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Année 2016 n° 6

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le dimanche 24 avril 2016

Année 2016 n° 6

Wappers : Révolution belge.

Sommaire

Politique

Partis politique et Démocratie (1)… page 1 Brésil

Les députés approuvent la destitution de Dilma Rousseff… page 12 RDCongo

Makalamizdat (édition des travaux érudits de l’Université de Makala) Crise politique en RDC: UN PROBLÈME D'ANTHROPOLOGIE

Une note de Me Firmin Yangambi… page 14 Amérique latine

« L’ambassade des USA au Brésil ressemble à celle aux temps d’Allende au Chili »…

page 17

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Politique

Partis politique et Démocratie (1)

Lorsqu’on s’est mis à envisager, dans la seconde moitié du XVIII° siècle, de gouverner les états alors existants d’une façon que l’on qualifiait de « démocratique », on s’est trouvé contraint par le fait même d’inventer la démocratie représentative.

Le rêve de la « Cité Antique »

Démocratie signifie « pouvoir du peuple ». Cela n’indique nullement comment le peuple va s’y prendre pour exercer ce pouvoir, ni, d’ailleurs, qui précisément entre dans ce « peuple ».

Il s’agissait en effet de faire à nouveau fonctionner l’assemblée du peuple, reprise à la cité antique, mais dans des états très vastes, hérités de l’époque de l’absolutisme. Ce n’était pas une idée neuve que la démocratie. La nouveauté résidait dans l’échelle à laquelle on se proposait de la faire fonctionner.

Bien sûr, il est possible de gloser sur le fait que même dans les cités antiques il y avait une sérieuse marge entre « le peuple » et « tout le monde », que cela ne concernait ni les femmes, ni les esclaves, ni les étrangers (qu’on appelait « métèques » à Athènes, mais ce n’était pas encore une insulte) et qu’à Sparte, le sort des ilotes n’avait rien d’idyllique.

Ces remarques sont parfaitement valables mais ne retirent rien à la validité de l’affirmation qui nous intéresse ici : il s’agissait de rassembler toutes les personnes admises à se considérer comme membre de l’entité « peuple » pour lui demander de prendre directement des décisions, telles que d’adopter ou de rejeter des textes de lois. Que ce peuple ait été « à géométrie variable » peut faire l’objet de maintes notes érudites est intéressant mais n’ôte rien à l’information qui, seule, nous intéresse ici : au sens premier, la démocratie consiste à faire voter le peuple pour prendre des décisions, non à lui demander de désigner des représentants pour le faire à sa place.

Dans la seconde moitié du XVIII° siècle, d’où vont sortir les institutions qui, dans les grandes lignes, régissent encore actuellement nos vies, les institutions de l’Antiquité représentent un idéal. Inutile de le dire, puisque c’est le cas à chaque fois qu’on lâche ce grand mot, cet « idéal » est assez loin des institutions et des évènements réels de l’histoire antique.

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Les Grecs et les Romains auxquels on aime à faire ces multiples et longues références littéraires qui rendent les discours de l’époque si redoutablement soporifiques, doivent bien plus à Corneille, ou à la rigueur à Plutarque, qu’à ce qu’ils ont été réellement. Cela importe peu, car il ne s’agissait pas d’Histoire : tous ces « Antiques » ne représentaient que des modèles à imiter.

Et même ainsi, cela posait encore des problèmes !

Jusque-là, on avait considéré qu’une démocratie pouvait fonctionner dans des états de petite taille, comme l’avaient été les cités grecques, les républiques médiévales italiennes, les cantons suisses, ou encore la petite Rome républicaine à laquelle la Révolution française dédia tant de fleurs de rhétorique et tant de monuments en carton-pâte. De grands états devaient au contraire être dirigés par des pouvoirs centralisés, donc despotiques. Pourquoi ? Parce que la démocratie supposait que l’on puisse réunir toute la population – ou du moins celle qui disposait de droits politiques – en un seul endroit (forum, agora, etc…) pour pouvoir la consulter. Et, pour que cela soit possible, il fallait évidemment que tous les citoyens puissent gagner ce lieu de réunion sans avoir à entreprendre un long voyage.

Il est très facile de se rendre concrètement compte du problème en regardant une carte administrative de la France. Le « redécoupage » de l’Hexagone, effectué sous la Révolution, reposait sur le principe que les nouvelles entités, c’est-à-dire les départements, devaient être suffisamment petits pour que tout habitant puisse se rendre au chef-lieu sans que ce déplacement demande, dans les conditions prévalant en 1789, un voyage d’une durée excédant une journée.

Sachant que la France métropolitaine compte 96 départements, le même raisonnement, qu’il pouvait y avoir une démocratie à la taille d’une ville alors qu’à une plus grande échelle seule une autocratie personnelle était en mesure de fonctionner correctement, menait à la conclusion que la France était 96 fois trop grande pour être autre chose qu’une royauté absolue ! Or, ce n’est pas, comme chacun sait, la conclusion qu’on en a tiré !

Avec les moyens dont on disposait à la fin du XVIII° siècle, on ne pouvait pas résoudre ce problème. On pouvait tout au plus le contourner. Ce contournement ne fut toutefois possible qu’en réduisant le pouvoir du peuple : il ne vota plus pour prendre lui-même, directement, les décisions, mais pour désigner des délégués chargés de les prendre à sa place.

Cela induisit, étant donné que les représentants devaient effectuer le voyage et le séjour dont ils dispensaient leurs concitoyens, à introduire la notion de « sessions parlementaires », durant lesquelles les représentants résidaient dans la capitale pour y assister. Les capitales virent ainsi leur rôle accru et il s’y forma un milieu spécifiquement politique incluant les représentants, leurs familles et leurs personnels de tous ordres.

Il est tout à fait raisonnable de penser que, tout au long du XIX° siècle, nombre d’événements se seraient passés tout différemment – voire n’auraient pas eu lieu du tout -, sans cette dimension de « présence – ou absence - physique des intéressés » dans la capitale. Dans l’autre sens, cela mena plus d’une fois à considérer comme ayant une importance nationale un événement qui, en réalité, n’était seulement que parisien, ou romain ou bruxellois…

Un instant capital pour le Capital

Se référer à la seconde moitié du XVIII° siècle, c’est bien sûr tomber tout droit dans l’époque dite « des Lumières », celle de l’Encyclopédie, de Diderot, de Voltaire et de Rousseau.

Ces temps privilégié ont quelque chose de tout à fait spécial, non pas dans l’Histoire, mais dans l’historiographie. On ne doit y toucher qu’avec un esprit critique tout molletonné de vénérante obséquiosité Car ces années-là ont engendré des idoles dont le caractère sacré n’a pas disparu, des Grands Hommes dont les majuscules sont toujours aussi dorées et croustillantes

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qu’au sortir du four. Tout au plus peut-on, non pas écorner leur image, mais les « humaniser » en leur reconnaissant quelques petits défauts.

Ainsi concèdera-t-on que Rousseau ondulait quelque peu de la toiture et admettra-t-on que Voltaire était vachement concupiscent et s’envoyait sa propre nièce et aussi sacrément liardeur, puisqu’il spéculait fort habilement (ce que nous appellerions aujourd’hui son

« portefeuille » comprenait entre autres « valeurs de père de famille » des intérêts dans la traite négrière et les fournitures aux armées, en clair, il a vendu des esclaves et fait du trafic d’armes).

Le fait de s’être enrichi par des spéculations aussi criminelles ne paraît cependant pas suffisant pour le priver de son auréole de « défenseur des Droits de l’Homme ».

Pourquoi ? Parce que nous vivons toujours dans le système économique – et, par voie de conséquence ; politique – qui permettait à des agioteurs aussi peu scrupuleux que Voltaire de faire fortune1, parce que ce système ne connaît d’autre loi que celle du profit maximum, parce que le Siècle des Lumières est en réalité le moment où se situe un épisode majeur de la lutte des classes : l’accession au pouvoir de la bourgeoisie, donc de l’argent.

