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KINSHASAKINSHASAKINSHASAKINSHASA : : : : LE CAUCHEMAR LE CAUCHEMAR LE CAUCHEMAR LE CAUCHEMAR URBANISTIQUE URBANISTIQUE URBANISTIQUE URBANISTIQUE Ejbmphvf

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le jeudi 10 septembre 2009

KINSHASA KINSHASA KINSHASA KINSHASA : : : : LE CAUCHEMAR LE CAUCHEMAR LE CAUCHEMAR LE CAUCHEMAR URBANISTIQUE URBANISTIQUE URBANISTIQUE URBANISTIQUE

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Hors d’œuvre : Interview du RP de Saint Moulin sur la ville de Kinshasa (Blog de Jacques Anneet)

Jésuite et professeur émérite aux Facultés catholiques de Kinshasa, actuelle Université catholique de Kinshasa, Léon de Saint Moulin a adopté la RDC comme sa seconde patrie où il vit depuis le 14 août 1959. Dans le cadre du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, il a remonté, sur Télé 7 au cours de l’émission «Conscience historique», à la genèse de la ville de Kinshasa. Notamment, son évolution sur les plans politique, urbanistique, démographique, administratif, économique, etc.

En 1945, la ville de Kinshasa s’arrêtait sur l’avenue Kabinda. Un cimetière se trouvait à l’emplacement actuel de la Radio télévision nationale congolaise (RTNC). L’aéroport de N’dolo était à l’extrémité de la ville. Au début des années 50, on a loti Mboka ya Sika, (Ndlr : la nouvelle cité), aujourd’hui, les communes de Kasa-Vubu et de Ngiri-Ngiri. En 1962, les communes de Ngaliema et de Mont- ngafula appartenaient à la province du Kongo central. Comment se présentait la superficie de la ville de Kinshasa en 1959 ?

Justement, en 1959, j’ai acheté un plan de Kinshasa qui représentait donc la ville à cette époque. La première chose qui frappe, c’est la quantité d’espace libre. Les Barumbu, Kinshasa, St Jean, devenu Lingwala, Bandalungwa qui s’étendait jusqu’à Ngiri-Ngiri, Kasa-Vubu et Kintambo constituent des anciennes cités. Alors, un plan beaucoup plus élaboré était conçu pour tout ce qu’on a appelé les cités planifiées. Ce fut d’abord la cité de Renkin, devenu Matongé, où les rues ne sont plus perpendiculaires les unes aux autres mais des grandes obliques et des espaces beaucoup plus larges réservés aux équipements collectifs. Donc, Matongé était déjà quelque chose de tout à fait neuf qui date, en effet, du début des années 50. Les nouvelles cités, «Mboka ya Sika», Kasa-Vubu et Ngiri-Ngiri, étaient complètement loties en 1950.

Il est exact qu’en 1945, la ville s’arrêtait aux anciennes cités sur l’avenue Kabinda. Mais c’est entre 1945 et 1950 que toutes les nouvelles cités avaient été construites. Et on peut le constater aux noms attribués aux rues de ces communes. Cela m’a frappé déjà à

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l’époque. Saïo, Assossa, Gambela et Birmanie sont toutes les villes où la Force publique avait remporté les grandes victoires pendant la guerre. L’avenue de la Victoire porte ce nom en souvenir de la victoire de 1945. Je l’ai vécu dans ma jeunesse. J’étais en Belgique en ce moment-là. Il y a encore la maison des Anciens combattants dans la commune de Kasa-vubu et une série d’avenues, dans la même municipalité, notamment Force publique. Tout cela prouve à suffisance que les nouvelles cités ont été construites entre 1945 et 1950. Ensuite, on va construire des cités avec un plan beaucoup plus élaboré. Il s’agit de Kauka, de l’ancien quartier Immocongo, devenu quartier du 20 mai, de Yolo-Sud, Yolo-Nord et Bandalungwa. Quand je suis arrivé en 1959, ce qui m’a frappé et qu’on m’a fait remarquer, c’est qu’il y avait beaucoup de maisons inoccupées même si on les avait mises en location ou en vente à des conditions extrêmement intéressantes.

Les salaires ne permettaient pas à beaucoup d’habitants de signer ce genre de contrat.

Les Congolais ou ceux qui vivaient à Kinshasa n’avaient-ils pas obtenu facilement des crédits ?

Ils n’obtenaient certainement pas de crédits. En plus, la cause profonde est que le niveau des salaires était extrêmement modeste. Il n’y avait pas beaucoup de Congolais qui gagnaient gros à Kinshasa. Pour Kintambo, tout le monde sait que le nom de camp Babylone, construit sur l’avenue Kasa-Vubu,vient de l’un des administrateurs de cette commune. Et cela a formé la ville à l’Ouest. Et à l’Est, on avait créé N’djili en 1954 et Matete en 1955. Il faut mettre cela dans le climat urbanistique de l’époque. Et je crois qu’il faut, à tout prix, se rendre compte qu’en 1959, il y a 50 ans aujourd’hui, le contexte était très différent de celui actuel. Nous connaissons beaucoup de points de vues,

notamment celui de l’image de la ville. Dans le monde entier, en effet, on parlait des cités satellites. Les urbanistes se sont plu à croire qu’on ne réussit à construire un quartier relativement à taille humaine qu’avec des gens qui pouvaient faire des champs autour. Les paysans de la vallée de N’djili datent de la même époque. Et cela fut un succès puisqu’on continue jusqu’aujourd’hui à cultiver dans cette vallée. Matete était conçue de la même manière pour pouvoir donner aux habitants la possibilité de cultiver autour. Lemba est la dernière des cités mises en chantier. Il n’y avait absolument aucune voirie revêtue. Et cette cité n’était pas absolument achevée en 1960.

Donc, on avait commencé d’abord par N’Djili, puis Matete et enfin Lemba ?

Comme je vous l’ai dit, les anciennes cités étaient saturées pendant la guerre de 40-45.

La population de Kinshasa a doublé, passant de 50 à 100.000 habitants. Alors, sous la pression et dans l’euphorie de la victoire, on a pu lotir rapidement. Or, comme vous l’avez dit, il y avait un cimetière, des marécages mal drainés, l’aéroport de N’dolo et le camp Kokolo, etc. Tout cela a fait que ce n’était pas une zone neutre voulue mais était occupé. Et l’on a préféré lotir de nouvelles cités. En 1950, on a loti Matongé. De 1950 à 1953, on est allé lotir les nouvelles cités planifiées de Yolo. En 1954, on a commencé avec N’djili ; en 1955, Matete ; en 1956, Bandalungwa achevé mais pas encore occupée.

De 1958 à 1959, on a commencé à lotir et bâtir Lemba qui n’était pas achevée et qui n’était pas encore entièrement occupée au moment de l’indépendance.

Mais dans cette ville de Kinshasa en 1959, existait-il un dualisme où il y avait la ville européenne séparée de ce qu’on avait appelé la cité belge ?

Il y a des endroits où c’était très visible parce qu’on a voulu une zone neutre entre les anciennes cités et toute la rive du fleuve qui était lotie au profit des Européens. Il est évident qu’on a voulu qu’il y ait des terrains neutres comme le Golf, l’Hôpital général, le Parc de Boeck, devenu Parc botanique, et le Jardin zoologique créés en 1959. Tout cela a été voulu comme une coupure. Même la pépinière de la Gombe et la tranchée de la rivière de la Gombe était destinée depuis un certain temps à servir de barrière de séparation.

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Donc, il y avait jusqu’à un certain point, une dualité. Et, il est évident que les prix des parcelles et le loyer n’étaient pas les mêmes. Donc, il y avait des livrets de logeur et des parcelles cadastrées. Celles-ci appartenaient à l’Etat, les gens n’étaient que locataires ou logés par l’employeur. Mais il ne faut pas oublier que les villages congolais de Kinshasa se trouvaient au beach Ngobila et ceux de Kintambo étaient justement à l’emplacement de ABMS (American Baptist Mission Society), aujourd’hui CBCO. Et les Européens ont commencé petit à petit par cohabiter avec les centres urbains pré-coloniaux existants qu’ils ont trouvés. Ils y ont pris place et ont repoussé les autochtones. Un exemple type : c’est Kingabwa qui était en amont de Kinshasa. Mais on a dit : Pusa muke (Ndlr : pousse un peu). Pusa muke créait de différentes parcelles et divers lotissements industriels qui sont ici à Kingabwa. Maintenant, ce quartier se trouve juste à l’Office national du café quand vous arrivez au niveau de rails à Matete, alors qu’il était situé tout près de N’dolo.

