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La libre circulation des partenaires de même sexe (deuxième édition)

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Homosexualités et droit

De la tolérance sociale

a la reconnaissance juridique

sous la direction de

Daniel Borrillo

Maitre de conférences en droit privé a l'Université de Paris X-Nanterre

2*"

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(3)

CHAPITRE III

La libre circulation des partenaires

de rnême sexe*

Kees WAALDIJK**

I / L'HOMOSEXUALITE ET L'HÉTÉROSEXUALITÉ

DANS LES LÉGISLATIONS RELATIVES A L'IMMIGRATION

Les législations nationales sur l'immigration sont restricti-ves. Elles limitent Ie nombre de personnes ayant un droit de séjour. A l'exception des nationaux du pays en question, seu-les quelques catégories d'étrangers ont un droit de résidence. Les restrictions contenues dans les législations sur l'immi-gration s'appuient sur de nombreux critères dont la nationa-lité, Ie sexe et l'état civil. Conjugués, ces critères conduisent a diverses formes de discrimination a l'égard des partenaires de même sexe.

Le droit européen élargit, dans une certaine mesure, Ie nombre de personnes autorisées a résidence. Le droit au res-pect de la vie familiale1, par exemple, entraine, parfois, un

* La version anglaise de eet article est publiée dans Ie volume 3 du Maastricht

Journal of European and Comparative Law (1996, p. 271-285). Nous remercions les

éditeurs de ce Journal de nous avoir autorisé a Ie publier en francais.

** Maïtre de conférences et chereheur, Faculté de droit, Université de Leiden, cwaaldijk@law.leidenuniv.NL.

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droit pour certains membres de la familie de résider dans Ie même pays. Les citoyens des États membres de FUnion européerme se sont vu reconnaitre un droit de circulation et de résidence dans les autres États membres1, ainsi que celui

de se faire accompagner de leur conjoint2. Pour élargir Ie

nombre de personnes ayant un droit de résidence, les deux branches du droit européen s'appuient sur la notion de mariage et sur d'autres concepts semblables. Il reste donc a voir si Ie droit européen pourrait réellement améliorer les droits d'immigration pour des partenaires de même sexe.

II / LA LIBRE CIRCULATION DU CONTRAT DE MARIAGE

Le mariage est un contrat sui generis. Il crée non seule-nient des droits et obligations entre les époux, mais égale-ment entre eux et leurs enfants, leurs créanciers et les tiers. Il s'agit non seulement d'une convention de droit privé mais également d'une institution de droit public : facteur décisif en matière de montant des impöts, des cotisations a la Sécurité sociale, de l'acquisition d'une résidence, de la citoyenneté... Il n'entraine pas seulement des conséquences juridiques, mais aussi des avantages que des employeurs privés ou des presta-taires de service peuvent ajouter : meilleures retraites, voya-ges gratuits, et autres bénéfices pour les époux. Ses consé-quences ne sont pas seulement matérielles ; Ie mariage a également une signification sociale et religieuse, sans parier de son impact sur Ie comportement et l'identité des personnes concernées.

Pour en venir a notre propos, Ie mariage s'exporte bien. A quelques exceptions pres, un mariage conclu dans un pays est considéré comme un mariage dans Ie monde entier, avec les conséquences qui s'ensuivent aussi bien en droit public qu'en

1. Articles 3, 8 a, 48 et 52 du traite sur la Communauté européenne.

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212 Homosexualités en droit europeen et droit êtranger

droit privé. On pourrait dire qu'il existe une libre circulation

du statut du mariage qui facilite largement la libre circulation

des personnes mariées.

Bien que Ie mariage soit universel et mobile, il reste, jus-qu'a présent, un contrat qui ne peut être conclu qu'entre un homme et une femme. Cependant, des résolutions du Parle-ment néerlandais1 ainsi qu'une affaire hawaïenne ont soulevé

une question fort interessante : un mariage contracté entre deux personnes de même sexe serait-il reconnu a l'étranger ?

Cette question, ainsi que celles qui lui sont Hees, sont d'autant plus pertinentes que de nombreux États européens ont voté des législations sur les « partenariats enregistrés »

(registered partnerships). L'Allemagne et d'autres pays

sem-blent décidés a suivre Ie chemin tracé par Ie Danemark, la Norvège, la Suède, Ie Groenland, l'Islande et les Pays-Bas. Un parlenariat entre deux femmes ou deux hommes serait-il reconnu dans d'autres pays ?

Ces deux questions sont liées a une troisième question d'une importance vitale depuis longtemps pour les nombreux couples lesbiens et homosexuels vivant ensemble a l'étranger, ceux qui aimeraient vivre dans Ie même pays, ou ceux qui souhaiteraient s'installer ensemble a l'étranger : leur relation de fait serait-elle reconnue a l'étranger ?

A ces trois questions factuelles s'ajoute une quatrième question plus normative : Ie droit européen exige-t-il que soient reconnus les mariages et les partenariats enregistrés ou non entre personnes du même sexe ? Par droit européen, il faut entendre ici a la fois Ie droit de l'Union européenne et Ie droit européen des droits de l'homme.

III / RECONNAITRE

OU NE PAS RECONNAITRE ?

