, forte et vraie, nous vous disons

« Même s’il fait froid et que tu grelottes désynchronise-toi

et essaie de ne pas bronzer idiot,

même en hiver ! »

(20)

DP

Arts graphiques

Anne-Catherine Van Santen

(21)

Erreur monumentale de l'Occident ou Échec monumental de l'Occident ?

Selon Ahmed Bensaada10, un auteur montréalais, le chaos actuel proviendrait de l’influence américaine sur le Printemps arabe

Dans la deuxième édition de son livre Arabesque, l’auteur tente de démontrer que le Printemps arabe de 2011 a été fortement influencé par les États-Unis. Il avance que des organisations américaines ont recruté, formé et payé des cyberactivistes pour orienter les révolutions et qu’ensuite, les Américains ont aidé certains groupes islamistes à prendre le pouvoir. Selon M. Bensaada, il s’agit d’une

«erreur monumentale» qui coûtera cher à l’Occident, puisque certains islamistes sont devenus terroristes, plongeant le monde dans le chaos comme on l’a vu à Paris.

Question : Selon vous, les récents attentats de Paris sont-ils intimement liés à l’influence­­

américaine lors du Printemps- - arabe ?

10Titulaire d’un doctorat en physique et enseignant en science, Ahmed Bensaada est passionné par la politique du Moyen-Orient. Il a été amené à faire des commentaires dans les médias, puis à écrire dans des magazines et des journaux. Au terme de plusieurs semaines de recherche et avec un certain recul sur le Printemps arabe, il publie la deuxième édition d’Arabesque. Ahmed Bensaada devait repartir en Algérie en 1994, après avoir obtenu son doctorat en physique à l’Université de Montréal. Mais l’assassinat de son frère Hocine dans son pays natal par les islamistes la même année a bouleversé ses plans. Il a choisi de rester au Québec, d’où il surveille la politique du Moyen-Orient.

(22)

Réponse de Ahmed Bensaada : Ce qui se passe en France est une conséquence du Printemps arabe qui a mal tourné, en particulier en Syrie. Ce que je reproche au Printemps arabe, c’est qu’au lieu de ramener l’espoir et la paix, ça n’a amené que le mal dans le monde.

Question : Vous soutenez que le but premier des révolutions n’était pas d’instaurer­­ la démocratie. Quel était-il alors ?

Ahmed Bensaada: Ce qui était recherché en premier lieu, c’était d’avoir des gouvernements proaméricains, pro-occidentaux, avec lesquels les Américains pourraient faire­­ ce qu’ils veulent en fait, en matière de commerce, de relations

politiques, de position géopolitique.

Question : Est-ce que les États-Unis ont quelque chose à se reprocher par rapport aux attentats de Paris ?

Ahmed Bensaada : Les États-Unis ne sont pas directement impliqués dans les attentats de Paris, mais indirectement, ils le sont très certainement. Tout d’abord, les États-Unis ont financé l’opposition syrienne dès 2006 à hauteur de plusieurs millions de dollars. D’autre part, les États-Unis ont ouvertement financé, formé et appuyé des rebelles syriens pour combattre Bachar al-Assad.

Ainsi, les États-Unis ont, pendant des années, largement contribué à la déstabilisation de la Syrie et y ont créé un

chaos qui a considérablement affaibli le gouvernement syrien et permis l’émergence de Daech (État islamique) en Syrie- - . Rappelons aussi que Daech a été créé sur le territoire irakien, à la suite de l’invasion américaine sous le fallacieux prétexte de la présence d’armes de destruction massive, invasion qui a provoqué la destruction de l’Irak.

Question : Diriez-vous que la volonté des États-Unis de démocratiser le Moyen-Orient a provoqué la montée de l’État islamique ?

Ahmed Bensaada : En fait, peut-être pas l’État islamique, mais disons qu’elle a provoqué la montée de l’islamisme, et elle l’a même favorisée.

Question : Est-ce que le fait de favoriser les islamistes au pouvoir, c’était une erreur de l’Occident ?

Ahmed Bensaada : C’était une erreur monumentale selon moi. On ne peut pas jouer avec des islamistes. Ce sont des gens qui ont été aidés par différents pays dans un contexte précis, mais après, on ne les contrôle plus.