Quel était le paysage de la ville à votre arrivée ?

Aujourd’hui, on est frappé par les barbelés, par les murs, etc. La première chose qui m’a marqué, c’était la quantité d’espace. Le paysage était tout à fait ouvert. Quelques vues étaient aérées entre l’avenue du 24 novembre ou l’avenue de la Libération et l’avenue Saïo quand vous prenez la première rue à droite en entrant sur Victoire à partir de Libération. Sur l’avenue Saïo, il n’y avait que quelques ouvertures. Il faut se rendre compte de tous les espaces qu’il y avait là. Si vous regardez la carte de l’époque, la quantité de l’espace non loti partait de Ngiri-Ngiri à Yolo. Le paysage de cette époque-là était extrêmement ouvert.

Pour aller à l’université, il fallait franchir des zones absolument inoccupées pour y arriver.

Il n’y avait pratiquement pas de routes qui prolongent l’avenue qui longe Yolo jusqu’au rond-point Ngaba. Cela a été fait en 1969. Donc, on a relevé que c’était une ville

beaucoup plus aérée où on essayait de garder aux quartiers les dimensions presque inter urbaines avec cette idée que ces cités sont coloniales. L’idée de cité satellite est que tous les espaces interstitiels de construction qui ont initié les lotissements sont aujourd’hui occupés. On est donc dans une ville où il y a trépidation qui n’est pas comparable et pensable, absolument différente de tout ce qu’on a connu.

Moi, j’ai été avec Tesco dans le domaine que l’archidiocèse a maintenant obtenu à nouveau pour y construire la cathédrale en face du stade Tata Raphaël. J’y ai été joué avec les scouts. On était en plein air comme en campagne.

Et maintenant ?

La ville est beaucoup plus fragmentée. Elle n’avait rien qui pouvait faire songer à la vitalité qu’on lui reconnaît aujourd’hui.

La ville est saturée. On voit que les gens essayent de construire ici et là.

Pensez-vous que Kinshasa va s’étendre du côté de Mitendi, Maluku et N’sele ? Comment voyez-vous la chose ?

La ville est dans un site qui définit son armure jusqu’à un certain point. Il est évident qu’elle ne peut s’avancer sur le fleuve, sur des constructions de grand luxe très limité.

Elle est très illimitée vers le sud-ouest pour descendre dans le Bas-Congo ou vers l’Est en montant vers la route de Kikwit et celle de Maluku. Il y a des grands espaces. Et la pression ou le dynamisme de la ville est tel qu’il est absolument certain que cela va se remplir de deux côtés. Il y en a qui disent qu’il faut toujours reporter la limite de la ville.

Ce n’est pas sérieux. En Europe, les capitales se sont étendues et il n’y a plus de rupture avant d’aller vers une autre ville. Bruxelles et Louvain sont habitées d’un bout à l’autre. A un moment donné, il y a une pancarte qui indiquait la sortie de la ville de Kinshasa. Et il n’y avait aucun doute, jusqu’ à un certain point, que Kisantu allait être intégré dans

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l’agglomération de Kinshasa parce que cela va devenir une bande occupée le long des axes de communication de l’Ouest.

Vous parlez de Kasangulu ou de Kisantu ?

De Kisantu. C’est à 120 km mais à l’échelle de 10.000.000 d’habitants à peu près à Kinshasa et 70.000.000 d’habitants pour l’ensemble du pays. 120 km n’est plus une distance qui va arrêter l’extension de Kinshasa.

Comment était la circulation ?

Pendant la guerre, on est passé de 50.000 à 100.000 habitants. Durant les cinq années suivantes, les nouvelles cités ont été saturées tout de suite parce qu’on est passé de 100.000 à 200.000 habitants en 1950. Et puis, on a commencé à voir des menaces de chômage, les difficultés sociales apparaîssent. Et l’administration a freiné l’immigration vers la ville. A ce moment-là, il a fallu dix ans pour voir le nombre d’habitants doubler : on est passé à 400.000 habitants avant même 1960. Les gens, avec les mêmes

pressentiments, vont construire un boulevard comme le boulevard Lumumba avec une emprise de 170 m. Cela est exceptionnel avec le petit boulevard et les espaces qui étaient là réservés où l’on a laissé construire des stations d’essences qui,

malheureusement doivent être complètement repensées. Mais ce boulevard avait été pensé à une dimension incroyable parce que, par d’autres aspects, on a l’impression que les administrateurs de l’époque ne réalisaient absolument pas où l’on allait. Je peux même dire encore qu’en 1967, il y a un plan d’urbanisme ou un schéma d’aménagement élaboré qui prévoit de limiter la population de la ville à deux millions et demi d’habitants.

Il n’avait pas de dynamisme. Maintenant, nous sommes engagés dans un mouvement qu’on ne peut pas arrêter à moins d’une génération. Cela veut dire que nous allons atteindre 25 millions d’habitants, avec la majorité de ceux qui seront encore en vie.

Quelle était l’organisation politique et administrative de la ville en 1959 ?

Je viens de faire remarquer qu’il y a des fractionnements qui sont bien visibles dans le découpage. En 1957, on créé les communes et l’on prévoit quelque chose qu’on n’a même pas osé appeler élections, mais consultations électorales. Parce que le

gouvernement ne voulait pas s’engager à nommer d’office celui qui aurait eu le plus des voix.

En pratique, les élus avaient été nommés. Et donc, la première élection des

bourgmestres date du mois de décembre 1957. Une était publiée par le Courrier d’Afrique de Kinshasa en 1957 pour montrer aux électeurs comment cela était organisé. Nous avons trois communes qui vont avoir des bourgmestres blancs et où il y a la population blanche notamment celles de Limete, de Kalina devenue Gombe et de Ngaliema. Vous remarquerez qu’on donne à peu près le maximum possible de ce qui est alors la ville. On s’arrête-là. On ne va pas très loin. On donne le maximum d’extension aux communes gérées par les Européens et les communes africaines sont strictement limitées. Pour la partie habitée, les trois communes divisent les anciennes cités Barumbu, Kinshasa, St Jean, Bandalungwa limitée à la partie qu’on a bâtie, Kintambo, Ngiri-Ngiri étant dans Kasa-Vubu, et Kalamu. On aura ainsi onze communes. Quand on va étendre les limites de la ville, on va y intégrer, en 1958, N’djili qui, au moment de sa création, se trouvait dans le territoire de Kasangulu et Matete. Et ces deux cités érigées administrativement comme des centres extra-coutumiers, vont devenir des communes. Et cela fera treize communes en 1958 pour les élections de 1959-60. Et Lemba sera la 14ème commune érigée depuis 1966. C’est en 1968 qu’on va passer à 24 communes.

En 1959, Kinshasa était appelé Poto moyindo (Ndlr : l’Europe des Noirs) ou Kin la belle. Qu’est-ce qui justifie ces appellations ?

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En 1959, Kinshasa avait une taille qui était déjà très respectable. Si vous prenez Lagos, Nairobi de l’époque, vous n’aurez pas une population plus importante que celle que vous aviez ici à Kinshasa. La ville était comparable, je crois, à Johannesburg, au Caire qui avaient une concentration des populations. Mais, en Afrique centrale, Kinshasa était l’une des plus grandes villes. C’est dire qu’il y a eu quand même une vision presque impériale de construire même le boulevard du 30 juin dont la première partie entre la Gare et le Parc de Boeck n’a été bétonnée qu’en 1955. On ne réalise pas comment Kinshasa s’est construit après l’indépendance. Pour la route de Matadi construite aussi en 1955, qui est à la sortie de la ville vers le Bas-Congo, l’asphalte ne dépassait pas Kasangulu. Donc, dire que tout a été fait du temps colonial, c’est vraiment un contre-sens historique.