Il y a une citation de Voltaire, que voici : « L'esprit d'une nation réside toujours dans le petit nombre qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne ». Cette phrase est connue surtout parce qu’elle revient comme un refrain dans les exposés – si utilement instructifs – d'Henri Guillemin. Bien évidemment, à propos de la Révolution de 1789 et de l'avènement d'une richesse mobilière – banquiers, affairistes, riches commerçants – succédant à la richesse immobilière – noblesse et clergé. Mais on retrouve également cette citation dans l’œuvre de Guillemin pour illustrer la prise de pouvoir de Napoléon, ou la politique intérieure poursuivie par Adolphe Thiers en 1870 et pendant l'insurrection de la Commune de Paris. Ou encore lors de l'inexorable progression vers la première guerre mondiale durant les gouvernements successifs de la III° République sur fond de déchirements vis-à-vis de la mise en place d'un impôt sur le revenu. À toute époque, cette conception voltairienne de l'ordre social a été ce qui a guidé la conduite des affaires politiques, tant intérieures qu'extérieures.

Une seule phrase d’une bonne ligne, prise dans une œuvre dont l’édition complète fait, chez Garnier, 50 volumes, cela rappelle un peu la boutade « Donnez-moi dix lignes d’un auteur et je le ferai pendre ». Par honnêteté intellectuelle, commençons par reprendre la citation de Voltaire, tirée de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations, dans son intégralité, y compris la note de bas de page vers laquelle elle renvoie :

« Quand nous parlons de la sagesse qui a présidé quatre mille ans à la constitution de la Chine, nous ne prétendons pas parler de la populace ; elle est en tout pays uniquement occupée du travail des mains [4] : l’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre, qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne. Certainement cet esprit de la nation chinoise est le plus ancien monument de la raison qui soit sur la terre. »

Et voici ce que dit la note [4] : « C’est une suite naturelle de l’inégalité que les mauvaises lois mettent entre les fortunes, et de cette quantité d’hommes que le culte religieux, une jurisprudence compliquée, un système fiscal absurde et tyrannique, l’agiotage, et la manie des grandes armées, obligent le peuple d’entretenir aux dépens de son travail. Il n’y a de populace

1Voltaire était millionnaire vers la quarantaine. Quand il avait une vingtaine d'années, il cultiva l'amitié de riches banquiers, en particulier des frères Paris. C'est par eux qu'il apprit à investir, à spéculer etc… les frères Paris avaient un contrat pour fournir à l'armée française nourriture et munitions et ils l' invitèrent à participer avec eux à cette entreprise extrêmement profitable. Quand il était en Angleterre, il remarqua qu'on pouvait gagner beaucoup d'argent dans le commerce extérieur et il investit dans des bateaux qui naviguaient autour du monde. Il investit aussi dans les œuvres d'art, prêta à des particuliers et prit des intérêts sur les prêts. Le secrétaire de Voltaire, Longchamp, rapporte que les revenus de Voltaire en 1749 étaient de 80 000 francs, ce qui correspond approximativement à 600 000 $ ( 592 200 Euros) actuellement. Voltaire garda des placements qui rapportaient 45 000 francs dans plusieurs pays étrangers. Cela était fait pour assurer ses moyens de subsistance au cas où il aurait à quitter la France rapidement.

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ni à Genève, ni dans la principauté de Neuchâtel. Il y en a beaucoup moins en Hollande et en Angleterre qu’en France, moins dans les pays protestants que dans les pays catholiques. Dans tout pays qui aura de bonnes lois, le peuple même aura le temps de s’instruire, et d’acquérir le petit nombre d’idées dont il a besoin pour se conduire par la raison ».

Il ne s'agit pas ici de faire le procès de Voltaire, ni de discuter d'un éventuel bémol que viendrait apporter la note de bas de page à la férocité du propos principal, ni encore de reprocher à Henri Guillemin de ne citer la pensée voltairienne qu'avec approximation, remplaçant le sujet original « l'esprit d'une nation » par « un pays bien organisé ». Ce qui importe est que Voltaire décrit ici très exactement les rapports de domination dont la conservation ou le renversement ont toujours fondé – et continuent de constituer – le cœur de l'action politique.

Car enfin, en regardant les choses froidement, comment ne pas faire le constat qu'il n'a jamais été question d'autre chose dans toutes les prises de pouvoir que de savoir à quel degré ceux qui gouverneront conforteront, infléchiront ou élimineront cet « ordre » social si clairement défini dans la citation de Voltaire ? Exceptionnellement – en août 1792, quelques jours en 1848, moins de deux mois en 1871… — l'angle d'inflexion parvient à être obtus. Jamais il n'a été plat et encore moins rentrant. La plupart du temps, il est aigu.

C'est-à-dire que le nouveau pouvoir est destiné à préserver l'ordre social. Et comment en serait-il autrement, puisque cet ordre social cristallisé dans les écrits de Voltaire consiste précisément à ce que le pouvoir demeure entre les mains d'un petit nombre de gens ? Mais pas seulement : le grand nombre, qui ne doit en aucun cas accéder au pouvoir, doit être mis au travail – tâche qui en plus a le grand mérite, selon la note de bas de page de Voltaire, d'empêcher cette masse populaire de seulement réfléchir à sa situation, sans parler de la remettre en cause – par ceux qui le gouvernent afin que ces derniers puissent non seulement continuer à vivre dans l'opulence, mais à s'en nourrir, c'est-à-dire à s'en engraisser. Il semble qu'il ne faille pas cesser de rappeler cette citation, tant elle illustre toujours aussi parfaitement à l'heure actuelle l'essence même de ce qui ordonne les rapports sociaux.

Mais il ne s’agit évidemment pas d’admettre, sous prétexte de démocratie, que les hommes d’affaires acceptent de réduire celles-ci aux dimensions d’une bourgade. Il s’agit de poser en principe – quasiment en dogme – que l’on peut avoir une démocratie « digne de l’Antique », ce qui en principe aurait dû signifier « un équivalent crédible de l’exercice direct du pouvoir par l’assemblée du peuple », si ce peuple ne votait plus pour prendre lui-même les décisions, mais pour désigner des délégués chargés de les prendre à sa place.

Prendre son parti des partis…

L’existence de « partis » est, de très loin, antérieure à ces événements du XVIII° siècle.

Mais le mot, au départ, conserve son sens étymologique de « fraction ». Un parti est, au sein d’une assemblée, la fraction qui se range à un certain avis, soutient un ou des candidats… Leur longévité est fonction de la durée plus ou moins grande du débat et de son intensité, qui peut aller jusqu’à la guerre civile. Exemple : les Armagnac et les Bourguignons durant la Guerre de Cent ans.

Cependant, dès le Moyen-âge, on constate une certaine propension des partis à se pérenniser, alors même que la querelle de départ est vidée depuis longtemps. Ainsi, dans le Saint Empire, les étiquettes opposées de « Guelfes » et de « Gibelins », désignant au départ les partisans respectifs de candidats à l’élection impériale, les seigneurs de Welf et de Weiblingen, finirent par désigner les partisans du pouvoir impérial et du pouvoir papal.

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Au début du XVIIIe siècle se pose, en Angleterre, un problème politique nouveau : la persistance de l'opposition entre Whig et Tory. Issu de l'Exclusion crisis2 de 1681, cet antagonisme perdure alors même que les conflits politiques du siècle précédent s'estompent. La persistance d’un parti politique paraît alors une nouveauté si bizarre, et vue d’abord d’un regard plutôt négatif, que plusieurs intellectuels prennent leur plume pour en disserter.

Dès 1717, Rapin-Thoyras prend conscience de cette anomalie dans sa Dissertation on Whigs and Tory. Écrite entre 1733 et 1734, la Dissertation upon parties de Bolingbroke résume la perplexité de l'intelligentsia anglaise. Il souligne de prime abord le caractère fondamentalement creux du clivage entre Whigs et Tory : « Le pouvoir et la majesté du peuple, un contrat originel (…), ces idées étaient autrefois associées à l'idée d'un whig, et semblaient aux Whigs incommunicable et incompatible avec l'idée d'un Tory (…) Hérédité divine, droit imprescriptible (…) étaient associés pour de nombreux esprits, à l'idée d'un Tory, et s'avéraient, de la même manière, incommunicable et incompatible avec l'idée d'un Whig (…) Ces associations sont aujourd'hui brisées ; ces fédérations d'idées distinctes sont entièrement mélangées ; de nouvelles combinaisons émergent par la force ». Loin d'apparaître comme un indicateur de maturité politique, cette division s'avère être une véritable plaie : « Il n'y a pas de plaintes, qui n'aient occupé plus constamment les bouches, pas de griefs qui n'aient pesé plus lourdement sur les cœurs, que ceux résultant de nos divisions nationales ».