Reconnaitre ou ne pas reconnaitre, telle semble être la question. En fait, il n'en est rien. Cela peut être démontré

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avec l'exemple du partenariat. Supposons un instant que Ie droit européen exige que les partenariats soient reconnus a travers l'ensemble de l'Union européenne. En dehors des États qui ont eux-mêmes introduit ces contrats de partena-riat, une telle reconnaissance serait peu utile a un couple constitué de partenaires enregistrés. Après tout, Ie statut de «partenaire enregistré» n'a aucune conséquence dans Ie droit national des autres États, ni dans Ie droit de l'Union européenne, ni dans les traites et la jurisprudence relatifs aux droits de l'homme. Cette reconnaissance d'une personne en tant que « partenaire enregistré » ne serait susceptible d'aider cette personne que dans les cas oü les législations nationales touchant au droit international privé font référence aux lois d'un pays qui reconnaït ces contrats de partenariat (et uni-quement si cela n'entre pas en conflit avec l'ordre public national)1. Toutefois, de telles références n'existent dans

aucun droit national sur l'immigration.

Par conséquent, les questions relatives a la reconnaissance transnationale des unions entre personnes de même sexe se doivent d'être beaucoup plus spécifiques. En fait, c'est tout un ensemble de questions qui se pose. Chacune de ces ques-tions doit être reliée a l'un des sept concepts de partenariat existant dans les droits nationaux et européens.

IV / LES SEPT CONCEPTS JURIDIQUES DE PARTENARIAT

Pour les besoins de l'immigration, un partenaire (marie, enregistré ou non) pourrait désirer entrer dans 1'une de ces catégories. Si un étranger souhaite être autorisé a séjourner

]. K. Boele-Woelki et P. C. Tange, De Deense wet inzake het geregistreerd part-nerschap. Een voorbeeld voor Nederland ?, Nederland Juristenblad (1989), 1543 ; H. U. Jessurun d'Oliveira, Geregistreerd partnerschap en de Europese Unie,

Neder-land Juristenblad (1995), 1570 ; K. McK. Norrie, Reproduction tcchnology,

trans-sexualism and homosexuality : new problerns for international private ïaw, 43

Inter-national and Comparative Law Quarterly (1994), 757 ; B. Verschraegen,

Gleichgeschlechtliche « Ehen», Medien und Recht Verlags (1994), 219-222 ; L. Heide-Jorgensen, An Expansion of Fundamental Rights or an Erosiori of Tradi-tional Values ? A Review Essay, 3 Maastricht Journal ofEuropean and Comparative

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214 Homosexualités en droit européen et droit étranger

dans Ie même pays que son partenaire, il peut espérer être reconnu comme :

a) marie : selon les règlements nationaux relatifs a

l'imrnigration, des couples « rnariés » peuvent obtenir un per-mis de séjour bien plus facilement que des couples non mariés' ;

b) cohabitant : Ie fait de vivre ensemble peut — par

exemple, Ie paragraphe B1/3.2 de la circulaire hollandaise sur l'immigration — donner lieu dans certains cas a une auto-risation de séjour; cependant, aux Pays-Bas, les autres conditions sont un peu plus strictes que pour les couples mariés ; les autorités d'immigration britanniques peuvent accorder un droit de séjour aux cohabitants de maniere dis-crétionnaire ;

c) partenaire enregistré : au Danemark, en Norvège, en

Suède, au Groenland, en Islande, et aux Pays-Bas2 les

parte-naires enregistrés ont les mêmes droits d'immigration que les couples mariés3 ;

d) conjoint : selon l'article 10 (1) du Reglement

commu-nautaire 1612/684, Ie « conjoint» d'un citoyen de l'Union

européenne travaillant dans un autre État membre a un droit de séjour de ce pays ;

e) membre de la familie : selon l'article 10 (2) du

Regle-ment communautaire 1612/68, les États membres doivent « faciliter l'admission » des membres de la familie des travail-leurs, autres que Ie conjoint, les enfants, petits-enfants, parents ou grands-parents, mais seulement si ceux-ci sont a la charge du travailleur ou s'ils habitaient avec Ie travailleur dans son pays d'origine ;

f) menant une vie familiale avec son partenaire :

l'ar-ticle 8 de la Convention européenne des droits de l'homme exige que la vie familiale soit respectée ;

1. Voir, par exemple, Ia circulaire britannique sur l'immigration de 1994 [repro-duit dans Immigration : The Law and Practice par M. Supperstone et D. O'Dempsey (Longman, 1994)] et Ie paragraphe Bl/1.2 de la circulaire néerlandaise sur rimmigration, Ia Vreemdelingencirculaire de 1994.

2. Loi du 5 juillet 1997, Staatsblad, 1997, Nr. 324, entre en vigueur Ie l" jan-vier 1998.

3. Voir B. Verschraegen, Gleichgeschlechtliche « Ehen », 241-254.

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g) ayant une vie privée avec son partenaire : l'article 8 de

la Convention exige également que soit respectée la vie privée de chacun.

Si l'on combine ces sept concepts de partenariat avec les trois catégories de couples de même sexe (mariés, enregistrés ou non), on aboutit a un série de 21 questions. Le droit euro-péen exige-t-il que :

— les couples de même sexe non enregistrés, — les couples de même sexe enregistrés, — les couples de même sexe mariés, soient reconnus comme:

a) mariés ? b) cohabitants ?

c) partenaires enregistrés ? d) conjoints ?

e) membres de la familie ? f) partageant une vie familiale ?

g) menant une vie privée ?