Comment alors cette population était-elle attirée et Kinshasa grandissait ?

Kinshasa, avec sa position comme point de départ de navigation sur tout le fleuve, est aussi le point d’arrivée de beaucoup de choses qui sont parties par rail. Cela à partir de Kimwenza, Yolo, Ngaba et Lemba qui était une gare. Le rail remontait la vallée de la Funa, par Masanga-Mbila, et redescendait par la paroisse de Kimwenza. Ça, c’était le premier tracé. En 1932, on a inauguré le nouveau tracé par la vallée de Lukaya. Et en ville, le rail passait par le boulevard du 30 juin, les avenues Lukusa et de la Justice ayant été la grande route de Kinshasa. Ce sont les premières artères qui ont été bétonnées, revêtues en dur pour la circulation des premières voitures automobiles. Le rail était devenu un point d’activités extrêmement intenses. Et tout ce qui venait à Kinshasa était amené vers les provinces. Kinshasa était un centre commercial avant la colonisation, cela ne fait aucun doute. Avec la colonisation, on lui a donné comme hinterland, non plus seulement les bassins du fleuve, mais la frontière qui a été reportée jusqu’en Ituri, aux Grands lacs et au Katanga. Donc, Kinshasa est devenue la capitale d’un pays beaucoup plus vaste. Il y avait une activité telle que l’autorité coloniale a dû recourir à la demande de la main d’œuvre jusqu’en 1955. Il y a eu un temps où il était interdit à un Blanc d’engager deux noirs à son service.

Comme domestiques….

Oui. On manquait la main d’œuvre au point de dire que vous n’avez pas le droit d’engager deux boys. C’est tout le contraire de ce qui se passe depuis 1957 à 1958 quand on a pris conscience du problème d’avoir des gens sans travail ? Et que cela risquerait de devenir l’une des causes d’instabilité sociale. Il faut bien réaliser que Kinshasa de 1959 était une ville à la fois embryonnaire et extrêmement dynamique. Je peux encore donner un exemple de difficultés que les gens ont eu à réaliser ce qu’ils vivaient ensemble. On avait construit le palais de la Nation sur l’avenue Virunga et le palais de Justice. Il y a là, une cour qui conduit vers l’Athénée de la Gombe d’un côté, et vers les Affaires étrangères de l’autre. On se demande pourquoi Sa majesté a adopté ce style ? Sur l’avenue de la Justice, il avait été prévu, en 1950, deux grandes routes qui viendraient du palais de la Nation pour passer à côté du Palais de justice comme celui du cinquantenaire à Bruxelles et qui allait déboucher en ligne droite jusqu’au début de l’avenue de la Victoire.

Et, sur le plan d’urbanisme publié par un certain Riquier, il serait lui-même plus large et plus étendu que les champs Elysées à Paris. Il voyait vraiment grand. Ce qu’on appelait Sinalco dans la commune de Bumbu avait été loti pour des Européens. En 1959, j’ai connu un professeur du collège Boboto qui habitait près de l’église St Jean-Baptiste. On voyait bien que la ville avait un dynamisme extraordinaire. On prévoyait des artères comme le boulevard Lumumba et on imaginait qu’on pouvait encore réserver aux Européens des zones entières aux pieds de la commune. A noter que le Sanatorium, au départ, n’était pas réservé aux Noirs. Donc, on ne réalisait pas à quelle rapidité tout ce qu’on avait pensé allait être totalement envahi dans tous les espaces intertitiels. Et la population allait même monter sur la commune jusqu’à l’université, bien au-delà en

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redescendant jusqu’à Kinsuka où l’espace du fleuve est en train de se remplir. Et, à l’Est, il y avait deux foyers au-delà de la cité de N’djili puisque quand on a loti il n’y avait pas de gens qui voulaient aller habiter là-bas. Six mille parcelles ont été vendues, en six mois, en 1954. En dehors de N’djili, il n’y avait pratiquement rien à l’Est. Mais cet espace est rempli jusque, non seulement à Kinkole mais jusqu’à Maluku. Tout est en train de se densifier quand tout le monde se rend compte que le terrain est important. La population en 1964 était de 100.000 habitants, on aura doublé en 1968, doublé de nouveau en 1975 et la même chose en 1986.

Mais, aujourd’hui, peut-on estimer la population à 6.000.000 d’habitants ? Je crois que si on ne dit pas 9 millions, on est en deçà de la réalité.

Y a-t-il le recensement ? On espère qu’il va en avoir.

Quelles sont les activités économiques, en 1959 ? La classe moyenne congolaise s’est organisée en 1954 et en 1959. Je pense à certaines personnalités comme les Nendaka, Talangai, etc. Avez-vous un commentaire à ce sujet ?

La première chose à dire est que la population de Kinshasa a d’abord été une population des travailleurs. On a fait venir des travailleurs pour assurer ce qu’il fallait faire comme travail de main d’œuvre dans les entreprises européennes. On ne sait pas que la

conférence de Berlin n’a pas tracé les frontières du pays, mais avait, par contre, décidé que le bassin du Congo devrait être une zone sans réserve nationaliste, si je puis dire ainsi.

C’est la porte ouverte…

Oui. La Belgique ne pouvait pas mettre des tarifs préférentiels pour les produits qui venaient de la Belgique. Alors, pour assurer leurs activités et intérêts économiques, les Belges ont appliqué une politique exceptionnelle pendant la colonisation. A savoir celle d’investir dans les industries locales (brasserie, Utexco…). Tout cela sont des choses des années 20. Le besoin de la main d’œuvre qui se présentait était activé pendant la guerre.

Le Congo a équipé les colonnes du général Leclerc qui sont partis de Brazzaville pour prendre les troupes allemandes au Sud de la méditerranée par le dos. Elles sont montées avec des équipements, du matériel réalisés dans les ateliers de Chanic et habillés par des tissus produits à Kinshasa. Donc, il y a eu ici une activité extrêmement intense. Encore qu’en 1960, dans la population, il y avait un fort déséquilibre des sexes. Beaucoup de jeunes qui venaient pour travailler n’avaient pas de femmes et enfants avec eux. Ils étaient des jeunes mariés et n’avaient pas encore beaucoup d’enfants. Donc, on a là une structure des populations qui montre bien qu’en ce temps là, il y avait du travail à peu près du travail pour tout le monde. En 1967 encore, quand on a fait des études socio- démographiques à Kinshasa, il n’y avait pas 10% des adultes masculins qui n’avaient pas de travail. Kinshasa a été un centre d’emplois et un foyer de rayonnement parce que la culture, toutes les activités de formation se déroulaient à Kinshasa et attiraient le monde.

Il y avait un personnel relativement qualifié même si cela a augmenté depuis. L’Office national des transports (Onatra) avait 20.000 salariés en 1960. A l’époque, c’était l’Office des transports coloniaux (Otraco). Les transports en commun, qui se sont développés tardivement, véhiculaient par jour un nombre important de gens. Dont beaucoup, qui logeaient, par exemple à l’Est, travaillaient au centre et faisaient ce trajet.

Peut-on dire que Léopoldville était une ville culturelle ?

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Incontestablement. Les Wendo Kolosoy, Tabu-Ley et autres y sont natifs et se sont formés ou ont commencé à émerger à Kinshasa. L’indépendance Cha-Cha de Kabasele se jouait dans des bars à Victoire, Lemba qui s’est développée, à Yolo que j’ai connu dans sa splendeur. A Yolo, les avenues étaient en bon état et propres. Il y avait un boulevard vers Maître Taureau…

Connaissez-vous Me Taureau ? Mais qui le connaît pas à Kinshasa ?

Vous êtes à Kinshasa depuis 50 ans. Y a-t-il des évènements heureux ou malheureux qui vous ont particulièrement frappé ?

Je ne suis pas à Kinshasa depuis 50 ans puisque j’ai été à Bukavu à Lubumbashi pendant huit ans. J’ai eu la chance d’aller dans beaucoup d’endroits. Dans les évènements de Kinshasa, je crois que les personnes frappent encore plus que les évènements. Sauf, évidemment, l’indépendance et même quelques évènements. A l’indépendance, j’étais à Kinshasa. C’était une grande victoire. Une journée inoubliable mais il y a aussi un certain nombre d’évènements.

