L'ÊGLISE DISPARUE DE XHIGNESSE
Xhignesse, qui n'est plus aujourd'hui qu'un modeste hameau de la com-mune de Hamoir, fut autrefois le siège d'une importante paroisse primitive. Une tradition locale, très vivace encore, en attribue la fandation à Plectrude, femme de Pépin II. La localité conserve une belle église de type probablement monastique et de style roman mosan du
xne
siècle. Elle est dédiée au culte de Saint Pierre. Il subsistait en outre quelques réminiscences de l'existence d'un autre sanctuaire plus ancien, localisé au lieu-dit so li ptit Aîte (sur le petit cimetière). Ce site est écarté de quelque deux cents mètres de l'habitat actuel qui entoure l'église romane. Il est formé d'un petit plateau environné de sources, volontiers marécageuses.Les recherches y furent entamées en 1971 (1
). La découverte d'une
nécropole confirmait les données toponymiques. Les inhumations étaient généralement orientées et dépourvues de mobilier funéraire. En 1973, une seconde campagne de fouilles permettait notamment de localiser 1' église dis-paroe (2). Les fouilles opérées en 1974, du 10 septembre au 30 octobre, ont
été consacrées au dégagement complet des restes de 1' édifice.
Les vestiges, qui étaient situés immédiatement sous la couche végétale, étaient très mal conservés et d'ailleurs peu nombreux. Il ne subsistait absolu-ment rien des murs de 1' église. Leurs fondations qui s' appuyaient à la roche sous-jacente, apparurent elles-mêmes très fragmentaires et partout ou le schiste affieurait, elles manquaient totalement.
Deux oratoires successifs sont identifiés : (fig. 34).
Phase I:
Leplande cette première construction reste incomplet. Un seul élément de forme reetangulaire est conservé. Il est large de 3,40 m (mesures internes) et sa longueur n' est pas déterminée. Ses fondations étaient très morcelées par l'installation de sépultures postérieures. Elles se composaient de moellans bruts de calcaire blanc, qui abondent dans toute la vallée de l'Ourthe. Les murs B et E associaient des éléments de tous gabarits, dont certains particu-lièrement volumineux. Ils étaient sommairement assemblés et liés à l'argile. Leur largeur est évaluée à 0,90 m. Le mur G comprenait encore deux massifs d'angle composés de pierres de calcaire, noyées dans un mortier gris sableux.
Cette partie avait été remaniée.
La façade orientale ainsi que !'emplacement du sanctuaire ne sont pas connus. Sur ce secteur, la roche immédiatement disponible autorisait i' absence de fondations.
L' édifice est bien orienté (84,5°).
1 ARCH. 1971, 114. 2 ARCH. 1973, 98.
J
L'ÉGLISE DISPARUE DE XHIGNESSE
Fig. 34. - Plan de l'église disparue : phases I et II de la construction. Relevé des tombes préexistantes.
60 L'ÉGLISE DISPARUE DE XHIGNESSE
Phase II:
L' église est agrandie symétriquement au tour du noyau primitif. Cette nouvelle construction développe une façade de 9,30 m et sa longueur totale s'élève à 19,70 m.
Le chceur est carré et mesure 4,40 m de cöté (intra muros). Il s'achève par un chevet plat. En fondation, ce sanctuaire se raceorde mal à la nef : légère-ment désaxé sur celle-ci il s'oriente à 79,5°. La fandation du mur A se campose de moellans irréguliers, généralement en calcaire et plus rarement en grès ferrugineux local, noyés dans un épais mortier jaune-orange. Sa largeur oscille de 1,10 m à 0,65 m. Le mur correspondant nord n'était plus qu'approxima-tivement situé par quelques pierres isolées et des traces du même mortier.
Le mur D reposait sur le schiste et sur quelques empierrements sommairement maçonnés avec un mortier grisatre dans des sépultures antérieures à la construc-tion. La base du massif d'autel fut également retrouvée dans le remblai d'une ancienne tombe.
Dans la nef, les substructions du mur C, conservées sur une hauteur moyenne de 0,50 m, montraient un appareillage très soigné avec liaison au mortier gris-blanc. La construction était analogue pour les murs
J,
K et partiellement F. Le mur de facade H, qui avait été systématiquement détruit, avait été lié au mortier a range, comme les murs du chceur. Tout le secteur norcl-est du vaisseau avait été appuyé, sans fondation, au schiste.Cette nef totalise 7,80 m de largeur et 19,70 m de longueur (intra muros). Sa portée est remarquable. Sans être exceptionnelle, car d' au tres églises de semblable envergure sont notamment répertoriées en Brabant (1
), elle excède cependant celle des églises mononefs rurales de la région mosane. Par ailleurs, la présence des murs
J
et K ne se justifie que par une fonction de chaînage. Des bas-cötés étroits flanquaient notamment de très anciens oratoires, dont Notre-Dame de Nivelles (2). A Xhignesse, les murs relativement minces évo-quent une superstructure légère. Nous pensons que des poteaux de bois devaient délimiter les travées et soutenir une toiture à pente unique qui en-globait en un seul volume nef et collatéraux.Dans le périmètre des églises, les tombes, très nombreuses, avaient envahi toutes les surfaces disponibles. Elles étaient généralement bouleversées par des inhumations postérieures et plusieurs fois renouvelées. Aucun mobilier funéraire n'y fut observé.
Le premier oratoire avait été édifié sur un cimetière préexistant, déjà composé de tombes axées nord-sud, auxquelles avaient succédé d'autres sépultures traditionnellement orientées. Sous 1' église, les tombes composaient un groupement dense, dont les traces s' abîmaient malheureusement vers la facade.
1 L. GENICOT, La chapelle Sainte-Marguerite à Ollomont, Arch. Belg. 92, 1966, 32-ss.
2 J. MERTENS, Recherches archéologiques dans l'abbaye mérovingienne de Nivelles, Arch. Belg. 61,
L1ÉGLISE DISPARUE DE XHIGNESSE 61
Les sépultures contemporaines des églises s' alignaient parallèlement aux murs. Les inhumations eneare in situ y reposaient a vee la tête à 1' ouest. Dans le chceur, une tombe alignée sur la base d'autel avait dû contenir les restes d'un fondateur avant d' être bouleversée par une inhumation secondaire.
La datation de 1' église disparue de Xhignesse reste problématique. La
nécropole sans mobilier nous situe à une époque post-mérovingienne et
1' oratoire primitif lui succède. L' église agrandie et dotée de bas-cötés incorpo-rés (ou couloirs de dégagement?) procède eneare de types anciens. Quelques monnaies situent entre la fin du
xnre
et les dernières années duxrve
siècle (1)des inhumations associées à cette église, peut-être alors désaffectée. Le cime-tière qui s' étend au tour des oratoires connaît une longue utilisation. Il semble
a priori que les textes fassent défaut pour 1' église disparue du << petit cimetière >>.
Il conviendra à présent de revoir tous les documents et archives, jusqu'ici
attribués exclusivement à 1' église romane, en tenant compte de la juxtaposition
des deux sites consacrés de Xhignesse.
J.
ALENUS- LECERF1 Monsieur Vanderpypen, du Cabinet des Médailles, a bien voulu identifier les monnaies. Nous l'en
remercions vivement.