• No results found

2. La morphologie générative p.6

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Share "2. La morphologie générative p.6 "

Copied!
144
0
0

Bezig met laden.... (Bekijk nu de volledige tekst)

Hele tekst

(1)

Remerciements

Je voudrais d’abord remercier énormément mes parents et ma famille qui m’ont toujours supporté pendant que j’ai rédigé ce memoire et lorsque j’ai fait mes études. Même dans des périodes difficiles, ils m’ont toujours été d’un grand soutien.

Je remercie également tous mes amis qui ont été très importants durant mes études. C’est grâce à eux que mes années d’études ont été formidables. Ce n’était pas toujours facile, mais j’ai toujours trouvé un appui extraordinaire auprès de ces personnes.

De plus, je voudrais encore remercier spécialement ma directrice du mémoire Brigitte Kampers-Manhe et mon deuxième superviseur Reineke Bok-Bennema. Cela a pris longtemps pour terminer mes études, mais elles étaient toujours là pour m’inspirer et m’inciter à continuer. Je vous suis très reconnaissant de tout ce que vous avez fait pour moi, au niveau des études ainsi qu’au niveau personnel. Vous m’avez toujours écouté et les portes n’étaient jamais fermées. Dans ce cadre, je voudrais remercier encore d’autres professeurs qui ont été importants durant mes études : A. Roué, J. van Os, J. den Toonder et J. Lintvelt.

Dankwoord

Allereerst wil ik mijn ouders en mijn familie bedanken voor alle steun die ik heb ontvangen tijdens mijn leven en mijn studie, voornamelijk in de moeilijke periodes heb ik erg veel steun aan ze gehad en ze hebben mede bijgedragen aan het afronden van mijn studie.

Ook wil ik graag mijn vriendengroep bedanken die erg belangrijk was tijdens mijn studie. Het is dankzij hen dat mijn studietijd zo fantastisch was. Er waren ook moeilijke momenten, maar door hun bijzondere steun sleepten ze me er altijd weer doorheen.

Speciale dank gaat ook uit naar mijn scriptiebegeleidster Brigitte Kampers-Manhe en mijn tweede lezer en docente Reineke Bok-Bennema. Het heeft behoorlijke tijd geduurd alvorens ik mijn studie heb afgerond, maar zij wisten mij altijd te inspireren om door te gaan. Ik ben ze zeer dankbaar voor al het werk dat ze voor mij verzet hebben tijdens het afronden van mijn studie, maar ook wanneer ik er persoonlijk doorheen zat kon ik bij ze terecht. Ook bedank ik een aantal docenten die belangrijk voor me waren tijdens mijn studie: A. Roué, J. van Os, J.

den Toonder en J. Lintvelt.

(2)

Index

1. Introduction générale p.4

2. La morphologie générative p.6

2.0 Introduction p. 6

2.1 La morphologie p. 7

2.1.1 L’affixation p. 9

2.1.2 La flexion p.10

2.1.3 La composition p.12

2.2 La morphologie générative p.14

2.2.1 Les règles morphologiques génératives p.14

2.2.2 La Règle de la Tête à Droite p.16

2.3 La différence entre les langues germaniques et les langues romanes p.20 2.3.1 A la recherche d’une explication argumentée des différences p.20 2.3.2 Le modèle de Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2000) p.23

2.4 Conclusion p.30

3. Les préfixes, les prépositions et les préfixoïdes p.32

3.0 Introduction p.32

3.1 Les préfixes p.32

3.1.1 Les préfixes en général p.33

3.1.2 Les caractéristiques des préfixes p.35

3.2 Les prépositions dans les mots composés p.42

3.3 Les préfixoïdes p.50

3.4 Conclusion p.52

4. Un morphème complexe : anti- p.54

4.0 Introduction p.54

4.1 Synthèse des articles p.55

4.2 Les différentes interprétations d’anti- p.58

4.2.1 L’interprétation d’antihéros p.58

4.2.2 L’interprétation d’antichar et d’antiparlementaire p.59

4.2.2.1 L’analyse de Durand (1982) p.62

4.2.2.2 Le Principe de Copie p.71

(3)

4.2.3 L’interprétation d’antifrançais p.77 4.2.4 Les cas d’homonymie dans les mots en anti- p.79

4.3 Conclusion p.81

5. Le statut d’anti- p.83

5.0 Introduction p.83

5.1 Le statut d’anti- p.84

5.1.1 Le statut d’anti- dans antihéros, antimatière (I1) p.85 5.1.2 Le statut d’anti- dans antichar, antirides et

antigrippal, antiparlementaire, antiovulatoire, antidérapant,

antidépresseur (I2) p.90

5.1.2.1 Les mots comme antichar, antirides p.91 5.1.2.2 Les adjectifs en anti- comme antigrippal,

antiparlementaire et antidérapant,

antiovulatoire, antidépresseur p.100

5.1.3 Le statut d’anti- dans les mots comme antisocial, antimoral p.107

5.2 La structure des différents mots en anti- p.110

5.2.1 La structure des mots comme antihéros, antimatière et antifrançais

p.110 5.2.2 La structure des mots comme antirides et antichar p.111 5.2.3 La structure des mots comme antiparlementaire,

antidérapant, antiovulatoire

p.118

5.3 Les mots en anti- en néerlandais p.126

5.3.1 Les mots en anti- néerlandais ayant le sens I1 p.126 5.3.2 Les mots en anti- néerlandais ayant le sens I3 p.127 5.3.3 Les mots en anti- néerlandais ayant le sens I2 p.129

5.4 Conclusion p.135

6. Conclusion générale p.137

7. Bibliographie p.140

(4)

1. Introduction générale.

Dans cette étude, nous avons pour but d’analyser le morphème complexe anti-. Aujourd’hui, nous trouvons de nombreux néologismes dans lesquels le morphème anti- figure, mais il y a également certains mots en anti- qui existent déjà depuis très longtemps en français. Sans vouloir fournir toute une étude étymologique, il est pourtant intéressant de voir dans quels mots ces dérivés en anti- trouvent leurs origines. Le morphème anti- dont nous allons discuter dans cet article est celui qui est dérivé de la préposition grecque ancienne άντι. A l’époque, cette préposition fonctionnait déjà comme une sorte de préfixe en se combinant avec des verbes et des noms déverbaux (Marchand (1969)) Le latin a également adopté anti- dans certaines combinaisons comme Anticaton de Jules César, qui est un livre qui s’oppose au livre de Caton. Même dans la Bible, nous trouvons le mot grec anti-christos ( 1 Jean 2,18) ce qui explique qu’en latin on trouve Anti-Christus, ‘le rival de Christ’. Un des premiers dérivés en anti- attesté en français est antipape (1390). Pour une étude diachronique intéressante concernant les dérivés en anti-, nous renvoyons à l’étude de Rey (1968).

Selon de nombreux ouvrages et dictionnaires d’aujourd’hui, anti- est un élément qui intervient comme préfixe qui a une valeur nette d’opposition. La question essentielle de cette étude est de savoir comment il faut classifier le morphème anti-. Ce morphème est souvent considéré comme un préfixe, mais il y a pourtant des linguistes qui sont d’avis que c’est une préposition. Dans cet article, nous allons attribuer un statut au morphème anti- ou aux morphèmes anti-, parce que il s’avère qu’il y a différentes sortes d’anti-. De plus, nous allons donner les structures des dérivés en anti- et nous le ferons dans le cadre théorique établi par Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2000).

