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sécurité humaine Les diamants 2009

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Les diamants

et la sécurité humaine

R EVUE ANNUELLE 2009

Angola Côte d’Ivoire Ghana Guinée Guyana Guyane française Liban Liberia République démocratique du Congo

République du Congo Sierra Leone Venezuela Zimbabwe 2009

P ARTENARIAT A FRIQUE C ANADA

Rédacteur en chef : Ian Smillie

Le Processus de Kimberley : trop important pour échouer, trop important pour faire semblant

Tout porte à croire, notamment les preuves réunies pour la présente Revue annuelle sur les diamants et la sécurité humaine, que le Processus de Kimberley (PK), conçu pour mettre un terme aux « diamants de guerre » et en prévenir la réappari- tion, est sur la voie de l’échec. Le coût de son effondrement serait désastreux pour une industrie qui profite à tant de pays, et pour les millions de personnes de pays en développement qui en dépendent, directement ou indirectement. On ver- rait réapparaître une économie criminalisée du dia- mant et, peu de temps après, les diamants de guerre pourraient recommencer à circuler. Les problèmes peuvent et doivent être réglés.

La responsabilisation est le premier de ces pro- blèmes. Il n’existe aucune autorité centrale au PK.

La « présidence » change chaque année et n’a, à toutes fins utiles, aucune responsabilité outre une fonction de convocation. Les problèmes sont ren- voyés d’un « groupe de travail » à l’autre; les débats sur des questions primordiales durent des années. Au PK, le « consensus » oblige tout le monde à s’entendre; un seul dissident peut tout bloquer. Personne n’assume de responsabilité pour l’action ou l’inaction, l’échec ou la réussite; le Processus de Kimberley n’a pas d’organe central outre son « assemblée plénière » annuelle; person- ne n’est donc tenu de rendre des comptes pour quoi que ce soit.

Le système de certification du Processus de Kimberley (SCPK) possède un mécanisme d’exa- men par les pairs qui se penche sur la conformité de chaque membre, environ une fois tous les trois ans. Certains examens sont exhaustifs et les recommandations sont respectées. Dans de nom- breux cas toutefois, on fait fi des recommanda- tions et il n’y a que peu ou pas de suivi — comme ce fut le cas, dans le passé, de la RDC et de l’Angola. Et comme le fait remarquer cette Revue annuelle, certains examens sont tout à fait bidon.

En 2008, une équipe démesurée de neuf membres a visité la Guinée, un pays accablé par la corrup- tion, de faibles contrôles sur les diamants et, fort probablement, la contrebande. L’équipe a passé moins de deux heures à l’extérieur de la capitale et son rapport est demeuré inachevé pendant près de 11 mois. Une équipe a visité le Venezuela en 2008,

Suite en page 2

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Tableau 1 • Exportation de diamants en 2008 (pays dont il est question dans ce rapport)

Pays Volume (carats) Valeur ($US) $US/ct

République démocratique du Congo 21 284 136 551 879 602 25.93

Angola 7 389 133 995 408 419 134.71

Guinée 3 097 360 66 705 270 21.54

Liban 2 456 651 48 475 333 19.73

Ghana 629 043 19 959 304 31.73

Sierra Leone 371 260 98 772 170 266.05

Zimbabwe 327 833 26 693 385 81.42

Guyana 193 026 31 190 622 161.59

Liberia 46 888 9 871 033 210.52

République du Congo 36 737 1 019 705 27.76

Côte d’Ivoire 0 0 0

Venezuela 0 0 0

Source: Base de données statistiques du Processus de Kimberley

Note : En 2008, la Côte d’Ivoire continuait à être sous un embargo de l’ONU quant à l’exportation. Le Venezuela a signalé n’avoir exporté aucun diamant au cours de l’année.

TABLE DES MATIÈRES

Angola . . . 3

République démocratique du Congo . . . 8

Sierra Leone . . . 14

République du Congo. . . 18

Zimbabwe. . . 19

Guinée . . . 19

De la poudre aux yeux (Liban et Guyane française) . . . 20

Ghana. . . 21

Liberia . . . 21

Côte d’Ivoire . . . 22

Venezuela . . . 22

Guyana . . . 23 mais c’est le gouvernement du Venezuela qui a dicté l’ensemble de sa composition, de son programme et de son itinéraire. Les ONG en ont été exclues et il n’y a eu aucune visite dans des régions minières ou des villes frontalières. Le Zimbabwe, en proie à la contre- bande et à de flagrantes violations des droits de la personne reliées aux diamants, a fait perdre des mois au PK en débats internes futiles. En fin de compte, le PK a convenu d’organiser une mission d’examen, mais seulement après avoir été publiquement cou- vert de honte par des ONG et des reportages dans les médias. Tout cela donne un « consensus » fondé sur le plus petit dénominateur commun et une inac- tion chronique.

On a fait fi d’autres cas de non-conformité flagrante jusqu’à ce que les médias exposent ces scandales : de la fraude et de la corruption au Brésil; des diamants de guerre ivoiriens passés en contrebande vers des pays voisins; la sortie en contrebande de l’entière pro- duction de diamants du Venezuela. Chez deux des plus grands producteurs de diamants de l’Afrique — l’Angola et la RDC — les contrôles internes sont si faibles que personne ne peut déterminer d’où provi- ennent vraiment les diamants exportés. De plus, les chiffres sur la production et le commerce publiés par le Liban, la Guinée et la République du Congo (Brazzaville) soulèvent de graves questions. Dans la plupart des cas, les problèmes sont mis au jour par des ONG ou des groupes d’experts de l’ONU parce que le PK n’a aucun mécanisme central qui permette d’effectuer des études ou des recherches. La procras- tination est de mise.

En 2008, on a adopté des mesures élaborées pour permettre au Venezuela de demeurer membre du PK

— malgré sa non-conformité flagrante — à condi- tion qu’il suspende ses exportations et importations tant qu’il n’aura pas repris la maîtrise de son indus-

trie du diamant. Cela a eu pour effet d’avaliser une situation où tous les diamants sortaient du pays en contrebande. Cette Revue annuelle décrit une deux- ième enquête de Partenariat Afrique Canada, réal- isée en mai 2009, qui a constaté que les diamants du Venezuela faisaient encore l’objet d’une extraction et d’une contrebande non dissimulées. Le PK continue toutefois d’accepter la position officielle du Venezuela. Par conséquent, depuis plus de quatre ans, le PK a implicitement cautionné la contrebande des diamants vénézuéliens.

Le Processus de Kimberley et le SCPK ont été créés pour suivre de près l’industrie du diamant. Le PK est plutôt devenu un moulin à paroles, la société civile agissant comme surveillant de l’industrie et du Processus de Kimberley lui-même. Les chefs de file de l’industrie appuient essentiellement les positions prises par la société civile, et plusieurs gouverne- ments sont aussi excédés que les ONG face au manque de sérieux et de sentiment d’urgence du PK.

Mais l’industrie ne prend pas les devants et rares sont les gouvernements qui exercent des pressions en faveur d’une réelle réforme.

Les conséquences de l’échec

Avant 2003, environ 25 % du commerce des dia- mants dans le monde était, à certains égards, illicite.

Les diamants, privés de toute réglementation, ser- vaient à blanchir de l’argent et à frauder le fisc, à acheter des drogues et des armes, à contourner les sanctions et à financer le terrorisme. De nombreux pays producteurs de diamants ne tiraient aucune recette des diamants, et pour d’autres, les diamants n’étaient qu’une source de dissension et de guerre.

C’est pour changer tout cela qu’on a créé le Processus de Kimberley, et les choses ont effective-

ment changé. Aujourd’hui, les diamants de guerre ne représentent qu’une faible part du commerce mondial. Des commerces de diamants jusque-là clandestins sont apparus au grand jour. La Sierra Leone, qui exportait légalement pour moins de 2 mil- lions de dollars de diamants, en exporte maintenant pour une valeur de 100 à 150 millions de dollars par année et en retire les recettes fiscales concomitantes.

On a observé des changements favorables du même ordre dans d’autres pays.

Tous ces progrès seraient rapidement annulés si le SCPK devait échouer. Un retour à l’économie anar- chique des années 1990 ouvrira à nouveau la porte à la criminalisation du commerce des diamants et aux diamants de guerre dans les mêmes pays fragiles où ils ont déjà détruit d’innombrables vies.

Le SCPK est trop important pour échouer et il importe trop à tant pays, sociétés et personnes pour n’être qu’une imposture. Il n’est pas nécessaire de le repenser de fond en comble; il s’agit de faire respecter ses dispositions. Mais pour cela, il faut un noyau d’expertise indépendante, proactive, efficace et efficiente qui puisse analyser les problèmes et agir sans tarder pour les corriger, en appliquant de vérita- bles sanctions au besoin. Les participants doivent être tenus de rendre des comptes, et le PK doit agir rapidement pour régler les cas de non-conformité flagrante.

