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La construction de l'ethos présidentiel

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Aurélie Tanguy | 11316039

Language and Society 2016-2017

L’élection présidentielle

La construction de

l’ethos présidentiel

Sous la direction de Petra Sleeman Seconde lectrice : Ineke Vedder

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Table des matières

0. Introduction ... 4 1. L’analyse du discours ... 5 1.1. Le discours ... 5 1.1.1. Introduction ... 5 1.1.2. L’approche formelle ... 5 1.1.3. L’approche fonctionnelle ... 6 1.1.4. L’approche sociale ... 7 1.2. Le discours politique ... 8 1.2.1. La politique ... 8 1.2.2. L’idéologie... 9 2. La représentation du Soi ... 10 2.1. La rhétorique ... 10 2.1.1. Introduction ... 10 2.1.2. L’ethos ... 11 2.1.3. Le pathos ... 13 2.1.4. Le logos ... 13 2.2. L’énonciation ... 14 2.2.1. Introduction ... 14

2.2.2. Les pronoms personnels ... 15

2.2.3. Les choix lexicaux ... 16

2.2.4. Les variations diastratiques ... 18

3. La méthodologie ... 19

3.1. La création du corpus ... 19

3.1.1. L’élection présidentielle ... 19

3.1.2. La transcription des discours ... 24

3.2. L’analyse du corpus ... 25

4. Les résultats ... 26

4.1. Les résultats lexicaux ... 26

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4.1.2. La qualification ... 27

4.1.3. Les pronoms sujets et les adjectifs possessifs ... 30

5. L’analyse des résultats ... 31

5.1. La construction de l’image présidentielle ... 31

5.1.1. Les leitmotivs des candidats ... 31

5.1.2. L’image de soi ... 36

5.1.3. L’image des autres ... 41

5.2. Le rôle des émotions dans l’argumentation ... 45

5.2.1. Partager ses valeurs ... 45

5.2.2. Engager l’audience ... 47

6. Discussion ... 49

6.1. Les limites ... 49

6.1.1. Le corpus ... 49

6.1.2. La subjectivité ... 49

6.2. Les autres pistes d’exploitation ... 50

6.2.1. Avec ce corpus... 50 6.2.2. L’ethos présidentiel ... 50 7. Conclusion ... 51 Annexe ... 53 1. Les résultats ... 53 1.1. La représentation de soi ... 53

1.1.2. La représentation de Soi de Marine Le Pen ... 67

1.2. La représentation des autres ... 77

2. Les intentions de vote au premier tour ... 93

3. Les résultats du premier tour ... 94

Bibliographie ... 95

Webographie... 96

Image 1 : Capture d’écran des intentions de vote du premier tour ... 93

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0. Introduction

« A voté ! ». Deux mots. Deux mots qui résonnent dans tous les bureaux de vote français à chaque élection. Deux mots qui rappellent aux Français qu’ils viennent de prendre une décision. Deux mots qui ont du pouvoir : le pouvoir de décider de l’avenir de la France. Avenir qui se dessine en fonction du vainqueur de la course effrénée à laquelle onze hommes et femmes politiques ont participé en ce début d’année 2017. Tous caressent l’espoir de remporter l’Elysée mais seul l’un d’entre eux sera choisi par les urnes. Avant que ne résonne le fatidique « a voté », ces candidats ont dû non seulement présenter aux électeurs les valeurs et idéaux qu’ils défendaient, mais également les persuader d’y adhérer. Pour voir comment les aspirants au poste de Président construisent leur image de représentant du peuple, je vais porter mon attention sur deux des candidats à l’élection et analyser les discours qu’ils ont écrits et prononcés lors de la campagne présidentielle. Les candidats que j’ai choisis figurent à l’opposé sur l’échiquier politique : Jean-Luc Mélenchon qui tend vers l’extrême-gauche et Marine Le Pen d’extrême-droite. Je me suis demandée quelles étaient les convergences et les divergences de ces candidats en termes de construction de leur image, et et non pas en termes de programme politique car je tiens à éviter tout prosélytisme.

Ma question de recherche pour ce mémoire est donc : comment Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen construisent et persuadent de leur présidentiabilité ?

Pour répondre à cela je vais dans un premier temps expliquer le cadre théorique en me concentrant particulièrement sur les théories de l’analyse des discours et sur la construction de l’image du Soi. Ensuite, j’expliquerai la méthodologie que j’ai appliqué pour mon étude. Puis, je présenterai les résultats avant de les analyser. Enfin, je terminerai mon mémoire par une partie discussion et la conclusion.

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1. L’analyse du discours

1.1. Le discours

1.1.1. Introduction

En linguistique, le discours est défini comme une succession de phrases, que ce soit dans un texte écrit ou dans une interaction orale (Pinker, 1994, p. 475). Pour analyser un discours, il existe de multiples approches liées à la perception que nous avons du langage, parmi ces approches trois peuvent en être dégagées : l’approche formelle, l’approche fonctionnelle et l’approche sociale (Jones, 2012, pp. 36 - 38).

1.1.2. L’approche formelle

Zellig Harris, linguiste américain, est le pionnier de l’analyse du discours. Il est celui qui, au début des années 1950 créa le terme Discourse analysis (analyse du discours). Cette discipline, nouvelle à l’époque, fut inventée en réaction à une approche linguistique qui se cantonnait à décrire le langage au niveau des morphèmes, des mots puis des phrases. Harris démontra qu’il fallait aller au-delà afin de comprendre comment cet ensemble formait des textes. Il rappela également que la langue et la culture sont indissociables et insista donc sur l’importance d’étudier les textes dans leur contexte (Harris, 1952). L’analyse distributionnelle préconisée par Harris pour l’analyse du discours permet de combiner l’étude de la forme et du fond, deux notions indissociables. L’analyse de la forme d’un discours permet d’en capturer le contenu de manière plus profonde et précise. Passer à côté de l’étude de la forme conduit à n’avoir qu’une perception limitée du discours : « Bien souvent nous appréhendons les ensembles avant1 même de discerner leurs parties – si tant est que nous les discernons jamais. » (Rosenthal et Visetti 2003, p. 64-65 dans Longhi, 2012). La forme est le vecteur du contenu ; elle est si importante que Nietzsche accordait un soin

1 En italique dans le texte

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tout particulier au style de son écriture, notamment avec ses aphorismes (Giroux, 2003). L’approche formelle vise non seulement à analyser les éléments linguistiques d’un texte, principalement grammaticaux et lexicaux, mais aussi à voir comment ils s’imbriquent les uns avec les autres afin de créer la structure générale du texte.

1.1.3. L’approche fonctionnelle

L’analyse linguistique d’un discours est utile mais il est également important de ne pas oublier de le contextualiser. En effet, l’environnement social est indispensable pour mesurer la portée significative de tout discours. C'est en ce sens que l’approche fonctionnelle se concentre davantage sur les fonctions sociales du langage que sur ses formes. La pragmatique, qui étudie l’utilisation du langage dans un contexte social donné (Pinker, 1994, p. 480), se concentre sur la signification du texte. Pour Halliday, le sens d’un texte est d’ailleurs ce qui a le plus d’importance. Le choix des mots d’un texte ne se fait pas au hasard : ils sont choisis en fonction du contexte et de l’impact que l’auteur du discours souhaite avoir (Jones, 2012). En effet nous pouvons les utiliser pour accomplir différents actes : pour demander quelque chose, nous excuser, exprimer nos émotions ou encore pour menacer. Découlant de l’idée que les mots ont du pouvoir nous ne pouvons pas ne pas mentionner les travaux réalisés par Austin concernant la théorie des actes du langage. En effet, selon Austin, l’acte langagier, en plus d’être constatif, peut être performatif, c’est-à-dire qu’il produit un effet sur l’auditoire. Les actes de langage sont classés en trois catégories : les actes locutoires qui prennent en compte la valeur sémantique des mots, les actes illocutoires qui indiquent ce que le locuteur souhaite dire enfin, les actes perlocutoires qui sont l’effet qu’ont les mots sur l’auditoire (Jones, 2012). Comme nous venons de le voir, la pragmatique prend en compte les effets du langage, de ce qui est dit, or ce qui n’est pas dit, ce qui est donc sous-entendu est tout aussi important et révélateur. L’importance de la signification de ce qui n’est pas dit ou de ce qui est sous-entendu a été développée par Grice et est appelée implicature - traduit par « implicature » en français ou encore « implicitation » - (Grice P. traduit par Fréderic berthet et Michel Bozon, 1979, p. 59). L’implicature a lieu lorsque les participants d’un acte de parole

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ne respectent pas les règles garantissant une logique dans le discours. Ces règles sont désignées par des principes de coopérations et annoncent ce qui est attendu de tout discours. - La maxime de qualité repose sur la vérité. Le locuteur doit dire ce qu’il pense vrai.