On tentera de répondre a ces questions non seulement a la lumière des normes nationales et du droit européen sus-mentionnés, mais en prenant également en compte les diffé-rentes manifestations nationales et européennes du principe de non-discrimination. Il faudrait plus d'un ouvrage pour traiter de toutes ces questions en profondeur, et plus d'un cas d'espèce pour apporter une réponse définitive. Ne seront abordées ici que quelques-unes des complications et possibilités.

l l La reconnaissance des couples de même sexe en tant que personnes « mariêes »

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216 Homosexualités en droit européen et droit étranger

raisonnement qu'un tribunal hollandais a adopté récem-ment1. Il a estimé que, dans cerlaines circonstances, des

per-sonnes de même sexe cohabitant devaient être considérées comme des persormes mariées. Cette affaire concernait un homme originaire de Trinidad et Tobago, qui vivait depuis plusieurs années avec un Hollandais aux Pays-Bas. Cet homme s'était vu refuser un permis de séjour au motif que son partenaire hollandais ne percevait pas de revenus suffi-sants ; il recevait, en réalité, une allocation sociale peu impor-tante car il ne pouvait pas travailler en raison de son SIDA. Toutefois, selon la circulaire néerlandaise sur l'immigration2,

de telles ressources auraient été considérées suffisantes pour l'obtention d'un permis de séjour si Ie couple avait été marie. Dans la mesure oü ceux-ci se trouvaient dans l'impossibilité de se marier légalement (et comme leur contrat notarial de cohabitation s'efforcait de reproduire des droits et obligations similaires a ceux existant dans un mariage), Ie tribunal a estimé qu'il était discriminatoire d'appliquer a leur égard les mêmes dispositions que celles applicables a un couple hétéro-sexuel non marie.

Le tribunal n'a pas précisé quelle manifestation du prin-cipe de non-discrimination il utilisait. Il aurait pu se fonder sur l'article lcr de la Constitution néerlandaise (la clause de

non-discrimination), ou l'article 429 quater du Code pénal hol-landais qui qualifie de délit toute discrimination exercée par quiconque (y compris les fonctionnaires de l'immigration) a l'encontre des homosexuels dans l'exercice d'un emploi public ou privé ou dans Ie cadre d'un commerce3.11 aurait également

pu se fonder sur la clause de non-discrimination de la Conven-tion européenne des droits de l'homme (art. 14). Toutefois, selon la jurisprudence (jusqu'ici décevante) de la Commission européenne des droits de Phomme, l'article 14 permet que des

1. President Rechtbank Den Haag (président du tribunal de première instance de La Haye) ; décision du 24 octobre 1995, Migruntenrecht (1996), n° 4 ; coiifirmé (dans deux autres affaires) par la chambre centrale de ce tribunal Ie 23 octohre 1997,

Migrantanrecht (1997), n"" 130 el 131.

2. Paragraphe Bl/1.2, par opposition au paragraphe Bl/3. 2 qui traite des par-tenaires non mariés.

3. Voir K. Waaldijk, The Legal Situation in the Meniber States, in

Homosexua-lily : a European Community Issue, de K. Waaldijk el A. Clapham (Martinus Nijhoff,

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partenaires homosexuels soient traites de facon moins favo-rable que des partenaires hétérosexuels au motif « que la familie (a laquelle peut être assimilée la relation de couple hétérosexuel non marie mais cohabitant comme mari et femme) mérite une protection particuliere dans la société » et que « elle ne voit pas pourquoi un État contractant n'offri-rait pas une assistance particuliere aux families »*. Peut-être Ie raisonnement du tribunal hollandais sera-t-il utilisé avec plus de succes dans les affaires a venir concernant la

Conven-tion européenne2.

Jusqu'ici, les tribunaux hollandais n'ont pas eu Foccasion de reconnaitre les contrats de partenariat enregistré. Toute-fois, on imagine que Ie raisonnement adopté par Ie tribunal dans l'affaire concernant l'homme originaire de Trinidad serait également appliqué dans des affaires concernant des contrats de partenariat conclus dans les pays scandinaves, et,

a fortiori, dans les affaires concernant des mariages entre

per-sonnes de même sexe coiitractés, par exemple, a Hawaï. Il senible qu'a l'avenir, pour les besoins du droit hollandais sur l'immigration, les contrats de partenariat enregistré conclus a l'étranger et les unions entre personnes de même sexe serorit considérés comme des « mariages ».

2 l La reconnaissance des couples de même sexe en tant que « cohabitants »

D'un point de vue hollandais, il est toujours étonnant de rencontrer des régies juridiques qui reconnaissent la cohabi-tation mais qui limitent cette reconnaissance aux cohabita-tions hétérosexuelles3. Par exemple, la circulaire adressée aux

1. Simpson cl Royaume-lini, n" 11716/85, 14 mai 1986, D&R 47, 285 ; cité dans

W. J. et D. P. cl Royaume-Uni, n° 12513/86, 13 juület 1987, non publié dans D&R ;

dans C. et L. cl Royaume- Vni, n" 14753/89, 9 octobre 1989, non publié dans D&R ; et dans B. cl Royaume-Uni, n" 16106/90, 10 février 1990, D&R 64, 290 ; voir R. Winte-mute, Sexual Orientalion and Human Rights — The United States Conslitution, the

European Convention, and the Canadian Charter (Clarendon, 1995), 123.

2. Voir la décision de la Conimission européenne des droils de l'homme du l" juillet 1997, Sutheiïand clRoyaume- Uni, n" 25186/94.