La Revue annuelle s’est acquis un vaste lectorat au cours des dernières années au sein des gouverne- ments, de l’industrie, de la société civile, du milieu universitaire et des médias. Beaucoup de nos lecteurs possèdent l’influence et même le pouvoir nécessaires pour plaider en faveur des changements qu’il est manifestement nécessaire d’apporter au Processus de Kimberley. Nous espérons que vous unirez votre voix à la nôtre.

Suite de la page 1

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Tableau 2 • Les plus grands producteurs de diamants en 2008 (par volume)

Pays Carats % du total

mondial Fédération de Russie 36 925 150 22,7%

RD Congo 33 401 927 20,5%

Botswana 32 276 000 19,8%

Australie 14 932 137 9,2%

Canada 14 802 699 9,1%

Autres 30 569 803 18,7%

Total 162,907,716 100%

Source: Base de données statistiques du Processus de Kimberley

Tableau 3 • Les plus grands producteurs de diamants en 2008 (en valeur)

Pays Valeur ($US) % du total

mondial

Botswana 3 273 001 000 25,7%

Fédération de Russie 2 508 957 130 19,7%

Canada 2 254 710 603 17,7%

Afrique du Sud 1 236 240 109 9,7%

Angola 1 209 789 970 9,5%

Autres 2 249 579 996 17,7%

Total 12 732,278,808 100%

Source : Base de données statistiques du Processus de Kimberley

Tableau 4 • Les plus grands importateurs de diamants en 2008 (en valeur)

Pays Valeur ($US) % du total

mondial Communauté

européenne 14 507 530 886 37,5%

Inde 9 591 555 855 24,8%

Israël 5 357 613 277 13,9%

RP Chine 2 331 180 223 6,0%

Émirats arabes

unis 2 155 662 557 5,6%

Suisse 1 560 438 270 4,0%

Autres 3 171 797 424 8,2%

Total 38 675 778 492 100%

Source : Base de données statistiques du Processus de Kimberley

Note : La valeur des importations de diamants semble être plus de trois fois plus élevé que la valeur de la production mondiale. Ceci est dû au fait que les diamants bruts importés, par exemple par la CE, sont réexportés vers d’autres pays. Il y a, par conséquent, un important double comptage. Ces chiffres servent surtout à donner une idée de l’intérêt commercial d’un pays pour les diamants bruts.

ANGOLA

Introduction

L’Angola s’est donné une nouvelle loi sur l’exploita- tion artisanale des diamants. Cette loi, qui a mis beaucoup de temps avant de voir le jour, a été conçue sans audace et a été publiée précipitamment dans une édition truffée de coquilles. Les nouveaux règlements seront coûteux et difficiles à appliquer.

Qui plus est, ils sont presque identiques aux règle- ments en vigueur, qui n’ont pas été appliqués depuis plus de 15 ans.

Il reste que pour une fraction des mineurs artisans de l’Angola, le nouveau code représente un petit pas en avant sur le plan juridique. Il s’agit maintenant de savoir si les autorités appliqueront le nouveau code et, le cas échéant, quand et comment.

Cela dit, le code ne fait pas grand-chose pour améliorer la conformité de l’Angola au Processus de Kimberley.

Il n’esquisse aucune procédure concrète pour assurer le suivi de la production artisanale et ne prévoit aucun mécanisme pour réunir, analyser ou publier les données sur le commerce et la production artisanaux. Les respon- sables angolais affirment toutefois que le gouvernement prend au sérieux ses responsabilités à l’égard du PK et qu’il prévoit être plus rigoureux en matière d’application. On verra bien.

Pour la très grande majorité des producteurs artisans informels en Angola, le nouveau code ne change rien. Le garimpo commercial à grande échelle — du type qui produit quelque 30 % de la valeur des diamants angolais chaque année — était illégal aux termes des anciens règlements, et il le demeure en vertu du nouveau code.

Avec l’adoption du nouveau code cependant, les autorités angolaises semblent faire preuve d’une nouvelle détermination à finalement mettre un terme au garimpo à grande échelle et expulser les dizaines ou centaines de milliers de garimpeiros restants qui pratiquent des activités commerciales. Personne ne nie à l’Angola le droit de gérer ses propres champs de diamants ou de déporter des immigrants illégaux. Mais la violence qui a mar- qué les expulsions antérieures est inacceptable. Là encore, on verra bien.

La crise économique mondiale et ses effets

Les mines de diamants ont interrompu ou réduit leur production, l’exploration a cessé et, pour la première fois depuis près de 10 ans, l’Angola n’accueille plus de prétendants étrangers qui font la queue pour supplier qu’on leur accorde une concession de diamants. Ce ne sont là que quelques-uns des effets de la crise économique mondiale sur le secteur du diamant en Angola.

Depuis le début de la crise, en 2008, la production artisanale a aussi chuté de près du tiers, passant de 1,1 mil- lion de carats en 2007 à seulement 736 000 carats en 2008. En raison de la chute des prix, la majorité des creuseurs artisans de l’Angola semblent avoir tout simplement mis leurs outils de côté pour retourner chez eux.

Dans le secteur formel, la chute a été moins dramatique, la produc- tion de diamants pas- sant à 8,18 millions de carats en 2008, soit un recul de 5 %. Bien que les médias interna- tionaux aient fait état de fermetures, Endiama rapporte que la produc- tion de la grande mine Figure 1 • production de diamants en Angola : 2004-2008

Source: Endiama Millions de carats

Production industrielle Production artisanale Total de la production

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de kimberlite de Catoca demeure essentiellement inchangée. Les frais fixes de la mine sont tels que les économies réalisées par un ralentissement intentionnel de la production ou même par une fermeture complète seraient marginales. Catoca profite probablement aussi du fait que son plus important actionnaire étranger, qui est probablement aussi un acheteur international fidèle, soit le géant russe Alrosa.

D’autres entreprises industrielles n’ont pas eu autant de chance. Au début, cer- taines ont tenté de ralentir la production et de réduire leurs effectifs. Le gouverne- ment de l’Angola a réagi en publiant une directive interdisant les mises à pied.

Incapable d’opérer cette quadrature du cercle, deux petits projets alluviaux exploités par TransHex, de l’Afrique du Sud — Fucauma et Laurica — ont tout sim- plement mis la clé dans la porte. Certains des autres 10 projets de production ont ralenti leurs activités et renvoyé du personnel.

La Sodiam, la compagnie gouvernementale qui achète des diamants, a décidé d’a- cheter les diamants de toutes les sociétés qui poursuivent leur production et qui sont incapables de trouver elles-mêmes des acheteurs. Les autorités angolaises ne veulent pas divulguer le prix offert par la Sodiam et le nombre de carats qu’elle a stockés.

En ce qui a trait à l’exploration, 25 des 26 coentreprises en phase de prospection ont cessé leurs activités (la seule exception étant ENDEB, la coentreprise menée par De Beers dans le Lunda Norte). De nombreux investisseurs étrangers qui four- nissent le capital et le savoir-faire pour ces projets ont plié bagage et au moins deux sociétés ont vu leurs accords de coentreprise officiellement résiliés.

Les reportages des médias, citant les militaires angolais, donnent à croire que jusqu’à 11 de ces projets d’exploration paralysés ont vu leurs concessions envahies par des garimpeiros, en provenance surtout de la RDC. Toutefois, il est bien connu que l’armée angolaise est une source peu fiable lorsqu’il est question des garimpeiros et des Lundas. Endiama affirme que tous les projets sont protégés.

Durant le premier semestre de 2009, on n’a signé qu’un seul nouvel accord de coentreprise — ce qui contraste avec les années antérieures lorsqu’on en signait habituellement une demi-douzaine par semestre.

Une autre victime de la crise économique a été le World Diamond Fair que l’Angola prévoyait tenir à Luanda, en novembre 2009. L’Angola espérait mettre à profit une grande rencontre des célébrités du monde des diamants pour faire con- naître la nouvelle Association des Pays Africains Producteurs de Diamants, peut- être lancer une ligne de bijoux de diamants extraits et polis en Angola, et tenter d’assumer le leadership du secteur du diamant en Afrique. Mais lorsque la crise a frappé, les commanditaires se sont retirés et ensuite les participants éventuels, ne laissant au conseil des ministres de l’Angola d’autre choix que d’annuler l’événe- ment. On ne prévoit pas pour l’instant reprendre la démarche.