Question : Mais n’est-ce pas la population qui les a élus ?

Ahmed Bensaada : Vous ne pouvez pas avoir le pouvoir actuellement dans les pays arabes si vous n’avez pas l’aval des Occidentaux. Ce n’est pas très compliqué. On peut aider un mouvement de différentes manières. Premièrement en le crédibilisant, ensuite en lui donnant de l’argent.

Question : Qu’est-ce qui s’est passé à Paris ?

Ahmed Bensaada : Ce qu’on a vu en France, ce sont des jeunes qui ont eu un lavage de cerveau.

Ils n’étaient rien de plus que de la chair à canon. Au moyen des médias sociaux, on leur a

(23)

inculqué de faire la guerre sainte pour l’Islam. Ce sont des jeunes qu’on a choisis parce qu’ils vont aller jusqu’au bout. On les a formatés pour tuer.

Question : En tant que musulman, ça doit vous blesser tout ça.

Ahmed Bensaada : L’attentat de Paris est venu me chercher pour plusieurs raisons.

Premièrement, j’ai perdu mon frère en 1994 dans un attentat commis par des islamistes. Ensuite, je pense que les gens vont faire des amalgames et dire que tous les musulmans sont comme ça.

Ils ne feront pas la différence. Les terroristes sont des gens qui salissent la religion. Je regrette, mais on ne peut pas tuer au nom d’une religion. Eux sont morts. Nous, on est encore vivants, et on va être stigmatisés. Ça nous touche au moins autant que les autres citoyens. C’est indélébile, ces choses-là. Ça va rester longtemps.

Le livre Arabesque en 4 points

Au terme de plusieurs semaines de recherche et avec un certain recul sur le Printemps arabe, il publie la deuxième édition d’Arabesque.

1. Comment faire la révolution chez vous - Les États-Unis ont financé un centre pour la formation de jeunes révolutionnaires, selon Arabesque. Le Centre pour l’application des actions et des stratégies non violentes dans le monde (CANVAS) a diffusé ses enseignements sur le web en publiant le document La lutte non violente en 50 points.

Le directeur général du CANVAS, Srdja Popovic, a reconnu dans un journal suédois avoir formé des jeunes en vue du Mouvement du 6 avril, créé en 2008, et qui est devenu un fer de lance de la chute de Moubarak en Égypte. Dans le documentaire How to Start a Revolution, l’activiste Ahmed Maher reconnaît que les activistes de son groupe avaient téléchargé le manuel américain.

2. L’instrumentalisation de cyberactivistes - Ahmed Bensaada tente de démontrer dans son livre que de jeunes leaders ont été recrutés et payés par les États-Unis pour promouvoir la démocratie et semer l’idée de révolution sur internet. Dans Arabesque, on peut lire qu’une compagnie américaine a conçu le logiciel TOR, qui propose ses services aux activistes qui ne veulent pas être retracés avec leur adresse IP. L’auteur souligne par contre que ces jeunes n’étaient pas visés pour la suite des événements. «Les gens qui font la révolution disparaissent en même temps que le dictateur. Ce ne sont pas des jeunes politisés. Ils ont semé la révolution, mais ce sont des islamistes qui ont pris le pouvoir.» Qui plus est, Bensaada affirme que les États-Unis ont financé des groupes islamistes pour les aider à prendre le pouvoir.

3. Google et Twitter dans le coup - Le logiciel du web anonyme, TOR, a été financé en grande partie par Google, Human Rights Watch ainsi que par le laboratoire de recherche de la marine des États-Unis, selon les déclarations d’Arabesque. Par ailleurs, il est rappelé qu’en pleine crise en Égypte, quand le gouvernement a coupé l’internet et la téléphonie mobile le 28 janvier 2011, Google et Twitter ont travaillé ensemble pour permettre aux cyberactivistes de communiquer. L’application Speak2tweet est un service qui a été créé pour pouvoir appeler à un numéro et laisser un message vocal qui serait retransmis sur le fil Twitter d’un cellulaire.