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218 Homosexualités en droit europeen et droit étranger

fonctionnaires de I'immigration britannique Ie 8 novembre 1985 sur l'admissibilité des cohabitants était limitée aux rela-tions personnelles extramaritales entre des personnes de sexe opposé1.

lei, la distinction n'est pas fondée sur Ie statut marital mais directement sur les préférences sexuelles du couple (ou, en d'autres termes, sur Ie sexe des personnes impliquées). Comme il a été dit, la Commission européenne des droits de l'homme a, jusqu'ici, accepté ce genre de distinction. Toute-fois, il a été souligné que la validité du raisonnement de la Commission dépend de l'hypothèse selon laquelle les couples homosexuels ne constituent pas une « familie »2. Cela est

sujet a critique pour les mêmes raisons que l'interprétation restrictive de la « vie familiale ». Il a été également suggéré15

que l'empressement de la Commission a considérer la dispa-rité de traitement entre couples de même sexe et couples de sexe différent comme justifiée n'est pas compatible avec l'exigence de « raisons tres fortes » dans les cas de discrimi-nation a raison du sexe*. Dans toutes les affaires concernant des couples de même sexe traitées par la Commission, on pourrait affirmer que les requérants auraient été traites plus favorablement si l'un des deux partenaires avait été du sexe opposé.

Par conséquent, dans les affaires a venir, on pourrait soute-nir que la Convention européenne exige que des cohabitants de même sexe soient reconnus comme des « cohabitants ».

Un raisonnement similaire pourrait être développé afin qu'un contrat de partenariat (ou un mariage entre personnes de même sexe) soit considéré comme une forme de cohabita-tion dans les pays oü ces contrats (ainsi que les mariages entre personnes du même sexe) n'existent pas.

1. Immigralion : The Law and Practice, de Supperslone et O'Dempsey, 213. Cette circulaire de 1985 a été révoquée. Une nouvelle circulaire de 1997 s'applique aussi aux partenaires de même sexe.

2. P. Van L)ijk, The Treatment of Homosexuals under the European Conven-tion on Human Rights, in Homoscxuality : a European Communily Jsswe, de Waal-dijk et Clapham (eds), 198.

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3 l La reconnaisscmce des couples de même sexe en tant que « partenaires enregistrés »

II est a noter qu'il existe quelques différences entre les lois scandinaves sur les partenaires enregistrés et la loi hollan-daise. L'une de ces différences concerne Ie droit d'accession aux contrats de partenariat. Dans les pays scandinaves, l'accès a ces contrats est soumis a une condition tres stricte qui doit être remplie par l'un des partenaires (au Danemark, par exemple, l'un des partenaires, au moins, doit être de nationalité danoise résidant au Danemark ; des conditions similaires existent dans les autres pays scandinaves)1. Dans la

loi hollandaise, au contraire, les conditions sont moins stric-tes, mais elles doivent être remplies par les deux partenaires ; chaque partenaire doit posséder : soit la nationalité hollan-daise, soit un droit de résidence valable2.

On a soutenu que Ie système scandinave était contraire a la législation communautaire car elle aboutit a une discrimi-nation entre les ressortissants communautaires a raison de leur nationalité. L'article 7 (2) du Reglement 1612/683

pré-voit que les citoyens d'un autre État membre doivent béné-fïcier « des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les tra-vailleurs nationaux ». Dans l'affaire Reed, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé « que la possibilité pour un travailleur migrant d'obtenir que son partenaire non marie (...) soit autorisé a y séjourner avec lui "cons-titue" un avantage social visé par l'article 7, paragra-phe 2 »4. Par conséquent, la possibilité pour un travailleur

migrant d'enregistrer son contrat de partenariat avec un partenaire de même sexe de la même maniere que les

natio-1. Voir B. Verschraegen, Gleichgeschlechtliche « Eken », 108, 121 et 129. 2. Kamerstukken II (Documents parlementaires), 1995/1996, 23761, n° 9, projet d'article 80 a du livre lcr du Code civil. Dans Ie projet de loi original de 1994, une

condition supplementaire était suggérée pour les partenaires non ressorlissants de 1'Union européenne. Ceux-ci ne seraient autorisés a conclure un contrat d'union sociale qu'après un an de résidence aux Pays-Bas. Cette condition a été fortement critiquée (voir J. d'Oliveira, Netherlands Juristenblad (1995), 1569, et a été aban-donnée dans Ie projet de loi révisé présenté a l'été 1996.

3. Reglement du Conseil des Communautés européennes « relatif a la libre cir-culation des travailleurs a l'intérieur de la Communauté », [1968] JO L257/2.

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220 Homosexualités en droit européen et droit étranger

naux Ie peuvent doit également être considéré comme un « avantage social »'.

Puisque l'exigence d'un droit de résidence valable ne s'applique pas aux étrangers qui souhaitent se marier aux Pays-Bas, on pourrait soutenir que Ie système hollandais exerce une discrimination a raison des préférences sexuelles, du sexe et de l'état civil2.

Il reste a voir si ces conditions restrictives (visant a éviter un « tourisme d'enregistrement » et/ou des « enregistrements blancs », c'est-a-dire des enregistrements de « faux partena-riats ») survivront aux nombreuses affaires qui ne manque-ront pas de survenir.

Un point de discussion interessant est de savoir si les auto-rités de l'immigration des pays ayant introduit les contrats de partenaire enregistré devraient reconnaitre les partenaires non enregistrés de même sexe au même titre que les partenai-res « enregistrés », si ces partenaipartenai-res n'ont pas la possibilité d'enregistrer leur union dans leur pays d'origine.

Dans les pays ayant introduit les contrats de partenariat, les couples mariés de même sexe devraient être considérés, au moins, comme des partenaires « enregistrés » tant que les autorités rechigneront a considérer leur union comme un « mariage ».