Nous discuterons dans le premier chapitre de la morphologie en général et nous parlerons en détail de La Règle de la Tête à Droite (RHR) proposée par Williams (1981). Nous traiterons des études qui ont critiqué cette hypothèse de Williams comme étant trop rigide, à savoir, parmi d’autres, celle de Selkirk (1982) et de Lieber (1992). Les articles de ces linguistes ont considérablement influencé la conception de la morphologie en stipulant que les règles valables pour la composante syntaxique sont aussi applicables à la composante morphologique. Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2000) soutiennent également cette hypothèse et elles suivent le modèle syntaxique présenté par Kayne (1995). Elles proposent une approche de la morphologie qui permet de rendre compte de la position différente de la tête dans les composés romans et germaniques et les auteurs ramènent cette divergence à une

(5)

distinction fondamentale entre les deux types de langue, qui concerne l’unité de base en matière de composition. Ce modèle est essentiel pour l’analyse des mots en anti-.

Ayant établi en détail notre cadre théorique, nous allons analyser les propriétés des préfixes dans les dérivés et celles des prépositions et des préfixoïdes dans les composés dans le chapitre 2. Ceci est nécessaire pour bien pouvoir caractériser le statut du morphème anti-.

Dans le troisième chapitre, nous parlerons des mots qui contiennent anti- et nous traiterons des théories proposées par d’autres linguistes comme Durand (1982) et Corbin (1987) pour rendre compte de la formation des mots en anti-. Nous soulignerons les problèmes que les dérivés en anti- ont posés pour eux dans le passé. Ceci dit, nous exposerons dans le chapitre final nos propres vues sur la question de savoir quel statut il faut attribuer à anti-. Ensuite, nous nous servirons de notre cadre théorique pour donner les structures de ces mots complexes en anti-. Dans le dernier paragraphe de ce dernier chapitre, nous consacrerons encore quelques mots aux mots dérivés en anti- en néerlandais, une langue germanique. Dans cette langue, il n’y a jamais eu beaucoup de discussion concernant les mots en anti-. Nous allons voir si les conclusions que nous avons tirées pour le français concernant la formation de ces mots, sont valables en néerlandais également.

(6)

La morphologie générative

2.0 Introduction

Dans ce chapitre, nous allons donner le cadre théorique dans lequel nous faisons notre recherche concernant le statut d’anti-. La question essentielle de cette étude est de savoir comment il faut classifier le morphème anti-. Le cadre théorique général de ce mémoire est celui de la morphologie générative. De plus, nous nous servons de nombreux autres ouvrages dans lesquels sont présentés des modèles morphologiques importants pour notre analyse.

Dans le premier paragraphe, nous allons introduire brièvement ce que c’est que la morphologie et nous donnerons une esquisse des développements qui ont eu lieu dans l’étude de la formation des mots. Nous parlerons de l’affixation, de la complémentation et de la flexion pour donner une vue générale sur la formation des mots.

Dans le deuxième paragraphe, nous allons discuter des théories morphologiques génératives concernant la formation des mots. Nous parlerons des règles morphologiques formulées par Aronoff (1976) et de la fameuse Right-Hand Head Rule (RHR) ‘Règle de la Tête à Droite’, formulée par Williams (1981) qui avait pour but de déterminer la position de la tête dans des mots composés de plusieurs morphèmes. Ensuite, nous discuterons des inconvénients de cette règle par rapport à la composition dans les langues romanes.

Dans le troisième paragraphe, dans la première section, nous donnerons, en nous référant à Selkirk (1982), un survol des théories qui ont été à la recherche d’une explication pour la différence entre la position de la tête des composés dans les langues germaniques et dans les langues romanes en mentionnant les ‘Licensing Conditions’, ‘Conditions de légitimation’ de Lieber (1992).

Puis, nous mentionnerons de façon plus profonde le modèle intéressant, présenté par Bok- Bennema et Kampers-Manhe (2001), qui explique le fait que dans la composition romane la tête des mots composés se trouve à gauche. Les composés romans posent des problèmes pour la théorie de la syntaxe des mots existants, mais dans l’étude de Bok-Bennema et Kampers- Manhe, les deux auteurs proposent un cadre théorique qui explique bien ces problèmes et qui donne une réponse justifiée à la question de savoir pour quelle raison les mots composés dans les langues romanes ont leur tête à gauche. Nous allons voir qu’il y a également des composés romans qui ont leur tête à droite, à savoir les composés qui contiennent des préfixoïdes, et qui forment ainsi une exception par rapport aux autres composés romans qui ont tous la tête à gauche. Le modèle de Bok-Bennema et Kampers-Manhe fournit également une solution pour

(7)

cette question. Dans la dernière section de ce paragraphe, nous discuterons des structures, présentées dans l’étude de Bok-Bennema & Kampers-Manhe, qui sont intéressantes pour l’analyse du morphème anti-.

2.1 La morphologie

Lorsque l’on lit les journaux, les magazines ou même parfois lorsque l’on joue au scrabble ou à un autre jeu où il faut former des mots, on trouve souvent des mots qui sont nouveaux. Bien que ces mots ne figurent pas dans le dictionnaire, on sait si ces mots sont possibles ou non. On n’a donc pas besoin d’un dictionnaire pour créer des mots et notre sentiment de la langue nous permet de savoir si ces mots nouvellement créés sont corrects ou non. Il faut donc que les locuteurs d’une langue possèdent un système dans leur cerveau qui fait qu’ils peuvent créer des mots. En français, par exemple, on ressent immédiatement que le mot eurgrand n’est pas bien formé, mais que le mot grandeur est tout à fait correct. L’ordre à l’intérieur du mot eurgrand n’est donc pas un ordre qui est correct en français, parce que la partie –eur doit suivre la partie grand- et non pas la précéder. C’est pour cette raison que l’on trouve également des mots comme hauteur au lieu de eurhaut. Bien que le mot n’existe pas en français, on pourrait suggérer que le mot petiteur devrait être possible en français parce que ce mot a exactement la même structure que hauteur et grandeur, mais ce n’est simplement pas utilisé en français. Le mot eurpetit, par contre, serait tout de suite rejeté par les francophones comme un mot qui ne peut jamais exister en français. Il apparaît donc que la formation des mots suit des règles spécifiques. L’étude de ces règles et la connaissance (inconsciente) que les humains ont de ces mots, est l’étude de la morphologie.

La morphologie s’occupe donc des règles de formation des mots et son but est de donner une caractérisation explicite et finie de tous les mots possibles d’une langue de sorte que l’on puisse faire une caractérisation de la capacité de former de nouveaux mots par les locuteurs natifs. Cette caractérisation doit donc comprendre uniquement les mots qui sont acceptés comme corrects par les locuteurs natifs. C’est ce que l’on appelle l’adéquation observationelle. De plus, les linguistes exigent qu’une telle caractérisation soit descriptivement adéquate, ce qui signifie qu’une grammaire doit donner une description de la connaissance systématique qu’ont les locuteurs par rapport à la construction des mots ce qui s’exprime dans les intuitions concernant leur grammaticalité et leur ambiguïté etc. (Don, E.A.

et al. (1994 : 18)). Comme nous l’avons vu ci-dessus, le mot non-attesté petiteur pourrait être

(8)

considéré par les francophones comme un mot qui est bien formé et comme un mot possible du français. De plus, ils savent tous que ce mot à un rapport avec l’adjectif petit. Une morphologie qui ne rend pas compte de cette question, n’est pas descriptivement adéquate.

Une autre exigence, surtout mentionnée par les linguistes générativistes, est celle qui consiste à dire que la caractérisation morphologique d’une langue est explicativement adéquate, ce qui réfère a l’intention de ce groupe de linguistes de répondre à la question de savoir pour quelle raison il est possible que les enfants apprennent leur langue maternelle si vite et cela sans instruction explicite et avec des données incomplètes. Une grammaire qui répond à ce dernier critère, et qui suit donc la Grammaire Universelle, est considérée comme explicativement adéquate. Avant de parler plus en détail de la morphologie générative, il faut donner quelques caractéristiques générales de ce champ d’études. D’abord, il faut savoir la frontière entre la morphologie, l’étude qui s’occupe des mots, et le domaine linguistique concernant les éléments plus petits que les mots, à savoir les sons (la phonologie), et celle entre la morphologie et la syntaxe, l’étude qui analyse la formation des phrases, des éléments plus grands que les mots. La phonologie concerne la construction des sons et bien qu’il y ait de l’interaction avec la morphologie, ce sont les règles phonologiques qui expliquent pour quelle raison un mot comme mngaeable n’est pas correct. Les locuteurs français considèrent un tel mot comme agrammatical parce que dans les mots simples il n’y a pas un mot qui connaît la combinaison mng . On explique donc que ce mot est incorrect par des règles phonologiques et non pas par des règles morphologiques. Par contre, un mot comme ablemange est incorrect parce que la règle morphologique qui dit qu’un élément comme –able doit suivre la racine et non pas la précéder, n’est pas respectée. D’une part, la morphologie est donc délimitée par la phonologie, de l’autre, par la syntaxe, le domaine qui concerne la construction des phrases.