Endiama perd du terrain

Les nouveaux contrats de coentreprise signés en 2008 s’inscrivent dans une ten- dance voulant que la société diamantaire de l’État, Endiama, obtienne une part de recettes réduite et les sociétés angolaises sous contrôle politique en obtiennent davantage. Selon le contrat, ces sociétés ne sont pas tenues de faire quoi que ce soit, mais elles reçoivent une grande part des bénéfices. La plupart sont contrôlées par des alliés politiques du président angolais.

La Figure 2 montre l’évolution de cette pratique soi-disant légale, mais profondé- ment corrompue. Au fil des quatre années de 2005 à 2008, la part moyenne d’Endiama est passée de près de 37 % à un peu plus de 30 % tandis que le pour- centage moyen réclamé par les sociétés « partenaires financiers » qui ne con- tribuent rien est passé de 27,36 % à 31,2 %. Le pourcentage moyen des investis- seurs étrangers, qui fournissent le savoir-faire et les investissements, est demeuré essentiellement stable, dans une fourchette de 35 à 40 %.

Ces cadeaux font perdre au gouvernement angolais (et théoriquement, à la pop- ulation angolaise) une grande part des recettes procurées par les diamants.

Le nouveau code artisanal

« Le garimpo des diamants pour les Angolais seulement », titrait en gros carac- tères l’édition du 28 juin 2009 du Jornal de Angola. Ce journal, propriété du gou- vernement, n’avait pas saisi l’essentiel de l’affaire. On aurait eu davantage raison de titrer : « Légalisation, en quelque sorte, de l’extraction artisanale ».

Le nouveau code artisanal est le fruit de près de deux années de travaux par la CIPRED, une commission de haut niveau réunissant tous les ministères de pre- mière ligne de l’Angola. Malgré de longues délibérations et des missions de col- lecte d’information au Liberia et au Brésil, la CIPRED a produit une copie quasi conforme de la loi en vigueur, la loi sur les diamants de 1994, aussi complexe qu’inefficace.

Les « nouveaux » règlements relatifs à l’exploitation artisanale passent essentielle- ment sous silence les engagements de l’Angola à l’égard du Processus de Kimberley ou toute méthode détaillée pour consigner et suivre la production arti- sanale, et ce, bien que la première mission d’examen du Processus de Kimberley ait souligné, en 2005, la faiblesse des contrôles internes de l’Angola à l’égard de l’exploitation artisanale et exigé qu’on y apporte des correctifs.

Vision

La vision de l’exploitation minière artisanale esquissée dans le code ne vise que les habitants locaux qui travaillent à temps partiel, sans machinerie, sur des terres locales. Les nouveaux règlements donnent effectivement aux producteurs arti- sanaux le droit de creuser à la recherche de diamants, et de trouver et de vendre ceux qu’ils trouvent. C’est là un progrès juridique opportun pour les producteurs artisanaux — ou à tout le moins, il le sera si on applique effectivement la loi.

Le grand doute qui plane sur cette disposition et, en fait, toutes les autres dispo- sitions du code, c’est qu’on trouvait déjà dans l’ancienne loi sur les diamants des règlements identiques ainsi qu’une série d’obstacles financiers et administratifs qui, en pratique, empêchaient quiconque de légaliser son statut. Or, le nouveau code artisanal impose les mêmes obstacles.

Légal, mais seulement sur les parcelles de faible qualité

Le premier des nombreux obstacles est l’exigence voulant que l’extraction arti- sanale ne se fasse que sur les parcelles qui ont été prospectées et jugées non viables, sur le plan économique, à des fins d’exploitation industrielle. Endiama est l’organisme chargé d’évaluer et de délimiter les zones artisanales. Endiama avait cette responsabilité en vertu de la loi antérieure sur les diamants et n’a jamais pu, Figure 2 • Répartition moyenne des parts des propriétaires des

nouvelles coentreprises, 2005-2008

Source: PAC(pourcentages compilés à partir des données sur les contrats des propriétés de coentreprises tels que publiés dans le Angolan Diário da República)

Endiama Partenaires financiers Partenaires non financiers

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en 15 ans, arriver à délimiter une seule zone artisanale.

Toutefois, selon le ministère de la Géologie et des Mines, le code artisanal jouit maintenant de solides appuis au ministère et il s’exerce donc des pressions impor- tantes sur Endiama pour qu’elle délimite au moins quelques zones. Dans le cadre de ce processus, Endiama prévoit commencer à appliquer les dispositions de la loi sur les diamants qui exigent que les titulaires des concessions cèdent la moitié de leur concession de 3 000 km2lorsqu’ils passent de la prospection à la production comme telle. À ce jour, cette disposition n’a jamais été appliquée. Les zones arti- sanales seront tout d’abord situées sur ces parcelles cédées. On prévoit que cer- taines zones pilotes seront en place d’ici octobre 2009.

À plus long terme, le gouvernement angolais a commandé une étude géologique approfondie, qui devrait permettre d’établir une distinction entre les zones de qualité industrielle et les zones de plus faible qualité que le gouvernement ango- lais a jugé propices à l’exploitation artisanale.

Permis

Ce sont le coût et les problèmes suscités par les exigences en matière de permis qui constituent le deuxième grand obstacle. Afin de pouvoir creuser à la recherche de diamants, les producteurs artisans doivent tout d’abord obtenir un permis d’ex- traction (ou credencial) et une concession minérale artisanale (senha mineira). Les permis et les concessions minérales sont réservés aux citoyens angolais de 18 ans ou plus, qui habitent dans la zone de production depuis au moins 10 ans.

Les concessions artisanales ont une superficie de un à trois hectares. Jusqu’à cinq personnes peuvent exploiter la même concession artisanale, mais les cinq doivent détenir un permis et appartenir à la même famille ou au même village. Le titulaire de la concession doit remettre la liste des cinq creuseurs lors de la demande de concession.

Pour satisfaire à l’obligation de résidence, les requérants doivent présenter un doc- ument de preuve de résidence, vérifié par leur administration locale et contresigné par le chef du village ou une autre autorité traditionnelle. De plus, les requérants doivent aussi présenter un exemplaire de leur carte d’identité nationale, un exem- plaire de leur carte de contribuable, une vérification de leur casier judiciaire ou un certificat de bonne conduite émis par leur administration locale.

Le simple fait de réunir tous ces documents sera tout un défi. Il y a ensuite la ques- tion du traitement de ces documents.

Les demandes doivent être présentées à la division provinciale du ministère de la Géologie et des Mines, dont les bureaux se trouvent en général uniquement dans les capitales provinciales. Dans le Lunda Norte, Dundo, la capitale provinciale, est à une journée complète de route des zones minières telles que Lucapa. À partir de Cafunfo, il faut compter de trois à quatre jours pour se rendre à Dundo par la route, et encore bien davantage durant la saison des pluies. Exiger des creuseurs du bassin de Cuango qu’ils se présentent dans la capitale équivaut à s’assurer qu’ils n’auront jamais de permis.

Paulo Mvika, du ministère de la Géologie et des Mines, affirme que son ministère prévoit déployer de multiples équipes itinérantes dans les régions minières pour octroyer des permis. À long terme, M. Mvika prétend qu’on élaborera des procé- dures afin que les demandes puissent être présentées et les permis délivrés par l’entremise des bureaux locaux de l’administration provinciale.

On verra bien. Le danger, c’est qu’après un sprint initial, le ministère se replie dans son inertie bureaucratique et exige des participants qu’ils se présentent dans les capitales provinciales. Tenus de faire un voyage d’une semaine uniquement pour obtenir un permis, la majorité des creuseurs éventuels feront tout simplement fi du règlement.

Coûts

Le coût annuel d’un permis de creuseur artisan est fixé à environ 100 USD, soit à peu près cinq fois le salaire mensuel d’un enseignant angolais en milieu rural. Une concession minière artisanale coûte pour sa part 100 USD par année. Le coût min- imum pour commencer à creuser est donc de 200 USD. Étant donné la grande pauvreté qui sévit dans les Lundas, ces frais constitueront un autre obstacle d’im- portance à l’obtention d’un permis.

Le ministère refuse toutefois d’abaisser le prix. Cette attitude est étrange compte tenu des coûts qu’on engagera pour mettre en place les circuits de vente défici- taires de la Sodiam (voir « Circuits de vente inexistants », ci-dessous) et les revenus auxquels on renoncera si l’Angola met à exécution son plan visant à fermer les contuarios (bureaux d’achat) du secteur informel (voir « Fermer les garimpos...

Encore et toujours », à la page 6). Étant donné l’ampleur de ces coûts, l’aveugle- ment dont on fait preuve en imposant à d’éventuels mineurs légaux des frais de démarrage élevés pour l’obtention d’un permis n’a aucun sens.

