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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le lundi 22 décembre 2014

Année 2014, numéro 23 SOMMAIRE

Cuba Cuba Cuba

Cuba / USA / USA / USA / USA

Barack Obama a sans doute pris la décision la plus Barack Obama a sans doute pris la décision la plus Barack Obama a sans doute pris la décision la plus Barack Obama a sans doute pris la décision la plus

emblématique de ses deux mandats et a réparé une anomalie emblématique de ses deux mandats et a réparé une anomalie emblématique de ses deux mandats et a réparé une anomalie emblématique de ses deux mandats et a réparé une anomalie

d’un autre temps d’un autre temps d’un autre temps

d’un autre temps… page 1 … page 1 … page 1 … page 1

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée… page page page page 6 6 6 6 RDC

Pour les Etats-Unis, le Congo lave trop blanc … page page page page 8 8 8 8 Sortie malheureuse de Joseph Kabila :

Un grand peuple pour un petit président… page … page … page 10 … page 10 10 10 CPI CPI

CPI CPI

Les pays africains soutiennent la Cour pénale internationale… … … … page page

page page 12 12 12 12 Climat

A Lima, gouvernements et chefs d’Etat choisissent l’inaction… … … … page

page page page 15 15 15 15

Syrie Syrie Syrie Syrie

Farouk Mardam-Bey : « La Syrie ne mérite pas cela » … page … page … page … page 17 17 17 17 Mexique

Mexique Mexique Mexique

Dans le d’Ayotzinapa : quand le monde d’en-haut s’effondre, écouter les voix d’en-bas… page 20 … page 20 … page 20 … page 20

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Cuba Cuba

Cuba Cuba / USA / USA / USA / USA

Barack Obama et Raul Castro © Opera Mundi

Barack Obama a sans doute pris la décision la plus emblématique de ses deux mandats et a réparé une anomalie d’un autre temps

Par Salim Lamrani 1 Opera Mundi

La Havane et Washington viennent d’ouvrir une nouvelle ère de rapprochement avec les libérations respectives d’Alan Gross et de trois Cubains.

Plus d’un demi-siècle après la rupture des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis survenue le 3 janvier 1961, les deux gouvernements ont annoncé la mise en place d’un processus de normalisation des rapports bilatéraux. La Havane et Washington ont répondu favorablement à une demande du Pape François qui les avait exhortés à mettre de côté leurs différends d’un autre temps et à rétablir les liens entre les peuples étasunien et cubain. Les contacts entre les deux parties ont été facilités par le Vatican et le Canada qui ont

1 Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité, Paris, Editions Estrella, 2013 et comporte une préface d’Eduardo Galeano.

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limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1 Contact : lamranisalim@yahoo.fr ; Salim.Lamrani@univ-reunion.fr

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

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offert aux délégations la discrétion nécessaire tout au long d’un processus de dialogue qui a duré près de 18 mois.

Echange de prisonniers

Après plusieurs mois de négociations secrètes, Cuba et les Etats-Unis sont parvenus à un accord historique sur un échange de prisonniers qui ouvre la voie à la pleine normalisation des relations entre les deux nations. La Havane a ainsi décidé de libérer Alan Gross, agent étasunien incarcéré depuis décembre 2009 et condamné à 15 ans de prison – pour avoir fourni une aide matérielle à différents secteurs de l’opposition cubaine dans le cadre d’un programme du Département d’Etat des Etats-Unis destiné à obtenir un changement de régime dans l’île. De la même manière, Cuba a procédé à la libération d’un autre agent étasunien au nom de Rolando Sarraff Trujillo qui était incarcéré depuis près d’une vingtaine d’années, ainsi qu’une cinquantaine de détenus.

De son côté, Washington a procédé à la libération de cinq agents cubains, Antonio Guerrero, Ramón Labañino et Gerardo Hernández, Fernando et Réné Gonzalez, qui purgeaient depuis 1998 des peines allant jusqu’à la prison à vie, et ce pour avoir infiltré les groupuscules de l’exil cubain impliqués dans les attentats terroristes contre Cuba. Les détails de cet échange ont été finalisés lors d’un entretien téléphonique historique de 45 minutes – le premier contact officiel entre les présidents cubain et étasunien depuis 1959 – le 16 décembre 2014. Par ces gestes respectifs, Raúl Castro et Barack Obama ont levé le principal obstacle à l’établissement de relations apaisées entre les deux pays2.

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« Les Cinq » 3

La fin d’une politique obsolète et contreproductive

Le 17 décembre 2014, lors une allocution télévisée, Obama a informé l’opinion publique étasunienne et mondiale de sa décision de rétablir les relations diplomatiques avec La Havane : « Aujourd’hui, les Etats-Unis d’Amérique changent leur relation avec le peuple de Cuba et il s’agit du changement le plus significatif de notre politique depuis plus de 50 ans4 ».

Le Président étasunien a fait un constat lucide au sujet de la politique étrangère de Washington. En persistant à appliquer des mesures anachroniques – qui datent de la guerre

2 The White House, « Barack Obama’s Speech : Charting a New Course of Era », 17 décembre 2014.

http://www.whitehouse.gov/issues/foreign-policy/cuba (site consulté le 17 décembre 2014)

3 Antonio Guerrero (Miami, 1958) Ingénieur en construction d’aérodromes, poète, deux fils.

Fernando Gonzalez (La Havane, 1963) Diplômé de l’Institut des Relations Internationales au Ministère des Affaires étrangères, marié.

Gerardo Hernandez (La Havane, 1965) Diplômé de l’Institut des Relations Internationales du Ministère des Affaires étrangères, marié.

Ramon Labañino (La Havane, 1963) Licencié en Économie de l’Université de La Havane, marié, trois filles.

René Gonzalez (Chicago, 1956) Pilote et instructeur de vol, marié, deux filles.

4 The White House, « Barack Obama’s Speech : Charting a New Course of Era », 17 décembre 2014.

http://www.whitehouse.gov/issues/foreign-policy/cuba (site consulté le 17 décembre 2014)

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froide –, cruelles – car elles affectent les secteurs les plus fragiles de la population cubaine – et contreproductives – car l’objectif de renverser le gouvernement cubain n’a pas été atteint –, Washington a suscité la condamnation unanime de la part de la communauté internationale.

« Nous allons mettre un terme à une approche obsolète qui a échoué pendant des décennies à promouvoir nos intérêts. Nous allons commencer à normaliser les relations entre nos deux pays », a déclaré Barack Obama.

L’hostilité vis-à-vis de Cuba a complètement isolé les Etats-Unis sur la scène internationale. Lors de la réunion annuelle de l’Assemblée générale des Nations unies en octobre 2014, pour la 23ème année consécutive, 188 pays ont voté contre les sanctions imposées à la population cubaine. De la même manière, les Etats-Unis sont le seul pays du continent américain à ne pas disposer de relations diplomatiques et commerciales normales avec Cuba. L’Amérique latine, très sensible à la question cubaine, a également exprimé sa volonté d’intégrer l’île au prochain Sommet des Amériques en avril 2015 au Panama, menaçant même de boycotter la rencontre en cas de nouvelle exclusion de La Havane.

Obama a rappelé cette réalité : « Aucune nation ne nous a rejoint dans l’imposition de ces sanctions [et] ni le peuple américain ni le peuple cubain ne tirent profit d’une politique rigide qui est ancrée dans des évènements qui ont eu lieu avant que la plupart d’entre nous soyons nés. […] J’ai donc décidé de placer les intérêts de nos deux peuples au cœur de notre politique. […] Après tout, ces 50 dernières années ont montré que l’isolement n’a pas marché. Il est temps d’adopter une nouvelle approche ».