Notamment la visite du Pape ?

C’est beaucoup plus loin en 1985. Mais les événements sont une chose et les personnes en sont une autre. Il y a des personnes à Kinshasa dont je garde des souvenirs

extrêmement forts comme le Cardinal Malula. J’ai eu la chance de le connaître quand il était encore abbé.

C’est la raison pour laquelle vous avez édité ses œuvres complètes ?

Certainement que cela a contribué à aboutir à ce résultat-là. Mais, en 1959, quand j’arrivais, il était nommé évêque mais pas encore sacré puisque son sacre auquel j’ai assisté est intervenu le 20 septembre 1959 au stade Tata Raphaël. Je l’ai vu pour la première fois lors d’une conférence animée par le sociologue belge, abbé Houtard. A cause d’une question que j’ai posée, il a senti ma sympathie et nous avons donc sympathisé. Et en 1967, quand je suis revenu après l’achèvement de ma formation, j’ai été tout de suite dans tous ces problèmes de réflexion sur l’urbanisme, la ville, etc. Il comprenait très bien et il était extrêmement attentif à tous ces problèmes. Et comme j’étais au campus, il était certainement l’une des personnes avec qui j’ai tout parlé le plus profondément, brassé comme problèmes de vie et réflexions. Donc, il y a des personnes qui m’ont marqué profondément. Comme Papa Joseph Iléo qui a également une grande estime de ma part. Je l’ai très bien connu. Quand nous avions fait l’enquête socio- démographique en 1967, il était le président de l’Office national de la recherche et du développement (ONRD) et il a eu le courage de publier les résultats quand bien même que nous lui avons expliqué que cela allait faire un problème. Parce que, selon les

résultats, nous étions à 1.520.000 habitants, alors qu’on disait que nous n’étions même pas à 1.000.000 d’habitants.

A une époque, on a même parlé de 2 millions de femmes …

C’était avant le recensement. Donc, il y a des personnes à Kinshasa dont j’ai un souvenir extrêmement fort certainement très émotif et très chaleureux. Et, je rends grâce à Dieu et aux Kinois pour m’avoir permis de vivre parmi eux.

50 ans plus tard, on déplore de multiples problèmes qui se posent dans cette mégalopole de 10.000.000 habitants. Il est question du délestage, de la rupture

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de la distribution d’eau, des érosions, du curage des égouts, de la jeunesse désœuvrée, de tapages nocturnes et diurnes, du manque d’hygiène, etc. En 1959, quels sont les problèmes qui se posaient?

Je suis resté à Kinshasa pendant deux ans jusqu’en 1961, puis je suis parti aux études pour revenir en 1967. Les problèmes qui se posaient étaient ceux de l’indépendance et il y en a encore aujourd’hui. A l’époque, on ne réalisait pas la rapidité de transformation dans les domaines non seulement de l’urbanisme, de la démographie mais aussi politique. Donc, certainement que cela a été une lutte, comme l’a dit Lumumba, combattant victorieux de l’indépendance, dans une phrase qui avait donné aussi dans mes oreilles un son de vérités. C’est évident que ce n’est pas sans résistance que l’indépendance a été accordée même si, finalement, elle est arrivée très vite.

Lors de l’inauguration de sa commune, Kasa-Vubu a-t-il fait un discours dans lequel il s’est attaqué à l’autorité coloniale disant qu’il y avait des enfants qui étaient renvoyés de l’école et il y avait les problèmes de «Bill». On pourrait croire que le phénomène Shegué ne date pas d’aujourd’hui. A cette époque-là, y avait-il certains soucis ?

On ne peut pas transposer aussi simplement les réalités d’aujourd’hui à cette époque là.

Le nombre de jeunes était très limité et on n’a pas connu des jeunes abandonnés. Des jeunes indisciplinés ont toujours existé mais même les enfants européens connaissent toujours ces situations, difficiles à gérer. Donc, il est loin d’imaginer que Kinshasa de l’époque était Kinshasa d’aujourd’hui. C’était un autre monde avec d’autres problèmes et on peut rendre grâce à Dieu de tous les progrès réalisés aujourd’hui. Par l’information, j’ai un confrère en 1960, dont la maman était morte juste au lendemain de

l’indépendance. Il n’a eu l’information que quatre semaines plus tard. Elle était à l’intérieur du pays mais on n’a pas su le lui faire savoir. Cela n’est plus pensable

aujourd’hui avec les télécommunications, les portables et l’internet. Et, surtout la TV et la Radio de cette époque ne sont plus comme celles d’aujourd’hui. Et donc, il y a des points de progrès incontestables même au niveau culturel et celui de maturité. Aujourd’hui, le dialogue avec les personnes est beaucoup plus mûr que ne pouvait l’être à l’époque. Ce qui est vrai est qu’à l’époque, la gestion était efficace et la ville était l’une de plus

prospères d’Afrique centrale. On a quand même dénoncé le fait que le Congo était sur le même pied d’égalité que l’Afrique du Sud et beaucoup d’autres pays d’Extrême Orient à la même époque.

En 1959, des malades venaient de l’extérieur pour se faire soigner aux Cliniques universitaires de Kinshasa (CUK)…

Il est incontestable qu’il y a eu ici, une attirance des gens de beaucoup de pays. On était parmi les premiers à ouvrir l’université. Donc, il y a des éléments importants de progrès.

Je voudrais même souligner que la distribution d’eau est certainement multipliée par dix par rapport à ce qui existait en 1960. Mais comme la population est passée de 400.000 habitants, non pas à 4.000.000, mais à plus de 8.000.000, il faut donc multiplier par 20.

On a le sentiment que la distribution d’eau est en recul et il en est de même pour

beaucoup d’autres choses. Il y a des difficultés dans beaucoup de domaines, notamment la distribution de l’électricité. On souffre du délestage même dans des quartiers nantis.

Donc, il y a des éléments importants qui nous montrent que le Kinois a raison de garder l’espérance.

PROPOS RECUEILLIS PAR MUTAMBA MAKOMBO

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Extrait du site « Ba Leki ».

Illustration : deux faits divers récents sur l’hygiène à Kin-la Poubelle, repris à la presse congolaise

Uhuru : Un fou donne une leçon d’hygiène à un passant (Kinshasa)

Kinshasa, 29/08/2009 / Société

Un fou connu sous le nom de Féfé, a corrigé un homme qui pissait sur un mur de l’école catholique St martin, en lui donnant des fessées correctionnelles.

Un fou surnommé Féfé a corrigé un homme équilibré, qui malheureusement urinait contre un mur de la clôture d’un complexe scolaire. Féfé habite la commune de N’djili, précisément dans le quartier 6. Pendant qu’il faisait, comme d’habitude, un tour du quartier, il a été subitement scandalisé par un homme, la cinquantaine révolue, qui pissait contre le mur de l’école catholique St Martin.Sans demander des explications à cet individu, il s’est emparé d’un bâton pour lui donner des fessées correctionnelles. Se retournant pour riposter, Féfé, le fou, lui a fait savoir qu’il a commis un acte incivique en salissant, au grand jour, un bien public. Couvert de honte, le malheureux n’a trouvé de salut que dans la fuite sous une pluie des huées des badauds qui ont suivi à distance ce spectacle insolite.

(TH/GM/PKF)

Christian Mambazulua/Uhuru

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vendredi 28 août 2009

Radio Okapi - Insalubrité gênante : Kermesse sans latrines dans la commune de Lingwala

Depuis près d’un mois à Lingwala, au terrain " Comète ", une Kermesse est organisée sous le haut patronage de gouverneur de la ville, à l’initiative du comité du conseil de la jeunesse de Lingwala dénommée " Kermesse Saint Jean na Fourrai ". Cette rencontre de solennité permet au vacanciers et vacancières de se détendre et profiter de leurs

vacances. Force est de constater que l’emplacement de cette Kermesse sur un terrain particulier n’a pas plu à tous.

