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Y a-t-il un avenir pour le français ? Un regard positif

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Y a-t-il un avenir

pour le français ?

Un regard positif

Nikki Dijkman 5882656 Mémoire de maîtrise

Sous la direction de Petra Sleeman Département de français

Université d'Amsterdam Août 2014

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Table des matières

Introduction 3

1. L’évolution de la langue française : l’émergence d’une langue universelle 4

1.1. L’histoire du français 4

1.2. La politique linguistique 8

1.2.1. L’Ancien Régime 8

1.2.2. La Révolution 9

1.2.3. XIXE siècle et début du XXE siècle 10

1.2.4. Fin du XXE siècle et situation actuelle 11

1.3. Développement du français dans le monde 12

2. La vision négative 16

2.1. L’influence de l’anglais 16

2.1.1. Les différents types de franglais 18

2.2. Le langage des jeunes 21

2.3. La féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions 26

2.4. Le statut actuel du français 29

2.4.1. Le français aux Pays-Bas 29

2.4.2. Le français en Afrique 33

2.4.3. Le français comme langue de souvenir 33

2.4.4. Le français dans les organisations internationales 34

3. La vision positive 37

3.1. Les baromètres de Calvet 37

3.2. Le statut actuel du français 40

3.2.1. Le français en Afrique 41

3.2.2. Le français en Haïti 42

3.2.3. Le français au Québec 44

3.2.4. Le français aux Pays-Bas 46

3.2.4.1. DILF, DELF, DALF 46

3.2.4.2. Eurobaromètre 48

3.2.5. Le français à Bruxelles 49

3.2.6. Le français en France 50

Conclusion 53

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Introduction

La langue française est l’objet de débats récurrents sur sa santé et son avenir. Alors que le français était langue universelle au siècle de Rivarol, langue de la diplomatie, de la culture et de prestige, il semble que le français recule ces derniers temps. La perte de l’influence géopolitique de la France et la mondialisation avec la domination de l’anglais ont mis la diffusion et la pratique du français dans le monde dans une situation nouvelle. Puis il y a l’arrivée d’internet, d’autres nouveaux médias et de nouvelles technologies ainsi que des développements sociolinguistiques comme le parler des jeunes qui s’intègre dans toutes les couches de la société. D’un côté les exemples de menaces pour la langue française sont nombreux. De l’autre, il y a des recherches qui montrent que le français sera la langue la plus parlée au monde en 2050.

Il est intéressant de voir si le français est en danger ou pas. Autrement dit, la question de savoir à laquelle j’essaierai de répondre dans ce mémoire est : y a-t-il un avenir pour le français ? Je répondrai à cette question en trois parties. Pour faire une projection sur l’avenir, il faut d’abord étudier le passé puis analyser la situation actuelle. Je commencerai donc par l’évolution de la langue française (en France, et dans le monde) qui sera traitée dans le premier chapitre. J’y parlerai aussi de la riche tradition d’interventionnisme linguistique en France. Ensuite, je passerai à la situation actuelle. Je me concentrerai sur deux choses : la langue française elle-même, et son usage. Evidemment je ne pourrais pas traiter tous les changements dans la langue, ou l’usage du français dans le monde entier. Il faudra plus de recherches pour une image complète. J’ai choisi quelques exemples pour illustrer des visions négatives ainsi que ma vision positive sur l’avenir du français. Dans le chapitre 2 je donnerai quelques exemples qui illustrent la vision négative montrée dans la littérature. Ce chapitre porte entre autres sur l’influence de l’anglais, le langage des jeunes, la féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions. Je parlerai aussi de l’usage du français dans certains endroits dans le monde et dans les organisations internationales. Comme l’indique le titre de ce mémoire, j’essaierai de relativiser cette vision négative. Dans le chapitre 3 j’illustrerai ma vision positive à l’aide des baromètres de Calvet, et je traiterai de nouveau le statut actuel du français dans certains endroits dans le monde. Cette vision positive est basée partiellement sur ma recherche personnelle, qui consiste surtout dans la collection de données. L’ensemble me permettra de répondre à la question essentielle : y a-t-il un avenir pour le français ?

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1. L’évolution de la langue française : l’émergence d’une langue universelle

En 1784 déjà, Rivarol insistait sur la qualité principale du français, la clarté, et lui prêtait les qualités qui semblaient alors appartenir à l’esprit français :

« Dégagée de tous les protocoles que la bassesse invente pour la vanité et le pouvoir, elle en est plus faite pour la conversation, lien des hommes et charme de tous les âges, et puisqu’il faut le dire, elle est de toutes les langues la seule qui ait une probité attachée à son génie. Sûre, sociale, raisonnable, ce n’est plus la langue française, c’est la langue humaine. » (Korpa1)

Actuellement, le français est considéré comme une langue très standardisée et ayant une longue tradition d’interventionnisme linguistique. Elle bénéficie d’une représentation élitiste et figée, peu évolutive et peu fonctionnelle. Dans ce chapitre je répondrai à la question de savoir d’où vient cette image. D’abord je commencerai par une brève histoire de la langue française. Comment s’est-elle développée (en France) et comment s’est-elle répandue dans le monde ? Quelle est la politique linguistique menée ?

1.1. L’histoire du français

Selon Leclerc (2014 : L’expansionnisme linguistique du monde romain2), l’histoire de la langue française commence avec la conquête de la Gaule par les armées romaines sous Jules César, alors consul, de 58 à 51 av. J.-C. C’est la célèbre « guerre des Gaules ». Lorsque les Romains conquièrent la Gaule, ils y trouvent plusieurs peuples qui parlent des langues différentes. On y trouve entre autres des Gaulois, mais aussi des Grecs, des Ibères, des Germains et des Ligures. Les soldats et les commerçants romains ont importé avec eux le latin vulgaire, qui est peu à peu adopté par tous. C’est ainsi qu’à la fin de l’Empire romain, les Grecs, Ibères et Germains étaient entièrement romanisés. En Gaule, le latin fonctionne comme langue de l’écrit et de l’administration, tandis que la langue qui reste, le gaulois, (de tradition orale puisqu’il ne dispose pas d’une écriture propre) continue d’avoir la fonction de langue d’échange.

1

Via http://www.korpa.fr/rivarol/

(5)