Prenant à contre-pied ses contemporains, David Hume sera le premier à défendre dans deux essais publiés en 1742, Of Parties in General et Of the Parties of Great Britain le rôle institutionnel joué par les Whigs et les Tories dans la vie politique anglaise.

Il approuve les factions qui reposent sur des principes, en général d'ordre abstraits et spéculatifs. Ces partis principiels « sont seulement connus des temps modernes, et sont, peut- être, le plus extraordinaire et inexplicable phénomène, qui ait jamais surgi dans les affaires humaines ». L'avènement de ces partis entraîne une rationalisation de la vie politique : dès lors que les divisions politiques résultent d'opinions divergentes, et non plus d'inimitiés personnelles, il est toujours possible de s'entendre. Hume théorise en fin de compte le pluralisme politique comme un phénomène naturel, déduit « de la diversité des fonctions et de la complexité des rouages institutionnels », donnant ainsi une réponse critique aux théories de Bolingbroke et de Rapin-Thoyras.

La belle construction logique de David Hume recèle cependant une paille. Analysant les raisons qui amènent les gens à se regrouper en « factions », Il les regroupe en trois catégories : l’affection, l’intérêt, les idées. Avec quelque raison, il écarte comme datant d’une époque révolue les partis regroupant la parentèle et la clientèle d’une grande maison seigneuriale. En bon esprit « éclairé », il estime qu’à partir des temps modernes, les partis seront « principiels », basés sur des idées qu’il s’agira de faire prévaloir dans les affaires publiques. C’est une vue optimiste, et il ne lui est pas interdit de l’être. Mais par contre on ne voit absolument pas pourquoi, en cours de route, il a laissé sur le bas-côté l’idée que les partis pouvaient aussi représenter des intérêts.

« Les sociétés populaires ont pris une existence qu'elles ne doivent pas avoir …»

En tous cas, nous pouvons déjà subodorer que les intérêts des possédants ne seront pas absent des préoccupations de ceux qui mettront en place la démocratie représentative à la fin

2 La crise de l‘Exclusion Bill toucha l'Angleterre de 1678 à 1681 sous le règne de Charles II et pendant la Restauration anglaise. L'Exclusion Bill est un projet de loi avorté dont l'objet était d'exclure de la succession au trône d'Angleterre et d'Irlande le frère du roi, Jacques (futur Jacques II d'Angleterre), en raison de sa foi catholique.

Les Tories s'opposèrent à cette mesure, tandis que le Country party, ancêtre du parti whig, la soutenait.

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de ce « Siècle des Lumières », moment où se situe un épisode majeur de la lutte des classes : l’accession au pouvoir de la bourgeoisie, donc de l’argent. J’ai nommé, bien sûr, les Constituants américains et les constituants français de 1789.

Ils reprennent et complètent les analyses de Bolingbroke et de Rapin-Thoyras, à ceci près que les factions ne représentent pas à leurs yeux une menace pour la société actuelle, mais pour la société à venir. La révolution permet à l'humanité d'accéder définitivement à l'état adulte : au terme de ce bouleversement, les divisions et les changements n'ont plus lieu d'être. Ils aspirent à fonder un ordre social immuable, officiellement parce qu’il serait le produit de la raison et de la science, en réalité parce que, ayant accédé au pouvoir, ils ne voient pas pourquoi ils devraient en partir.

On est donc devant un paradoxe. Le déroulement des événements pendant les périodes révolutionnaires, fort abondantes tout au long du XIX° siècle tourne essentiellement autour de l’affirmation que « la Révolution est finie ». Ceux qui disent cela estiment que le bouleversement institutionnel a ouvert suffisamment d’espace à leurs intérêts et à leur ambition et que l’on peut s’arrêter là. Leurs adversaires estiment qu’il faut aller plus loin dans le changement et y poussent en suscitant des émeutes populaires3.

L’on veut bien instrumentaliser le peuple au cours de « journées », mais on craint comme la peste l’idée qu’il puisse avoir des organisations permanentes. Il ne peut rien y avoir entre l’individu et l’Etat ou la Nation dans leur ensemble. « Il n’y a de pouvoirs que ceux constitués par la volonté du peuple exprimée par les représentants ; il n’y a d’autorités que celles déléguées par lui ; il ne peut y avoir d’action que celle de ses mandataires revêtus de fonctions publiques. C’est pour conserver ce principe dans toute sa pureté que, d’un bout de l’Empire à l’autre, la Constitution a fait disparaître toutes les corporations, et qu’elle n’a plus reconnu que le corps social et les individus.[…] Il n’y a plus de corporations dans l’État ; il n’y a plus que l’intérêt de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux autres citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation. »4

Connue sous le nom de l'avocat au parlement de Bretagne, puis député patriote aux États généraux, Isaac Le Chapelier, une loi célèbre, promulguée en France le 14 juin 1791, n’est pas seule dans son genre. Cette loi suit de très près le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, tant dans ses objectifs que par leur proximité historique. C’est une loi proscrivant les organisations ouvrières, notamment les corporations des métiers, mais également les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le compagnonnage. Elle proscrit le régime général d'exercice collectif des métiers ouvriers (les corporations), avec toutes les réglementations sociales particulières, et par conséquent le régime de dérogation des manufactures privilégiées et d'une façon générale tous

3Ces émeutes ont donc pour but d'exercer une pression dans le sens des intérêts populaires, mais ne sont, le plus souvent, pas spontanées. On les suscite par divers moyens: création artificielle d'une disette en retenant les subsistances, campagnes de presse ou recours aux "troupes" d'agitateurs professionnels comme Santerre.

L'empoignade entre historiens de Gauche et de Droite commence lorsqu'il s'agit de déterminer le caractère

"spontané" ou "artificiel" des mouvements de masse. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, on peut s'en rendre compte parce qu'il y a aux archives, pour ces événements relativement proches de nous, abondance de rapports de police, et que ceux-ci contiennent souvent une indication précieuse: le genre. Une véritable "émeute de la faim" était en général lancée par les femmes (responsable de l’approvisionnement de leurs maris et de leurs progénitures), armées de pierres et d'ustensiles de ménage. Les hommes et les armes ne faisaient leur apparition qu'ensuite, quand les maris venaient au secours de leurs épouses matraquées. Ils étaient au contraire présents dès le début lorsque la manifestation n'était pas spontanée et l'élément féminin, beaucoup moins nombreux, était alors représenté essentiellement par des "rodeuses". Cela ne donne évidemment pas une mesure précise des choses, mais permet de se faire une idée.

4Exposé des motifs de la proposition de décret sur les sociétés populaires, Assemblée nationale constituante, 29 septembre 1791, publié dans les Archives parlementaires, 1re série, t. XXXI, p. 617–619. Il s’agit d’un discours ; ce n'est pas un "Préambule" ni un "exposé des motifs", attachés à la loi : il n'y en a pas.

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les marchés paysans. Elle interdit de fait les grèves et la constitution des syndicats au cours du siècle suivant, mais aussi certaines formes d'entreprises non lucratives comme les mutuelles.

Dans son discours introductif devant l'Assemblée Nationale, Le Chapelier décrit pour s'en alarmer un mouvement pré-syndical où, les ouvriers, coalisés en assemblées "qui se propagent dans le Royaume", cherchent à imposer ce que nous appellerions aujourd'hui des conventions collectives, et à constituer des mutuelles de solidarité. Il condamne avec vivacité l'attitude de la municipalité de Paris qui laisse se développer ces pratiques. Son discours ne laisse aucun doute sur la cible véritable de sa loi : l'associationnisme ouvrier. Cependant il la justifie par des considérations de philosophie politiques libérales.