Selon la Maison-Blanche, « la politique américaine vis-à-vis de Cuba a isolé les Etats- Unis de ses partenaires régionaux et internationaux, a limité [la] capacité à influencer des issues à travers le continent américain, et a empêché l’utilisation de toute une série d’instruments disponibles pour les Etats-Unis afin de promouvoir un changement positif à Cuba5 ». John Kerry, secrétaire d’Etat, a partagé ce point de vue rappelant que « non seulement cette politique a échoué […], mais elle a également isolé les Etats-Unis au lieu d’isoler Cuba6 ».

Rétablissement du dialogue et assouplissement des sanctions économiques

Washington a donc décidé de rétablir les relations diplomatiques avec Cuba, qu’il avait unilatéralement rompues en 1961. Roberta Jacobson, sous-secrétaire d’Etat pour l’hémisphère occidental, se rendra en janvier 2015 pour formaliser l’ouverture d’une ambassade dans la capitale cubaine. Les deux nations ont exprimé leur volonté de collaborer sur des sujets tels que la santé, l’immigration, la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue ainsi que la mise en place d’une réponse commune face aux catastrophes naturelles7.

« J’ai hâte d’être le premier secrétaire d’Etat depuis 60 ans à effectuer une visite à Cuba », a souligné John Kerry dans un communiqué8.

Washington a également décidé de revoir sa liste de pays qu’il considère comme soutenant le terrorisme international, dont Cuba fait partie depuis 1982. Obama répond ainsi à la demande de la communauté internationale et de plusieurs congressistes étasuniens qui

5 ibidem

6 John Kerry, “Statement by Secretary Kerry: Announcement of Cuba Policy Changes”, U.S. Department of State, 17 décembre 2014.

http://iipdigital.usembassy.gov/st/english/texttrans/2014/12/20141217312131.html#axzz3MC4Z8Upx (site consulté le 17 décembre 2014)

7 The White House, « Fact Sheet : Charting a New Course on Cuba”, 17 décembre 2014.

http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2014/12/17/fact-sheet-charting-new-course-cuba (site consulté le 17 décembre 2014).

8 John Kerry, “Statement by Secretary Kerry: Announcement of Cuba Policy Changes”, op. cit.

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jugent cette inclusion arbitraire alors que la médiation de La Havane dans le processus de paix en Colombie est saluée dans le monde entier.

La Maison-Blanche a également décidé d’assouplir les restrictions aux voyages des citoyens étasuniens à Cuba. Si les séjours touristiques ordinaires restent pour l’instant interdits, les déplacements culturels, religieux, académiques, scientifiques, sportifs, sanitaires, humanitaires et professionnels seront favorisés et les visiteurs étasuniens pourront désormais utiliser leurs cartes de crédit à Cuba.

Par ailleurs, les transferts d’argent des citoyens étasuniens vers Cuba passeront de 500 dollars par trimestre à 2 000 dollars. De la même manière, les citoyens étasuniens seront autorisés à importer des biens de Cuba pour un montant de 400 dollars. Au niveau commercial, la gamme de produits exportables – limités aujourd’hui aux matières premières alimentaires – sera élargie à d’autres secteurs tels que le matériel de construction, les équipements agricoles et les télécommunications. Washington répond ainsi à une demande du monde des affaires étasunien qui souhaite investir un marché naturel qui se trouve à peine à 150 kilomètres des côtes de Floride.

Les transactions financières en dollars seront facilitées et les institutions étasuniennes seront autorisées à établir des relations avec Cuba. Les entités étasuniennes installées à l’étranger pourront établir des liens commerciaux avec l’île et réaliser des transactions financières en dollars. De la même manière, l’article de la loi Helms-Burton de 1996 qui sanctionne d’une interdiction d’entrée de six mois dans les eaux territoriales étasuniennes tout bateau étranger se rendant à Cuba sera supprimée, si le commerce réalisé avec l’île est d’ordre humanitaire.

Le Président Obama a également lancé un appel aux législateurs étasuniens afin qu’ils adoptent les mesures nécessaires à la levée des sanctions économiques. En effet, depuis 1996, seul le Congrès est habilité à mettre un terme définitif à l’état de siège imposé à Cuba.

Réaction de La Havane et de la communauté internationale

Le Président cubain Raúl Castro s’est réjoui du rétablissement des relations bilatérales avec les Etats-Unis, rappelant que Cuba avait toujours affirmé sa volonté de résoudre pacifiquement les différends. « Depuis mon élection, j’ai fait part à plusieurs reprises de notre disposition à soutenir avec le gouvernement des Etats-Unis un dialogue respectueux, basé sur l’égalité souveraine, afin de traiter des thèmes les plus divers de façon réciproque, sans atteinte à la souveraineté nationale et à l’autodétermination de notre peuple », a-t-il déclaré. Il en a également profité pour saluer la décision du Président Obama qui « mérite le respect et la reconnaissance ». Néanmoins, il a rappelé que les sanctions économiques, « qui causent d’énormes dégâts humains » devaient être levées. « Nous devons apprendre l’art de vivre ensemble, de façon civilisée, avec nos différences », a conclu le Président Raúl Castro9.

La communauté internationale a salué ce rapprochement historique entre Cuba et les Etats-Unis, qui met un terme à plus d’un demi-siècle de relations conflictuelles. Le Vatican a exprimé « sa grande satisfaction ». Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations unies, a félicité les deux mandataires et a fait part de sa disposition « à aider ces deux pays à développer ses relations de bon voisinage10 ».

L’Amérique latine a unanimement salué ce moment historique. Le Mercosur, par la voix de la présidente du Brésil Dilma Roussef, a félicité Washington et La Havane pour cette

9 Raúl Castro, « Alocución del Presidente cubano : Los Cinco ya están en Cuba », Cubadebate, 17 décembre 2014

10Le Monde, « Une ‘rectification historique’ qui ne contente pas tout le monde », 17 décembre 2014.

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nouvelle « fantastique11 ». José Mujica, Président de l’Uruguay, a exprimé son émotion : « A l’échelle latino-américaine, cela ressemble à la chute du mur de Berlin, mais de l’autre côté.

Dans l’histoire de l’humanité, les blocus commerciaux ont uniquement servi à faire du mal aux peuples mais n’ont jamais rien résolu12 ». Cristina Fernández de Kirchner, présidente de l’Argentine, a rendu hommage au « peuple cubain et à son gouvernement pour avoir initié un processus de normalisation des relations avec les Etats-Unis avec une dignité absolue et sur un pied d’égalité ». Quant à lui, Nicolás Maduro, président vénézuélien, a souligné le

« courage » de Barack Obama13.

L’Organisation des Etats américains a également exprimé sa satisfaction à Washington et à La Havane « pour avoir fait ce pas historique, si nécessaire et courageux, pour rétablir des relations rompues en 1961 ». José Miguel Insulza, son secrétaire général, a déclaré que

« les mesures annoncées aujourd’hui ouvrent une voie de normalisation et il n’y aura pas de retour en arrière ». Il a exhorté le Congrès étasunien à adopter les mesures législatives nécessaires pour lever définitivement les sanctions économiques14.

En répondant à l’appel de la communauté internationale et à l’opinion publique de son propre pays, Barack Obama a sans doute pris la décision la plus emblématique de ses deux mandats présidentiels et a réparé une anomalie d’un autre temps en rétablissant les relations avec Cuba. L’histoire se souviendra du Président Obama, non seulement comme étant le premier homme de couleur à accéder à la plus haute fonction, mais surtout comme celui qui aura accepté le rameau d’olivier tendu par Cuba et qui aura ouvert la voie à l’instauration de relations bilatérales constructives. Il est désormais temps pour les Etats-Unis de mettre un terme définitif à un état de siège économique imposé depuis 1960, de permettre aux touristes étasuniens de découvrir l’île, et d’accepter la réalité d’une Cuba différente – avec ses vertus et ses défauts – mais indépendante et libre de choisir son propre modèle de société.