4. Le Printemps arabe, rien de romantique - Dans Arabesque, l’auteur Ahmed Bensaada détruit l’illusion que les peuples arabes se sont spontanément délivrés. Il avance que tout était calculé, que les Américains finançaient depuis quelques années des organismes de la promotion des droits de la personne et de la démocratie. De plus, il est

(24)

clair pour l’auteur que les Américains n’ont pas agi de la sorte par simple bonne foi.

«Les États-Unis n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des alliés.»

Emmanuel DONGALA, Johnny chien méchant

L'auteur

Emmanuel Dongala est un écrivain et chimiste congolais né en 1941. Il a d'abord étudié à Strasbourg, Montpellier et aux États- Unis pour ensuite devenir professeur de chimie à Brazzaville. Il y restera jusqu'à la fin des années 90 où une guerre éclatera. C'est en 1997 qu'il partira aux États-Unis grâce à un mouvement de solidarité dirigé notamment par son ami Philip Roth, pour devenir professeur de chimie dans le Massachusetts. Cette échappée aux États-Unis l'a sûrement beaucoup marqué puisque dans Johnny Chien Méchant, Laokolé se voit proposer par une journaliste de partir aux USA.

Il a écrit Un fusil dans la main, un poème dans la poche, Le feu des origines, Jazz et vin de palme, Les petits garçons naissent aussi des étoiles et Photo de groupe au bord du fleuve.

Le livre : Des adolescents dans une Afrique ravagée par des guerres absurdes

C'est un sujet d’actualité dont on a choisi de nous parler. Une guérilla en Afrique comme si vous y étiez... Ce livre est celui des adolescents vieillis trop rapidement par des guerres absurdes. Il devrait marquer les mémoires. Un coup d'état « quelque part en Afrique » comme si vous y étiez à travers le quotidien de deux personnages que tout oppose : un milicien, Johnny, et Laokolé, une jeune fille qui se retrouve prise au piège dans cette guérilla et qui tente de s'en sortir avec les moyens du bord. Nous voyons ces images chaque jour sur le poste de télévision, l'horreur des guerres absurdes menées dans les pays d'Afrique ou d’ailleurs. Mais les mots d’Emmanuel Dongala nous atteignent et nous font prendre conscience de la cruauté de ces petits combats vulgarisés, banalisés sur nos écrans.

Malgré soi, du fait que l’auteur est mi-congolais, mi-centrafricain, a fui le Congo en 1997 lorsque la guerre civile a ramené Sassou Nguesso au pouvoir, on se surprend à se demander si « quelque part en Afrique » ne veut pas dire « au Congo », ou « en RCA » ou…

ou… il y en a encore bien d’autres ! En Afrique, ce ne sont pas les guerres qui manquent, on en trouve tant qu’on veut. Elles sont plus nombreuses, et surtout elles durent plus longtemps que ne nous le disent nos médias. Des guerres civiles africaines, les médias occidentaux nous donnent des aperçus brefs dans l’actualité, commentant de temps à autre un élément particulier dans ce qui semble, bien malheureusement, être devenu un fait routinier. Combats par ci, exode de population par-là, visite d’un camp de réfugiés du HCR de tel ministre européen un jour,

(25)

coup d’état d’un nouveau président autoproclamé le lendemain. Jamais, jusqu’à la lecture de ce formidable roman d’Emmanuel Dongala, les conflits civils opposants des clans ethniques d’un même pays n’avaient été si palpables, si réels. Deux récits saisissants : l'un d'effroi, l'autre de courage. Action, suspense, information : tout est là pour un roman réussi... et vous ne regarderez plus jamais les actualités de la même façon ensuite !

Il ne faut cependant pas chercher ici de roman « à clés ». Certes, nous apprenons au fil du texte que deux présidents se disputent le pouvoir, ce qui fait penser à Sassou et Lissouba, et les miliciens rebelles sont chargés de prendre l’immeuble de la radio où se trouve la présentatrice du JT, ce qui donne à supposer que la ville dont on nous parle est la capitale. Mais les gens qui fuient ne cherchent jamais à passer un fleuve, ce qui est pourtant le moyen le plus simple pour fuir d’un Congo à l’autre Congo. Le teste est parsemé, de ci, de là, de quelques textes ou discours entendus à la radio, mais même les tirades patriotiques ne parlent que « du pays », sans le nommer. Quelques mots en langue locale sont les seuls éléments congolais reconnaissables. Souvent, dans les guerres africaines et c'est le cas dans le livre, on ne sait pas trop ce qui a déclenché la guerre et on suppose que c'est une ancienne guerre de tribus. Toutefois ces tribus, histoire de nous faire comprendre qu’elles sont « de nulle part et de partout », s’appellent des Mayi-Dogos et les Dogo-Mayis. Mais il est surtout question des enfants qui sont pris dans ces guerres, que ce soit du côté des civils (Laokolé) ou des soldats (Johnny).