Dans l'esprit de la nuit du 4 août 17895, il affirme : « Il doit sans doute être permis à tous les citoyens de s'assembler ; mais il ne doit pas être permis aux citoyens de certaines professions de s'assembler pour leurs prétendus intérêts communs; il n'y a plus de corporation dans l'Etat ; il n'y a plus que l'intérêt particulier de chaque individu, et l'intérêt général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation ». La loi s'inspire du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, dont Le Chapelier reprend des passages entiers dans son exposé.

Le décret d'Allarde aussi établissait la liberté d'exercer une activité professionnelle en affirmant le principe suivant : « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouve bon ». Mais Le Chapelier le prolonge de façon répressive. Non seulement elle interdit à des assemblées de se fixer des objectifs en matière de négociation salariale ou de prix, mais encore elle interdit aux collectivités publiques d'en tenir compte et d'accepter leurs pétitions, ni même de traiter avec les auteurs de telles pétitions (à moins qu'ils ne s'en soient publiquement repentis), le tout sous peine de 1000 livres d'amende et de trois mois de prison. Les "attroupements ouvriers qui auraient pour but de gêner la liberté que la constitution accorde au travail de l'industrie seront regardés comme attroupement séditieux." (art. VIII)

La loi Le Chapelier contribue, avec le décret du 18 août 1792, à la dissolution de l'Université et des facultés de médecine, au nom du libre exercice de la médecine, sans qu'il soit nécessaire d'avoir fait des études médicales ou d'avoir un diplôme, jusqu'à la création des écoles de santé de Paris, Montpellier et Strasbourg le 4 décembre 1794. Dans le droit fil des principes de la physiocratie, cette loi vise à garantir la liberté d'entreprise et d'établissement, conçue sur les principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen comme le moyen d'assurer l’enrichissement de la nation et le progrès social.

Supprimant toutes les communautés d'exercice collectif des professions, la loi Le Chapelier eut pour effet de détruire les guildes, corporations et groupements d'intérêts particuliers, détruisant du même coup les usages et coutumes de ces corps. Elle provoque, dès 1800 chez les ouvriers charpentiers, la formation de ligues privées de défense, appelées syndicats, et des grèves, qu'elle permet de réprimer pendant presque tout le XIXe siècle. Bien qu'ils soient également interdits, la loi ne parvient pas à empêcher la formation de véritables syndicats patronaux. De même, la loi ne peut empêcher l'organisation de sociétés de

5On se plaît à souligner que durant cette « nuit », les nobles ont renoncé à leurs privilèges. Ne mégotons pas : renoncer à ses privilèges est un beau geste. Mais l’Assemblée a aussi, cette nuit-là, aboli TOUS les privilèges généralement quelconques, y compris ceux des autres, dont certains appartenant à des collectivités ou groupements, à qui on ne demanda pas leurs avis. Sans aller trop loin dans la caricature, il est tout de même exact, dans les grandes lignes, que de grands seigneurs ont renoncé théâtralement à des privilèges symboliques qui ne valaient pas grand-chose et que, du même mouvement, on a mis à néant toute une série de droits collectifs d’une valeur bien réelle, arrachés aux propriétaires par les collectivités paysannes. Les paysans n’auraient sûrement pas plaidé contre les propriétaires avec autant d’acharnement qu’il ne l’ont fait à la fin de l’Ancien Régime, si ces droits avaient été sans valeur !

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compagnonnage14. Par ailleurs, les coopératives ouvrières, développées à partir de 1834, sont considérées, hormis une brève période sous la Deuxième République, en 1848, comme des coalitions jusqu'à la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés, qui leur reconnaît un statut légal.

Napoléon, un bien-pensant lui aussi, emboîta le pas. Le 12 avril 1803, la loi sur la réglementation du travail dans les manufactures et les ateliers renouvelle l’interdiction des coalitions ouvrières. De son côté, le délit de coalition est réaffirmé dans les articles 414 et 415 du Code pénal de 1810. Cela va durer ainsi pendant près d’un siècle6.

Dans un discours prononcé le 29 septembre 1791 à l'assemblée constituante, Isaac Le Chapelier résume l'appréhension de ses contemporains : « Nous allons vous entretenir de ces sociétés que l'enthousiasme pour la liberté a formées (…) Mais, comme toutes les institutions spontanées que les motifs les plus purs concourent à former, et qui bientôt sont écartées de leur but (…) ces sociétés populaires ont pris une espèce d'existence politique qu'elles ne doivent pas avoir. Tandis que la Révolution a duré, cet ordre de choses a presque toujours été plus utile que nuisible (…) Mais lorsque la Révolution est terminée (…) il faut pour le salut de cette Constitution que tout rentre dans l'ordre le plus parfait. ».

Au cours de cette même session, Robespierre, opposant déclaré à Le Chapelier, défend les sociétés populaires : « Détruisez-les et vous aurez ôté à la corruption le frein le plus puissant7». Toutefois, sa défense n'est que tactique : il ne tient les partis que pour « un mal temporaire ou un simple instrument conjoncturel de combat »8. Pour les révolutionnaires et pour leurs héritiers, il n'existe de fait que deux partis légitimes : le progrès et la réaction. Et encore cette division n'est-elle que ponctuelle : elle s'estompera naturellement lorsque la révolution l'aura emporté sur la conservation.

USA : Les graines de discorde des « Pères Fondateurs »

La Révolution américaine est la digne sœur aînée de toutes les révolutions libérales du XIX° siècle. Le pouvoir sera détenu par la bourgeoisie. Il est d’ailleurs à peine besoin d’une révolution pour cela. Contrairement à la France de 1789 où il a fallu qu’une bourgeoisie déjà puissante économiquement déloge par la force l’aristocratie du pouvoir politique, la Grande Bretagne avait connu, lors de la révolution industrielle, une fusion des classes dominantes qui admettait la bourgeoisie à participer largement au pouvoir tout en conservant une éblouissante façade aristocratique et monarchique. Les 13 colonies n’eurent qu’à rompre le cordon ombilical qui les rattachait à Londres et elles le firent pour la raison la plus libérale qui soit : la « rage taxatoire » de la Métropole. « No Taxation without Representation » fut le slogan vedette du soulèvement.

Mais, sous couleur d’établir un gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple », l’on mit en place un pouvoir très oligarchique, qui excluait de toute espèce d’expression politique la majorité de ce peuple : tous les Indiens, toutes les femmes, tous les esclaves, tous les « serviteurs sous contrat » (qui n’étaient guère autre chose que des esclaves blancs), les travailleurs agricoles, les petits fermiers et artisans… L’on allait s’appliquer à maintenir divisions et haines dans cette majorité très divisée d’exclus. Il fallait par exemple persuader le paysan sans terre que son ennemi était l’Indien qui occupait encore des terres

« vierges » et non le gros propriétaire accapareur. Toutefois, la classe dominante n’était pas,

6Aussi tard que le 15 mars 1849, une nouvelle loi est votée contre les coalitions ouvrières et patronales. La loi Le Chapelier n’a finalement été abrogée qu’en en deux temps : le 25 mai 1864 par la loi Ollivier, qui abolit le délit de coalition, et le 21 mars 1884 par la loi Waldeck-Rousseau, qui légalise les syndicats.

7Philippe Raynaud et Stéphane Rials, Dictionnaire de philosophie politique, PUF, coll. « Quadrige dicos poche

», 2003 p. 526

8Ibidem, ppp 526 - 527

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elle non plus, exempte de contradictions, qui n’allaient pas tarder à apparaître, dès qu’il s’est agi de doter les Etats-Unis d’une Constitution.

La Révolution américaine commence en 1776. Elle est victorieuse en 1783, mais n’aura sa Constitution qu’en 1789. Il s’écoule donc 13 ans, dont six années de paix, avant que la rédaction en fût achevée. La principale difficulté résida dans la recherche d’un équilibre entre les Etats et l’Autorité fédérale. Les fédéralistes finirent par l’emporter, entre autres grâce à la parution d’une série d’articles de presse (les Féderalist Papers) publiés sous des pseudonymes mais principalement écrits en collaboration par Hamilton et Madison.