11 Opera Mundi, « Dilma diz achar ‘fantástica’ reaproximaçao de Cuba e EUA e lembra de porto de Mariel”, Opera Mundi¸17 décembre 2014

12 Cubadebate,

13 Telam, 17 décembre 2014.

14 Organización de Estados Americanos, « Secretario General de la OEA celebra ‘anuncio histórico’ de reanudación de relaciones diplomáticas entre Estados Unidos y Cuba”, 17 décembre 2014.

http://www.oas.org/es/centro_noticias/comunicado_prensa.asp?sCodigo=C-557/14 (consulté le 17 12 2014).

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Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée…

Distribution des prix dans une école cubaine. Par Guy De Boeck

« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée… », disait l’ami Alfred (de Musset).

L’entrebâillement n’est jamais qu’une solution temporaire. A tout le moins, celui dont il est question ici aura-t-il permis de laisser passer, outre les courants d’air, ceux que l’on appelait tout simplement « les Cinq ». Voilà, pour une fois, une histoire héroïque qui ne se terminera pas par la mort tragique des héros !

Cela dit, j’aimerais savoir de façon plus précise ce que veut dire la phrase d’Obama : « Après tout, ces 50 dernières années ont montré que l’isolement n’a pas marché.

Il est temps d’adopter une nouvelle approche ». Car, sans chercher la petite bête, cela peut très bien vouloir dire « Ce truc-là n’a pas marché. Il faudra en essayer un autre », mais toujours avec le même but : la destruction du socialisme cubain. Il est toujours question de

« l’utilisation de toute une série d’instruments disponibles pour les Etats-Unis afin de promouvoir un changement positif à Cuba » !

Le dialogue respectueux, basé sur l’égalité souveraine, afin de traiter des thèmes les plus divers de façon réciproque, sans atteinte à la souveraineté nationale et à l’autodétermination des peuples, ce n’est pas vraiment une constante de la politique étasunienne !

Par contre, dans le long titre de Lamrani, j’ai beaucoup aimé les mots « anomalie d’un autre temps ». Je les ai aimés parce qu’ils sont justes. Une « anomalie d’un autre temps », ce pourrait être un autre nom pour les Etats-Unis eux-mêmes, pris dans leur ensemble. En tous cas, ils sont pleins d’anomalies d’un autre temps, et le mérite de Barack Obama, qui pourrait dans quelques années faire de lui un personnage historique dont on se souviendra pour une autre raison que d’avoir été le premier homme de couleur à accéder à la plus haute fonction, mais d’avoir au moins tenté de mettre fin à quelques uns des anachronismes les plus scandaleux de la société étasunienne.

Il a notamment persévéré, avec beaucoup d’obstination, dans son projet d’établir aux Etats-Unis un embryon d’assurance santé, tentant ainsi de tirer ses compatriotes d’une

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situation encore très proche du paléolithique. Une belle « anomalie d’un autre temps », celle- là ! Espère-t-il, en permettant aux touristes étasuniens de découvrir à Cuba la médecine gratuite, les amener à abandonner quelques idées d’un autre âge à ce sujet ? On peut en douter.

Je ne souhaite nullement diminuer le réel courage dont a fait preuve le Président étasunien. Il semble être un des rares compatriotes de l’Oncle Sam à se rendre compte des nombreuses « anomalies d’un autre temps » qui font des Etats-Unis non pas un témoin du futur ou un lieu de progrès (ne fût-ce que dans certain domaines) mais un terrible danger potentiel : celui qui découle de la possession d’un énorme arsenal technologique et militaire abandonné aux mains d’une bande d’anthropoïdes aux réflexes agressifs élémentaires, conditionnés à ne réagir qu’à un seul stimulus : le profit.

Bien au contraire ! Il me semble que la manière dont les actes d’Obama tournent régulièrement au combat de Don Quichotte contre les moulins à vent illustre fort bien le peu que peut en réalité l’homme qui passe, à juste titre, pour « l’homme le plus puissant du monde ».

Il lui a fallu une bataille épique pour faire passer ne fût-ce qu’une partie de son projet d’assurance santé, pratiquement vidé de sa substance. Il a raté une chance historique : la réforme de l'industrie financière, quand, en 2009, les démocrates contrôlaient les deux Chambres du Congrès et les que les Américains l’auraient suivi dans le sillage de son élection et de la crise financière. A propos d’une question aussi évidente que la nécessité de légiférer contre la vente anarchique des armes, il s’est heurté à une résistance trop forte pour lui…

« Le Roi, écrivait Voltaire à propos de l’Angleterre, tout-puissant pour faire le bien, a les mains liées pour faire le mal ». A propos des USA, on devrait dire que « le Président, tout puissant pour faire le mal, a les mains liées aussitôt qu’il veut faire le bien ».

Cela tient essentiellement au fait que, dans la « première démocratie du monde », le système électoral, en particulier quand il s’agit de désigner le président, est lui aussi un colossal anachronisme, dissimulé derrière un respect pieux pour la Constitution de 1783.

Je me sentirais plus rassuré, je l’avoue, si au lieu de se borner à des propos qui peuvent signifier « reconnaissons qu’on ne les aura pas comme cela et essayons autrement », Obama avait reconnu que l’embargo était dès le début dépourvu de fondement, à moins que l’on ne considère qu’un pays s’expose à des représailles légitimes lorsqu’il ne fait qu’infliger une défaite à un agresseur. C’est en effet ce qui s’est passé en 1961 dans la Baie des Cochons et l’embargo remonte à ce fait-là, et non comme le pensent vainement trop de gens, à la « crise des missiles» de 1962. Celle-ci, au demeurant, n’aurait pas été un meilleur prétexte, puisque l’URSS, à l époque, ne se serait emparé d’aucun avantage en installant des missiles à Cuba.

Elle n’aurait fait qu’annuler l’avantage dont bénéficiaient alors les USA du fait de leurs engins installés en Europe centrale. Les Soviétique n’ont fait qu’appliquer la politique de

« l’équilibre de la terreur »quelques années avant qu’elle ne devienne la doctrine officielle de tout le monde !

Quand on a de pareilles responsabilités sur les cornes, s’excuser aurait été la politesse la plus élémentaire.

Espérons que les Cubains n’en viennent pas un jourà regretter le bon vieux temps où, en leur fermant la porte, on leur foutait au moins la paix !

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RDC RDC RDC RDC

Pour les Etats-Unis, le Congo lave trop blanc

Par Xavier Monnier 15

Si les Etats-Unis insistent tant pour que Joseph Kabila délaisse son trône de chef d’Etat de République démocratique du Congo, ce n’est sans doute par seulement atavisme démocratique. Washington reproche à Kinshasa de ne (toujours) pas contrôler des circuits financiers de Libanais liés au Hezbollah…

Après 18 mois de gestation, le sphinx de Kinshasa a accouché. Joseph Kabila, taiseux chef de l’Etat congolais a coup sur coup annoncé la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale le 7 décembre avant de s’adresser le 15 décembre devant le congrès, réunis dans la tumultueuse capitale. Une agitation de façade.

Le Parti présidentiel garde la haute main sur la marché de l’Etat, le Premier ministre Matata, lesté de 47 ministres conserve son poste et l’horizon politique demeure brumeux.

