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Méthode et résultats du sauvetage archéologique à Pommeroeul

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ARCHAEOLOGIA

BELGICA

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G. DE BOE

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sauvetage archéologique

à

Pommeroeul

Extrait des Actes du colloque Centenaire de la Société d'Archéologie

d'Histoire et de Folklore de Nivelles et du Brabant Walion

26 et 27 n1ars 1977

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METHODE ET RESULTATS

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ARCHAEOLOGIA

BELGICA

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G. DE

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Extrait des Actes du colloque Centenaire de la Société d'Archéologie

d'Histoire et de Folklore de Nivelles et du Brabant Wallon

26 et 27 n1ars 1977

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ARCHAEOLOGIA BELGICA Dir. Dr. H. Roosens

Etudes et rapports édités par Ie Service national des Fouilles

Pare du Cinquantenaire 1 1040 Bruxelles

Studies en verslagen uitgegeven door de Nationale Dienst voor Opgravingen

Jubelpark 1 1040 Brussel

©

Service national des Fouilles

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M

éthode et résultats du

sauvetage archéologique

à

Pommeroeul

Pommerreul est situé en Hainaut occidental, près de la frontière française et à 20 km au nord-ouest de Bavai. Partant de ce chef-lieu de la Cité des Nerviens, une route romaine passe à proximité du village, francbissant la vallée de la Haine. Bien qu'un croisement de voies routière et fluviale ait taujours été un lieu de prédilection pour un établissement humain, la position de ce site à moins d'une journée de marche de Bavai et !'absence de découvertes ne per-met~;;tient pas d'espérer un jour y découvrir un vicus romain, d'autant plus-que Ie paysage très plat, sillonné d'eau, montre beaucoup de marais. Blicquy pouvait normalement être considéré comme étant la première étape importante sur cette « chaussée Brunehaut >> bi-furquant en direction de Gand et de la cöte (fig. 1 ).

Les grands travaux de percement du canal Hensies-Pommerreul allaient une fois de plus démontrer que Ie terrain infirme souvent les raisonnemeuts de cabinet. Les machines étaient descendues à 2,50 m, ne rencontrant que limon et alluvions sableuses, quand elles se heurtèrent à de grosses pierres dont certaines étaient équarries, et à des pieux de bois fortement implantés. Un des pilotes de bull-dozer en parla à un chercheur local, M. L. Demarez de Quevaucamps, qui durant les congés payés de 1975 entreprit un soudage avec pro-messe de discrétion faite à la firme menant les travaux. Pourtant,

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Fig. 1. - Carte de situation sur le réseau routier romain d'après J. Mertens.

celle-ci était tenue par son cahier des charges d'informer l'adminis· tration de toute découverte pouvant intéresser l'étude de notre passé. Durant dix jours, M. Demarez aidé de quelques amis, récolta un matériel divers qui selon son expérience n'était pas une exception dans une région riche en vestiges gallo-romains. La découverte sous les pierres d'un plancher attenant aux pieux, jointe à celle d'un monceau de cornillons de bceuf devaient l'intriguer. Finalement, la mise au jour des vestiges d'une barque vint confirmer le caractère exceptionnel de ce site. Les habitants des environs suivaient en curieux les travaux et ces découvertes inhabituelles suscitèrent un déferlement non plus de curieux mais de pillards. Mis en face de ses responsabilités, M. Demarez prévint l'un de nous et par ce fait