Prenons pour exemple les phrases suivantes (2.1) :

(2.1) a. Marie regarde les photos avec les enfants b. Avec les enfants, Marie regarde les photos.

Dans cet exemple, la phrase (a) peut être ambigue, tandis que la phrase (b) ne l’est pas. La première phrase peut signifier : Marie regarde [ les photos] [ avec les enfants] ou bien Marie regarde [les photos avec les enfants]. Dans la première phrase, on exprime une activité ( regarder les photos) que Marie fait ensemble avec les enfants, mais dans la deuxième phrase, Marie ( toute seule) regarde les photos sur lesquelles sont les enfants. Nous comprenons que lorsque le constituant Avec les enfants est situé devant, il ne peut plus faire partie du

(9)

constituant plus grand Les photos avec les enfants. La syntaxe ne décrit pas l’ordre des morphèmes, mais les possibilités de l’ordre des mots dans une partie de phrase ou une phrase en entier. Maintenant que l’on a délimité le domaine de la morphologie, nous pouvons faire une distinction à l’intérieur des processus de formation des mots. Nous pouvons observer trois types de formation des mots, à savoir l’affixation, la flexion et la composition.

2.1.1 L’affixation

Par affixation, on entend la concaténation d’un affixe à une base. Dans l’exemple mentionné ci-dessus, à savoir grand-eur, on pourrait dire que ce mot est dérivé de la base adjectivale grand en ajoutant l’affixe –eur à la fin. L’affixe –eur est un élément qu’on ne trouve pas tout seul dans une phrase, mais il doit être attaché à une base. Regardons les exemples suivants (2.2) :

(2.2) pomme pomm- ier

poire poir-ier

grand grand- eur grand-ir haut haut-eur

klein klein-er klein-heid ver-klein (néerlandais)

‘petit’ ‘plus petit’ * ‘petiteur’ ‘diminuer’

groot groot- er groot-heid ver-groot (néerlandais)

‘grand’ ‘plus grand’ ‘grandeur’ ‘agrandir’

globaliste anti-globaliste1 voir re-voir

faire dé-faire

Quand on regarde les exemples, on voit que parfois l’affixe s’attache à droite de la base (pommier, grandeur, grootheid) et parfois à gauche de la base. Un affixe s’attache toujours du même côté de sa base ( poir-ier, pomm-ier et non pas ier-poire et ier-pomme). Les affixes qui s’attachent à gauche de la base, qui donc précèdent la base, sont des préfixes et ceux qui

1 Nous avons classifié anti- ici comme un préfixe, mais c’est juste pour donner un exemple pour montrer que les mots dérivés qui sont formés avec anti- sont souvent considérés comme des mots préfixés. Je reviens sur cette question dans les chapitres suivants, mais pour le moment, je suis le point de vue général qui classifie anti- comme un préfixe.

(10)

s’attachent à droite de leur base, qui suivent donc leur base, sont des suffixes. Pour répondre à la question de recherche, il est important d’analyser les effets causés par l’ajout des affixes aux mots. Premièrement, l’ajout d’un affixe peut changer la catégorie de la base. L’adjectif groot en néerlandais devient un nom quand on ajoute le suffixe –heid.. En néerlandais, on peut même trouver un préfixe qui fait des verbes à partir d’un adjectif. L’ajout du préfixe ver- à l’adjectif groot, fait que la catégorie change parce que le mot ver-groot appartient à la catégorie des verbes. Un deuxième changement qui a lieu est que le sens est changé par l’affixation. Groter veut dire autre chose que groot, et faire ne veut pas dire la même chose que défaire. Le préfixe ver- change le sens des adjectifs en ‘devenir plus A’. Troisièmement, la forme phonologique du mot de base peut changer, comme on peut le voir dans les mots haut et hauteur. Dans haut on ne prononce pas le /t/ final, mais dans hauteur le suffixe –eur nous force a prononcer le /t/. Quand on analyse les affixes, on peut constater qu’il y a certains affixes qui forment des noms, certains d’autres qui forment des verbes, des adjectifs ou des adverbes (-ment p.e.). Les affixes ne s’attachent pas seulement aux mots inarticulés comme groot, mais ils s’attachent bien également aux formes qui sont déjà affixées comme le montre l’exemple suivant en néerlandais (2.3) :

(2.3) werk ver-werk ver-werk-baar ver-werk-baar-heid

‘travailler’ ‘transformer’ ‘qui peut être transformé’ ‘le fait de pouvoir être transformé’

Jusqu’ici, nous avons parlé de l’affixation, ce qu’on peut résumer comme étant la concaténation d’un affixe à une base. Dans le chapitre suivant, nous présenterons en détail spécialement les caractéristiques des préfixes, parce que cela est nécessaire quand on veut analyser le morphème anti-, qui est souvent considéré comme un préfixe. Pour donner une vue complète de la morphologie, il faut d’abord donner une image de l’autre type de formation des mots, à savoir la composition.

2.1.2 La flexion

Jusqu’ici, tous les exemples d’affixation que nous avons vus sont des exemples de dérivation.

En français, la dérivation est un processus qui fait que l’on crée de nouveaux mots par la concaténation d’un autre mot et d’un affixe (affixation). La dérivation change la forme phonétique, le sens et la catégorie. Par contre, l’(in-)flexion est un processus d’affixation qui

(11)

n’a pas comme produit un nouveau mot, mais plutôt une nouvelle forme d’un mot existant (Don, E.A. et al. (1994 : 18)). La flexion change donc la forme du mot, mais non pas le sens ou la catégorie. De plus, les possibilités d’utiliser un tel mot en syntaxe sont changées. Nous voyons ce processus par exemple dans la conjugaison des verbes. Comparons le processus dérivationnel de l’affixation par l’intermédiaire du suffixe –eur et le processus flexionnel de l’affixation en –ons (2.4) :

(2.4) (a) grand-eur (b) parl-ons

haut-eur souffl-ons

splend-eur habit-ons

Par l’ajout du suffixe flexionnel –ons aux racines parl-, souffl- et habit-, on crée des formes de ces verbes qui peuvent être utilisés uniquement à la première personne, pluriel, indicatif, présent. Cette forme fléchie ne peut donc être utilisée que dans certaines fonctions syntaxiques spécifiques. Si nous voulons utiliser un verbe dans une phrase, il faut employer la forme fléchie correcte. C’est le contexte syntaxique qui détermine quelle forme est celle qu’il faut. Ceci est montré dans les exemples sous (2.5) :

(2.5) a. # Vous parlons du match de foot entre la France et l’Italie.

b. Nous parlons de ce qui s’est passé avec Marie.

c. Nous parlons du film que l’on a vu hier

Ces exemples montrent bien qu’il n’y a pas vraiment un changement de sens, tandis que le produit d’un processus dérivationnel a vraiment un autre sens : Grand est différent de grandeur.

