TEMPLES GALLO-R OMAINS JUMELÉS À MATAGNE-LA-PETITE
Depuis longtemps déjà, des découvertes de surface attestent la présence d'un site romain très étendu dans la Campagne de Bieure. Celui-ei occupe, en bordure de la route reliant Matagne-la-Petite à Dourbes, un vaste plateau qui s'étend entreces deux villages (fig. 33). Durant l'été 1976, des membres du jeune Cercle archéologique des Fagnes que dirige M.J. L. Pleuger, aperçurent dans une prairie des. tracés de murs que la sécheresse exceptionnelle faisait apparaître. Un des bátiments ainsi repéré montrait le plan caractéristique d'un double fanum. A verti de cette découverte par l'intermédiaire de M. Cl. Ro-bert, de Baileux, qui avait également reconnu le site, et de M.R. Mathot, de Frasnes, le S. N. F. put entreprendre la fouille des temples du 18juillet au 7 septembre 1977 avec l'aide du C.A.F. Nous tenons aussi à remercier M. ]. M. Doyen et quelques membres du Club archéologique Amphora, ainsi que M. Cl. Robert et quelques jeunes de son groupe de fouilleurs, pour leur précieux coup de main. Que M.]. Collart, propriétaire, trouve i ei exprimée notre reconnaissance pour sa bienveillante autorisation d'effectuer ces tra-vaux.
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Grace au plan précis des traces, relevé par le C.A.F., les six tranchées purent être implantées de façonjudicieuse. Dès les premiers coups de pelle on s'aperçut de l'état de conservation assez exceptionnel des vestiges (fig. 34). A 1' exception du cöté sud plus arasé, les murs possèdent encore une hauteur de 2 à 5 assises. Trois périodes de construction ont pu être discernées (fig. 35).
La première est représentée par le portique du grand temple, large de 3,40 à 3,45 m et formant un quadrilatère de 18/18,05 m sur 18,60/18,67 m. Son mur, large de 73 cm, est construit en petits bloes de calcaire soigneusement équarris et disposés en assises régulières, alternant par endroits a vee des assises de tuf. Son mortier gris diffère nettement du mortier jaune employé dans la construction tout aussi soignée du mur un peu plus épais (75-76 cm), qui délimite la cellade 9,75 m sur 10,38 m. Ce dernier peut être considéré comme étant de date plus récente, le même mortier ayant servi pour les deux pilastres accolés au mur sud-est du portique et flanquant une entrée d'environ 1,70 m de large. Cette partie de l'édifice est fortement perturbée par un four à chaux installé dans le passage. A l'intérieur de la cella, le niveau est rehaussée par des apports de déchets de taille, de mortier et de limon s'élevant à environ 30 à
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Fig. 35. Plan complété des dcux temples. Ech. 1/300.
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40 cm au-dessus du niveau du portique. Ces couches sont recoupées par deux trous profonds dans lesquels des supports en bois pour la toiture étaient calés à l'aide de pierres.
Accolé contre Ie portique sud-ouest et aligné sur la façade principale (sud-est), Ie second temple est de taille plus réduite. La cella de 7,15 m sur 7,20 mest entourée d'un portique ou corridor large de 2,90 m à 3 met formant presque un carré de 14,20 à 14,40 m de cöté. Lafacture des murs épais de 58 à 60 cm, est beaucoup moins soignée. De nombreux bloes de calcaire irréguliers ou sommairement taillés sont employés dans les parements. La cella était ornée de crépis peint en rouge, appliqué sur les parois intérieures avant la mise en place d'un pavement en béton légèrement surélevé par rapport au niveau extérieur. U ne niche carrée de 1 ,30 m de cöté fait saillie dans la façade norcl-ouest de l'édifice, probablement à l'opposé de l'entrée (fig. 36). Son niveau intérieur était surélevé et la vingtaine de monnaies éparpillées sur les deux marches constitue probablement un reste des offrandes déposées devant une statue. La présence de cette niche implique que la cellade ce temple devait être entourée d'un déambulatoire fermé plutot que d'un portique ouvert.
La datation doit être essentieHement basée sur les nombreuses pièces de monnaie, les tessons de poterie étant assez rares. Elles permettent d'affirmer que les deux temples existaient déjà dans la seconde moitié du lW siècle. Les quelques monnaies et tessons du
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siècle sont surtout concentrés autour du grand temple. Ils ne suffisent cependant pas pour préciser sa date de construc-tion. Un terminus post quem est fourni par un dupondius d'Hadrien, frappé en134/5-138, la dernière des monnaies découvertes dans I' ancien sol sous-jacent.
L'ultime réfection, la reconstruction de la cella du grand temple, ou au moins Ie rehaussement de son niveau, peut être située vers 370. Le nombre croissant de monnaies perdues durant Ie troisième quart du IVe siècle témoigne d'une nette reprise dans l'occupation du site, qui s'est prolongée jusqu'à la fin de l'époque romaine.
Quelques pièces nous renseignent sur un des cultes pratiqués dans ce sanctuaire. 11 s'agit de trois éléments en bronze d'une statuette de Mercure, qui devait être assez remarquable par ses dimensions: un bouc, un coq et proba-biement un caducée très stylisé, monté sur une hampe en bois (fig. 37).
Les travaux de terrassement pour l'installation d'une esplanade dallée autour des sanctuaires, effacèrent en grande partie !'ancien sol qui n'est plus conservé que sous Ie grand temple. On y distingue un alignement depierreset trois niveaux d'occupation successifs, portant des traces de feu. lis livrèrent quelques monnaies républicaines et gauloises et des pièces d' Au guste à Ha-drien. La céramique, essentieHement de la terra nigra, terra rubra et des poteries de tradition indigène, confirme la date précoce de cette première occupation. Nous pouvons en outre mentionoer une meule, un umbo en fer et quelques fibules.
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Fig. 37. Trois attributs de Mercure: bouc, coq et caducée. Ech. 1/l environ.
La signification de ce site reste encore difficile à préciser. Les temples appartiennent-ils à un vicus ou à un sanctuaire rural ou lieu de pèlerinage? U ne réponse ne pourra être donnée qu'après la fouille des batiments environnants,
repérés par photographies aériennes. Plusieurs d'entre eux semblent être de dimensions assez imposantes.