Petit à petit, les Romains implantent partout leur système administratif et transforment profondément les peuples conquis. Ils n’imposent pas vraiment le latin aux vaincus; ils ignorent simplement les langues « barbares » et s’organisent pour que le latin devienne indispensable aux élites locales. Le latin devient la langue de la promotion sociale, de la puissance financière et de l’armée. D’autres facteurs pour l’expansion du latin sont les colonies romaines et le réseau routier efficace (Leclerc 2014 : L’expansionnisme linguistique du monde romain3). Cette période de bilinguisme dure jusqu’à la fin du IVE siècle selon certains (Chaussée 1989 : 167), ou du VE siècle selon d'autres (Lambert 1994 : 10). A partir de ce moment-là, la langue gauloise avait presque totalement disparu au profit d’un latin déformé par l’accent gaulois, et imprégné de mots germaniques, correspondant aux diverses invasions (entre autres les Burgondes, les Wisigoths et bien sûr les Francs). Dans la version numérique du Petit Robert 2014 on peut repérer, aujourd’hui encore, une centaine de mots d’origine gauloise tels que alouette, balai, mégot ou tonneau. Un peu plus de mots d’origine germanique : artillerie, banc, gagner et rôtir se trouvent toujours dans le dictionnaire. En général, les linguistes avancent le VIIIE siècle comme la date indiquant le passage du latin au roman. Lusignan (2004) constate qu’au milieu du VIIIE siècle, « le degré de compréhension orale entre le discours des lettrés et celui des gens ordinaires dans l’aire romane était suffisant pour les rattacher à la même langue » (Lusignan 2004 : 22). Evidemment, la langue latine (avec ses diverses composantes), n’a pas changé partout au même moment. Ces importantes transformations se sont étendues, selon les régions, de la fin de l’Empire romain jusqu’à la première moitié du IXE siècle. En 813, le concile de Tours stipule que les sermons dans l’Ouest de l’Empire de Charlemagne devront désormais être prononcés en « rusticam Romanam linguam » ou langue romane rustique, et non plus en latin afin d’être compris par tous, ce qui montre en fait la distance qu’avait prise la langue parlée par rapport au latin (Leclerc 2014 : L’expansionnisme linguistique du monde romain4). Le premier texte officiel conservé en langue romane est celui des Serments de Strasbourg conclus en 842 entre les deux petits-fils de Charlemagne (Johansson 2007 : 5). Les serments reprennent la promesse d’assistance que Louis le Germanique adresse en français à son frère Charles le Chauve contre Lothaire si celui-ci venait à l’attaquer (Tétu 1997 : 38). Louis se prononce en langue romane de sorte que les soldats de Charles puissent comprendre l’engagement que prenait Louis vis-à-vis de son frère. Son choix d’utiliser du ‘français’, montre que le latin n’était plus suffisamment compris par le

3

Idem

(6)

peuple et qu’il fallait donc recourir à la langue vernaculaire (Académie française : Le français aujourd’hui5

).

Un autre texte important est la Séquence de sainte Eulalie (880-881), suite de 29 vers qui raconte la vie exemplaire d’une jeune fille martyrisée au IVE siècle. Dans ce texte, considéré comme le premier texte littéraire en ancien français, on reconnaît déjà un peu plus le français contemporain (Académie française : Le français aujourd’hui6). Malgré ces premiers textes on ne parle pas encore de la langue française à cette

époque. La langue parlée avait pris différentes formes selon les régions (voir l’image 17). En gros, on distinguait trois principaux dialectes : (1) la langue d’oc, (2) la langue d’oïl et (3) le franco-provençal. La langue d’oc (1) est une langue dans laquelle « oui » se dit « oc », avec un parler plus proche du latin. Dans la langue d’oïl (2) « oui » se dit « oïl », cette langue est influencée par les langues germaniques. Le franco-provençal (3) est un parler d’occitan qui se rapproche de la langue d’oc. Hors ces trois principaux dialectes il y a de nombreux parlers plus régionaux, tels que le picard, le breton ou le basque (Johansson 2007 : 5). « Avec l’établissement et l’affermissement de la monarchie capétienne, c’est la langue d’oïl qui s’impose progressivement » (Académie française : Le français aujourd’hui8). A l’époque, la France est un pays bilingue : d’une part, la grande masse de la population parle la langue vulgaire (ou vernaculaire) ; d’autre part, le latin est toujours la langue de l’Église, des clercs, des savants, de l’enseignement (Johansson 2007 : 5), et c’est aussi « l’idiome commun qui permet la communication entre des peuples aux dialectes plus ou moins bien individualisés » (Académie française : Le français aujourd’hui). La « langue du roi », le parler de la cour et de l’Île de France, commence à être mieux reconnue à partir de la fin du XIIE siècle. L’usage du français s’étend grâce aux progrès de l’administration et de la justice royale dans le pays. Inversement, l’essor de la langue française et la généralisation de son emploi sont des aspects importants dans la construction de la nation française. C’est à partir de la Renaissance que la question de la fixation de cette 5 Via http://www.academie-francaise.fr/la-langue-francaise/le-francais-aujourdhui 6 Idem 7 Via http://www.college-jean-monnet-broons.ac-rennes.fr/?Qu-est-ce-que-le-gallo 8 Via http://www.academie-francaise.fr/la-langue-francaise/le-francais-aujourdhui

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langue se pose fortement. Dans le domaine de la vie pratique, le français remplacera désormais le latin dans tous les documents administratifs, à partir de 1539, quand François 1er prononce la célèbre Ordonnance de Villiers-Cotterêt. Comme le montrent les articles 110 et 111 de cette ordonnance, il faudra à partir de ce moment-là que tous les textes officiels soient rédigés en « langage maternel françois » (Academie française : Le français aujourd’hui9).

Article 110 : Afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence des arrêts de justice, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait, ni puisse avoir, aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demander interprétation.

Article 111 : Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus dans lesdits arrêts, nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel français et non autrement. (Academie française : Le français aujourd’hui10)

Pendant la période qui suit l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), une partie des élites locales adopte progressivement le français. Le français exerce une séduction sur les contemporains, et parler français devient un signe de bonne éducation et une promesse de reconnaissance (Tétu 1997 : 41). Cette note de Philippe de Meyronnet, noble provençal, en est un bon exemple. La note a été rédigée pour son fils qu’il envoie faire ses études supérieures à Paris :

« On doit éviter les phrases provençales que des novices tournent seulement en français, et il faut prendre garde aux expressions ordinaires des gens de Cour et de Paris, et surtout s’appliquer à perdre l’accent du pays et ne parler jamais le patois, et pour y parvenir avec plus de facilité fréquenter le moins qu’on peut les gens du pays sans pourtant faire connaître qu’on les évite. » (Soleil 2000 : 12)

9

Idem

(8)

La langue, instrument de centralisation politique, devient de plus en plus une affaire d’Etat : en 1635, Richelieu fonde l’Académie française , qui est chargée de créer un dictionnaire, une grammaire et de prendre soin de la langue française. Selon Marc Fumaroli, académicien français spécialiste du XVIIE siècle, Richelieu a fondé l’Académie pour « donner à l’unité du royaume forgée par la politique une langue et un style qui la symbolisent et la cimentent » (Académie française : Le français aujourd’hui11). C’est a l’époque de la Révolution que les concepts de langue et nation sont associés pour la première fois. La Convention se rend compte que les patois sont des menaces pour la République une et indivisible; notamment par le rapport de l’Abbé Grégoire sur la nécessité absolue d’abolir les patois12

. Le peuple parle encore beaucoup de patois au XIXE siècle, mais la langue française gagne quand même du terrain. L’usage des patois commence à se raréfier grâce à l’enseignement, faisant partie de l’interventionnisme linguistique française. A partir de 1880, Jules Ferry instaurera l’école laïque, gratuite et obligatoire, dans laquelle l’enseignement se fait naturellement en français.

1.2. La politique linguistique

1.2.1. L’Ancien Régime

C’est surtout avec la fondation de l’Académie française que la langue était devenue une affaire d’Etat. La tâche principale de l’Académie était de donner des règles à la langue française, de la rendre claire, pure et raisonnable afin de la rendre compréhensible par tous. L’Académie devait fournir les références nécessaires à la langue française en élaborant par exemple un dictionnaire avec tous les mots de la langue française (première édition en 1694) et une grammaire (deux essais infructueux eurent lieu vers 1700 et 1932). Une autre tâche était de critiquer les productions d’auteurs. L’Académie, qui existe toujours, définit aujourd’hui le bon usage de la langue française. Elle le fait en élaborant le Dictionnaire de

11 Idem

12 En 1794, l’abbé Henri-Baptiste Grégoire (1750-1831) publie son fameux Rapport sur la nécessité et les

moyens d’anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française. Selon lui, on ne parlait

«exclusivement» le français que dans «environ 15 départements» (sur 83). Devant le Comité de l’Instruction publique, l’abbé Grégoire déclara, le 20 septembre 1793: « Ainsi disparaîtront insensiblement les jargons locaux, les patois de six millions de Français qui ne parlent pas la langue nationale car, je ne puis trop le répéter, il est plus important qu’on ne pense en politique d’extirper cette diversité d’idiomes grossiers qui prolongent l’enfance de la raison et la vieillesse des préjugés. » (Leclerc 2014 ; via http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/france-2politik_francais.htm)

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l’Académie française qui fixe l’usage de la langue, mais aussi par ses recommandations et par

sa participation aux différentes commissions de terminologie (Académie française : Aperçu historique13).

