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NEWSLETTER N°2 NOVEMBRE 2010
PAIF (Promotion et Appui aux Initiatives féminines) forme les représentantes des groupements féminins des territoires de Kalehe et Masisi à la défense des droits humains et les soutient dans leurs actions.
Pour Sylvie Biruru, la coordinatrice du programme CIVIK au sein de l’é‐
quipe de PAIF, , il faut « permettre aux femmes, partout où elles se trouvent, en milieu rural, et même dans le fin fond des villages, de connaître leurs droits et de savoir les revendiquer lorsqu’ils sont ba‐
foués ». Charlotte Baderha est l’une des bénéficiaires des actions réali‐
sées par PAIF dans le cadre du programme CIVIK. Aujourd’hui anima‐
trice d’une Brigade de paix à Kalehe, elle témoigne de son engagement.
Comment êtes vous devenue animatrice d’une Brigade de paix ?
J’ai suivi ma première formation avec PAIF dans le cadre du programme CIVIK en juillet 2009. Après cette formation, une brigade de paix a été créée à Kalehe, constituée de membres des groupements de femmes qui avaient suivi la formation. Le rôle de cette brigade est d’effectuer une veille des cas de violations des droits des femmes et d’apporter une aide aux victimes. Cela se fait en lien avec l’équipe de PAIF. En tant qu’animatrice de cette brigade, je dois surveiller les cas de violences et d’atteintes aux droits des femmes et en informer PAIF.
Comment procédez‐vous pour identifier les cas d’atteintes aux droits des femmes ?
Les gens de Kalehe savent maintenant que je suis l’animatrice de la Brigade de paix. Ils viennent m’alerter. Les membres de mon organisation, qui sont présents sur l’ensemble du territoire, m’informent également des cas de violences et de violations des droits humains qui se produisent en dehors de la localité. Chaque fois, je me rends sur place, je recueille toutes les informations nécessaires et j’enregistre le cas. Je fais ensuite un rapport à PAIF, puis j’effectue le plaidoyer sur ce cas si nécessaire. PAIF prend le relais, notamment pour les cas de violences sexuelles.
L’association propose un accompagnement sur le plan médical et social.
Son rôle est essentiel sur le plan juridique. PAIF peut aider la victime à déposer plainte et suivre le dossier
jusqu’au procès.
Rencontrez‐vous des difficultés ? Ce qui est difficile, ce sont les déplacements. Parfois, il faut aller à 20 km de la maison pour effectuer le suivi des cas sur lesquels nous avons été alertés, rencontrer la victime, mener des actions de plaidoyer...
Pour y arriver, il faut partir à pied, à travers les montagnes. C’est très fatigant. Nous aurions besoin de plus de moyens au niveau des Brigades de paix pour nous déplacer et accompagner les victimes. Nous espérons que cela sera possible pour l’avenir !
Aux côtés de PAIF, les femmes s’engagent ‐ Témoignage
Charlotte Baderha, bénéficiaire des formations réalisées par PAIF
Selon le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la République Démocratique du Congo, publié le 29 novem‐
bre 2010, « le nombre total de personnes déplacées en Répu‐
blique Démocratique du Congo […] s’établissait à 1 709 591 au 30 septembre 2010, dont 1 542 509 dans le Nord et le Sud Kivu ». Un chiffre
« révélateur de l’impact humanitaire de l’insécuri‐
té généralisée » dans cette zone, bien qu’en très légère baisse depuis l’an dernier.
Avec la poursuite de l’opération Amani Léo lancée contre les FDLR par les FARDC avec l’appui de la MONUSCO en janvier 2010 , la population civile du Nord et du Sud Kivu continue à subir pillages, arrestations arbitraires, viols, tortures, commis par les forces armées régulières comme par les groupes armés. Le lancement de l’opération Ruwenzori contre les rebelles ougandais ADF‐
Nalu, unilatéralement conduite par les FARDC, a plongé le territoire et la ville même de Béni dans la violence.
A ce contexte d’insécurité, s’ajoute une augmen‐
tation de la répression à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme. L’assassinat de Floribert Chebeya, Directeur exécutif de la Voix des Sans Voix, en juin 2010 à Kinshasa, a créé une onde de choc au sein de la communauté des défenseurs. Le nombre de menaces avérées ou agressions à l’encontre de militants des droits de l’Homme des Kivus, pour lesquels le « Fonds d’urgence pour les défenseurs en danger » d’Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme a été sollicité, est en nette augmentation.