En français, il n’y a pas d’exemples de différentes formes de noms singuliers comme en latin (2.6) :

(2.6) Latin : hortus ‘jardin’

nom. hortus gén. horti dat. horto acc. hortum abl. horto

(12)

Par contre, le français connaît, à côté de la flexion des verbes, également la flexion des adjectifs, comme ce qui est montré par un pantalon vert vs. une plante verte, dans lequel la flexion, la partie soulignée, est utilisée pour déterminer si l’adjectif qualifie un nom masculin ou un nom féminin. Il y a encore d’autres différences qui distinguent la dérivation de la flexion, mais il n’est pas le but de ce mémoire d’en parler en détail. Nous pouvons maintenant donner une meilleure définition de la racine : la racine d’un mot est un mot sans affixes flexionnels et sans d’autres mots qui fonctionnent comme modificateurs. Cette notion joue un rôle important dans la théorie de Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000). Ayant donné une définition générale de la morphologie, nous allons nous concentrer maintenant sur les articles qui ont été rédigés dans le cadre de la morphologie générative, dont nous avons brièvement parlé ci-dessus.

2.1.3 La composition

Quand on considère l’affixation comme étant la concaténation d’un affixe à une base, on peut décrire la composition comme la concaténation de deux mots ou morphèmes libres, ce que l’on peut voir dans les exemples suivants (2.7) :

(2.7)

(a) NN homme (N) grenouille (N) homme-grenouille(N)

sac (N) poubelle (N) sac-poubelle (N)

woorden (N) boek (N) woordenboek (N) (néerl.)

‘mots’ ‘livre’ ‘dictionnaire’

televisie (N) scherm (N) televisiescherm (N)

‘télévision’ ‘écran’ ‘écran de télé’

televisiescherm(N) fabricagehal(N) televisieschermfabricagehal (N)

‘hall où on fabrique des écrans de télé’

(b) AN/NA long(A) drink (N) long drink (N) (angl.)

‘long drink’

chaise (N) longue (A) chaise longue (N)

(13)

(c) PN sans (P) diplôme (N) sans-diplôme (N) après (P) shampooing (N) après-shampooing (N)2

pour (P) boire (V) pourboire (N)

Dans les exemples, on peut voir qu’il y a différents types de composés nominaux. Il y en a qui consistent en un nom et un nom et il y en a qui consistent en un nom et un adjectif et certains d’autres qui sont composés d’un nom et d’une préposition. Dans le chapitre suivant, nous discuterons des caractéristiques des prépositions de façon détaillée pour expliquer les mots complexes qui consistent en une préposition et un nom. Le modèle de Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000) présente la structure de ces mots composés, ce qui est montré dans la section 3 de ce chapitre. Dans les langues germaniques, on voit que les mots composés peuvent être réutilisés comme le montre le mot composé complexe televisieschermfabricagehal. Le nom de ce phénomène est la récursion, un processus qui est beaucoup moins fréquent dans les langues romanes, ce qui est expliqué dans le modèle développé par Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000), dont je parlerai dans la section 3 de ce chapitre. Les mots composés nominaux forment le plus grand groupe des mots composés, mais on trouve également des mots composés adjectivaux ou verbaux3 (2.8):

(2.8) (a) bleu (A) ciel (N) bleu ciel (A) hemel (N) blauw (A) hemelsblauw (A)

(b) zweef (V) vlieg(V) zweefvlieg (-en) (V) ‘faire du vol à voile’

goed (A) keur (V) goedkeur (-en) (V) ‘approuver’

Dans ces exemples, il ne peut pas être question de récursion, donc ce phénomène n’existe que pour les mots composés nominaux. Une question qui se pose est de savoir la raison pour laquelle certains composés sont nominaux, d’autres verbaux et encore d’autres adjectivaux.

On a vu ce problème également parmi les mots affixés, mais dans ce cas-là, on pouvait dire que c’étaient les affixes qui étaient responsables du fait que par exemple un adjectif comme grand est changé en nom par l’affixe –eur, ce qui donne grand-eur. Il suffit de constater qu’il existe des affixes qui forment des noms, d’autres qui font des verbes etc. Dans les mots composés, la généralisation est, en tout cas dans les mots composés dans les langues

2 ces exemples sont repris à Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000)

3 ces exemples sont empruntés à Kampers-Manhe (2001) et à Don (1994)

(14)

germaniques, qu’un composé a toujours la catégorie du mot à droite dans le composé. Quand ce mot à droite est un verbe, tout le composé devient un verbe, quand ce mot est un nom, tout le composé devient un nom etc. Cette généralisation est très importante pour une discussion de la position de la tête, entamée par Williams en 1981. Nous y revenons dans la section suivante, mais d’abord nous allons encore consacrer quelques mots à la flexion en morphologie pour être complet.

2.2 La morphologie générative

2.2.1 Les règles morphologiques génératives

On a vu que les affixes dans les mots affixés, s’attachent à leur base dans un certain ordre spécifique. La structure suivante reflète le sens des mots affixés comme ver-werk-baar-heid

‘fait d’être facile à travailler’4 (2.9):

(2.9) (a) [[[ver[werk]]baar]heid]

(b) [werk]

[ ver [werk]]

[[ ver [werk]] baar]

[[[ver [werk]] baar] heid]

Cette une manière pour montrer de quelle façon ce mot est formé, donc premièrement le préfixe ver- est ajouté à la racine werk, ensuite le suffixe –baar y est adjoint et pour transformer le dérivé en nom, le suffixe nominal –heid y est attaché. On peut également utiliser un arbre pour expliquer le sens de ce mot (2.10):

(2.10) N

A V

V

ver werk baar heid

Don, E.A. et al. (1994 :34)

4 cet exemple a été emprunté à Don, E.A. et al. (1994)

(15)

Pour trouver des arguments pour savoir dans quel ordre les affixes sont adjoints, on peut analyser l’ordre linéaire, la catégorie du mot dérivé, le sens du mot dérivé, les caractéristiques de sous-catégorisation des affixes.5 Dans la morphologie générative, on essaie toujours de trouver les principes généraux qui peuvent expliquer de quelle manière les bases et les affixes peuvent être combinés. Dans la morphologie, on trouve ce que l’on appelle des ‘bracketing paradoxes’. Ce sont des mots composés que l’on peut représenter par deux structures différentes, par exemple le mot anglais student film society. On peut donner les structures suivantes à ce mot (2.11) :

(2.11) (a) [[student] film society] (b) [[student film] society]

Ce mot peut donc avoir deux sens, dont le premier (a) sera une société de films pour les étudiants et dont le deuxième (b) sera une société de films d’étudiants. Il faut trouver une manière de représenter systématiquement les structures affixées et composées d’une langue pour bien expliquer la relation entre le sens et la structure, qui rende compte de la différence entre les deux structures mentionnées ci-dessus. En 1976, Mark Aronoff a commencé à faire cela en émettant des règles pour la formation des mots (WFR). En utilisant ces règles, on peut décrire par exemple les affixes utilisés dans une langue. En néerlandais, le suffixe –ig, lorsqu’il s’attache à un adjectif (A), donne à cet adjectif le sens de ‘quelque peu A’. Quand on examine l’adjectif nat ( ‘mouillé’) et quand on y attache le suffixe –ig, on obtient le mot nattig, qui a le sens de ‘quelque peu mouillé’. Maintenant, on peut formuler une règle qui décrit le comportement du suffixe –ig en néerlandais (2.12) :

(2.12) [A] + -ig  [[A]-ig] A ‘quelque peu A’

Don, E.A.et al. (1994 :39)

C’est un exemple de ce que font les règles d’Aronoff. Les règles de la formation des mots donnent une impression de ce que l’on sait d’un certain affixe dans ce cas-là. Elles nous fournissent de l’information sur la catégorie des mots qui sont formés avec cet affixe, sur la catégorie des bases avec lesquelles cet affixe peut être combiné, sur le sens des mots que cet affixe forme et finalement, elles nous donnent également de l’information sur la forme

5 Pour une explication détaillée voir Don, E.A. et al (1994 : 33-36)

(16)

phonétique du mot complexe. En principe, on peut donc décrire tous les mots dérivés et composés d’une langue en émettant des règles comme celles mentionnées ci-dessus, pour tous les affixes et toutes les combinaisons dans les mots composés. Pourtant, il faut également rendre compte du fait qu’il y certaines régularités entre ces règles morphologiques. On introduit pour cela l’idée que les mots ont, ainsi que les groupes des mots en syntaxe, une tête.