- La maxime de quantité se rattache à la quantité d’information donnée par le locuteur : les informations doivent être suffisantes sans être abondantes.

- La maxime de relation : les informations doivent être pertinentes au contexte.

- La maxime de manière - ou modalité (Grice P. traduit par Fréderic berthet et Michel Bozon, 1979, p. 61) – veut que le discours soit clair et non ambigu.

Ainsi, en ne respectant pas ces maximes le locuteur créé de l’implicature. Ce dernier est particulièrement important car le non-dit engage l’auditeur en lui suggérant de chercher l’élément manquant. En faisant cela, le locuteur crée non seulement une coopération avec son auditoire, mais échappe également à la contestation. Les valeurs et les positions du locuteur sont dévoilées indirectement et subtilement tout en étant mises en exergue (Amossy, 2006). Ducrot explique comment cette utilisation du non-dit est utile pour transmettre les valeurs du locuteur (Ducrot, 1972, dans Amossy, 2006, p. 164) :

« Une […] origine possible au besoin d’implicite tient au fait que toute affirmation explicitée devient, par cela même, un thème de discussion possible. Tout ce qui est dit peut être contredit. De sorte qu’on ne saurait annoncer une opinion ou un désir, sans les désigner du même coup aux objections éventuelles des interlocuteurs. Comme il a été souvent remarqué, la formulation d’une idée est la première étape, et décisive, vers sa mise en question. Il est donc nécessaire à toute croyance fondamentale, qu’il s’agisse d’une idéologie sociale ou d’un parti-pris personnel, de trouver, si elle exprime, un moyen d’expression qui ne l’étale pas, qui n’en fasse pas un objet assignable et donc contestable ».

1.1.4. L’approche sociale

L’approche sociale est liée à la manière dont le langage est utilisé dans le sens où celui-ci collabore à la construction de l’identité socelui-ciale du locuteur, à la construction de sa relation avec les autres participants mais aussi à la construction de sa vision du monde (Jones, 2012). James Paul Gee, un linguiste américain, explique que les Discours (avec une lettre majuscule)

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concernent toujours le langage plus « d’autres choses »2. Il explique que la reconnaissance

est l’élément essentiel des Discours et pour l’acquérir, des éléments tels que le langage, l’action, l’interaction, les valeurs, les croyances, les symboles, les objets, les instruments et les lieux forment un ensemble permettant aux autres participants de reconnaître le qui (l’identité) engagé dans un quoi (l’activité)3 (Gee, 2011, p. 35). En ce sens, le discours est

intrinsèquement lié à l’idéologie.

Ces trois approches qui mettent en avant le dire, le faire et l’être forment un ensemble indissociable, prenant en compte différentes facettes du langage. Il est important de toutes les considérer lors de l’analyse du discours afin d’offrir une analyse rigoureuse et pertinente.

1.2. Le discours politique

1.2.1. La politique

La politique occupe une place importante dans notre vie quotidienne, bien plus que nous ne pouvons l’imaginer. Nos conditions de vie, de travail, d’éducation, de santé, etc. en dépendent directement ou indirectement. La politique est un vaste domaine qui comprend tous les acteurs politiques, officiels ou officieux, les événements, les actions, les discours, les relations, mais également les systèmes (la démocratie ou le totalitarisme par exemple), les idéologies (le communisme, le libéralisme, etc.). Tous les domaines, qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels sont concernés par la politique (Fairclough Isabella et Norman, 2012). Toutefois, la politique est impossible à réaliser sans l’appui du langage. Aristote a par ailleurs déclaré que l’homme est un animal politique et qu’il est, parmi les animaux, le seul à posséder le langage. Politique et langage sont donc intrinsèquement liés : le premier est impossible à réaliser sans le dernier (Chilton, 2004). Aussi, la politique est avant tout un domaine discursif, non seulement car ce langage est situé en action, mais également car cette action est contextualisée (Adetunji, 2006).

2 ”Big D” discourses are always languages plus “other stuffs””, (Gee, 2011, p. 34).

3 “The key to Discourses is “recognition”. If you put language, action, interaction, values, beliefs, symbols, objects,

tools and places together in such a way that others recognize you as a particular type of who (identity) engaged in a particular type of what (activities)… (Gee, 2011, p. 35)

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1.2.2. L’idéologie

1.2.2.1. Représenter

Selon Halliday, le langage a trois fonctions (Halliday, 1974 dans Urbanavičienė, 2004, p. 53). Une fonction idéationnelle contribuant à représenter le monde, à construire une certaine réalité. Une fonction interpersonnelle qui sert à créer et à négocier les identités sociales et les rapports entre les participants. Enfin, la fonction textuelle rend possible la réalisation des deux premières, c'est la fonction qui aide à lier le texte et les idées dans un ensemble cohésif et cohérent (Jones, 2012, p. 12- Hart, 2014 p. 7). Le langage est idéologique lorsque celui-ci contribue à la diffusion d’un point de vue ou d’un autre. Ces trois fonctions sont inhérentes à tout discours et elles attestent que le langage est idéologique. En effet, il concourt à présenter la manière dont les choses sont ou devraient être et à diffuser un point de vue plutôt qu’un autre (Hart, 2014). Cela se vérifie particulièrement en politique où la promotion des idées d’un parti est centrale.

1.2.2.2. Légitimer

La représentation de soi, des autres et du monde est liée à l’idéologie et ces représentations se réalisent lorsque le locuteur s’exprime. Derrière cette prise de parole, celui-ci vise également à se légitimer. La légitimation est « une macro-fonction à travers laquelle le locuteur cherche soit l’approbation sociale du Soi, en tant qu’individu, qu’institution ou que groupe social auquel il s’identifie, soit l’accréditation de ses actions et relations sociales4 » (Hart, 2014). Etre légitime est d’ailleurs l’un des buts principaux de

l’orateur car cela lui confère une certaine autorité et c'est sur cette autorité que repose l’obéissance des auditeurs (Cap, 2008, p. 22). L’une des principales stratégies pour se légitimer passe par la valorisation du Soi et la dévalorisation de l’Autre, mais également par

4 En version originale “legitimation is a macro-function through which the speakers seek social approval of the Self,

where the Self is either the individual speaker or an institution or social group the speaker identifies with, or accreditation for social actions and relations” Traduction en français réalisée par Aurélie Tanguy. (Hart, 2014, p. 7)

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l’atténuation du mal réalisé par Soi et l’aggravation du mal réalisé par l’Autre. Ce « carré idéologique » (Van Dijk, 2013) met en exergue la polarisation du « nous / eux », concept central de l’idéologie et de la politique. Avant d’évoquer une autre stratégie de légitimation, il me paraît opportun de préciser que dévaloriser un adversaire non pas sur ses idées mais sur sa personne fait partie de l’une des stratégies d’argumentation que l’on appelle l’argument ad hominem. Une attaque sur la personne remet en cause son image, ou son ethos comme nous allons le voir plus tard, et décrédibilise ses propos (Meyer, 2004).

Enfin, l’autre stratégie que l’on peut employer pour se légitimer passe par l’utilisation d’argument d’autorité. Cette stratégie est utilisée lorsque le locuteur utilise les propos d’une personne connue et respectée, qui donc tient lieu de spécialiste, pour valider ses propos. Le but est évidemment de citer un spécialiste qui est facilement identifiable en tant que tel par l’audience et dont l’autorité n’est pas remise en cause. Donc, en se référant à un spécialiste, le locuteur infère à l’audience la vision du monde et l’idéologie auquel il est affilié, tout en insinuant qu’il n’y a pas lieu de remettre en question son autorité puisqu’il suit les traces du spécialiste (Goodwin, 2011).