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Tout qui avait à cceur la sauvegarde des vestiges de notre passé fut alerté. Une réunion se tint sur le terrain sous l'égide de M. J. Defraigne, alors Ministre des Travaux Publics, à qui nous avons pu démontrer, gräce aux premiers sondages, toute l'importance de la découverte et la nécessité d'en sauver le maximum. Sa compréhension et celle de la Sogetra, firme traitante, permirent un travail de sau-vetage durant deux mois et demi sur une surface de trois hectares. Nous rencontrames aussi l'aide financière du Ministère de la Culture française, du Crédit communal de Belgique, de la Caisse générale d'Epargne et de Retraite, du Rotary-Club d'Ath et du Fonds provin-cial de Sauvegarde des Monuments et Sites en Péril du Hainaut. En y joignant nos propres crédits de fouilles, nous pûmes engager la nombreuse main-d'ceuvre nécessaire à un tel sauvetage malgré l'aide bénévole de beaucoup. De plus, certains de nos collègues vinrent nous prêter main forte pour Ie relevé des dessins et Ie démontage des bateaux. L'armée nous apporta son concours pour le transport par camions des épaves et leur entreposage dans une caserne dés-affectée. Enfin, notre préparateur et notre dessinateur se dévouèrent sans compter. Bien que la double rangée de drains de la Sogetra ra-valait la nappe phréatique jour et nuit, maintenir Ie chantier au sec n'était pas Ie moindre des problèrnes qu'ils parvinrent à résoudre dans des conditions souvent ingrates (fig. 2).

Ce long préambule n'a de raison que de montrer qu'un sauvetage matériellement difficile comme celui de Pommerceul n'est nullement impossible s'il rencontre le consentement et la participation du

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Fig. 3. - Ouverture du sol par carrés et tranchées (photo Ch. Léva).

plus grand nombre de bonnes volontés. A toutes, Ministères, orga-nismes financiers, société d'entreprise, personnes, nous adressans nos vifs remerciements.

Devant explorer une surface de trois hectares, la méthode de fouilles dut être adaptée aux exigences du site et au temps limité dont nous disposions. Comme dans de nombreux cas, les objectifs

à atteindre imposèrent une méthode variée (fig. 3 ).

La recherche se porta d'abord sur le secteur ouvert par M. Demarez et qui devait s'avérer le plus important et le plus compliqué.

Fortement délabré par les pilleurs durant une semaine, il était réduit

à l'état de ruïne. L'appät d'un hypothétique trésor a fait perdre quelque 10 m2 d'un plancher, endommagé deux bateaux et perturbé la stratigraphie en maints endroits. Notre première méthode de fouilles fut celle des carrés cernés de banquettes. Ainsi tous les cinq mètres, nous disposions des coupes et cantre-coupes indispen-sables pour démêler une stratigraphie extrêmement embrouillée,

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dans laquelle se succèdent une couche d'empierrement informe, un plancher et surtout des lits d'alluvions de sable et tourbe intercalés.

Cela s'avérait nécessaire pour distinguer la Succession exacte des constructions établies dans ce milieu alluvionnaire. Ce sont là des « détails » trop volontiers sacrifiés lors d'un sauvetage.

Afin de comprendre !'origine de ces alluvions et de chercher des zones moins perturbées, nous lançämes eosuite à travers Ie site une série de longues tranchées se coupant à angle droit. Les vestiges intéressants ainsi repérés furent alors soumis à un examen appro-fondi, soit à l'aide de carrés, soit par dégagement complet. Le plan d'ensemble fut eosuite complété en effectuant des décapages sur de vastes surfaces.

On put ainsi constater que tout Ie site occupait un bassin alluvionnaire ou une rivière avait circulé suivant de nombreux lits se reereusant sans ces se au détriment d'alluvions antérieures (fig. 4). Les plus vieux dépöts étaient en majorité composés de tourbe; dans les plus récents dominait Ie sable. Cette chronologie fut confirmée par Ie matériel archéologique. Les alluvions les plus anciennes con-tenaient uniquement du matériel des äges des métaux; bien que rongées par les cours d'eau à l'époque romaine, elles restèrent in -tactes au centre du site (fig. 5). Les alluvions romaines dessinaïent un grand chenal qui bifurquait vers l'ouest. Le bras Ie plus étroit avait subi des aménagements qui se révélèrent être un petit port.

Fig. 4. - Coupe de 1,50 m dans les alluvions (photo J.P. Horlin).