C’est la tête qui détermine la catégorie, le sens et le genre du mot. Quand on regarde de nouveau les exemples des mots composés ci-dessus, on voit que dans tous les composés nominaux au moins un des deux constituants est un nom et que dans tous les composés adjectivaux au moins un des deux constituants est un adjectif etc. La catégorie du mot entier est déterminée par un des deux constituants, à savoir la tête. On considère les mots composés dans lesquels il y a une tête comme étant des composés endocentriques. Pour déterminer la position de la tête, donc si la tête se trouve à gauche ou à droite dans les composés, Williams (1981) a établi la Règle de la tête à Droite, the Right Hand Head Rule. Il fait usage d’autres règles que celles dont se sert Aronoff. Williams utilise les mêmes règles que celles qui sont utilisées en syntaxe à savoir les règles de réécriture ou bien les règles de X’ (X barre). Cette idée qui consiste à dire qu’il existe un parallélisme entre la syntaxe et la morphologie est appuyée plus tard, parmi d’autres, par Selkirk (1982) et Lieber (1992). Le fait de considérer que les règles qui sont valables en syntaxe valent également pour la composante morphologique a l’avantage qu’il n’est plus nécessaire de formuler des règles pour tous les affixes et tous les faits morphologiques, parce que l’on considère les affixes comme ayant plus au moins les mêmes caractéristiques que les radicaux. Les radicaux ainsi que les affixes sont rangés dans un lexique mental et ce sont donc tous des éléments lexicaux. Les règles-X’

permettent de généraliser beaucoup plus les phénomènes morphologiques. D’abord, nous allons analyser plus en détail la RHR formulée par Williams (1981), parce que cette règle rigide a entamé une discussion vivante parmi les linguistes qui ont parlé des mots composés dans différentes langues.

2.2.2 La Règle de la Tête à Droite et ses conséquences

Pour justifier la position de la tête à droite dans les mots composés anglais, Williams (1981) a formulé une règle, qui, selon lui, est une règle morphologique universelle, the Right-Hand Head Rule. Cette règle marque l’élément le plus à droite d’un mot composé comme étant la

(17)

tête de toute cette structure morphologiquement complexe. Williams suggère que cette règle est valable pour toutes les langues (2.13) :

(2.13) Right-Hand Head Rule (RHR)

In morphology we define the head of a morphologically complex word to be the right –hand member of that word.

Williams 1981 : 248

Il est vrai que cette règle permet de distinguer la position de la tête dans un grand nombre de dérivés français (1a), espagnols (1b), italiens (1c) et hollandais (1d)6 (2.14)

(2.14) (1) a. pommier, planchiste, matifier

b. portable ‘portable’, pianista ‘pianiste’, modernizar ‘moderniser’

c. bibliotecario ‘bibliothécaire’, giovanile ‘juvénile’, beatificare ‘béatifier’

d. Amsterdammer ‘habitant d’Amsterdam’, wasbaar ‘lavable’, moderniseren

Dans chaque cas, on voit que c’est le suffixe, l’élément le plus à droite, qui transmet au dérivé sa catégorie et son genre et qui est donc la tête. Le suffixe –ier est nominal et masculin ainsi que le dérivé pommier et de plus, il indique que le dérivé marque une sous-classe, à savoir celle des arbres donnant des pommes. Cette règle est valable également pour les composés endocentriques en anglais et en néerlandais, comme le montrent les exemples suivants empruntés à Kampers-Manhe (1993) et Bok-Bennema (1993) (2.15):

(2.15) (2) a. frogman (angl.), kikvorsman (néerl.) b.‘garbage-bag’ (angl.), vuilniszak (néerl.)

Mais si l’on regarde leurs équivalents en français et en espagnol, on voit que la RHR ne peut pas être correcte pour ces composés endocentriques (2.16) :

(2.16) (3) a. homme grenouille ( fr.), hombre rana (esp.)

6 Ces exemples sont empruntés à Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2001)

(18)

(4) b. sac-poubelle (fr.), bolsa de la basura (esp.)

Dans les composés endocentriques romans, la tête se trouve à gauche, une caractéristique de ces mots qui ne correspond pas à la RHR. Bien que Williams et DiSciullo (1987)7 reconnaissent ce problème, ils sont d’avis pourtant que la RHR est universelle, parce qu’ils considèrent les composés du type timbres-poste comme étant des locutions figées. Ils vont même encore plus loin en énonçant que la composition n’existe pas du tout en français et que par conséquent, il n’est pas nécessaire de reformuler la RHR : cette règle est valable pour le français également. Cela est prouvé d’autant plus, selon eux, par l’existence des mots dérivés en français qui ont tous leur tête à droite ce qui est conforme à la RHR.

De nombreux linguistes ont critiqué ce point de vue parce que si l’on suit l’optique de Williams et Di Sciullo, il faut considérer de nombreux composés romans, dont il est très clair qu’ils ont leur tête à gauche, comme des exceptions. De plus, on voit beaucoup de néologismes qui sont des mots composés avec la tête à gauche, ce qui prouve que la formation des mots composés avec la tête à gauche est une règle très productive. 8

Selkirk (1982) est d’accord avec le point de vue que la plupart des composés anglais sont des constructions endocentriques avec leur tête à droite.9 Pourtant, elle nomme également quelques types de composés anglais qui ont nettement leur tête à gauche comme grow up

‘grandir’, step down ‘descendre’ et certains composés qui sont exocentriques (p.19). Dans ces exemples, il est très clair que la tête de ces composés est le verbe qui se trouve à gauche.

Selon Selkirk (1982) la règle énoncée par Williams, la RHR, ne suffit pas pour caractériser les mots composés anglais dont il est clair que la tête se trouve à gauche comme par exemple la catégorie mentionnée ci-dessus. De plus, cette règle ne réussit pas à donner une explication pour les mots fléchis ( p.e. auteur-s ) dont ce n’est pas l’affixe flexionnel qui se trouve à droite qui est la tête. Selkirk explique qu’en syntaxe en général, un constituant Ci est considéré comme étant la tête d’un constituant Cj lorsqu’il répond à deux conditions : Il faut qu’il soit de la même catégorie syntaxique que Cj et il faut qu’il soit à un niveau plus bas dans la hiérarchie X’ que Cj. Elle propose de changer la RHR pour que cette règle trop rigide soit capable de rendre compte des composés qui ont la tête à gauche aussi bien que des composés qui ont la tête à droite. De cette façon, on n’a pas besoin de considérer les composés romans comme des exceptions à cette règle. Elle énonce sa RHR révisée de façon suivante (2.17) :

7 voir DiSciullo et Williams (1987 : 83)

8 pour des exemples, voir Bok-Bennema (1993) et Kampers-Manhe (1993)

9 voir Selkirk (1982 :19)

(19)

(2.17) Right-hand Head Rule (revised)

In a word-internal configuration,

Xn

P Xm Q

where X stands for a syntactic feature complex and where Q contains no category with the feature complex X, Xmis the head of Xn

Selkirk (1982:20)

Quand on utilise cette formulation de Selkirk, c’est l’élément le plus à droite qui est la tête du mot complexe sauf si cet élément ne peut pas fonctionner comme tête, c’est l’élément directement à gauche de celui-ci qui est la tête et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on trouve un élément convenable. Selkirk considère que la RHR n’est pas universelle, parce qu’en français et en vietnamien les composés qui ont la tête à gauche prédominent. Elle est d’avis que la RHR fait partie de la grammaire anglaise et que c’est un paramètre fixe pour cette langue.