En 2016, comme son voisin de Brazzaville ou le lointain Burkina, la République démocratique du Congo doit affronter une élection présidentielle. A laquelle, selon les textes actuels, le président Kabila, au sortir de ses deux mandats, ne peut concourir. A moins d’une révision de la loi suprême.

La démarche a provoqué la chute de Compaoré à Ouagadougou, fait reculer Paul Kagamé, le président rwandais, qui a annoncé sa volonté de quitter le pouvoir en 2017 et provoque une grande agitation à Brazzaville.

Pour contourner l’obstacle, le régime de Denis Sassou Nguesso annonce vouloir tout simplement changer de constitution. Et le «Cobra Suprême» de se proposer d’assurer la transition d’une République à l’autre.

L’oukase du département d’Etat

Nulle grande déclaration de la sorte à Kin’ la Belle, où les communications du président sont aussi calme que le grand fleuve est agité. Ses partisans proposent bien un amendement du texte fondateur, les opposants s’en offusquent et le Sphinx demeure silencieux. Au grand agacement des Américains.

En mai dernier, le secrétaire d’Etat John Kerry en visite dans les Grands Lacs a fort peu diplomatiquement annoncé que «le processus constitutionnel doit être respecté» quand

15 Bakchich - 20/12/2014

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l’envoyé spécial pour la région ne déclame plus clairement que les Etats-Unis ne veulent pas que «Joseph Kabila change la Constitution ou fasse un troisième mandat».

Pour franche qu’elle soit, une telle prise position diplomatique dans cette Afrique si compliquée ne laisse pas d’étonner; d’autant que les candidats à la magistrature suprême hors du sérail kabiliste ne sont pas légions.

Moins qu’une volonté farouche de démocratisation d’un pays sortant à peine de 15 ans de guerre civile, elle démontre surtout «un gros agacement», décrit à Bakchich un industriel local.

Pour le comprendre, il suffit de se balader quelques temps sur le boulevard du 30 juin, la grande artère de Kinshasa. Le long de ses huit voies cohabitent taxis collectifs à l’agonie, mini vans dégingandés, 4x4 rutilants et autres Porsche Cayenne.

L’éclectique noria de 4 roues draine un flux ininterrompu sous les immeubles en construction, grands ensembles chics où se succèdent banques, garages haut de gammes et ministères.

Si la majeure partie des Congolais souffre, une infime poignée de citoyens profite de l’embellie économique, à l’ombre des groupes de BTP indiens, pakistanais ou libanais et des banques qui ont pignon sur rue dans la capitale africaine.

Le trésor américain fait toujours rimer Kinshasa et Hezbollah

«Toute le secteur économique est dominé par les musulmans, et cela inquiète beaucoup les Américains», analyse un entrepreneur haut placé. D’autant que la lutte contre le blanchiment et l’évasion fiscale ne figurent pas dans les priorités gouvernementales.

«Le Congo est devenu un trou noir dans la finance mondiale et les Américains s’en agacent depuis longtemps. Surtout quand ils lisent les grands noms installés ici».

Depuis 2010, l’un des fleurons de l’économie locale, Congo Futur est soumis à des sanctions américaines ciblées. L’année suivante, sous peine de se voir retirer sa licence bancaire aux Etats-Unis, la succursale de la Citibank a été enjointe de quitte l’immeuble de Congo Futur.

En cause, les noms des fondateurs de la prospère société: les Tajideen. Cette famille libanaise est intimement liée au Hezbollah du pays du Cèdre, un groupe terroriste selon la classification américaine.

Les trois frères (feu) Ali, Kassim et Hussayn sont considérés comme des collecteurs de fonds par le département du trésor américain, et ciblés par ses sanctions. Si le président de Congo Futur Ahmed n’est pas nommément visé, toutes les activités du groupe sont sous surveillance…

En 2014, le Groupe est toujours référencé Specially Designated Global Terrorist par le Trésor américain. «Les sanctions n’ont pas fait plier le gouvernement, et aucun traité d’extradition n’existe. Alors évidemment les Américains s’agacent contre Kabila, qu’ils soupçonnent d’avoir des intérêts dans Congo Futur».

Et par ricochet dans l’éventuel financement d’un groupe terroriste. A mesure que l’horizon 2016 se rapproche, le bruit enfle à Kinshasa. «Bientôt des immeubles de Libanais vont être à vendre dans la ville». Un slogan qui est même parvenu jusqu’aux oreilles du puissant ministère de l’Intérieur.

«Oui, on a appris que l’enquête du département du trésor américain avance », glisse un conseiller à Bakchich. Sans générer trop d’inquiétudes. Au mur de son bureau, demeure une trace d’un impact de balle.

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Sortie malheureuse de Joseph Kabila :

Un grand peuple pour un petit président

Par Dabadi ZOUMBARA 16

Le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, vient de faire une sortie malheureuse, en tout cas, une sortie qui est loin de le placer au rang des grands dirigeants du continent noir. Face aux élus de son pays, députés et sénateurs, alors qu’il était attendu sur le délicat sujet d’une éventuelle modification de la Constitution de son pays, qui lui permettrait de briguer un troisième mandat, Kabila fils a déclaré sans ciller que le peuple congolais est un grand peuple qui n’est pas comme les autres.

Le président congolais insinue-t-il que le peuple burkinabè dont la détermination et la bravoure auront permis de venir à bout du régime dictatorial de Blaise Compaoré, est un petit peuple ? Est-ce un pied de nez adressé au vaillant peuple burkinabè ? En tout cas, si ce n’est pas une insulte, ça y ressemble fort. Et puis, quel paradoxe !

Le même Kabila, on se rappelle, avait envoyé une délégation au Burkina pour s’inspirer de l’expérience du peuple burkinabè en matière de gouvernance politique. De la pure hypocrisie ?

Toujours est-il que le dirigeant congolais devrait plutôt être reconnaissant au peuple de lui avoir donné un avertissement sans frais, à lui ainsi qu’à tous les bricoleurs de Constitutions en Afrique. Il devrait être reconnaissant au peuple burkinabè qui lui donne des leçons.

Mais comme un dictateur n’est jamais assez sage pour tirer leçon de ce qui arrive aux autres, Joseph Kabila fonce droit dans le mur.

Sans doute croit-il que son peuple est incapable de s’inspirer de la Révolution burkinabè. Erreur ! C’est oublier que » les mêmes causes produisent les mêmes effets ».

Plutôt que de s’employer à s’accrocher vaille que vaille au pouvoir, Joseph Kabila gagnerait à s’éviter le sort de Blaise Compaoré, certainement ravagé par le remord et l’amertume, et condamné à la déshérence.

Kabila vient de tomber le masque

Et puis, Kabila a la mémoire courte. Il semble avoir oublié d’où il vient. Parvenu au pouvoir dans les conditions que l’on sait, le mieux qu’il puisse faire aujourd’hui, c’est de

16 Le Pays (Burkina Faso) - 17/12/2014

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travailler à entrer dans l’Histoire du Congo. Surtout que sa réélection à la tête de l’Etat a été à la fois contestée et calamiteuse. Or, au rythme où il va, Kabila court vers sa perte.

Les dirigeants africains sont décidément des gens difficiles à comprendre ! Après près d’une décennie de gouvernance, a-t-il réussi à rassembler les Congolais ? Non. Est-il parvenu à asseoir une gouvernance vertueuse qui puisse permettre à son peuple de bénéficier des richesses du pays ? La réponse est encore, non !

Il faut appeler un chat un chat, et un fiasco un fiasco : Joseph Kabila a échoué et cela devrait plutôt le pousser à penser à passer la main.