Comme nous l’avons vu, l’idéologie sert principalement à représenter le soi et sa vision du monde, mais elle cherche également à assoir la légitimité du Soi, cela pour entériner l’autorité du locuteur et diffuser ses idées. Cet exercice de légitimation et de délégitimation se réalise notamment par la rhétorique.

2. La représentation du Soi

2.1. La rhétorique

2.1.1. Introduction

Quand on pense à la rhétorique, on pense à l’art de bien parler. Cette habileté est importante pour tout orateur car elle garantit la qualité de la connexion entre l’auditoire et

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lui. En effet, un bon orateur captive les foules et les transporte dans son univers. Pour ce faire, il fait appel à leurs émotions, il les persuade d’adhérer à sa vision du monde et c'est en ce sens que la rhétorique s’avère être pleine de ressources. La rhétorique peut être définie de plusieurs façons, chacune dévoilant une approche particulière. Pour Platon, la rhétorique « est une manipulation de l’auditoire », pour Quintilien elle est « l’art de bien parler », enfin pour Aristote « la rhétorique est l’exposé d’arguments ou de discours qui doivent ou qui visent à persuader » (Meyer, 2004, p. 5) . Malgré ces différentes approches de la rhétorique, il est aisé de constater que trois éléments en sont la base : l’orateur, l’auditoire et le média par lequel on communique (Meyer, 2004). Ces derniers sont indispensables pour toute tentative de persuasion et sont partie intégrante des stratégies d’argumentation exposées par Aristote, à savoir l’ethos, le pathos et le logos.

2.1.2. L’ethos

Le mot Ethos vient du grec et le dictionnaire Le Larousse précise qu’il signifie « caractère »5. L’ethos se réfère à la personnalité, au comportement et surtout à l’image

renvoyée par l’individu sur son auditoire. Cette image participe à la création et à l’identification de l’orateur, elle va lui permettre d’asseoir son domaine d’expertise auprès de l’auditoire, et par la même occasion, son autorité. Cette autorité est également renforcée si l’auditoire reconnaît en la personne de l’orateur une personne morale et intègre. En effet, l’individu assure son pouvoir auprès des auditeurs en fonction de son comportement et de ses vertus (Meyer, 2004). L’exemplarité confère l’autorité. Ce n’est donc pas un hasard si l’éthique tient son origine du mot ethos, et est aussi intimement liée à la représentation de soi. L’éthique est d’autant plus importante pour les hommes et femmes politiques car, afin de garder leur autorité, ils doivent montrer leurs bonnes intentions pour le peuple et la société et prouver leur intégrité auprès des citoyens (Charteris-Black, 2011). Afin de conserver une bonne image publique, tout orateur doit aussi porter attention à son travail de figuration, ou ménagement des faces6. Cette notion, elle aussi développée par Goffman,

5 Définition de « Ethos » : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ethos/31434 (consulté en mai 2017) 6 Ménagement des faces, travail de figuration = face-work en anglais.

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comprend « tout ce qu’entreprend une personne pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne – y compris elle-même » (Goffman, 1974 dans Amossy, 2006, p. 78). Ce dernier point est particulièrement important pour les hommes et femmes politiques qui doivent montrer le meilleur d’eux-mêmes, en étant respectueux notamment, tant en se faisant respecter. Comme lors de toute interaction, notre image est négociée en fonction de notre auditoire. Shakespeare, lorsqu’il dit que dit « Le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs [...]. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles7 », nous rappelle que chaque interaction est une mise en scène. Reprenant cette idée de théâtralité, Goffman parle de « représentation », qui est pour lui « la totalité de l’activité d’une personne donnée, dans une occasion donnée, pour influencer d’une certaine façon un des participants » (Goffman, 1973 dans Amossy, 2006, p. 77). Il continue la comparaison en précisant que, quand nous interagissons, nous avons un « rôle » et une « routine » qu’il définit comme « le modèle d’action pré-établi que l’on développe durant une représentation et que l’on peut présenter ou utiliser en d’autres occasions » (Amossy, 2006, p. 77). Ces modèles répondent à un comportement attendu et donné par le contexte, par exemple, l’attitude d’un médecin auprès d’un patient ou encore l’attitude d’un élève envers un professeur. La construction du Soi ne dépend donc pas uniquement de la volonté de l’orateur, mais aussi de ses auditeurs. En effet, il doit aussi répondre à l’image qu’ils se projettent de lui. En conséquence, la représentation du soi est co-construite via l’influence mutuelle des participants lors de l’interaction. Découlant de cela, il est également important de rappeler que tout individu possède aussi une image préalable qui lui colle à la peau, cela dépendant de sa place dans l’espace social (sa fonction, son statut…) et des représentations, voire stéréotypes qui lui sont associés (Amossy, 2006). Ainsi, pour offrir une analyse complète de l’image de soi des candidats politiques, il convient de se pencher sur l’image des candidats tant au niveau prédiscursif (le statut et la représentation qui lui attachés) qu’au niveau discursif (la manière dont il se représente dans ses discours) (Amossy, 2006).

7 Traduction de l’anglais « All the world’s a stage, and all the men and women merely players […] And one

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2.1.3. Le pathos

Si l’ethos permet à l’individu d’asseoir son pouvoir et de présenter une image, il faut encore qu’il persuade l’auditoire d’adhérer à sa vision. La persuasion cherche « à obtenir une adhésion affective de l’interlocuteur » (Tabet, 2003, p. 4). Pour cela, le locuteur doit engager son audience en ayant recours à différentes émotions telles que l’empathie, l’humour, l’indignation, la fierté mais encore la peur ou la haine (Charteris-Black, 2011). Il est à noter que l’émotion -réelle ou simulée- est la clef de voûte de la rhétorique puisque sans elle, il est peu probable que la persuasion fasse effet (Cockroft Robert and Cockroft Susan, 2005). Le pathos concerne donc l’effet émotionnel produit par le discours sur l’allocutaire (Amossy, 2006). Il convient toutefois de rappeler qu’il ne faut pas mélanger l’émotion ressentie ou exprimée par le candidat lui-même et l’émotion ressentie par l’auditoire. En effet, ce n’est pas parce que telle émotion est ressentie par l’orateur, qu’elle va être partagée par l’auditeur. Ainsi pour persuader les auditeurs, l’orateur doit imaginer ce qu’ils espèrent entendre afin d’éviter un décalage. L’orateur doit répondre à leurs attentes en insérant « des valeurs positives et communautaires » (Meyer, 2004, p. 46) et en se différenciant des Autres. Cette polarisation du « nous contre eux » n’est pas sans rappeler le « carré idéologique » présenté par van Dijk (cf. 1.2.2), et est d’autant plus effective avec le pathos puisque le locuteur peut ainsi jouer avec la binarité des émotions (amour/haine ; joie/malheur) pour se distancier des Autres (Cockroft Robert and Cockroft Susan, 2005).

2.1.4. Le logos

Le logos concerne tous les éléments communicatifs supportant le discours. Dans le cas de la politique, l’homme ou la femme politique doit prouver qu’il/elle « pense bien » (Charteris-Black, 2011). Pour ce faire, il/elle fait appel à la raison des auditeurs en se fondant sur la logique (Tabet, 2003). Mais il peut également manipuler son langage d’autres manières pour influencer l’auditoire. Cela sera décrit dans la section suivante.

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2.2. L’énonciation

2.2.1. Introduction

L’énonciation est décrite par Benveniste comme « la mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation » (Benveniste, 1974 dans Jeandillou, 1997 p. 52) ou encore comme « l’activité langagière exercée par celui qui parle au moment où il parle » (Ansombre et Ducrot 1976 dans Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.28). Le locuteur est donc l’élément clef de toute énonciation, mais au-delà de cela, c'est surtout la manière dont il se présente et s’inscrit dans son discours qui est à prendre en considération lors de l’analyse énonciative. Celle-ci peut être effectuée de manière étendue ou restreinte. Une analyse étendue cherche à exposer les relations entre l’énoncé et les différents éléments du cadre énonciatif c'est-à-dire l’émetteur et le destinataire du discours ainsi que la situation de communication. Cette dernière prenant en compte le cadre spatio-temporel et les conditions de production/réception du message (Kerbrat-Orecchioni, 1980). Une analyse restrictive de l’énonciation est, dans le cadre de mon mémoire, plus pertinente car elle ne se concentre que sur le « locuteur-scripteur » et sur ses traces linguistiques présentes dans l’énoncé. Benveniste et Kerbrat-Orecchioni nomment cela « la subjectivité dans le langage » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 31). En se focalisant sur la subjectivité dans le discours, l’analyse énonciative restrictive consiste à la « recherche des procédés linguistiques (shifters8, modalisateurs, termes évaluatifs, etc.) par lesquels le locuteur imprime sa marque à l’énoncé, s’inscrit dans le message (implicitement ou explicitement) et se situe par rapport à lui… » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 32). Afin d’étudier la manière dont Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen exprime la subjectivité dans leurs discours, je vais particulièrement porter mon attention sur les éléments grammaticaux et lexicaux.