Circuits de vente inexistants

Le dernier des obstacles importants que doit franchir le nouveau régime artisanal de l’Angola est la disposition qui régit la vente des diamants. Les règlements affir- ment que les producteurs artisans ne peuvent vendre leurs diamants dans le réseau des bureaux d’achat (contuarios) autorisé par la Sodiam qui achète actuellement la production informelle à l’intérieur du pays. Ils devront plutôt ven- dre leurs diamants dans des contuarios réservés aux diamants artisanaux et admin- istrés directement par la Sodiam.

Le danger pour les creuseurs, lorsque l’acheteur est un monopole, c’est que les prix soient maintenus artificiellement bas, bien que le code prévoie un mécanisme d’arbitrage si le creuseur refuse d’accepter les prix offerts.

Le principal problème, c’est qu’il n’existe actuellement aucun bureau d’achat du genre et que leur création engendrera un déficit. Pour que ce mécanisme fonc- tionne, les bureaux d’achat devront être situés près des lieux de creusage artisanal.

Toutefois, étant donné les limites imposées à la qualité des sites et au nombre de travailleurs, il est assuré que les volumes de diamants produits par les sites arti- sanaux légaux seront faibles. Les faibles volumes et un réseau très dispersé engen- dreront un fonctionnement déficitaire pour ces nouveaux bureaux d’achat con- sacrés exclusivement aux diamants artisanaux.

Selon Paulo Mvika, le ministère des Mines est prêt à assumer les coûts, quels qu’ils soient. Toutefois, si la Sodiam devait s’avérer moins encline que le ministère des Mines à engager les frais nécessaires, les bureaux d’achat ne verront jamais le jour et le système artisanal légal avortera.

Peu ou pas d’améliorations à la conformité au PK

Curieusement, le nouveau code artisanal passe presque totalement sous silence les engagements de l’Angola envers le Processus de Kimberley. L’équipe d’examen du PK a fait remarquer, en 2005, la faiblesse des contrôles exercés par l’Angola à l’é- gard des diamants artisanaux. Plusieurs rapports de Partenariat Afrique Canada ont aussi illustré l’incapacité totale de l’Angola à suivre ses diamants artisanaux de la source à la vente, la plaçant en contravention de ses engagements envers le PK.

Pourtant, le code de 23 pages ne renferme en tout et partout que trois sous-dis- positions mineures ayant un certain rapport avec les contrôles internes de la circu- lation des diamants, et donc avec les engagements de l’Angola à l’égard du PK.

L’article 11-3(l) affirme que le titulaire de concession doit « organiser un registre d’activités économiques, à savoir des diamants extraits, vendus et non vendus ».

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L’article 12(c) affirme que le ministère de la Géologie et des Mines doit « organis- er et enregistrer la production et la commercialisation des diamants ».

L’article 31-2 affirme que la Sodiam ou une autre entité commerciale étatique doit créer des postes d’achat à proximité des zones d’exploitation artisanale, « con- formes aux exigences et aux procédures du Processus de Kimberley, de manière à assurer là traçabilité et la circulation des diamants jusqu’à leur point de certifica- tion… »

Et c’est tout; plutôt étrange étant donné qu’il s’agit là d’un ensemble de règle- ments de mise en oeuvre — le type de document qui renferme habituellement des formulaires et des procédures détaillés. Le PK devrait se demander dans quelle mesure l’Angola le prend au sérieux. Si le code offre la réponse, elle se lit comme suit : « pas vraiment ».

Les règlements devraient à tout le moins exiger des producteurs artisans qu’ils consignent la production de diamants en fonction du poids, du nombre de pier- res, de leur qualité et de la date d’extraction, cette information étant vérifiée et contresignée par un agent des mines ou une autorité locale. Les règlements devraient exiger aussi que les acheteurs consignent les noms et l’identité des vendeurs de diamants artisanaux pour chaque achat, ainsi que le poids, le nom- bre de pierres et la qualité des diamants achetés. Ils devraient aussi exiger que le bureau d’achat transmette cette information périodiquement au ministère de la Géologie et des Mines, qui devrait être chargé de réunir, de vérifier et de contrôler l’information avant de certifier les diamants artisanaux à des fins d’exportation.

Les règlements devraient préciser les documents de suivi exigés pour constituer la chaîne de possession des envois de diamants, et donc suivre la production de la mine à l’exportation.

La CIPRED aurait pu facilement intégrer de tels détails : elle s’est rendue au Liberia et au Brésil, qui ont tous deux de tels systèmes de suivi. Selon le ministère de la Géologie et des Mines toutefois, on réglera toutes ces questions au fur et à mesure. Peut-être.

Fermer les garimpos ... Encore et toujours

L’effort a été énorme et coûteux depuis cinq ans : des opérations policières et mil- itaires d’expulsion massive, plusieurs centaines d’expulsions de garimpeiros, d’in- nombrables violations des droits de la personne et une atteinte généralisée à la réputation internationale de l’Angola — tout cela sans effet apparent : or, malgré tout, les autorités angolaises refusent d’abandonner.

Les efforts déployés par l’Angola pour expulser les garimpeiros illégaux et étrangers ont commencé par l’opération Brilhante en 2004, et se sont poursuivis avec la même brutalité chaque année depuis lors. La dernière en date est l’opéra- tion Crisis, qui a débuté le 9 mai 2009 et qui, en 37 jours, a permis d’expulser 18 000 garimpeiros du seul Lunda Norte. Si cette opération ressemblait à celle de 20081, des mineurs auraient été rassemblés à la pointe du fusil, battus, volés, relâchés et obligés à remonter vers le nord et à franchir la frontière à pied.

Malgré la brutalité, les expulsions ont été remarquablement inefficaces. La produc- tion informelle de diamants des garimpos était, en 2003, avant le début de ces opérations, de 1 231 688 carats. En 2007, la production informelle atteignait 1 102 198 carats, soit une diminution de seulement 11 %.

La tactique d’expulsion n’a pas fonctionné parce que les mineurs reviennent tout simplement en Angola, leur passage étant facilité par des gardes-frontières négli- gents ou corrompus, et leur présence étant bien accueillie par des responsables policiers corrompus qui contrôlent les garimpos et par des bureaux d’achat autorisés par le gouvernement qui profitent abondamment des diamants de sources informelles.

Malgré cela, l’Angola prévoit accentuer ses efforts d’expulsion de mineurs illégaux et fermer tous les garimpos dans les provinces diamantifères. Selon Paulo Mvika, du ministère des Mines, le nouveau plan est de révoquer les permis des acheteurs de diamants qui travaillent dans l’arrière-pays et donc fermer les contuarios qui achètent actuellement la production informelle. Selon ce raisonnement, puisqu’il n’y aura plus de débouchés, il n’y aura plus aucune façon de financer le creusage et, donc, les garimpos fermeront.

Il est peu probable que cela fonctionne. Les négociants informels et les réseaux de contrebande prendront tout simplement la relève pour remplacer les contuarios légaux. Les contrôles du PK de l’Angola, déjà peu rigoureux, ne s’amélioreront cer- tainement pas.

Selon M. Mvika, le gouvernement de l’Angola est déjà résolu à procéder de cette façon, malgré la possibilité de lourdes pertes de recettes tirées des redevances.

Bien que sur le plan du volume, la production artisanale ne représente actuelle- ment que 11 % de la production de l’Angola, sa valeur représente plus du quart des exportations angolaises. La fermeture du secteur informel pourrait signifier l’élimination de 27 % d’une industrie dont la valeur atteint 1,2 milliard USD.

Toutefois, les recettes tirées par le gouvernement de l’Angola du secteur des dia- mants ne proviennent pas que des redevances, mais aussi d’une taxe industrielle de 35 % et d’un impôt sur le capital de 10 % exigible des sociétés minières. En 2006, le secteur industriel a versé une somme supplémentaire de 138,5 millions USD au titre de ces impôts, tandis que le secteur artisanal n’a versé que 14,3 mil- lions USD. En d’autres mots, pour chaque dollar versé par le secteur industriel sous forme de redevances, celui-ci a payé un montant supplémentaire de 2,80 $ de taxes industrielles et autres. Pour chaque dollar de redevances, le secteur informel a versé à peine 78 cents de plus sous forme de taxes2. Les diamants officiels pro- duits de manière industrielle procurent effectivement beaucoup plus de recettes au gouvernement que les diamants informels produits par les garimpeiros.

La fermeture de la production informelle engendre un coût à court terme, mais pourrait par la suite procurer beaucoup plus de recettes par l’entremise de l’ex- ploitation industrielle. Pour les dizaines et peut-être les centaines de milliers de creuseurs artisans qui sont toujours en Angola, tous des sans-papiers et en grande partie étrangers, cela annonce probablement un avenir marqué par la poursuite des expulsions.