Mais, comme on le sait, dans les républiques bananières de ce continent, la boulimie du pouvoir est telle que les dirigeants en arrivent à perdre la tête. Pas surprenant donc qu’au lieu de se remettre en cause, Kabila fils préfère adopter la posture du dictateur !

Il faut craindre que Kabila qui vient de tomber le masque, après un long silence, finisse mal.

En tout cas, en faisant l’autruche malgré les conseils et mises en garde, Kabila court le risque de se faire chasser comme un malpropre, par son peuple, un beau matin. Comme le dit l’adage en Afrique, « on n’échappe pas à son destin ». Mais, il n’est pas encore tard pour Joseph Kabila, de s’assagir. Aucun dirigeant ne peut triompher de son peuple, fût-il le dirigeant le plus puissant. Et Kabila devrait se le tenir pour dit.

L’ex-président burkinabè se présentait comme la tête d’affiche des tripatouilleurs de Constitutions sur le continent. Maintenant qu’il n’est plus aux affaires, chaque satrape, à l’image de Joseph Kabila et du Congolais Denis Sassou Nguesso, défend directement son beefsteak. Mais ils se défendent très mal.

Le Congo a connu de grands hommes à l’image de Patrice Lumumba, certes. Mais Kabila qui se pique d’être de la même trempe que cet illustre fils d’Afrique, se goure absolument.

A travers en tout cas sa dernière sortie, Kabila fils montre à la face du monde qu’il est un petit président pour un grand peuple !

En tout état de cause, un pays assisté depuis belle lurette et qui continue à l’être, ne doit pas s’offusquer de recevoir des injonctions de ses bienfaiteurs. Ce serait contradictoire que le Congo qui tend, toute honte bue, la sébile, même pour sa sécurité, brandisse dans le même temps l’argument de la souveraineté.

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CPI CPI CPI CPI

L’Assemblée des États Parties achève les travaux de sa treizième session

Les pays africains soutiennent la Cour pénale internationale

Ce soutien a été exprimé lors de la réunion annuelle des pays membres

(New York, le 17 décembre 2014) – Les pays africains ont exprimé un soutien fort à l’égard de la Cour pénale internationale (CPI) lors de la 13ème Assemblée des États parties au Statut de Rome, le document fondateur de la Cour, ont déclaré aujourd’hui des organisations africaines et internationales présentes lors de la session. Les gouvernements ont présenté une vision plus positive de la relation de l’Afrique avec la CPI que celle qui apparaît souvent dans les débats publics, selon ces organisations.

L’Assemblée des États parties à la CPI s’est réunie du 8 au 17 décembre 2014, au siège des Nations Unies, pour sa session annuelle régulière. Les pays membres de la CPI ont approuvé le budget de la Cour et ont élu six nouveaux juges à la Cour. Ils ont également abordé des sujets tels que la coopération avec la Cour. « Même si certains gouvernements africains clament haut et fort que la CPI est anti-africaine et tentent de porter atteinte à la Cour, la réalité est assez différente », a déclaré Esther Waweru, de la Commission kényane des droits de l'homme. « Demandez à la présidente de la République centrafricaine, qui a exprimé sa profonde gratitude envers la CPI pour l’aide apportée à son pays au lendemain des crimes graves qui ont été commis dans ce pays, et aux nombreux autres pays africains qui ont pris la parole pour soutenir la CPI. »

Cette année, l’Assemblée des États parties a élu le premier Africain à être son président, Sidiki Kaba, ministre de la Justice du Sénégal. Kaba a souligné « la détermination inébranlable [du Sénégal] à défendre les principes et les valeurs essentielles » de la CPI et a pris l’engagement de réconcilier la CPI avec toutes les régions du monde, notamment l’Afrique. Il a fait remarquer que l’Afrique a le plus grand nombre de membres de la CPI et que les Africains représentent une proportion considérable du personnel de la CPI, notamment quatre juges et la procureure. Il a également noté que les Africains ont été les premiers à demander l’intervention de la Cour.

Plus d’une dizaine de pays africains représentés par de hauts responsables de leurs gouvernements ont exprimé un soutien fort au travail de la Cour lors de la session. La présidente de la République centrafricaine, Catherine Samba-Panza, a confirmé le rôle de la Cour comme un instrument crucial dans la lutte contre l’impunité, et a souligné que la Cour était essentielle afin de rendre la justice pour les victimes de graves crimes internationaux.

Parmi les autres pays africains représentés par des responsables figuraient l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, le Lesotho, le Malawi, la Namibie, le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Sénégal, la Sierra Leone et la Zambie.

L’Afrique du Sud a décrit la CPI comme « un rempart dans la lutte contre l’impunité ». Le Ghana a affirmé qu’il demeure « engagé envers l’importance » pour la CPI de sanctionner et d’empêcher les crimes, et le Nigeria a indiqué que la CPI « devient de plus en plus une institution mondiale décisive. » La Côte d’Ivoire a insisté sur la « valeur positive » de la Cour pour ce qui est de poursuivre les crimes graves, la Sierra Leone a

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souligné son « engagement profond envers la Cour », et le Lesotho a qualifié la CPI d’

« instrument clé » pour promouvoir la justice. La République démocratique du Congo a noté que la CPI est « un cadeau d’espoir » pour les générations futures.

Le Ghana, la Gambie et le Lesotho ont également affirmé la nécessité de protéger l’indépendance de la Cour, allant à l’encontre de l’initiative infructueuse du Kenya d’avoir une session spéciale lors de la rencontre sur la conduite des fonctionnaires de la Cour en relation avec des affaires actuelles.

La Zambie a souligné le rôle des gouvernements africains pour demander l’implication de la CPI, tandis que d’autres pays comme le Nigeria exprimaient leur engagement à adopter des lois pour mettre en œuvre le statut de la CPI au niveau national et à coopérer avec la Cour.

La Namibie, le Burkina Faso et le Ghana ont exhorté d’autres pays à rejoindre la Cour.

« Dans le débat général lors de la 13ème session de l’Assemblée, la plupart des États africains ont montré un soutien fort à l’égard de la CPI », a déclaré Aboubacry Mbodji, de l’organisation Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme, basée au Sénégal.

« Une minorité d’États africains demeure hostile à la Cour, mais la société civile continuera à se mobiliser afin de les entraîner pour garantir à la Cour qu’elle puisse fonctionner avec le soutien total dont elle a besoin. »

Le Kenya et l’Ouganda, et dans une moindre mesure la Tanzanie, ont critiqué la Cour dans leurs interventions, tout en exprimant également leur soutien. Le Kenya a même indiqué qu’il demeurait « un ardeur défenseur » de la CPI.

Les membres africains de la CPI ont également rédigé une déclaration de groupe, présentée par le Lesotho, qui affirmait leur « soutien indéfectible » envers la CPI et leur

« profond respect pour le Statut de Rome. » Cette déclaration notait également que les appels de l’Union africaine à la non-coopération avec la Cour « ne devraient pas obscurcir le soutien cohérent et actif à l’égard de la CPI au sein des gouvernements africains et de la société civile dans tout le continent africain. » La déclaration indiquait que les préoccupations de l’UA à l’égard de la CPI sont liées en grande partie à l’action du Conseil de sécurité relative à la demande l’UA de différer la situation au Darfour, et non à aucune action entreprise par la Cour elle-même.

En même temps, la déclaration du groupe africain réaffirmait l’appel de l’UA pour que le statut de la Cour soit modifié dans le but d’inclure l’immunité devant la Cour pour les responsables en exercice. Une telle immunité était incluse dans le protocole visant à élargir la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, qui a été adopté en juillet.