En 17899, donc, la Constitution est votée et Georges Washington devient le premier président des Etats-Unis. Le cabinet qu’il constitue donne la part belle aux fédéralistes, avec notamment John Adams à la vice-présidence et Hamilton secrétaire au Trésor. Néanmoins, une concession est faite â leurs opposants avec la nomination de Thomas Jefferson comme secrétaire d’État, autrement dit ministre des Affaires étrangères. Jusque-là ambassadeur en France, dont il venait de rentrer, ce propriétaire d’esclaves issu d’une des familles les plus en vue de Virginie avait été le principal rédacteur de la déclaration d’indépendance en 177610. Il devint rapidement pour les anti-fédéralistes un chef de file emblématique.

Sous l’impulsion de Hamilton, défenseur d’un programme radical, le jeune gouvernement soumit au Congrès une série de lois accordant à l’État fédéral des pouvoirs étendus. Cette radicalisation inattendue suscita l’inquiétude non seulement des opposants du gouvernement, mais aussi des fédéralistes les plus modérés — parmi lesquels James Madison en personne. Ce dernier, craignant l’établissement d’un régime confinant à la monarchie, se retourna contre son ancien allié Hamilton. Il proposa aussitôt une série d’amendements à la toute jeune constitution, limitant les pouvoirs — notamment judiciaires — du gouvernement fédéral et garantissant les libertés individuelles. Hamilton s’y opposa en vain, et la « Déclaration des Droits » (Bill of Rights), constituée de dix amendements, fut ratifiée le 15 décembre 1791.

Alexander Hamilton n’en continua pas moins à tenter de faire appliquer son programme, en butte à l’opposition de Jefferson. Les deux hommes défendaient en fait deux visions très différentes de la forme que devait revêtir le développement de leur pays. Hamilton se faisait le champion d’un système « à l’anglaise ». Pour lui, les États-Unis, dont l’économie repose essentiellement sur l’exportation de sa production agricole, doivent favoriser l’émergence d’une industrie nationale forte. Cette dernière produira localement les biens manufacturés qui devaient jusque-là être importés d’Europe, libérant ainsi l’Amérique de la sujétion économique dans laquelle elle se trouve. Économiquement autonome, elle sera alors libre de mener sa politique étrangère à sa guise.

Pour cela, il faut des capitaux que les États de l’Union, toujours endettés à des degrés divers par les dépenses de la guerre d’Indépendance, n’ont pas. Hamilton propose pour y remédier un système financier élaboré, doté d’une banque centrale, et dans lequel le gouvernement fédéral « consolide » — c’est-à-dire regroupe — les dettes des États et en assume la charge. Naturellement, le remboursement de la dette, désormais nationale, implique la perception de revenus réguliers de la part du gouvernement fédéral, principalement sous la forme de droits de douanes perçus sur les marchandises importées d’Europe. Le corollaire de cette politique est évidemment un État fédéral fort, puisque seul un gouvernement aux pouvoirs étendus aurait la capacité de faire appliquer une telle politique.

9Le Congrès siégea pour la première fois le 4 mai 1789, soit presque simultanément avec l’ouverture des Etats Généraux en France. Comme on le voit, même si, sur le papier, la Révolution américaine précède de 13 ans la Révolution française, il y a entre elles pas mal de simultanéité.

10Bien que propriétaire d’esclaves, il avait voulu inclure parmi les « griefs contre l’Angleterre », le crime d’avoir réduit les africains en esclavage aux Etats-Unis. L’assemblée ne l’avait pas suivi sur ce point.

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Pour Madison, et plus encore pour Jefferson, de telles mesures s’avèrent inutiles.

L’exportation des produits agricoles, et en particulier de ceux à forte valeur ajoutée, aux premiers rangs desquels viennent le coton et le tabac produits dans le Sud, est suffisante pour assurer le développement économique du pays. Les revenus ainsi engendrés permettront une industrialisation modérée, faite de petites manufactures, qui suffiront à couvrir les besoins immédiats. Dans le pire des cas, les États-Unis pourront se passer du reste — les produits de luxe importés à grands frais. Les exportations pourront même servir d’arme géopolitique, car Jefferson estime qu’elles tiennent également l’Angleterre, qui en a besoin pour alimenter son industrie en pleine expansion, dans une situation de dépendance vis-à-vis des États-Unis.

Jefferson estime par ailleurs que le modèle de développement défendu par Hamilton est non seulement inutile, mais également dangereux. Il en veut pour preuve la situation en Grande- Bretagne, où un pouvoir central fort a favorisé la concentration des terres au détriment de la paysannerie, et où l’industrialisation a entraîné l’émergence d’un prolétariat ouvrier miséreux.

Cette situation est pour Jefferson une menace pour la démocratie.

Le secrétaire d’État défend en effet une république basée sur l’égalité entre les citoyens : idéalement tout Américain devrait avoir son lopin de terre, assurant ainsi sa subsistance et partant de là, son indépendance. En privilégiant les industriels, les négociants et les spéculateurs par rapport aux couches populaires, les fédéralistes remettraient en cause ce modèle, ce qui ouvrirait la voie au despotisme. Puisqu’ils se revendiquaient de la démocratie et de la république, les partisans de Jefferson finirent d’ailleurs par se rebaptiser « démocrates- républicains » en 1792.

Jefferson et Hamilton défendaient deux visions opposées de la république: celle de Hamilton était élitiste et « patricienne », tandis que celle de Jefferson était davantage agrarienne et « plébéienne ». Toutefois, l’opposition entre les deux hommes n’est pas uniquement d’ordre idéologique.

Représentant l’aristocratie terrienne virginienne, Jefferson a bien plus à perdre qu’à gagner dans les réformes voulues par Hamilton. D’une part parce que les États du Sud sont de manière générale, moins endettés que ceux du Nord, et ne sont donc guère disposés à en partager les dettes. D’autre part, parce que l’instauration d’une fiscalité douanière entraînerait par mesure de rétorsion, le relèvement par les pays européens des taxes frappant les exportations américaines — dont on a vu que le coton et le tabac sudistes constituaient le fer de lance.

Plus généralement, cette opposition au sujet de la politique de développement économique met déjà en exergue la différence profonde qui existe entre le Nord et le Sud.

Cette dichotomie semble puiser ses racines dans une différence de peuplement. Les colons qui se sont installés dans le Sud y ont en grande partie, reproduit le modèle rural anglais : une paysannerie pauvre qui dépend pour sa survie d’une aristocratie terrienne dont elle forme également la clientèle politique — la différence étant qu’en Amérique, la noblesse anglaise est remplacée par les planteurs, propriétaires d’esclaves.

À l’inverse, les premiers colons du Nord furent souvent issus de groupes religieux puritains désireux d’échapper à l’influence de l’église anglicane. La culture qui en naquit, bien différente de celle du Sud, valorisait l’ascension sociale par le travail et l’enrichissement personnel, favorisant ainsi l’esprit d’entreprise et les comportements capitalistes — comme n’allait pas manquer de le remarquer bien plus tard le sociologue allemand Max Weber, dans son célèbre ouvrage de 1905 : L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme.

Aussitôt que Hamilton proposa la consolidation de la dette, Madison s’y opposa fermement, regroupant notamment derrière lui les États du Sud. Ceux-ci cédèrent finalement à un compromis, laissant à Hamilton les mains libres en échange d’une concession

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essentiellement symbolique : le transfert, dans les dix ans, de la capitale fédérale de Philadelphie vers un État du Sud. À cette fin, le site choisi, sur les rives du Potomac et à cheval sur le Maryland et la Virginie, fut érigé en un district de Columbia administré directement par le gouvernement fédéral. La ville qui y sera érigée, sur les plans de l’architecte franco-américain Pierre L’Enfant, deviendra effectivement capitale fédérale en 1800. On lui donnera le nom du premier président, mort un an auparavant : Washington.