Primo, Lingwala est dépourvue des latrines publiques et les organisateurs devraient y penser et prendre des dispositions, afin d’éviter tout désagrégement et pollution de l’environnement. Et ce, en vue de préserver la santé des vulnérables. On sous-entend que des architectes ont pu disposer d’une latrine provisoire dans la cours de la

Kermesses. Quel genre de latrine sans puits perdu, ni fausse septique ? Hélas. Il suffit de faire un tour sur l’avenue de la libération, ex du 24 novembre pour se rendre compte du niveau de la pollution et les odeurs que les urines et excréments dégagent en pleine ville.

L’angle sur lequel ce trouve ladite latrine donne sur la chaussée de l’avenue de la libération, et le matin, cette bonne quantité de déchets coule à ciel ouvert.

Allez-y comprendre

Le deuxième aspect est celui de la salubrité. L’entrée de l’avenue Luvua souffre d’une insalubrité accrue à tel enseigne quelle est exposée aux odeurs nauséabondes que dégagent les ordures que viennent déposer les usagers de la Kermesse. Selon les habitants de ce quartier, ces immondices sont à la base d’insalubrité criante dans ce quartier, surtout en cette saison sèche. Celle-ci est à la base de plusieurs maladies telles la malaria et la fièvre typhoïde.

© Radio OKapi

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Pour sortir du cauchemar urbanistique (Guy De Boeck)

Lorsqu’on voit des images de Kinshasa ou qu’on lit un reportage à son sujet, on pourrait avoir l’impression de ne voir que des images qui, quoique parfois insupportables, sont celles du Tiers-monde en général : contraste scandaleux entre des buildings et de hôtels de grands luxe et les habitations décaties des quartiers populaires et des bidonvilles, fourniture problématique d’eau et d’électricité, saleté et manque d’hygiène, transports publics plus que problématiques et tellement surpeuplés qu’ils exigent des talents d’acrobate, voirie pour ainsi die inexistante, prostitution, corruption, insécurité

généralisée, police parfois plus dangereuse que les malfaiteurs… Cette impression n’est pas fausse et il est vrai qu’il faut parfois regarder les photos à la loupe pour savoir exactement dans quelle grande ville d’Afrique ou des Antilles elle a été prise.

Toutefois, bien que Kinshasa partage avec bien d’autres villes un certain nombre de problèmes, ceux-ci sont aggravés et dépassés par des difficultés qui sont propres à la capitale de la RDC. Et ceux-ci sont d’une telle gravité qu’il n’est pas exagéré de dire que, même si un coup de baguette magique transformait subitement la RDC en un état juste, démocratique et égalitaire, gommant donc tos les contrastes entre extrême richesse et profonde misère, qui sont la marque du Tiers-monde, ils continueraient à se poser.

Le grand aiguillage fluvial

S’il est bien connu que ce sont les colonisateurs qui ont fondé, en 1881, les villes- jumelles de Brazzaville et Léopoldville, et que ce n’est pas un hasard si les « deux

capitales les plus proches du monde » se regardent en chien de faïence de part et d’autre du fleuve Congo, parce qu’elles prolongent l’attitude de Stanley et Brazza, colonisateurs concurrents, ce ne sont pas les Blancs qui ont fondé Kinshasa. On ne les avait pas attendus pour se rendre compte que le pool Malebo présentait un grand intérêt économique et commercial. Il se tenait d’important marchés par exemple à Ntsasa (Kinshasa) et Ntambo (Kintambo), activités qui exigeaient la présence de multiples villages soit pour abriter les commerçants et leurs marchandises (ce qui concernait surtout les Teke) soit pour ravitailler tout ce monde (tâche assumée surtout par les Humbu).

Cette activité s’explique par le rôle que joue naturellement le pool Malebo dans le trafic fluvial. Si l’on garde à l’esprit que, dans le Congo traditionnel, les fleuves et les rivières étaient le moyen de communication le plus important, et de loin le meilleur dès qu’il s’agit de commercer, donc de transporter de lourdes charges, on s’aperçoit aussitôt que Malebo était pour l’ensemble du bassin du Congo l’équivalent d’une gare de triage pour le chemin de fer ou de l’échangeur d’une autoroute.

« Bassi du Congo » est à prendre ici au sens géographique, et non conventionnel, c’est à die qu’il s’agissait tout aussi bien de la rive droite que de la rive gauche du Congo, les frontières n’étant pas encore tracées. Comme le montre un coup d’œil su la carte, des tributaires importants, notamment la Kasai, par la Kwa, se jettent dans le Congo un peu en amont du pool, ce qui en fait un lieu d’échange tout trouvé pour les produits en provenances de l’Est, tout autant que pour ceux venant du Nord par le fleuve lui-même.

Il s’agissait donc d’une navigation fluviale, mais qui pouvait être parfois « au long cours ». Il y en a des preuves diverses, mais l’une des plus évidentes est le fait qu’il y eut une guerre pour le contrôle de Malebo entre les Tio/Teke et des gens aussi lointains que les Bobangi. Cela signifie donc que pour des riverains de l’Ubangi (dont le nom

signifie « l’eau des Bobangi »), le commerce du pool avait une importance suffisante pour qu’on y risque sa peau ! Et, pendant très longtemps, la « route des caravanes », qui permettait de gravir (péniblement) les hauts reliefs qui séparent le pool de la côte atlantique, demeura un secret bien gardé. Les Portugais ne réussirent jamais à la connaître.

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Résumons : Avant la colonisation, le rôle de « plaque tournante » que le pool Malebo joue naturellement dans les échanges internes entre les différentes parties de l’immense bassin du Congo, avait déjà amené une concentration humaine sur ses deux rives (côté Brazza comme côté Kin). Stanley et Brazza, finalement, ne firent rien d’autre que reconnaître ce que la géographie imposait : il était logique qu’il y ait une ville à cet endroit là !

« Sans le chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny »

Cette formule lapidaire de Stanley résume assez bien la situation qu’il a trouvée. Un pays qu’on soupçonnait riche et qui disposait d’un réseau de communications par voie d’eau, avec même une « gare de triage » naturelle à Malebo. Mais c’ était un système de

communications INTERNES. Certes, les produits venant de la côté se négociaient au pool et même valaient très cher. Mais cette valeur était fonction, précisément, de leur rareté.

Cela nous renvoie à un autre fait géographique bien connu, résumé dans la fameuse

« perle » de potache « L’Afrique est peu peuplée parce que la pénétration y est difficile ».

La « route des caravanes » était tout sauf une promenade de santé. Il fallait gravir des pentes très fortes, ce qui multipliait les accidents et imposait une charge assez légère par porteur, donc des caravanes nombreuses. Outre les accidents, certains tronçons étaient des plus malsains et le ravitaillement était difficile. C’était lent et cela coûtait cher, tant en vies qu’en argent.

Dés que le Chemin de Fer des Cataractes fut mis en service, il s’avéra que le transport par le rail revenait cinquante fois moins cher que le portage. Ceci alors que le Congo de Léopold II n’était pas un pays où les indigènes touchaient de hauts salaires.

Sur l’autre rive, le chemin par lequel Brazza atteignit le pool , c'est-à-dire en remontant jusqu’aux sources de l’Ogooué et en franchissant les crêtes boisées, était à peine moins pénible. Plus tard, on le remplaça également par un chemin de fer, le « Congo-Océan ».

Ce que Stanley voulait dire exactement, c’était que le Congo manquait de voies d’accès.

Son littoral n’a que 60 km, c'est-à-dire pas plus que la Belgique ! Mais en plus de cette faible étendue, il a fallu le chemin de fer pour relier le « pont tournant » du pool Malebo à l’extérieur et permettre ce qui est l’essentiel de l’économie coloniale : les exportations.

Dans beaucoup de colonies, ce même souci a mené à la création d’un réseau routier ou ferroviaire par lequel les produits à exporter étaient acheminés vers un port, qui souvent devenait la capitale de la colonie. Au Congo, le réseau existait à l’état naturel, de même que le « nœud de communication » du pool Malebo. Le chemin de fer lui donna un débouché vers la mer, en le reliant à Matadi.