À la fin de l’Ancien Régime, la fragmentation linguistique devenait, d’après Leclerc (2014 : La Révolution française : la langue nationale (1789-1870)14) de plus en plus un obstacle à la mise en place d’un marché national. Le système de poids et mesures, qui différait fortement d’une région à l’autre, en est un bon exemple, car il rend impossible les échanges et les négociations. On souhaite créer un nouveau system national, qui va finalement voir le jour après la Révolution. Ce n’est que le début de l’uniformisation linguistique.

1.2.2. La Révolution

D’après Leclerc (2014 : La Révolution française : la langue nationale (1789-1870)15) les décrets sont encore traduits dans les langues régionales pendant les premières années de la Révolution. Mais très vite, les révolutionnaires vont étendre leur désir d’unification du peuple par la langue. L’unification de la langue va jouer un rôle très important, et est vu comme un prérequis à la démocratie permettant à chacun de comprendre et de contrôler les décisions de l’état.

Durant la seconde terreur, on voit que la politique jacobine a pour objet de faire reculer les dialectes et de généraliser la langue française. Leclerc (2014 : La Révolution française : la langue nationale (1789-1870)16) ose même appeler cette période la « terreur linguistique », marquée par les prises de position de Bertrand Barère de Vieuzac17 et par l’action de l’abbé Grégoire. Les révolutionnaires déclarent la guerre aux patois. Le plus emblématique de cette terreur linguistique reste le décret du 2 Thermidor (20 juillet 1794) : 13 Via http://www.academie-francaise.fr/linstitution/apercu-historique 14 Via http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm#3_La_langue_française_de_la_ bourgeoisie 15 Via http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm 16 Idem

17 Bertrand Barère de Vieuzac (1755-1841), membre du Comité de salut public, déclencha l’offensive en faveur

de l’existence d’une langue nationale. Le 27 janvier 1794, il déclare devant la Convention nationale que: « La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c’est trahir la patrie... Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous. » Dans son rapport sur les idiomes qu’il présenta devant la Convention du 27 janvier 1794, Barère expliqua: « Combien de dépenses n’avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes de France ! Comme si c’était à nous de maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires! » (Martin 2004 : 201).

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Article 1 : À compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne

pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française.

Article 2 : Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être

enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française.

Article 3 : Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du Gouvernement qui, à

dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l’exercice de ses fonctions, des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué.

Article 4 : La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui,

après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiomes ou langues autres que le français. (Leclerc 2014 : La Révolution française : la langue nationale (1789-1870)18)

Le décret donne une bonne idée des intentions des dirigeants révolutionnaires. Suite à la chute de Robespierre, le décret était annulé quelques semaines plus tard (en septembre), jusqu’à la diffusion d’un nouveau rapport sur cette matière par des « comités de législation et d’instruction publique ».

1.2.3. XIXE siècle et début du XXE siècle

Au cours du XIXE siècle, l’enseignement en français se développe, mais n’est pas encore obligatoire. C’est quand même l’enseignement qui va jouer un rôle important avec d’autres facteurs (tels que la révolution industrielle, l’exode rural qui en découle et l’apparition du chemin de fer qui permet les voyages) dans le processus de faciliter l’usage du français par les classes populaires. On voit que l’interventionnisme linguistique à l’époque était dirigé contre les patois. A partir des années 1830 la France commence son « génocide culturel » et la politique linguistique française se radicalise (Leclerc 2013 : Le français contemporain19).

A l’époque, les enfants dans les provinces ne parlaient guère le français, même s’il

18

Via http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm

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était enseigné à l’école. Ils reparlaient le patois au logis paternel. En 1831, les préfets des Côtes-du-Nord et du Finistère écrivent à M. de Montalivet, ministre de l’Instruction publique : « [Il faut] par tous les moyens possibles, favoriser l’appauvrissement, la corruption du breton, jusqu’au point où, d’une commune à l’autre, on ne puisse pas s’entendre [...], car alors la nécessité de communication obligera le paysan d’apprendre le français. Il faut absolument détruire le langage breton. » (Leclerc 2013 : Le français contemporain20). De plus, vous connaissez peut être les panneaux affichés « Interdiction de parler breton et de cracher par terre ». A la chute du Second Empire, la Troisième République met en place une instruction primaire obligatoire et laïque pour tous. Dans les années 1880, Jules Ferry met en place des lois qui permettent d’imposer le français sur tout le territoire français, et d’y affaiblir les langues régionales. Cette politique linguistique dirigée contre les patois continue jusqu’à la fin du XXE siècle.

1.2.4. Fin du XXE siècle et situation actuelle

Depuis les années 1950, plusieurs mesures ont été prises en faveur des langues régionales, telles que la loi Deixonne21, la fondation des écoles enseignant en langue régionale et la loi Haby22. Ce ne sont plus les langues régionales qui sont vues comme une menace pour le français, ce sont des langues étrangères, notamment l’anglais. À partir de 1972, des commissions ministérielles de terminologie et de néologie sont constituées. Elles s’emploient à indiquer, parfois même à créer, les termes français qu’il convient d’employer pour éviter tel ou tel mot étranger, ou encore pour désigner une nouvelle notion ou un nouvel objet encore innommés. Ces termes s’imposent alors à l’administration. L’Académie française mentionne quelques exemples (Académie française : Le français aujourd’hui23) : on ne dit plus tie-break mais jeu décisif, baladeur remplace walkman, logiciel se substitue à software, etc. En 1975, la loi Bas-Lauriol rend l’emploi du français obligatoire dans différents domaines, comme l’audiovisuel ou le commerce (publicité, modes d’emploi, factures, etc.), et dans le monde du travail.

Plus récemment, en 1992, le Conseil de l’Europe a adopté la Charte européenne des

langues régionales ou minoritaires qui consacre « le droit imprescriptible de pratiquer une

20 Idem 21

La loi Deixonne en 1951 a permis l’enseignement de quatre langues régionales, le breton, le catalan, l’occitan, et le basque dans les écoles secondaires.

22 En 1975, la loi Haby a déclaré « Un enseignement des langues et des cultures régionales peut être dispensé

tout au long de la scolarité », ainsi toutes les langues minoritaires pouvaient être enseignées dans les écoles.

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langue régionale dans la vie privée et publique » (Leclerc 2013 : Le français contemporain24). Les représentants de la France s’opposent à cette charte qui était néanmoins adoptée à la majorité des membres du Conseil de l’Europe.

Ce qui se passe en 1992 aussi, c’est la modification de l’article 2 de la Constitution de la cinquième République française. La mention « La langue de la République est le français » y a été ajoutée. Se fondant sur ce principe, la loi la plus emblématique de l’interventionnisme linguistique est la loi no

94-665 du 4 août 1994 dite « loi Toubon ». Cette loi a déclaré l’emploi de la langue française obligatoire dans un certain nombre de situations et elle affirme ainsi un droit au français pour les consommateurs, les salariés et le public (Académie française : Le français aujourd’hui25).