Les associations partenaires du programme CIVIK
‐ ASADHO à Béni, PAIF et SOPROP à Goma, UCPDHO et Arche d’Alliance à Uvira ‐ ne baissent pas les bras. S’adaptant au contexte et prenant les mesures nécessaires à garantir leur sécurité comme celle des bénéficiaires de leurs actions, elles poursuivent leur appui à la société civile du Nord et du Sud Kivu pour que ses leaders jouent un rôle actif dans la défense des droits de l’Homme, même dans les zones les plus reculées.
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L’association Arche d’Alliance (ARAL), basée à Uvira, travaille depuis de nombreuses années à la formation de défenseurs des droits de l’Homme au Sud Kivu. Partenaire du programme CIVIK, l’association s’investit aux côtés des leaders de la société civile afin de leur donner les moyens de participer efficacement à la défense des droits de l’Homme. Sudi Yahudi Longuet, Chef de projet d’Arche d’Alliance, fait le point sur la situation des droits de l’Homme au Sud Kivu et les actions menées dans le cadre du programme CIVIK.
Comment évaluez‐vous la situation actuelle au Sud Kivu ? La situation est celle d’une psychose, provoquée par des tueries, des arres tations arbitraires, des extorsions de biens.
Des barrières illégales sont érigées à la fois par les forces régulières, les FDLR, les FNL et les Maï Maï, afin de rançonner les civils. Tous ces groupes armés font souffrir la population. En ce qui concerne l’Opération Amani Leo, on observe que les militaires ne chassent plus les FDLR mais stationnent dans les grandes agglomérations. Les FDLR circulent librement sur les hauts plateaux, notamment au Sud Kivu. De fait, les exactions, les viols et les tueries des FDLR continuent.
Les militaires des FARDC sont par ailleurs souvent d’anciens miliciens, sans formation, qui se livrent à de nombreuses exactions. L’effet produit par l’opération est finalement contraire à l’objectif poursuivi… C’est donc une situation de peur qui prédomine et qui parait sans solution dans un avenir proche.
Malgré ce contexte d’insécurité généralisée, parvenez‐vous à mener à bien les actions de renforcement de la société civile en matière de défense des droits de l’Homme prévues dans le cadre du programme CIVIK ?
Les activités principales réalisées dans le cadre du programme CIVIK concernent l’organisation de formations visant au renforcement des capacités des leaders de la société civile — noyaux de paix, comités de conciliation et de médiation, groupements féminins ‐ en matière de défense des droits de l’Homme: méthodologie d’identification des cas de violations des droits de l’Homme et de récolte des données, plaidoyer auprès des représentants des autorités, déontologie des défenseurs des droits de l’Homme.
Dans le cadre du programme CIVIK, ARAL a réalisé huit sessions de formation auprès de cent vingt personnes. Les bénéficiaires des formations ont pu en restituer le contenu à plus de cinq cents membres de leurs organisations. Des sessions de formation pour les autorités sont également
organisées, notamment car leur manque de connaissance (par exemple sur leurs attributions) peut être source de violations.
Enfin, ARAL organise des activités de renforcement technique des comités de base qui pourront survivre au programme, le but étant de pérenniser les acquis du programme CIVIK à travers la prise en charge autonome de la défense des droits de l’Homme par les réseaux locaux.
Si les actions prévues par le programme CIVIK ont pu être menées, cela n’a pas toujours été sans difficulté. Le conflit a parfois rendu impossible la tenue de sessions de formation ou de restitution dans les localités initialement prévues. Il a fallu, à plusieurs reprises, reporter les
sessions, ou les déplacer afin de garantir la sécurité des participants. Ce contexte a également des répercussions sur la capacité des bénéficiaires des formations à organiser des sessions de restitution auprès des autres membres de leur organisation. Certains, craignant des représailles, y ont renoncé.
Les formations que vous proposez prennent‐elles en compte la question de la sécurité des défenseurs des droits de l’Homme ?
Il s’agit de l’un des thèmes essentiels. Afin de préserver leur sécurité, les défenseurs des droits de l’Homme doivent garder à l’esprit trois règles principales. Premièrement, il faut privilégier le travail en synergie, une association agissant seule est toujours affaiblie. Deuxièmement le respect de la déontologie des droits de l’Homme doit être total. Et troisièmement, il faut toujours rester neutre, c'est‐à‐
dire ne pas signifier une appartenance ethnique ou tribale.
Ces deux derniers points participent d’une volonté de se comporter en modèle à suivre, essentielle pour ces organisations qui jouent un rôle d’interface entre la population et les autorités afin d’amener celles‐ci à respecter les droits de l’Homme.