« Poto mo Indo » (l’Europe des Noirs)

Le choix d’un port comme capitale d’une colonie relève d’une certaine logique. Par définition une colonie est un pays qui « ne s’appartient pas », elle est dépendante et extravertie ; sa capitale n’est pas une tête, mais un nombril : le lieu d’insertion du cordon ombilical qui la relie à la Métropole, où se prennent les décisions importantes. Le réseau de communications d’une colonie ne sert pas à mettre en contact les uns avec les autres les différents points du pays. Il sert avant tout à envoyer vers la métropole les produits qui l’intéressent. Dans l’autre sens arrivaient d’Europe des ordres et le personnel blanc pour les exécuter. En 1972 Walter Rodney écrivait dans « How Europe underdeveloped Africa »: « Pour décrire cette combinaison d’oppression, d’exploitation et de mépris, le mieux est encore de se référer au plan de l’infrastructure économique des colonies africaines, en d’autres termes, de leurs routes et chemins de fer. Ce plan est distribué géographiquement de manière à rendre des régions déterminées accessibles pour les activités d’import-export. Là où il n’y a rien à exporter, les routes et les chemins de fer sont également absents. La seule exception, ce sont les routes et voies ferrées qui furent construites pour permettre le transport de troupe et faciliter ainsi la conquête et la répression » 1 Le réseau de communications d’une colonie a toujours l’apparence du

1 RODNEY, W., How Europe underdeveloped Africa , Howard University Press, 1982, p. 209

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dessin d’une main aux doigts écartés; de cette manière les chemins de fer, qu’on acclame si souvent comme les éclaireurs du progrès, ont empêché la formation et le développement d’un marché intérieur. Les pôles de bien-être, qui fleurissaient pour satisfaire les besoins de l’Europe en métal et en nourriture, n’étaient pas reliés entre eux: c’est de l’autre côté de l’Océan que se rejoignaient les baleines de l’éventail. Au Congo, la nature avait en grande partie fait les choses elles-mêmes avec le réseau fluvial débouchant au pool Malebo.

Aux premiers jours du Congo, on sacrifia à la méthode, alors universelle, des ports et la capitale fut d’abord à Vivi, puis à Boma. Ce dernier port se situe cependant au Mayombe, c'est-à-dire dans la petite partie du Congo qui se trouve sur la rive droite du fleuve, alors que l’énorme masse que constitue le pays se trouve sur la rive gauche. Boma ne pouvait donc pas servir de point d’arrivée aux produits venus du Haut. Matadi, port construit spécialement pour servir de débouché maritime au chemin de fer, par où les produits descendaient du pool, n’offrait pas de possibilités d’extension suffisante pour devenir une capitale. On finit donc par renoncer à placer celle-ci dans le port maritime, pour la situer au bord du pool, port d’arrivée des produits de l’intérieur.

La capitale d’une colonie avait beau porter ce nom, elle n’était jamais, aux yeux du colonisateur, qu’une ville secondaire. Léopoldville comptait, en 1960, quelques 300.000 habitants ce qui, mesuré à l’aune belge, équivaut à une ville secondaire de province. Il ne faut donc pas se laisser faire trop grosse impression, ni par les documents, écrits ou filmés, d’Inforcongo ou d’autres officines de propagande coloniale, ni par les souvenirs des anciens coloniaux. La « grande ville », siège du pouvoir central de la colonie, avait des proportions de chef lieu d’arrondissement ! Et ces proportions étaient voulues. En effet, l’administration avait un certain contrôle sur l’établissement des Blancs et un contrôle absolu sur la population noie, par le biais du « passeport de mutation ». Le côté

« grande ville » renvoie bien plutôt à une plus grande proximité avec la Belgique. La population blanche de Léopold ville était importante, tant à cause des résidents que des gens de passage à l’arrivée comme au départ. Il y avait une liaison aérienne quotidienne avec Bruxelles. De nombreux aspects de la vie à Léo y rappelaient davantage l’Europe que dans le reste du Congo. Vers la fin des années 50, il était courant d’habiter un appartement dans un grand immeuble et de remplacer les traditionnels « boys » par l’électroménager. C’était plus européen que partout ailleurs, moderne, parfois un brin

« futuriste ». Ces splendeurs citadines à l’européenne en faisaient le mirage urbain par excellence pou les populations indigènes, strictement contingentées et pour qui

« l’Europe des Noirs » était d’autant plus tentante qu’elle était inaccessible.

Terrain sensible

Comme je l’ai dit, si la ville ne prit pas, même avant l’indépendance, des proportions plus importantes, cela résultait d’un choix délibéré et sciemment appliqué. Il n’y avait pas de hasard dans l’urbanisme colonial ! Et si l’on se reporte à la première photo en couverture, qui date des années 50, on y aperçoit de grands espaces qui ont été laissés non-bâtis.

Cela correspond parfois à des espaces verts. Ailleurs, il s’agit d’assises de voies ferrées ou d’implantations commerciales ou industrielles ou encore d’équipements collectifs. Mais cela ne montre pas chez les Belges un amour forcené des pelouses ou des parterres. On a laissé beaucoup de terrain inoccupé pour des raisons géologiques : une grande partie des terrains sur lesquels est actuellement bâtie la ville de Kinshasa n’auraient jamais dû être défrichés, bâtis ou bétonnés. Et cela tout simplement parce qu’ils présentent un risque excessif d’érosion ou que les rendre imperméables (béton, asphalte, constructions…) favorise les crues des rivières au moment des pluies.

La colonisation avait multiplié les règlements tatillons, mesquins et vexatoires. On ne pouvait pas aller s’installer à Léopoldville, même si on en avait envie. A supposer qu’on soit du petit nombre des élus autorisés à s’y établir, on se heurtait alors à la ségrégation entre la ville blanche et la ville noire, au couvre-feu et aux restrictions de circulation.

Enfin, on ne pouvait pas bâtir sa maison où l’on voulait !!! Comment un homme simple

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aurait-il deviné que, de toutes ces interdictions et restrictions, une seule, la dernière, avait une base rationnelle ! Toutes apparaissaient uniformément comme des vexations gratuites, des règlements humiliants, à propos desquels tout se résumait en quelques mots « Les Blancs nous font ch… ». L’agitation politique à l’approche de l’indépendance ne manqua pas d’attiser tous ces mécontentements. On ne tarda donc pas à jeter au feu tous les règlements des Blancs qui étaient partis, sans s’apercevoir que, ce faisant, on prétendait abolir aussi un certain nombre de lois de la Nature qui, elle, était restée !

Le résultat des courses, c’est quelque chose qui ressemble à une voiture, utilisée à l’africaine : 4 places, 50 passagers. L’on fait porte par le terrain beaucoup plus qu’il ne peut supporter. Et, malheureusement, il semble bien que l’un des résultats du réchauffement climatique soit une augmentation des pluies en quantité, violence et durée, ce qui aggrave les crues et l’érosion, provoquant inondations et glissements de terrain, écroulement d’immeubles et mort d’hommes.

Capitale

Il est manifeste que le développement de Kinshasa en « ville champignon » date de 1960 et de son passage du statut de capitale coloniale à celui de capitale d’un Etat indépendant. En tant que capitale coloniale, Léopoldville était loin d’être modeste, en comparaison des capitales d’autres colonies africaines, comme Léon de Saint-Moulin le rappelle opportunément dans l’interview qui ouvre ce numéro.

Toutefois, si le mot « capitale » est grand, l’adjectif « coloniale » le rapetisse considérablement. La vraie capitale du Congo, c’était Bruxelles ; Léopoldville était un relais. Beau et grand, certes, mais un relais tout de même. Et c’était particulièrement vrai pour le Congo belge, qui fonctionnait d’une manière très centralisée et dans une dépendance étroite du Ministère des Colonies qui résultait des dispositions de la Charte coloniale de 1908.

Une capitale coloniale étant beaucoup moins un centre qu’une porte (d’entrée des cadres et des ordres, de sortie des denrées exportées), Léopoldville avait répondu parfaitement à la fonction, du fait de son pool Malebo, plaque tournante de l’immense réseau fluvial congolais, complété ensuite par la voie ferrée.