4 l La reconnaissance des partenaires de même sexe en tant que « conjoints »

Les droits d'immigration les plus étendus sont ceux accor-dés par la législation européenne. Les ressortissants de l'Union ont, dans l'exercice de leur liberté de circulation, Ie droit d'être accompagnés de leur « conjoint ». C'est Ie

règle-1. F. Emmert, The Family Policy of the European Communily in K. Waaldijk et A. Clapham (eds), Homosexualily: a European Communily Issue, 381-382 ; D. O'Keeffe, Comments on the Free Movement of Various Categories of Persons, in

Free Movement of Persons in Europe de H. G. Schermers et al. (eds) (Martinus

Nij-hoff, 1993), 517.

2. Voir Heide-Jorgensen, 3 Maastricht Journal of European and Comparatlve

Law (1996), 192, pour les détails concernant une affaire dans laquelle la Cour danoise

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ment 1612/68 qui régule la libre circulation des travailleurs (voir supra). Des droits identiques existent pour les conjoints des personnes travaillant a leur compte, des prestataires de service, des retraites, des étudiants1...

La Cour de justice des Communautés européennes a déclaré que Ie terme « conjoint» dans l'article 10, para-graphe l du reglement 1612/68 « vise seulement un rapport fondé sur Ie mariage »2. Bien que cette décision ait été rendue

dans une affaire concernant un homme hollandais et une femme anglaise, Ie résultat aurait sans doute été Ie même dans une affaire concernant une relation homosexuelle.

Toutefois, on a suggéré qu'il était temps de réviser la juris-prudence Reed, et « de décider que, étant donné l'évolution dans les différente États membres, la signification du terme "conjoint" doit maintenant être étendue afin d'inclure les cou-ples non mariés de quelque sexe qu'ils soient »3. Mis a part

cette argument "sociologique" visant a inclure les couples non mariés, un argument fonctionnel a été avance qui touche au cceur de la législation communautaire : Ie reglement 1612/68 vise a faciliter la libre circulation des travailleurs, et, si un tra-vailleur ne peut être accompagné de son ou sa partenaire, sa « volonté et capacité a circuler a l'intérieur de la Communauté serait sérieusement compromise »4. Un argument

supplemen-taire pourrait s'appuyer sur Fégalité en tant que principe fon-damental du droit communautaire (voir infra). Dans sa « Résolution sur l'égalité des droits des homosexuels et des les-biennes dans la Communauté européenne », Ie Parlement européen a également demandé qu'il soit possible aux couples de même sexe « de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes »5.

Il serait plus facile pour la Cour de justice des Communau-tés européennes de considérer les partenaires enregistrés

1. Voir H. U. Jessurun d'OIivcira, Lesbians and Gays and the Freedoni of Movement of Persons, in K. Waaldijk et A. Clapham (eds.), Homosexuality : a

Euro-pean Community Issue, 297.

2. Affaire 59/85 Reed [1986].

3. H. U. Jessurun d'OHveira, in Homosexuality : a European Community Issue, K. Waaldijk, A. Clapham (eds), 314. Voir également L. Heide Jorgensen, 3

Maos-tricht Journal of European and Comparative Law (1996), 185.

4. A. Clapham et J. H. II. Weiier, Lesbians and Gay Men in the European Com-munity Legal Order, in Homosexuality : a European ComCom-munity Issue, op. cit., 42.

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222 Homosexualités en droit européen et droit étranger

comme des « conjoints » que d'inclure sous ce vocable tous les couples non mariés. Les similitudes entre des partenaires mariés et des partenaires enregistrés (de même sexe) sont bien plus importantes que les similitudes entre des partenaires mariés et des personnes (de sexe opposé) cohabitant. Les per-sonnes mariées comme les partenaires enregistrés sont formel-lement enregistrés en tant que tels (ce qui diminue la néces-sité d'établir l'existence de la relation par des preuves), ont les mêmes obligations juridiques en ce qui concerne les pen-sions alimentaires... (a l'exception des relations juridiques aux enfants, mais cela n'est pas pertinent en ce qui concerne Ie droit a immigrer de l'un des partenaires) et sont soumis a une procédure formelle s'ils souhaitent rompre leurs Hens (au contraire des personnes cohabitant qui peuvent se séparer plus facilement).

Dans l'affaire Reed, Ie gouvernement hollandais a soutenu qu' « il n'y aurait (...) aucune raison de donner a la notion de "conjoint" une interprétation allant au-dela de la notion juri-dique du conjoint avec les droits et obligations jurijuri-diques qui s'y rattachent et qui n'existeraient pas dans les relations de partenaires non mariés »'. A la lumière de eet argument, on peut a présent affirmer que les partenariats enregistrés sont « des partenariats bien définis et officiellement enregistrés qui ne sont en aucun cas soumis a des incertitudes juri-diques » et qu' « ils doivent donc être considérés a égalité avec les relations maritales, et les partenaires comme des "conjoints" »2. Par conséquent, les partenaires enregistrés

pourraient bénéfïcier des droits d'immigration accordés par l'article 10, paragraphe l du reglement 1612/68.

Dans l'hypothèse des mariages entre personnes de même sexe contractés dans un Etat membre, toute cette argumen-tation ne serait pas nécessaire, bien que la Cour puisse, en theorie, décider de limiter la signifïcation de « conjoint » a la notion hétérosexuelle du terme. Cependant, si tel était Ie cas, la Cour ferait preuve de bien peu de respect a l'égard du droit national de la familie de eet Etat membre. La seule option

1. Affaire Reed 59/85 [1986].

2. H. U. Jessurun d'Oliveira, in Homosexuality : a European Community Issue,

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valable offerte a la Cour de justice serait d'accepter tous les mariages considérés comme valables dans l'un au moins des Ëtats membres, y compris les mariages entre deux hommes ou deux femmes.