Une des grandes tranchées fut tracée en fonction d'une série de pieux implantés plus au sud du plancher romain. La découverte d'un petit trésor monétaire et de quelques objets en fer, nous engagea à dégager une grande surface ou apparut la suite des pieux, deruiers vestiges d'une construction en bois dont la forme et Ie röle restent

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Fig. 5. -Plan schématique du secleur fouillé :

1. Secleur des alluvions pré-rornaines,

Nouveau canal

Hensies-PommeroetM

G.O.B.-F.H. 75

2. alluvions récentes, presque exclusivement d'époque romaine, à plus de 2,50 m de profondeur.

A. Emplacement de la construction probablement pré-romaine. B. Secteur du port avec les épaves.

C. Bras principal avec alignements de petits pieux.

D. Fossé alimentant un moulin à eau.

douteux (fig. 6). Ils se situent dans les alluvions anciennes, en bordure du cours d'eau d'époque romaine. Le matériel recueilli, quoique gau-lois, n'est pas suffisant pour dater la construction. Des doutes sub-sisterout jusqu'à la datation du bois par la dendrochronologie et le C 14. En effet, il est certain qu'une partie de ces alluvions était

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Fig. 6. - Large décapage sur un groupe de pieux.

déjà en place à l'äge du bronze final, vers 800 av. J.C. Nous y avons trouvé trois objets groupés sur moins de 10 m2 : une hache à douille en bronze, une hache en bois de cerf à perforation ovale et les tessons d'un grand vase à provision biconique qui, comme les haches,

n'ont jamais été roulés par la rivière puisque leurs cassures se

jux-taposent sans difficultés.

Le restant du matériel est surtout d'époque La Tène; il se partage entre l'usage domestique et l'usage militaire. Parmi les

prem-iers, citons des objets en fer (fig. 7) : une grande faux, des

coutelas, diverses haches à douille ou à perforation, deux tisonniers 2 manche torsadé, des mors de chevaux, etc. Les objets en bronze

sant plus rares : une bague et des anneaux de harnachement dont

un ~- bouton. Le bois de cerf n'est représenté que par deux objets

dont la fonction reste mal définie. Ce sont des barrettes, l'une cy-lindrique, l'autre octogonale, percées d'un trou rectangulaire.

Le matériel militaire se campose d'épées et de fers de lance.

Six épées et un poignard sortent, à une exception près, des alluvions anciennes (fig. 8). Ces armes sont encore dans leur fourreau fait de deux töles de fer faiblement cintrées. Leur décor très pauvre se constitue de bandelettes ou frettes renforçant la chape et la bou-terolle. La forme de cette dernière, camarde ou ogivale, répond à une

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différentes : la lame pointue frappant d'estoc date du La Tène II, b lame camarde frappant de taille se situant au La Tène III. Sur un fourreau La Tène II, on remarque des boutons garnissant la chape et la bouterolle. Au nettoyage, on s'aperçut qu'ils sont rehaussés d'émail rouge imitant les anciens décors à pastilles de corail. Ce succédané fut inventé après la mort d'Alexandre Ie Grand (323 av. J.C.), lorsque Ie corail fut entièrement absorbé par les marchés de l'Orient.

Les pointes de lance appartiennent toutes par leur flamme à l'époque La Tène tardive et quoique Ie marais conserve bien Ie bois, nous n'avons rien retrouvé de leur hampe.

La présence de ce matériel est difficilement interprétable, sur-tout en ce qui concerne les armes. Ce ne sont certainement pas des pertes ni des abandons à la suite d'une quelconque bataille. II se pourrait qu'elles aient été jetées comme offrandes faites à la rivière vénérée en tant que divinité protectrice. Ainsi s'expliquerait égale-ment la trouvaille parmi les alluvions d'un demi-torque en or dont ne manque qu'une partie du jonc, dessoudée des tampons (fig. 9). L'autre moitié est une tige circulaire, creuse et renforcée par un noyau de matière résineuse appliquée sur une äme de fer. Le profil des tampons est tout droit inspiré d'une base de colonne classique. Le culte seul ne peut cependant expliquer la présence de tout ce lot varié, dans lequel abonde Ie matériel à usage domestique. Celui-ei provient probablement d'un établissement auquel pourrait appartenir Ie groupe de pieux. Son installation en bordure de !'eau est eertai-nement liée à la rivière et il n'est pas hasardeux d'y voir un précur-seur du port d'époque romaine.