Lors de la session de l’Assemblée des États parties, un juge de la République démocratique du Congo, Antoine Kesia-Mbe Mindua, a été élu au sein du groupe de juges de la CPI, ainsi que cinq autres juges de France, Allemagne, Hongrie, Corée du Sud et Pologne.

L’élection de Mindua porte à cinq le nombre total de juges africains à la CPI. Les autres juges africains sont originaires du Botswana, du Kenya, du Nigeria et du Ghana.

« Les Africains jouent un rôle important à la CPI », a déclaré Ibrahim Tommy, du Centre for Accountability and Rule of Law en Sierra Leone. « En plus d’une procureure africaine, nous avons cinq juges africains et le président de l’Assemblée de la Cour est maintenant le ministre de la Justice sénégalais. Ceci traduit un engagement stratégique de la part de segments importants de l’Afrique dans le travail important de la Cour. »

Toutes les enquêtes actuelles de la Cour portent sur des situations en Afrique, ce que font souvent remarquer les critiques de la Cour. Mais la majorité des situations de la Cour ont découlé de demandes de la part du pays concerné pour que la CPI ouvre une enquête. La

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République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo, le Mali et l’Ouganda ont demandé à la CPI d’enquêter sur des crimes. Le Conseil de sécurité de l’ONU a déféré le Darfour, le Soudan et la Libye à la CPI. Le Bureau du Procureur a agi uniquement de sa propre initiative dans une seule situation : le Kenya.

En même temps, le Conseil de sécurité a permis que des considérations politiques affectent ses décisions sur le renvoi de situations à la Cour se produisant dans des pays non membres de la CPI. Ceci nuit à la cause de la justice et devrait être traité par le biais d’une ratification plus universelle du traité de la Cour, qui autorise la Cour à exercer son autorité sans le Conseil de sécurité, et par une action plus cohérente de soutien à la justice de la part du Conseil, selon les organisations.

Des organisations non gouvernementales d’Afrique du Sud, du Burundi, de Côte d’Ivoire, du Kenya, du Malawi, du Nigeria, d’Ouganda, de République centrafricaine, de République démocratique du Congo, du Sénégal, de Sierra Leone, du Soudan et de Zambie étaient présentes lors de la session. Avant la session, des organisations africaines et des organisations internationales ayant une présence en Afrique, la Coalition pour la CPI, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, et Human Rights Watch ont émis des recommandations à l’attention des representants de pays africains parties à la CPI participant à de la session de l’AEP.

« La justice – et non l’immunité – lorsque des crimes graves sont commis est essentielle aux sociétés démocratiques », a conclu Timothy Mtambo du Centre du Malawi pour les droits de l’homme et la réhabilitation. « Nous avons demandé à nos dirigeants de demeurer fidèles au Statut de Rome de la CPI et aux autres instruments auxquels ils ont souscrit. »17

17Pour consulter les interventions complètes des pays, veuillez suivre le lien :

http://www.icc-cpi.int/en_menus/asp/sessions/general%20debate/Pages/GeneralDebate_13th_session.aspx Pour consulter d’autres initiatives d’organisations sur l’Afrique et la CPI, veuillez suivre les liens :

http://www.icj-kenya.org/index.php/media-centre/press-releases/20-press-statement/598-letter-to-the-justice- ministers-and-attorneys-general-of-the-african-on-immunity-of-heads-of-states

http://www.southernafricalitigationcentre.org/2013/11/18/salc-in-the-news-icc-africa-should-reject-free-pass- for-leaders/

http://www.issafrica.org/uploads/African-civil-society-letter-to-AU-on-ICC-withdrawal-Oct-2013.pdf Pour plus d’information, veuillez contacter :

À Dakar, pour Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme, Aboubacry Mbodji (français):

+221-777-408-683; ou mbodjiaboubacry@gmail.com

À Freetown, pour Center for Accountability and the Rule of Law-Sierra Leone, Ibrahim Tommy (anglais): +232- 76-365-499; ou ibrahim.tommy@gmail.com

À Johannesburg, pour Southern Africa Litigation Centre, Angela Mudukuti (anglais): +27-767-623-869;

ouAngelaM@salc.org.za

À Kampala, pour Foundation for Human Rights Initiative (anglais), Penny Mbabazi Atuhaire: +256-777-753- 566; ou +256-704-600-708; ou pennymbabazi14@gmail.com

À Lilongwe, pour Centre pour les droits de l’homme et la réhabilitation, Timothy Mtambo (anglais): +265-992- 166-191; ou mtambot@chrrmw.org

À Kinshasa, pour Association congolaise pour l’accès à la justice, Georges Kapiamba (français): +243 81 404 36 41; ou kapiambag@gmail.com

À New York, pour la Coalition pour la CPI, Steve Lamony (anglais):+1-347-905-3060; ou lamony@coalitionfortheicc.org

À New York, pour Human Rights Watch, Elise Keppler (anglais): +1-917-687-8576; ou kepplee@hrw.org À New York, pour la section kényenne de la Commission internationale de juristes, Stella Ndirangu (anglais): +1-646-361-9607; ou stella.ndirangu@icj-kenya.org

À New York, pour la Commission kényane des droits de l'homme, Esther Waweru (anglais): +1-646-361-9607;

ou ewaweru@khrc.or.ke

À Paris, pour FIDH, Karine Bonneau (français): + 33-672-34-97-59 (portable) ; ou kbonneau@fidh.org

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Climat

A Lima, gouvernements et chefs d’Etat choisissent l’inaction

La conférence internationale sur le changement climatique s’est terminée dans la nuit du 13 au 14 décembre à Lima. Les prolongations visaient à sauver un apparent consensus, mais aucune réponse concrète aux

défis climatiques n’a été apportée. La Convention de l’Onu sur le changement climatique est devenue le lieu de la recomposition géopolitique internationale. Les États de la planète se focalisent sur les équilibres en présence et les rapports de force à construire. Et renforcent l’inaction en

matière de lutte contre les dérèglements climatiques.

par Maxime Combes

« Nous n’en sommes pas au même niveau de développement. Beaucoup de vos pays nous ont colonisé, et nous partons d’un point complètement différent du vôtre ». Tranchant avec l’habituelle retenue des négociations, c’est ainsi que le négociateur de la Malaisie, Gurdial Singh Nijar, a rejeté, au nom d’un grand nombre de pays du Sud, les propositions des États-Unis, de l’Union européenne et de leurs alliés, qui souhaitent modifier le cadre géopolitique qui préside aux négociations sur le changement climatique depuis plus de 20 ans.

Jusqu’à présent, les négociations s’appuient sur un principe qui institue des

« responsabilités communes mais différenciées » entre les États et leur reconnaît des capacités d’agir différentes. Avec le protocole de Kyoto, les pays ont été séparés en deux. D’un côté les pays dits « développés » regroupant les pays les plus anciennement industrialisés, historiquement les plus émetteurs de gaz à effet de serre et qui disposent des ressources pour réduire leurs émissions et aider les autres pays. De l’autre côté se trouvent les pays dits « en développement » qui sont invités à agir mais qui ne sont soumis à aucun engagement contraignant.