5 / La reconnaissance des partenaires de même sexe

en tant que «. membres de la familie »

Tant que les partenaires de même sexe seront exclus du concept de « conjoint», ils pourraient être aidés par Ie second paragraphe de l'article 10 du reglement 1612/68. Celui-ci prévoit que les Etats membres doivent, au mini-mum, « favoriser l'admission de tout membre de la familie qui ne beneficie pas des dispositions du paragraphe l, s'il se trouve a la charge ou vit, dans Ie pays de provenance, sous Ie toit du travailleur». Clapham et Weiier soutiennent qu'un partenaire de même sexe devrait, au minimum, être considéré comme un « membre de la familie » dont l'admission doit être « favorisée » par les Etats membres conformément a l'article 10, paragraphe 2. Ils ne se fondent pas uniquement sur « Ie point de vue humain » et Ie respect de la vie privée et familiale tel que prévu a l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (voir infra), mais également sur l'argument fonctionnel (voir supra) ; ils affirment, en outre, que, comme l'article 10, paragraphe 2 ne vise ni les conjoints, ni les parents, ni les enfants, « les per-sonnes extérieures au noyau familial doivent être incluses »*.

Il serait étonnant que ces arguments ne convainquent pas la Cour de justice des Communautés européennes si une affaire se présentait dans laquelle un partenaire de même sexe non enregistré (ou, a fortiori, enregistré ou marie) demande a être considéré comme un membre de la familie en vertu de l'article 10, paragraphe 2.

Le problème que soulève la reconnaissance des partenaires de même sexe (non enregistrés, enregistrés ou mariés) en tant

1. A. Clapham et J. H. H. Weiier, dans Homosexuality : a European Community

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224 Homosexualités en droit européen et droit étranger

que « membres de la familie », est que cela ne produit pas de véritable droit. Cela oblige uniquement les Etats membres a « favoriser » l'admission.

Toutefois, la jurisprudence de la Cour a montré a plu-sieurs reprises que, dans Ie domaine du droit communau-taire, la Cour n'accepte pas les mesures nationales incompa-tibles avec les droits de l'homme et les autres principes généraux du droit communautaire1. Le principe d'égalité est

l'un de ces principes2.

La volonté de la Cour de justice des Comrnunautés euro-péennes de donner une interprétation large au principe d'égalité a été démontrée récemment dans une affaire concer-nant un transsexuel qui alléguait que son licenciement au motif de son changement de sexe envisagé constituait une discrimination a raison du sexe. La Cour a accepté ce raison-nement en affïrmant que Ie principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes signifie bien qu'il ne doit exister aucune discrimination quelle qu'elle soit a raison du sexe, et que des discriminations exercées a raison de « la conversion sexuelle de l'intéressée » sont en effet « fondées essentielle-ment, sinon exclusiveessentielle-ment, sur Ie sexe de Fintéressé »3. On

pourrait dire que l'homosexualité est aussi fondée essentielle-ment sur Ie sexe de l'intéressé. Il est a noter que Ie Comité des droits de l'homme a abouti a cette conclusion en ce qui concerne Ie Pacte international sur les droits civils et politi-ques4. Malheureusement, la Cour de justice des CE n'a pas

voulu suivre ce raisonnemenl dans l'affaire Grant c/Southwest Trams5.

Le contenu de l'article 10, paragraphe 2 du regle-ment 1612/68 fait claireregle-ment partie du droit communau-taire. Par conséquent, il doit être appliqué eonformément au principe d'égalité. Il semble peu probable que la Cour de jus-tice exclut l'égalité entre les couples homosexuels et les cou-ples hétérosexuels (non mariés) de la portee de ce principe. Il

1. Voir, par exemple, l'affaire C-260/89 EKT [1991]. 2. Affaires 117/76 et 16/77 Ruckdeschel [1977].

3. Affaire C-13/94 P. ei S. et Cornwall County Council, arrêt du 30 avril 1996, § 17 et 20-21.

4. Voir l'avis du Comité dans Toonen cl Australië, 31 mars 1994, CCPR/C/50/D/ 488/1992, §8.7.

(18)

existe donc un argument pour dire que, dans Ie domaine de l'article 10, paragraphe 2, les principes du droit communau-taire n'autorisent pas les États membres et les institutions européennes a traiter les concubins homosexuels (ou les par-tenaires enregistrés1) moins favorablement que les concubins

hétérosexuels. Il reste a voir si eet argument pèsera de tout son poids afin que cesse la discrimination entre les concubins homosexuels et les couples hétérosexuels mariés.

6 / La reconnaissance des couples de même sexe

en tant que « partageant une vie familiale »

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit Ie respect de la « vie familiale ». La Com-mission européenne des droits de l'homme a affïrmé a plu-sieurs reprises que les « relations homosexuelles » ne sont pas considérées comme faisant partie de la « vie familiale »2. Lors

de la première interprétation de ce genre en 1983, comme lors de la dernière en 1992, la Commission a dit qu'il en était ainsi « en dépit de l'évolution contemporaine des mentalités vis-a-vis de l'homosexualité »3. Cela suppose, au moins, qu'une

interprétation différente serait possible si les mentalités évo-luaient davantage.