En 1999, la France signe finalement la Charte européenne mais refuse ensuite de la ratifier, car sa constitution s’y opposerait. Depuis, ce débat divise la classe politique française : certains hommes politiques sont partisans d’une ratification de la Charte européenne par la France, tandis que d’autres s’y opposent. Même pendant la dernière élection présidentielle cette Charte a été sujet de discussion : Nicolas Sarkozy s’est officiellement prononcé contre la ratification de la Charte du Conseil de l’Europe, alors que le candidat socialiste, François Hollande, a promis qu’il ferait signer la Charte. En étudiant la législation linguistique de la France, j’ai constaté que la France a en effet une longue tradition d’interventionnisme linguistique. J’espère en avoir donné une idée dans ce paragraphe. Pour moi il est clair que la France a adopté une quantité impressionnante de lois portant sur la langue française, les cultures et les langues régionales.

1.3. Développement du français dans le monde

Comme je l’ai montré, le français s’est développé en France, mais s’est répandu dans le monde entier. La volonté d’instaurer une langue unique dans l’ensemble du territoire, décrite dans le paragraphe précédent, concerne également l’empire colonial français. L’usage imposé de la langue française, principalement dans les documents officiels et dans l’enseignement, vise à élever le niveau culturel de la population par l’instruction publique ainsi que par la diffusion d’une langue commune et internationale. Non seulement à

24

Via http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s9_Fr-contemporain.htm

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l’intérieur de l’hexagone les langues (régionales) demeurent victimes d’un impérialisme linguistique, mais aussi les langues d’outre-mer. Selon Leclerc (2013 : Le français contemporain), l’une des marques les plus récentes en est peut-être l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Leclerc (2013 : Le français au Grand Siècle (1594-1715)26) avance 1661, l’année dans laquelle commence le règne personnel de Louis XIV comme la date où commence l’histoire du français à l’étranger. Louis XIV est un roi absolu et sa soif du pouvoir le pousse à rechercher et à obtenir en partie l’hégémonie en Europe, ce qui fait que son long règne fut une suite ininterrompue de guerres. Sous Louis XIV, la France acquit de nouvelles provinces: Bretagne, Lorraine, Alsace, Roussillon, Artois, Flandre, Franche-Comté. Le ministre Colbert y impose le français partout dans les actes publics.27 Par ses acquisitions territoriales, par le prestige de ses victoires, par l’influence qu’elle exerçait en Europe, la France devient la plus grande puissance du continent.

La grande bénéficiaire de l’expansion de la France et de sa prospérité est la bourgeoisie. Au peuple, pressuré par les impôts et affamé pendant les mauvaises années, il restait la possibilité de s’expatrier dans les nouvelles colonies, notamment au Canada, en Louisiane et aux Antilles. Même au Canada le puissant ministre Colbert a bien tenté de lancer un « programme de francisation » en 1668 destiné aux « Sauvages », mais celui-ci ne s’avère pas très efficace (Leclerc 2013 : Le français au Grand Siècle (1594-1715)28). En Acadie et sur les rives du Saint-Laurent par contre, le français est couramment employé. La variété parlée par les « Français du Canada » est fort influencée par les origines du français régional des habitants, surtout de la Normandie et de l’ouest de la France. Les témoins ne peuvent pas distinguer le « francophone » de la Nouvelle-France de celui de la mère patrie. Avec le traité d'Utrecht de 1713, la France du Grand Siècle perdit l'Acadie, l’île de Terre-Neuve et la baie d’Hudson, prélude à la chute de la Nouvelle-France (1760) (Leclerc 2013 : Le français au Grand Siècle (1594-1715)29). Au Québec, le français s’emploie toujours. Aux Antilles, la situation était différente chez les Noirs et les Blancs. Les colons français parlaient un français populaire, mais ce qu’ont créé les Noirs, c’est un créole (à base lexicale française) qui a dominé et remplacé le français. Le français laisse toujours ses traces dans les anciennes régions du premier espace colonial.

26 Via http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s6_Grand-Siecle.htm

27 Pour le Béarn en 1621, pour la Flandre en 1684, pour l’Alsace en 1685 et pour le Roussillon en 1700. 28

Via http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s6_Grand-Siecle.htm

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En ce qui concerne le continent européen, c’est sous le règne de Louis XIV que la langue française bénéficie du prestige de sa monarchie, son extension est alors considérable. Le français était particulièrement diffusé en Angleterre et aux Pays-Bas, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en Italie, dans les pays scandinaves (Danemark, Suède et Norvège), en Hongrie, en Pologne, en Russie tsariste. En fait, « il n’existait guère une cour allemande ou italienne, où l’on ne trouvait pas des Français ministres, ingénieurs, fonctionnaires, chambellans, maîtres de ballet, académiciens, peintres ou architectes qui exportaient le français » (Leclerc 2013 : Le français au Grand Siècle (1594-1715)30). Paris était alors la capitale universelle. C’est comme le disait le grammairien jésuite Dominique Bouhours (1628-1702) sur la langue française: « Il n’y a guère de pays dans l’Europe où l’on n’entende le françois et il ne s’en faut rien que je ne vous avoue maintenant que la connaissance des langues étrangères n’est pas beaucoup nécessaire à un François qui voyage. Où ne va-t-on point avec notre langue? » (Leclerc 2013 : Le français au Grand Siècle (1594-1715)31). Frédéric II, roi de Prusse, parlait un français parfait aussi. Il fonde l’Académie royale de Berlin qui demande de réfléchir sur les causes de l’universalité de la langue française, sur le mérite de cette langue et c’est Antoine de Rivarol qui remportait le prix avec son Discours

sur l’universalité de la langue française.

La France à l’époque du Grand Siècle a donc connu une période relativement glorieuse. Cette période a permis au français de s’imposer de façon incontournable en France, dans le reste de l’Europe et dans ses nouvelles colonies. Leclerc (2013 : Le français au Grand Siècle (1594-1715)32) remarque qu’à l’époque, il n’y avait plus de vrais nouveautés dans la langue, mais qu’elle a été consolidée dans ses acquis politiques, sociaux et culturels. Lors de la création de l’empire colonial français, le français devient la langue obligatoirement enseignée dans toutes les colonies. Il est en priorité enseigné aux enfants de l’élite locale ou aux chefs de tribus. Lors des indépendances, et surtout en Afrique subsaharienne, cette élite formée en français gardera souvent la langue coloniale comme langue officielle. Le statut actuel du français dans certaines de ces anciennes colonies, et d’autres pays, sera traité dans les prochains chapitres.

30 Idem 31

Idem

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Le chapitre présent donne une idée de l’évolution de la langue française. C’est grâce à sa riche tradition interventionniste linguistique qu’on a l’impression qu’elle est si standardisée et figée et qu’elle a une bonne position dans le monde. Mais beaucoup de linguistes ne sont pas d’accord : ils pensent que la langue subit trop de changements et sont plutôt négatifs en ce qui concerne l’avenir du français. Dans les prochains chapitres je parlerai de ces changements et de la position de la langue française. Sont-ils vraiment si négatifs ?

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2. La vision négative

Dans le chapitre précédent, j’ai présenté très brièvement l’évolution de la langue française et son histoire de politique linguistique. J’ai montré comment elle est devenue une langue universelle. Dans ce chapitre, je parlerai de la vision négative que certains linguistes ont sur les changements linguistiques actuels et sur la position de la langue française dans le monde.