Instituer une nouvelle hiérarchie planétaire

Tous les pays admettent que ce découpage, qui établit une grille de lecture du monde tel qu’il existait lors de la seconde moitié du 20ème siècle, n’est plus adapté. Mais ils divergent sur les solutions à apporter et, in fine, sur les nouveaux équilibres géopolitiques que cela pourrait induire. Le dilemme comporte plusieurs facettes : il s’agit d’instituer une nouvelle hiérarchie planétaire, ce qui prend nécessairement du temps alors que l’urgence climatique se fait plus pressante. Par ailleurs ce nouvel équilibre doit tenir compte de l’émergence de nouvelles grandes puissances (Chine, Inde, Brésil,...) devenues des acteurs

À Pretoria, pour le Programme sur la criminalité internationale en Afrique, Institut d’études de sécurité, Jemima Njeri (anglais): +27-832-346-566; ou +27-123-469-500; ou jnjeri@issafrica.org

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majeurs de la mondialisation économique et financière – et donc de la consommation des matières premières et des pollutions induites. Le tout, en maintenant une différenciation entre les pays, compte tenu de la diversité des niveaux de vie des populations et de leur vulnérabilité face aux dérèglements climatiques.

Prétextant de l’émergence de la Chine, les États-Unis œuvrent depuis plusieurs années pour que le prochain accord soit universel – tous les pays s’engagent – et flexible – le caractère contraignant du protocole de Kyoto disparaît. Les États-Unis plaident pour un instrument juridique souple qui invite l’ensemble des États à définir et annoncer, à intervalles de temps réguliers et de manière unilatérale, leurs propres engagements pour une période donnée. À travers ce modèle dit de « Name & shame », aujourd’hui soutenu de facto par l’Union européenne et de nombreux autres pays riches, chaque pays se verrait accorder un satisfecit international s’il atteint ses objectifs, et il serait « couvert de honte » dans le cas contraire. Ce faisant, il ne serait par exemple plus question de répartir un budget carbone maximum préalablement établi en fonction des recommandations scientifiques.

Le cœur des discussions repoussé à plus tard

Ce n’est pas la seule option sur la table. Le Brésil propose que les pays puissent se différencier selon trois ou quatre cercles concentriques : au centre les pays les plus émetteurs et les plus riches, et en périphérie les pays les plus pauvres et vulnérables. Ces derniers, de leur côté, veulent à tout prix préserver les principes actuels qui sont supposés leur assurer des transferts d’argent et de technologies pour qu’ils s’adaptent aux conséquences du changement climatique. Ils sont inquiets : les pays les plus riches ont tout fait pour que le dispositif de

« pertes et dommages », gagné de haute lutte lors de la Conférence précédente à Varsovie, ne soit pas mentionné dans la déclaration finale à Lima. Or ce dispositif permettrait, une fois défini, de financer les conséquences occasionnées par le dérèglement climatique dans les pays les plus vulnérables.

Au final, aucune option ne l’a véritablement emportée sur une autre. Chacun a dû lâcher du lest pour qu’un texte soit adopté et que le gouvernement péruvien sorte la tête haute.

Le cœur des discussions sur la différenciation des pays est repoussé à plus tard. Les États- Unis et l’UE se satisfont du fait que chaque pays est à nouveau invité à transmettre à l’Onu sa

« contribution ». La Chine, l’Inde et les pays émergents notent que ces contributions n’ont aucun caractère obligatoire pour ce qui les concerne et qu’aucun mécanisme d’évaluation robuste n’a été décidé. A la demande des pays riches, ces contributions ne comprennent pas nécessairement d’engagements en matière financière ou de transferts de technologie. Non contraignantes et probablement pas comparables entre elles, ces contributions n’effraient donc aucun des pays.

Le dispositif de pertes et dommages est finalement mentionné sans qu’il ne soit précisé comment il pourrait entrer en vigueur, à la satisfaction des pays riches. Le principe de responsabilités communes mais différenciées est réitéré sans caractère opératoire clair sur les contributions nationales. La Chine, bien trop contente de maintenir son alliance avec l’ensemble des pays dit « en développement » et de ne pas devenir l’égal des États-Unis – contrairement à la lecture hâtive qui a été faite de leur déclaration commune de novembre dernier – s’en satisfera pleinement tandis que les pays les plus pauvres espèrent pouvoir en tirer, sans grande illusion, quelques financements et soutiens additionnels.

« Aux mouvements sociaux d’inventer une autre histoire »

Et le climat dans tout ça ? La conférence de Lima devait être l’occasion de réexaminer les engagements de réduction d’émissions et les niveaux de financements d’ici à 2020, en particulier ceux des pays riches, pour tenir compte des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques (GIEC). Si le texte validé à Lima « note

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avec une vive préoccupation l’écart » entre ce qu’il faudrait faire d’ici 2020 et ce qui est actuellement sur les rails, aucune réponse concrète n’est apportée. Comme si les États acceptaient d’abandonner l’objectif consistant à ne pas dépasser les 2 °C de réchauffement global d’ici la fin du siècle. « A Paris, nous ne serons pas en capacité d’être dans un scénario de limitation du réchauffement à 2 °C », a d’ailleurs concédé Laurence Tubiana, négociatrice française, sans être démentie par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international.

A Lima, les États n’auront donc pas su démêler le double dilemme que constituent l’urgence à agir et le nouvel équilibre géopolitique à trouver, hypothéquant ainsi la possibilité d’aboutir à un accord « historique », selon le terme de François Hollande, à Paris en 2015. Il reste donc aux mouvements sociaux et écologistes à trouver la recette de la justice climatique.

La mobilisation a été à la hauteur de l’enjeu : 300 000 manifestants à New York le 21 septembre dernier et 20 000 à Lima le 10 décembre, pour ce qui constitue la plus grande manifestation de ces dernières années sur le sujet en Amérique du Sud. Ces mouvements semblent être de plus en plus nombreux à considérer que placer de grandes attentes dans les conférences de l’Onu ne peut que générer de la désillusion. A eux donc d’inventer une autre histoire.

Syrie

Farouk Mardam-Bey : « La Syrie ne mérite pas cela »

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Interview de Faruk Mardam-Bey par Sylvain Cypel

Sylvain Cypel. — Comment vivez-vous le carnage syrien, avec ses millions de victimes, de réfugiés et de déplacés ?

Farouk Mardam-Bey. — Je vais vous faire un aveu : régulièrement, chez moi, je pense à la Syrie et je me mets à pleurer. Des amis syriens m’ont dit qu’il leur arrive la même chose.

Nous vivons tous avec ce sentiment qu’au « pays de la peur et du silence » est né au printemps 2011 un mouvement populaire qui a suscité d’immenses espoirs, tant il paraissait

18 Historien syrien, Farouk Mardam-Bey a été, en tant que militant marxiste, opposant au nationalisme du Baas dès la première heure. En 1976, enseignant en France, il est privé de son passeport et menacé d’emprisonnement en cas de retour dans son pays. Depuis, il vit en France. Il a été, avec Leila Chahid et Élias Sanbar, l’un des fondateurs de la Revue d’Études palestiniennes. Auteur, chez Actes Sud, de Sarkozy au Proche-Orient (2010), d’une Anthologie de la poésie arabe contemporaine (2007), de Jérusalem, le sacré et le politique (2000) et de nombreux autres ouvrages, il est le directeur des éditions Sindbad et a été l’un des « passeurs » de la littérature arabe, la rendant accessible à un large public français.

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inespéré. Et puis, après des évolutions que vous n’avez ni souhaitées ni pu empêcher, vous sentez un jour que les choses vous ont totalement échappé. Elles ont d’ailleurs échappé à tous les protagonistes. Assad, qui ne règne que sur Damas et une grande part de la « Syrie utile », est incapable de ressouder le tissu national du pays. Il ne domine pas plus la situation que ses opposants. Les bons connaisseurs de l’armée syrienne, par exemple, disent que l’essentiel du pouvoir à Damas est désormais détenu par l’Iran. En face, Daech peut tenir longtemps, mais sans pouvoir étendre son pouvoir. Et un tiers du territoire reste entre les mains d’autres forces elles-mêmes divisées. D’où ce sentiment que plus personne ne maîtrise la situation, et aussi que cela risque de durer très longtemps.