La tête d’un constituant est essentielle dans la description qui explique de quelle façon les propriétés diacritiques liées à la morphologie flexionelle ainsi que dérivationelle sont distribuées. Pour faire en sorte que le constituant soit bien formé, il faut une condition qui assure qu’un constituant et sa tête aient les mêmes traits. Ceci est déjà mentionné par Williams (1981) et Selkirk formule cette condition comme ce qui suit ( 2.18) :

(2.18) Percolation

If a constituant α is the head of a constituent β, α and β are associated with an identical set of features (syntactic and diacritic)

Selkirk (1982:21)

Cependant, cette règle révisée sous (2.17) ne donne pas d’explication pour la différence entre les langues romanes et les langues germaniques concernant la position de la tête dans les composés du type NN comme sac-poubelle, ou NA/ AN comme chaise longue en français et

(20)

long chair en anglais.10 La RHR, même révisée, ne rend compte que des ressemblances entre les dérivés romans et germaniques, qui ont leur tête à droite tous les deux. Pour pouvoir expliquer ces différences cependant, il faut donc choisir une autre approche qui analyse de façon profonde les conséquences de la RHR. De nombreux linguistes ont essayé de formuler une théorie qui permette de bien rendre compte de ces différences. Dans la section suivante, nous allons parler de différentes approches des linguistes qui ont analysé de façon détaillée comment la position de la tête est déterminée. Il apparaît que les différences dépendent d’un choix paramétrique. Nous étudierons spécialement le modèle proposé par Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000) qui sont d’avis « qu’une conception différente de la structure morphologique permet de rendre compte de ces faits de façon systématique ».11

2.3 La différence entre les langues germaniques et les langues romanes

2.3.1 A la recherche d’une explication argumentée des différences

Comme nous l’avons mentionné dans la section précédente, les composés du type NN ont été discuté amplement dans la littérature, comme par exemple par Williams (1981) et par Selkirk (1982)12 qui ont énoncé une règle pour stipuler lequel des deux éléments est la tête dans un mot complexe. La RHR énoncée par Williams et les changements de cette règle par Selkirk, dont nous avons parlé ci-dessus, posent pourtant des problèmes pour la composition dans les langues romanes. Bien que la RHR essaie de désigner la tête d’un mot composé, elle ne donne pas d’explication pour les différences entre les composés du type NN dans les langues romanes et dans les langues germaniques. De plus, cela n’explique pas la raison pour laquelle les composés nominaux du type NA dans les langues romanes ont comme équivalents dans les langues germaniques des composés nominaux du type AN ( chaise longue(fr.) vs. long chair(angl. ‘lounge-chair’)) Il apparaît qu’il est question d’un choix paramétrique par les langues spécifiques. Un autre problème qui est montré par les langues romanes, c’est que plusieurs paramètres entrent en jeu. En matière de composition, la position de la tête est à gauche dans les langues romanes, mais les dérivés romans suivent la RHR et la position de la tête est donc à droite comme on peut le voir dans les exemples suivants (2.19):

10 voir Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2001)

11 voir Kampers-Manhe (2000)

12 voir également DiSciullo & Williams (1987), Scalise (1988), Hoeksema (1992), Lieber (1992) Brousseau (1989), Kampers-Manhe (1993), Bok-Bennema (1993), Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2001)

(21)

(2.19) Fr. : poirier, pianiste

Esp. : automovilista ‘automobiliste’, enriquecer ‘enrichir’

Lieber (1992) essaie, déjà avant Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000), de donner une explication argumentée pour cette différence. Selon elle, la RHR est trop rigide et non universelle. En 1980, elle avait déjà proposé un système de la percolation des traits qui permet à l’affixe le plus à l’extérieur, un préfixe où un suffixe, de déterminer la catégorie et les traits du mot complet. La tête du mot peut être l’élément le plus à droite ou bien l’élément le plus à gauche. En syntaxe, la direction de la position de la tête est déterminée par la théorie concernant les rôles thématiques et celle qui règle l’attribution des cas. Alors, si la position de la tête doit être désignée dans la morphologie d’une langue comme un élément spécifique de cette langue, il faut qu’il y ait encore des principes de morphologie qui se distinguent des autres principes de la grammaire. Par conséquent, si la direction de la position de la tête doit être déterminée pour la formation des mots séparément, il faut permettre une composante de formation des mots distincte de la grammaire. Selon elle, l’ordre des mots dépend des principes généraux et il est donc nécessaire de trouver une théorie « in which all principles of grammar apply both above and below word-level. »(Lieber 1992 : 33) Dans ce cas, cela veut dire que l’élément tête est déterminé définitivement pour chaque langue, pour la formation des mots ainsi que pour la syntaxe des phrases.

Elle énonce ces principes généraux comme des ‘Licensing conditions’, des conditions de légitimation. Ces conditions définissent la position des spécificateurs, des modificateurs ainsi que la position des compléments par rapport à la tête (2.20) :

(2.20) Licensing Conditions

a. Heads are initial/final with respect to complements and adjuncts.

i. Theta-roles are assigned to the left/right ii.Case is assigned to the left/right

b. Heads are initial/ final with respect to specifiers c. Heads are initial/ final with respect to modifiers

(Lieber 1992: 35) Selon Lieber, ces ‘Licensing Conditions’ représentent « the minimal set of parameters needed to fix the linear order of heads with respect to nonheads », l’ensemble minimal de paramètres qui est nécessaire de stipuler l’ordre linéaire des têtes par rapport aux non-têtes. (Lieber 1992:

(22)

35) Elle essaie d’expliquer de nombreuses différences entre les types de formation des mots en anglais et ceux en français et en néerlandais qui sont, selon cette linguiste, une conséquence d’un choix paramétrique. En analysant ces diversités de cette façon, l’auteur montre que le français ne choisit que pour les modificateurs un ordre différent de celui en anglais. Par conséquent, le français choisit donc d’autres paramètres pour la position des modificateurs que l’anglais, parce qu’en français, le modificateur est placé à droite de la tête.

Lieber fixe les ‘Licensing Conditions’ pour le français (2.21) :

(2.21) Licensing Conditions for French

a. Heads are initial with respect to complements b. Heads are initial with respect to modifiers c. Heads are final with respect to specifiers

Lieber (1992:65)

Maintenant qu’elle a énoncé ces conditions pour le français, Lieber peut dire aux quelles différences on peut s’attendre entre la formation des mots en français et en anglais. Pour cette raison, le mot ‘timbre-poste’ a sa tête à gauche en français et son équivalent en anglais

‘ postage stamp’ a sa tête à droite.

Les ‘Licensing Conditions’ que Lieber a formulées nous aident à expliquer les différences entre les langues concernant la formation des mots. Pourtant, suivant les développements de la théorie de la syntaxe, il est montré que la vérification des rôles thématiques ou celle des cas est seulement faite par des déplacements visibles (Kayne, 1995). Alors, les différences de l’ordre linéaire, comme on a vu dans les exemples anglais et français, sont le résultat des déplacements. Si l’on accepte ce point de vue qui détermine l’ordre des mots en syntaxe d’une part et si l’on veut garder l’idée de Lieber qui a dit qu’il faut trouver une théorie qui fixe définitivement l’élément de la tête pour la formation des mots ainsi que pour la syntaxe d’autre part, voir ci-dessus, il faut expliquer les différences entre les langues concernant la formation des mots d’une autre manière. C’est ce que Bok-Bennema et Kampers-Manhe ont essayé de faire en proposant leur modèle en 2000. Dans ce qui suit, nous allons discuter de façon plus détaillée de leur modèle concernant la formation des mots.