Les Américains n’eurent donc nul besoin de recourir à la violence pour amener au pouvoir la bourgeoisie capitaliste. Elle y était déjà. Mais elle était divisée entre une branche du Sud, agraire et esclavagiste, et une branche du Nord privilégiant les industriels, les négociants et les spéculateurs par rapport aux couches populaires. D’autre part, les Américains apparaissent plus proches de Hume, admettant l’existence des partis, que de Bolingbroke et de Rapin-Thoyras, aimés des révolutionnaires français. Ils admirent pour ainsi dire sans débat l’existence de partis.

Mais au fil du temps, le pouvoir usa les « fédéralistes », les « antifédéralistes » éclatèrent en

« républicains » et « démocrates ». L’usure des uns, l’éclatement des autres, l’éclosion et la mort de quelques partis éphémère et les tensions croissantes entre partisans et adversaires de l’esclavage aboutirent à un désordre tel qu’en 1860 il y eut quatre candidats à l’élection présidentielle, ce qui favorisa l’élection de Lincoln. Cela déboucha sur la Guerre de Sécession.

Celle-ci, au prix d’un bain de sang sans comparaison dans l’histoire étasunienne, régla le même problème que la Révolution française : l'avènement d'une richesse mobilière – banquiers, affairistes, riches commerçants – et industrielle succédant à la richesse immobilière des planteurs propriétaires d’esclaves. Depuis lors, aux Etats-Unis, il n’y a plus d’esclaves et il n’y a que deux partis qui comptent vraiment.

La « guerre pour la libération des Noirs » avait abouti au même résultat que les agitations françaises. Pour les révolutionnaires et pour leurs héritiers, il n'existait de fait que deux partis légitimes : le progrès et la réaction. Et encore cette division n'est-elle que ponctuelle : elle s'estompera naturellement lorsque la révolution l'aura emporté sur la conservation.

Isaac Le Chapelier, auteur de la loi dont nous avons parlé, finit par être dépassé par la Révolution et fut guillotiné en 1794. Il avait lui aussi un point de vue sur l’esclavage. Le voici :

« Il me parait à moi qu’il n’y a pas un homme sensé et véritablement humain qui puisse songer à proposer l’affranchissement des noirs11».

Le rapprochement pourrait bien aller beaucoup plus loin qu’on ne pense…

Les partis politiques, au sens que ce terme a pour nous, sont assez récents. Ils apparaissent à la fin du XIX° siècle et au début du XX°. Ils apparaissent en Angleterre avec la réforme électorale de 1832, en France après 1848, en Belgique, à partir de 1846.

Mais cela est une autre histoire…

(à suivre…)

11Kerviler, René (1842-1907). Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux Etats-généraux et à l'Assemblée nationale constituante de 1789.

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Brésil

Dans beaucoup de villes du pays, comme ici à Sao Paulo, les opposants à Dilma Rousseff ont célébré le vote du parlement. © NACHO DOCE/REUTERS

Les députés approuvent la destitution de Dilma Rousseff

Le parlement brésilien a voté dans une ambiance survoltée en faveur de la destitution de la présidente, qui devra être confirmée par une majorité simple du Sénat mi-mai. Le pays s'enfonce dans une crise politique sans précédent.

Dilma Rousseff est désormais sure d'être destituée mi-mai prochain par le Sénat pour 180 jours. La Chambre des députés a approuvé le processus de destitution par 367 voix pour, 137 voix contre et 7 abstentions. Elle sera donc remplacée provisoirement par le vice-président Michel Temer, le temps qu'une commission du Sénat examine les faits qui lui sont reprochés.

Le vote s'est déroulé dans une ambiance survoltée tant à l'intérieur du Congrès qu'à l'extérieur. Devant le parlement brésilien, à Brasilia, 18.000 manifestants en vert et en jaune favorables à la destitution faisaient face à 10.000 fidèles supporters de la présidence, soigneusement séparés par ce que beaucoup de manifestants qualifiaient de «Mur de Berlin»

que la police avait mis en place tôt dans la journée pour éviter des affrontements entre manifestants.

«Lâches, canailles !»

À l'intérieur, chaque député disposait de 10 secondes pour expliquer son vote. Les insultes ont fusé de part et d'autre. La foule chantait et brandissait des drapeaux et des pancartes.

«Lâches, canailles, putschiste!» lançaient les partisans de la présidente, tandis que ses adversaires répondaient par «voleurs».

Cette dernière accusation comporte toute l'ambiguïté des accusations à l'encontre de Dilma Rousseff. Alors que 60% des parlementaires brésiliens ont eu à répondre de faits de corruption face à la justice, Dilma Rousseff n'est impliquée dans aucun scandale de corruption pour l'instant. Même le scandale Petrobras, qui touche son mentor Lula da Silva.

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Selon Transparency Intenational, 36 des 65 députés qui formaient la commission parlementaire qui a autorisé la mise au vote de la motion de destitution le 11 avril dernier ont déjà été condamnés ou sont inculpés pour des faits allant de malversations électorales au blanchiment d'argent.

Selon Mario Conti, du journal Folha de Sao Paulo, «rien jusqu'à présent ne prouve un enrichissement personnel de la présidente. Il est évident qu'elle a contribué à l'État de récession dans lequel est plongé le pays, qu'elle a menti pendant la campagne électorale, qu'elle est irascible. Mais tout cela ne constitue pas un crime de responsabilité et ne justifie pas une destitution… Elle n'a pas volé et c'est une bande de voleurs qui la juge.»

Paulo Peres, professeur de sciences politiques à l'université de Rio Grande do Sul expliquait que «finalement, ce dimanche, on assiste à une élection présidentielle indirecte pour décider qui, d'elle ou de Michel Temer, doit diriger le pays».

Le vice président Temer et son parti sont des alliés incontournables de tous les gouvernements depuis des années. Cette fois, après des fuites plus ou moins volontaires ou calculées, Michel Temer a affiché ses ambitions de remplacer Dilma Rousseff à la tête de l'Etat.

Le paradoxe est que, si la population brésilienne semble dans sa grande majorité désirer que Dilma Rousseff quitte la présidence, elle ne veut absolument pas qu'un vieux politicard comme Michel Temer accède aux fonctions suprêmes.

Temer prévoit de revenir sur les acquis sociaux des gouvernements de Lula et Rousseff Son programme, «Pont vers le futur», prévoit de remettre en cause un grand nombre d'acquis sociaux décidés pendant les présidences de Lula et de Dilma Rousseff et qui ont permis de sortir des millions de Brésiliens de la pauvreté. Même la constitution de 1988 est remise en cause avec la volonté d'en finir avec les budgets minimaux pour la santé et l'éducation.

Les sondages vont tous dans le même sens: c'est le retour de Lula qui est désiré, malgré les affaires de corruption liées à la compagnie nationale des pétroles Petrobras. Pas l'arrivée au pouvoir de Michel Temer.

La situation est donc parfaitement ubuesque. Les manifestants, certes nombreux mais représentant avant tout le mécontentement bourgeois d’une minorité privilégiée, réclament la destitution d’une Présidente qui apparaît pourtant comme une des rares personnes intègres dans un océan de corruption.

La destitution est approuvée par une commission parlementaire dont on est sûr qu’elle comportait une majorité de crapules. Dilma Rousseff est donc suspendue et remplacée par un vice-président dont personne ne veut, parce que c’est un vieux politicard retors.

Enfin, cerise sur le gâteau, les sondages font apparaître que la majorité, jusqu’ici plutôt passive et silencieuse, souhaiterait le retour de Lula, pourtant suspecté de corruption, à la place de Dilma l’Incorruptible.

Mais il faut encore tenir compte d’autres facteurs. Les manifestants de droite brandissent des pancartes « Intervençao militar. Ja ! » (« Intervention militaire. Maintenant ! » et l’ambassade états-unienne au Brésil reçoit aujourd’hui les visites d’opposants à Dilma, de la social-démocratie qui est aux avant poste dans le processus de destitution contre Dilma.

L’ambassade des Etats-Unis au Brésil ressemble à celle aux temps d’Allende au Chili. C’est le lieu où se préparent tous ces projets de déstabilisation. Les Etats-Unis couronneraient leurs objectifs en provoquant la chute de Dilma.