8 Shifter est le mot anglais utilisé par Jakobson, ce terme a également été traduit en français par

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2.2.2. Les pronoms personnels

Les éléments grammaticaux sont révélateurs de la manière dont le locuteur se place dans le discours. Nous pouvons par exemple penser à la manière dont il/elle utilise les pronoms personnels, mais aussi les démonstratifs, les éléments spatio-temporels, ainsi que les désinences verbales. Toutefois, ici je me concentrerai uniquement sur l’usage des pronoms personnels.

Les pronoms personnels, ainsi que les possessifs, sont les premiers indicateurs de la situation de communication. En effet, ils établissent qui est le locuteur (je/nous), à qui il s’adresse (tu/vous) et qui il exclut (il(s)/elle(s)). En utilisant le « je », le locuteur se pose non seulement en tant que locuteur, mais parle aussi de lui-même. En employant « tu », le locuteur parle de l’allocutaire et il le définit aussi en fonction de ce que lui, en tant que locuteur, pense. Enfin « il/elle » se réfère à des entités extérieures (Jeandillou, 1997). Cette situation de communication pourrait se résumer à « je (tu (il)) » et montre bien qu’en français l’axe des personnes est ternaire et hiérarchisé (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 42). Toutefois, cet axe n’inclut pas la première et la deuxième personne du pluriel, dont l’usage se révèle plus alambiqué. En effet « nous » et « vous » englobent plusieurs situations. Le « nous » peut comprendre le « je » + « tu », il est dans ce cas est inclusif. « Nous » peut aussi désigner le « je » + « il/elle », il est alors exclusif. « Nous » peut aussi comprendre « je » + « tu » + « il/elle ». Enfin « nous » peut avoir la valeur d’un « je » atténué (comme dans un discours scientifique), ou au contraire la valeur d’un « je » amplifié, également appelé le « je » de majesté. L’utilisation de « vous » peut d’abord désigner plusieurs allocutaires « tu », mais également renvoyer à « tu » + « il(s)/elle(s) ». Enfin, la particularité de « vous » est qu’il peut aussi être de politesse. Le « nous » et le « vous » présentent ainsi la spécificité de ne pas être lié à une « variation numérique » (Jeandillou, 1997, p. 56). Le « nous » permet donc au locuteur de montrer son autorité ou sa modestie, qui peut aussi être fausse. Et « vous » permet de montrer les rapports de force entre les participants, s’il existe une familiarité entre eux ou non (Jeandillou, 1997). En parlant de familiarité, il est nécessaire de mentionner le pronom « on ». Ce pronom peut désigner un sujet indéterminé, inconnu du locuteur ou

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encore à un ensemble de personne, mais dans le langage informel « on » est souvent utilisé à la place de « nous ».

Une attention particulière aux pronoms personnels et aux possessifs correspondants aux pronoms personnels est donc essentielle à toute analyse de discours puisqu’ils soulignent la manière dont le locuteur choisit de présenter son image et celle des autres.

2.2.3. Les choix lexicaux

2.2.3.1. Introduction

Les mots que nous choisissons d’employer façonnent notre vision du monde. Chaque terme lexical possède une dose plus ou moins forte de subjectivité, ce qui nous intéresse ici est de voir comment celle-ci transparaît dans les discours des candidats. Pour cela, je vais me pencher sur les marques de la subjectivité modalisatrice, de la subjectivité axiologique, de la subjectivité affective et de la subjectivité interprétative (Kerbrat-Orecchioni, 1980).

2.2.3.2. La modalisation

La modalisation désigne « les marques témoignant du degré d’adhésion du locuteur à son énoncé » (Tabet, 2003, p. 48). Les modalisateurs permettent au locuteur de modifier ou nuancer ses propos. Parmi les modalisateurs, nous pouvons trouver des verbes de perception (sembler, paraître…) et des verbes d’opinion (penser, estimer, trouver, être certain…). Le mode conditionnel permet également de nuancer les propos et permet au locuteur de se dédouaner. La modalisation s’exprime également grâce aux adverbes de certitude (certainement, bien sûr…), d’incertitude (peut-être), ou de probabilité (sans doute). Les adjectifs tels que « douteux », « soi-disant », les substantifs comme « une espèce de… » et les groupes de mots tels que « à vrai dire » montrent l’engagement du locuteur à ses propos.

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2.2.3.3. L’axiologie

L’axiologie se porte sur les jugements de valeur morale (le bien/le mal) et sur les jugements de valeur esthétique (beau/laid). Les adjectifs par exemple peuvent être valorisants (somptueux) ou au contraire dévalorisants (stupide). Certains suffixes tels que « -asse » (blondasse) ou « -âtre » (verdâtre) apportent également une connotation péjorative.

2.2.3.4. L’affectif

L’affectif montre l’engagement émotionnel du locuteur. Par ce biais, il espère engager l’audience et favoriser son adhésion à la vision proposée par le locuteur. La subjectivité affective est à rapprocher du pathos, point que nous avons détaillé précédemment. La subjectivité de type affectif se manifeste notamment par l’utilisation des interjections (hélas !), des adverbes (malheureusement), des adjectifs (triste), les verbes de sentiments (craindre).

2.2.3.5. L’interprétatif

L’interprétatif comprend « la dénomination lexicale ou périphrasique » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 126) qui est en apparence objective. Lorsqu’il s’exprime le locuteur nomme et désigne une réalité. En choisissant des mots plutôt que d’autres, cette désignation n’est pas innocente et peut être qualifiée de « tendancieuse » par Kerbrat-Orecchioni. Elle véhicule l’idéologie du locuteur de manière sous-jacente.

La représentation du Soi du locuteur va donc se construire via l’énonciation. En effet, elle va définir le statut linguistique du locuteur et de l’allocutaire, cela que ce soit de manière directe grâce aux pronoms personnels ou de manière indirecte via les indices modalisateurs, axiologiques, affectifs et interprétatifs de la subjectivité.

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2.2.4. Les variations diastratiques

Les discours, au sens linguistique du terme, sont un ensemble des textes, écrits ou oraux (Pinker, 1994). Ces deux types de discours ont donc été intégrés dans le corpus d’étude car ils révèlent tous deux le fond de la pensée de leur auteur. Toutefois, leur contexte de réalisation diffère et cela se répercute sur leur forme. En effet, l’oral suppose une interaction directe et immédiate entre un ou plusieurs participants. Le discours se déroule en temps réel et, par la force des choses, la spontanéité en est donc l’une de ses caractéristiques. L’écrit, au contraire, laisse place à la réflexion. L’auteur du discours peut prendre le temps de choisir les mots qu’il veut poser sur le papier, il peut se relire, se corriger. Les hésitations, bévues, lapsus, etc. qui peuvent commis à l’oral ne sont pas rattrapables, ou alors difficilement alors qu’ils peuvent l’être à l’écrit. En effet, à l’écrit il est attendu que les normes soient respectées et que le niveau de langue soit standard voire plus soutenu. L’oral par contre se montre moins strict vis-à-vis du respect des normes (l’absence du « ne » à la négation est l’exemple le plus parlant) et admet un certain relâchement quant au niveau de langue utilisé (Gadet, 2003).