S. C. — En mars 2013, vous écriviez un article intitulé « Vaincre l’indifférence ». On a cependant le sentiment que, depuis, le conflit syrien se heurte de plus en plus à une lassitude générale…

F. M.-B. — Ce conflit a déjà fait au moins 200 000 morts, encore plus de blessés, et 8 millions de déplacés et de réfugiés, dont la moitié hors du pays. Or on constate effectivement une opinion, tant arabe qu’internationale, devenue apathique sur le dossier syrien. En France, certaines franges, du Front national à des groupes gauchistes, soutiennent un régime « laïc », mais le gros de l’opinion s’est installé dans une forme d’indifférence. Même à gauche, désormais, lorsqu’on évoque le régime de Bachar Al-Assad, on entend des gens dire « oui, mais d’un autre côté, il y a les islamistes ». On ne le justifie pas, mais il y a là une forme de compréhension qui évacue les crimes quotidiens de son régime. Lorsque, très récemment, l’aviation syrienne a bombardé le marché de Raqqa, rempli de civils, aucune voix à gauche ne s’est levée pour dire « ça suffit ». Tout ça parce que Raqqa est la « capitale » des djihadistes de l’État islamique. Cette indifférence est la plus difficile à vivre. Ce qui est insupportable, c’est que ce sentiment d’impuissance pourrait s’éterniser, tant on ne voit pas d’issue. Dans cinq ou dix ans, on demandera des comptes aux dirigeants du monde : « où étiez-vous alors que toute cette horreur se passait » ?

Quarante ans sans liberté d’expression

S. C. — Assad a-t-il réussi dans son entreprise de délégitimation de l’opposition non djihadiste, l’Armée syrienne libre ayant presque disparu des radars ?

F. M.-B. — Oui, il y est amplement parvenu. Le plus grave est qu’il est arrivé à

« confessionnaliser » le conflit avec ses opposants et à bénéficier du soutien de deux minorités, les alaouites [dont la famille Assad est issue] et les chrétiens, et d’une certaine neutralité des autres, Druzes et Kurdes. Enfin l’opposition s’est suicidée par ses divisions.

Aujourd’hui, ses membres s’insultent entre eux. Elle n’a plus aucune crédibilité. C’est désespérant.

S. C. — Pourquoi a-t-elle été incapable de s’unifier ?

F. M.-B. — La Syrie est un pays où toute parole libre a été supprimée pendant plus de quarante ans. La culture politique y a presque complètement disparu. Ajoutons qu’un grand nombre des émigrés syriens se sont retrouvés dépendants du soutien des États qui les accueillaient, en Turquie, au Qatar, en Arabie ou ailleurs, ces « Amis de la Syrie ». Cela explique en partie leurs divisions. Et aussi les accusations de corruption dont beaucoup font l’objet.

Mais il ne faudrait pas croire que toute la Syrie se divise désormais en deux camps. Dans le sud, la région de Deraa n’est toujours ni aux mains d’Assad, ni de Daech. Il en est de même pour diverses poches de territoire autour de Damas. Il reste en Syrie des opposants qui ne sont pas djihadistes. Certains sont même d’anciens partisans du régime, et ils cherchent le lien avec l’opposition de l’extérieur. Diverses initiatives sont prises pour reconstituer une troisième voie entre le régime et Daech. Comme celle de Moaz Al-Khatib, un ancien imam important [jugé proche de la Turquie et du Qatar], président de la Coalition nationale des

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forces de l’opposition entre novembre 2012 et avril 2013, reçu le mois dernier à Moscou et qui a déclaré ensuite que les Russes seraient « disposés à lâcher Bachar si son régime est préservé » .

Un bourgeonnement artistique et culturel

S. C. — Quelles sont les dernières évolutions hors de la Syrie ? La diaspora syrienne reste-t- elle capable de se mobiliser ?

F. M.-B. — En Syrie, les années 1980, surtout après le massacre [d’une révolte populaire menée par les Frères musulmans] à Hama en 1982, ont été des années terribles. Incarcérés, les opposants ont passé dix ou vingt ans en prison. Toute une culture du dialogue s’est perdue. Et la plupart des opposants sont partis à l’étranger. Parmi eux, beaucoup, aujourd’hui, ne font que ressasser le passé. En revanche, il y a dans la jeune génération un regain d’activité. Dans la période récente, il n’y a jamais eu autant de poètes, d’écrivains, de cinéastes qui produisent des œuvres. Certains documentaires, comme Eau argentée [d’Oussama Mohammad et Wiam Simav Bedirxan], ont été projetés à Cannes. Le médecin réfugié à Istanbul, Yassine El-Hadj Saleh, emprisonné durant seize ans sous Assad et dont la femme, Samira Khalil, enlevée par des islamistes [le 10 décembre 2013], est toujours entre leurs mains, essaie d’animer sur Internet un mouvement culturel syrien en exil.

Mais le plus réconfortant, c’est la multiplication des initiatives humanitaires. Parmi ces millions de déplacés, il y a une masse d’enfants qui n’a plus été à l’école depuis 3 ans. Il y a au Liban quelques initiatives remarquables, comme Soumboula (l’Épi de blé), une association active dans l’alphabétisation et la formation professionnelle, y compris à l’intérieur de la Syrie. Mais cela reste épars. On sent une incapacité à coordonner même les activités de ce genre. Je m’interroge beaucoup sur cette propension à prendre des initiatives chacun de son côté hors de toute coordination. Comme si chacun entendait créer une association à son image. La plupart de ces gens sont laïcs mais aussi peu politisés.

Pas de solution avec Assad

S. C. — Qu’est-ce qui vous apparaît comme la première des urgences aujourd’hui en Syrie ? F. M.-B. — Alléger les souffrances des gens qui vivent sous les bombes ou dans les camps de réfugiés. Au début, il aurait été important de parvenir à créer une zone d’exclusion aérienne.

Maintenant, c’est trop tard. L’ONU devrait se mobiliser beaucoup plus qu’elle ne le fait sur les enjeux humanitaires.

S. C. — Le départ de Bachar Al-Assad reste-t-il à vos yeux une condition préalable à toute solution politique pour mettre fin à cette guerre ?

F. M.-B. — Oui. Une sortie de crise est difficile à imaginer, mais il n’en existe aucune qui permettrait à Assad de garder le pouvoir. S’il avait compris que son départ était inscrit, à la conférence de Genève [juin 2012], il aurait pu sauver sa vie et vraisemblablement sa fortune.

Désormais, ce n’est plus possible. En se comportant comme il l’a fait, il s’est condamné à jamais. Pour sortir de la crise, il faudrait auparavant que les puissances qui comptent dans la région — les États-Unis, la Russie, l’Iran, la Turquie et l’Arabie saoudite — trouvent un terrain d’entente, sachant que l’Iran est plus important encore que la Russie sur la question syrienne. Si Téhéran lâche Assad, il devra partir. Il serait donc essentiel qu’un accord survienne entre Téhéran et Washington sur le nucléaire iranien. Sans cela, il n’y aura pas d’accord international possible sur la Syrie. Mais on a le sentiment qu’en dehors de Barack Obama, pas grand monde ne veut réellement aboutir sur le dossier nucléaire iranien.

En attendant, un partage sur une base confessionnelle de la Syrie commence à être évoqué publiquement. Or une telle partition serait ingérable et calamiteuse. Elle entraînerait d’épouvantables nettoyages ethniques, vu que les sunnites constituent désormais 80 % de la population et vu l’interpénétration des populations : il y a plus d’alaouites aujourd’hui à

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