Van Dijk a reproché, avec raison, a la Commission de ne pas avoir recherche, dans les dernières affaires, si cette évolu-tion avait atteint un niveau tel que la Commission aurait du modifier sa position4. Il est a noter que les dispositions

vis-a-vis des couples de même sexe ont grandement évolué dans nombre de pays européens durant les dernières années. Par exemple, Ie nombre de juridictions possédant des législations sur la discrimination visant expressément les préférences

l Vou l'affaire de D <•/ Ie Conseil de l'Union européenne, T-264/97 On altend Ie jugement du tribunal de premiere instance en fevrier 1999

2. X et Y cl Royaume-Um, n° 9369/81, 3 mai 1983, D&R 32, 223 , Simpson cl

Royaume-Um, n° 11716/85, 14 mai 1986, D&R 47, 283 , C et L M cl Royaume-Um,

n° 14753/89,9 octobre 1989, non pubhé dans D&R , Kerkhoven ü Pays-Bas, n" 15666/89, 19 mai 1992, non pubhé dans D&R

3 X et Y, Kerkhoven

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226 Homosexualités en droit européen et droit étranger

sexuelles sont passées de deux a onze (la Norvège et la France ont été rejointes par la Suède, Ie Danemark, Ie Groenland, l'Irlande, les Pays-Bas, l'Espagne, la Finlande, la Slovenië et Ie Luxembourg). Des progrès dans Ie domaine des partena-riats entre personnes de même sexe ont été accomplis dans de nombreux pays dont les pays scandinaves, la France, l'Espagne, la Hongrie, la Belgique, les Pays-Bas et Ie Royaume-Uni1.

L'interprétation restrictive est également sans fondement dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, car la Cour n'a, tout simplement, jamais eu l'occasion de se prononcer sur ce genre de question2, et car la

Cour (comme la Commission) a « par ailleurs donné une interprétation téléologique et autonome» au concept de «vie familiale »3. Contrairement a la Commission

euro-péenne, les plus hautes juridictions hollandaises ont déja inclu les relations homosexuelles dans leur interprétation de la « vie familiale »4.

Jusqu'a présent, la Cour européenne des droits de rhomme a été empêchée de statuer sur cette question car la Commission a déclaré irrecevables toutes les demandes sur la situation des couples homosexuels. Depuis Ie ler

novem-bre 1998 il y a des chances d'un véritable bouleversement, car la Commission et la Cour actuelles sont remplacées par une nouvelle Cour européenne permanente des droits de l'homme (comme Ie prévoit Ie Protocole 11 de la Convention européenne des droits de l'homme).

Suite aux critiques suscitées par les décisions de la Com-mission européenne, et a la reconnaissance sociale et juri-dique croissante des relations homosexuelles dans de nom-breux pays européens, une affaire judicieusement étayée

1. Voir IC. Waaldijk, Standard Sequences in the Legal Recognition of Homosexuality — Europe's Past, Present and Future, 4 Australian Gay and Lesbian

Law Journal (juin 1994), 50 ; voir également la parution mensuelle de Euroletter

publié au nom de PAssociation internationale des gays et des lesbiennes (ILGA). 2. R. Wintemute, Sexual Orientation and Human Rights, 111.

3. P. Van Dijk, dans Homosexuality : a European Community Issue, op. cit., 190. Voir Ie jugement de la Cour du 22 avril 1997, XYZ.

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pourrait convaincre la nouvelle Cour d'adopter une interpré-tation plus extensive du concept de « vie familiale ». Les chances de voir les partenariats enregistrés et les mariages homosexuels reconnus en tant que « vie familiale » sont pro-bablement pareilles que celles de voir les cohabitations homo-sexuelles reconnues de la même facjon. Après tout, la Commis-sion a considéré les couples hétérosexuels mariés ou non comme des formes de « vie familiale »*.

7 / La reconnaissance des couples de même sexe

comme partageant une « vie privée »

Différents aspects de l'homosexualité ont été reconnus par Strasbourg comme faisant partie de la « vie privée ». La Cour européenne des droits de l'homme a déclaré que les relations sexuelles entre deux personnes de même sexe, ainsi que l'orientation sexuelle, sont « des aspects les plus intimes de la vie privée »2. La Commission européenne des droits de

l'homme estime également que «Ie choix d'affirmer et d'assumer son identité sexuelle » est un aspect de la « vie privée »3. Par conséquent, et sans grande surprise, la

Com-mission a estime, dans les six affaires de couples homosexuels, que leur relation faisait partie de la « vie privée » également4.

Toutes ces affaires impliquaient des couples non enregis-trés. On peut tenir pour certain que les couples homosexuels enregistrés et mariés seraient également considérés comme des formes de «vie privée». Toutefois, dans Ie domaine de l'immigration, cela ne signifie pas grand-chose jusqu'a présent. Tout d'abord, la Commission n'a estime, dans aucune des affaires, qu'il y avait « ingérence » dans la vie privée5. Les

quatre affaires touchant a l'immigration étaient relatives a

1 P Van Dijk, in Homosexuahty a European Commumty Issue, op cit , 190 2 Jugements du 22 oclobre 1981, Dudgeon, series A, vol 45, § 52 , et du 19 fevrier 1997, Lashey, Jaggard et Brown

3 f cl Suisse, n° 11680/85, 1988, D&R 55, 178

4 Kerkhoven cl Pays-Bas, n" 15666/89, 19 mai 1992, non pubhe dans D&R ,

Simpson cl Royaume-Um, n° 11716/85, 14 mai 1986, D&R 47, 284 , et les quatre

affaires contre Ie Royaume-Um (op cit )

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228 Homosexualités en droit européen et droit étranger

l'expulsion du partenaire étranger d'un citoyen britannique. Dans la première affaire, la Commission a estimé que, comme les deux partenaires avaient « une mobilité profes-sionnelle certaine », la preuve n'avait pas été apportée « que les requérants ne pouvaient pas vivre ensemble ailleurs qu'au Uni, ou que leurs liens avec Ie Royaume-Uni étaient un element essentiel de leur relation »'. Dans les affaires de W. J. et D. P. cl Royaume-Uni2 et de C et L. cl