2.1. L’influence de l’anglais

Selon la littérature contemporaine, la plus grande menace pour la langue française est l’influence de l’anglais. Diverses raisons sont avancées pour expliquer le développement de cette influence : il y aurait la régression du grec et du latin dans les études, l’hégémonie de l’anglais comme langue de communication internationale et le mimétisme culturel (Tournier 1998 : 14-15). Surtout dans les jeunes générations, l’anglais tend à acquérir le statut de langue de prestige au détriment de la langue française. Même si, comme le disait Grigg, : « neither the intrusion of foreign loan words into the language – the main cause of current fears – nor the French authorities’ insistence on regulating language use is a recent occurrence » (Grigg 1997: 368), l’influence de l’anglais est considérée comme une menace.

Pour comprendre la situation actuelle, il faut d’abord étudier le passé. « We need to be aware of past influences on French, and to realize that, unlike in Britain where there are no official bodies governing the language, in France the state of affairs is quite different » (Grigg 1997: 369). Comme je l’ai montré dans le chapitre précédent le latin reste l’influence la plus grande au français jusqu’au XVIE siècle. Mais d’autres langues, telles que l’anglais, ont aussi leur influence sur la langue française. Les premiers emprunts à l’anglais datent de l’époque de la conquête normande de l’Angleterre (à partir de 1066). Ironiquement, a l’époque, le français influençait beaucoup l’anglais (Grigg 1997 : 369). Jusqu’au XIXE siècle, les deux langues s’influencent l’une l’autre. C’était surtout au XVIIIE siècle que le français adoptait beaucoup de mots anglais, grâce à une attitude plus libérale envers les emprunts. La révolution industrielle qui commence en Grande-Bretagne, met donc fin à cet équilibre. Le français adopte surtout la terminologie de la politique, du domaine judiciaire, des chemins de fer (ticket, ballast, tender, rail, tunnel, wagon) et de l’industrie textile (mackintosh, jersey) (Grigg 1997 : 369).

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Grigg (1997) nous montre que, malgré la longue relation qu’ont l’anglais et le français, l’anglais est tout de même une menace actuelle car « from a French viewpoint, rather than improving, the situation has worsened in the twentieth century, with Anglicisms entering the language at what some think an alarming rate, the difference being that the United States had taken over the mantle from Britain in being the linguistic oppressor » (Grigg 1997 : 370). L’influence de l’anglais croît donc depuis la fin du XXE siècle, notamment due à la mondialisation des échanges commerciaux et technologiques, dominés par le monde anglo-américain. En 1955, on a même introduit le mot franglais pour désigner « any manifestation of Anglicized French… vocabulary, pronunciation or syntax » (Grigg 1997 : 370). Le terme franglais a été popularisé par Etiemble dans son célèbre pamphlet paru en 1964, Parlez-vous

franglais?

Selon Grigg (1997) « one reason why the domains of trade and commerce in France rely heavily on the use of Anglicisms is America’s position as the world financial superpower. In order to compete in the global market, French bankers and industrialists must be able to communicate in the universal business language: English » (Grigg 1997: 379). Et bien sûr, on entend beaucoup d’anglais à la radio, à la télé et au cinéma. Un autre domaine dans lequel l’anglais est présent est celui de la publicité.

Un sondage en 1994 montre que la menace de l’anglais n’est pas seulement une affaire d’État. En avril 1994, quelques mois avant l’implémentation de la loi Toubon (voir chapitre 1), 61% des Français pensaient qu’il était une bonne idée de prendre des mesures contre le franglais (Grigg 1997 : 373). Grigg (1997) note aussi que cette menace semble aller de pair avec une peur encore plus grande : « the fact that French itself is losing status in international matters whereas at one time it was the premier language, particularly in diplomatic circles » (Grigg 1997 : 370).

L’utilisation de l’anglais devient alors de plus en plus fréquente dans le français contemporain. La menace peut donc être justifié, car j’ai constaté que dans la version numérique du Petit Robert 2014, on trouve au total 2953 mots d’origine anglaise, dont 1009 sont apparus dans le dictionnaire à partir de 1950. En même temps, on peut mettre les chiffres en perspective : le dictionnaire contient environ 300 000 mots au total. Il ne s’agit donc même pas de 1% des mots du lexique français.

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2.1.1. Les différents types de franglais

La plupart des anglicismes sont des mots qui sont entièrement adoptés par le français. C’est-à-dire que ni l’orthographe, ni la prononciation (mais souvent un accent français est ajouté) ni le sens du mot change. Il s’agit souvent de mots pour lesquels il n’existe pas d’équivalent en français (Grigg 1997 : 374). Selon Mar (2007), quelques mots anglais sont ainsi « bien ancrés dans la langue française, tels que basket, boss (chef, patron), caddie (charriot), checkup, coach (entraîneur), one-man show (spectacle mené par un seul artiste),

self-control (maîtrise de soi), self-service (endroit où l’on se sert soi-même), supporter

(adepte), weekend (fin de semaine), etc. » (Mar 2007 : 56).

Dans certains domaines il existe plus d’emprunts que dans d’autres. Beaucoup de ces emprunts sont par exemple des noms de sports (football, basketball, rugby, tennis, surf, etc.) et des styles musicaux ou des genres de films (country, blues, jazz, rock’n’roll, swing,

western, thriller etc.) (Mar 2007 : 56-57 ; Grigg 1997 : 377). Dans certains domaines, le

vocabulaire ou jargon anglais prédomine (en informatique, dans le commerce, etc.) et il existe une prétendue absence ou faiblesse du vocabulaire français. Beaucoup de (jeunes) Français utilisent par exemple des mots comme chatter, news, email, messenger.

Il existe aussi des mots qui ont été francisés, c’est-à-dire qui sont adaptés à l’orthographe française, alors que la prononciation et le sens du mot ne changent pas (Grigg 1997 : 375). Par exemple bouledogue (bulldog), fioul (fuel), bifteck (beef steak). Une autre influence de l’anglais est la terminaison -ing. La langue française a créé de nombreux substantifs en ajoutant la terminaison -ing à des mots anglais: camping, forcing, marketing,

packaging, parking, shampoing, etc. (Mar 2007 : 57).

Selon Mar (2007) on trouve même des mots anglais dans le lexique français qui n’existent pas en anglais. Par exemple les mots pressing (dry-cleaner en anglais, nettoyeur / dégraisseur en français), caravaning (going camping with a caravan en anglais, le caravanage en français), jogging (tracksuit en anglais, survêtement en français), etc. (Mar 2007 : 58). Tous ces emprunts « ont conduit le gouvernement à créer en 1972 des Commissions ministérielles de terminologie et de néologie dans le cadre du Haut Comité de la langue française » (Guilford 1997: 118). Ces commissions doivent formuler des recommandations pour l’usage de termes relatifs à un secteur donné (par exemple l’automobile, le droit, l’environnement ou le pétrole et le gaz). C’est ainsi que le mot « logiciel », proposé à la commission de l’informatique par Philippe Renard en 1970, a supplanté en moins de dix ans le terme anglais software et que « baladeur », conçu en 1983 par la commission de

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l’audiovisuel et de la publicité, a remplacé walkman (Grigg 1997 : 377). La loi Toubon (voir le chapitre 1), est un autre bon exemple de la lutte contre le franglais.