Une capitale nationale dit logiquement être une ville plus grande, et elle est destinée à être non une porte, mais un centre. Autrement dit, pou être la capitale du Congo, il fallait un lieu qui ne soit pas périphérique, et qui offre d’importantes possibilités de croissance.

Ville située sur la frontière, Kinshasa n’est ni l’un, ni l’autre. Et, si l’on peut discuter si oui ou non il est indispensable qu’une capitale soit centrale, les impératifs de la nature sont bien là et exercent leurs ravages : crues, érosion, inondations, glissements de terrain, écroulement d’immeubles et mort d’hommes. Capitale ou pas, Kinshasa finira par été engloutie dans quelque catastrophe naturelle, si on ne ramène pas ses dimensions avec ce que son sol peut supporter.

Il faut remarquer à ce sujet que la capitale d’un pays peut très bien ne pas être la plus grande ville du pays, et que la capitale des affaires ne concorde pas forcément avec celle des institutions politiques. C’est certes le cas en France et en Belgique, avec Paris et Bruxelles. Mais ce n’est pas le cas aux Pays-Bas (capitale La Haye, première ville : Amsterdam) et dans bien d’autres pays comme les Etats-Unis. Ceux-ci ont d’ailleurs, avec la fondation de Washington, donné l’exemple de la création de toute pièce d’une ville nouvelle, spécialement bâtie pour être la capitale de l’Union. (Avant leur Indépendance, les différentes colonies dépendaient directement de Londres, indépendamment les unes des autres).

Beaucoup d’ex-colonies ont imité cet exemple et ont tourné le dos à la formule de la

« capitale au port d’entrée », caractéristique de la période coloniale. Le Brésil a ainsi renoncé à Rio pour Brasilia, le Nigéria à Lagos pour Abuja, la Côte d’Ivoire à Abidjan pour Yamoussoukro, etc… etc…

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On ne peut que comprendre, mais aussi être inquiet, lorsqu’on lit des propos comme ceux-ci (BBC- Afrique, 07.09.09) « En République Démocratique du Congo, à Kinshasa, les travaux sur le Boulevard du 30 juin, la principale artère de la capitale, durent depuis plusieurs mois et ne font pas l’unanimité.

Chef d’une équipe d’une dizaine d’ouvriers, Ferdinand Pongo est content de participer à la réhabilitation du Boulevard du 30 juin. Principal axe de circulation de la capitale, les travaux ont été voulus par le président Joseph Kabila.

"Là, on fait le coulage du béton, ce sont les maçons qui travaillent", explique Ferdinand Pongo, "vous savez, c’est bien pour notre pays, nous-mêmes, Congolais, on doit le faire progresser".

Le porte-parole de l’Agence Congolaise des Grands Travaux, Barnabé Milinganyo Wimana explique, quant à lui l’ambition derrière ce projet.

"Notre objectif, c’est de matérialiser la vision du chef de l’Etat ; le président Joseph Kabila veut doter la capitale d’un boulevard à la dimension des Champs Elysées ou de la place Tiananmen de Pékin", annonce Barnabé Milinganyo Wimana.

"Quand vous arrivez au Congo, un pays de 2 345 000 km2, il faut avoir un boulevard de 12 à 15 km à la hauteur de notre pays, dans la capitale ; c’est la vision de notre chef d’Etat".

Un projet ambitieux mais une gestion critiquée. Vision de grandeur, travaux ambitieux, dont le contrat est revenu à une entreprise chinoise. L’Agence des Grands Travaux n’est cependant pas en mesure de donner le budget final de ces travaux pour le moment, indiquant qu’il continue d’évoluer au fur et à mesure des travaux. »

Il est compréhensible que les Congolais désirent avoir une capitale impressionnante, aux monuments prestigieux. Mais rien n’impose que cette capitale soit à Kinshasa ! Bien au contraire, l’avantage de capitales comme Washington ou Brasilia, c’est précisément qu’elles ont pu être conçues spécialement dans ce but, avec des avenues, des monuments et des perspectives qui sont, en quelque sorte, un exposé en pierre d’un programme civique.

Il est par contre angoissant de voir que l’asphaltage, le bétonnage et le déboisement continuent : cela ne peut qu’accélérer et aggraver l’érosion.

Apparition du cancer urbain

A partir de l’indépendance, il n’y aura pas seulement la disparition des restrictions à l’établissement et à la construction mises par le colonisateur. Certes, celles-ci vont permettre à la population de céder sans frein au mirage urbain, amplifier et accélérer l’exode rural. Mais il faut aussi compter avec d’autres circonstances, beaucoup plus désagréables.

L’homme peut être individualiste quand tout va bien mais dès que la peur s’installe, c’est un animal grégaire. Le danger nous pousse tous à nous grouper au coude-à-coude avec nos semblables. Ce n’est pas toujours logique, puisqu’un groupe est une plus belle cible en cas de guerre et que, s’il s’agit de fuir une épidémie, multiplier les contacts revient à aider la contagion ! Rien n’y fait : l’insécurité pousse les humains vers le groupe, et vers les groupes les plus nombreux possibles. Une période troublée pousse les gens vers les centres urbains.

Or, entre 1960 et 1970, les périodes d’insécurité n’ont pas manqué dans l’histoire congolaise. Et chacune a déclenché le reflexe de fuite vers la ville-refuge. Or, il se fait que durant tous les épisodes violents de l’histoire congolaise jusqu’à 1997, Kinshasa est toujours demeurée à l’abri des combats. On peut même se demander si la grande vague d’émotion déclenchée par la « guerre de trois jours » n’a pas été, pour une bonne part, due au fait que c’était la première fois qu’on se battait au canon dans Kinshasa. Le

« sanctuaire » était définitivement profané.

Simultanément, au fil du temps, l’existence des Congolais devenait de plus en plus précaire et aux réfugiés fuyant diverses violences se joignirent de plus en plus de réfugiés économiques. Il paraissait que la grande ville offrait plus de chances de subsister

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de « petits boulots »… Et bien sûr il circule à propos de Kin comme de toutes les grandes villes des « success stories » à propos de gens arrivés pied nus de leur province et qu ont fait fortune !

A ces causes accidentelles, il faut ajouter qu’en passant du statut de capitale coloniale à celui de capitale nationale, Kinshasa a très normalement connu un accroissement de sa surface bâtie et de sa population. Un gouvernement, un Parlement et une administration nationale, cela demandait nettement plus de monde que la petite administration coloniale ! Les Congolais ne sont d’ailleurs pas seuls en cause, parce qu’une capitale signifie aussi la présence de toute une série d’ambassades avec un personnel parfois nombreux. Maintes entreprises privées firent de même. Il faut ajouter que durant « les années folles du Mobutisme », il régna un esprit de violente affirmation d’un esprit national « authentique » fort, qui poussait aux réalisations de prestige, assez vite surnommées « éléphants bancs » : Fikin, immeuble tour de « la Voix du Zaïre » ou dans le domaine privé, grands hôtels de classe internationale. A côté de toutes les citriques que l’on peut émettre quant au caractère tape-à-l’œil de ce « béton de propagande » face aux besoins réels des populations, il faut bien die encore une fois, que leur réalisation occupa de l’espace, rejetant ainsi encore un peu lus la fonction d’habitat vers des terrains insuffisamment stables.

Il y eut donc une croissance exponentielle de la population, à un moment où la politique sévèrement restrictive et strictement appliquée de la colonie faisait place à des ministères incompétents et à des administrations de plus en plus gangrenées par la corruption, les passe-droits et le népotisme. La confiscation et la redistribution, sous Mobutu, des biens de ceux qui tombaient en disgrâce, la multiplication des instances administratives concurrentes aux compétences floues (gouvernement, province, ville, MPR, Présidences s’occupant parfois des mêmes choses sans qu’on sache qui, finalement, décidait en dernier ressort) contribuèrent à embrouiller la situation. La pauvreté et la déliquescence de l’administration amenèrent une occupation anarchique des sols. Puis, quand la faillite économique du régime se fit mieux sentir, l’abandon de certains terrains industriels ou commerciaux ou même d’immeubles en construction amena des phénomènes de « squat », encore aggravés par la vente, par des individus sans scrupules, de « titres de propriété » qui relevaient de la Sainte Farce. On alla jusqu’à bâtir sur les assises d’une voie ferrée, où plus aucun train ne passait, mais qui, théoriquement, était toujours en service.