Sur ce plan, personne ne refuse à l’Angola le droit de gérer ses propres champs de diamants ou de déporter des immigrants illégaux. Mais la violence qui a accom- pagné les expulsions antérieures est inacceptable. Le Processus de Kimberley a fermé les yeux sur les violations des droits de la personne dans l’industrie du dia- mant. S’il veut protéger l’industrie dans son ensemble ainsi que sa réputation, cette situation doit changer.

Les règles imposées à la police et à l’armée angolaises devraient être très simples : pas de meurtre, pas de passage à tabac, pas de pillage, pas de vol, pas de viol. Ce n’est sûrement pas trop demander.

1 Pour les détails, voir la Les diamants et la sécurité humaine Revue annuelle 2008, Partenariat Afrique Canada

2 Fait intéressant, aux termes de la loi fiscale angolaise, l’exploitation minière artisanale et l’exploitation formelle font l’objet d’un traitement identique. À titre de bénéficiaires du produit extrait, les bureaux d’achat autorisés par la Sodiam, ASCORP et LKI sont censés verser la taxe industrielle et l’impôt sur le capital au nom des garimpeiros. Le fait que l’État angolais ne reçoive que si peu de recettes fiscales du secteur informel sous-entend que ces sociétés rajustent leurs coûts de manière à ne retirer que très peu de profit brut. Cela est étrange, étant donné que les frais de fonctionnement sont relativement faibles et qu’il est bien connu que les acheteurs angolais achètent les grosses pierres à vil prix en profitant du statut illégal des garimpeiros pour forcer des ventes à des prix dérisoires. Pourquoi donc déclarent-ils si peu de profits?

Selon le ministère de la Géologie et des Mines, les bureaux d’achat ne tiennent pas de comptabilité sérieuse. C’est-à-dire que malgré ce qu’ils versent en réalité, lorsqu’ils dressent leurs états financiers, ils réclament un prix d’achat qui n’est que légèrement inférieur à leur prix de vente. « Ils rajustent leurs comptes de manière à ne rien verser au gouvernement », dit un fonctionnaire du ministère. Puisqu’il n’y a pas de reçus, personne ne peut les contredire.

Il y a là une certaine justice immanente. Si les autorités angolaises avaient régularisé ce système et appliqué comme il se doit les contrôles du PK, il y aurait peut-être eu des reçus et une trace écrite qui auraient aidé à empêcher les contu- arios de frauder le gouvernement.

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Le nouveau code minier : la nouvelle vie d’une mauvaise loi

La dimension la plus controversée de la loi sur les diamants de 1994 était la série progressive de zones de « protection » qu’elle créait dans les concessions minières et dans leurs environs, et les pouvoirs qu’elle conférait aux titulaires de concession de faire appel à leurs propres gardes armés privés pour limiter la liberté de mou- vement et l’activité économique n’importe où dans le voisinage d’un site minier.

Les restrictions imposées par la loi sur les diamants ont une grande portée, tant sur le plan de la superficie qu’en ce qui a trait aux activités non autorisées. Les zones d’exclusion comprennent la concession minière elle-même, habituellement d’une superficie de 3 000 kilomètres carrés (soit un carré aux côtés d’une longueur de 55 km), les zones de protection couvrant une bande supplémentaire de 5 kilomètres autour d’une concession. Les zones de réserve en sont venues à couvrir chacun des autres centimètres carrés de territoire tant dans le Lunda Norte que le Lunda Sul.

Dans ces zones, on impose de rigoureuses limites à la liberté de mouvement et à tous les types d’activité économique. Dans le Lunda Norte, il est interdit de pêch- er dans les rivières locales. On décourage l’agriculture. Les paysans ont vu les sociétés minières saisir leurs terres agricoles, souvent en leur versant une indem- nité dérisoire. Les biens qui transitent par les Lundas sont passibles d’inspection et de saisie, tant par la police que par les services de sécurité privés. Les étrangers sont tenus d’obtenir la permission avant de se déplacer dans les Lundas. Les habi- tants locaux qui circulent sur les routes situées à proximité des concessions minières ou qui les traversent sont régulièrement interpellés, fouillés, arrêtés et battus. Certains ont même été tués.

Les violations des droits de la personne par la police et les sociétés de sécurité privée commises dans l’application des diverses dispositions relatives aux réserves prévues par la loi sur les diamants ont fait l’objet de nombreux rapports, y compris ceux de Partenariat Afrique Canada et du militant angolais des droits de la personne, Rafael Marques.

Dans le passé, ces violations sont survenues surtout dans le Lunda Norte et le Lunda Sul, des provinces isolées du reste de l’Angola par leur éloignement et leur culture. Il semble maintenant que ce soit le tour du reste du pays. Malgré les inconvénients évidents qu’engendrent

ces régimes de zonage, le gouvernement de l’Angola a reproduit presque mot à mot le texte sur les zones de restriction dans son nouveau code minier national.

La Revue annuelle a obtenu une version provisoire du code qui montre que la portée des zones restreintes, protégées et réservées sera élargie pour couvrir tout type de minéral, n’importe où au pays. À l’instar de l’ancienne loi sur les diamants, la nouvelle confiera l’application des restrictions à des entreprises de sécurité privées, tenues de rendre des comptes non pas à la population, mais aux sociétés minières qui les ont embauchées.

Étant donné l’ampleur des restrictions, le nouveau code minier pourrait gravement entraver le développement économique et l’évolution d’une économie équilibrée.

Il est difficile d’imaginer qu’un agricul- teur fasse de sérieux investissements sur

sa terre sachant qu’elle peut être saisie à tout moment. Il est difficile d’imaginer qu’un fabricant installe une usine là où ses biens et son matériel peuvent être fouil- lés et saisis par les agents de sécurité privés d’une autre société.

Étant donné la triste histoire des Lundas, le nouveau Code minier est aussi une grave menace aux droits de la personne partout en Angola.

Recommandations

1. La violation des droits de la personne lors de l’expulsion des garimpeiros de l’Angola ainsi que les lois sur les réserves sont odieuses. Elles entachent tous les diamants de l’Angola et devraient être rejetées par quiconque importe des dia- mants angolais. Le Processus de Kimberley a répugné à inclure le respect des droits fondamentaux dans ses normes minimums. Il est grand temps de modi- fier cette situation.

2. Les responsables de la police et de l’armée angolaises ont toujours prétendu que les expulsions de garimpeiros étrangers se faisaient avec un minimum de force et sans violation des droits de la personne. De nombreux rapports de diverses ONG et réseaux de médias dignes de foi affirment le contraire. La police angolaise peut mettre un terme à ces doutes en permettant une surveil- lance internationale des opérations d’expulsion.

3. Le ministère de la Géologie et des Mines devrait commencer à élaborer dès maintenant un système de suivi de la production artisanale de la mine à l’expor- tation. Le système devrait comporter une méthode qui permette à l’administra- tion centrale du ministère, à Luanda, de recueillir et de réunir, sous forme élec- tronique, des données sur la production et les ventes des mineurs et des con- tuarios. Le Processus de Kimberley, qui a recommandé il y a quatre ans cette mesure, doit maintenant insister sur son adoption comme préalable à toute conformité de l’Angola aux normes minimums du SCPK.

4. Le régime de zones restreintes, protégées et réservées a été un désastre pour les populations locales des provinces des Lundas, tant sur le plan des droits de la personne que sur celui du développement économique. Le conseil des min- istres de l’Angola devrait remettre en question son inclusion dans un code minier national.

3 Angola Diamond Industry Annual Review 2007, Partenariat Afrique Canada (en anglais seulement)

Site d’extraction artisanale de diamants, Angola

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L’arrestation du seigneur de la guerre tutsi congo- lais, Laurent Nkunda, en janvier 2009, et l’intégra- tion subséquente de son ancienne milice, le CNDP, à l’armée régulière du Congo (FARDC) ont mis fin à la plus agressive et efficace des milices non gou- vernementales actives dans le Congo oriental.

Toutefois, la RDC orientale fourmille toujours de groupes armés, et l’emprise du gouvernement dans les campagnes demeure faible, sinon nulle.

Les groupes armés les plus importants compren- nent l’ex-Interahamwe hutu, du Rwanda, c’est-à- dire les FDLR, et diverses milices de défense locale (ou mayi-mayi). Plus au nord, le long de la frontière avec l’Ouganda, la Lord’s Resistance Army (LRA) continue aussi d’utiliser le territoire congolais comme zone de retrait.

Compte tenu de ce contexte, la Revue annuelle a cherché à déterminer si les diamants étaient exploités par des groupes armés gouvernementaux ou par des milices — soit pour en retirer des béné- fices personnels ou pour acheter des armes suscep- tibles de prolonger le conflit et, si oui, dans quelle mesure.