(23)

2.3.2 Le modèle de Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2000)

Dans le modèle de Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2000), les auteurs essaient de trouver une approche alternative pour la morphologie, qui est conforme aux développements et aux principes de la syntaxe de la phrase, énoncés par Chomsky(1995) et Kayne (1995), une idée que Selkirk (1982) a poursuivie également. Selon les deux linguistes, les principes qui sont valables pour la syntaxe sont également valables pour la morphologie. Elles fondent leur conception de la structure syntaxique sur le modèle formulé par Kayne (1995). Selon ce linguiste, toutes les structures syntaxiques ont un ordre de base fixe. Ces structures comportent toutes une position de spécificateur/ ajoût, une position de tête et une position de complément. L’orde fixe découle du LCA, le Linear Correspondence Axiom, ‘l’axiome de correspondance linéaire’. C’est un principe qui donne une réponse à la question de savoir pour quelle raison les têtes suivent toujours les spécificateurs et les ajouts, alors qu’elles précèdent toujours les compléments. L’auteur est d’avis qu’il existe une correspondance entre la structure hiérarchique et l’ordre linéaire observé qui est rigide. (Kayne 1995 : 14) Kayne considère cet ordre de base comme valable pour toutes les langues. Alors, toute phrase qui ne présente pas cet ordre, mais un ordre qui est différent de cet ordre de base, a dû subir des déplacements. Ce qu’il dit, c’est que la structure de base de la phrase française n’est pas différente de celle de la phrase anglaise par exemple. Alors, mêmes les différences entre les langues SVO (comme le français) et les langues SOV (comme le néerlandais) sont le résultat de déplacements vers la gauche dans les langues SOV, alors que la structure de base n’est pas différente.

Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2000) poursuivent la ligne exposée par Selkirk (1982), Lieber (1992) et d’autres (Toman (1983), Sproat (1995) et Walinska de Hackbeil (1986)) en considérant que la structure morphologique est de nature syntaxique. C’est pour cette raison que pour elles, l’ordre linéaire des constituants est basé sur les mêmes principes qu’en syntaxe. Alors, elles utilisent le terme ‘morphologie’ pour la notion de formation des mots présententielle, donc avant la formation des phrases « presentential word-formation » (p.11) Il est clair que certains éléments typiques de la phrase ne jouent pas un rôle dans la morphologie, ainsi que certaines relations qui ne sont présentes que dans la phrase.

Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus, Bok-Bennema & Kampers-Manhe adoptent la position qui dit que les règles et les principes qui sont valables en morphologie ont pratiquement les mêmes caractéristiques que celles et ceux qui sont utilisés en syntaxe. Dans

(24)

ce sens, elles sont d’accord avec la caractérisation de la morphologie comme de la ‘syntaxe sous zéro’, un terme qu’elles ont emprunté à Ackema (1995).

Dans leur approche, Bok-Bennema et Kampers- Manhe font une distinction importante entre les aspects phonologiques et les aspects sémantiques des mots complexes. Elles disent que, si l’on considère les structures morphologiques comme des simples structures d’adjonction, il est problématique de rendre compte des propriétés sémantiques des mots complexes. Ceci a pour conséquence les parenthétisations paradoxales ‘bracketing paradoxes’, ce que nous avons déjà vu ci-dessus.

La structure morphologique consiste alors, selon le LCA formulé par Kayne, en une position de spécificateur/ ajout et en une position de complément, à côte de celle de la tête. L’ordre linéaire de ces positions est donc le même qu’en syntaxe, à savoir Spécificateur/Ajout-Tête- Complément dont (2.22) représente la structure complète :

(2.22) XP

YP XP

X ZP

(Kampers-Manhe 2001 : 160)

Cette structure est la structure complète, avec une position d’ajout et une de complément en plus de celle de la tête. Dans leur article, Bok-Bennema et Kampers-Manhe (p.13) donnent la structure adjonct-tête (adjonction) dans la figure (2.23 a) et la structure tête-complément (complémentation) sous (2.23 b) qui montrent que ces structures sont également possibles sans ajout ou sans complément :

(2.23) (a) XP (b) XP

YP XP X ZP

X

Les composés endocentriques, comme homme-grenouille et sac-poubelle, dont la tête est modifiée par un substantif, présentent la structure d’adjonction et selon la théorie de Kayne,

(25)

ces mots devraient avoir la même structure de base que les composés endocentriques germaniques comme hemelblauw et frogman. 13 En Grammaire générative, tous les déplacements se font à gauche, c’est donc la tête qui se déplace dans les langues romanes.

Les mots apparemment exocentriques, comme brekebeen(néerl.), scarecrow (angl.) et protège-slip, présentent la structure de la complémentation 14(2.24) :

(2.24) VP

V NP

breke been scare crow protège slip

Les mots dérivés comme poirier, planchista (esp.), bibliotecario (it.) Amsterdammer (néerl.) présentent également la structure de la complémentation et les suffixes sélectionnent leur complément. Alors, -ier en français, -ista en espagnol, -ario en italien et –er en néerlandais sont des suffixes nominaux qui sélectionnent des substantifs. Ensuite, la base substantivale choisie doit être incorporée à ce suffixe par le déplacement de tête en tête. C’est donc la tête qui s’adjoint à une autre, ce qui est représenté dans la figure (2.25) :

(2.25) NP NP

N NP N NP

N N N

N

-ier poir(e) poir(e) -ier ti

-ista pian(o) pian(o) -ista

-ario bibliotec(a) bibliotec(a) -ario

-er Amsterdam Amsterdam -er

Kampers-Manhe (2001 : 162)

13 voir pour plus des exemples Kampers-Manhe (2001)

14 Kampers-Manhe (2001)

(26)

Comme un affixe est un morphème lié, il doit se joindre à un radical. Pour expliquer ceci formellement, Bok-Bennema&Kampers-Manhe citent le Stray Affix Filter de Baker (1988 : 140) en se référant à la théorie du programme minimaliste de Chomsky (1995). Le déplacement est causé par le fait que l’affixe flexionel possède un trait fort qui doit être vérifié visiblement par déplacement de son complément, le radical (Bok-Bennema&Kampers- Manhe 2000 : 17-19). Pour répondre à la question de savoir pour quelle raison le déplacement de la tête dans les composés romans est déclenché, les linguistes commencent par l’examen des mots simples dans les langues germaniques et dans les langues romanes.

Dans les mots simples dans les langues romanes, et spécialement en espagnol, il est clair que, quand un mot est utilisé comme base pour un dérivé, il n’a pas la même forme que celle qui est utilisée dans la phrase, ce qu’on peut voir sous (2.26a) et (2.26 b) :

(2.26) a. Cervantes ‘Cervantes’ Cervant-ino ‘de Cervantes’

b. rosa ‘rose’ rosal ‘rosier’

c. doute douteux

En espagnol, c’est visible à l’oral ainsi qu’à l’écrit. Les chercheurs reprennent la théorie de Harris (1991), qui propose que le mot est seulement un radical et que la seule manière dont il puisse fonctionner comme mot est de l’employer avec un marqueur de mot. Dans les exemples de (2.26), on peut constater que c’est uniquement le radical qui est utilisé en combinaison avec un suffixe et non pas le mot en entier. Dans les autres langues romanes, on trouve également ces marqueurs de mot, mais c’est moins visible qu’en espagnol. En français par exemple, c’est le schwa qui est présent dans le mot doute parce que l’on prononce le /t/ et qui fonctionne comme marqueur de mot. Le schwa est également responsable du fait que le [t]

dans un mot comme toute ne tombe pas lorsque l’on le prononce tandis que l’on prononce tout comme /tu/. Alors, ceci montre qu’on peut constater la même distinction entre radical et mot en français qu’en espagnol. Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000) suivent la théorie de Harris en admettant que tout mot consiste en un radical et en un affixe flexionnel, réalisé ou non. Elles continuent en mettant au même niveau l’affixe flexionnel et l’affixe dérivationnel et elles finissent par conclure que la structure d’un mot simple est la même que celle d’un mot dérivé. Tout comme l’affixe dérivationnel, « l’affixe flexionnel incorpore son complément et les traits percolent vers la projection maximale, qui correspond au mot complet » (Kampers-Manhe 2001 : 163) La seule différence est que l’affixe flexionnel n’a pas

(27)

de traits catégoriels et on obtient donc un substantif fléchi complet, qui peut fonctionner comme mot dans la phrase. Comparez ainsi (2.25) à (2.27) :

(2.27) (a) InflP (b) Infl/NP

Infl NP Infl/N NP

N

N Infl N

a ros ros-i a ti

e dout dout-i 0 ti

Ces mots complets fléchis peuvent être utilisés en syntaxe, et donc ils sont recyclés. Les mots dans les langues romanes et dans les langues germaniques ont la même structure de base (comparez poirier à Amsterdammer (2.25)), donc il faut encore trouver une analyse qui explique la raison pour laquelle les composés endocentriques n’ont pas le même ordre et, en d’autres mots, pourquoi la tête du mot composé est déplacée vers la gauche. Il apparaît que la notion de radical est essentielle pour clarifier les différences dans la formation des mots entre les langues romanes et germaniques qui ont été le sujet d’une grande discussion morphologique entamée par Williams en 1981 quand il a énoncé sa Règle de la Tête à Droite.