Le livre s'ouvre sur Laokolé, une jeune fille de seize ans qui vit seule avec sa mère cul- de-jatte et son petit frère ; elle entend à la radio un discours du général Giap, le chef d'un groupe de rebelles qui autorise ses hommes à piller la ville. Parmi ces hommes se trouve Johnny dit Lufua Liwa, un enfant soldat lui aussi âgé de seize ans ; il a reçu le message du général et se prépare au pillage.

Le livre est construit sur le schéma des « récits alternés ». De leurs deux récits en parallèles, qui parfois se croisent, Laokolé et Johnny donneront une image de la guerre vécue de l’intérieur. D’un côté, la guerre vue comme un grand jeu, sans règles, sans encadrement, avec ses plaisirs immédiats comme le droit de mort, le viol, ou encore la possession d’objets volés qu’ils sont fiers d’exhiber. De l’autre, un courage exemplaire, une force surprenante dévouée à la survie, capable de faire face au pire sans perdre aplomb, qui malgré tout restera debout.

Les chapitres passent alternativement d'un personnage à l'autre (avec quelquefois deux chapitres consécutifs sur le même personnage). On suit ainsi l'histoire de Laokolé qui cherche à fuir la guerre avec sa famille et celle de Johnny qui participe à la rébellion. Les deux personnages sont parfois presque au même endroit mais ne se rencontrent pas vraiment avant la fin.

Les deux personnages ont donc seize ans, des mentalités très différentes, mais évoluent tous les deux vers l’âge « adulte »:

Laokolé et Chien Méchant vivent dans un pays en proie à une terrible guerre civile. La première fuit sur les routes avec sa mère, amputée des deux jambes, qu’elle transporte dans une brouette, son petit frère à ses côtés. Fille d’un maçon tué par la milice, elle fuit la ville, les zones de combat et les miliciens avec ce qu’elle a de plus cher : sa mère, son frère, un peu d’argent, une photo de ses parents, quelques biens qu’elle porte sur son dos. Johnny, lui, s’est enrôlé dans la milice, et s’est placé sous les ordres du “général” Giap, surnom de guerre qu’il est fier de lui avoir trouvé. Armé jusqu’aux dents, il patrouille avec ses hommes afin de démasquer les Tchétchènes (la milice du camp adverse) qui se cachent dans la population civile, et qui sont

(26)

des terroristes soutenant l’ancien président. Donc une menace à abattre. En parcourant les rues, ils abattent les hommes, violent les femmes, pillent les maisons. Avec ses gri-gri sur le torse, Johnny se sent protégé. Lui qui rêve de devenir intellectuel doit trouver un nom de guerre à la hauteur de ses ambitions : ce sera Chien Méchant.

L’histoire, cependant, ne se résume pas à une poursuite. D’ailleurs, si Laokolé qui fuit et Johnny qui monte à l’assaut se croisent à plusieurs reprises, ils ne se connaissent pas et n’entreront réellement en contact qu’à l’extrême fin du livre. A plusieurs reprises, il y a comme des pauses dans ces deux courses effrénées. Laokolé connait des répits précaires au HCR, dans la maison d’une amie, dans un village de la forêt… Johnny s’arrête à l’immeuble de la radio, improvise une orgie (pimentée de viol) dans la maison d’un homme riche, participe à une ribouldingue non moins gratinée « pour fêter la Victoire »…

Ces répits ne sont que l’occasion de « reculer pour mieux sauter ». Ils ne sont que l’occasion de constater l’impuissance, voire même l’égoïsme des organismes internationaux (les « expat » en prennent pour leur grade dans quelques portraits dont je ne veux pas dire qu’ils sont sévères, mais qui en tous cas ne sont pas flattés). Puis, soudainement, les armes parlent à nouveau et l’on plonge un cran plus bas dans l’horreur.