On trouve des diamants dans une grande partie des zones de conflit au Congo, tant dans la province Orientale, à la frontière avec l’Ouganda, que dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. La Revue annuelle s’est surtout penchée sur les sites du Nord et du Sud Kivu, étant donné la présence des FDLR dans ces régions.

Dans le Sud Kivu, nous avons enquêté sur des rap- ports voulant qu’un site minier dans la région de Shabunda — à quelque 250 kilomètres à l’ouest de la capitale provinciale, Bukavu — soit tombé entre les mains d’un officier déloyal des FARDC. Les sites de diamants en exploitation de Shabunda sont situés à 50 kilomètres au nord de la ville, près du village de Mapimo. Un seul site est actuellement en exploitation, où l’on trouve au plus une demi- douzaine de creuseurs.

Selon les creuseurs locaux toutefois, le site était plein en 2008 lorsque Silvestre Tchikwese, général des FARDC, a posté des troupes autour des lieux de

creusage, prétendument pour les protéger, et a commencé à agir comme un patron, en fournissant des outils et des aliments aux creuseurs, et en achetant tous les diamants qu’ils produisaient. Les prix étaient plus ou moins dictés

par le général lui-même, ce qui conférait à la rela- tion entre le général et ses creuseurs un caractère abusif, quoique sans doute pas beaucoup plus que ce qui est la norme dans les relations entre le patron et le creuseur en RDC.

Dans la province du Nord Kivu, les sites diaman- tifères connus comprennent Musienene, Vatican et Kasisi. Le site de Musienene est situé sur la route principale entre Butembo et Lubero, l’un des rares corridors de la province que contrôle vraiment le gouvernement. Les visites effectuées par la Revue annuelle ont confirmé que les sites sont exploités par quelques vingtaines de creuseurs, qui vendent leurs diamants à des acheteurs à Butembo.

Le site de Kasisi est situé à environ 50 kilomètres de Lubero, sur le bas Taliha. Selon l’agent des mines du district, en poste à Lubero, la région a été la scène de combats en mai 2009, entre les mayi- mayi locaux et les FDLR. Depuis lors, les activités minières ont essentiellement pris fin sur le site.

Le site de Vatican est situé à quelque 50 kilomètres au sud-ouest de Lubero, profondément en terri- toire interahamwe. L’agent des mines de la région ne s’est pas rendu sur le site depuis plus d’un an, par crainte de tomber entre les mains des FDLR.

Pour évaluer les conditions sur le site, la Revue annuelle a retrouvé la trace de deux creuseurs qui avaient quitté le site une semaine auparavant, en juillet 2009. Selon ces témoins, le site de Vatican était exploité par quelque 30 mineurs, tous des habitants de Kilau, le village voisin. Les Interahamwe-FDLR ne contrôlaient pas le site.

Toutefois, une fois la semaine environ, une troupe de soldats des FDLR sortait de la forêt et exigeait que les creuseurs leur remettent tous les diamants en leur possession. (Parfois, les FDLR offraient une

chèvre au creuseur — volée chez les villageois locaux — en guise de compensation.)

Toutefois, on ignore comment les FDLR convertis- sent ces diamants extorqués en espèces. Ils les vendent probablement à un négociant com- plaisant, qui les revend à un comptoir, sans aucune question.

Le volume des diamants qui tombent entre les mains des rebelles est probablement assez faible, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit de diamants de guerre. Selon les creuseurs interviewés par la Revue annuelle, le site de Kilau accueillait naguère plus de 500 creuseurs, mais la prédation des Interahamwe a réduit ce nombre à 30 à peine. Il s’agit sans exception de personnes des environs qui abandonnent le site dès qu’elles découvrent un dia- mant, en empruntant des sentiers forestiers incon- nus des FDLR.

La présence de tout groupe armé qui contrôle des diamants ou des régions diamantifères est pertur- bante, peu importe l’ampleur du caratage ou des tentatives de contrôle. Bien que le volume des dia- mants qui tombent entre les mains des rebelles semble actuellement assez faible, rien dans le sys- tème de la RDC n’empêcherait les FDLR — ou tout autre groupe rebelle — de blanchir leurs diamants en les faisant passer dans le circuit des diamants « certifiés » par le PK.

La RDC fourmille de rebelles. Étant donné que les FDLR interviennent près des régions diamantifères beaucoup plus riches de Walikale et compte tenu de la présence armée de la LRA ougandaise dans les régions diamantifères de la province Orientale, il ne s’agit pas là d’une question théorique.

La production de diamants dans les zones de conflit

Capitale Nationale Délimitations provinciales Frontières internationales Kimberlitique Alluvionnaire

RÉPUBLIQUE

DÉMOCRATIQUE DU

CONGO

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Chaos et confusion : pas moyen de règlementer les diamants

Les combats se poursuivent dans le tiers oriental de la République démocratique du Congo. Les forces gouvernementales ne peuvent venir à bout des deux groupes rebelles toujours en activité, dont au moins un exploite les diamants pour financer (dans une très faible mesure) sa guerre.

Le Processus de Kimberley visait expressément à prévenir à tout jamais la réappari- tion de ce phénomène, que ce soit en Afrique ou ailleurs. Or, il est toujours présent en RDC parce que les autorités congolaises ne se sont jamais donné autre chose que les rudiments d’un système de contrôle interne. Il n’existe aucun système pour évaluer la production des diamants ou assurer le suivi des ventes intérieures. Les diamants ne sont enregistrés que lorsqu’ils arrivent aux grands comptoirs ou bureaux d’achat — situés surtout à Kinshasa, la capitale — où on ne pose aucune question et où on ne demande aucune preuve d’identité.

Le Processus de Kimberley est en grande partie responsable de cette situation.

Chaque année, Partenariat Afrique Canada, d’autres ONG, les Nations Unies et ses propres organismes de surveillance ont signalé au PK les faiblesses fondamentales des contrôles internes du Congo. Chaque année, le PK a choisi de ne rien faire et de permettre au Congo de ne rien faire.

Il s’ensuit que le réseau de comptoirs de la RDC est le système le plus efficace au monde pour blanchir des diamants du conflit, illicites et clandestins.

La récession frappe les diamants de la RDC

La crise économique mondiale a coupé l’herbe sous le pied de l’industrie du dia- mant en RDC. La Figure 3 présente la production de diamants et leur valeur moyenne en 2008. Jusqu’en août, les valeurs moyennes s’échelonnaient de 25 USD/ct à 38 USD/ct, et les volumes de production s’échelonnaient de 1,5 à plus de 3 millions de carats par mois. Avec l’aggravation de la crise, les valeurs moyennes ont toutefois plongé à moins de 17 USD/ct et la production s’est effon- drée, passant à moins de 500 000 carats en décembre.

De nombreux creuseurs artisans se sont tournés vers l’or ou ont carrément aban- donné les puits. Des gros noms du secteur officiel, tels que De Beers et BHP Billiton, ont mis un terme à leurs activités d’exploration. Selon le ministère des Mines, la MIBA, société d’État et dernier producteur à grande échelle de diamants industriels, est à toutes fins utiles en faillite. En 2008, la MIBA n’a produit que 765 497,5 carats, ce qui ne représente que 3 % du total de la production du pays.

Emaxon fait naufrage

Une autre victime de la crise est Emaxon, l’installation phare de polissage de la RDC, ouverte il n’y a que quelques années par la société Dan Gertler. L’installation de polissage d’Emaxon était accablée de problèmes depuis son ouverture. Emaxon a poli moins de 100 carats en 2005, sa première année d’exploitation, et seule- ment 567 en 2007; en 2008, sa production était retombée à seulement 278 carats.

Au cours de ces quatre années, le total du revenu brut n’a atteint que 794 084 USD.

En 2009, selon le ministère des Mines de la RDC, Emaxon a simplement mis la clé dans la porte, et remis l’usine et le matériel de polissage à l’État.

Prise de contrôle du CEEC

Le Centre d’évaluation, d’expertise et de certification (CEEC), l’organisme gou- vernemental chargé d’évaluer les diamants et de déterminer l’impôt à payer, est une autre victime de l’actuel ralentissement de l’économie en RDC. Avant la crise, le CEEC était une société d’État autonome qui régissait ses propres revenus et dépenses. Lorsque les prix des diamants ont chuté, le CEEC s’est toutefois vu inca- pable d’acquitter ses factures ou de payer ses salaires. Comme cette ancienne entreprise publique était trop importante pour qu’on la laisse faire faillite, le gou- vernement l’a intégrée au ministère des Mines, qui est maintenant chargé de son budget, de ses dépenses et de ses salaires. On ignore si le ministère des Mines redonnera au CEEC son indépendance lorsque l’industrie du diamant reviendra à la normale.