La recherche de Guilford (1997) nous montre que, souvent, ces recommandations officielles ne sont pas connues et/ou utilisées. L’auteur a mené deux enquêtes auprès des étudiants du 1er cycle en Sciences Humaines à Paris III. La première enquête nous montre que la connaissance des termes français est de loin inférieure à celle des emprunts anglais. De l’emprunt sponsor par exemple, 74,3% des étudiants connaissent la bonne définition du mot, alors que de l’équivalent français commanditaire (parain) seulement 14,3% étudiants connaissent la bonne définition. Une autre conclusion tirée de la recherche de Guilford (1997) est que « les termes français sont rarement employés et en tout cas moins que les emprunts anglais » (Guilford 1997: 130). Au total, la première enquête menée par Guilford (1997) donne les résultats suivants :

Tableau 1 : résumé des résultats principaux de la première enquête de Guilford

Inconnus Non-utilisés Sens faux ou indécis

Emprunts 23,6% 43% 37%

Equivalents français

62% 89% 89,5%

La conclusion de sa deuxième enquête est que « les résultats témoignent d’un taux d’acceptation des anglicismes très élevé parmi les jeunes Français. De plus, la plupart des termes équivalents français recommandés par les Commissions de terminologie n’ont pas réussi à pénétrer d’une façon durable dans les vocabulaires actif et passif de ces Français, sans parler de remplacer les emprunts visés » (Guilford 1997: 132-133).

Pour ceux qui sont contre l’usage du franglais, et c’est ce que montre la recherche de Guilford (1997) aussi, les jeunes sont le plus grand problème. Ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la culture populaire américaine. Ils écoutent de la musique américaine et anglaise, et de plus en plus de films Hollywood sont au cinéma en version originale. Ce sont aussi les jeunes qui, plus que leurs parents ou grands-parents, ont tendance à résister aux recommandations officielles (Grigg 1997 : 378). Les jeunes ridiculisent parfois ces recommandations. « Perhaps surprisingly, given France’s gastronomic fame, French youth do have a mania for American fast-food and have therefore quickly learnt ‘cheeseburger’ (originally banned under the Toubon ruling, even without an alternative being suggested),

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‘hamburger’ (deemed acceptable, as the previous recommendation, steack haché, proved unpopular), ‘McChicken’ and the compound ‘fast-food’ itself (recommended alternatives being restovite and restaurant rapide) » (Grigg 1997: 378).

Mar (2007 : 58) note que l’influence de l’anglais est moindre dans le domaine de la sémantique, morphologie et syntaxe. Pour ce qui est de la sémantique, l’influence anglaise sur la langue est sensible dans les traductions approximatives, entre autres à cause des faux-amis et des expressions calquées sur l’anglais : J’ai une opportunité d’emploi (opportunity) pour possibilité d’emploi. En informatique, library se traduit par « librairie » au lieu de bibliothèque. Quant à la syntaxe, selon Rowlett (2006) le franglais reprend certaines formes syntaxiques anglaises :

• le placement de l’adjectif avant le nom plutôt qu’après. Par exemple : la « positive attitude » au lieu de « l’attitude positive » ;

• l’utilisation d’adjectifs à la place d’adverbes ;

• le placement de l’adverbe en -ment avant le participe passé : « organismes génétiquement modifiés » au lieu de « organismes modifiés génétiquement »

• l’usage croissant de la forme passive, initialement beaucoup plus répandue en anglais qu’en français, qui supplante l’actif, régime habituel du français (« des travaux ont été entrepris » au lieu de « on a entrepris des travaux ») ;

• l’inversion du complément de nom dans les noms de magasins, de restaurants, d’hôtels, d’enseignes, de festivals, de rencontres sportives, etc. (« Alpes Hôtel » au lieu de « Hôtel des Alpes », « le Nice Jazz Festival » au lieu de « le Festival de Jazz de Nice », « la Biarritz Cup » au lieu de « la Coupe de Biarritz » (compétition de golf)) ; • la mise d’une majuscule à tous les composants des appellations d’organismes,

d’institutions, d’associations (comme dans « Association Les Plus Beaux Villages de France ») et à des noms communs (exemples pris sur le site Internet de notrefamille.com : « Que Révèle votre Prénom », « Le Bébé du Mois », etc.) (influence de la pratique anglaise dite upstyle) (Rowlett 2006 : 624-626).

Dans ce paragraphe j’ai d’abord montré que l’anglais et le français s’influencent l’un l’autre depuis des siècles. L’influence de l’anglais sur la langue française est devenue plus grande

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depuis les années ’50 du siècle dernier. J’ai ensuite donné quelques exemples de franglais, surtout utilisé par les jeunes.

2.2. Le langage des jeunes

Les jeunes font subir à la langue française de nombreux changements, non seulement en utilisant du franglais. Les jeunes ont leur propre langage. Ce paragraphe vise à montrer à quel point le langage des jeunes change la langue française. Ce langage, appelé aussi le « français banlieusard » ou le « français des cités » (Mauger 1998 : 29-39), s’intègre très vite dans toutes les couches de la société grâce aux médias. « Un journaliste sportif évoque le Dak puis, plus loin, le Dakar, à propos de la course fameuse qui conduit les concurrents de Paris à Dakar, pour passer ensuite à l’enduro du Touquet avec ses Kawas et ses Yamas » (Borrell 1986: 69). Ce qui est remarquable, ce n'est pas la création lexicale en soi, son histoire est riche, mais c’est surtout l’appropriation du vocabulaire ou d’une partie du vocabulaire par les autres générations.

Le langage fonde, comme tous les langages, une identité à l’intérieur d’un groupe social. Mais cette fonction identitaire n’est pas la seule fonction qu’il a. Selon Sourdot (2002) les autres critères fonctionnels sont le critère cryptique (les jeunes cherchent continuellement à renouveler le vocabulaire pour pouvoir en être les uniques détenteurs) et le critère ludique. « La création de néologismes se fait de plusieurs façons » (Borrell 1986 : 74). Borrell (1986) distingue quatre types : (1) modification du signifié sur un signifiant ancien ; (2) modification du signifiant qui garde le même signifié ; (3) modification du signifiant et du signifié et (4) la rhétorique. A l’aide de cette même distinction qu’utilise Borrell (1986 : 74-83), j’expliquerai les principaux procédés utilisés par les jeunes de plus près.

I. Nouveaux signifiés

A. Par polysémie simple

Sur un signifiant ancien, un nouveau signifié est ajouté. Par exemple : un cigare n’est

lllllll pas seulement le petit rouleau de feuilles de tabac que l’on fume, mais il désigne aussi llllllllll « une tête ».

B. Par changement de construction syntaxique

1. Des verbes normalement transitifs sont utilisés absolument.

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llllllll craint qui signifie « il est nul, c’est mauvais ».

2. On pronominalise des verbes, sans détermination.

llllllll Par exemple : je me plante qui signifie « je fais une erreur ».

3. Certaines constructions sont incomplètes.

Dans ces cas, il manque le prédicat attendu. Par exemple il est trop qui signifie

llllllllll l« il y a quelque chose d’excessif en lui, il ne fait pas vrai ».

C. Par transfert de classe

1. Un nom est utilisé comme adjectif.

Par exemple : c’est canon qui signifie « c’est superbe ».

2. Un adjectif est utilisé comme nom.

Par exemple : c’est un créatif qui signifie « il a l’esprit créateur ».

3. Un adjectif est utilisé comme adverbe.

Par exemple : je le kiffe grave qui signifie « je l’aime beaucoup ».

II. Nouveaux signifiants

A. L’emprunt

1. Aux langues étrangères

Ces emprunts viennent surtout de l’anglais (voir §2.1), mais aussi d’autres

lllllllllllllllllll langues comme l’arabe, le tsigane ou des langues africaines. Par exemple : llllllllllllllllllll biatch (et le verlan iatchbi, tchébi ou tcheubi) de l’anglais qui signifie

llllllllllllllllllll « prostituée, putain » ; zouz, de l’arabe qui signifie « femme, fille » ; marav du

llllllllllllllllllll tsigane qui signifie « battre, frapper, tuer » ; go du wolof qui signifie « femme,

llllllllllllllllllll fille ».