La crise politique brésilienne ne fait que commencer, à quelques mois des Jeux olympiques.

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RDCongo

Makalamizdat

(édition des travaux érudits de l’Université de Makala)

«J’ai été sur le point d’être envoyé dans une île. … s’il avait le moindre bon sens, ii comprendrait que sa punition est en réalité une récompense : on l’envoie dans une île. C’est- à-dire qu’on l’envoie dans un lieu où il frayera avec la société la plus intéressante d’hommes et de femmes se puisse trouver nulle part au monde. Tous les gens qui, pour une raison ou une autre, ont trop individuellement pris conscience de leur moi pour pouvoir s’adapter à la vie en commun, tous les gens que ne satisfait pas l’orthodoxie, qui ont des idées indépendantes bien à eux, tous ceux, en un mot, qui sont quelqu’un, C’est tout juste si je ne vous envie pas, … »

(Aldous HUXLEY Brave new world )

Si cette rubrique s’ouvre sur une citation d’un ouvrage de science-fiction qui ne date pas d’hier, ce n’est pas l’effet du hasard, mais pour rappeler une vérité. Dans un régime totalitaire imposant une

« pensée unique », les prisons deviennent les derniers refuges de la liberté de penser. Puisque l’on y enferme tous les gens que ne satisfait pas l’orthodoxie, qui ont des idées indépendantes bien à eux, tous ceux, en un mot, qui sont quelqu’un, cela ne peut manquer faire de la prison un lieu extrêmement intéressant à fréquenter, très instructif, en quelque sorte une Université d’un nouveau genre.

L' «Université de Makala »? Pourquoi pas ? Makala est devenu un haut-lieu de résistance à l'arbitraire ! On y découvre une grande concentration d'esprits forts, courageux et déterminés ! Tôt ou tard, s'y retrouvent, tous ceux qui résistent à l'arbitraire, s'opposent à la dictature des sorciers, des

« services » et des crapuleux ! Ces résistants sont aussi des citoyens qui réfléchissent à l'avenir du pays !!

Et Makala est un des seuls lieux publics de la République où on puisse encore penser librement sans risque d'être embastillé ! Firmin Yangambi ne craint pas d’être mis en prison. Il y est déjà !

Crise politique en RDC: UN PROBLÈME D'ANTHROPOLOGIE Une note de Me Firmin Yangambi

La crise politique, économique et sociale persiste en république démocratique du Congo depuis des décennies. Elle s'est particulièrement aggravée ces deux dernières décennies.

Les indicateurs chiffrés présentés par les autorités ne sont pas convaincantes eu égard au bilan désastreux des violations des droits humains, à la corruption de l'administration publique, à une administration calamiteuse de la justice, aux conflits armés systémiques avec

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son lot des millions morts des civils et à la misère sociale dans laquelle baigne l'écrasante majorité de la population.

Les institutions de la République démocratique du Congo tentent à leur manière de résoudre ce problème par une gouvernance bananière.

Les institutions internationales et des partenaires bilatéraux assistent également tant bien que mal ce pays en désarroi.

L'actuelle mission des nations unies en RDC déjà longue de 17 ans est en effet une illustration du soutien de la communauté internationale à un pays chronologiquement malade au plan de la défense militaire du territoire et de la sécurité des personnes.

Des aides financières multiformes sont aussi consenties par les partenaires extérieurs sur le plan économique et social.

Force est pourtant de constater que toutes ces esquisses de solution internes et internationales jusqu'ici politiques, militaires, sociales et financières principalement ont produit un bilan plutôt mitigé.

Et si le fond de cette crise sociétale était ailleurs et les moyens d'une solution durable et juste autres que celles mises en oeuvre?

Nous croyons pour notre part que la crise politique et ses conséquences diverses ont un fond ontologique, une cause anthropologique et une donne sociologique.

Sociologique:

Il est enseigné que la sociologie est l'étude des relations, actions et représentations sociales par lesquelles se constituent les sociétés. Elle vise à comprendre comment les sociétés fonctionnent et se transforment. Elle s'intéresse notamment aux :

-Rapports individus-société -Parcours de vie

-Actions sociales tels le travail, la science, les mouvements sociaux -Groupes sociaux tels les familles ou les réseaux d'amis

-Organisations telles les écoles ou les entreprises.

La sociologie s'intéresse ainsi à la société entière dans ses aspects culturels, technologiques, économiques, politiques voire aux enjeux planétaires tels la migration internationale ou l'environnement.

La sociologie comme discipline, est un ensemble de méthodes d'observation de manières de penser et de se comporter dans le cadre d'une analyse en permanente évolution s'appliquant à une gamme illimitée des questions de société, dont :

-L'identité et la citoyenneté

-L'intégration sociale et la discrimination -La migration des populations

-Les stratégies d'existence dans les pays en voie de développement -La transformation des mœurs sociales

-La biotechnologie et d'autres nouvelles technologies -La renaissance de la religion

-Les transformations dans les conditions de travail -La santé publique

-La croissance des inégalités sociales -Les rapports entre le privé et le public -Les vogues, la mode, la culture populaire.

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La collecte et l'analyse des informations, mieux de faits et des phénomènes sociaux totaux et globaux, peuvent contribuer au changement des catégories de pensée et des attitudes pour une évolution positive de la société.

L’ontologie, du grec ontos (être) et logos (discours), est la science de l’Etre en tant qu’Etre, selon l’expression d’Aristote.

Elle répond à la plus ancienne des questions de la philosophie : qu’est-ce que l’être ? C’est-à-dire qu’est-ce qui est ? qu’est-ce que l’être pour tout ce qui est ?

Elle est la doctrine de l’être, en quelque sens que l’on prenne le mot être. C’est l’étude des propriétés générales de tout ce qui est, de ce qui vient à l’être, de ce qui a à être, de ce qui doit être conforme à l’être.

L'ontologie est intimement liée à la philosophie et à la psychologie depuis des siècles.

Nous considérons l'ontologie pour notre part comme la science de la substance et de la métaphysique de l’être qui déterminent profondément sa vision, son évaluation et ses actions dans les divers domaines de la vie. Elle serait une espèce de logiciel déterminatif humain au plus profond de son être.

Anthropologique:

Dans son acception la plus large, le mot anthropologie rassemble l’ensemble des sciences qui étudient l’homme dans ses différentes dimensions. L’Union Internationale des Sciences Anthropologiques et Ethnologiques (IUAES) reconnaît quatre principales disciplines:

l’anthropologie sociale et culturelle, l’archéologie et la paléoanthropologie, l’anthropologie biologique (autrefois qualifiée d’anthropologie physique) et la linguistique.

L’anthropologie sociale, ou ethnologie, est une discipline des sciences humaines et sociales qui étudie l’homme en société. En d’autres termes, elle étudie les rapports sociaux propres à chaque groupe humain ou à chaque situation, s’intéressant dans le même mouvement à la grande variabilité des formes de vie sociale.

La démarche anthropologique sociale prend comme objet d’investigation des unités sociales de faible ampleur à partir desquelles elle tente d’élaborer une analyse de portée plus générale, appréhendant d’un certain point de vue la totalité de la société où ces unités s’insèrent (Mondher Kilani : Introduction à l’anthropologie. Lausanne, Payot, 1992, page 33 ).

La vocation de l’anthropologie sociale est d’être comparative, dans la mesure où son corpus de connaissance s’est forgé à travers l’exploration de la diversité des sociétés existantes ou ayant existé, ainsi que leur comparaison.

La tragédie du Congo nous oblige de plonger la réflexion philosophique fondamentale qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes. M , 1980, p.110).

Il s'agit, à propos des causes du mal congolais d'effectuer un mouvement au-delà des attitudes de la classe politique et ses raisons apparentes, pour comprendre d'un point de vue supérieur sinon métaphysique le fond même en vertu duquel l'esprit des politiciens congolais est si tordu pour poser et fixer un système de gouvernance aussi abjecte.

Il faut une réflexion méthodique, ordonnée et approfondie de la nature de l'être politique congolais.