Ces variations qui peuvent arriver au niveau phonologique, syntaxique, grammatical, lexical, discursif, etc., attestent aussi les différences sociales existantes (rural/urbain, ouvrier/patron…). L’analyse de ces variations dites diastratiques (Gadet, 2003) peut se montrer pertinente puisqu’elles peuvent révéler à quelle communauté discursive le locuteur se rattache ou souhaite se rattacher (Swales, 1990). Toutefois, montrer son affiliation envers une communauté en utilisant le discours n’est pas sans risque. En effet, afin de se fondre dans la masse, le locuteur doit prendre garde à ne pas tomber dans l’excès de stéréotype ou encore dans l’hypercorrection.

Dans le cas de la politique, l’analyse des variations entre l’oral et l’écrit et des variations diastratiques peut se révéler pertinente afin de mettre en lumière la perception qu’ont les candidats à propos du langage, éclairant ainsi par la même occasion la manière dont ils se représentent.

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3. La méthodologie

3.1. La création du corpus

3.1.1. L’élection présidentielle

3.1.1.1. Le déroulement

En France, le début de l’année 2017 a été particulièrement marquée par la politique puisque, cinq ans après les dernières élections présidentielles, les Français étaient appelés aux urnes pour élire leur nouveau représentant. En France, l’élection présidentielle se passe en deux tours. Cette année, le premier tour s’est déroulé le 23 avril 2017. A l’issue de celui-ci, les deux candidats récoltant le plus de voix se qualifient pour le second tour qui lui a eu lieu le 8 mai 2017.

Avant que le premier tour de l’élection ait lieu, les candidats mènent une campagne électorale c'est-à-dire « tous les actes qu’un candidat effectue en vue d’être élu » (Conseil Constitutionnel, 2017). En France, la campagne se déroule en plusieurs temps, régulées par le Conseil constitutionnel. Il y a d’abord une période où les candidats commencent à se faire connaître et où leur interventions publiques (télévisées et radiophoniques) ne sont soumises à aucune régulation. Cette période commence un an avant les élections et dure jusqu’à trois mois avant les élections (donc cette année jusqu’en février). Ensuite, la période intermédiaire de campagne commence. Durant cette période, qui dure de février jusqu’à deux semaines avant les élections, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) vérifie que les candidats sont, à condition comparable, traités de manière équitable dans les médias. Enfin, la dernière période est celle de la campagne dite officielle. Durant cette période le CSA s’assure que les candidats sont traités non plus de manière équitable mais égale. Pour assurer l’égalité, le CSA fixe et mesure le même temps de parole pour tous les candidats, ce temps de parole est décompté lors de chaque intervention radiophonique ou télévisé. La

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campagne officielle dure deux semaines avant l’élection. Cette année la période de campagne officielle s’est déroulée du 10 au 22 avril 2017.

3.1.1.2. Les candidats

Jean-Luc Mélenchon (JLM) était d’abord rattaché au parti socialiste français avant de le quitter puis de se présenter à la présidentielle de 2012 sous le parti du « front de gauche ». Dès 2016, un an avant l’élection de 2017, il exprime sa volonté d’être candidat. Toutefois, il souhaite que sa candidature soit hors des partis politiques traditionnels. Pour cela il lance le mouvement de la « France insoumise » qui se revendique être un mouvement citoyen. Ce mouvement est de gauche radicale.

Marine Le Pen (MLP) est présidente du Front National, un parti d’extrême-droite, et après s’être présentée à l’élection présidentielle de 2012, elle a aussi déclaré dès 2016 vouloir être candidate pour la présidentielle de 2017.

Les deux candidats ayant annoncé leur candidature en février 2016, leur campagne présidentielle a duré plus d’un an. Toutefois, dans le cadre de ce mémoire, seuls les discours émis entre le 18 mars 2017 et le 22 avril 2017 seront pris en compte. La première date correspond à la publication officielle de la liste de tous les candidats se présentant à l’élection. De plus, hasard des choses, à partir de cette date, les sondages9 montraient que la

côte de popularité de Jean-Luc Mélenchon commençait à grimper, ce qui le plaçait parmi les quatre premiers candidats, avec Marine Le Pen, Emmanuel Macron et François Fillon. La deuxième date, le 22 avril, est la veille de l’élection du premier tour. Après ce premier tour, les deux candidats sur lesquels je porte mon attention n’ont plus eu le même statut. Marine Le Pen figurait au second tour, tandis que Jean-Luc Mélenchon non. Je porterai plus précisément mon attention sur les discours écrits publiés sur le site des candidats, sur les discours prononcés lors de leurs meetings et enfin sur les discours prononcés lors des débats télévisés officiels.

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3.1.1.3. Les discours

3.1.1.3.1. Les discours écrits

Les deux candidats ont tous deux un site officiel où ils publient des articles et des notes dans lesquels ils s’expriment sur leur campagne et l’actualité. Ce contexte de publication fait qu’il est raisonnable de croire que le lectorat est un public intéressé, si ce n’est déjà affilié, à la cause des candidats.

Les discours de Marine Le Pen figure sur le site « Marine 201710 », dans l’onglet

nommé « carnets d’espérances ». Entre le 18 mars et le 22 avril 2017, MLP a rédigé sept articles, listés ci-dessous, qui feront partis de mon analyse.

1) « Guyane : stop à l’abandon ! », publié le 27 mars 2017 (804 mots) 2) « Décodons les décodeurs », publié le 23 mars 2017 (298 mots)

3) « Docteur Macron et Mister système », publié le 29 mars 2017 (398 mots)

4) « Au sujet de l’alliance entre M. Estrosi et M. Macron », publié le 1er avril 2017 (290 mots)

5) « Améliorons enfin la prise en charge des troubles du spectre autistique », publié le 2 avril 2017 (798 mots)

6) « Whirlpool Amiens ne fermera pas », publié le 13 avril 2017 (332 mots)

7) « Pâques et son message : faisons renaître la solidarité et la fraternité du peuple français ! », publié le 16 avril 2017 (377 mots).

Les discours de Jean-Luc Mélenchon sont disponibles à la fois sur le site de la « France Insoumise11 », dans l’onglet « Notes JLM » et sur son blog. Pendant la période du 18 mars au

22 avril, JLM a publié quatre articles. Les discours écrits que je vais analyser sont : 1) « Moi, mon patrimoine et mon statut », publié le 22 mars 2017 (1106 mots).

2) « Et même à l’écrit », publié le 28 mars 2017 (4670 mots), composé de trois sous-parties : « Un œil dans la campagne », « contre l’assignation à débattre » et « L’Europe de la guerre passe par l’OTAN ».

10 Marine 2017 : https://www.marine2017.fr/carnets-desperances/ (consulté en mai 2017)

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3) « Le mascaret », publié le 2 avril 2017 (1980 mots).

4) « La rage est de retour » publié le 12 avril 2017 (4604 mots), composé de quatre sous-parties : « Après Marseille », « Suis-je fatigué ? », « Logement : les mots que je veux ajouter », « Un poème dans le vent ». Le dernier sous-article (« Un poème dans le vent ») comporte un poème, mais qui sera exclu de l’analyse car mon mémoire ne porte que sur les discours écrits par les candidats.

3.1.1.3.2. Les meetings

Pour toute élection, les meetings à travers le pays sont un composant essentiel de toute campagne. Ils permettent, entre autres, aux candidats de gagner en visibilité, de légitimer leur autorité et de promouvoir leur image et leurs idées. Cela dans le but d’inciter les électeurs à voter pour eux, que ce soit en confortant leurs sympathisants ou en convainquant les indécis.

Dans le cadre de ce mémoire, parmi les discours réalisés durant les meetings des candidats, je vais en analyser deux pour chaque candidat.

Pour Jean-Luc Mélenchon, je vais analyser le meeting du 9 avril 2017 à Marseille12 et

le meeting du 18 avril 2017 à Dijon13. Le premier meeting, prononcé à Marseille, s’est déroulé

en plein air pendant une heure. Le meeting du 18 avril 2017 était un peu particulier car c'était un multi-meeting. En effet, pendant une heure et demie, Jean-Luc Mélenchon était physiquement présent à Dijon, mais il était également, en même temps, présent dans six autres villes de France (Clermont-Ferrand, Grenoble, Montpellier, Nancy, Nantes et Le Port à l’île de la Réunion) via un hologramme. Jean-Luc Mélenchon a déjà utilisé ce système d’hologramme auparavant dans sa campagne et cela lui avait permis de gagner en visibilité puisque ce système, jamais utilisé en campagne auparavant, avait fait beaucoup parler de lui dans les médias, système qu’il a choisi de réitérer lors de son dernier meeting avant la fin de

12 Vidéo du meeting du 9 avril 2017 : http://melenchon.fr/2017/04/09/meeting-pour-paix-marseille/

(consultée en avril 2017)

13 Vidéo du meeting du 18 avril 2017 : http://melenchon.fr/2017/04/19/multi-meeting-hologramme/

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la campagne. Ces deux meetings sont disponibles sur le blog « l’ère du peuple » de Jean-Luc Mélenchon.