Laokolé, au début, est très apeurée mais elle comprend vite qu'au sein de la famille, elle va devoir remplacer sa mère car celle-ci est extrêmement diminuée. Tout au long du livre, elle va donc essayer de protéger sa famille et de fuir. Elle rencontre beaucoup de personnes et certains l'aident malgré la guerre ; elle en est très surprise et admire ces gens qui ont su garder leur humanité pendant une telle catastrophe, un homme qui l'aide à franchir une clôture, une infirmière, un homme qui transporte sa mère à vélo, etc. C'est à la fin, quand elle rencontre Johnny, qu'on sent qu'elle a beaucoup mûri car elle protège une petite fille, comme une mère.

Lorsqu’une journaliste demande à Laokolé si elle veut venir aux États-Unis avec elle, on songe à l’itinéraire de l’auteur. Elle refusera dans un premier temps pour s'occuper de sa mère blessée et de son amie Mélanie. Moins de vingt-quatre heures plus tard, toutes deux seront mortes.

Pour Johnny, en revanche, la guerre ressemble à un immense jeu ; il n'a pas l'air de se rendre compte de ce qu'il fait quand il tue quelqu'un ; il est souvent en quête d'un meilleur surnom, il en prend trois dans l'histoire. Il n'a pas conscience de l'ampleur de la guerre à laquelle il prend part car il est persuadé que son chef: le général Giap, est l'un des principaux acteurs de la guerre alors qu'il ne commande qu'un petit groupe de rebelles. Il a un grand intérêt pour les intellectuels, intérêt qui fait penser à un autre livre de Dongala, Un fusil dans la main, un poème dans la poche, qui raconte l'histoire de la lutte intellectuelle puis armée d'un indépendantiste africain. Johnny se croit un intellectuel parce qu'il a volé une Bible qu'il proclame premier livre de sa bibliothèque personnelle et parce qu'il est allé jusqu'en CE1. Au moment où les rebelles viennent recruter des enfants, il se demande pourquoi il faudrait se battre pour une question de tribu mais l'arrivée d'un soi-disant docteur l'aveugle et il adhère aveuglément à la rébellion, entraînant un autre jeune, le futur Giap qu'il amadoue en lui promettant un lecteur DVD. Bref, il joue à la guerre mais grandeur réelle.

À un moment donné, le chapitre « Johnny » et le chapitre « Laokolé » finissent par la même phrase commentant la vision d'un meurtre: « Vraiment, les gens sont méchants, ils n'ont pas de cœur ». Pour Laokolé c'est parce que le commando de Johnny vient d'exécuter un jeune qu'ils soupçonnaient d'être un Tchétchène. Pour Johnny c'est parce que l'un de ses camarades

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

C’est pour parvenir, ensemble et de manière consensuelle, a relever ces défis que des repré- sentants de la Majorité présidentielle, de l’Opposi- tion politique et de la

Bien sûr, il est possible de gloser sur le fait que même dans les cités antiques il y avait une sérieuse marge entre « le peuple » et « tout le monde », que cela ne

très juste à dire. Mais je suis en désaccord total avec lui en ce qui concerne l’ampleur du rejet à opposer à l’afrocentrisme. Pour Howe, l’afrocentrisme relève avant tout de

3 Le «clip officiel» de Zaz sur YouTube est plus animé que sa vidéo réalisée dans la rue. Noteer het nummer van elke bewering, gevolgd door ‘wel’

Aujourd’hui, les jeunes femmes comme Bridget Jones (notre photo) aiment bien se détendre certains soirs dans un pyjama en

physique, langues… quelle que soit la matière, tout pourrait être intéressant s’il y avait en face le prof idéal. C’est loin d’être toujours le cas. Alors, c’est quoi,

De Big Brother aux Pays-Bas à Loft Story chez nous, la real-TV nous montre «la vraie vie de vraies gens».. Elle a atteint le maximum de son succès, et se montre sur les écrans

E n janvier dernier, Rémi Millet, 23 ans, employé du McDonald’s de Lescure- d’Albigeois (Tarn), apprend qu’il est licencié. Grief: «Non- respect du règlement intérieur