Les épées de tradition La Tène II (ca. 200-100 av. J.C.) ne doivent pas être prises en considération pour placer à cette époque la première occupation gauloise du site. Elles peuvent très bien avoir été transmises de père en fils comme objets précieux montrant la haute tradition de l'homme libre qui les portait. 11 faut attribuer une date tardive à la majorité du matériel, ce que confirme la céramique. Celie-ei fut surtout trouvée en alluvions romaines. Si l'on sait d'une part, que la tradition de l'äge du fer s'est maintenue longtemps dans la poterie commune d'époque romaine et, d'autre part, que ces tessons pourraient proveoir d'alluvions anciennes ar-rachées, ce qui ne facilite guère !'analyse stratigraphique, on com-prendra qu'il ne peut en être fait état. Le meilleur jalon chronolo-gique est encore Ie petit trésor de dix pièces nerviennes trouvées près des pieux (fig. 10). Elles sont toutes en potin, de type au rameau A datant de la deuxième moitié du 1er siècle avant notre ère. A cette époque, Ie monétaire d'or a complètement disparu, confisqué sans doute pour l'effort de guerre romain, et est remplacé par ces ersatz en alliage de cuivres. Dès lors, l'occupation gauloise du site dut être contemporaine de Ia guerre d'indépendance et des premières années

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Fig. JO. - Une monnaie nervienne agrandie 6 x ...

de l'occupation romaine, période que peu de découvertes archéolo-giques en Belgique sont venues éclairer à ce jour.

Les décapages du sol au nord-est du site permirent la découverte d'un fossé artificiel raccordé à une boude des alluvions gallo-romai-nes (fig. 5 ). Il coupait le méandre de la rivière, forçant probablement l'eau vers un moulin établi en aval. Il avait été consolidé en partie par des pieux retenant des planches là ou le courant était le plus

fort, au captage. Plus loin, un simple empierrement du fond en

marquait le passage.

Contournant les vestiges en bois dans les alluvions anciennes, le cours d'eau se dirigeait vers l'ouest. Les rives du plus grand bras avaient été confortées par l'implantation successive de pieux qui

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Fig. 11. - ... son revers.

ont dû retenir des fascines. Ils furent souvent renouvelés en suivant le déplacement des rives. Le bras Ie plus étroit abritait un petit port. Les alluvions s'y étendent sur une largeur d'environ 16 à 17 m; elles sont, en grandes ligues, Ie fruit de trois passes successives dont la berge nord fut à chaque déplacement consolidée par un quai en bois. Pour Ie dernier quai, il s'agissait de pieux étayant des planches

disposées à l'horizontal contre la rive (fig. 12); il fut emporté par

Ie poids des terres qui plièrent }'ensemble comme des fétus de paille. Un démontage minutieux des décombres a permis d'en re-constituer Ie principe.

Contre ce quai s'appuyait un débarcadère barrant presque en-tièrement Ie goulet (fig. 13). Son plancher de chêne reposait sur des poutres transversales déposées sur la berge ou retenues par des pieux massifs de 20 à 32 cm de cöté, ceux-là même qui avaient arrêté les bulldozers. Appointés et durcis au feu, ils avaient été

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Fig. 12. Vestiges du dernier quai écrasé sous les terres

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profondément hiés dans la vase jusqu'au sol en place, à l'aide d'un mouton.

Nous démontàmes ce débarcadère pour trouver en dessous les épaves de deux bateaux. Trois autres étaient échouées sur les rives. Elles appartiennent à deux types d'embarcations, la pirogue et le ebaland à fond plat, tous deux réservés à la navigation fluviale. Leur construction montre des phases évolutives du bateau monoxyle, trabissant une technique navale de tradition celtique.