Pour Marine Le Pen, je vais analyser le discours du 26 mars 2017 à Lille14 et le

discours du 2 avril 2017 à Bordeaux15. Les deux discours durent environ une heure. Les

vidéos de ses discours sont disponibles sur le site du « Front National » et sur le site « Marine2017 ».

3.1.1.3.3. Les discours officiels

En France, la campagne présidentielle est réglementée et soumise au contrôle du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), cela afin de garantir une visibilité égale à tous les candidats, qu’ils viennent des grands partis ou des petits partis. Ainsi, leur temps de parole est mesuré dès qu’ils ouvrent la bouche, que ce soit lorsqu’ils répondent à une question qui leur a été directement posée ou quand ils interrompent d’autres candidats, même si ce n’est que pour dire une phrase. Le temps de parole de chaque candidat est visible pour tout le monde : pour les candidats eux-mêmes, pour les modérateurs du débat et pour le public.

Avant le premier tour de la présidentielle, trois débats ont eu lieu. Le premier débat s’est déroulé le 20 mars 201716, donc après que la liste officielle des candidats ait été publiée,

mais avant que la campagne officielle n’ait commencé. Ce débat était donc officieux et seuls les cinq premiers candidats figurant en tête des sondages ont été invités. Ce débat comprenait donc Emmanuel Macron, François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. Chaque candidat a pu s’exprimer pendant environ une demi-heure et deux journalistes étaient présents afin de réguler les temps de parole de chaque candidat. Puis, le deuxième débat17 (mais le premier officiel) du premier tour s’est déroulé le 4 avril 2017, le

temps de parole était fixé à 17 minutes pour chaque candidat. Les modératrices, deux

14 Vidéo du meeting du 26 mars 2017 :

http://www.frontnational.com/videos/meeting-de-marine-le-pen-a-lille-3/ (consulté en avril 2017)

15 Vidéo du meeting du 2 avril 2017 :

http://www.frontnational.com/videos/discours-de-marine-le-pen-au-meeting-a-bordeaux/ (consulté en avril 2017)

16 Vidéo du débat du 20 mars 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=KtNRZCEfMUI (consulté en avril

2017)

17 Vidéo du débat du 4 avril 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=OhWRT3PhMJs&t=11680s

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journalistes, étaient chargées de s’assurer du respect de ce temps de parole en limitant notamment les interruptions des candidats. Pour le troisième débat18 des candidats, le

format était différent. En effet, les candidats n’étaient pas réunis tous ensemble sur le plateau mais passaient chacun à tour de rôle, pendant quinze minutes, devant deux journalistes qui leur posaient des questions sur leur programme. Ce débat a eu lieu le 20 avril, quelques jours avant le premier tour présidentiel et juste avant la fin de la campagne officielle.

3.1.2. La transcription des discours

Pour établir mon corpus de textes, composé de discours écrits et oraux, j’ai consulté les sites des candidats et Youtube afin d’avoir accès à tous les documents. Concernant les discours oraux, le site du Front National proposait la transcription écrite de certains discours de Marine Le Pen. Les transcriptions que j’ai utilisées pour les meetings du 26 mars 2017 et du 2 avril 2017 sont celles présentes sur le site du Front National. Pour les meetings de Jean-Luc Mélenchon, aucune transcription n’était fournie par le parti. Je les ai donc tapées moi-même. Enfin, pour les trois débats qui ont eu lieu, aucune transcription n’était disponible. Je les ai donc également tapées moi-même.

Etant donné que ma recherche porte sur le contenu du texte des candidats, j’ai transcrit mot-à-mot ce qu’ils disaient, sans reformulation, mais en unifiant quand même le texte afin d’en faciliter la lecture. Ainsi, des éléments comme les pauses et l’intonation ne sont pas marqués. Les mots qui étaient inintelligibles ont été marqués par un astérisque.

Afin de contextualiser le discours des candidats, les questions des journalistes ou les remarques des autres candidats sont également indiquées, mais elles sont indiquées entre crochets car elles ont été exclues de mon analyse. Lors des débats, je n’ai tapé que les discours de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen. Les discours des autres candidats ont été exclus, excepté lorsqu’ils réagissaient directement à quelque chose dit par Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen. Dans ce cas, j’ai transcrit ce que les autres candidats ont dit, mais pour offrir un contexte à la réponse des deux candidats sur lesquels porte mon analyse.

18 Vidéo de MLP : https://www.youtube.com/watch?v=vDXCATj74F4 (consultée en mai 2017)

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L’ensemble du corpus se portant à une centaine de pages pour chaque candidat, seuls quelques extraits figureront dans l’annexe.

3.2. L’analyse du corpus

Avant de commencer l’analyse à proprement parler, chaque texte a été codifié selon son genre et selon le candidat qui l’a écrit et/ou prononcé. Le code est le suivant et sera appliqué par la suite : JLM désigne Jean-Luc Mélenchon et MLP, Marine Le Pen.

- Le chiffre 1 correspond à l’ensemble des discours écrits par les candidats,

- Le chiffre 2 désigne les discours prononcés par les candidats lors de leurs meetings. - Le chiffre 3 représente les discours prononcés par les candidats lors des débats télévisés. Ainsi « JLM 2 » représente l’ensemble des discours prononcés par Jean-Luc Mélenchon lors de ses meetings.

Une fois les textes codifiés, je les ai analysés grâce à un logiciel de fouille de texte : celui-ci m’a permis de compter le nombre de mots et de les répartir automatiquement par type et par occurrence. Les prépositions les plus communes telles que « à », « de », « sur », etc. et les articles comme « le », « la », « les », « un » et « des » ont été exclus car, bien que très fréquents dans la langue française, ils ne sont pas pertinents pour mon analyse. Les résultats ont ensuite été exportés vers Excel afin que je puisse les exploiter. Sur Excel, j’ai ensuite groupé les mots afin de pouvoir les comptabiliser plus facilement. Les verbes ont été mis à l’infinitif et les noms au singulier.

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4. Les résultats

4.1. Les résultats lexicaux

4.1.1. Les mots les plus fréquents

Le vocabulaire des candidats révèle les éléments clés de leur campagne. J’ai donc relevé une dizaine de mots, en incluant également les noms propres, qui revenait le plus fréquemment dans leurs discours. Les mots les plus utilisés dans chaque corpus sont donc les suivants et figurent par ordre descendant :

- JLM 1 : la France, la campagne, l’OTAN, le pays, les gens, les États-Unis, l’Europe, le PS [parti socialiste], le débat, la fondation Abbé Pierre, ami.

- JLM 2 : les gens, le pays, le travail, les Français, l’Etat, le peuple, la France, la paix, l’Europe, social.

- JLM 3 : le pays, l’Europe, les gens, la France, le travail, le peuple, les Français, la vie, la République, le président, la guerre, Fillon, les traités.

- MLP 1 : L’Outre-mer, les Français, Macron, le spectre autistique, le système, national, la France, l’Etat, Whirpool, le projet, le peuple.

- MLP 2 : La France, les Français, le peuple, le monde, l’Etat, le pays, national, le système, la nation, les jeunes, l’identité, liberté, social, l’Europe, Macron

- MLP 3 : les Français, le pays, le droit, la réalité, l’Europe, la France, les entreprises, le peuple, national, Fillon, le fondamentalisme islamiste, l’emploi, les frontières, la sécurité.

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4.1.2. La qualification

4.1.2.1. Introduction

Cette partie relève et présente des extraits de phrases prononcées par les candidats. Ces phrases ont été catégorisées par topos. Pour certaine phrase, plusieurs topoï peuvent s’appliquer, mais j’ai choisi le trait le plus pertinent pour mon étude.