2. A des lexiques parallèles, essentiellement l’argot

Ces mots sont connus depuis longtemps mais ont un nouveau signifiant. Par

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B. La dérivation

1. Par suffixation

On ajoute de préférence quelque chose qui est rare dans la langue française : -o, -os, -oque, -aque, -ard, etc. Par exemple : calme qui donne calmos ou

flemmard ce qui veut dire que quelqu’un a la « flemme » c’est-à dire qu’il est

paresseux.

2. Par préfixation

De nombreux mots sont créés, par exemple : archinul, giga-faux, méga-fan,

llllllllllllllllllll lsuper-potes, hyper-génial, ultra-mode.

C. Les abréviations

L’apocope et l’aphérèse, par exemple basks pour « baskets » ou blème pour llllllll l « problème » ou chteuss pour dire « je te signale »

D. Le verlan

Le procédé est donc simple: il suffit d'inverser les syllabes des mots, et de les llllllllll

reconstruire à partir de leur prononciation. Mais certains mots ne s’inversent pas

llllllllll toujours de façon logique :

1. Mots de trois syllabes

Les mots trisyllabiques sont peu affectés par la verlanisation. Il existe quand

llllllllllllllllllll même quelques possibilités. (1) Rejet de l’initiale en finale : S1 S2 S3 > S2 S3

llllllllllllllllllll S1. Par exemple : « défoncé »  foncedé. On voit que, souvent les

trisyllabiques sont transformés en dissyllabiques. C’est-à-dire : on garde trois

lllllllllllllllll syllabes dans la graphie, mais dans la prononciation il n’y en a que deux.

Une autre possibilité est (2) l’inversion totale des syllabes : S1 S2 S3 > S3 S2

llllllllllllllllllll S1. Par exemple : « calibre » brelica. On peut aussi (3) déplacer la finale :

llllllllllllllllllll S1 S2 S3 > S3 S1 S2. Par exemple : « enculé » léancu.

2. Mots de deux syllabes

a. dissyllabes verlanisés en dissyllabes

C’est le cas le plus fréquent, on inverse seulement les deux syllabes. Par

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b. syntagmes dissyllabiques verlanisés en trisyllabes

C’est un cas exceptionnel. Borrell (1986) mentionne « lâche-moi » 

llllllllllllllllllllllllllllllllchelaoim.

c. dissyllabes verlanisés en monosyllabes

Dans ce cas, il n’y a pas seulement inversion, mais aussi transformation

lllllllllllllllllllllllllllllllllphonétique. Par exemple : « arabe »  rebeu puis beur. Ici , le a a

llllllllllllllllllllllllllll disparu.

3. Mots d’une seule syllabe

a. monosyllabes verlanisés en dissyllabes

Par exemple : « punk »  keupon. Dans le cas de keupon, le e muet est

lllllllllllllllllllllllllllllll ajoutée : [punkə] [kəpun].

b. monosyllabes verlanisés en monosyllabes

On inverse l’ordre des phonèmes. Ainsi, « fond » devient donf, et

lllllllllllllllllllllllllllllll « flic » devient [flikœ], puis [kœfli] et ensuite [kœf] keuf.

III. Nouveaux signifiés sur nouveaux signifiants

A. Avec transfert de classe

1. Des noms sont transformés en verbes

Par exemple : flipper, galérer.

2. Des verbes donnent naissance à des noms

Borrell (1986) mentionne par exemple décideur : « qui a un grand pouvoir de

lllllllllllllllllllll décision » et rouleur « qui frime, qui roule des mécaniques ». B. Avec transfert de classe et pronominalisation

Par exemple : se fringuer qui signifie « s’habiller ».

C. Quelques procédés particuliers

1. Les expressions négatives

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2. Les onomatopées

Par exemple : snif pour la tristesse, beurk pour le dégoût.

3. Les séries

Par exemple : flip, flipper, flippant.

IV. La rhétorique

A. Figures de mots

1. Le redoublement

Par exemple : dur-dur.

2. L’allitération

Par exemple : Cool Raoul, relax Max, pas bête la boulette.

B. Figures de sens

1. La métaphore

Par exemple : bounty qui signifie « noir voulant ressembler à tout prix à un

lllllllllllllllllllll blanc » ou airbags pour « la poitrine de femme ».

2. La litote

L’emploi de un peu sert à atténuer la pensée. Par exemple : je suis un peu tout

llllllllll llllllllllseul.

3. L’oxymore

Ce sont des expressions incompatibles ou même contradictoires. Par exemple :

lllllllllllllllllllll la bonne galère.

C. Figures de pensée

1. La prétérition

On ne parle pas d’une chose pour pouvoir mieux en parler. En utilisant par

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2. L’antiphrase

On dit le contraire de ce que l’on pense. Par exemple : ça fait mal dans le sens

lllllllllllllllllllll de « c’est excellent ».

Et ce ne sont que les procédés les plus utilisés… Les procédés utilisés sont tellement nombreux, et ne sont pas utilisés que par les jeunes, ce qui montre qu’ils s’intègrent très vite dans toutes les couches de la société. Ainsi, on pourrait juger ce parler « branché » menaçant pour le français standard. Dans le paragraphe suivant je parlerai d’une autre menace pour la langue française : la féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions.

2.3. La féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions

La question de la féminisation crée des problèmes aux Français. Et il y a de nombreux débats sur ce sujet. En 1984, la Commission Roudy réalise une étude sur les discriminations fondées sur le sexe en France. En 1986, cette même commission prescrit la féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions dans tous les textes réglementaires et dans tous les textes officiels émanant des administrations et établissements de l’État dans le Journal officiel. L’Académie française n’est pas d’accord et conclut ainsi :

« En français, la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. » (Académie française : Féminisation des noms de métiers, fonctions, grades et titres33)

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Ainsi, le problème de la féminisation engendre toujours une certaine confusion linguistique et il n’y a toujours pas de consensus et le sujet reste polémique en France. Remarquons au passage, que le même mouvement volontariste a existé depuis plus longtemps dans d’autres pays francophones : la Belgique, le Canada et la Suisse, ainsi qu’en Allemagne. (Mathieu & Pierrel 2009 : 112) L’Académie française, qui s’oppose toujours à la féminisation demande même l’intervention du président de la République. « L’Académie française déplore les dommages que l’ignorance de cette doctrine inflige à la langue française et l’illusion selon laquelle une grammaire « féminisée » renforcerait la place réelle des femmes dans la société » (Académie française : Féminisation des noms de métiers, fonctions, grades et titres34). L’inflexibilité de l’Académie suscite des protestations chez les associations féminines françaises et aussi chez les ministres femmes du gouvernement qui veulent que la langue évolue au même rythme que la société. Elles revendiquent la féminisation de leurs fonctions. C’est pourquoi lors du Conseil des ministres du 14 décembre 1997, surtout sous l’impulsion de ces femmes du gouvernement qui demandent à être appelées Madame La Ministre, la décision de féminiser les appellations des emplois administratifs est approuvée (Mathieu & Pierrel 2009 : 112).

Ensuite, un guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions est créé. Il s’agit du Femme, j’écris ton nom, élaboré par l’Institut national de la langue française (INALF). A partir de ce moment-là, on constate une accélération du processus de féminisation. Voici les règles les plus importantes :

 Les noms se terminant au masculin par une voyelle : la forme féminine est identique à celle du masculin, ce que l’on appelle une forme épicène, c’est-à-dire qui garde la même forme au masculin et au féminin (libraire, notaire, juge, ministre, vétérinaire). Pour les noms se terminant par -é et –i vaut l’adjonction d’un -e à la finale (avouée,

députée, apprentie).