La pirogue que nous avons recueillie devait atteindre 11 à 12 m

de longueur. 11 n'en reste plus que 9,70 m, sa largeur maximale de

98 cm correspondant au tronc d'un chêne plus que séculaire (fig. 14 ). Les bords ont 58 cm de hauteur au centre. Toute la coque n'a pas plus de 5 à 6 cm d'épaisseur. L'extrémité effilée est rapportée en trois parties : les deux flancs en forme de L, taillés à même un tronc qui a été fendu en deux pour y intercaler à joints vifs une planche formant le fond. Le tout est maintenu par des clous et des traverses. Extrémité et corps central monoxyle sant assemblés suivant de langs joints obliques assurant un contact maximal, et

fortement cloués. Des dents dites « traits de Jupiter» empêchent

les glissements longitudinaux. Le plat-bord qui couronne la coque

relie le tout. 11 est constitué de tranes de conifères fendus en long,

qui s'adaptent par un profil spécial au bord du bateau. Les parties faibles du tronc central, sans doute des nreuds de branches, ont été enlevées et remplacées par du bois sans nreud. Là aussi !'assemblage est savant: ligue courbe avec traits de Jupiter et langs clous dont les têtes disparaissent dans des chapelles. Le fond de la pirogue est plat, à l'intérieur comme à l'extérieur. Pour consolider les parais courbes, des membrures sant disposées de place en place. Ces élé-ments ont été pris dans une branche et une partie du tronc de façon à obtenir une pièce en L dont toutes les fibres sant en longueur.

Le même travail se retrouve dans la conception des ebalands dont la longueur pouvait atteindré les 20 m et la largeur 3 m. La construction part d'un tronc d'arbre que l'on a évidé comme pour

en faire une pirogue. Celle-ci a été sciée en long pour constituer les

deux murailles du bateau et l'amorce du fond. Entre ces flancs, il a suffi d'intercaler des planches pour obtenir la largeur souhaitée. Le tout n'a pas plus de 6 cm d'épaisseur. La cohésion est réalisée par de fortes traverses en L, disposées tête-bêche et maintenues par des clous. Sur l'un des exemplaires, les planches sant clouées direc-tement entre elles, ce qui a permis de diminuer le nombre de ces membrures (fig. 15).

La longueur d'une pirogue étant forcément limitée à celle des tranes disponibles, ce problème fut résolu en rapportant une poupe et une proue. Le mieux conservé des ebalands nous a permis d'ana-lyser la construction de sa poupe. Là encore, nous retrouvons des moitiés de pirogue, taillées de façon à donner un fond remontant

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au-dessus de la ligne de flottaison, jusqu'à hauteur du plat-bord. Les planches du fond sont endentées dans celles du corps central, qui

reçoit les flancs suivant des joints obliques à trait de Jupiter. Un

calfat de ficelle maintenue dans les fentes par un cloutage en croix,

rendait la coque étanche.

Le plat-bord comprend quatre éléments. En premier lieu, on

a cloué une longue poutre sur la tranche du bordé reliant ainsi toutes les parties du flanc. Elle fut ensuite doublée à l'intérieur par

une autre poutre qui s'appuie sur les têtes des membrures. Elles

portent une planche posée à plat, la passerelle du plat-bord, large

de 22 cm. Des bourrelets sculptés ainsi qu'un rebord vers l'intérieur

du bateau assuraient les pas des bateliers. Cóté extérieur, une

qua-trième planche fut clouée en pavois.

Ce bateau possédait une cabine établie sur toute la largeur de la poupe. Longue de 2,30 m, elle laissait une plage arrière d'environ 2 m. De construction relativement légère, son squelette était composé de fins montants implantés par des tenons dans des mortaises creusées à même Ie rebord de la passerelle à hauteur des bourrelets

et dans une membrure. Des planchettes de chêne montées à clins

formaient les cloisons extérieures. L'intérieur de la cabine semble

avoir été doublé, au moins dans Ie bas, par des planches de résineux. Le toit avait été soutenu par un support centraL Des planches dis-posées entre les membrures égalisaient Ie sol. Une couche de matière organique laisse penser à une litière de paille.

Aucune emplanture de mat n'a été trouvée. Probablement y en avait-il une sur la partie avant du bateau qui nous manque. Toutefois,

ni la voile ni Ie halage ne devaient être d'un grand secours sur une

rivière toute en méandres, aux rives marécageuses. C'est à la gaffe que les mariniers propulsaient les quelque vingt tonnes que pouvait porter Ie chaland.