Les tableaux sont présents dans la partie annexe. Ici, je ne pour présenterai que brièvement les topoï les plus utilisés par les candidats. Ils seront ensuite analysés dans la partie suivante de mon mémoire.

4.1.2.2. De soi-même

4.1.2.2.1. Jean-Luc Mélenchon

Les topoï que j’ai décelés chez Jean-Luc Mélenchon portent principalement sur le thème de la politique avec sa présidentiabilité, sa place sur l’échiquier politique, le porte-parole, ses modèles politiques, mais également sur ses traits de caractère, qu’ils soient positifs tels que sa détermination, son côté ingénu, rassurant ou négatifs tels que son côté moqueur et victimisation. Les topoï que Jean-Luc Mélenchon cherche particulièrement à mettre en avant portent sur ce que j’ai appelé la « spiritualité ». Le topos de la spiritualité englobe des concepts tels que la paix, la tolérance, la bienveillance, la sagesse. Son côté spirituel est renforcé par le topos où il se présente comme un être cultivé. Quelques topoï sont spécifiques à Jean-Luc Mélenchon et n’apparaissent pas chez Marine Le Pen : celui que j’ai appelé la « foule », en effet à maintes reprises Jean-Luc Mélenchon insiste sur le grand nombre de partisans qu’il possède puis ceux de la valorisation et de la faiblesse. Enfin, il insiste particulièrement sur les affaires de corruption qui ont éclaté durant la campagne.

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28 4.1.2.2.2. Marine Le Pen

Les topoï présents chez Marine Le Pen portant sur la politique avec sa présidentiabilité, ses modèles politiques. Comme Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen présente des aspects de son caractère tels que la détermination, son côté protecteur et à l’écoute des autres. Comme Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen développe le côté pathos et dénonce des situations. En plus de cela, elle cherche aussi à décrédibiliser ses adversaires. Les deux topoï sur lesquels elle insiste le plus sont celui de l’honnêteté et du changement qu’elle incarne. Là encore, je ne présente que brièvement les topoï avant de les étudier plus en profondeur dans la prochaine partie.

4.1.2.3. Des autres

4.1.2.3.1. Introduction

La manière dont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon décrivent les autres est présentée en détail dans l’annexe, sous forme de tableau avec le nom des adversaire et les extraits de discours justifiant cette idée. Ici, je ne présenterai que succinctement les principaux adversaires des candidats avant de procéder à l’analyse à la partie suivante de mon mémoire.

4.1.2.3.2. Par Jean-Luc Mélenchon

Les adversaires de Jean-Luc Mélenchon sont principalement ceux que j’ai nommé « la bourgeoisie ». J’ai choisi le terme de « bourgeoisie » car, bien que Mélenchon dise ne pas être communiste, sa vision du monde en est très proche, notamment concernant la lutte des classes symbolique entre prolétaires et bourgeois. C'est donc en référence à cela que j’ai nommé cette catégorie qui englobe d’une manière générale les dirigeants non seulement politiques, mais aussi financiers et culturels, ceux qui appartiennent donc aux classes supérieures, voire haute classe intermédiaire. D’une manière générale, Mélenchon s’oppose

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à la droite et au libéralisme qu’elle représente. Fillon, candidat à droite, est celui qui le principal opposant de Jean-Luc Mélenchon tant pour son orientation politique que pour la concurrence qui existe entre les deux candidats pour la troisième place dans les sondages. Macron est aussi un adversaire de Mélenchon car il représente une alternative à la gauche, ce que Mélenchon veut être. Le PS, parti traditionnel de la gauche est aussi un adversaire de Mélenchon, mais là où pour la droite Mélenchon attaque l’homme plutôt que le parti -Fillon donc-, pour la gauche Mélenchon attaque plutôt le parti que l’homme politique représentant le PS (Hamon). Jean-Luc Mélenchon n’hésite pas non plus à mettre dans le même lot Le Pen- Fillon-Macron. Enfin, les médias sont aussi la cible des attaques de Mélenchon qu’il juge favoriser Macron et Fillon.

4.1.2.3.3. Par Marine Le Pen

Le principal adversaire de Marine Le Pen est le « système ». Ce terme incorpore d’une manière schématique, les personnes qui ont le pouvoir, les privilégiés, tous ceux qui sont contre l’extrême-droite. Ce terme regroupe quasiment les mêmes personnes que ceux que j’ai catégorisés comme « Bourgeois » chez Jean-Luc Mélenchon. Toutefois, pour des raisons idéologiques, Marine Le Pen étant plus proche de la droite que de la gauche, ce terme ne peut pas s’appliquer pour cette catégorie. Parmi les candidats, les cibles des attaques de Marine Le Pen sont Emmanuel Macron et François Fillon. Le premier est le principal adversaire de Le Pen pour trois raisons : les sondages le donnaient comme affrontant Le Pen au second tour, idéologiquement, il est celui qui est le plus loin de ses idées, enfin il est également un « nouveau » candidat et peut incarner le changement que Marine Le Pen souhaite représenter. François Fillon est avant tout un adversaire stratégique car il représente la droite et c'est une partie de cet électorat que Marine Le Pen souhaite récupérer, idéologiquement également, il est plus libéral qu’elle. Un autre adversaire de Marine Le Pen est également le PS et ici, tout comme Jean-Luc Mélenchon le fait, elle attaque le parti, ou plutôt l’image du parti laissé par François Hollande, plutôt que le candidat en lui-même, ce qui n’est pas le cas avec Fillon et Macron qui sont personnellement attaqué. Sans surprise, les médias sont aussi dans la ligne de mire de Marine Le Pen. D’autres ennemis sont aussi la

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cible de Marine Le Pen, parmi eux figurent ce qu’elle nomme le fondamentalisme islamiste, mais encore le mondialisme et le libéralisme.

4.1.3. Les pronoms sujets et les adjectifs possessifs

Marine Le Pen

Jean-Luc Mélenchon

MLP 1 MLP 2 MLP 3 JLM 1 JLM 2 JLM 3 Je/moi 37 185 487 266 250 359 Mon/ma/mes 21 31 23 118 32 29 Nous 14 235 80 50 226 153 Notre/nos 6 160 122 45 72 55 On 11 51 162 45 236 200 Total mots 3297 15420 15584 12360 19970 16204

Le tableau ci-dessus indique le nombre d’apparitions des pronoms personnels sujets et des adjectif possessifs. Nous pouvons constater que pour les discours écrits (MLP1-JLM1), le pronom « je » est majoritaire pour les deux candidats étant donné qu’ils s’expriment à l’écrit dans des articles des blog, ils écrivent ce qu’ils pensent et ressentent et parlent majoritairement en leur nom. Lors des meetings (MLP2 – JLM2), Marine Le Pen se montre plus inclusive que Jean-Luc Mélenchon envers son auditoire car elle utilise plus « nous » que « je ». Enfin lors des débats (MLP3 – JLM3) les deux candidats utilisent plus le « je » que le « nous », ce qui là encore semble logique car ils sont face à face aux autres candidats et/ou à une audience non affiliée. Nous pouvons toutefois remarquer que Marine Le Pen même si elle utilise moins le « nous » que le « je », utilise plus le « notre/nos » que « mon/ma/mes », là encore elle semble plus inclusive et moins égocentrique que Jean-Luc Mélenchon. En confrontant ces résultats avec les précédents, nous allons voir ce que cela révèle de la représentation des candidats lors de l’analyse des résultats.

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Pour « on », il aurait été intéressant de voir exactement s’il était utilisé pour remplacer « nous » ou si l’était pour désigner un sujet impersonnel. Toutefois, il est difficile de parfois établir une distinction précise. Par exemple, « on ne sait pas de quoi demain sera fait », « on est passé d’une alliance strictement défensive à une alliance à vocation préventive », « désormais on s’accorde à penser que je pourrais être au premier tour ». Même en ayant un contexte, il peut être difficile de clairement établir à qui le « on » se réfère.