Cette anarchie immobilière alla de pair avec le délabrement d plus en plus tragique des infrastructures. Depuis la fin des « années folles », plus rien n’a été remplacé ou entretenu. Les délestages de la SNEL sont célèbres. Les transports publics sont absolument insuffisants. Les rues sont un festival du « nid de poule » et fort régulièrement inondées, ou changées en ravines et en torrents. L’accumulation des ordures atteint des proportions gigantesques. Le ravitaillement est un casse-tête et les prix s’envolent. Tout cela entraîne des problèmes de santé.

Prépondérance

C’est donc à partir de ces « années folles » que la répartition de la population sur le territoire congolais changea du tout au tout, en faveur des villes et surtout de Kinshasa.

Puisque les estimations, à défaut de statistiques démographiques, oscillent entre 6 et 10 millions d’habitants (moins par imprécision que du fait que chacun pose un peu à sa fantaisie les limites de la ville). Kinshasa représenterait donc à elle seule entre 1/10° et 1/6° de la population. Cela change fondamentalement le rôle et la signification de la ville, par rapport au poids qu’elle représentait en 1960.

Cela crée une situation qui, à maints égards, rappelle celle de Pris au moment de la Révolution française : la possibilité de faire prendre dans la capitale des décisions politiques sous la pression obtenue en mobilisant son importante population, et de les imposer ensuite à l’ensemble du pays. En conséquence, il devient essentiel, pour le

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pouvoir (quel qu’il soit) de se concilier les Kinois ou du moins d’obtenir que le calme règne à Kinshasa, tant afin de pouvoir débattre avec calme et sérénité que parce que, du fait de son rôle de capitale et de sa relative facilité d’accès depuis l’étranger, Kin fait à la fois vitrine et écran. Vitrine, parce que la plupart des reportages sur le Congo que l’on voit à l’étranger, notamment en Belgique, sont des reportages sur Kinshasa. Ecran, parce que, la vitrine attirant les regards, on risque de perdre de vue ce qui se passe dans l’arrière-boutique. Au moment de la Transition, alors que l’on demandait en pratique aux Congolais de se serrer la ceinture en attendant les élections, le peu d’aide consentie au Congo pour ses besoins essentiels, comme le ravitaillement, fut totalement concentrée sur deux villes : Kinshasa et, dans une mesure beaucoup moindre, Lubumbashi.

La tentation est donc forte et constate de s’acquérir, au mieux, le soutien, au pire, le calme et le consentement passif, de la population afin que le calme règne à Kinshasa, sans trop se soucier du reste du pays. Et comme les dirigeants congolais tombent régulièrement dans ce travers (et que les organismes humanitaires internationaux leur emboîtent le pas ), cela accroît l’attirance de Kinshasa pour les populations extérieures au nom de l’idée « qu’on y trouvera toujours un moyen de se débrouiller ». Cela accroît l’exode vers la capitale, au détriment de la population rurale, ce qui veut dire paradoxalement qu’à terme, cela accroîtra les problèmes de ravitaillement de la ville, puisque ces ruraux qui émigrent produisaient jusque là une partie de sa subsistance ! Une équation difficile

Il ressort de tout ceci que tout projet urbain visant à la fois à améliorer le sort des Kinois et à favoriser le bon fonctionnement de l’Etat congolais devra impérativement tenir compte de deux faits qui découlent de la nature et qu’il n’est au pouvoir de personne de changer :

1. le site choisi autrefois pou y établir la ville de Kinshasa ne peut pas, sous peine de graves perturbations écologiques, supporter une vile de plus de 2 ou 3 millions d’habitants.

2. Kinshasa est complètement excentrique, collée à la frontière Ouest du Congo.

Certains en font même un argument en faveur de la balkanisation du Congo,

« pays trop grand pour être dirigé depuis Kinshasa ». Cela ne prouve pas qu’il faille balkaniser le Congo, mais qu’il faut choisir une autre capitale !

C’est là, bien sûr que les Romains s’empoignent et que les difficultés commencent ! Faut-il « déménager » dans une ville existante, ou en créer une nouvelle de toute pièce ? Et alors, quelle ville ? Ou quel emplacement ? Inutile de dire que tous les démons du tribalise et du régionalisme ne manqueront pas de se réveiller !

Pourtant, outre la question de l’emplacement, qui devrait être plus central, le déménagement de la capitale serait la manière la plus douce pour obtenir ce qui est indispensable pou que le lieu este habitable : réduire la population de Kinshasa à ce qu’elle doit être pour assurer sa fonction naturelle, la seule qui soit impérativement imposée par la géographie : la « plaque tournante » et le grand marché du transport fluvial.

Le transport ailleurs de la capitale entraînerait naturellement le déplacement des populations intéressées. Que l’on crée une nouvelle ville ou qu’on en choisisse une qui est déjà là, il faudra de toute façon construire. La main d’ouvre pourrait être recrutée parmi les Kinois sans travail. Ensuite, le déménagement progressif des administrations, ministères, etc… amènerait celui des fonctionnaires qui y travaillent. Le commerce suivrait sa clientèle. Les grandes entreprises auraient à choisir. Celles-ci qui sont à Kinshasa avant tout pour l’activité portuaire et la proximité de la frontière pourraient rester sur place. Celles qui recherchent avant tout la proximité des organes centraux de l’Etat déménageraient. Certaines personnes pourraient être motivées à regagner leurs régions d’origine si on les y appuyait pour qu’elles retournent à l’agriculture. Tout cela réduirait d’autant la nécessité de recourir à des mesures impératives…

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De toute manière, c’est le seul avenir possible. Autant s’assurer qu’il soit vivable !

© DP & Guy De Boeck, le 10/09/2009

Ba Leki: Conflits fonciers et escroquerie officielle dans la capitale congolaise par Mira, Leki ya Kinshasa

Il suffit de voir comment le mot escroc (scrocs, escrot…) est écrit sur certains portails de Kinshasa pour mesurer le degré d’exacerbation. L’orthographe est le cadet de leur souci, l’essentiel c’est que le message passe.

Si moi je comprends cette douleur, cette colère et ce désarroi…dans ces messages qui sont sur les portails et murs de plusieurs parcelles de Kinshasa, c’est par ce que les conflits fonciers dans la capitale sont devenus monnaie courante. Sans compter le nombre des procès à ce sujet, je vous raconte ma petite expérience :

Dans mon quartier, deux familles se regardent en chiens de faïence dans une même parcelle. Elles détiennent toutes les deux des titres de propriété en « bonne et due forme

». Une parcelle vendue par la même personne à deux acquéreurs différents. Et il ne se passe pas un mois sans que ces « voisins par contrainte » ne se lancent des pierres.

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Une autre histoire c’est celle de mon frère qui a trouvé une fondation élevée dans la parcelle qu’il avait acheté 2 mois auparavant à Kutendele, un quartier de Kinshasa.

Surpris, puisque ce n’était pas son ouvrage. Les voisins qui remarquent son regard interrogateur lui confirment que la fondation appartenait à un général et qu’il n’est pas la première victime du chef coutumier. C’est comme ça que ça se passe toujours ici…

Et nul n’ignore que dans les procès sur les conflits fonciers, c’est la raison du plus fort qui est la meilleure. Sachant qu’il ne pouvait récupérer son argent, ni gagner le procès

contre un « général », il a été obligé de choisir une autre parcelle dans un coin plus reculé et moins attrayant.

Le plus étonnant c’est que ce sont bien les services officiels qui délivrent les titres de propriété. Les mêmes services et qui lotissent les terrains inhabités. Il faut donc beaucoup de précautions avant d’acheter. Un document des services publics n’est pas gage de sécurité. Il suffit de voir combien d’immeubles l’Etat démolit alors que c’est lui- même qui les a vendu.

© Ba Leki

Referenties

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