 Les noms se terminant au masculin par une consonne : pour les noms se terminant par une finale autre que -eur il vaut l’adjonction d’un -e à la finale (avocate, consultante,

écrivaine). Parfois on doit doubler la dernière consonne (chirurgienne, colonelle, électricienne), modifier la dernière consonne (créatif/créative, sportif/sportive,

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syndic/syndique) ou ajouter un accent sur la dernière voyelle (conseillère, greffière, préfète).

Pour quelques mots dont la féminisation est difficile reste la solution de l’épicène (une

chef, une clerc, une témoin) et l’adjonction de -e est facultative pour des mots dont le

féminin est attesté (une camelot(e), une mannequin(e), une matelot(e)). Pour les noms se terminant en -eur (sauf -teur) vaut que la forme féminine se termine en -euse lorsque le nom correspond à un verbe en rapport sémantique direct (chercher/chercheuse, coiffeur/coiffeuse, programmeur/programmeuse). Quelques mots formés sur une base nominale ou formés à partir d’une base nominale anglaise (avionneur/avionneuse, footballeur/footballeuse) sont formés de la même façon. Les formes féminines anciennes en -esse (défenderesse, demanderesse, venderesse) sont conservées dans la langue juridique.

Dans le cas où il n’y a pas de verbe correspondant au nom, ou si le verbe n’est pas en rapport sémantique direct, on utilise la forme épicène ou l’adjonction d’un -e final (une assesseur(e), une censeur(e), une entrepreneur(e)). Pour les noms issus de comparatifs latins vaut qu’ils ont un féminin régulier en -eure (une prieure, une

supérieure).

 Les noms se terminant par -teur : la forme féminine se termine par -trice s’il n’existe pas de verbe correspondant au nom (agriculteur/agricultrice) ou si le verbe est apparu postérieurement au nom (acteur/actrice), si le verbe correspondant au nom ne comporte pas de -t dans sa terminaison (conduire/conducteur/conductrice), s’il existe un substantif corrélé au nom se terminant par -tion, -ture ou -torat (agricultrice,

animatrice, directrice). De plus, cette règle s’applique aux noms empruntés à l’anglais

(supporteur/supportrice). Si ces conditions ne s’appliquent pas au nom, la forme féminine se termine par -teuse (batteuse, étiqueteuse).

Les abréviations et sigles : la forme féminine est épicène (une PDG).

 Les mots empruntés dans l’intégralité à une langue étrangère : la forme féminine est épicène (une clown, une gourou).

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Dans ce paragraphe, j’ai montré à quel point le français a dû changer pour ce qui est de la féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions. Il s’agit de changements auxquels l’Académie française s’était opposée, puisqu’elle les jugeait menaçantes pour la langue française. Après avoir parlé des changements linguistiques menaçants pour le français, je me concentrerai sur le statut du français dans le monde dans le paragraphe suivant.

2.4. Le statut actuel du français

En général on a l’impression que le français va mal. Outre les changements linguistiques (décrits dans §2.1, 2.2 et 2.3) que subit la langue française, l’idée est aussi que la place qu’occupe le français dans le monde devient de moins en moins importante. Dans ce paragraphe, je donnerai quelques exemples qui illustrent cette idée.

2.4.1. Le français aux Pays-Bas

La France et le français attirent toujours beaucoup de Néerlandais. Depuis des années, la France est l’une des destinations de vacances les plus populaires parmi les Néerlandais. On trouve beaucoup de mots français dans le lexique néerlandais (garage, bureau, lingerie), grâce à l’influence française aux Pays-Bas et aussi à la place qu’occupait la langue française en Europe pendant le Grand-Siècle. Le néerlandais, à son tour, a laissé ses traces dans la langue française aussi (matelot, bière, boulevard). Les mots néerlandais qu’on retrouve dans le lexique français viennent surtout du domaine de la navigation et de l’industrie (Berg 2004) Aujourd’hui, le français occupe toujours une place importante aux Pays-Bas, même dans l’enseignement secondaire, bien qu’il soit menacé par l’anglais, l’allemand et l’espagnol.

(30)

Tableau 2 : le nombre d’élèves passant l’examen final de français dans l’enseignement secondaire aux Pays-Bas par niveau.35

*BB : basisberoepsgerichte leerweg **KB : kaderberoepsgerichte leerweg

*** GL et TL: gemengde leerweg et theoretische leerweg

Tableau 3: total du nombre d’élèves faisant l’examen final de langues étrangères modernes dans l’enseignement secondaire aux Pays-Bas.36

35

Les chiffres viennent de Centraal Instituut voor Toetsontwikkeling (CITO).

36 Idem 0 2.000 4.000 6.000 8.000 10.000 12.000 14.000 16.000 18.000 20.000 2010 2011 2012 2013 2014 vmbo BB* vmbo KB** vmbo GL et TL*** havo vwo 0 50000 100000 150000 200000 250000 2010 2011 2012 2013 2014 français anglais allemand espagnol

(31)

Les tableaux 2 et 3 nous montrent que le nombre d’élèves passant l’examen final de français dans l’enseignement secondaire a diminué au cours des cinq dernières années. Ceci vaut pour chaque niveau. Le total du nombre d’élèves passant l’examen final de français va de 36.729 en 2010 à 33.190 en 2014 : une baisse de 9,64%. Le tableau 3 montre que le nombre d’élèves passant l’examen final d’anglais et d’allemand ces cinq dernières années est plus élevé que celui du français. En ce qui concerne l’anglais ce n’est pas étonnant puisqu’il s’agit d’une matière obligatoire pour chaque élève. Mais quant à l’allemand, cela signifie que plus d’élèves choisissent de faire de l’allemand. Le nombre d’élèves passant l’examen final en espagnol, même s’il reste restreint, va de 2.472 en 2010 à 2.674 en 2014 : une augmentation de 8,17%. Bref, les élèves néerlandais choisissent plus l’allemand que le français, et choisissent aussi de plus en plus l’espagnol comme langue étrangère moderne. Mais non seulement le nombre d’élèves faisant du français diminue, le nombre d’établissements scolaires qui offrent la possibilité de faire du français diminue aussi, c’est ce que montrent les tableaux 4 et 5. On voit qu’il y a surtout de moins en moins d’établissements scolaires des niveaux vmbo qui offrent aux élèves la possibilité de faire du français. Le total du nombre d’établissements scolaires offrant la possibilité d’étudier le français va de 1.730 en 2010 à 1.657 en 2014 : une baisse de 4,22%. On pourrait donc conclure que l’enseignement du français aux Pays-Bas est de moins en moins populaire.

(32)

Tableau 4: le nombre d’établissements scolaires dans l’enseignement secondaire des Pays-Bas offrant la possibilité de passer l’examen final de français par niveau.37

*BB : basisberoepsgerichte leerweg **KB : kaderberoepsgerichte leerweg

*** GL et TL: gemengde leerweg et theoretische leerweg

Tableau 5: total du nombre d’établissements scolaires ayant la possibilité de passer l’examen final de français dans l’enseignement secondaire aux Pays-Bas.38

37 Idem 38 Idem 0 100 200 300 400 500 600 700 2010 2011 2012 2013 2014 vmbo BB* vmbo KB** vmbo GL et TL*** havo vwo 1620 1640 1660 1680 1700 1720 1740 2010 2011 2012 2013 2014 Nombre d'établissements scolaires

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