5. L’analyse des résultats

5.1. La construction de l’image présidentielle

5.1.1. Les leitmotivs des candidats

5.1.1.1. Les leitmotivs communs

Nous pouvons constater que les candidats ont tous deux des mots tels que « France, Français, peuple, Etat » en commun. S’agissant d’une campagne présidentielle, ces termes sont attendus de la part des candidats puisqu’ils doivent s’adresser aux citoyens du pays qu’ils espèrent gouverner. Que ce soit Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, tous deux voient en François Fillon un adversaire. Sur un plan idéologique tout d’abord. En effet, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, bien que pour différentes raisons et à différents degrés, sont d’avis que la France devrait être souveraine et sortir de l’Europe, ce qui s’oppose au fédéralisme voulu par François Fillon. La deuxième raison pour laquelle Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont cet adversaire commun s’explique aussi par le caractère stratégique de toute campagne électorale. En effet, François Fillon était un adversaire sérieux pour ces deux candidats car il figurait en bonne place dans les sondages. Toutefois, durant la

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campagne, plusieurs affaires de corruption19 et un dérapage sur l’autisme20 ont terni son

image. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en ont profité pour décrédibiliser François Fillon, chacun sous un angle différent, tout en valorisant leur image, appliquant ainsi le modèle du carré idéologique. Marine Le Pen étant elle aussi éclaboussée par des scandales financiers a choisi de taire les histoires de corruptions de Fillon pour se concentrer sur son dérapage concernant les troubles autistiques. C'est pour cette raison que le terme « spectre autistique » apparaît souvent dans le corpus MLP 1, indirectement elle attaquait François Fillon tout en se présentant comme étant une personne bienveillante et soucieuse du bien-être des autres. Jean-Luc Mélenchon quant à lui a porté toute son attention sur les histoires de corruption de Fillon pour, d’une part discréditer François Fillon et, à plus grande échelle tout politique étant concerné par les scandales financiers et d’autre part pour renforcer son image d’homme intègre.

Enfin, la thématique du travail est un autre thème récurrent chez Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. A l’heure où la majorité des sociétés sont concernées par une hausse du chômage, il est normal que ce sujet apparaisse dans la campagne des candidats. Il est toutefois intéressant de noter que les candidats utilisent chacun un mot différent pour évoquer cette situation : Jean-Luc Mélenchon utilise le mot « travail » tandis que Marine Le Pen parle d’«emploi ». Ces deux termes, bien que souvent utilisés comme synonymes, recouvrent deux réalités distinctes. Un travail désigne une activité, qu’elle soit rémunérée ou non, alors qu’un emploi est forcément rétribué. Cette nuance lexicale peut traduire une différence idéologique entre les candidats. En effet, le terme « travail » sied aux discours à tendance de gauche, voire extrême-gauche, de Jean-Luc Mélenchon car il n’est pas sans rappeler les théories communistes, de Marx et Engels particulièrement, qui voient avec le travail le symbole de la lutte des classes et qui, à terme, visent une société où chacun contribuerait, par son travail, volontairement -donc non rémunéré- à la société. Le terme

19 Durant la campagne, plusieurs affaires de corruptions ont éclaté. Concernant François Fillon, les plus

marquantes concernaient l’emploi fictif de son épouse Penelope (affaire surnommée « penelopegate) et l’acceptation de cadeaux (des costumes de haute-coutures).

20 Dérapage de Fillon sur l’autisme : Pour dire que c'est une personne qui à l’écoute des Français et pour casser

son image de froideur, François Fillon a déclaré à plusieurs reprises lors d’une interview qu’il n’était pas autiste. Cette comparaison a suscité de nombreuses critiques. http://www.leparisien.fr/laparisienne/sante/francois-fillon-pas-autiste-sos-autisme-france-saisit-le-csa-06-03-2017-6736407.php

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« emploi » quant à lui implique une transaction financière. La défense des transactions monétaires correspond à une idéologie traditionnellement classée à droite. Le terme « entreprise », utilisé à plusieurs reprises par Marine Le Pen, confirme cette vision idéologique de tendance plus libérale économiquement.

Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen utilise donc un nombre de termes communs, ce qui pourrait laisser croire qu’ils partagent certaines convictions, mais en réalité ces termes recouvrent une réalité propre à chacun des candidats. Ces connotations sont vectrices de leur vision et de celle qu’ils souhaitent transmettre.

5.1.1.2. Les leitmotivs divergents

Nous avons vu les termes que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont en commun, mais Il est d’autant plus pertinent d’analyser ceux qui les différencient puisque ce sont ces termes qui les distinguent et qui construisent l’image qu’ils renvoient.

5.1.1.2.1. Les leitmotivs de Jean-Luc Mélenchon

Ainsi, comme nous pouvons le voir Jean-Luc Mélenchon essaie de valoriser l’aspect humain en employant des termes comme « social », « vie », « ami », « gens », « fondation Abbé Pierre21 » et « paix ». Ce dernier mot est d’autant plus mis en exergue grâce à

l’utilisation du terme « guerre ». En effet cette binarité renforce la séparation qui s’opère entre le monde de Luc Mélenchon (la paix) et du monde des Autres (la guerre). Jean-Luc Mélenchon considère que les Etats-Unis comme le symbole du libéralisme, donc le modèle à éviter. Selon lui, l’Europe, telle qu’elle est aujourd’hui, suit le même chemin que les Etats-Unis et l’OTAN aggrave cela en unissant l’Europe et les Etats-Unis. Sous couvert d’arguments économiques contre l’économie de libre-échange, le raisonnement de Jean-Luc Mélenchon fait néanmoins appel aux émotions : pour éviter la guerre il faut déjouer le modèle américain en sortant de l’OTAN et de l’Union Européenne et choisir le pacifisme en

21 La fondation Abbé Pierre est une organisation visant à lutter contre l’exclusion sociale, principalement en

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votant pour lui. Jean-Luc Mélenchon base l’essentiel de son argumentation sur la dichotomie entre les Autres, symbolisés par les Etats-Unis, l’Europe, l’OTAN, F. Fillon, et lui-même, défenseur de la paix et de la vie. Ce raisonnement n’est pas sans rappeler le slogan « Nos vies valent plus que leurs profits ! » utilisé par Olivier Besancenot, alors candidat pour la Ligue Communiste Révolutionnaire, lors des présidentielles de 2002 et 2007 et repris par son successeur Philippe Poutou « Nos vies, pas leurs profits ». Cette récupération n’est pas étonnante car les partis de gauche étaient nombreux lors de l’élection présidentielle de 2017 (Lutte Ouvrière -LO-, Nouveau Parti Anticapitaliste -NPA-, La France Insoumise -FI, le Parti Socialiste -PS-) et Jean-Luc Mélenchon se plaçant entre les partis d’extrême gauche et le PS, cherchait d’un côté à récupérer les voix des citoyens souhaitant voter pour NPA et LO et de l’autre à se démarquer du PS. C'est pour cette raison que le PS figure également parmi les termes qu’il a le plus utilisé. En effet, il était primordial pour lui de s’en démarquer et de le poser en tant qu’adversaire, cela pour non seulement montrer qu’il condamne les actions qui ont été menées sous le gouvernement de François Hollande, mais également pour montrer que son parti de la France Insoumise offre une solution aux différents maux de la société.

5.1.1.2.2. Les leitmotivs de Marine Le Pen

Marine Le Pen est candidate de l’extrême-droite, c'est donc sans surprise que les termes « national » et « nation » soient récurrents dans son discours. « Nation », tout comme « peuple » et « Etat » désigne, d’une manière générale un ensemble d’individu. Ce terme possède néanmoins une portée excluante que ne possède pas les autres termes, ou alors dans une mesure moindre. Ayant la même origine que le terme « naissance », l’utilisation du mot « nation » indique que l’origine, le lieu de naissance, des individus a de l’importance dans ce qui constitue un Etat. Le terme « identité » revient aussi fréquemment dans les discours de Marine Le Pen, ce qui confirme l’importance qu’elle accorde à l’origine des individus. Comme nous l’avons vu précédemment, défendre une idéologie consiste non seulement à valoriser ses principes mais également à dénigrer ceux des autres. Ici, s’agissant de nationalisme identitaire, qui concerne des individus donc, l’exercice est périlleux car les penchants xénophobes ou racistes du Front National ne peuvent pas être défendus ouvertement. Marine Le Pen ne nomme donc aucune origine ethnique mais utilise la religion (ou plus

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