Au fur et à mesure de leur découverte, ces bateaux furent photo-graphiés sous tous leurs angles. Des plans et des coupes en ont été relevés. Puis ils furent soumis à un démontage méticuleux imposé

par les mesures de conservation qui allaient être prises. Les pièces

les plus longues durent être sciées pour des raisons de transport. Soigneusement numérotés, les éléments fixés sur des brancards furent acheminés par des camions de I'armée jusqu'à une caserne désaffectée. Là, ils sont conservés sous eau en attendant Ie traitement définitif qui les rendra à la vue de tous.

A cóté de ces épaves qui constituent les éléments de la marine fluviale gallo-romaine les plus originaux au Nord des Alpes, Ie site

nous a réservé une récolte impressionnante d'objets (fig. 16 ).

Ra-massés en tenant compte de leur contexte stratigraphique, ils nous

éclairent pleinement sur la durée d'occupation du site et sur son róle au cours des siècles. Les pièces de monnaie sont rares mais la

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Fig. 16. - Echantillons des objets : vase, cruche, chaudron, pelle, gaffe et ermi-nette (photo JRPA).

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Fig. 17. - Céramique en terre grise et noire (photo IRPA).

vaisselle brisée recueillie par centaines de kilos et les vases intacts

tombés à la rivière nous fournissent les repères chronologiques qui

permettent de fixer l'occupation romaine entre ca. 40 après J.C.

et le milieu du IIIe siècle.

Dans cette masse de céramique, on rencontre quasi tous les types eauramment répandus dans nos régions, depuis la sigillée importée du Midi, du Centre et de l'Est de la Gaule jusqu'à la pro-duction locale la plus fruste (fig. 17). La vaisselle de table s'oppose aux récipients des cuisines et des resserres : coupes, gobelets et

cruches, assiettes, bols et écuelles; pots à cuire, mortiers, amphores

et dolia.

Les objets en métal ne manquent pas. D'abord l'outil des mari-niers, la gaffe, se présente sous plusieurs formes : ferrures à simple crochet, à pointe et crochet, ou fourchues. Une hache, une erminette, des ciseaux, une gouge, un pied de biche et divers crampons

té-moignent d'une activité de charpentier. On peut encore citer des

couteaux, des hachoirs, des forces, une pelle à tourbe, une serpe,

une crémaillère, des chaînes, des clefs, etc., en somme tout ce que

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Deux chaudrons en tóle de bronze ont été perdus dans la rivière. Bien conservés, ils mantrent par toutes Ieurs réparations, la valeur qu'on leur attribuait.

La toilette et la parure n'étaient pas le souci premier de ces bateliers. Nous n'avons trouvé qu'une épingle à cheveux, une pince à épiler et deux spatules à fard. Quelques appliques de bronze avaient servi de décoration à un ceinturon. Quant aux fibules, rares aussi, elles son très praehes de nos épingles de sûreté tant elles sant simples. La pierre est surtout représentée par des rejets de constructions formant la couche du Ille S. Il semble que l'on ait voulu exonder !'emplacement du port ou établir un barrage primitif. Nous n'en saurons jamais le fin mot car c'est à leur niveau que les machines se sant arrêtées de creuser. Des bloes de craie rainurés ont servi de lests soit à des ancres, soit à des filets. Deux furent plus travaillés pour répondre à des besoins rnains matériels. L'un est un cadran solaire du genre scaphé, maïs ses radiations sant inexactes; l'autre est un phallus naïvement taillé, qui assurait les bonnes gräces des dieux à son propriétaire.