La montée, la chute et la résurrection de l’évaluateur indépendant

L’édition de 2008 de la Revue annuelle recommandait fortement que la RDC nomme à nouveau un évaluateur indépendant des diamants pour surveiller les évaluations au sein du CEEC. En 2006, le CEEC, dans des circonstances nébuleuses, a résilié son contrat avec la société chargée des services d’évaluation.

Notre recommandation s’appuyait sur une analyse des prix bruts en RDC, qui ont atteint un sommet de 27,3 USD le carat en 2005 (la première année complète au cours de laquelle un évaluateur indépendant était en poste), pour ensuite dégringoler en 2006-2007, tout juste après le renvoi de l’évaluateur. Nous avons fait remarquer que la RDC perdait des millions de dollars de recettes fiscales dont elle ne pouvait se passer.

En 2008, le CEEC a embauché Jean-Pierre Amuri Tobakombee Daito pour diriger le service d’évaluation. Citoyen congolais ayant travaillé durant de nombreuses Figure 3 • Production de diamants de la RDC en volume (barres)

et valeur moyenne du carat (ligne), pour 2008

Source : PAC (basé sur les données statistiques du rapport annuel du CEEC) Millions de carats

Figure 4 • Un lancement avorté : volume de production de diamants polis (barres) et valeur moyenne du carat (ligne) pour l’Installation de polissage Examon à Kananga

Source: PAC (basé sur les données statistiques du rapport annuel du CEEC)

Volume Valeur $/ct

Volume en millions de carats Valeur ($US/ct)

Carats $US

$US

Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.

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années pour De Beers, M. Amuri, a été l’un des principaux associés de la société d’évaluation dont le contrat a été résilié en 2006. Sa réembauche est un signe encourageant.

Remarque : Des sommets ont été atteints durant les années (2005 et 2008), lorsqu’un éval- uateur indépendant était en poste. Le plus haut sommet, en 2008 (27,94 USD), montre la moyenne, en 2008, pour les mois de janvier à août, avant le début de la crise économique.

Bien qu’à titre d’employé du CEEC, M. Amuri ne soit pas officiellement indépen- dant, son travail d’encadrement et de surveillance du personnel d’évaluation per- manent du CEEC a eu des résultats immédiats. La valeur moyenne du carat en RDC est passée d’un creux de 21,69 USD/ct, en 2007, à 27,94 USD durant les huit premiers mois de 2008, soit une hausse de plus de 6 USD/ct, avant de retomber en raison des effets de la crise économique mondiale. Malgré tout, pour l’ensem- ble de l’année 2008, la moyenne de la RDC a tout de même atteint 25,05 USD, soit 3,36 USD de plus que durant les années d’expansion, lorsqu’il n’y avait pas d’évaluation indépendante.

Durant les huit premiers mois de 2008 seulement, ces évaluations plus précises ont permis au gouvernement de la RDC d’engranger près de 3 millions USD de recettes supplémentaires.

Les chiffres, tout un fouillis

Si la fiabilité des statistiques est l’une des pierres d’assises du Processus de Kimberley, que dire alors de la RDC, ce monde ténébreux d’assertions contradic- toires, où aucun organisme ne donne jamais deux fois le même chiffre ou la même réponse, même lorsqu’il décrit prétendument la même chose?

La Revue annuelle de 2008 a mis au jour un écart croissant entre les statistiques d’exportation de la RDC telles que consignées par le ministère des Mines et les

Tableau 5 • Exportations de diamants de la RDC, telles que consignées respectivement par le Processus de Kimberley, le CEEC et le ministère des Mines.

Statistiques du PK Statistiques du CEEC Statistiques du ministère des Mines

Année Volume Valeur Volume Valeur Volume Valeur

(ct) ($US) (ct) ($US) (ct) ($US)

2003 n.d. n.d. 27 111 526 642 742 788 27 752 627 650 336 071

2004 30 162 413 720 899 077 29 988 062 727 486 407 29 609 872 708 623 102

2005 32 949 849 895 457 801 31 733 747 870 307 938 32 795 555 885 032 408

2006 30 177 840 679 488 866 28 253 572 671 677 791 28 253 571 671 677 791

2007 28 331 376 609 833 223 28 269 337 613 163 797 25 928 301 565 943 295

2008 21 284 137 551 879 602 22 096 489 553 840 000 n.d. n.d.

Source : Site Web du PK, rapports annuels du CEEC, rapports du ministère des Mines.

Tableau 6 • Comparaison des divers chiffres relatifs aux exportations de diamants de la RDC : PK c. CEEC; PK c. ministère des Mines;

CEEC c. ministère des mines

Différence : PK-CEEC Différence : PK-Mines Différence : CEEC-Mines

Année Volume Valeur Volume Valeur Volume Valeur

(ct) ($US) (ct) ($US) (ct) ($US)

2003 n.d. n.d. n.d. n.d. (641 101) (7 593 283)

2004 174 351 (6 587 330) 552 541 12 275 975 378 190 18 863 305

2005 1 216 102 25 149 863 154 294 10 425 393 (1 061 808) (14 724 470)

2006 1 924 268 7 811 075 1 924 269 7 811 075 0 0

2007 62 040 (3 330 574) 2 403 075 43 889 928 2 341 035 47 220 502

2008 (812 352) (1 960 398) n.d. n.d. n.d. n.d.

Totaux 2 564 409 21 082 636 5 034 178 74 402 371 1 016 317 43 766 054

Source : Site Web du PK, rapports annuels du CEEC, rapports du ministère des Mines.

Remarque : Les chiffres entre parenthèses sont des chiffres négatifs. Dans un monde idéal, ce tableau n’afficherait que des zéros.

Figure 5 • Valeur moyenne à l’exportation des diamants bruts de la RDC, 2004-2008

Source: PAC (basé sur les données statistiques du rapport annuel du CEEC)

Évaluation moyenne CEEC Moyenne avant la crise

$US/ct

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chiffres transmis au Processus de Kimberley par les autorités congolaises. La dif- férence atteignait des millions de carats et des dizaines de millions de dollars.

Le Tableau 6 compare ces statistiques : le PK contre le CEEC, le PK contre le min- istère des Mines; le CEEC contre le ministère des Mines. Dans un monde idéal, le Tableau 6 n’afficherait que des zéros. Or, c’est loin d’être le cas. Durant la période de six années de 2003 à 2008, la différence entre les chiffres du CEEC et ceux présentés au PK atteint un total de 2,5 millions de carats et 21 millions USD. La différence entre les chiffres du PK et ceux du ministère des Mines est encore plus prononcée. Il s’ensuit donc logiquement que les statistiques d’exportation tenues par le CEEC et le ministère des Mines — les deux principaux organismes chargés des diamants en RDC — diffèrent de plus d’un million de carats4.

Pour la période de cinq années de 2004 à 2008, les chiffres du PK font état de plus de 500 000 carats supplémentaires par année. Selon les chiffres du CEEC, ces diamants n’ont jamais été exportés. Il s’agit donc de 500 000 carats par année de diamants fantômes en RDC.

Des chiffres fiables et précis sont le coeur du Processus de Kimberley. La compara- ison des exportations d’un pays avec les importations d’un autre, en veillant à ce que des diamants n’apparaissent ou ne disparaissent pas comme par magie, telle est la fonction clé que remplissent des statistiques fiables sur la production et l’ex- portation. Étant donné la taille de l’industrie du diamant en RDC, la fragilité de la paix dans ce pays et sa situation stratégique au coeur de l’Afrique, le PK ne peut tout simplement continuer de fermer l’oeil sur cet écart.

Les diamants de la RDC - Origine inconnue

Il est impossible de retracer près de la moitié des 30 millions de carats exportés chaque année à partir du Congo.

On trouve des diamants sur presque tout le territoire de la RDC, les concentrations les plus riches se trouvant dans les provinces du Kasaï oriental (comptoirs à Mbuji-

Mayi) et du Kasaï occidental (comptoirs à Tshikapa), dans la province Orientale (comptoirs à Kisangani) et dans la province de Bandundu (comptoirs à Tembo).

Seuls le Bas-Congo et la région environnante de la capitale nationale, Kinshasa, ne contiennent aucun diamant.

La Figure 6 présente la prétendue « origine régionale » des diamants produits en RDC au cours des quatre dernières années, selon le CEEC. Il importe de remarquer que ce ne sont pas là des statistiques de production (bien que c’est ainsi que les appelle le CEEC). Les statistiques de production sont inexistantes en RDC. Ces chiffres représentent le lieu physique du comptoir autorisé où un diamant a été acheté d’un creuseur ou d’un négociant. C’est à ce point que la tenue des dossiers de la RDC commence. L’origine d’un diamant et le chemin qu’il a emprunté avant d’arriver au comptoir sont un mystère complet pour les fonctionnaires de la RDC.