Au fait, qu'est-ce qui fait que nos politiciens soient ce qu'ils sont d'aussi superficiel et affabulateur?

Parvenir à la connaissance des processus individuels et collectifs qui ont donné naissance à la métaphysique cynique de la classe politique congolaise à des degrés certes variés est un impératif susceptible d'aboutir à la cause des causes d'un Congo visiblement à la dérive continue et entretenue.

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Aussi, seuls uniquement les symptômes du Congo malade ne sont-ils pris en charge.

La pandémie elle-même dépistée, une thérapie mieux adaptée est envisageable.

Un Congo démocratique et stable est au bout d'un travail de réveil du congolais Être en soi, de l'évolution positive des relations interactives d'être à être dans sa société et le tissage et le partage d'un certain nombre des valeurs communes, la fixation des ces normes transcendantales imposables à tous sans discrimination et dont les violations devront être systématiquement sanctionnées quelle que soit la position sociale du délinquant.

Me Firmin Yangambi Libote Prisonnier de carrière

Libre Penseur

Amérique latine

« L’ambassade des USA au Brésil ressemble à celle aux temps d’Allende au Chili »

Carlos Aznarez, interviewé par Tarik Bouafia12

Après plus de quinze ans de progressisme et d'avancées sociales, l'Amérique Latine est en pleine recomposition. De l'Argentine au Venezuela en passant par le Brésil, la contre-offensive de la droite est en marche. Dans un contexte marqué par une forte crise économique et des tensions politiques, les Etats-Unis tentent de reconquérir leur ancien « pré-carré ». Journaliste et grand

12 Source : Le Journal de Notre Amérique .Carlos Aznarez est journaliste et directeur de Resumen Latinoamericano, un journal de référence des forces progressistes et des mouvements sociaux en Amérique Latine.

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spécialiste de l'Amérique Latine, Carlos Aznarez nous apporte son analyse sur les changements qui s'opèrent dans la région.

Lors de ses cent premiers jours au pouvoir, le président argentin Mauricio Macri a reçu le premier ministre italien Mateo Renzi, le président français François Hollande et enfin le président Barack Obama. Dans le même temps, il a abandonné les efforts du gouvernement précédent de promouvoir l’intégration régionale. Quelle est la nouvelle politique étrangère de l’État argentin ? Assistons-nous à un retour du néocolonialisme dans le pays ?

En effet, il y a un changement radical dans la politique extérieure de l’Argentine. Pour autant, il ne faut pas exagérer quant au processus d’intégration impulsé par les époux Kirchner.

N’oublions pas, par exemple, que lorsque Chevron a été expulsé d’Équateur après avoir causé une catastrophe écologique sans précédent dans le pays, l’Argentine a continué à recevoir cette multinationale à bras ouverts.

Mais il est vrai que les gouvernements Kirchner entretenaient de très bonnes relations avec le Venezuela, avec Cuba, avec la Bolivie... La politique extérieure a aujourd’hui profondément changé. Nous sommes de nouveau plongés dans des relations destructrices avec les Etats-Unis, l’Union Européenne mais aussi avec Israël. Tout cela provoque un malaise très fort au sein du sous-continent, notamment de la part de ceux qui ont fait le pari d’une intégration sérieuse, et je crois que, malheureusement, ce changement de diplomatie nous mène vers le néocolonialisme.

Lors de la conférence de presse au Palais Présidentiel, les présidents Obama et Macri ont évoqué la possibilité de signer un accord de libre-échange entre le Mercosur et les Etats-Unis. Va-t-on vers un nouvel ALCA ?

Il est certain que le pays va finir par rejoindre l’Alliance pour le Pacifique. Il va sans doute renforcer les traités existants avec l’Union Européenne, les Etats-Unis et Israël. Lors de la visite d’Obama, de nombreux accords économiques ont été signés entre des chefs d’entreprise argentins et étatsuniens. Les Etats-Unis avancent dans la région et tentent faire pression sur les gouvernements pour qu’ils adoptent des mesures de libre-échange. L’Uruguay et son gouvernement « « progressiste » » est en train de signer ces traités.

De son coté la présidente du Chili, Michelle Bachelet n’a aucun problème à les signer. Et ils tentent aujourd’hui de faire pression sur le Brésil. Ils tentent de déloger Dilma Rousseff car ils adoreraient voir l’Argentine et le Brésil signer ces traités. C’est pourquoi il est important que le Brésil résiste et que Dilma Rousseff, au delà des graves erreurs qu’elle a commises, ne tombe pas.

Concernant le Brésil, que cherche la droite brésilienne ? Quelles sont ses motivations et objectifs ?

Elle cherche à destituer Dilma par la voie judiciaire, par la voie parlementaire mais aussi par la rue. La gauche s’est endormie entre les contradictions notamment au sein du PT, qui a rendu presque naturelle la corruption dans ses propres rangs après avoir mis en place une politique

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d’austérité non seulement avec l’ex-ministre et banquier Joaquim Levy mais également avec son successeur Nelson Barbosa qui a suivi la même ligne.

Les gens de gauche qui sont sortis dans les rues le 18 mars dernier (ils étaient environ un million et demi) sont allés manifester majoritairement contre le coup d’Etat. Seule une petite minorité est descendue dans la rue pour soutenir la présidente. Par exemple, le Mouvement des Sans Terres (MST) a durement critiqué la politique d’austérité de la présidente.

Cependant, il faut se rappeler qu’une semaine auparavant, plus de deux millions et demi d’opposants avaient battu le pavé. Au Brésil aujourd’hui, la droite tient la rue. En Argentine, c’est différent. La rue appartient à la gauche ou aux mouvements sociaux et le macrisme ne peut rien faire face à ça.

Et quel est le rôle que jouent concrètement les Etats-Unis dans ces manifestations qui ébranlent le pays ?

L’ambassade états-unienne au Brésil reçoit aujourd’hui les visites d’opposants à Dilma, de la social-démocratie qui est aux avant poste dans le processus d’impeachment (destitution) contre Dilma. L’ambassade des Etats-Unis au Brésil ressemble à celle aux temps d’Allende au Chili.

C’est le lieu où se préparent tous ces projets de déstabilisation. Les Etats-Unis couronneraient leurs objectifs en provoquant la chute de Dilma.

Ainsi, en s’emparant de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay, du Chili et du Paraguay, ils remettraient la main sur le Cône Sud.

Enfin, pour terminer sur le Brésil, existe-t-il une troisième force capable de freiner le coup d’Etat de la droite et de proposer un projet de rupture avec le modèle néolibéral en place aujourd’hui au Brésil ?

Il existe un mouvement, Brasil Popular qui regroupe le MST, des syndicats et certains secteurs du PT déçus par la ligne officielle du parti. Ce pourrait être l’alternative face à un PT en difficulté et je crois que c’est l’espoir au Brésil. Ceci dit, tous ces fronts peuvent avoir beaucoup de force dans la rue mais qui ne se traduit pas électoralement. Les gens sont assez passifs et habitués à voter pour ceux de toujours. C’est pourquoi il est difficile pour une troisième force, puissante et organisée, de naitre.

Rafael Correa a réagi sur les événements au Brésil et a parlé d’un nouveau Plan Condor qui serait en train de frapper le continent. Partagez-vous le point de vue du président équatorien ?

Oui, je suis d’accord avec lui. Mais il faut remarquer quelque chose. Le Plan Condor, c’était autre chose. C’était une alliance entre les armées des pays du Cône Sud pour éliminer les éléments « subversifs ». Nous avons à faire ici à un nouveau Plan Condor. C’est un Plan Condor piloté en quelque sorte par les multinationales. Regardez les derniers morts dans les rangs de la classe travailleuse, ce sont des gens qui ont été tués après avoir lutté contre les multinationales.

Le cas le plus médiatisé a été celui de Berta Caceres au Honduras.

Je pense que c’est le bras le plus concret de l’impérialisme dans le continent. Ne pensons pas aux marines. Les multinationales sont les marines, les nouveaux marines. Il faut également

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

C’est comme si le test conçu pour les parents était plus simple que le test pour leurs enfants.. Ce qui voudrait donc dire qu’à

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