Royaume- Uni3, la Commission a décidé que Ie dérangement

causé a la vie privée par l'expulsion ne constitue ( « en prin-cipe » ) une ingérence que dans des circonstances exception-nelles. Tout cela découle directement de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire

Abdu-laziz* selon laquelle Farticle 8 n'implique en aucune maniere

l'obligation par les États contractants « d'accepter l'ins-tallation de conjoints non nationaux dans Ie pays ». Toute-fois, selon Van Dijk, la Commission a négligé « Ie f acteur homosexuel » dans ces affaires : c'est justement a cause de la nature homosexuelle de leur relation qu'il aurait été tres dif-fïcile a ces couples d'aller s'installer ailleursr>.

Le problème de savoir si l'ingérence en question était jus-tifiée ne s'est pose6 que dans une seule affaire touchant a

l'immigration7. Cette affaire était relative a l'expulsion d'un

homme homosexuel vers Chypre. La Commission a estimé que l'éventualité de « l'hostilité et de l'ostracisme social a cause de son homosexualité » ne l'emportait pas sur « les considérations valables concernant la mise en osuvre correcte des controles de l'immigration ». (Cela apporte de nouveau la preuve du manque d'attention de la part de la Commission au « facteur homosexuel ».)

Par ailleurs, l'approche parallèle qui consiste a invoquer l'article 14 (la non-discrimination) en combinaison avec Ie droit a la vie privée protégé par l'article 8 n'a, jusqu'a

pré-l.XetY cl Royaume-Uni, n° 9369/81, 3 mai 1983, D&R 32, 224.

2. N» 12513/86, 13 juillet 1987, non publié dans D&R. 3. N" 14753/89, 9 octobre 1989, non publié dans D&R. 4. 28 mai 1985, séries A, vol. 94, § 68.

5. P. Van Dijk, dans Homosexuality : a European Community Issue, op. dl., 191-192.

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sent, pas porté ses fruits devant la Commission1. Comme il a

été dit précédemment, la Commission estime que Ie trai-tement moins favorable des partenaires homosexuels est objectivement et raisonnablement justifié au niotif que « la familie (...) mérite une protection particuliere dans la société ». Par conséquent, même dans Ie contexte de la « vie privée » (etiquette volontiers attachée aux relations homo-sexuelles), l'exclusion des relations homosexuelles de la notion de « vie familiale » exerce son influence. En refusant aux couples homosexuels l'étiquette de « vie familiale », la Commission diminue également la protection que l'article 14 pourrait accorder dans Ie champ de la « vie privée ».

Cet état de choses pourrait être modifié a l'avenir en per-suadant les juges de Strasbourg a étendre la notion de « vie de familie » aux couples homosexuels (voir supra). On pourrait également essayer de convaincre la Cour que, dans Ie domaine de la « vie privée », les partenaires de même sexe sont traites moins favorablement a raison du sexe de l'un d'entre eux, que, par conséquent, « une raison tres forte » serait requise pour justifier cette différence de traitement, et que la protection de la familie (hétérosexuelle) ne constitue plus désormais une telle raison (voir supra). Enfin, on pourrait remettre en ques-tion la proporques-tionnalité entre Ie refus de séjour d'un cöté, et la finalité de protection de la « familie » (ou de controle de l'immigration) d'un autre cöté.

V / LA LIBRE CIRCULATION

DU CONCEPT DE PARTENARIAT

N'avoir pour toute reconnaissance qu'un droit a la « vie privée » n'est pas d'un grand secours aux partenaires de même sexe qui souhaitent vivre ensemble dans un pays euro-péen. Afin que leur relation soit pleinement reconnue dans les autres pays, il faudrail qu'ils soient incorporés dans les

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230 Homosexualités en droit européen et droit étranger

concepts plus officiels de partenariat tels que la « familie », Ie « mariage », les « con.join.ts », l' « enregistrement », ou même la « cohabitation ». Des arguments de poids en faveur de eette incorporation peuvent être fondés sur les droits de l'homme et Ie droit communautaire.

Les couples homosexuels ou lesbiens qui souhaitent acquérir des droits a l'immigration fondés sur leur relation ont besoin d'un statut offïciel de partenariat, un statut de partenariat qui soit pleinement reconnu par les politiques publiques. Seul un tel statut offïciel sera susceptible de circu-ler relativement librement au-dela des frontières. Les juridic-tions ainsi que les législateurs nationaux et communautaires devraient rendre ce genre de statut accessible aux couples homosexuels, de la même maniere que la loi a toujours fourni aux couples hétérosexuels Ie « mariage » et d'autres notions de partenariat qui voyagent librement de par Ie monde. Dans des affaires de principe et dans d'autres domaines, Ie droit devrait être interprété, voire modifié de cette maniere.

En tant que statut offïciel, Ie « mariage » serait Ie plus efficace car il joue un röle important dans les législations nationales (sur l'immigration) de tous les pays. Toutefois, obtenir ce statut par des politiques parlementaires ou par des décisions de principe est, sans doute, la chose la plus difficile étant donné ses antécédents traditionnels et religieux. Les contrats de partenariat seraient plus faciles a obtenir, mais uniquement par des textes de lois. Les statuts de « cohabita-tion », « conjoints » et « familie » ont l'énorme avantage de pouvoir être obtenus devant les tribunaux, sans avoir a mobi-liser auparavant une majorité parlementaire.

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