Remarque : Production artisanale par région. Les colonnes renvoient à l’emplacement des comptoirs. Les chiffres relatifs à Isiro sont trop faibles pour apparaître sur le graphique. On remarquera la prédominance des comptoirs situés à Kinshasa.

4 Les chiffres du CEEC représentent des diamants qui ont été évalués et certifiés plutôt que les exportations réelles. En théorie, il serait aussi possible que des écarts apparaissent dans les chiffres annuels si un envoi certifié en décembre devait n’être exporté qu’en janvier. Toutefois, les totaux pluriannuels cumulatifs devraient, à terme, s’équilibrer. Comme le montrent les totaux cumulatifs au bas du Tableau 6, tel n’est pas le cas.

Figure 6 • Diamants (selon la valeur) arrivant dans les comptoirs autorisés en RDC, 2005-2008

Source: PAC (basé sur les données statistiques du rapport annuel du CEEC)

Extraction artisanale de diamants, RDC

En millions $US

(12)

Officiellement, les fonctionnaires du CEEC et du ministère des Mines en poste dans chacun des comptoirs sont censés s’assurer que la personne qui vend un dia- mant possède un permis de négociant ou de creuseur artisan. En pratique, cette vérification n’a jamais lieu.

Étant donné l’absence totale de rigueur dans la vérification des pièces d’identité et de la provenance des diamants dans les comptoirs congolais, le trafiquant d’armes Viktor Bout lui-même (s’il était encore en liberté)5 pourrait se présenter dans un comptoir en RDC et échanger un sac à provisions bourré de diamants pour de l’argent comptant, sans qu’on lui pose la moindre question. Les diamants entreraient ensuite dans le système mondial à titre de diamants certifiés sans con- flits, avec en prime le sceau d’approbation du PK.

Bref, le réseau de comptoirs à Kinshasa est le système le plus perfectionné du monde pour blanchir des diamants non réglementaires. Il faut aussi signaler que Kinshasa a de bonnes liaisons aériennes avec les pays producteurs de diamants de l’Afrique australe et occidentale. Il n’y a pas de contrôles de sécurité à l’aéroport de Kinshasa qui puissent permettre de déceler des diamants.

Ceux qui ont l’habitude de tirer parti des échappatoires dans le système du PK ont- ils découvert ce trou béant à Kinshasa? La multitude de comptoirs dans la capitale permet de le croire. La Figure 7 montre le pourcentage de la production globale de la RDC qui entre dans le système par l’entremise des comptoirs de Kinshasa.

Les nombres sont tout simplement étonnants : 45 %, en moyenne, de la valeur de la production totale du pays. Environ la moitié des diamants de la RDC sont enregistrés pour la première fois seulement lorsqu’ils atteignent la capitale. À toutes fins utiles, on pourrait tout aussi bien apposer l’étiquette « origine incon- nue » sur les diamants de la RDC.

Il faut signaler que l’examen de la RDC réalisé par le PK en 2004 a effectivement recommandé certains moyens à prendre pour éliminer cette échappatoire, mais que le gouvernement de la RDC n’a rien fait et que le Processus de Kimberley n’a donné aucun suivi à son rapport. L’examen de la RDC réalisé par le PK au milieu de 2009 approfondit ce problème et formule des recommandations du même ordre. Mais des recommandations conjuguées à l’inaction ne donnent rien. Le PK, le gouvernement de la RDC et l’industrie du diamant dans son ensemble doivent adopter une approche beaucoup plus proactive de cet immense problème.

Remarque : Pourcentage du total de la production de la RDC, en valeur, provenant préten- dument de Kinshasa. Les pourcentages sont fondés sur la valeur plutôt que sur le volume.

Étant donné l’absence totale de tout mécanisme de suivi, les fonctionnaires de la RDC devraient à tout le moins apposer sur ces diamants l’étiquette « origine inconnue ».

La réglementation régionale des champs diamantifères

L’administration décentralisée du secteur de l’exploitation des diamants en RDC varie énormément d’une province à l’autre, ce qui engendre un profond manque d’uniformité des contrôles. C’est le ministère des Mines, à Kinshasa, qui détermine la politique d’ensemble. L’administration courante est confiée à la Division des mines de chaque province; les divisions des mines sont financées par les gou- verneurs respectifs, à qui elles doivent rendre des comptes.

Dans le Kasaï oriental, la Division des mines compte juste assez d’agents pour en placer dans la vingtaine de comptoirs ouverts à Mbuji-Mayi. Les lieux de creusage artisanal ne sont ni enregistrés, ni inspectés, les creuseurs ne sont jamais enreg- istrés et les négociants prennent rarement la peine de renouveler leur enreg- istrement. Ils savent que personne ne procède à des vérifications dans le Kasaï ori- ental, que personne ne s’en soucie.

Dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, la Division des mines déploie plus d’ef- forts pour gérer l’exploitation artisanale. Les deux divisions ont des bureaux locaux dans l’ensemble de leurs provinces respectives, à partir desquels les agents des mines tentent de procéder à des inspections périodiques sur le terrain. La présence de groupes armés, et les combats qui se poursuivent entre les troupes du gou- vernement et les rebelles, entravent leur travail. Dans le Sud Kivu, les agents des mines tentent même de maintenir un système de concessions pour les sites miniers artisanaux, les creuseurs étant apparemment tenus de déposer chaque année une demande6pour leur site de creusage artisanal d’un kilomètre carré. De nombreux sites ne sont pas enregistrés, mais les rudiments d’un système de régle- mentation sont au moins en place.

La Division des mines de la province Orientale exploite le système d’enregistrement et d’inspection le plus rigoureux; avec un peu d’effort, ce système pourrait même commencer à produire des statistiques élémentaires7 sur la production. Les mineurs artisans sont vraiment tenus d’enregistrer leurs sites de production, dont la superficie peut atteindre quatre kilomètres carrés. L’enregistrement d’un site artisanal coûte 350 USD par année, et est réservé aux personnes qui possèdent un permis de creuseur en règle (dont le coût est de 25 USD par année). Dans le cadre de ce processus d’enregistrement, un agent des mines trace les limites de la con- cession sur une carte de la région.

Les demandes de concessions minières sont déposées dans l’un des cinq bureaux miniers locaux répartis dans la province. Chaque bureau a un certain nombre de sous-stations, de sorte que les 200 agents des mines de la province sont en rela- tion relativement étroite avec les zones minières les plus importantes.

Le titulaire de la concession — qu’on appelle l’AFM ou administrateur de foyer minier dans la province Orientale — est censé assurer le suivi de la production de diamants sur son site. La plupart des AFM consignent au moins leur propre part de la production totale; quelques-uns déposent même des rapports de production à leur bureau local des mines. Ces rapports sporadiques et préparés à la va-vite sont pour l’instant inutiles pour estimer la production mais, avec un peu d’efforts et un peu plus de rigueur, les agents des mines de la province Orientale pourraient arriver à faire respecter une obligation pour les titulaires de concessions artisanales de consigner et de communiquer périodiquement des chiffres sur leur production.

On serait alors beaucoup mieux placé pour suivre les déplacements des diamants, ce qui renforcerait énormément le Processus de Kimberley en RDC.

On renforcerait encore davantage la réglementation des diamants si le Cadastre minier (CAMI), l’agence centrale de l’État chargée d’administrer les concessions

5 Viktor Bout, marchand d'armes et violeur de sanctions, a été arrêté en 2008 lors d'un coup monté par la Drug Enforcement Agency des États-Unis. En août, un tribunal de Bangkok a refusé d'extrader Bout vers les États-Unis. Le jugement a été porté en appel et la procédure durera sans doute plusieurs mois.

6 La Déclaration d’ouverture d’un chantier d’exploitation artisanale.

7 Le seul inconvénient qu’occasionne le système d’enregistrement des mines artisanales de la province Orientale est l’autorité qu’il confère au titulaire de la concession — l’administrateur de foyer minier — sur les creuseurs ordinaires tra- vaillant sur son site. Malheureusement, la tradition locale veut que l’AFM utilise cette autorité pour exploiter les creuseurs ordinaires davantage qu’ailleurs au Congo.

Figure 7 • Diamants entrant dans le système de la RDC par l’entremise des comptoirs situés à Kinshasa, en pourcentage de la production totale de la RDC, 2005-2008

Source: PAC (basé sur les données statistiques du rapport annuel du CEEC)

Suite en page 14

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