Le marécage avait conservé eneare bien d'autres choses en fait de matériaux périssables, tels qu'un gobelet en bois tourné gainé de peau, ancêtre du galuchat; des manches d'outils, un coffre, diverses boîtes et deux peignes. Le cuir a trouvé dans ce milieu riche en tannin des conditions exceptionnelles de conservation. Des dizaines de chaussures donnent un aperçu assez complet de la mode de l'épo-que. De nombreux déchets et une production tant pour homme que pour femme et enfant mantrent que l'endroit était un lieu de fabri-cation qui s'alimentait en peaux à une tannerie dont M. Demarez a trouvé une fosse comblée de milliers de cornillons avec leur os frontal. L'acheminement des peaux avec les cornes et les sabots s'est maintenu jusqu'à la dernière guerre mondiale.

La faune est bien représentée comme la flore et pour une fois, les naturalistes qui ont répondu à notre appel ont pu travailler avec des échantillons abondants et bien datés qui feront mieux connaître le milieu naturel de l'époque gallo-romaine.

En mars 1976, les travaux du canal reprirent et ils mirent au jour à environ 400 m au sud du champ de fouille un autre bras de rivière plus important, dont les alluvions colmataient une série de

lits sur 170 m de largeur. Là eneare il dut y avoir un port en liaison

avec le vicus dont quelques bätiments en dur ont été aperçus. Pour

des circonstances indépendantes de notre volonté, on n'a pu relever que le tracé du cours d'eau (fig. 18). Des chercheurs privés nous ont rapporté le récit de trouvailles impressionnantes : une pirogue com-plète de 15 m, un quai en pierres, de la céramique par centaines de kilos, des statuettes, des bijoux. Il semblerait que l'endroit ait été

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Nos dernières observations jointes à l'étude de cartes anciennes (Guicciardini du XVIe S. et Ferraris du XVIIIe S.) permettent de mieux comprendre la topographie du site. Il occupait une pointe de terre au confluent de la Petite et de la Grande Haine, à l'endroit ou

passait la chaussée romaine. Les Romains et peut-être les Gaulois

déjà ont su comprendre tout l'intérêt économique de l'endroit. Par voie de terre, ils étaient reliés aux régions cótières et, via Bavai, c'est tout le réseau routier de la Gaule septentrionale qui s'ouvrait. Par eau, les bateaux à fond plat remontaient loin dans le bassin de la Haine, collectant la production des villas et distribuant les produits d'importation comme ceux de l'artisanat local : poteries, cuirs, tourbe, charbon. En aval, s'ouvrait l'Escaut par ou descendaient les pierres de construction qui manquaient au Plat-Pays. En remontant, les bate-liers apportaient sans doute le sel de la cóte.

A l'heure actuelle, tout espoir d'en connaître plus est perdu. Le canal a éventré le paysage et ce qu'il en reste est enfoui sous des mètres de déblais. La découverte du site est due à ces grands travaux; nous devons d'en avoir sauvé une partie à la compréhension de leurs

promoteurs et à leur matériel en place. Par un juste retour des

choses, nos recherches ont montré aux ingénieurs des terrains com-posites dont ils n'avaient pas connaissance et qu'ils purent stabiliser, prévenant ainsi des effondrements de digues. Comme quoi un sau-vetage archéologique n'est pas taujours une perte de temps pour !'entrepreneur.

Guy DE BOE et François HUBERT.

BIBLIOGRAPHIE

G. DE BOE, F. HUBERT, Fouilles de sauvetage à Pommerreul, Conspectus MCMLXXV, Archaeologia Belgica, 186, 1976, pp. 62-66.

Idem, Binnenhaten und Schiffe der Römerzeit von Pommerreul in Hennegau ( Belgien), Archäologisches Korrespondenzblatt, 6, 1976, pp. 227-234.

Idem, Un port gallo-romain sur la Haine à Pommerreul, Colloque pour « une géographie commerciale de la Gaule », Paris, 1976, in Caesarodunum, 1977, no 12,

PP- 312-325.

Idem, Une installation portuaire d'époque romaine à Pommerreul, Archaeologia Belgica, 192, 1977, 57 p.

G. DE BOE, Roman Ships in a small River Harbour at Pommerreul (Belgium), in Proceedings of the International Conference on Roman Shipping and Trade. Canterbury 7-9 january 1977, (Council for British Archaeology, Re-search Reports) sous pres se.

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Referenties

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