« On vise la prise en charge autonome de la défense de droits de l’Homme par les
réseaux locaux » Arche d’Alliance : former des défenseurs des droits de l’Homme malgré l’insécurité
Sudi Longuet, Chef de projet d’ARAL
Séance de Restitution réalisée par ARAL
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Créée en 1999, UCPDHO agit en faveur de la promotion des droits civils et politiques, lutte contre l’impunité, les carences du système judiciaire et les exactions commises dans les territoires de Fizi et Uvira, au Sud‐Kivu. Partenaire du programme CIVIK, l’ONG participe activement au renforcement des capacités des leaders de la société civile du Sud Kivu en matière de défense des droits de l’Homme.
Depuis le lancement du programme CIVIK, UCPDHO a réalisé douze sessions de formation destinées à cinq cents représen‐
tants de la société civile des territoires de Fizi et Uvira, qui ont à leur tour resti‐
tué le contenu des formations auprès des membres de leur communauté. Les sessions de formation dispensées par UCPDHO portent notamment sur les notions de base en matière de droits de l’Homme, les techniques d’enquête et de récolte d’informations, les méthodes de revendication des droits, la résolution pacifique des conflits ou la sécurité des défenseurs des droits de
l’Homme. Mais l’action d’UCPDHO ne se limite pas à la réalisation de formations.
Le renforcement des capacités des représen‐
tants de la société civile en matière de défense des droits de l’Homme doit se traduire par la mise en pratique des connaissances acquises,
et par la participation active de ces leaders à la défense des droits au sein de leur communauté. Une implication qui est loin d’être facile, et qui comporte des risques pour ceux qui décident de s’investir dans la dénonciation des cas de viola‐
tions des droits de l’Homme dans le contexte d’insécurité qui prévaut dans cette région, notamment dans le cadre de l’opération Amani Léo lancée en janvier 2010. L’accompa‐
gnement et le suivi mis en œuvre par UCPDHO auprès des bénéficiaires des formations a cependant permis de trans‐
former cette ambition en action concrète : sept Comités Locaux d’Observation des Droits de l’Homme (CODHO) ont ainsi été formés, regroupant des bénéficiaires du pro‐
gramme CIVIK issus d’organisations de la base diverses, chargés d’assurer une veille sur la situation des droits de l’Homme dans leur zone d’intervention.
L’équipe d’UCPDHO effectue des visites régulières sur le terrain auprès des CODHO afin de suivre leur action.
Des fiches d’identification des cas de violations ont été mises en place afin que les CODHO puissent informer UCP‐
DHO de façon précise des cas constatés d’atteintes aux droits de l’Homme. Les membres des CODHO interviennent afin de mettre fin aux violations des droits humains identi‐
fiées, dans la mesure de leurs capacités, notamment par des actions de plaidoyer auprès des autorités (les représentants des autorités locales, dont certains militaires de l’opération Amani Léo, ont été associés aux formations réalisées par UCPDHO afin d’instaurer un dialogue entre eux et les populations locales et de les impliquer dans le suivi et le règlement des cas). UCPDHO vient en appui aux CODHO dans leurs actions de plaidoyer et prend le relais dès que cela s’avère nécessaire, notamment en ce qui concerne l’assistance judiciaire.
La méthode de travail mise en place par UCPDHO permet d’obtenir des résultats très concrets, en s’appuyant sur ces comités d’observation issus de groupements locaux. Ainsi, en décembre 2009, un militaire de la Force Navale FARDC a poignardé un civil dans un cabaret du port de Kalundu.
Alerté, le CODHO de Kabimba a réuni tous les éléments d’information et preuves concernant ce dossier. Le militaire avait demandé à un civil de payer la boisson qu’il voulait consommer, puis, face à son refus, l’avait menacé d’arrestation. Furieux de sa résistance, il l’avait finalement
poignardé au ventre, la blessure ayant occasion‐
né l’hospitalisation de la victime pendant un mois. Les membres du CODHO sont intervenus auprès du Commandant pour lui demander de procéder à l’arrestation du militaire. Constatant l’absence de mesure prise par le commandant, le CODHO a fait appel à UCPDHO qui a proposé une assistance judiciaire à la victime. Une plainte a été dé‐
posée contre le militaire qui a pu être arrêté. Il a été jugé lors d’une audience foraine militaire organisée en septem‐
bre 2010 dans le cadre d’un projet mis en œuvre par UCP‐
DHO et l’ONG suisse Vivere. Le soldat auteur de cette agres‐
sion a été condamné à une peine de 5 ans de prison et au versement de dommages et intérêts.
UCPDHO : mobiliser les leaders de la société civile
Ce document a été réalisé avec l’aide financière de l’Union Européenne. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité d’Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union Européenne.
Contact : Nadine Camp, Responsable des Programmes à Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, n.camp@aedh.org
L’équipe d’UCPDHO
La méthode de travail mise en place par
UCPDHO permet d’obtenir des résultats concrets
Bénéficiaires d’une formation d’UCPDHO sur les techniques de défense des Droits de l’Homme