Quand Bok-Bennema et Kampers-Manhe examinent les composés romans et germaniques plus en détail, elles émettent les hypothèses suivantes qui expliquent la raison pour laquelle l’ordre de surface des mots composés est différent dans les deux langues.

(2.28) En matière de composition l’unité de base est le radical dans les langues romanes.

(2.29) En matière de composition l’unité de base est le mot dans les langues germaniques.

Kampers-Manhe (2001 : 164)

Suivant ces deux hypothèses, elles réussissent à trouver des réponses satisfaisantes aux questions concernant la différence entre les mots composés dans les langues romanes et dans

(28)

les langues germaniques. Dans leur étude, Bok-Bennema & Kampers-Manhe, discutent de nombreux types de mots composés, mais ce n’est pas le but de cette recherche de les analyser tous. Dans la section suivante, nous parlerons plus en détail des structures dont discutent Bok- Bennema&Kampers-Manhe (2000).

Dans leur article, Bok-Bennema & Kampers-Manhe suivent leurs hypothèses en commençant par donner la raison qui explique que la tête dans les composés endocentriques du type NN, comme par exemple homme grenouille, se déplace vers la gauche. Selon l’hypothèse (2.28) la structure d’un mot comme sac poubelle sera la suivante (2.30) :

(2.30) (a) InflP (b) InflP/ NP

Infl NP Infl/N NP

NP N N Infl NP N

0 poubelle sac saci 0 poubelle ti

(Bok-Bennema&Kampers-Manhe (2000:20)

Dans cette figure (2.30), on voit que l’unité de base, dans ce cas le radical nominal sac est modifié par le substantif complet poubelle qui lui est adjoint. Un affixe flexionnel qui lui permet de fonctionner comme mot, sélectionne le NP ainsi formé. Ensuite, la tête nominale est incorporée à l’affixe flexionnel et le trait de sa catégorie percole vers le nœud au-dessus, et on obtient un substantif complet, qui peut-être utilisé de nouveau en syntaxe. « Ce déplacement rend compte de la position linéaire de la tête : à gauche du modificateur. » (Kampers-Manhe (2001 : 164)). Reste encore à expliquer la raison pour laquelle ce déplacement ne se fait pas dans les langues germaniques. D’après l’hypothèse (2.29), c’est le mot qui est l’unité de base dans la composition dans les langues germaniques. Alors, si l’on prend la structure du mot composé néerlandais vuilniszak, qui est l’équivalent de sac poubelle, dans la figure (2.31), on voit que le substantif complet est modifié par un autre mot qui lui est adjoint. Contrairement à l’exemple (2.30), c’est maintenant un mot complet qui est la tête et

(29)

alors, aucun affixe flexionnel n’est nécessaire pour en former un mot. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de déplacement de la tête et que l’ordre de base est conservé.

(2.31) InflP/ NP

NP InflP/NP

vuilnis zak

Dans leur étude, les auteurs admettent que l’idée que la tête des mots composés est un mot complet n’est pas nouvelle. Cette idée est déjà exprimée par Selkirk (1982) pour l’anglais et de plus, elles considèrent la distinction concernant les suffixes qui jouent un rôle dans la dérivation dans les langues germaniques, comme la preuve que le mot complet est une unité de base dans ces langues. En néerlandais par exemple, on trouve des suffixes qui sélectionnent des mots, comme -loos ( moeder-loos ‘sans mère’, dans lequel moeder est la forme complète et il en va de même dans einde-loos ‘sans fin’ où einde est la forme complète) et d’autres qui sélectionnent des radicaux, comme –ig ( genad-ig ‘clément’ alors que l’unité de base est genade). Dans le cas de –loos, l’unité de base est un mot parce que la forme est inchangée alors que dans les langues romanes la forme est différente ( niñ-o/ niñ-eria vs.

moeder/ moeder-loos).

Ces hypothèses (2.28) et (2.29) permettent également d’expliquer pourquoi le phénomène de récursivité est possible dans les langues germaniques, mais impossible dans les langues romanes. Bok-Bennema & Kampers-Manhe (2000) ne le mentionnent pas, mais pour obtenir par exemple [sac poubelle] dépôt, ‘un dépôt pour les sacs-poubelle’, dans cet ordre spécifique, il faut que la tête sac se déplace à gauche pour être incorporée à l’affixe flexionnel pour former un mot complet. Tenant compte de l’hypothèse (2.28), ce mot complet ne peut pas fonctionner comme base d’un composé. Cependant, dépôt [sac poubelle] sera bien possible, parce que dans ce cas, sac-poubelle est le modificateur et rien ne l’empêche de fonctionner de telle façon. Ayant émis ces deux hypothèses, Bok-Bennema et Kampers- Manhe arrivent à expliquer les grandes différences qui existent entre les mots composés romans et germaniques en énonçant que la différence dans l’ordre concernant la position de la tête dans les composés est le résultat du fait que les composés romans ont le radical comme unité de base en matière de composition, tandis que les composés germaniques ont le mot comme unité de base. Ces chercheurs expliquent également de façon détaillée la structure des

(30)

déverbaux exocentriques du type Verbe-Complément, qui est presque la même que la structure des composés exocentriques du type PN et elles discutent également du rôle des préfixoïdes, dans des mots comme narco-dollar. Dans le chapitre suivant, nous parlerons des caractéristiques des préfixes dans les dérivés et de celles des prépositions et des préfixoïdes dans les ‘composés’ et c’est après cette description que nous allons donner les structures de ces types de mots mentionnées dans l’article de Bok-Bennema et Kampers-Manhe (2000).

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

c’est comme on veut: si on dit que ce n’est pas un sport, dans ce cas le tir à l’arc, le golf ou le curling ne le sont pas non plus.» Philippe Quintais n’est pas seulement

Attention: si l’employé de l’état civil est distrait et met deux «n» au lieu d’un, la fillette devient vivante publicité pour le tunnel sous la Manche.. Quant à

En appliquant ce principe dans le cas d’une production continue, on parvient à la conclusion que pour la théorie de la valeur de remplacement il n’y a pas de

Pourtant, à cause des mariages monogamiques et endogènes au village, mais aussi parce que les femmes peuvent être gardiennes d'importants akiin, la sécurité foncière des femmes

L'auteur.. invoque la Poésie, en un passage dont les premiers vers ont été empruntés au VIIe chant de la Henriade. Au second chant on peut lire une tirade anticléricale, prise

nine culmine dans les épreuves superstitieuses mortelles, les tentatives d ’assassinat, les coups volontaires mortels ; elle est plus forte dans les tentatives de

de la ville de Goma tudiants de l’Université de , après avoir informé les autorités locales, a organisé une marche de ce mardi 20 novembre 2012 dans les

(2) Il suffit aujourd’hui de se rendre dans un stade pour le constater: même si le public reste largement masculin, les jeunes filles aiment le rugby.. Explication facile: